
Nul n’est destiné à écrire, encore moins pré-destiné. Parce qu’écrire ne tient ni d’une vocation ni, donc, d’une destination ou d’une destinée. On cesse d’écrire parce que l’on écrit trop, parce que des événements dans notre vie surviennent qui paraissent plus importants que de continuer à écrire.
Ne plus écrire ou arrêter d’écrire – pour un temps comme on dit- a toujours constitué comme une sorte d’horizon. Combien de personnes se sont arrêtées d’écrire dans les pires moments de leur vie? Ou l’inverse aussi souvent…
Le mystère de cesser d’écrire répond au mystère d’écrire…
Quand l’écriture ne s’empare plus d’un auteur…
Qu’est-ce que le lecteur ressent quand un auteur dit qu’il n’écrira plus? Quand l’écrivain américain Philippe Roth a annoncé cela, il y avait une certaine forme de frustration pour ses lecteurs, quelque chose de l’ordre de l’abandon, de la mort. Les lecteurs s’intéressent à l’auteur comme personnage, et ce n’est pas ça qui compte! La personne même de l’écrivain n’est pas si intéressante que cela!

En tant qu’auteure, je considère le fait d’écrire comme une lutte pour la vie contre la mort, contre l’injustice, contre la saleté du monde ou contre la violence du monde.
Arrêter d’écrire est le cauchemar des écrivains. C’est un sujet qui fâche et qui est fâcheux. Ecrire, dans la tête des habitués de cette pratique, c’est s’installer devant une page ou devant son ordinateur pendant plusieurs heures et noircir plusieurs pages, tous les jours. C’est y penser aussi constamment, profiter de chaque moment pour avancer et ne parler que de ça.
Ecrire, c’est trouver l’inspiration. Un auteur n’est pas en panne d’inspiration. Arrêter d’écrire ne veut pas dire qu’on ne reprendra jamais. Mais, on sait aussi que ce n’est pas une panne comme les autres.

Un manque d’inspiration?
Des auteurs traversent des périodes où ils ont totalement arrêté d’écrire. Cela peut être dû à un manque d’inspiration ponctuel. Quand un auteur écrit énormément pendant des années, il finit par être à court d’idées. Cela arrive à tout le monde.
Un auteur peut soudainement se retrouver devant la fameuse page blanche. Il peut s’avérer difficile de dépasser cette épreuve. Surtout quand il n’est pas vraiment habitué à bloquer de cette manière.
Quand un auteur écrit depuis des années comme il respire, se retrouver incapable d’aligner trois lignes parce qu’il a l’esprit totalement vide, c’est extrêmement perturbant.

Le risque de ce manque d’inspiration, c’est d’avoir envie de baisser les bras. On se dit que de toute manière, on n’y arrive plus, que ça ne sert à rien, alors autant faire autre chose plutôt que de se morfondre pendant des heures!
Petit à petit, sans qu’on s’en rende compte, les mois passent et on se retrouve un an plus tard, sans avoir rien écrit. RIEN! Beaucoup de gens n’ont pas un défaut d’inspiration. Ils perdent plutôt l’inspiration au fur et à mesure que les jours passent et ils n’écrivent de moins en moins, pour finir par ne plus écrire et se trouver de bonnes raisons pour ne plus le faire.
Un esprit surchargé?
Quelle est la pire des solutions: ne pas avoir d’inspiration ou en avoir trop? Parfois, avoir trop d’idées peut devenir très handicapant. Vous vous dispersez, vous écrivez tout et n’importe quoi sans trop réfléchir, sans parvenir à vous concentrer sur que quoi que ce soit.
Vous n’arrivez pas à écrire parce que vous ne savez pas par où commencer, que vous pensez que vous n’y arriverez jamais, notamment à écrire le roman que vous voulez, alors que arrivez simplement à écrire de petites histoires!
Avoir trop d’idées peut aussi parfois bloquer. C’est un blocage tout aussi difficile à dépasser que d’autres. Il faut aussi savoir vous poser, réfléchir à ce que vous voulez vraiment, franchir les étapes une par une. Il faut aussi prendre le temps de vous dire pourquoi vous désirez arrêter d’écrire. Toutes les raisons paraîtront valables, certes, mais sont-elles vraiment bonnes ou sont-elles une façade derrière laquelle vous vous réfugiez?

Une envie qui disparaît?
Il arrive un moment où l’envie d’écrire s’évanouit peu à peu, au fil du temps. C’est la raison pour laquelle je persiste à dire que la décision ne doit pas être soudaine, mais le fruit d’une réflexion posée.
Un auteur peut arriver à saturation à force d’écrire, après avoir raconté PLEIN d’histoires. Il peut éprouver le besoin de faire autre chose pour ne pas devenir ‘fou’ et garder sa raison. Se forcer et continuer à écrire est possible si l’envie d’écrire est toujours présente. Même quand un auteur n’a même plus envie de raconter des histoires, cela ne sert à rien pour lui de se forcer et de se faire une montagne de tout ça.
Il vaut mieux alors faire autre chose. C’est aussi que peut-être l’écriture pour cette personne n’est pas une passion. Peut-être que l’auteur n’a plus envie de rester enfermé pendant son temps libre alors que l’été est là, dehors, à tendre ses bras tentaculaires! C’est difficile de résister, de dire non aux apéritifs entre copains et copines, aux soirées barbecue ou pique-nique sur la plage!

Pour continuer à écrire, il faut posséder une volonté de fer, une discipline à toute épreuve, une rigueur infaillible, quel que soit le temps dehors ou les circonstances de vie! Alors, l’envie reviendra peut-être, demain ou dans un an! Ou pas! Inutile de vous mettre la pression!
De mauvaises excuses?
Nous sommes tous faits pareils: nous nous trouvons toujours des bonnes excuses pour ne pas faire certaines choses, ou les repousser ou les remettre à la saint glinglin! Procrastiner en écriture est fréquent. Très fréquent!
Il y a deux ans, j’ai écrit un article sur les raisons qui poussent les gens à ne pas s’autoriser à écrire.
Voici le lien de l’article:
Vous pouvez trouver mille raisons, mille prétextes pour ne plus écrire: vous ne tromperez que vous-même! C’est le rendez-vous avec vous-même que vous raterez, pas autre chose! Vous avez commencé à écrire pour vous, pas parce que untel a commencé à écrire, non pas parce que cela vous a occupé pendant le confinement, non pas pour faire plaisir à quelqu’un!
Toutes ces raisons sont mauvaises, futiles, dérisoires. Si vous aviez commencé à écrire pour ces raisons-là, effectivement, il vaut mieux d’arrêter d’écrire. Personne ne peut persister dans une quelconque activité pour de mauvaises raisons!
Vous pouvez avoir besoin de faire une pause pour des raisons valables, certes. Cela se comprend, mais pas pour des motifs fallacieux, que vous couvrez sous des tonnes de prétextes, de manque de temps, de manque d’envie, de manque d’inspiration. Certaines personnes ont commencé à écrire pour faire plaisir à d’autres, ou pour faire comme les autres, ou parce que c’est une activité à la mode, ou parce qu’il fallait bien s’occuper pendant le confinement, on avait du temps …

Peut-être avez-vous décidé de vous concentrer sur autre chose. Cela se conçoit. Encore faut-il être capable de le formuler! Mais, nous vivons dans une époque où tout se consomme, où tout se zappe, sans persistance ni effort dans la durée. J’en sais quelque chose pour l’observer autour de moi, à tous les âges!
Une véritable volonté?
Certaines personnes décident volontairement d’arrêter d’écrire. Cette décision peut être mêlée à celles que j’ai déjà évoquées ci-dessus. Vous pouvez avoir eu une envie, puis un blocage, et vous avez alors décidé de ne pas forcer le destin et de mettre votre énergie au profit d’une autre activité. Bref, l’écriture ne fait plus partie des priorités du moment, et encore moins des bonnes résolutions prises en début d’année ou pendant le confinement!
Il est vrai que nous pouvons tous éprouver des moments dans la vie où nous ne pouvons plus écrire – des études prenantes, une reconversion professionnelle, l’arrivée d’un enfant, un divorce douloureux, un état dépressif, une maladie plus ou moins grave…Que sais-je! Personne ne va vous jeter la pierre! Vous avez le droit d’arrêter d’écrire et surtout de ne pas culpabiliser!

Une peur de se dévoiler?
Trouver les mots justes pour traduire sa pensée, éviter les maladresses, ne pas utiliser des expressions fâcheuses, ne pas laisser trop de place au doute…Commencer à écrire est une opération complexe.
Il arrive un moment où la parlotte ne suffit plus, et qu’il convient d’écrire les choses pour les offrir aux autres. Il y a des propos qui nous habitent longtemps, souvent à l’insu même de ceux qui les ont prononcés. Mais, ils n’existent que par notre pouvoir de les faire exister.
Il y a des choses que nous voudrions éternelles, alors nous éprouvons le besoin de les coucher sur le papier, et prendre ainsi le risque de nous dévoiler aux yeux des autres. Nous laissons alors un signe de ce que nous sommes et de ce que nous vivons.

Nous vivons plus intensément ce que nous écrivons, parce que, justement, nous avons mis en mots nos idées et nos pensées. Nous avons fait cet effort d’aller au plus près, au plus juste, au plus vif. L’écriture, inévitablement, nous révèle!
L’écriture est infiniment précieuse, mais, elle n’est pas sans danger. En écrivant, vous vous exposez. Vous prenez le risque de donner à l’autre une image imparfaite de vous. L’écrit renvoie souvent à la peur d’être jugé. Beaucoup de gens considèrent l’écrit comme un examen de passage. Ils craignent l’échec!
Ecrire, quel que soit l’exercice, sera toujours une aventure, un pari sur l’impossible. Chaque écrit permet de grandir parce qu’il permet de se dépasser, d’être plus présent à soi-même, et par là-même, au monde.
Arrêter d’écrire: une contradiction?
Certaines personnes décident d’arrêter de fumer, ou de boire de l’alcool, ou de manger de la viande ou du gluten. D’autres encore décident d’arrêter la course à pied, le tennis, la drague ou les jeux d’argent.
Certains auteurs en ont marre de chercher des idées, de se relire, de se corriger, de biffer des mots, de déplacer des virgules. Ils préfèrent alors laisser le monde exister dans ce besoin d’écrire.
La lutte est alors terrible: comment laisser tomber une habitude prise pendant la période d’écriture? Noter une idée, une réflexion, avoir un départ d’histoire… La personne qui arrête de fumer détruit tout son stock de cigarettes. C’est simple! Mais, comment fait-on pour un auteur quand des idées lui fourmillent dans l’esprit, comme à son habitude!

Comment va agir le refus d’écrire sur un auteur? Le désir d’écrire est terrible: il s’est infiltré dans toutes les cellules de son corps. Comment commencer ce sevrage de s’interdire d’écrire?
Que c’est difficile d’arrêter d’écrire!
Les mauvaises raisons pour arrêter d’écrire?
Penser que vous ne réussirez jamais à écrire un roman, à ne jamais être publié, penser cela vous décourage et ne vous donne pas l’envie de continuer à écrire. Tordez le cou à toutes vos idées préconçues!
Marcel Proust, dont le manuscrit de “A la recherche du temps perdu” a été refusé aux éditions Gallimard, a réussi à faire publier son livre à compte d’auteur chez les éditions Grasset.
Si vous estimez qu’écrire fait réellement partie de votre vie, ne renoncez jamais! Avoir peur de ne pas trouver d’éditeur une fois votre livre fini s’avère plutôt être une bonne excuse pour éviter de vous mettre sérieusement à travailler!

Vous voulez atteindre la perfection en écrivant votre roman. Bien, mais qui a dit que la perfection existait en ce bas monde? Vous pensez que votre livre n’est pas du tout dans la tendance du moment, que ce n’est pas à la mode… Même si le genre ‘fantasy’ connaît un succès grandissant de nos jours, écrivez ce que vous avez en vous, sans vous obliger à un genre particulier!
Si vous ne vendez pas un seul livre, vous avez décidé d’arrêter d’écrire. Seuls les écrivains de renom ou ceux qui gagnent des prix vendent plus que les autres. Et, il faut bien un début à tout, non?
Ecrire fait peur?
Apparemment, écrire fait peur. Pourtant, aujourd’hui, on ne peut pas ne pas écrire. Au contraire, écrire s’impose comme une évidence. Il est vrai que d’écrire clairement ce que nous avons envie d’exprimer de façon à être compris n’a rien d’un exercice facile.
Ecrire n’est pas un acte naturel, au contraire du langage parlé, qui est le moyen d’expression le plus évident pour tous. Pour beaucoup d’entre nous, écrire reste difficile.
Parce que nous nous retrouvons confrontés, seuls, à nous-mêmes. Parce que nous appréhendons le résultat. Parce qu’en écrivant, nous nous exposons au regard des autres. Nous avons tous en nous une peur irrationnelle de nous demander ce que l’autre va penser de nous en lisant nos écrits. Aimera-t-il ou pas?

Combien de fois avons-nous invoqué le syndrome de la “page blanche” pour justifier un blocage qui nous empêche de trouver l’idée ou l’inspiration? Alors, que finalement, ce blocage se résume surtout à la peur de “mal écrire”.
Une impasse relationnelle avec la langue?
Un musicien a toujours cette peur enfouie au plus profond de lui de ne plus être capable, un jour, de jouer de son instrument de musique. Si un auteur ressent une impasse relationnelle avec la langue française, alors, oui, c’est une vraie raison d’arrêter d’écrire. C’est autre chose que de ne plus être amoureux de la langue…
Il y a toujours en filigrane le problème de la relation à ce qui s’écrit. Arthur Rimbaud a cessé d’écrire de la poésie, mais il n’a pas cessé d’écrire. Le rapport à la fiction, à l’invention, est particulier.
En guise de conclusion
Que l’écriture tienne une place importance dans la vie de certaines et certains d’entre nous, c’est une évidence. Il n’existe aucun mythe autour de l’écriture. Il faut faire face à la réalité, pour savoir ce qui attend quiconque a envie d’écrire.
L’écriture est une aventure fascinante, mais elle demande un travail exigeant. Peu de gens en vivent. Personne ne devient riche en écrivant un livre! Sauf peut-être Guillaume Musso en ce moment! Même Franz Kafka avait un métier qui lui permettait de subsister. Il était assureur avant de devenir écrivain à plein temps! Pendant plusieurs années, il a concilié son travail et sa passion de l’écriture.
Pour Kafka, l’écriture était une activité atroce, qui impliquait une ouverture totale du corps et de l’esprit.
Penser à écrire et ne rien faire d’autre est un doux fantasme! Plutôt que de vous sentir triste ou frustré à cette annonce, persistez dans votre envie d’écrire. C’est vrai que tout le monde n’est pas capable de passer plusieurs heures par jour, seul, à écrire…C’est toujours aussi bien que de passer des heures à regarder béatement la télévision ou de passer des heures à jouer aux jeux vidéos ou de s’intoxiquer l’esprit avec les réseaux sociaux…

Merci Laurence pour ce bel article.
Bisous du cœur.
💛❤️💙💜🖤💚🧡