Les émotions, les peurs et les désirs peuvent se dessiner, se peindre, certes, mais peuvent aussi s’écrire. C’est même le principe fondateur de l’art-thérapie, qui permet aussi de réveiller sa créativité, tout en apaisant le stress qui nous ronge toutes et tous dans la vie quotidienne.

La thérapie par l’écriture, ou la “journal-thérapie”, comme on l’appelle communément, est une thérapie sur soi qui apporte beaucoup de bienfaits. Cela peut se faire à travers un journal intime, un livre, un recueil de poèmes, des lettres, par exemple. L’écriture ainsi développée permet de prendre du recul et de s’échapper de ses problèmes récurrents ou de sa souffrance psychologique.

La thérapie par l’écirture est le miroir de son auteur. Elle permet de coucher sur le papierles événements de sa vie, ainsi que les émotions qui y sont liées. C’est là une phase très importante. L’écriture de ses pensées, de ses ressentis et de ses sentiments permet de régler des problèmes personnels, et surtout, d’avoir une meilleure compréhension de soi.

L’origine de “l’art-thérapie”

C’est en 1942 que l’expression “art-thérapie” est apparue pour la première fois, dans une lettre d‘Adrian Hill, qui était malade de la tuberculose. Cette maladie faisait des ravages à cette époque-là et il séjournait dans un sanatorium. Il se mit à dessiner, et au fil de sa pratique, il s’est rendu compte des effets bénéfiques de ses dessins sur son psychisme. Il partagea sa découverte avec d’autres résidents de l’établissement, qui eux aussi, se mirent à dessiner. Ils constatèrent tous alors une amélioration de leur moral.

En 1945, Adrian Hill publie “L’art contre la maladie”, qui est considéré comme le premier traité d’art-thérapie. La pratique se développe rapidement dans les pays anglo-saxons. En France, il faut attendre les années 1980 pour que ces ateliers apparaissent. Depuis, cette thérapie est appliquée dans les hôpitaux, dans les prisons, dans les unités alzheimer, dans les unités de soins palliatifs, dans les cabinets privés des thérapeuthes, mais aussi en entreprise.

Les outils de l’art-thérapie sont extrêmement variés: cela va du dessin à la peinture, de l’écriture à la sculpture, du théâtre à la danse, du mandala aux calligrammes façon Appolinaire, de la création de musique aux créations plastiques, du collage à la création d’un journal de voyage, du coloriage à des créations en papier.

Crédit photo: arttherapycentre.com

Le but de l’art-thérapie

L’art-thérapie sert à exprimer son ressenti, à apaiser le stress, à faire émerger son désir et ses besoins, et de manière générale, à résoudre les conflits en soi. Le but du processus n’est pas artistique. La qualité n’est pas le but recherché. La démarche thérapeutique consiste à laisser progressivement émerger ses images intérieures, qui peuvent être autant le reflet d’expériences passées que de rêves auxquels on aspire.

Le geste créateur fait appel au corps, qui se met en mouvement pour créer une oeuvre. Dans le même élan, il sollicite l’imagination, la créativité, la pensée et les émotions. L’art fait toujours surgir des émotions. L’idée de l’art-thérapie est de prendre contact et de renouer avec sa vie intérieure en laissant surgir ses sentiments, ses rêves et son inconscient. Il est parfois très difficiles d’exprimer avec des mots ce que l’on ressent, sans avoir eu le temps d’y réfléchir avant.

Un des aspects intéressants de l’art-thérapie est que, contrairement à la parole, les images demeurent et servent de fil conducteur. Par exemple, la personne qui suivrait une thérapie dans le but de résoudre une relation conflictuelle pourrait, au départ, « dépeindre la douleur » qu’elle ressent. Graduellement, elle parviendra à mettre en forme ce qui la préoccupe et pourra finalement voir se dessiner une solution inédite.

Crédit photo: va-infos.fr

La thérapie par l’écriture

Par l’écriture, la personne fait face à ses propres difficultés, que ce soit sa timidité, son manque de confiance en soi, ses blocages ou sa souffrance psychologique. Ecrire sur le papier ce qui se passe permet de s’isoler avec soi-même et de reformuler les événements vécus qui nous ont bloqué. La prise de recul permet de digérer et de s’approprier les choses au mieux.

L’écriture est aussi un temps personnel pour se raconter. Elle permet de faire une parenthèse dans le quotidien effréné que nous vivons et laisse une trace. Ainsi, elle libère la tension et permet de voir les choses de façon plus claire. La thérapie par l’écriture peut se pratiquer seul chez soi, avec un thérapeute qui aide le patient à analyser l’ensemble de ses écrits ou en groupe, dans le cadre d’ateliers ou de thérapies.

La thérapie par l’écriture va au-delà du simple journal intime qui raconte les événements de la vie. L’écriture est ici axée sur l’introspection et le questionnement intérieur. Elle permet de s’écouter et de laisser s’exprimer des parties inconscientes de soi. Il convient d’écrire de façon spontanée, sans se soucier du style ou des fauts de grammaire. Le but est d’écrire librement, sans penser à son jugement ni à celui des autres. Il est nécessaire de prendre un moment pour soi et de s’isoler, sans montrer ses écrits aux autres, y compris les membres de sa famille.

Relire ce que l’on a écrit fait partie du processus de la thérapie par l’écriture, même si c’est douloureux. Mais, ce parcours permet de prendre conscience de ses propres pensées et d’avancer pour mettre en place des changements efficaces.

Les bienfaits de l’écriture-thérapie

La thérapie par l’écriture est très utile en cas de deuil, de rupture amoureuse, d’addiction ou même de difficutlés psychologiques. C’est sans doute une solution moins nocive que de prendre des antidépresseurs pour noyer son chagrin ou ses problèmes.

L’écriture-thérapie permet:

• d’apaiser la souffrance morale
• de diminuer l’anxiété
• d’améliorer le sommeil
• de raconter son histoire
• de prendre du recul sur sa vie
• de comprendre ce qui ne va pas dans sa vie
• d’initier des changements
• d’orienter ses choix de vie
• de développer sa créativité
• de réaliser les projets qui tiennent à coeur.
• à apaiser son cerveau.
• à gérer ses émotions.
• à se reconstruire avec des mots.

Il est indispensable de laisser courir ses émotions sans jugement ni autocensure. Cette thérapie par l’écriture, en tout cas, permettrait, selon les études, de renouer avec son “moi profond”, de savoir qui on est et ce que l’on veut vraiment. Ce n’est pas facile à notre époque où tout va trop vite, où les relations sont souvent chaotiques, de trouver sa place, dans un monde en perpétuelle évolution.

“Quand on écrit, le geste va de la tête à la main. La graphothérapie va de la main à la tête. On commence l’exploration de soi-même, les blocages, les interdits, les transgressions inconscientes”, confie la graphologue Dominique Vaudoiset, interrogée par Psychologies.com.

Quand prend-t-on le temps nécessaire pour faire le point sur sa vie et sur soi? Il est impossible de le faire dans un métro bondé ou quand les enfants jouent bruyamment ou se chamaillent. Pour se mettre à l’écriture-thérapie, il faut s’octroyer un moment calme pour se connecter à ses émotions. L’important, c’est d’être honnête avec ses émotions justement. Dans le cas contraire, cela n’aurait pas de sens.

Ecrire sous forme de thérapie, c’est accepter de partir à la découverte de soi, de se dévoiler à soi-même, d’envisager que “je” peut être une autre personne, pour reprendre la célèbre formule d’Arthur Rimbaud dans son poème “Je est un autre”. L’acte d’écrire comporte une prise de risque symbolique.

L’écriture-thérapie est une porte d’accès à son passé. Pour Annie Ernaux, qui a fait de l’autofiction son mode d’expression essentiel, « écrire c’est une activité du présent d’abord, qui essaie de sauver le passé, mais pas seulement, qui est aussi tournée vers l’avenir. Écrire, c’est en somme donner de l’avenir au passé. »

Les applications de l’écriture-thérapie

La thérapie par l’écriture s’adresse à toutes et à tous, à n’importe quel moment de sa vie. Il ne s’agit pas de juger, mais bien de libérer un poids émotionnel ou de prendre du recul sur sa vie et les évènements qui la traversent. Si on ne libère pas le trop plein d’émotions, on met son corps en souffrance et cela a des répercussions négatives sur l’ensemble du corps, y compris son psychisme.

La thérapie par l’écriture peut s’appliquer:

• à la perte d’un être cher
• à la séapration, à la rupture ou au divorce
• à une vie de couple compliquée
• à la dépression
• aux troubles anxieux, comme l’anxiété permanente, la phobie, les TOCs, les attaques de panique
• aux addictions
• aux troubles du comportement alimentaire
• à une souffrance morale
• à libérer les “non-dits”
• à un projet
• à libérer ce qui ne peut être dit
• à purger ses pulsions
• etc.

Crédit photo: lapetiteredac.com

Grâce à l’écriture-thérapie, en quelques mois, on peut changer sa vision du monde. On peut transformer cette écriture tharapeutique en écriture loisir. Dans tous les cas, l’écriture sera vue comme une échappatoire. Pourquoi l’écriture ne pourrait-elle pas devenir la clé d’une meilleure santé mentale et par la même occasion, physique?

Savez-vous que les recherches sur Pinterest ont augmenté de 3755% sur la thérapie par l’écriture, pour les jeunes nés entre 1996 et 2012, celle que l’on surnomme la génération Z? Les chiffres en disent long sur le malaise qui persiste dans notre société sur la nécessité des uns et des autres, des jeunes et des moins jeunes, de trouver une solution pour aller mieux.

L’écriture comme source de lucidité et de transformation

L’écriture permet d’éclairer le chaos extérieur dans lequel on vit, mais aussi le chaos intérieur, qui nous rumine au fil du temps. Elle met de l’ordre dans le désordre. Elle donne un cadre (la page, les lignes, la feuille de papier, le stylo). Intimement, écrire est une manière de sortir de la confusion, de se libérer de l’emprise d’émotions fortes, parfois handicapantes. « C’est ça l’écriture”, confiait Marguerite Duras. “C’est le train de l’écrit qui passe par votre corps. Le traverse. C’est de là qu’on part pour parler de ces émotions difficiles à dire, si étrangères et qui néanmoins, tout à coup, s’emparent de vous.”

Sur un plan plus spirituel, certains estiment qu’écrire sa vie ou plutôt s’écrire une vie est une rampe d’accès à la transformation, à la réalisation de rêves d’abord imaginés sur le papier. Écrire c’est devenir le héros de sa propre vie, prendre les rênes de son destin, amplifier son existence, gagner en vitalité : « L’écriture me donne le sentiment d’ajouter des jours à ma vie. », confie le prix Nobel de littérature, J.M.G. Le Clézio. Pour le philosophe André Comte-Sponville encore, « partir, c’est mourir un peu. Écrire, c’est vivre davantage ».

L’écriture comme moyen de résilience

Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et psychanalyste réputé, confirme que l’écriture thérapeutique est un instrument pour changer la représentation d’un trauma. Selon lui, la distance émotionnelle instaurée par la parole écrite permet de reprendre le contrôle de sa vie, et de réguler les émotions néfastes telles les peurs et les angoisses.

Crédit photo: babelio.fr

L’écriture de récits, de poèmes ou d’un livre met la personne en chantier. Après le traumatisme, cette pause de rédaction est bénéfique pour :

• s’offrir un temps de réflexion pour avoir le recul nécessaire, et ce, avant de repasser à l’action ;
• observer les facteurs de vulnérabilité néfastes ;
• évaluer les facteurs de protection salutaires à disposition.

De ce fait, ce travail d’élaboration et de création participe à la métamorphose. Fini d’être prisonnièr de son passé ! L’écrivain en herbe reprend une hygiène de l’âme. Prenons l’exemple d’un écrivain américain célèbre. Durant sa convalescence suite à un brutal accident de la route, Stephen King a découvert les liens toujours plus forts entre l’écriture et la vie, qu’il a livrés dans son livre “Ecriture- Mémoires d’un métier”, sur lequel j’ai déjà écrit un article. Nous avons trop facilement tendance à oublier que notre corps et notre esprit sont étroitement liés!

En guise de conclusion

Il se pourrait que le secret du bonheur se trouve au bout de son stylo. C’est un fait désormais avéré : coucher sur papier ses émotions, ses souvenirs et ses pensées pourrait être un mode de thérapie vraiment très efficace. De nos jours, de nombreuses études scientifiques démontrent les bienfaits de l’écriture au quotidien.

L’écriture thérapeutique, aussi appelée “graphothérapie”, se montre efficace pour soigner certaines pathologies ou faire progresser dans des situations sociales ou psychologiques complexes. N’est-il pas plus judicieux de prescire une thérapie par l’écriture que de prescrire des médicaments? Selon une étude publiée en 1999 dans le fameux Journal Medical Association, l’écriture aurait des effets sur l’asthme et l’arthrite rhumatoïde. Etonnant, non?

Quelle que soit la voie que vous choisirez, écrire ne pourra être que bénéfique et – cerise sur le gâteau – aucun « effet secondaire » n’est à déplorer à ce jour… Le seul risque sera peut-être de ne plus pouvoir lâcher sa plume, de se découvrir des talents littéraires, d’aboutir à l’écriture d’un roman, d’« intensifier sa vie » pour reprendre les mots de François Truffaut : “Qu’on écrive un roman ou un scénario”, avait déclaré le cinéaste, “on organise des rencontres, on vit avec des personnages ; c’est le même plaisir, le même travail, on intensifie la vie.”

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