Dans maints articles sur ce blog, j’ai évoqué le fait que l’écriture est un puissant allié quand on va mal, physiquement et psychologiquement, que c’est une thérapie à part entière.

Personne ne saurait nier le rôle bénéfique que l’écriture a sur celui ou celle qui se met à écrire. Ecrire sur soi ou inventer des histoires fait remonter le moral au beau fixe, fait travailler l’imagination, donc le cerveau, ce qui ralentit le vieillissement cérébral. Que des bénéfices!

Ecrire pour éviter de se stresser, écrire pour éviter de prendre des médicaments, écrire pour libérer son esprit et son corps, écrire pour renforcer ses défenses immunitaires…Quand on se fait du bien, on fait aussi du bien aux autres!

Ecrire pour retrouver sa dignité d’homme

Jean-René Mahé a été illettré jusqu’à ses 43 ans. La vie en a décidé ainsi: il ne pouvait qu’écrire son nom et son prénom.

Mais, à force de courage, de volonté et de ténacité, Jean-René a décidé un jour de combattre ses démons et d’apprendre à lire et à écrire correctement. Il se sentait étouffé par son illettrisme. Comment vivre dans une société où l’écrit est roi, omniprésent et facteur d’exclusion sociale?

Quand il a commencé l’école à 5 ans, pourtant enfant éveillé, Jean-René n’a jamais réussi, par la suite, à relier les lettres entre elles, à leur donner du sens. Avec les mots écrits devant lui, il avait l’impression de se tenir devant un mur infranchissable, qu’il ne pourrait jamais dépasser. Il n’en saurait expliquer les raisons.

Il a donc eu une scolarité difficile, qui l’a fait redoubler plusieurs fois. Il a souvent endossé le rôle du benêt de la classe, à côté d’élèves plus jeunes que lui de 4 ou 5 ans. Plus il grandissait, plus il souffrait dans l’indifférence la plus totale, sans que personne ne prenne en compte toute cette souffrance. L’école a été, pour Jean-René, son chemin de croix!

Bien évidemment, cet échec a été la source de grandes souffrances. Il a été ressenti comme le canard boiteux de sa famille, comme il le dit lui-même. L’illettrisme doit être considéré comme un réel handicap. Il est inimaginable de constater tous les stratagèmes qu’un illettré déploie pour tenter de s’en sortir au quotidien. Cela demande de sacrés efforts et une intelligence hors norme!

L’illettrisme est un grave facteur d’exclusion sociale. Quand vous ne savez ni lire ni écrire, vous ne pouvez pas aller voter. En fait, vous ne vous appartenez pas. Jean-René a dépendu des autres pour couvrir son handicap. Quand il a rencontré sa future femme, il a demandé à sa mère de lui lire les lettres de sa fiancée et de lui écrire les réponses.

Etre illettré est une source de grande angoisse, de stress profond. C’était le sentiment que Jean-René a ressenti chaque matin en se levant, durant toute sa vie. A 13 ans, l’adolescent qu’il était a tenté de se suicider, tant il souffrait, notamment après le décès de son père.

Bien évidemment, il n’ a pas pu faire d’études. A 16 ans, il a pris la direction de l’abattoir de volailles dans sa commune. A cette époque-là, trouver un emploi ne posait aucun problème, même sans qualification. Il a réussi à obtenir son permis de conduire, le seul diplôme que Jean-René ait obtenu de sa vie! Ce sésame représentait pour lui la liberté et l’autonomie.

Jean-René s’est marié et a eu 5 enfants. Il a été incapable d’aider ses enfants dans leurs devoirs, encore moins de suivre quelque peu leur scolarité. Quand il a osé avouer ses lacunes, sa fille aînée avait 23 ans!

A 43 ans, il s’est blessé à l’épaule. Il a donc été contraint d’arrêter le travail manuel. Sa vie s’est alors effondrée. Comment retrouver un travail stable à son âge dans sa situation? Perclus d’angoisse, il a refait une tentative de suicide, 30 ans après la première.

Son kinésithérapeuthe, à l’écoute de sa souffrance psychique, lui a trouvé un atelier de lecture et d’écriture dans sa ville. Une main lui a été tendue qu’il a su saisir. La grande différence, c’est que cela n’avait rien à voir avec l’école. Les gens étaient là pour Jean-René, ce qui l’a sauvé de tous ses traumatismes.

Six mois après avoir commencé à apprendre à lire et à écrire, Jean-René pouvait lire de 4 à 5 lignes tout seul. Il pouvait surtout comprendre le sens de ce qu’il lisait.

Non seulement cet homme force l’admiration par son courage, mais, en plus, il a créé une association de lutte contre l’illettrisme, Addeski, qui vient en aide à 300 -400 personnes. Il est apprenant encore dans son association et a la même tutrice depuis 17 ans.

Jean-René est un homme, qui à Morlaix, bouscule les tabous d’un handicap, touchant 7 millions de personnes en France, et qui a été reconnu grande cause nationale. Toujours est-il que Jean-René peut s’enorgueillir d’avoir reçu les Palmes académiques, à 63 ans, pour son action et son engagement! Ces palmes, à ses yeux, sont un aboutissement concret de son combat, en précisant que ce n’est pas fini! Une grande victoire et une grande leçon de vie!

Pour lire de plus amples informations sur ce thème, je vous convie à lire ou relire un article écrit précédemment sur ce thème, plus orienté vers les chiffres et la lutte en elle-même:

Ecrire pour guérir

90 pages et 23 chapitres d’un livre petit format, écrit pour témoigner, dans un style simple et sans prétention, un premier livre écrit par Laurence Dintrat en quatre jours, durant son hospitalisation: Patchwork 131

Pourquoi ce titre de “Patchwork”? Parce que ce récit est composé de petits bouts d’histoires. Laurence a reçu un coup à 40 ans lorsque les médecins lui diagnostiquent un cancer de la thyroïde. Heureuse dans sa vie personnelle et professionnelle entre son mari et ses deux enfants, elle a profité de la vie, du côté de Royan en Charente-Maritime, jusqu’à ce moment fatidique de l’automne 2011.

Laurence a commencé à écrire pour vaincre l’ennui et l’isolement dans sa chambre dans laquelle elle était confinée durant son séjour à l’hôpital, car elle ne pouvait recevoir personne. Elle a déposé des mots sur le papier, car depuis longtemps, elle avait envie d’écrire.

Elle a donc écrit pendant des heures et des heures pour exorciser la maladie, pour faire ressurgir des souvenirs, ou des moments heureux passés au bout du monde avec son mari.

Pourquoi le chiffre de 131 dans le titre du roman de Laurence Dintrat? Parce 131 est le nom de code des comprimés d’iode qu’elle a pris pour son traitement d’iode radioactif.

Désormais guérie, Laurence continue d’écrire et de publier ses romans. La maladie l’a révélée à elle-même! Sa seule fièvre désormais est celle de la plume!

A ce propos, j’ai écrit un article sur l’écriture-thérapie précédemment.

Ecrire pour gagner un combat

Anaya Ellick est une petite fille américaine de 7 ans, est née sans mains.

Ce handicap ne l’a pas empêchée de surpasser tout le monde dans un concours d’écriture manuscrite, le prix Nicholas Maxim, qu’elle a remporté haut la main. Elle a participé à ce concours dans la catégorie “enfants souffrant d’un handicap”, pour un prix qui récompense la capacité à écrire de manière intelligible.

Cette petite fille déterminée a travaillé dur pour arriver à écrire avec un stylo, sans mains et sans doigts. Volontaire et indépendante, elle a appris à écrire debout, sans prothèse, en coinçant son stylo entre ses bras. Cela lui permet d’être précise et rapide. Elle lace ses lacets d’ailleurs elle-même et s’habille toute seule.

Dans son école, elle est décrite comme étant une source d’inspiration, par sa détermination et son état d’esprit. Elle ne lâche rien et met tout en oeuvre pour obtenir ce qu’elle désire. Dans sa classe, c’est elle qui a la meilleure écriture!

Comme quoi, ce qui paraît impossible est toujours possible! Anaya a remporté un chèque de 1000 dollars et un diplôme!

Ecrire pour devenir un modèle à suivre

Avec Phillipe Croizon, tout est possible! C’est le slogan qu’il affiche sur son site Internet:

https://www.philippecroizon.com/

Philippe Croizon a vécu la mort de près le 5 mars 1994. A 26 ans, il est touché par une ligne électrique de 20.000 volt pendant qu’il travaille à démonter son antenne de télévision, lors de son déménagement. Sa femme, enceinte, et les gens présents, assistent impuissants à la scène.

Après 3 mois d’hospitalisation, le corps carbonisé, des amputations multiples, Philippe a la vie sauve, mais à quel prix? S’ensuit une rééducation de deux ans, ponctuée de pensées suicidaires.

En 2006, il écrit “J’ai décidé de vivre”, son livre rédigé à l’aide d’un logiciel de reconnaissance vocale.

Il est aussi devenu un athlète de haut niveau, enchaînant les exploits: traversée de la Manche en septembre 2010 pour commencer. Excusez du peu!

Après son premier exploit, il part nager avec son ami Arnaud Chassery au-delà des frontières, reliant les continents entre eux. Il établit un record de profondeur de plongée en 2013 pour un amputé des quatre membres. Il participe au Rallye Paris- Dakar en 2017. Il commente les Jeux Paralympiques de 2012 à Londres, il officie dans une chronique dans la magazine de la santé sur France 5, dans le domaine du handicap.

Il a retranscrit son exploit de la Manche dans un livre, “J’ai traversé la Manche à la nage.

En 2017, Philippe Croizon publie son livre “Pas de bras, pas de chocolat – on peut rire de tout”, dans lequel il officie avec son humour habituel, qui est devenu, pour lui, son outil anti-blues et son remède de résilience.

C’est un roman autobiographique dans lequel l’auteur raconte son histoire époustouflante, depuis le jour de son accident jusqu’au moment de l’écriture de ce livre. Il raconte son parcours de reconstruction, le dépassement de soi. Il cherche avant tout à dédramatiser toute situation.

Il rit de son handicap bien sûr, voguant au-dessus d’une morale qui n’a pas lieu d’être, écrasant les tabous. Il ne veut surtout pas se lamenter, ni verser dans une compassion qui ne fait avancer personne.

Il affiche un mental d’acier, une volonté à toute épreuve, une soif d’aventure qui ferait pâlir plus d’un valide, trouve sa force dans sa famille, l’amitié et l’humour.

” J’aime ma vie d’aujourd’hui parce que j’en ai fait quelque chose. J’ai eu cet accident, j’ai rebondi, je me suis investi dans le sport… Je suis allé au bout de mes rêves, sans nostalgie. J’aimerais dire à tous ceux qui souffrent qu’il faut du temps pour apaiser le déni ou la colère. Il m’a fallu du temps pour guérir, soigner les maux du corps et ceux de l’esprit. On me dit souvent que “c’est une belle revanche sur la vie”. Mais quelle revanche ? J’ai eu un accident. Point. Il n’y a aucune revanche. Je n’ai pas puisé mon énergie dans ce terrible drame, elle ne m’est pas venue à la faveur d’une triple électrocution. On peut être ouvrier métallo et se montrer obstiné. Dès l’enfance, je me suis fixé des objectifs sans jamais lâcher le morceau. Avant. Après n’y a rien changé. Je ne suis pas devenu, j’ai toujours été.” Philippe Croizon

Pour Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, “Philippe Croizon est de ceux qui démontrent, comme une aventure stupéfiante, que l’on est jamais totalement soumis. Je pense que ce goût du dépassement de soi n’est pas étranger à la victoire contre la mort qu’a remportée Philippe. Il a vu la mort, il l’a côtoyée, elle n’a pas pu l’emporter, il a été le plus fort.”

En guise de conclusion

Je dois avouer que les personnes sur lesquelles j’ai écrit dans cet article forcent l’admiration. Elles n’ont jamais cédé face à l’adversité, devant les difficultés pouvant nous paraître insurmontables.

Ces handicaps, de quelque nature qu’ils soient, sont en fait une force indéniable pour avancer dans la vie. Aucune de ces personnes n’a renoncé. Il y a eu, certes, des moments extrêmes de découragement – face à leur situation, cela paraît bien compréhensible, non?

Ces hommes et ces femmes sont de vrais héros du quotidien. Ils sont les représentants d’une force résiliente, qui dépasse presque l’entendement! Ils gomment tout: les différences, l’exclusion, la dévalorisation de soi et envoient ce message fort: TOUT EST POSSIBLE!


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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