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Voici un vaste programme que le titre de cet article. Que signifie réellement saisir le monde? Saisir le monde, c’est déjà une étape, mais ne vaudrait-il pas mieux commencer par saisir le monde en essayant de se comprendre soi avant? Il existe différentes manières de se saisir soi, se saisir le monde. Aucune n’est meilleure qu’une autre. Toutes les méthodes se valent. Et il y en a certainement autant qu’il y a d’individus sur Terre.

Saisir le monde par l’écriture est une recherche qui remonte à l’Antiquité. Les objets liés à l’écriture, souvent luxueux dans les temps anciens, les lieux où on écrit, atypiques ou pas, les voyages, les visites des musées, les habitudes d’écriture, tout ceci concourt à saisir le monde.

Une autre question peut également se poser: écrit-on avec le corps ou avec la tête? Je vous laisse réfléchir à la problématique. Je tenterai d’apporter quelques réponses. Quand on fait le geste d’écrire avec sa main, c’est que l’on appréhende déjà le monde. Avec son stylo en main, on part à la conquête de soi, donc du monde.

Les lieux de l’écriture

Tout écrivain se choisit un lieu pour écrire. On peut penser, à tort, que les écrivains, écrivent dans des lieux extraordinaires. Pas toujours. George Sand écrivait sur un bureau de taille modeste, installé dans un réduit dans sa chambre. Elle tenait à rester proche de la chambre de ses enfants, qui dormaient pendant qu’elle écrivait une partie de la nuit. Ce bureau n’a rien d ‘extraordinaire, quand on sait la quantité d’oeuvres qui sont sorties de cet endroit à Nohant-Vic dans l’Indre en France.

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Même si vous n’avez pas de cabinet d’écriture, à l’instar des écrivains “old style”, votre salon ou votre chambre peuvent des endroits idéaux pour écrire tout ce dont vous avez envie. On peut posséder un grand bureau luxueux; ce n’est pas cela qui fera de la personne un grand écrivain. Victor Hugo écrivait debout dans une toute petite pièce, dans sa maison Place des Vosges à Paris, et sans chauffage de surcroît, même l’hiver.

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I

Il n’est nul besoin de chercher un lieu exceptionnel pour coucher vos mots sur le papier ou sur l’écran de votre ordinateur. Tout ce dont vous avez besoin, c’est d’un endroit calme, à l’abri des regards indiscrets. Vous pouvez aussi tenter votre chance dans un lieu public, si le silence vous fait peur, comme un parc ou un café par exemple.

Le corps au coeur de l’écriture

Le désir d’écrire est à la fois le moteur de l’écriture, et au sens plus large, un motif d’existence. La question du désir passe inévitablement par le corps. Quand on écrit, on pourrait penser que le corps se sépare de l’esprit. C’est faux. Les deux parties travaillent de concert pour nous faire aligner quelques mots. Cette alliance est puissante, mystérieuse, et tout à la fois magique.

Quand nous écrivons, nous formons des lettres de manière concrète. Mais, nous réfléchissons, et ça, c’est abstrait. Ce qui est plus qu’intéressant, c’est ce qui se passe à ce moment-là, ce que Platon nomme “le ciel des idées”. A un moment donné, cela devient une trace sur du papier, manuscrite ou tapuscrite, et entre les deux, il y a le corps.

L’écriture serait peut-être un désir d’ancrage dans le monde, un désir de se sentir vivant, comme d’autres explorent et partent à l’aventure. C’est une aventure que d’écrire un livre ou tout autre chose. C’est une aventure avec soi en premier lieu. La pratique régulière de l’écriture change, au fil du temps, le regard que nous avons sur nous et sur le monde.

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Cette question de savoir si c’est le corps ou la tête qui commence l’écriture a été traitée par nombre de philosophes, notamment Nietzsche.

Ecrire pour être présent

C’est incroyable de penser qu’à un moment donné, l’écriture est advenue. Il y a des traces anciennes dans l’argile fraîche au tout début des écritures comptables. Il existe de multiples façons d’être présent à sa vie. L’écriture en est une. Ecrire est une invitation, pour ne pas dire une ré-invitation à penser sa vie. Quand on couche ses états d’âme sur le papier, ses questionnements, quand on se raconte, l’écriture permet d’avancer.

Vivre le moment présent est une grande thématique du développement personnel de nos jours. Quand on écrit, on est face à soi. C’est “moi” face à un autre moi. C’est moi face au monde qui m’entoure. Ecrire, c’est à chaque fois un isntant qui s’échappe de moi, seconde après seconde. Le moment présent relève d’une certaine connaissance de soi. Quand on écrit, le moment présent est important. On est vraiment à ce que l’on écrit, pas dispersé par des millions de pensées qui nous agitent en tous sens.

L’envie d’écrire dépasse largement la sphère des petits tracas quotidiens et même, les grandes mésaventures de la vie. Ecrire est bien plus important que les soucis de la vie de tous les jours. Même si on vit des choses douloureuses, écrire va nous apaiser, nous divertir, nous procurer de la joie. Les bienfaits de l’écriture sont nombreux, comme je l’ai déjà spécifié dans plusieurs articles sur le blog.

L’écriture pour se sauver et sauver le monde

Depuis plus de 50 ans, l’écrivaine, Annie Ernaux, prix Nobel de littérature en 2022, observe la vie contemporaine. Elle le faisait d’autant plus qu’elle était la fille d’un cafetier et d’une épicière. Elle a notamment écrit “Ecrire la vie”.

Dans ce livre, Annie Ernaux partage des récits sur son enfance à Yvetot, d’autres de l’âge mûr à Annecy, puis à Cergy-Pontoise, en passant par son adolescence, sa vie étudiante, sa vie de femme mariée et de mère, de femme divorcée et aussi d’une amoureuse passionnée.

Elle inscrit ce projet autobiographique dans la mémoire collective. Tous ses textes parlent de ses propres expériences à elle. Ils disent sa vie ou celle de ses proches, sans aucune trace de narcissisme. Bien au contraire. On perçoit une observation constante du monde qui entoure l’écrivaine, de la société dans laquelle elle a évolué au fil des années, et du simple fait d’exister dans un environnement précis à un moment donné de l’histoire.

Annie Ernaux regarde le monde, sans forcément noter des choses importantes, ce qu’elle se reproche par la suite. Elle ne vise pas forcément que l’intime dans son écriture. Elle reste persuadée que l’écriture tient le rôle que la religion avait autrefois. Pour elle, l’écriture a un pouvoir évident de résurrection. Cet art a le pouvoir de faire vivre et revivre quelque chose, de faire exister. Et si c’était cela saisir le monde par l’écriture?

Crédit photo: huffingtonpost.fr

Annie Ernaux écrit la vie. Elle ne se qualifie pas de romancière, étant méfiante vis à vis de l’imaginaire. Selon ses dires, elle écrit entre l’histoire, la sociologie et la littérature. Pour elle, l’écriture est l’instrument pour saisir, comprendre et montrer la vie. Ce n’est pas tout de faire un beau livre, encore faut-il qu’il soit juste et qu’il soit vrai pour elle.

Elle écrit aussi pour savoir si ce qui lui est arrivé à elle, est arrivé à une autre personne. Ses livres interrogent: ils sont une question à laquelle le lecteur est invité à répondre. L’écrivaine elle-même n’a pas les réponses et n’en propose pas directement dans ses livres.

En guise de conclusion

La littérature est ce qui nous reste pour interroger le monde. Elle peut bousculer l’ordre du monde. Il est des livres qui ont fait avancer la société, comme ceux des Philosophes des Lumières au XVIIIe siècle. La littérature permet aussi de rêver le monde de demain, de questionner ce qui doit changer.

La littérature amène inévitablement le lecteur à faire évoluer sa pensée. La fiction peut interroger le réel. Il n’existe pas de barrière infranchissable. Guy de Maupassant dénonçait, en son temps, la sottise des paysans normands et leur avarice. Emile Zola critiquait le ridicule des bourgeois en quête de reconnaissance sociale. Gustave Flaubert dénonçait, à sa manière, la bêtise des hommes. Honoré de Blazac critiquait ouvertement l’hypocrisie du monde de la presse, entre autre. Robert Desnos et Louis Aragon décrivaient l’absurdité de la guerre. Molière utilisait l’humour moqueur pour critiquer les vices de son temps.

Tous les écrivains du XIXe siècle ont décrit la dure réalité de cette période. Ils ont porté un nouveau regard sur le réel. La littérature peut être une arme contre certaines réalités sociales, un moyen d’action, une manière de combattre, même si, au départ, ce n’est pas le seul objectif. En divertissant, les auteurs peuvent mieux critiquer, convaincre ou persuader afin que les lectrices et les lecteurs saisissent mieux le monde dans lequel ils vivent.


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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