On ne présente plus Boris Cyrulnik, le célèbre neuropsychiatre français qui est l’auteur de nombreux ouvrages, tous d’immenses succès. Le titre de cet article est une synthèse de son livre paru en 2019 aux éditions Odile Jacob, “La nuit, j’écrirai des soleils”.
Ce livre est un livre bouleversant, entre témoignages personnels et témoignages sur d’autres personnes, dont certains écrivains. L’émotion est palpable à chaque page. Boris Cyrulnik utilise les souffrances de certaines personnalités connues pour mieux analyser ses propres souffrances et déchirures. Il a un but: convaincre le lecteur des bienfaits de l’imaginaire, de la puissance du rêve et des pouvoirs de guérison que recèle l’écriture.
Bien évidemment, le célèbre médecin parle de résilience, thème cher à son cœur. Il possède l’art et la manière de vulgariser certaines données de psychologie ou de psychiatrie afin de les rendre plus digestes à ses lecteurs. Son histoire personnelle prouve qu’écrire l’a sauvé de son passé traumatique. L’écriture, dans ce livre, devient un art-thérapie. Soigner ses blessures, s’apaiser, s’évader: voilà ce qui attend le lecteur au bout de sa lecture!
Pour écrire cet article, j’ai sélectionné les passages ayant trait à l’écriture et au pouvoir des mots.
“La nuit, j’écrirai des soleils”
Dans ce livre, Boris Cyrulnik revient sur son traumatisme d’abandon: son père disparu à la guerre, sa mère déportée à Auschwitz, arrêté à l’âge de 6 ans par la Gestapo et mis en prison, puis sa fuite. C’est à ce moment-là qu’il apprend qu’il est Juif. Bien placé pour en parler, le neuropsychiatre revient aussi sur beaucoup d’enfants traumatisés:
- François Villon
- Jean-Jacques Rousseau
- Le marquis de Sade
- Léon Tolstoï
- Mary Shelley
- Alice Miller
- Primo Lévi
- Jean Genet
- Jean-Paul Sartre
- Romain Gary
- Simone Veil
- Gérard Depardieu
Chacune de ses personnes, à sa manière, a vécu le traumatisme de la perte, plus ou moins précoce. Face à leur tragédie, ces gens-là ont éclairé leur vie avec les mots écrits, ont exacerbé le pouvoir de leur imagination pour combattre leur affliction.
Boris Cyrulnik nous offre, dans ce livre, une analyse intelligente, sensible et pertinente, comme à son habitude, de sa théorie sur la résilience. Ce titre merveilleux emmène le lecteur sur les chemins de la littérature, ou plutôt sur les traces des écrivains. Monsieur Cyrulnik décortique les enfances troublées, abîmées de certains auteurs et dissèque leur processus de création littéraire.
Le lecteur apprend beaucoup de choses dans cet essai: sur les bébés, l’enfance, les liens parentaux, sur les écrivains, sur le fonctionnement de notre cerveau. Boris Cyrulnik humanise les mots, poétise la souffrance, donne sens à la perte ou à une carence. Il nous montre la transformation possible du malheur en œuvre d’art. Il ne propose pas de guérison totale, mais de retrouver un sens par les mots et l’écriture.
Je vous mets le lien de sa participation à l’émission “La Grande Librairie” de François Busnel en Avril 2019:
La force des mots
Les mots, parlés ou écrits, permettent de tisser des liens, notamment affectifs, nécessaires à l’enfant pour interpréter le monde dans lequel il vit. Nous parlons pour tisser un lien. Nous écrivons pour donner une forme à un monde incertain, pour éclairer un coin de notre monde mental. Créer un monde peuplé de mots permet d’échapper à l’horreur du réel. Cela rend la réalité supportable.
Mais, le monde écrit n’est pas la traduction du monde oral: c’est une création à partir d’images. En écrivant, nous construisons notre propre réalité. Le langage, d’une manière générale, laisse la place aux interprétations, aux émotions. Ce n’est donc jamais la réalité pure, mais vue au travers de nos prismes personnels.
Les mots écrits possèdent un pouvoir de métamorphose. En écrivant, nous habitons le monde autrement. Nous ne sommes plus la même personne, car écrire nous transforme, à notre insu. Nous changeons la manière dont nous sommes humains quand nous écrivons. Les êtres humains existent par les mots. Ce ne sont pas que des bruitages ou des sons émis. Ils possèdent en eux une représentation claire et définie.
Notre monde mental est empli de représentations du réel par la rêverie et le récit. Les mots, quelle que soit la langue, représentent une liberté. C’est une liberté que de pouvoir parler à sa guise ou d’écrire comme bon nous semble. Développer son imaginaire est aussi une liberté, à tout âge. L’imaginaire stimule l’âme des enfants: c’est la raison pour laquelle ils adorent qu’on leur raconte des histoires. Ils éprouvent du plaisir à écouter chaque histoire. Les enfants se réfugient beaucoup dans la vie imaginaire, car cela provoque un plaisir de vivre en eux. A tout âge, l’imaginaire permet de sortir de l’étouffement de la vie quotidienne.
Les livres comme un refuge
Nous nous cachons derrière les livres. Ils sont pour nous comme un refuge. Ils nous permettent une certaine forme de rêverie et ils nous offrent surtout de grands moments de bonheur. Ils libèrent notre esprit, mais ne permettent pas toujours d’affronter les problèmes du réel.
La lecture ouvre sur un monde protecteur, qui peut remplir un désert affectif. L’isolement que représente l’acte de lire est propice à la rêverie, donc à l’imagination. Pour des personnes blessées, les mots contenus dans les livres sont des bijoux.
Supporter la perte par les mots
Vivre sans les autres, sans les êtres chers provoque de l’angoisse. Nous combattons cette angoisse par l’action, la fuite, les mots parlés ou écrits. Le manque invite à la créativité. La vie est faite d’actions, de rencontres, de chagrins, de plaisirs et de rêves. Dans un réel désolé, le monde des mots construit une espérance.
Un mot libère un parfum, une odeur, un souvenir, comme des notes de musique. Le simple fait d’écrire change le goût du monde. Pour supporter la perte d’un être aimé, rien de tel que de tracer des mots sur le papier, pour accepter la tragédie qui nous accable. Parler ou écrire, soit mettre en mots son monde intérieur, permet de maîtriser ses émotions. Le travail de recherche des mots apaise.
La créativité comble le vide de la perte, d’un malheur. Elle développe la vie intérieure, même dans un profond chagrin. Les mots après la perte créent un nouveau monde. La création naît souvent de l’absence. Les mots possèdent donc une fonction affective. Il est possible, selon Boris Cyrulnik, de moins souffrir de la perte d’un être aimé en le transformant en récit.
Aussi contradictoire que cela puisse paraître, l’écriture peut combler le gouffre de la perte. Nous nous sauvons nous-même par les mots. Nous nous servons des mots pour échapper au réel insupportable. Les mots comblent le vide de l’être aimé parti et établit des passerelles entre nos mondes mentaux. Une perte sans mots est un gouffre sans fond…
Les mots créent ainsi un sentiment d’existence. Le silence évite la souffrance et l’incompréhension, mais empêche la résilience. Cela aide comme un plâtre posé sur une jambe cassée: ça soigne, mais ça empêche de marcher. Si nous sommes incapables d’évacuer le traumatisme par des mots, c’est une petite mort qui s’infiltre en nous.
Les mots écrits permettent de réfléchir à ce qui nous arrive. Ils donnent forme à la tragédie. Le monde écrit n’est plus ainsi coupé de la réalité. Il donne sens aux drames de l’existence. Personne n’est moins malheureux en écrivant. La personne décédée vit toujours dans le psychisme de l’autre.
Personne ne peut écrire avec une vie planplan, banale où rien ne se passe. Les aléas de la vie subliment l’écriture de tout un chacun. Souvent, nous écrivons pour échapper au passé et ne plus en être prisonnier, pour trouver un appui ou une bouée de sauvetage. Nous écrivons aussi pour comprendre et moins souffrir.
Le théâtre des mots
Tout récit est une bienfaisante trahison du réel, car le réel est fou. Nous agençons des morceaux du réel pour en faire une fiction qui plante une image cohérente dans notre mental intime et oriente notre chemin de vie. Le mot ‘fiction’ en lui-même est une tromperie, un artifice de la littérature (ou du cinéma d’ailleurs). Il donne une forme réelle à notre imaginaire.
Un romancier trouve dans son histoire les thèmes sur lesquels il veut travailler. Il enclenche ainsi une hypothèse imaginaire. Toute hypothèse est donc une rêverie. Pour que ce cheminement apporte du nouveau (sans quoi il serait inutile d’écrire cette histoire), il faut que le lecteur découvre quelque chose.
La fiction possède une force romanesque incroyable. Le romancier collecte des faits afin d’en faire un récit imaginaire – cela ressemble à peu de choses près à la démarche d’un scientifique. Les écrivains manipulent le réel pour en faire surgir une nouvelle vision du monde. La littérature ouvre sur un monde d’exploration, de rêve, sur des utopies heureuses ou dangereuses.
Les mos représentent un théâtre car ils sont mis en scène. Prenons l’exemple du livre “Paroles de Poilus” qui regroupe des lettres de soldats pendant la guerre 1914-1918: les pauvres hommes écrivaient à leurs proches sans révéler les atrocités qu’ils vivaient au quotidien, tout en étant entourés des horreurs de la guerre. Ils étaient des hommes courageux dont on a admiré la vaillance …
Il existe aussi un certain engouement pour les voyous littéraires. Les gens demeurent fascinés par les marginaux talentueux . En effet, ces voyous métamorphosent l’horreur de la vie et la transforme en beauté. Jean Genet, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, François Villon et Romain Gary en faisaient partie. L’écriture a représenté une échappatoire à leurs conditions de vie et à leur enfance traumatisée.
En guise de conclusion
Dans le repli sur soi que représente l’écriture, c’est une échappée dans son monde intérieur. L’écrivain va chercher des mots pour donner forme à quelques idées qu’il adresse aux lecteurs, amis réels mais invisibles.
Les mots ont une sacrée puissance et ils sont beaux. Ils sont un outil relationnel, tout en étant aussi un plaisir de partage. En devenant écrivain, on peut toutes les libertés, car celles-ci invitent à 1000 scénarios possibles. Quand le réel qui nous entoure est plat, l’imagination, ce n’est rien d’autre que de la gratitude…
Alors, pour ne pas vivre avec un gouffre dans son âme, il faut y mettre des mots. Vous aussi, vous pouvez écrire vos soleils la nuit… Vous aussi, en écrivant, vous pouvez raccommoder votre “moi” intérieur…
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