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La seule question à se poser quand on écrit une histoire longue, c’est: qui raconte l’histoire? Bien sûr, c’est l’auteur qui décide de la teneur du livre, des scènes, des événements qu’il va décrire, les personnages, les détails : tout sort de son esprit. Mais, quelle voix le lecteur entendra-t-il? En fait, pas tout à fait celle de l’auteur.

A l’écrit, le langage est différent, plus formel qu’à l’oral, plus contrôlé. C’est une autre voix. Le lecteur réagit à ce qui est raconté, mais l’auteur ne le voit pas, ne le sait pas. Cela exige d’être précis dans le choix de ses mots. L’auteur se doit d’adapter son langage au contexte.

L’auteur a beaucoup de voix à sa disposition quand il écrit. Il peut utiliser n’importe quelle façon de parler. Le langage peut être grossier, argotique, familier, formel, châtié. Il existe beaucoup de possibilités. Chaque personnage aura sa syntaxe et sa façon de s’exprimer. Tous les écrivains ont des manies stylistiques qui se répètent dans leurs livres. Les personnages parleront toujours un peu comme leur créateur.

La plupart des histoires sont écrites à la première ou à la troisième personne. La première personne, théoriquement, est utilisée dans les histoires vécues. On raconte ce qui nous est arrivé. La troisième personne s’emploie plutôt lorsque le narrateur n’a pas participé à la scène. Il raconte ce qui est arrivé à d’autres gens. A la première personne, on ne peut écrire que ce que le narrateur a vu. A la troisième personne, on peut continuer d’observer.

Choisir la personne est une stratégie stylistique. Si on veut que le narrateur joue un rôle dans l’histoire, on choisit la première personne. Dans le cas contraire, c’est la troisème personne. Le choix de la personne va conditionner la manière dont on va traiter les personnages principaux. Tout découle de ce choix. Il est donc très important dès le début.

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Presque tous les récits que nous lisons sont au passé. Le lecteur s’attend à lire une histoire au passé quand il prend possession du livre. Le présent a aussi son utilité dans une œuvre de fiction. Il est devenu tout à fait courant et s’est généralisé dans l’écriture de textes courts, ou dans les romans d’auteurs contemporains. Il est préconisé d’écrire les histoires au passé, manière la plus courante. Cela ne crée aucune barrière avec le lecteur, qui y est habitué. Une écriture intéressante n’est pas obligée d’être obligatoirement originale ou étrange.

La langue a changé, elle évolue beaucoup ces derniers temps, tout comme les conventions de la littérature et les attentes des lecteurs. Une bonne écriture n’est pas forcément complexe et codée. Tout ce qui se lit facilement n’est pas forcément simpliste et banal. Ce ne sont que des clichés. Les écrivains ont toujours respecté les conventions de l’époque dans laquelle ils vivaient. Chaque écrivain écrit la langue de son temps. Ce qu’il veut, c’est être compris. Et vivre de des écrits.

Chaque histoire qu’un auteur écrit est, par définition, expérimentale, puisqu’elle n’a pas encore été lue. Le but est de ne pas rebuter les lecteurs. Le but est de les marquer avec des histoires intéressantes, voire instructives. La technique et la forme ne sont pas des fins en soi, juste des outils. Les grands écrivains sont ceux qui ont de belles histoires à raconter et qui font leur possible pour être compris de leurs lecteurs.

Règle fondamentale : choisir toujours la technique la plus simple, la plus claire et la plus transparente pour atteindre le but qu’on s’est fixé. C’est simple, non?

Une relation ambiguë lie le conteur et son public. En principe, le narrateur n’exprime jamais son opinion personnelle. L’attention est centrée sur les événements, et tout est vu par les yeux de l’un des personnages de l’histoire. Normalement. Il peut y avoir des auteurs de présentation : ils s’adressent directement à leur public. La main de l’auteur est tellement évidente que le lecteur n’oublie jamais qu’il a sous les yeux une œuvre de fiction.

Quelle que soit la préférence, les lecteurs doivent être au courant dès le départ. On ne peut pas les tromper sur la marchandise. Dans une histoire de présentation, tout est vu avec les yeux d’un personnage. Le narrateur y est quasi invisible. Dans une histoire de représentation, le narrateur est présent, donne son point de vue. Le narrateur s’immisce entre le lecteur et le personnage principal, qu’on ne voit que de loin. Plus l’histoire repose sur le voix du narrateur, au détriment des événements, meilleure sera l’écriture, car elle attirera l’attention du lecteur.

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Les écrivains doivent constamment choisir entre montrer, raconter et ignorer. Le lecteur, dans une œuvre de fiction, absorbe les informations de manière filtrée. Les informations triviales sont superflues, sauf si elles présentent un intérêt pour la suite de l’histoire. La plupart du temps, les écrivains ignorent ces faits. De nombreuses informations pertinentes ne sont pas tout à fait assez importantes pour faire l’objet d’une scène entière. Une journée peut être résumée en trois phrases. Il faut faire comprendre les choses et ne pas tout raconter.

L’auteur se repose sur l’imagination du lecteur. La technique narrative consiste à dire ce qui est arrivé dans un laps de temps assez court. Le gros de l’histoire est raconté, évoqué, voire sous-entendu.

Quand on choisit d’utiliser la narration à la première personne, on dit son histoire avec la voix d’un autre, celle du personnage qui raconte. Si un auteur fait mal parler un personnage, c’est pour le dénigrer en général. Un narrateur s’exprimant à la première personne se doit d’être présent dans les scènes clés de l’histoire, ce qui peut compliquer la tâche. Il raconte ce qu’il a vu et non pas ce qu’on lui a rapporté. Il faut donc l’associer de près à l’intrigue de façon à ce qu’il assiste à tous les rebondissements intéressants. Le narrateur devient alors un des protagonistes principaux.

La voix du narrateur est l’outil le plus puissant. Avec un narrateur à la troisème personne, le lecteur ne se demande jamais comment il a appris ces choses ni pourquoi il les écrit. Le narrateur est un conteur, ni plus ni moins. Seule son histoire nous intéresse. Le narrateur qui s’exprime à la première personne prend physiquement part à l’action. Changer de narrateur s’exprimant à la permière personne est très difficile et contre-productif.

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La plupart des récits à la troisème personne sont au passé, et pourtant, l’action semble immédiate. Les événements sont rapportés comme s’ils se déroulaient en temps réel, sans aucune distance temporelle. Dans un récit à la troisième personne, il y a forcément une distance dans l’espace. Le narrateur est un observateur invisible, qui se tient à l’écart de l’action. La première personne est distante dans le temps et la troisème personne est distante dans l’espace.

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Les écrivains ont droit de vie ou de mort sur leurs personnages. Ils les manipulent comme des marionnettes, mais les écrivains restent cachés derrière leur rideau. L’art de l’écriture consiste à entretenir l’illusion que les personnages agissent pour des raisons qui leur sont propres, que l’histoire en question est une suite d’événements plausibles et naturels.

Le narrateur omniscient peut se déplacer comme bon lui semble dans le paysage qu’il a créé. Il embarquera le lecteur. Il sait tout des pensées, des rêves, des souvenirs et désirs des personnages. Dans le cas d’une troisième personne limitée, le narrateur ne jouit pas de la même liberté de mouvement. Un des personnages de l’histoire lui sert de guide et lui montre ce qu’il voit lui-même. Seuls les pensées, les désirs et souvenirs de ce personnages sont accessibles à ce narrateur. Pour les autres, il ne peut que deviner.

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Il est impossible pour un auteur de changer de point de vue à tout bout de champ, encore moins dans une scène. Le lecteur n’y comprendrait rien!

Le narrateur limité peut aussi changer de point de vue. Il en a parfaitement le droit -dans une nouvelle scène par exemple, après une transition claire. Le narrateur omniscient peut raconter plus de choses sur l’histoire et les personnages en beaucoup moins de temps. Le narrateur limité est plus lent et donc moins efficace. C’est pourtant celui-ci qui s’est imposé comme la voix narrative dominante dans la fiction américaine contemporaine par exemple.

Avec le narrateur omniscient, le lecteur a du mal à s’attacher à l’un des personnages en particulier. Le lecteur ne peut pas vraiment s’identifier aux personnages, dont il ne partage que peu d’émotions. Il est obligé de garder ses distances et rentre moins facilement dans l’histoire, car il est toujours à l’extérieur de l’histoire.

La narration limitée permet au lecteur de s’impliquer beaucoup plus dans la vie et les sentiments des personnages. La vision qu’elle nous offre est plus proche et personnelle. La narration à la troisième personne limitée permet de développer une écriture claire et fluide (recommandée pour des écrivains débutants). La plupart des romans de nos jours sont écrits à la troisième personne limitée. Les lecteurs veulent s’immerger dans la vie des personnages.

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Ecrire au passé est aussi bien plus commun et donc transparent. Ecrire au présent peut dérouter les lecteurs. 

Un auteur ne peut pas se permettre de raconter la fin de son roman dès le début, ce qui peut arriver avec un récit à la première personne, car le narrateur connaît la fin de l’histoire. Le narrateur s’exprimant à la première personne doit garder pour lui certaines informations, les distiller au compte-gouttes, pour créer un suspense artificiel.

Ecrire à la première personne est un exercice difficile. Il est beaucoup plus facile d’écrire à la troisième personne. Le seul intérêt dans un récit à la première personne réside dans la facilité avec laquelle les émotions sont partagées.

Après, tout est une question de sensibilité et comment on est plus ou moins à l’aise avec un type de narration. Je préfère m’essayer à écrire d’abord une histoire courte, ou lire un chapitre à haute voix pour me rendre compte de l’effet. C’est très instructif en général, et les défauts ressortent vite.


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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  • Merci Laurence. Moi, je n’arrive à écrire que de petits textes, façon micro-fictions.
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    Nicole

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