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“Alors que les hommes naissent et meurent depuis un million d’années, ils n’écrivent que depuis 6000 ans”, nous affirme René Etiemble. On a toutes et tous des cahiers ou des carnets cachés quelque part sur lesquels on a griffonné. Peut-être pas de quoi faire un livre, mais ce sont tout de même des bouts d’idées, sans queue ni tête.

Avouons qu’il faut une bonne dose d’inconscience pour livrer ainsi ce qui nous habite à la lecture des autres, sans connaître leurs réactions. Ecrire, c’est sauter le pas, sauter dans le vide ou au-dessus d’un un précipice inconnu. C’est aussi de mettre en danger, rencontrer son double, se faire des frayeurs ou des angoisses.

Il y a de la psychologie quand on décide d’écrire, de la force mentale. Il faut quand même posséder un mental de gladiateur pour réussir à inscrire le mot ‘fin’ à la dernière page d’un manuscrit. En même temps, c’est une des plus belles aventures possibles!

Pour écrire cet article, je me base sur l’essai de Philippe Meirieu, “Pourquoi est-il (si) difficile d’écrire” paru aux éditions Bayard-Ecrire au format PDF.

Les étapes du processus d’écrire

Qui n’en a pas bavé pour écrire sa première lettre d’amour? Même les plus fortes têtes n’en menaient pas large. Ils devaient faire attention à la présentation et à l’orthographe, choisir les mots, dans le simple but d’éviter d’être ridicule. C’était plus facile à dire qu’à faire…

Ecrire, c’est transmettre, c’est offrir les choses qu’on a fixées avec des mots. De tous temps, les hommes ont éprouvé le besoin d’inscrire ces choses sur un support: en gravant une pierre, en entaillant l’écorce d’un arbre, en fabriquant des tablettes d’argile, en noircissant une feuille de papier. Toutes celles et tous ceux qui écrivent pourront en témoigner: on vit plus intensément ce que l’on a écrit. Parce que justement, on l’a mis en mots.

L’écriture est infiniment précieuse, mais elle n’est pas sans danger. En écrivant, on s’expose, on prend le risque de donner à l’autre une image imparfaite de soi. Écrire, c’est livrer à l’autre des pièces à conviction dont on ignore s’il les utilisera à charge ou à décharge. Chaque écriture est toujours une aventure, un pari sur l’impossible. C’est une épreuve à chaque fois. Chaque écrit permet de grandir parce qu’il permet de se dépasser. Ecrire est à chaque fois un défi nouveau.

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Dès le plus jeune âge, on a envie de laisser une trace de notre passage. On gribouille sur une feuille avec des crayons de toutes les couleurs, pour bien montrer qu’on existe. On commence ainsi en exprimant ses émotions, en reproduisant le cadre dans lequel on vit. En un mot, on reproduit déjà un univers. On prend possession de l’espace graphique. Dans l’écriture, notre corps jouit de tracer, d’inciser rythmiquement une surface vierge, comme le soulignait Roland Barthes.

Puis, on commence à recopier des lignes de lettres à l’école, qui fixe un cadre à l’écriture. On aime, à l’heure du coucher, qu’on nous raconte des histoires, parfois terrifiantes. On a peur, mais on aime ça. Tout cela se trouve dans les livres, à l’école, à la maison. Tout commence ainsi! C’est de cette façon que tout un chacun entre dans l’univers de l’écrit, monde des adultes au départ. C’est un pouvoir énorme que ces derniers possèdent, sans s’en rendre bien compte. Il faut alors savoir lire pour décrypter le monde et savoir écrire pour transmettre son monde.

Dès le plus jeune âge, il faut du labeur pour entrer dans l’écrit. On n’y parvient pas sans exercice, sans s’exercer inlassablement à poser correctement sa main sur le papier, à tenir le crayon comme il faut, à maîtriser le geste, à écrire plus vite. C’est difficile et c’est normal! Mais quel plaisir à la fin de coucher des mots sur la feuille! Quel plaisir d’avoir surmonter les obstacles!

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La première lettre au Père Noël

Il faut bien lui écrire au Père Noël pour qu’il apporte les cadeaux tant attendus! Il faut le faire exister ce Père Noël, se l’imaginer, se convaincre qu’il va lire avec attention le courrier que chaque enfant lui envoie. L’enfant écrit à un absent, qu’il doit mentalement rendre présent pour décider de ce qu’il va lui dire. C’est comme à l’école: il écrit sans obtenir de réponse directe, le destinataire étant à distance. A l’école, il écrit pour se faire corriger. A la maison, il écrit pour reproduire les exercices.

Tout véritable écrit est une lettre. L’apprentissage de l’écrit, c’est celui de la correspondance. Pour écrire une lettre, il faut entrer en relation à distance et confier au papier ce qu’on veut dire à l’autre ou aux autres. C’est pourquoi, très tôt, on invite l’enfant à écrire: quand il part en vacances par exemple. Ecrire, c’est surseoir. Ecrire, c’est accepter de ne pas être dans l’expression immédiate, comme pour la parole. C’est accepter de ne pas avoir de réponse tout de suite.

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Pour écrire, il faut réfléchir au préalable à son acte, pour ne pas se tromper. Ainsi, l’écriture permet de communiquer avec soi-même. En consignant ses pensées ou ses annotations, on peut revoir et réorganiser son propre travail, rectifier l’ordre des mots, des phrases et des paragraphes. Cela donne un aperçu sur le fonctionnement de notre pensée.

L’écrit comme un travail d’artisan

Quand on commence à écrire des histoires, ou à décrire des photos, on fait des brouillons. On recopie en faisant attention pour plaire à la maîtresse ou au maître. Apprendre à écrire, ce n’est pas traduire directement sa pensée. C’est le résultat d’un travail d’artisan, patient et minutieux. Il faut commencer avec ce dont on dispose, faire des essais, mettre les mots dans un sens, puis dans un autre. On cherche le mot qui convient le mieux, en le rencontrant au détour d’une lecture, d’une conversation, d’un souvenir lointain, dans une page de dictionnaire. Le puzzle se met en place, non sans effort!

Pour parvenir à toutes ces étapes, l’enfant doit se caler sur les exigences de son enseignant, dans le but d’obtenir une bonne note. C’est ainsi qu’il rencontre inévitablement la question de l’orthographe. Car, pour communiquer avec les autres, il doit lever toutes les ambiguïtés possibles, mais aussi respecter un code partagé et accepté de tous.

“Se raconter, c’est en quelque sorte bâtir une histoire qui dirait qui nous sommes, ce que nous sommes, ce qui s’est passé, et pourquoi nous faisons ce que nous faisons. Ce n’est pas seulement tenter de dire ce qui a été ou ce qui est, c’est explorer des possibles. La manière dont on se construit au travers des récits ne cesse jamais et ne trouve pas de fin. (…). C’est grâce au récit que nous parvenons à créer et recréer notre personnalité”, Jérôme Bruner, “Pourquoi nous racontons-nous des histoires?”.

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L’utilité du récit

Le récit permet de donner de l’unité à toutes ses expériences personnelles et de s’inscrire dans le temps. Dans un roman, on suit toujours une histoire. Les aventures ont un début et une fin, avec des renversements de situation. Dans un roman, il y a du récit. Et le récit organise les choses et transforme les faits en événements. Par exemple, à l’adolescence, quand on tient un journal intime, on se raconte et ainsi, on construit sa propre histoire.

Le récit permet de comprendre, d’explorer et d’apprivoiser le monde. Il permet aussi d’habiter le monde. S’engager dans l’élaboration d’un récit, autobiographique ou imaginaire, c’est chercher à comprendre les raisons de ce qui se passe en nous et autour de nous. Le récit apprivoise le chaos de la vie autour de nous. Il permet de parler des conflits dans lesquels nous sommes impliqués, en leur donnant la forme d’une histoire qui autorise un dénouement. Raconter, c’est décrire et inventer en même temps.

“Un mot jeté au hasard dans l’esprit produit des ondes en surface et en profondeur, provoque une série de réactions en chaîne, entraînant dans sa chute sons et images, analogies et souvenirs, significations et rêves, dans un mouvement qui concentre à la fois l’expérience et la mémoire, l’imagination et l’inconscient”, Gianni Rodari, “Grammaire de l’imagination”.

Jouer avec les mots

Ecrire est un exercice fastidieux, pour les enfants comme pour les adultes. Beaucoup d’adultes n’écrivent jamais ou presque. Pour la plupart d’entre nous, enfants y compris, les mots ne sont pas des jeux. Jouer avec les mots devrait être un vrai plaisir car c’est un bon moyen de développer l’imagination. Les enfants ou adultes “écrivains” sont ceux qui éprouvent de la jouissance à manipuler les mots, à les agencer comme dans un puzzle, à en découvrir de nouveaux et à imaginer avec eux des phrases, des récits, des poèmes, des textes de toutes sortes qu’ils dégustent avec gourmandise et aiment à partager avec d’autres.

Le problème, c’est qu’on ne joue pas spontanément avec les mots. D’une part, parce qu’on garde en mémoire les difficultés, voire les échecs, de notre apprentissage. D’autre part, parce que les mots sont souvent considérés comme des choses sérieuses pour qu’on puisse jouer avec eux. On leur confère un caractère sacré qui interdit de les “manipuler”.

Clarté,visibilité et respect des règles

Rendre un écrit public impose de se soumettre à des exigences de clarté et de visibilité. Ecrire est un acte qui renvoie à ce que chacun d’entre nous a de plus intime. Dans l’écriture, il y a un engagement personnel, une manière de se mettre en jeu, une prise de risque que chacun doit assumer. Si les adultes autour de l’enfant n’écrivent pas et ne lui montrent pas la joie et l’inquiétude d’écrire, il est alors difficile pour un enfant de se lancer dans l’aventure.

Ecrire, c’est s’engager librement, mais aussi se soumettre à l’épreuve de la lecture de l’autre. C’est donc respecter les règles. Et les règles dans l’écriture peuvent paraître arbitraires aux yeux de certains. La clarté n’est pas spontanée. Elle n’arrive qu’au bout d’une longue maturation et de nombreuses corrections. On ne peut pas apprendre à écrire tant que ses écrits ne circulent pas, tant qu’ils ne sont pas soumis au regard et à la lecture de l’autre.

Il est des choses plus faciles à écrire qu’à dire

Le passage par l’écrit peut être une véritable épreuve. Cela peut être aussi un moment fort où l’on prend le temps de s’adresser à des êtres chers pour tenter de leur dire ce qu’on ne saurait pas bien formuler dans une conversation. Il faut bien choisir ses mots pour ne pas être mal compris ou blesser inutilement. Ecrire, c’est donner sa chance au possible. Ecrire, c’est inviter à répondre.

Crédit photo: lewebpedagogique.com

Le papier versus le clavier

Ecrire sur le clavier fait oublier le plaisir de la page et du crayon qui glisse dessus. Ecrire avec le clavier s’appelle le clavardage au Québec. L’efficacité n’est pas du même ordre avec le clavier. Aujourd’hui, on stigmatise beaucoup le langage simplifié, voire dégénéré, induit par les nouveaux moyens de communication. On oublie peut-être un peu vite que les jeunes qui l’utilisent n’ont rien inventé. Leurs grands-parents, jadis, avaient recours au télégramme, avec des mots abrégés.

Bien avant le télégramme, il existait des moyens de communication beaucoup plus rudimentaires et éloignés des codes. On a inventé le morse et la langue des signes. Or, personne n’a jamais vraiment critiqué ces méthodes ni considéré qu’elles menaçaient gravement l’avenir de la langue écrite!

Il est donc inutile de se lamenter sur la prolifération des écrits informatiques. Personne n’ira contre la marche du temps, qu’elle nous plaise ou pas. Ecrire, c’est avant tout une disposition de l’esprit.

Crédit photo: veille tourisme.ca

Ecrire: une prise de risque?

L’écriture, comme toutes les activités humaines, comporte une prise de risques. Il faut bien un jour franchir le pas. Pour écrire, il faut d’abord avoir rencontré des adultes qui témoignent que l’écriture n’est pas une simple obligation scolaire, une course d’obstacles inventée pour faire trébucher les enfants les plus malhabiles ou les moins courageux. Il faut avoir rencontré des adultes pour lesquels l’écriture est aussi source de petits plaisirs et de grandes satisfactions.

On se plaint que les enfants n’écrivent pas suffisamment. Et vous? Etes-vous prêts de temps à autre à délaisser votre téléphone pour retrouver les joies de la correspondance? Ecrire est certes une aventure où rien n’est joué d’avance. Chaque écrit est une conquête et c’est ce qui fait son intérêt. il ne faut pas croire celles et ceux qui disent écrire facilement! Ce sont des imposteurs!

On ne commence jamais à écrire sereinement, car, pour l’essentiel, ce que nous écrivons ne préexiste pas à l’écriture. C’est pour cela qu’il est si difficile d’écrire. S’il est si difficile d’écrire, c’est parce qu’à un moment donné ou à un autre, un écrit est toujours orphelin. Il doit se passer de l’auteur. Produire quelque chose qui nous échappe est inquiétant. L’auteur a joué son rôle, son écrit ne lui appartient plus.

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En guise de conclusion

Je vous invite à lire cet essai de Philippe Meirieu, disponible sur Internet. Je ne sais pas pour vous, mais j’ai trouvé cette étude très intéressante. Ce petit guide de moins de 60 pages est précis et agréable à lire. L’auteur nous livre un éclairage précieux sur l’entrée dans l’écrit que les parents redoutent souvent plus que leurs enfants!

Apprendre à écrire, au début, se résume à un dur labeur, que nous, adultes, avons oublié. L’écriture, de toute façon, dès le départ, est un sacré défi. Et cela continue de l’être quand on souhaite écrire un livre, encore plus quand c’est un roman.

Comme dirait le petit Nicolas de René Goscinny, “téléphoner, c’est rigolo; écrire, c’est embêtant”.

Comme le souligne Michel Fayol, l’écriture est monologique  : pas d’interlocuteur, pas d’interruption, pas de questions et pas de réponses. Il faut donc tout faire soi-même, sans être sûr du résultat. Cela demande en plus de la concentration, tout en imposant une forte contrainte à la pensée. Ca peut en faire flipper plus d’un, non?







Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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