La langue française est au coeur de tous les enjeux: enjeux d’innovations, enjeux de cohésion, enjeux d’un espace francophone élargi. Elle reflète ainsi les diversités culturelles en constant renouvellement.

De toutes les façons, pour être vivante, une langue doit évoluer. La langue fait corps avec la société dans laquelle elle vit et est utilisée avec ses us et coutumes. La langue française reflète ainsi la société humaine et l’environnement social dans lesquels elle a évolué depuis des siècles. Elle a forcément subi des transformations, pas toujours au même rythme que la société. Elle constitue un patrimoine, au même titre que tous les monuments historiques.

La langue française est d’abord une langue de pouvoir et de conquête, partie d‘Ile-de-France à la conquête du pays.

 

La langue française comme bien commun

 

 

En 2019, nous fêtons les 25 ans de la loi Toubon qui garantit l’emploi du français. Nous devons beaucoup à cette loi pour l’évolution du français.

 

 

300 millions de locuteurs utilisent le français dans le monde, et nous sommes tous fiers de notre chère langue. D’aucuns disent que le français est une langue rigide, mais nous pouvons l’utiliser comme on veut.

En France, quand nous ne sommes pas d’accord, tout le monde obéit alors à l’Académie Française. Au passage, cette vénérable institution devrait s’ouvrir aux francophones non français.

 

 

Cet auteur de bandes dessinées a appris le français en lisant Tintin: ” un français très respectueux, très bien écrit, avec des typos lisibles et claires. Puis, à l’adolescence, mon grand choc a été la découverte des bandes dessinées de Philippe Druillet. Il explosait les cases, il explorait les textes, les typos, ses dialogues prenaient parfois deux pages. Il me semblait libre de tout faire et cela a été libérateur. J’avais commencé à aimer le français pour son côté strict, et là, je l’aimais encore plus en découvrant qu’il était possible de jouer avec lui, avec ces sons qu’on peut écrire de plusieurs manières différentes, avec ces lettres qui peuvent avoir plusieurs sens, un domaine d’exploration libre!”, confesse-t-il.

Je suis obsédé par l’orthographe, peut-être parce que j’ai encore l’angoisse de la dictée! Je ne supporte pas qu’il y ait la moindre faute dans mes livres. Cette obsession pour l’orthographe ne m’empêche pas de transformer plusieurs mots en un seul, de déformer les lettres, les mots, d’inventer des orthographes alternatives, etc. J’adore ce jeu avec les mots, c’est pour moi une sorte de drogue!”, avoue Riad Sattouf.

 

                                                                                 Riad Sattouf

 

 

J’aime beaucoup observer et retranscrire les différentes formes que peut prendre la langue française. La langue de l’enfance, de l’adolescence, de l’âge adulte, les langues des différentes classes sociales, des différentes régions, les accents, les mollesses, les préciosités, les tics de langage, les nouveaux mots…C’est très intéressant à observer et à décrypter. Cela dit beaucoup de la société, et de ce que les gens en comprennent. J’adore découvrir que mes personanges utilisent des mots nouveaux, de nouvelles expressions, de nouveaux tics qui apparaissent soudainement, sans même qu’ils ne s’en rendent compte”, dit Riad Sattouf.

Voici ce qu’il dit au sujet du français:

Je me sens de plus en plus libre avec la langue française. Le français me semblait tellement difficile quand j’étais jeune, si strict, plein de règles complexes. Les auteurs qui la maniaient parfaitement m’impressionnaient, se semblaient indépassables. C’était très intimidant. Mais écrire des bandes dessinées m’a aidé à me libérer car je pouvais faire semblant de ne pas trop prendre au sérieux toutes ces règles et pouvais même me permettre de les bousculer, de jouer avec elles. C’est ainsi que j’ai commencé à ‘habiter’ le français. Plus je vieillis et plus je me rends compte que la langue française est vraiment mon pays préféré!”.

Tout est dit, n’est-ce-pas?

 

L’évolution de la langue française

 

Les Français et les Francophones sont particulièrement sensibles au sort réservé à la langue française dans notre société. Cette question concerne l’espace public, par la publicité, l’affichage, les médias, mais aussi le monde du travail et des affaires. Elle touche à ce que nous sommes, à notre culture.

Dans une mondialisation qui est également linguistique, prenons garde à ce que le français ne soit pas délaissé par facilité, au profit de l’anglais. Beaucoup s’en inquiètent, le déplorent et se mobilisent. Néanmoins, le français reste une langue vivante riche et attractive!

Le français est donc vecteur de lien à travers le monde, sur les cinq continents. Il est impératif de pouvoir dire le monde et ses réalités dans une langue commune, le français. Le défi numérique exige également des réponses innovantes, avec l’ensemble des Etats francophones, pour assurer sur la Toile la place de la création à tous les niveaux.

 

 

 

Le français a d’abord été la langue du roi, puis de la République. La langue française est donc le trait commun entre tous les régimes politiques de notre pays depuis des siècles. Le pouvoir s’est toujours appuyé sur la langue française aux dépens des autres langues parlées en usage dans notre pays. Cela a permis de diffuser les lois. La langue est avant tout le reflet du pouvoir.

Le français constitue l’identité française. Cette identité n’est pas fermée, mais ouverte, accueillant toutes les ouvertures possibles depuis les origines. Le français  a été la première langue écrite de toutes les langues romanes. Le Serment de Strasbourg du 14 février 842 a été le premier texte diplomatique écrit en français. Par cet acte, les petits-fils de Charlemagne se sont partagés l’Empire et ont fait alliance entre eux.

 

 

En tout cas, la francophonie est une richesse pour la langue française, un laboratoire merveilleux de productions linguistiques. Les Francophones et les Français doivent faire confiance à la langue s’ils veulent qu’elle reste une langue mondiale. Les normes trop strictes de l‘Académie Française ou des grammairiens ne sont que des effets parisiens.

Pour l’instant, nous ne pouvons rien contre les anglicismes envahissant notre langue, mais personne ne nous oblige à les utiliser. Pourquoi adopter des mots anglais alors que le français a la capacité de créer des mots? Prenons l’exemple ‘écocide‘, mot transparent créé récemment: on comprend de suite de quoi il s’agit, de par la formation du mot.

Les mots restent dans le patrimoine, même s’ils disparaissent de la conversation. Certains mots de l’argot des années 1930 répparaîssent dans les chansons des rappeurs.

 

 

Les Précieuses Ridicules au XVIIe siècle ont fait évoluer la langue française, car elles voulaient se réapproprier le langage, leur parler, pour contrecarrer les hommes qui voulaient tout imposer aux femmes. Elles ont été montrées comme des sottes et des pédantes à leur époque, car elles revisitaient la langue.

Ces Précieuses n’étaient absolument pas sottes, comme a bien voulu le montrer Molière dans sa pièce éponyme. Elles ont créé des mots car elles ne connaissaient pas le latin, qu’on ne leur avait pas enseigné. Elles ont réinventé l’orthographe en la simplifiant, au grand dam de l’Académie Française, toute jeune encore. D’ailleurs, des siècles plus tard, l’orthographe des Précieuses est celle qui a été acceptée par cette même Académie!!!

 

 

Rappelons-nous que le domaine littéraire a été attribué aux hommes sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV. Certains noms de métiers, tels que ‘autrice et écrivaine’ ont alors disparu du vocabulaire. A ce titre, par sa pièce ironique, Les Précieuses Ridicules, Molière s’est rendu coupable du rejet et du mépris envers les femmes dans le domaine littéraire.

A ce propos concernant les pièges de la langue française, je vous joins le lien d’une vidéo géniale sur les aberrations de certaines règles auxquelles nous sommes soumis, réalisée par deux professeurs belges:

 

 

La dévalorisation des noms de métiers féminins

 

Pourquoi dévaloriser les noms de métiers féminins depuis des siècles? C’est toujours en cours, mais le phénomène n’est pas nouveau et cela ne durera pas éternellement. Le français reflète le peu d’espace qu’on a laissé aux femmes dans la société , surtout depuis le XVIIe siècle. La langue est bien le reflet des pratiques sociales des individus qui la parlent.

Au Moyen-Age, la féminisation des mots se faisait plus fréquemment. On pouvait ainsi entendre vainqueresse, jugesse, miresse (=médecin), charlatane, librairesse, chasseresse…’. 

 

 

Ce refus de la féminisation a reflété le peu de femmes qui accédaient dans les hautes sphères de la société, et ce, jusqu’à nos jours. La mysoginie massive des hommes et l’abus de pouvoir de l’Académie Française ont accentué le phénomène. Le célèbre écrivain Maurice Druon disait aimer les femmes, mais à la cuisine ou dans son lit, mais pas dans un ministère.

 

 

Au fil des siècles, l’idée noble était que le pouvoir devait rester masculin. Pour L‘Académie, cela était encore plus net: les postes importants devaient rester au masculin. Même sous le mandat de François Mittérand, qui avait réussi à abolir la peine de mort, la langue française n’a pas réussi à évoluer.

Il est facile de voir le lien fort qui unit la langue, le pouvoir et ceux qui manipulent le pouvoir. Pourquoi est-on obligé de dire ‘ambassadeur, préfet ou recteur’ pour désigner une femme à ces postes?

 

 

Au XIXe siècle, c’est le grand règne du métier conjugal: la pharmacienne désigne alors la femme du pharmacien. De toute façon, les filles ne faisaient pas ce genre d’études, alors pourquoi trouver un mot? Le titre approprié, même de nos jours, est: ‘Madame le pharmacien‘. C’est d’un ridicule!  La résistance vient aussi des femmes, qui, privées pendant des siècles, tiennent aux titres autant que les hommes!

 

 

La première femme nommée ‘préfet’ date seulement de 1983, en Eure-et-Loir. On ne peut toujours pas dire ‘la préfète‘ car c’est l’épouse du préfet. On est obligé de dire ‘Madame le préfet’! On doit sans doute penser que le titre masculin est plus noble!

La féminisation des noms de métiers a des difficultés à s’imposer, en France du moins. Dès 1977, les Québecois se sont posés des questions au sujet de cette féminisation et ils ont commencé à faire entrer les noms de métiers au féminin pendant la Révolution Tranquille.

 

 

Féminiser les noms de métiers, est-ce franchement trahir la langue française? La France se pose la question depuis 1997. Les femmes demandent aussi la parité dans la langue. Au Québec, en Belgique et en Suisse, cela ne pose aucun problème.

Tous les métiers sont ouverts aux deux sexes depuis 1997 en France, mais, les mots sont restés manquants dans le vocabulaire des professions. A cette époque, l’Académie Française, encore elle, a publié une déclaration violente dans le journal Le Monde contre la féminisation, avec pour atouts le mépris et la mysoginie. On était au XXe siècle tout de même à ce moment-là! L’Académie s’est assise sur cette question-là pendant 30 ans!

Depuis le 29 février 2019, la féminisation des noms de métiers est enfin acceptée par l’Académie Française!

 

 

Mais tous les noms de métiers n’ont pas encore été définitivement féminisés par notre vénérable Institution! Quel retard! Quelle perte de temps! Quelles querelles pour rien! Que de débats stériles!

L’Académie rattrape son retard, mais elle a bloqué l’évolution sociale du vocabulaire et de la société, et ce, pendant des siècles! J’appelle ça une crise de l’identité de l’Académie Française dans notre monde actuel avec notre langue universelle!

Un débat virulent est ouvert depuis quelque temps sur le sort du mot ‘docteresse’ en France. En Belgique, on dit ‘doctoresse‘ pour une femme médecin, sans que cela ne soulève des tonnes de remarques. Il faut savoir accepter les usages et la façon dont la langue évolue, même si cela n’est pas plaisant à l’oreille! Le rôle de l’Académie devrait être de suivre l’évolution de la langue! On disait ‘écrivaine’ au XVIIe siècle. D’ailleurs, Christine de Pisan était écrivaine et clergeresse au Moyen-Age.

 

 

 

Cela a pour conséquence pour les femmes d’avoir du mal à postuler pour des métiers non féminisés. Les mots nouveaux choquent l’oreille. Toute néologie choque. Il faut se garder de rester trop puriste en la matière. Les gens ont du mal à accepter de voir bouger la langue. L’évolution d’une langue n’est certes jamais anodine!

 

Les problèmes posés par l’écriture inclusive

 

 

L’écriture inclusive, dite ‘non sexiste’ ou ‘dégenrée’ consiste à féminiser chaque mot, au singulier ou au pluriel. Ce n’est pas l’écriture de l’administration. Là encore, des débats font rage. Pour rien. Cette écriture est tout simplement trop difficile à lire, même pour des gens qui lisent vite, comme moi!

 

 

Cela ne constitue en aucun cas un progrès de la langue française! Cela complique plutôt l’orthographe et la lecture! Se quereller sur le français prouve que c’est bien une langue vivante! C’est toujours la même querelle depuis le XVIe siècle!

 

 

En guise de conclusion

 

La langue française a subi beaucoup de changements au cours de son histoire, mais cela n’a pas toujours reflété les mentalités qui oeuvraient au sein de la société. Refuser de dire les choses pour la moitié de la population, cela équivalait à renier l’existence des femmes, purement et simplement.

Au fil du temps, les puristes et les grammairiens ont décidé de comment devait être fixée notre langue, au mépris de son évolution. Ils pensaient sans doute, et à tort, que c’était mieux que la langue ne bouge pas.  D’où cet immobilisme séculaire! Heureusement que les pays francophones sont là pour faire évoluer la langue plus vite!

La langue française évolue de par ses riches échanges entre les peuples. Des centaines de mots sont créés chaque année dans divers domaines, tels que la gastronomie, l’environnement, mais 150 d’entre eux seulement voient le jour dans les dictionnaires, faute de place, et malgré l’usage.

Qui a dit que le français s’appauvrissait? 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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  • C’est en lisant ton blog, qu’on peur imaginer à quel point, nous les femmes étions les parias de la société. Nous faisions trop d’ombre à tous ces misogynes qu’étaient tous ces hommes, imbus de leur personne. Non seulement ils nous méprisaient, puisque nous ne savions pas penser par nous-mêmes, mais nous étions leurs proies. Ils pouvaient nous abandonner tout au long des siècles, en nous laissant la charge des enfants (entre autre). Nous devions nous “démer…” Bravo avec le texte des professeurs belges. J’ai adoré. Mais le français est vraiment d’une grande complexité. La preuve en les écoutant

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