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Qu’est-ce qu’un personnage? Voilà une sacrée question! A laquelle il est difficile de répondre de manière succinte. Nous sommes d’accord sur un point: les personnages doivent être au service de l’histoire, et non l’inverse. Tout part d’une idée d’histoire et d’intrigue. Les personnages sont là pour dérouler le tapis roulant de l’histoire.

Il y a, bien sûr, des pièges à éviter pour construire les personnages de son roman. Créer des personnages n’est pas une tâche facile. Loin de là. Il faut leur donner de la profondeur, de la consistance et de la personnalité, tout en évitant les clichés, les stéréotypes et les incohérences. Un personnage ne peut pas changer de comportement sans raison.

Les personnages portent nos histoires, mais il est facile de tomber dans les caricatures, en oubliant de donner du relief et de la cohérence aux personnages. Le personnage doit emporter l’adhésion et l’empathie du lecteur. Rappelez-vous aussi qu’une histoire existe lorsqu’il y a du mouvement et le mouvement naît du désir du personnage.

Pour écrire cet article, je me base sur le le livre “Personnages et points de vue” d’Orson Scott Card.

Orson Scott Card suggère de se fier à son intuition quand il s’agit de créer des personnages. Il convient de faire les choix les plus appropriés possibles et les plus utiles. Les personnages doivent souvent se mettre au service de l’histoire. Et chaque histoire nécessite un type de personnage particulier.

Les quatre facteurs présents dans toute histoire sont:

  • Le milieu
  • L’idée
  • Le personnage
  • Les événements

Orson Scott Card- Crédit photo: wikipedia.fr

Le milieu est le monde qui entoure les personnages, c’est-à-dire, les paysages, les espaces intérieurs, les différentes cultures, tout, de la météo par exemple aux habitudes de vie.

L’idée est l’information que le lecteur est supposé découvrir ou apprendre durant sa lecture. C’est là que l’imagination a toute sa place.

Concernant le personnage, il est primordial de connaître la nature des protagonistes, ce qu’ils font, pourquoi ils le font. Le lecteur doit savoir en quoi consiste leur nature humaine.

Les événements correspondent aux péripéties qui font avancer l’histoire.

Il va de soi que ces quatre facteurs se chevauchent le plus souvent dans une histoire. Les événements de l’histoire sont en général provoqués par les personnages. Ces facteurs sont présents dans toutes les histoires. Leur importance varie.

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Une histoire se déroule forcément dans un lieu, quelque part dans un lieu réel ou inventé, à un moment donné, dans un contexte particulier. Le décor (la ville, les bâtiments, les rues, les véhicules, etc.) et le cadre culturel du lieu en question (les traditions, les lois, les habitudes sociales, les exigences qui façonnent a manière de penser, de parler et d’agir des personnages). Quand un lieu est très précis, c’est qu’il est important dans l’histoire pour attirer l’attention du lecteur, comme “Les voyages de Gulliver”, ou dans les romans de Mark Twain

La structure d’une histoire simple est: le personnage est placé dans un milieu, il interagit dans ce lieu, il décrit les lieux et les moeurs. Une fois terminé, il rentre chez lui. Dans ce type de structure simple, le personnage est peu caractérisé car il ne veut pas ttirer l’attention sur lui. Ce n’est pas le but de ce genre d’histoire. Le personnage est aussi normal que possible.

Cela concerne les récits de voyage, les utopies, les ouvrages naturalistes. Il y a quand même
une intrigue avec beaucoup de descriptions des lieux. Ce procédé très fréquent dans les livres de science-fiction ou de fantasy, dans lesquels les mondes concentrent l’attention du lecteur, par exemple “Dune” de Frank Herbert, ou ” Le Seigneur des Anneaux”.

Les intrigues ne sont pas forcément très rigoureuses, mais les milieux sont très détaillés. Les personnages n’y sont pas complexes. Ils sont souvent des stéréotypes et se comportent comme ils sont supposés se comporter. Dans “Le Seigneur des Agneaux” de Tolkien, dans la
communauté censée protéger l’anneau, il n’y a qu’un nain et un elfe, pour que les lecteurs
les différencient bien. Le milieu tient aussi un rôle prépondérant dans les thrillers.

Les structures de ces histoires sont simples: on pose une question ou un problème, et on y répond. C’est le cas des histoires de meurtres. La plupart des auteurs utilisent quelques excentricités pour rendre les personnages plus intéressants, en particulier les détectives, comme dans les romans d’Agatha Christie. Le processus de caractérisation se limite le plus souvent à donner à plusieurs personnages des raisons d’avoir tué la victime.

Dans les romans de Raymond Chandler, le détective est un fin observateur, dont le talent permet de mettre à jour les secrets inavouables des autres protagonistes. Cependant, les personnages changent rarement au cours de l’histoire. Dans ces histoires, les héros sont immuables, ce qui permet aux auteurs de les réutiliser encore et encore. De nombreuses histoires de science-fiction sont écrites avec la même structure: les personnages rencontrent un problème, ils font leur possible pour y remédier.

Raymond Chandler- Crédit photo: compagnieaffable.com

Certaines histoires reposent uniquement sur un personnage, qui souvent cherche à changer de vie ou de rôle. Ça commence en général au moment où le personnage ne supporte plus sa vie actuelle et décide d’en changer et se termine quand il a réussi à changer. La situation peut être installée depuis longtemps, mais l’histoire ne commence que quand elle devient insupportable pour le personnage.
Ces histoires nécessitent les personnages les plus complexes. Le lecteur doit comprendre ce qui
rend la vie difficile au personnage en question. Tous les changements dans les relations du héros doivent être justifiés. Autrement, l’intrigue ne tient pas la route.

Crédit photo: radio-canada.ca

Toutes les histoires racontent des événements qui ont des causes et des conséquences. Celles qui se concentrent sur les événements ont un schéma particulier. Le monde ne tourne pas rond: l’équilibre peut être bouleversé, on peut découvrir une injustice, on vit une rupture, on assite à la décadence ou à la maladie. L’histoire raconte comment revenir à la situation initiale ou bien comment rétablir un ordre nouveau.

Ces histoires commencent quand le personnage principal se retrouve impliqué dans le processus
de guérison du monde malade et se termine quand l’objectif est atteint ou abandonné, comme par exemple dans “Le comte de Montecristo” d’Alexandre Dumas, “Œdipe roi” de Sophocle où le crime reste impuni ou non vengé, comme dans “Macbeth” de William Shakespeare où le désordre
vient d’un usurpateur, “Le Prince et le pauvre” de Mark Twain avec la perte de la position sociale du personnage principal, “Le Seigneur des Anneaux” où le désordre provoqué par une force maléfique sème la destruction.

Le désordre peut être la conséquence d’un amour interdit, comme dans “Les Hauts de
Hurlevent”
d’Emily Brontë où l’héroïne vit un amour qu’elle ne peut pas assumer totalement ou comme dans “Tristan et Yseult”. L’histoire à dominante événements est au cœur de la tradition romantique depuis 2000 ans. Elle est peut-être même à l’origine du concept de fiction. L’homme a besoin de donner du sens à tout ce qui arrive autour de lui. Nous avons la conviction qu’une certaine forme d’ordre doit régner dans le monde.

Chaque fois qu’on raconte une histoire, on lie un contrat implicite avec le lecteur. On doit lui faire comprendre dans les premières pages de quel genre de récit il s’agit. Le lecteur imagine que l’histoire prendra fin dès que la première source majeure de tension structurelle sera résolue. Une histoire qui commence avec un personnage vivant une situation intolérable ne peut se terminer avant que celui-ci soit de nouveau satisfait de son sort. Un monde plongé dans le chaos devra être guéri ou bien perdu une bonne fois pour toutes.

Commencer une histoire, c’est faire face à des obstacles qui vont se dresser devant soi. Les digressions seront tolérées dans le roman par le lecteur, si elles ne sont pas trop nombreuses. Tout ce que l’auteur développe doit être utile à l’histoire. Se focaliser sur ce qui paraît le plus intéressant dans son idée est la base: les décors, le contexte, le dénouement de l’intrigue, les personnages qui
nous fascinent.

L’auteur doit réfléchir dans quel aspect il mettra plus d’énergie. Pour ce faire, il se doit d’adapter la structure de son roman au centre d’intérêt du lecteur. Les histoires fondées sur des personnages se sont imposées au début du XXe siècle. Ce n’est pas la seule forme de récit valable, loin s’en faut. Les structures bâties autour d’un personnage central complexe sont devenues dominantes, dans tous les genres littéraires. Cela répond à une attente du lectorat.

Crédit photo: utopique.fr

Le lecteur doit s’identifier au héros, partager ses émotions. L’auteur ne peut faire autrement que de lui offrir une caractérisation poussée, autrement le lecteur n’accrochera pas. La mode est aux personnages complexes et réalistes. Cela ne convient pas à toutes les histoires. Il convient de réfléchir d’abord quel est son objectif car créer des personages complexes n’est pas une fin en soi.

Tous les personnages ne sont pas logés à la même enseigne. On doit faire savoir au lecteur quels sont les personnages qui comptent vraiment pour le récit, quels sont ceux qu’il convient de suivre avec attention et ceux qui vont rapidement disparaître. On ne développe pas les personnages qui restent des figurants et qui sont de passage. Ils ne sont là que pour renforcer le réalisme d’un décor ou d’une situation et disparaissent une fois leur fonction remplie. L’histoire est forcément entourée de personnages peu importants; ils font partie du décor.

Les figurants ne doivent pas distraire le lecteur. Ils agissent comme des accessoires, et non pas comme des personnages. Ils portent des vêtements ternes qui se ressemblent tous. Il faut toujours se souvenir comment un réalisateur caractérise les figurants de son film.

Les personnages mineurs peuvent avoir une influence sur l’intrigue, mais on ne les investit pas
émotionnellement. On ne les rencontre pas tout au long du récit. Leurs actions ont parfois
une incidence sur les événements, mais ils n’influent pas la marche de l’histoire. En règle
générale, un personnage mineur accomplit une ou deux actions avant de disparaître. On peut arracher un personnage mineur et le mettre sur le devant de la scène, tant que l’on sait pourquoi. L’arrivée d’un nouveau personnage ne passe jamais inaperçue. On peut rendre un personnage mineur excentrique pour attirer l’attention sur lui, exagérer ses traits ou lui donner un caractère excessif. Mais juste pour servir une fois et après il disparaît.

Les personnages majeurs sont les protagonistes qu’on a envie de suivre. On les aime ou on les
déteste. Ils reviennent régulièrement tout au long du récit. Leurs désirs et leurs actions font avancer l’intrigue et sont parfois à l’origine de rebondissements. Rien n’est cloisonné. Il n’y a pas vraiment de frontière entre les personnages majeurs ou mineurs. Les personnages majeurs sont ceux dont on raconte les aventures. Leurs choix conditionnent le récit. Ils nécessitent un gros travail de caractérisation. Il faut les modeler correctement.

Le héros est vêtu d’habits qui ressortent sur l’écran. Les figurants, quant à eux, vaquent à leurs occupations. Aucun personnage mineur ne reste longtemps sur le devant de la scène.

Un stéréotype peut être nécessaire et acceptable pour un figurant. Il se comporte comme le lecteur s‘y attend. Il se fond dans le décor. La différence entre des personnages majeurs et mineurs se résume en grande partie à la place qu’ils occupent dans le récit. Il vaut mieux commencer un récit en présentant des personnages majeurs, qui occupent 100% de la scène d’ouverture, de façon à ne pas décevoir le lecteur. Quand un personnage intervient régulièrement, même s’il semble inintéressant, on commence à se douter qu’il fera quelque chose d’important.

Il n’est pas nécessaire qu’un personnage apparaisse souvent pour être important, du moment que
ce qu’il dit ou fait a une incidence sur l’intrigue. Plus un personnage est charmant et sympathique, plus les lecteurs l’aimeront en tant qu’être humain et plus ils auront envie de le suivre.

Un des moyens les plus efficaces pour donner de l’importance à un personnage est d’adopter son point de vue sur l’histoire. Un personnage important pour l’auteur ne le sera pas forcément pour le lecteur.

La lecture n’est pas une activité passive. L’esprit du lecteur est traversé par de nombreuses émotions, auxquelles s’ajoute une certaine tension. Plus cette tension est importante, plus le lecteur a envie de continuer et de savoir ce qui se passe ensuite et plus il ressent avec intensité les émotions de l’histoire. La force de la tension perçue par le lecteur dépend en partie de l’état émotionnel du lecteur, de son imagination et de ses qualités de lecteur.

On peut travailler les personnages de façon à augmenter l’intensité des émotions. Plus le lecteur
est impliqué dans l’histoire grâce aux émotions, plus il aura envie de connaitre la suite. Les personnages qui souffrent ou font souffrir marquent davantage les esprits et sont donc plus
importants que les autres. La douleur peut être physique ou émotionnelle. Il ne s’agit pas de faire ressentir ces douleurs au lecteur. Les émotions doivent rester supportables. La souffrance physique est plus facile à utiliser, car elle ne nécessite aucune préparation.

Lorsqu’elles sont répétitives, les souffrances perdent de leur efficacité. Si on fait trop vibrer
la corde sensible, le lecteur aura l’impression que le personnage pleurniche et il s’impliquera
moins émotionnellement. Au-delà d’un certain point, la souffrance, même fictive, est trop
difficile à appréhender.

Film d’animation “Vice et Versa”

La douleur est un outil de caractérisation à potentiel illimité. Il est préférable de décrire les
causes et les effets des souffrances sur les personnage. Un personnage qui tient bon, qui lutte pour
surmonter sa souffrance, s’attirera facilement la compassion des lecteurs. Juste un petit rappel : les personnages méchants sont les personnages les plus mémorables.
Un personnage menacé attire l’attention du lecteur. Plus il sera faible, plus la menace sera terrible
et plus le lecteur s’attachera à lui. La menace est efficace que si elle est crédible. La tension sexuelle est liée à la menace. La tension sexuelle augmente avec la proximité émotionnelle. Ces émotions peuvent être négatives (rivalité, mépris, colère).

Il y a beaucoup de tension sexuelle dans les romances de nos jours. La tension sexuelle nourrit l’implication du lecteur car elle favorise l’identification. Les signes et les présages (tempête, orage, bruine, brouillard, chaleur étouffante, etc) sont un excellent moyen d’accrocher le lecteur.

Il est important que le lecteur ait envie de connaître l’issue d’un conflit opposant deux des personnages d’une histoire. Si un personnage est méchant, il doit l’être depuis le début. C’est plus facile à gérer. Le lecteur s’accrochera aux personnages et tirera ses propres conclusions si l’auteur sait comment rendre ses personnages sympathiques ou détestables. La plupart des lecteurs aiment suivre des personnages qu’ils apprécient.

Tout auteur devrait toujours avoir à l’esprit que le lecteur passe du temps à nous lire. Si les personnages principaux leur déplaisent, ils renonceront avant la fin de leur lecture. L’auteur a besoin de savoir comment susciter la sympathie ou la haine. Même un héros antipathique peut se montrer attachant.

Les personnages, comme les êtres humains, peuvent faire bonne ou mauvaise impression. Dès leur
première apparition, le lecteur commence à apprécier ou à ne pas aimer les personnages d’une histoire. Nous aimons ce qui nous ressemble. En général, nous sommes plus attirés par des personnages qui font partie des communautés qui comptent pour nous, ou qui présentent des qualités que nous semblons posséder. Nous nous sentons plus à l’aise avec eux.

Cette règle fonctionne avec la classe sociale, le style vestimentaire, etc. Nous n’aimons que très peu les gens très différents de nous. Les détails qui font qu’on va aimer ou pas quelqu’un dans la réalité
fonctionnent également dans une œuvre de fiction. Les personnages qui nous paraissent sympathiques ne doivent pas ennuyer le lecteur.

Il y a tellement de choses à dire sur la conception des personnages que je peux écrire des dizaines et des dizaines d’articles sur cette thématique. Comme d’habitude, je n’ai pas pu résumer tout le livre, tant il est dense et riche en informations. Dans une autre partie de son livre, Orson Scott Card traite des personnages que nous aimons ou que nous détestons.

J’aime à relire certains romans dont j’ai aimé les personnages, pour mieux m’en imprégner et m’en inspirer. J’ai relu maintes fois “Orgueil et Préjugés” de Jane Austen, qui reste à mes yeux l’un des meilleurs romans de tous les temps. Mais, ce n’est que mon humble avis…Je ne suis guère objective car c’est mon écrivaine préférée!

Un personnage, c’est une symbolisation, un éclairage. La fiction, ce sont les gens. Les gens, que dans la vie on appelle personnes, sont dans la fiction des personnages. Être de papier ou personne réelle, le personnage est un élément essentiel du genre romanesque. C’est grâce au personnage que le lecteur peut s’investir dans le récit, en s’identifiant à lui ou, au contraire, en le rejetant et en l’utilisant comme contre-exemple.


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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