Ils en avaient des souvenirs à raconter vos petits vieux et vos petites vieilles! Ca serait tellement mieux si on prenait plus le temps de les écouter vraiment, de leur prêter attention.

Tout le monde deviendra vieux un jour ou l’autre… à méditer!

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Christine (proposition d’écriture N° 163)

La semaine dernière, j’ai reçu un courrier d’un notaire d’Orléans. Il indiquait que j’étais légataire de mon arrière-grand-tante Léa, la sœur de mon arrière-grand-père paternel, décédée récemment à l’âge de cent deux ans. Mon frère Pierre m’appela pour m’informer qu’il avait reçu le même. Nous étions convoqués tous les deux pour le vendredi de la semaine suivante.
Nous partîmes en conjecture sur le contenu de ce testament et toute la semaine, nous échangeâmes des SMS délirants sur celui-ci : lingots d’or, tableaux de maître, fortune cachée sur un compte en Suisse ? C’est donc très fébriles que nous entrâmes dans le cabinet du notaire le vendredi en question. Nous n’étions pas seuls, il y avait également des petits cousins éloignés que nous connaissions à peine.
Le notaire ouvrit le testament et en commença la lecture : « Moi, Léa, Alice, Germaine Dubreuil, n’ayant pas d’enfants, j’ai décidé de faire profiter de mon héritage la génération la plus jeune de ma famille, car c’est la moins aisée. A Alice et Pierre Dubreuil, je lègue ma maison de Loches et à Paul et Jules Dumoulin, mon appartement d’Orléans. Ainsi que tout ce que ces biens peuvent contenir. Mais ce legs n’est valable qu’à une condition, qu’ils restent dans la famille. » Pierre me regarda, éberlué.
A la sortie, nous allâmes dans le café d’en face pour reprendre nos esprits et réfléchir si nous ne devions pas refuser cet héritage. Nous appelâmes nos parents pour les informer et leur demander conseil. Nous commencions à peine à nous envoler dans la vie active et n’aurions pas facilement les moyens d’entretenir cette maison. Maman nous conseilla d’aller la visiter étant donné que le notaire nous en avait laissé un double des clés. Une heure plus tard, nous étions devant cette grosse bâtisse du dix-huitième dont l’entrée se faisait par une énorme porte ornée d’une grille en fer forgé. J’avais dû y venir deux ou trois fois dans mon enfance et tout était resté comme dans mon souvenir. Les grandes dalles au sol, les poutres au plafond et des meubles démodés des années quarante.
-Qu’allons-nous faire de ces vieilleries, s’exclama Pierre. Et surtout, comment entretenir une bâtisse pareille ?
Nous étions totalement découragés et prêts à renoncer à cet héritage. Avant de repartir, nous montâmes malgré tout au grenier.
‘On ne sait jamais, la tante Léa a peut-être caché des lingots, me dit Pierre en montant l’échelle de bois branlante pour accéder aux combles sous les toits.
Il y faisait noir comme dans un four et une chaleur étouffante. Avec nos portables, nous éclairâmes le sol devant nous pour éviter les mauvaises surprises. Et, dans la semi-pénombre, nous apparurent des meubles qui semblaient richement décorés, des tableaux, des manuscrits. Pierre descendit chercher une lampe qu’il avait repérée, accrochée au-dessus de la cheminée du salon, et revint pour examiner de plus près nos découvertes. Elles étaient poussiéreuses et nous n’y connaissions pas grand-chose, mais d’instinct nous avions l’impression de découvrir un trésor. Nous décidâmes de les nettoyer grossièrement et de prendre des photos.
De retour à Orléans, je passai chez l’antiquaire du quartier pour lui montrer. Il fut stupéfait par notre trouvaille.
-Il faudrait que j’expertise mais nous sommes en présence de pièces très rares pour les meubles, surtout dans un tel état de conservation. Les manuscrits semblent signés Léonard de Vinci. Vous avez déniché un véritable trésor.
J’appelai Pierre, qui était resté sur place, pour lui annoncer la bonne nouvelle.
-Je ne suis pas sûr que nous soyons obligés de vendre tout ça. J’ai trouvé dans le tiroir d’une commode un formulaire d’assurance vie dont nous sommes les bénéficiaires pour un montant de cinq cent mille euros, me dit-il, tout excité.
Nous utilisâmes une partie de l’assurance vie pour restaurer la maison et l’aménager en maison d’hôtes trois étoiles, dont je suis gérante. Certains meubles furent vendus à des châteaux pour près de deux cent mille euros et le reste mis en valeur dans les différentes pièces. Les manuscrits effectivement de Léonard de Vinci sont allés compléter la collection du Clos Lucé. Nous ne savons toujours pas aujourd’hui et ne saurons jamais comment notre tante Léa avait pu accumuler tous ces biens d’exception mais nous lui serons éternellement reconnaissants de nous les avoir transmis et ferons tout pour les conserver et les transmettre à notre tour.

De Christine

Henriette est réveillée depuis six heures du matin en ce trente juin. C’est son
anniversaire et elle a l’intention de profiter à fond de cette journée. Le personnel
de la maison de retraite des Cèdres lui a sûrement préparer une petite surprise.
Malgré ses quatre-vingt dix printemps, elle a encore bon pied, bon œil, à part
quelques rhumatismes qui la font souffrir les jours de pluie. Coiffée d’un chignon,
elle a mis sa plus belle robe, la bleue qui va si bien avec ses yeux.
A midi, elle arrive dans la salle à manger et s’assoit à sa table habituelle avec
Léonie, Andrée, Marguerite et Marcel.
« Joyeux anniversaire Henriette !! » lui clament-ils tout en chœur.
Sur la table, trône un magnifique bouquet de quatre vingt dix roses rouges. Tout
le monde s’est cotisé. Paul le cuisinier lui a même préparé son gâteau préféré,
un paris-brest.
Après le repas, les pensionnaires somnolent un peu, mais Henriette n’a
aucune envie de dormir, elle veut vivre cette journée pleinement. Elle s’installe
donc sur la terrasse à l’ombre du noyer, avec les deux aides-soignantes qui
prennent leur pause déjeuner.
« Alors, Henriette, ça se passe bien cette journée? Racontez-nous comment on
vivait dans votre jeunesse » lui demande Stéphanie.
«Si tu savais ma petite, à quelle vitesse la vie peut passer. On s’en rend compte
toujours trop tard. Quand j’étais enfant, ma grand-mère me le répétait souvent
mais ça me faisait rire comme toi. Je pensais qu’elle exagérait.
Des souvenirs, j’en ai tellement mais ceux qui me reviennent le plus clairement,
ce sont ceux de mon enfance.
J’étais la neuvième d’une fratrie de dix, et la seule fille! Tu imagines!! Nous
habitions dans une ferme à Andelot en Montagne, tu sais le petit village à côté
de Champagnole. Les hivers étaient terribles en ce temps là, avec des mètres
de neige. C’est simple, les rues étaient couvertes d’une telle épaisseur, que
nous devions creuser des galeries pour circuler de maison en maison et depuis
notre cuisine, nous voyions les sabots des chevaux qui passaient à ras de la
fenêtre. Avec mes plus jeunes frères, on s’amusait comme des fous dans cette
neige et sur le petit lac gelé derrière la ferme. Ah,quelles parties de rigolade!
J’aidais maman à cuisiner pour cette grande tablée. Le vendredi, c’était des
gaufres. Elle en préparait un seau entier et les cuisait sur le vieux fourneau en
fonte. C’était la fête. J’en ai jamais mangé d’aussi bonnes.
J’ai gardé un merveilleux souvenir de mon enfance car j’étais chouchouté par
mes frères et mon père m’adorait. Il y avait Henri, André, Louis dit Tintin, Jean,
Paul, René, Georges, Roger et Charles surnommé Charles X parce qu’il était le
dernier.
Mais tout à basculer, à la mort de papa d’une rage de dents, un premier
janvier. Tu te rends compte, il n’y avait pas encore la pénicilline, c’était juste
avant la déclaration de guerre en 39. J’avais treize ans.
Nous étions obligés d’aider maman à la ferme et allions à l’école quand le
travail des champs était terminé mais j’ai quand même eu mon certificat
d’études. J’adorais l’école, j’aurais tellement aimé continuer à étudier. La vie en
a décidé autrement……
Quand les Allemands ont commencé à envahir la France, nous avons vu
défiler de nombreux réfugiés : surtout des Alsaciens et des Lorrains, avec des
meubles sur des charrettes à bras ou tirés par des chevaux. Les pauvres, ils
n’avaient plus rien. Etre jetés sur les routes avec des enfants, c’était pas
humain.
Comme nous étions en zone libre, à dix kilomètres de la ligne de démarcation,
certains se sont installés dans le village, couchant dans les granges. Les
habitants les nourrissaient comme ils pouvaient.
Certains ont pris le maquis avec trois de mes plus grands frères.
Ils aidaient les juifs à fuir vers la Suisse. Nous vivions dans l’angoisse d’être
dénoncés. La police française était parfois pire que la gestapo.
Tous les soirs, nous écoutions en sourdine radio Londres. Quand nous
avons entendu « les sanglots longs des violons de l’automne », nous
comprîmes que l’heure de la délivrance allait sonner, ce fût une explosion de
joie dans le village. Et l’arrivée des Américains en septembre 44, avec du
chocolat et des chewing-gum, est mon plus fort souvenir de cette période.
J’avais alors dix-huit ans et j’étais impressionnée par ces chars qui défilaient
dans les rues. Nous avions retrouvé notre liberté. Tu te rends compte, cinq ans
de notre jeunesse, pendant lesquels nous avons été privés de tout ou presque.
Il y avait des bals populaires, nous dansions dans les rues. C’est là que j’ai
rencontré pour la première fois Steeve mon futur mari. C’était un soldat du
Missouri, grand blond aux yeux verts. Ce fut le coup de foudre immédiat.
Mais il devait continuer vers l’est, la guerre n’était pas encore finie. J’ai pleuré
longtemps son départ.
Et puis la vie a repris. Il a fallu trouver un travail pour soulager maman. Je
suis entrée comme bonne chez un boucher du village voisin. Yvette, ma
patronne me traitait un peu comme sa fille. Elle m’a beaucoup appris, à cuisiner,
à coudre, à m’occuper des enfants, à tenir la boutique. Ses enfants m’appelaient
« petite maman». C’était la première fois que j’avais mon argent à moi. Avec ma
première paie, je suis allée en mobylette à Besançon, m’acheter un joli tailleur.
Un beau jour, alors que je servais au magasin, j’ai vu entrer Steeve. Mon cœur
a fait un bond, je n’arrivais pas à y croire. Devant tous les clients, il m’a
demandé de l’épouser. J’ai dit oui tout de suite et tout le monde a applaudi.
Nous nous mariâmes six mois plus tard et nous installâmes à Dole. Steeve était
menuisier de métier et n’a eu aucun mal à trouver une place. Je lui ai appris le
français et lui m’a enseigné, l’anglais.
Ce fut, le début d’une longue période heureuse avec les enfants.
Tu vois, ma jeunesse n’a pas été dorée, mais j’en garde malgré tout de
merveilleux souvenirs. Quand je vois les enfants d’aujourd’hui pourris gâtés et
jamais contents, je ne leur souhaite pas de vivre ce que j’ai vécu mais j’aimerais
qu’ils réalisent la chance qu’ils ont de vivre dans un pays en paix, sans privation
de liberté.
Mais assez parlé de moi. Et toi, ton enfance ? Que raconteras-tu à tes petits
enfants ? »


De Lisa (proposition d‘écriture N° 163)

Dans un petit village, dans le Loir et Cher, Elisa est en train de rénover la maison de son arrière grande Tante, qui serait la sœur de son grand-père maternel. Elle est tranquillement en train de finir de cimenter un mur quand soudain, Rox, son chien arrive à toute allure.
Elle panique, court et aperçoit un énorme trou. Rox s’est fait un plaisir en croyant trouver un os. Mais elle cherche et voit un trésor, une boîte en métal.
Elle retourne dans la maison et s’installe dans un coin. Des lettres sont écrites par une femme et elle tremble tout en les lisant. Cette aïeule cache bien des choses car sa chère tendre maman lui demande la venue de son futur gendre, tout en rajoutant qu’elle venait d’apprendre par un bruit de couloir la présence d’un amant et d’un bébé.
Bon ! Entre nous, je passe les détails.
A chaque entête, on parle du Havre où Elisa a vécu durant ses grandes vacances avec ses parents. Alors, le lendemain, elle laisse tomber les travaux et prend le premier train et fonce à la mairie tout en expliquant son histoire. Et là, la cheffe du service de l’état civil lui demande les papiers nécessaires pour la recherche.
Chose faite ! Elle envoie les documents. Quelques semaines plus tard, elle reçoit un document officiel de cette dame.
Pour finir, elle décide de les relire plus calmement et de prendre des notes pour apprendre à connaître ses ancêtres.


De Gérard

-Tout a changé, si vite. Quand j’étais petite, nous avions droit à un bain ou une douche une fois par semaine. Les autres jours, la toilette c’était debout devant le lavabo, notre mère ou notre tante nous lavaient tous nus au savon de Marseille, le même gant de toilette et la même eau servait pour quatre enfants. Les toilettes du bas étaient au fond du jardin, une cabane en planche, une estrade trouée au milieu, quand la fosse était pleine, nos parents appelaient le vidangeur. L’été, les mouches nous y tenaient compagnie. La piscine municipale en bois était installée dans la rivière. L’eau était brune, pleine d’alluvions. Sous nos pieds dans le petit bain, nous les sentions sous nos plantes de pieds, c’était peu agréable mais on s’en fichait
-Aujourd’hui, y’a plus d’eau!
-Je partais à l’école à pied, laissais le pot à lait et les pots de yaourts en verre vides chez le crémier, et les reprenais pleins le midi en rentrant. Les bouteilles étaient en verre, consignées, on les stockait dans la cave. Il n’y avait pas de plastique, on allait échanger les vides chez l’épicier.
-Aujourd’hui, le plastique est devenu un continent sous-marin, il parait qu’on a tous des microplastiques dans le sang !
-On travaillait beaucoup, on ne comptait pas notre temps, tant qu’y avait du boulot, on le faisait, on ne se plaignait pas, ça ne nous venait même pas à l’idée, en tous cas, ça ne nous a pas tués.
-Aujourd’hui, on travaille moins mais y’a plus personne pour s’occuper des autres, regarde autour de nous, y’a presque plus de soignants dans l’EHPAD, il faut se débrouiller tout seul.
-Le médecin de famille, tu l’appelais, il venait, même à 3 heures du matin. Tu pouvais compter sur lui.
-C’est pas son répondeur qui va nous soigner, surtout le week-end, heureusement qu’il reste les infirmières.
-Les vêtements, on les portait toute la semaine, le dimanche on s’endimanchait.
-Aujourd’hui, on se change tous les jours, la mode est la deuxième source de pollution qu’ils ont dit au journal de TF1 !
-On partait en vacances une fois par an, on restait dans le pays.
-Tes gamins y sont venus te voir depuis quand ? Les miens, j’les vois jamais, ils se baladent en permanence sur la planète, ils disent qu’ils n’ont jamais le temps de venir me voir !
-Quand le COVID est arrivé, tout le monde s’est calmé. Et puis c’est reparti de plus belle.
-Y’a qu’les catastrophes qui arrêteront les hommes.
-Les voitures, y’en avait beaucoup moins, mais les accidents étaient graves. On n’avait ni limites ni ceintures de sécurité ni airbags.
-Pour sûr, mais au moins on n’avait pas de bouchons.
-Notre téléphone n’avait que deux numéros, on passait par une opératrice.
-Les gamins m’ont offert un smartphone, je ne sais pas m’en servir. Mais je sais faire la conversation et offrir des fleurs.
-On vivait beaucoup moins vieux, 67 ans pour les hommes, 73 pour les femmes.
-On n’avait pas le temps d’attraper les maladies dégénératives, ces saletés d’Alzheimer, de Parkinson, de Diabète 2, t’as vu autour de nous ?
-Et y’avait pas le problème du financement des retraites et de la dépendance, moi j’ai été obligé de mettre tous mes biens en viager, je ne sais même pas si ça suffira.
-Mais tant qu’on a encore la santé et l’envie de vivre, tout va bien, pas vrai, Madame CHARRON ?
-C’est vrai, Monsieur LUCAS…
-Simone, vous me permettez de vous appeler Simone, acceptez-vous que je vous offre une petite verveine ?

De Jean-Claude

J’allai la voir ma plus proche voisine, âgée de quatre-vingt-seize ans, à la maison de retraite ; elle se sentait bien dans son petit logement indépendant qui était assez confortable. Elle me disait à chaque visite : « c’est ma dernière demeure, en attendant d’aller dans la vaste demeure du ciel ! Voici son histoire que je vous raconte ! ».
Il était une fois, dans une charmante maison de retraite au milieu d’un parc très arboré, une petite vieille du nom de Mme Rose. Avec ses cheveux argentés et ses yeux pétillants, elle avait vécu une vie riche et pleine d’aventures. Mais au fil des années, la mémoire lui jouait des tours, et elle oubliait souvent les choses du quotidien. Cependant, il y avait une époque dont elle se souvenait avec une clarté incroyable : sa jeunesse.
Chaque jour, Mme Rose se rendait dans le salon commun de la maison de retraite. Les autres résidents l’attendaient avec impatience, car ils adoraient écouter ses récits et voyager à travers le temps grâce à son imagination vive. Assise dans son fauteuil préféré, elle commençait toujours son histoire de la même manière.
“ Mes chers amis, laissez-moi vous emmener dans les ruelles de ma jeunesse, où le monde était si différent de ce qu’il est aujourd’hui. Je me souviens encore des chaudes journées d’été, lorsque nous jouions à cache- cache dans les champs de blé doré. Les papillons virevoltaient autour de nous, et les rires résonnaient dans l’air. ”
Mme Rose évoquait ses amis d’enfance, leurs visages malicieux et les aventures qu’ils partageaient. Elle parlait des escapades à vélo dans les collines environnantes, des pique-niques près de la rivière, et des baignades rafraîchissantes toute nue dans les lacs cristallins. Chaque souvenir était accompagné de détails vivants, comme si elle revivait chaque instant avec une intensité renouvelée.
Elle racontait aussi les histoires d’amour qui avaient marqué sa vie. Les battements de cœur qui s’emballaient lors d’un premier baiser, les rendez-vous romantiques sous les étoiles et les promesses d’éternité échangées. Les résidents de la maison de retraite s’imaginaient alors eux aussi jeunes et amoureux, se rappelant leurs propres histoires d’amour passées.
Les anecdotes de Mme Rose étaient un mélange d’émotions. Elle partageait les joies, mais aussi les difficultés qu’elle avait traversées. Elle se souvenait des moments de tristesse, des obstacles qu’elle avait surmontés et des défis qui avaient forgé son caractère. Mais malgré tout, elle affichait toujours un sourire et transmettait une leçon de résilience et d’espoir à tous ceux qui l’écoutaient.
Au fil du temps, les autres résidents de la maison de retraite commencèrent à partager leurs propres souvenirs. Les histoires de chacun étaient uniques, mais toutes étaient liées par le fil invisible du temps qui passe. Grâce aux récits de Mme Rose, la maison de retraite est devenue un lieu où les souvenirs étaient chéris et où chaque histoire était précieuse.
Mme Rose avait un don. Elle avait le pouvoir de rassembler les cœurs et de créer une connexion profonde entre les résidents. Ils se soutenaient mutuellement, s’inspiraient les uns les autres et se rendaient compte que malgré les ravages du temps, leur jeunesse était restée presque intacte. Et un jour Mme Rose n’apparut plus, elle avait fait une mauvaise chute, le col du fémur fracturé, elle garda la chambre pendant dix jours. Puis elle apparut, deux béquilles la soutenait pour marcher. Tous les résidents l’accueillirent avec des cris de joie, certains avaient des larmes…elle s’écria…me revoilà…On m’a greffé une jambe de bois!

De Françoise V

– Coucou toi … j’tai pas vu depuis hier. J’avais quelque chose à te raconter.
Raymonde baisse sa tête, regarde par-dessus ses lunettes pour observer Armelle.
– Ben quoi, qu’est-ce que tu racontes, on s’est vu y’a une heure !
Silence. Lucie fronce les sourcils mais peu importe pour elle, ce n’est pas le moment de parler de cet oubli, elle veut raconter sa jeunesse à Lucie.
-Tu sais que j’ai vécu en ville, puis j’ai déménagé à la campagne pour être plus tranquille. Loin de Paris, j’étais bien tu sais. Mais quand je vivais à Paris, je prenais souvent le RER, le métro. Un jour, je me suis perdue dans le souterrain du métro parisien. On m’a vu affolée car j’étais pressée, j’avais un rendez-vous pour une première embauche dans une bijouterie Place Vendôme. Alors tu parles, comme je flippais ! Rire.
– Ben, c’est pas drôle, pourquoi tu ris ?
– Parce que c’est ce que j’ai raconté à celui qui m’a aidé à retrouver la bonne ligne de transport. Je n’avais pas du tout rendez-vous pour du boulot. J’ai dit cela pour faire plus vrai hihii. Il m’a cru. Et la suite, tu ne me croiras pas, toi …
– Raconte.
– Il sortait du métro quand on s’est croisés et il m’a remarquée. Il devait rejoindre son véhicule pour sortir de Paris.
– Et alors ?
– Alors, il m’a proposé de me raccompagner jusqu’à la Place Vendôme en voiture. En fait, il me draguait. J’étais jolie, pimpante à c’tte époque-là. Et j’étais souriante, pétillante pleine de beauté ! Lui était bel homme : grand, fort, en costume cravate et très séduisant dans sa manière de se présenter. Bref, on a flashé tous les deux. Alors, j’ai accepté sa proposition. Tu parles, j’étais naïve et inconsciente tout de même. Je ne le connaissais pas et je partais avec lui. Imagine si j’avais raconté c’la à mes parents.
Quand on est arrivés Place Vendôme, il a bien fallu que j’entre dans une bijouterie. Je me suis introduite dans la première venue, le bel homme de son prénom Edouard-Jean et de son surnom Wado m’a dit « au revoir et à bientôt » en gardant mes coordonnées téléphoniques. Et puis, on ne s’est plus revus.
– Ah mais alors tu n’as jamais eu de relation avec ce monsieur, ce Baron ? Comme tu m’avais raconté… Heu, tu m’as déjà raconté cette histoire avec un autre scénario plusieurs fois, tu sais ?
– Ah ?
L’aide-soignante arrive sur les faits.
– Armelle, vous êtes attendue à l’entrée. Une dame vous y attend. Elle se présente comme Patricia Empain.
– Bien ! s’écrie Armelle, c’est la fille du Baron ! C’est elle qui m’avait accueillie dans la bijouterie quand elle était stagiaire. Je l’avais mise dans mon secret, elle avait tout gardé pour elle, sauf que je n’savais pas que c’était la fille du monsieur que je venais de rencontrer. Quel hasard ! Maintenant, on se revoit de temps en temps pour s’faire une belote ! Tu m’crois maintenant ? Hein Lucie ?
Lucie s’était endormie assise et avait piqué du nez car de toutes ses histoires… elles connaissaient tous les scénarios !

D’Elie (proposition d’écriture N° 163)

Mon héritage providentiel

J’ai mon arrière-arrière-grand-tante, l’unique survivante, qui est devenue la centenaire de tous les huit villages de l’Arrondissement de Domè. Une mémorable figure de notre époque dont le physique et le moral sont encore solides. Et moi, je suis pour elle, une figure représentative de son père. Car nul doute, le portrait physique et moral de son père est identique au mien. Mon arrière- grand-tante avait toujours la vision que sa descendance ne souffrirait d’aucun dommage lié à la misère.
C’est en raison de cette philosophie qui l’avait toujours possédée qu’elle jugeait digne et honorable d’empoigner des visions et mener les combats pouvant libérer des étaux de la pauvreté.
Elle avait fait réunir les notables et alliés de la Gandonou pour me léguer la deuxième maison qu’elle avait construite. Une maison construite sur un modèle ancien en terre battue et ayant quarante centimètres d’épaisseur. Ses cinq chambres spacieuses avaient chacune une dimension réfléchie de six mètres sur cinq. Le salon est un grand espace où les rencontres familiales se tiennent. Les surfaces latérales sont peintes en couleur rose. Les parties visibles comportent des dessins de perroquets sur leurs branches.
C’est l’une des plus vieilles maisons du village Gnitin car elle atteignait aussi la cinquantaine en âge. Elle a été exposée aux intempéries qui ont dégradé cette maison dans le cours des années qui se sont succédé. J’ai pris la résolution de rénover sans délai la maison. J’engageai des ouvriers pour la rénovation des murs décrépits et lézardés. Les balcons effondrés, les fenêtres rongées par les termites, les terrasses et les chambres fendillées par endroits ont été remises à l’état neuf.
La volonté manifeste des ouvriers a donné pour résultats la satisfaction et la gloire. Nous avons le devoir moral de féliciter les maçons, les plombiers, les charpentiers, l’architecte et les femmes du village qui n’ont ménagé aucun effort dans l’exécution des travaux du chantier. Par l’ardeur et les échos des chants sonores de nos ouvriers, les obstacles s’affaissaient tandis que l’avancée des travaux de la rénovation devenait une réalité aux yeux des parents, amis et alliés.
J’ai retrouvé dans l’une des chambres une valise en bois d’ébène qui est sur de petits appareils à roulette. Et les parties extérieures des huit angles sont encastrés de métal en couleur de zinc. Fort surpris, j’ai découvert un testament dans un courrier soigneusement fermé. Le testament précise que je suis l’héritier de cinquante hectares de champs exploitables. Quoi de plus pour devenir un entrepreneur incontournable dans l’arrondissement de Domè. Aux hommes de vision qui travaillent par stratégies, il y a de quoi pour expérimenter l’émergence matérielle et financière.
J’envisage mettre une ferme moderne avec une industrie agricole. Par les vergers d’orangers, de l’élevage des volailles des porcins et des bovins je pourrai aider les populations à se suffire et s’affranchir des étaux de la misère noire.

D’Elie

Les souvenirs de jeunesse de la vieille, Mondoukpè.

Une mosaïque de souvenirs jalonne toute la vie d’un homme. Ils sont pour la plupart riches de sens et pleins de vie. D’autres sont désagréables à supporter mais riches de leçons à la vie. La vieille Mondoukpè, née dans la vallée de l’Ouémé, plus précisément à Dangbo, vient de fermer les quatre-vingt-huit ans les vingt cinquièmes jours du deuxième mois de l’an 2023 passé. Elle était encore solide du point de vue physique et moral. Mondoukpè, bien qu’âgée, maintient encore son teint rougeaud, et ses cheveux plus blancs comme le coton pur de de toute souillure. Mais, nous devons souligner qu’elle présentait une santé menacée par les circonstances difficiles de la vie. Elle était tenue d’aller avec un bâton qui était son troisième pied. J’ai l’occasion de l‘entendre à la retraite des personnes âgées dans la commune de Dangbo. Elle a débuté son histoire dans les termes que voici :
« A vous mes amies de retraite, à vous mes confidents de l’heure, femmes distinguées de mon temps, me voici aujourd’hui sur mon sort dans l’inactivité et le croupissement sous le poids de l’âge. Je veux me donner le plaisir de vous raconter quelques épisodes de ma jeunesse. Certainement, vous pourriez en tirer des substances vitales pour votre épanouissement et des leçons pour la vie. A treize ans, je fréquentais l‘école primaire et ne sachant pas la direction que donnerait à ma vie la providence divine. Mais, à l’opposé de la volonté de réussir la vie scolaire, mon oncle et mes tantes me donnaient en mariage à Gnénou, le forgeron du village qui avait déjà une femme et deux enfants. Il désirait avoir une deuxième femme car un langage populaire dit : une seule femme ne pas suffit pour un homme. Et pire, la femme Gbénou n’était plus en mesure de concevoir un enfant.
Et à vous dire la vérité, j’avais de l’antipathie pour Gbénou. C’était un homme dont la tête est développée, le nez crochu, la main rugueuse et dure par la force de l’exercice au métier de forgeron.
Un jeudi soir, j’avais à ce moment-là dix-neuf ans, une tante et deux de mes oncles vinrent auprès de mon père, accompagnés d’une délégation de trois personnes pour demander ma main en mariage et faire la dot dans deux semaines. Et deux jours après, je serais conduite au domicile du prétendant qui m’est imposé depuis plus de cinq ans. Comment puis-je échapper à un tel mariage forcé ? Je brillais bien. Pendant ce temps, j’avais déjà décroché mon certificat d’études primaires et fait mon entrée en sixième en l’année 1954.
Je réfléchissais sans trouver une issue à toutes les pensées qui font la guerre à mon imagination. Aussi je pleurais à chaudes larmes parce que j’étais impuissante et n’avais aucune volonté face au projet de mon mariage forcé.
En ce temps, mes amies Assiba et Dossi ont eu vent d’un coup d’enlèvement pour rejoindre la maison de Gbénou. Elles vinrent au crépuscule, ce soir-là, pour me souffler leurs nouvelles stratégies pour me faire quitter le village.
Dossi prit parole la première et me révéla les propos de mon oncle Assangbè dans les termes que voici : « Demain à pareille heure, nous ferons usage du pouvoir mystique et la force et faire rejoindre Mondoukpè au domicile de Gbénou. Et je te conseille de ne plus manger à aucun endroit même dans ta propre maison. » Et Assiba de son côté fit la doléance que voici:
« Pour ma part, notre sœur Mondoukpè ne pourra pas passer cette nuit à Dangbo, notre village. Nous l’aiderons à rejoindre son oncle maternel, Justice Assavèdo à Cotonou cette nuit. Il est un Professeur de l’Université d’Abomey Calavi. J’ose croire avec fermeté qu’il est dans la lumière et ne permettra pas un tel alliage de l’ignorance et de la violence face à ta situation. Et Assiba ajouta : « C’est une vérité. Ne perdons plus le temps. Soyons dix fois en avance sur l’élan et les stratégies des aveugles qui pensent nous imposer une philosophie dépassée et qui ne favorise ni la paix et le développement de notre commune. Suite à ces entretiens, Mondoukpè, Dossi et Assiba quittèrent le village et vinrent à Abomey Calavi, au domicile du Professeur, Justice Assavèdo.
Le lendemain, mon oncle maternel me conduisit au commissariat de police avec mes amies. « Bonjour Monsieur, le Commissaire ». Il prit la parole et dit : « La jeune fille que voici », il posa sa main droite sur mon épaule à titre indicatif, « serait victime d’un mariage forcé, n’eût été l’héroïsme de ses amies Dossi et Assiba. Elles l’ont aidée à me rejoindre à une heure trente ce matin. Je reçus l’autorisation de m’exprimer, pour ma défense, ayant déjà l’âge majeur. J’adresse à l’autorité judiciaire ces propos :
« Bonjour Monsieur le Commissaire. Je ne demande qu’une seule chose. De me sauver du mariage. Combattez, non pour moi seule face à ce fléau qu’est le mariage forcé. Que nous sortions du mauvais dessein des méchants. Des aveugles. »
Dossi, sur l’ordre du Commissaire, formula ses vœux en disant : Je vous remercie, et demande si la cause des jeunes filles de notre région peut aller à la table du procureur de la République et que des instructions fermes soient données au maire et aux chefs d’Arrondissement et leurs conseillers pour le salut des jeunes face à ces fléaux qui bloquent l’avenir des jeunes filles et du département de la Vallée.
Un procès de la rencontre fut établi et transmis au procureur de la République. Ce dernier donna instruction à tous les maires et les chefs d’Arrondissement qui reçurent l’ordre d’éclairer la population et bannir ce fléau. Par cet acte fort, j’ai pu continuer les études après mon baccalauréat en France. J’ai pris la nationalité française, j’ai servi à Rennes comme technicien industriel et ai pris la retraite. Pour s’affranchir de l’ignorance et du sous-développement il nous faut posséder la rage dans le cœur et de travailler dur à ce sujet.


De Pierre

La résidence « Les Pervenches », une des nombreuses résidences seniors qui ont poussé en France, est située dans un lieu agréable, proche d’une ville du sud-ouest ; elle accueille une centaine de résidents vivant dans leurs appartements dotés de tout le confort. Âgés de plus de quatre-vingts ans pour la plupart, certains nonagénaires, en bonne forme physique et mentale ; ils vivent dans un univers à la fois clos et ouvert, très sécurisé, à l’abri des tourments de la ville et de la vie… Sont-ils heureux ? la question reste ouverte mais ils sont tous venus ici soit de leur plein gré, soit sur recommandation de leur famille vivant souvent à proximité.
Une fois par mois, assistée d’une animatrice psychologue, la résidence organise un groupe de parole, un moment de partage et de vie où chacun s’exprime librement sur son propre vécu ; cet exercice permet de faire travailler sa mémoire tout en favorisant les échanges.
Les jeunes, souvent présents, ce jour-là les élèves d’un lycée proche, sont conviés à partager; ils se taisent, écoutent religieusement ces anciens parler de la vie d’avant, et interviennent ensuite. C’est pour eux une leçon d’histoire, bien plus riche que les reportages qu’ils ont pu voir sur certaines chaines de télévision.
Ce jour-là, un mercredi, Michèle, âgée de quatre-vingt-quinze ans, fut la première personne invitée à s’exprimer, le thème proposé étant la Seconde Guerre mondiale. Elle accepta d’emblée, prit son petit carnet de notes qu’elle gardait en permanence, son petit aide-mémoire comme elle l’appelait. Michèle, petite personne d’apparence frêle, un peu timide, très cultivée, est née en mil-neuf-cent-vingt-huit, entre les deux guerres, dans le monde d’avant ; elle avait douze ans à la déclaration de la seconde guerre. Elle s’exprimait très bien, très lentement et clairement sur ce qu’elle avait vécu lors de l’exode, l’occupation Allemande, la France coupée en deux zones et enfin la libération avec tous ses excès.
“Oui croyez-moi, dit-elle à son auditoire, c’était une époque terrible et je souhaite que nous ne la revoyions jamais. Les hommes étaient devenus fous, sans aucun repère. La vie était très dure pour ceux qui n’avaient pas de moyens, surtout en ville où la nourriture était très rationnée. Mon père fut fait prisonnier mais nous ne le revîmes jamais ; ma mère très courageuse dut assumer la charge du foyer. Elle trouva un emploi dans une usine, travaillant pour les Allemands. Ce n’était pas de la collaboration mais bien une nécessité alimentaire ; elle me demanda de m’occuper de mon petit frère, âgé de trois ans, en son absence. Tout de suite après la guerre où tout était encore très dur, j’ai dû interrompre mes études que j’ai pu reprendre ensuite, pour aller travailler comme bonne d’enfant chez des gens aisés, mais qui étaient gentils avec moi. Voilà ce que je peux dire, ce fut ma guerre. J’oubliais d’ajouter et il faut le dire, il y eut des profiteurs de guerre durant cette période, ceux ou celles qui se sont enrichis grâce au marché noir, sur le dos des pauvres gens comme nous. J’ai oublié une autre chose très importante pour moi, dit-elle, s’adressant aux plus jeunes. A cet âge, j’avais quinze ans, j’étais amoureuse d’un garçon qui avait le même âge que moi. Nous nous aimions sincèrement et pour toujours; je ne savais pas grand-chose de ses activités, mais je le devinais. Quelques temps avant la reddition des Allemands, j’ai appris que mon amoureux, Gilbert, avait été arrêté par les SS et avait été exécuté sur le champ sur un pont proche de Paris. Il était jeune résistant et il avait donné sa vie pour que nous puissions, vous comme moi, vivre en paix dans un pays libre…”
Applaudissements, silence, quelques questions fusèrent. Ensuite, l’animatrice prit la parole.
-Merci Michèle pour cet éclairage sur cette page d’histoire affreuse et aussi pour votre courage. Je propose que Rachel vienne s’exprimer, je pense, sur cette même période.
Rachel, le même âge que Michèle, très grande, semblait solide comme un roc, les cheveux à peine blanchis. Elle prit à son tour la parole :
Comme Juive, j’étais donc de la race maudite qu’il fallait exterminer. Je fus sauvée par une Juste, une amie de ma mère, concierge de l’immeuble voisin au nôtre. J’étais de retour d’une leçon de piano lorsque qu’elle me prit par le bras et m’emmena dans la loge.
-Ne va pas chez toi, me dit-elle, les Allemands et la police ont cerné le quartier. Tu vas rester avec moi.
Tétanisée, j’acceptais. Elle me fit entrer dans une petite pièce de la loge, me demanda de ne pas bouger et m’enleva l’étoile jaune cousue sur mon tablier. Je me mis à pleurer en pensant à mes parents et mon grand frère ; qu’allaient-ils devenir ?
-Mme Henriette, c’était son nom, vivait seule, sans enfant. Elle s’occupa de moi à merveille, trop bien, j’avais honte d’être une rescapée. J’aurais dû être avec ma famille…
Un mois plus tard, reprit Rachel, je fus emmenée dans le Sud-Est pour y être en sécurité grâce à des cousins de Mme Henriette qui m’aidèrent à franchir la ligne de démarcation pour aller en zone « Nono ». Pour me protéger, je fus baptisée et je fis ma première communion, ce qui fut très dur pour moi de confession juive. Je n’ai jamais revu ma famille; j’ai su par la suite qu’ils avaient été gazés à Treblinka. Voilà ma triste histoire, mais je ne suis pas la seule, c’est l’histoire de millions de personnes victimes de la folie meurtrière des hommes. Après la guerre, je repris mes études, j’eus deux beaux enfants de mon mari catholique que j’ai perdu il y a une vingtaine d’années. Malgré cette existence que l’on pourrait qualifier de réussie, il y avait en moi cette tâche, cette blessure indélébile depuis ce jour de juillet mille-neuf-cent-quarante-deux où tout bascula pour moi. Plus tard, après le décès de mon époux, je suis allée vivre quelques temps en Israël, mais j’ai préféré revenir en France, mon pays, pour y mourir et c’est pourquoi je suis ici.
Rachel fut vivement applaudie ; elle se mit à pleurer à chaudes larmes. Son vécu de vie lui collait à la peau au fond de son être. L’animatrice s’approcha d’elle et l’embrassa en essuyant ses larmes.
-C’est dur la vie, lui dit-elle, surtout celle que l’on n’a pas choisie.
L’animatrice du groupe reprit la parole en disant qu’il restait une demi-heure avant la pause goûter de quatre heures, moment sacro-saint rythmant la vie de la résidence, moment d’échange aussi. Elle proposa donc que Maurice prenne la parole :
-Maurice, je m’appelle mais vous me connaissez, pour la plupart. Ce que je vais vous raconter n’est pas glorieux, c’est même une page sombre de notre histoire.
Maurice, de petite taille, toujours bien vêtu, lui aussi cultivé, ayant pu faire des études supérieures et ensuite faire carrière comme ingénieur en mécanique.
-Voilà dit-il je suis le fils d’un « collabo », un de ces supplétifs de l’ennemi chargés de basses œuvres au sein de la Gestapo. A la fin de La guerre, il prit la fuite; nous ne le revîmes jamais. Il était allé se réfugier en Espagne Franquiste. Plus tard, il voulut revenir en France, mais fut arrêté dès son passage de frontière. Jugé, condamné, il mourut en prison. Pour ma famille et moi-même, ce fut terrible; nous dûmes nous réfugier à la campagne, loin de toute calomnie, de tous ceux et celles qui nous jugeaient aussi responsables que mon père. J’avais entre douze et quatorze ans durant ces années maudites ; je ne savais rien des activités de mon père. Ma mère savait, elle, même si elle n’était pas d’accord avec ses agissements, qui, il est vrai, nous apportaient victuailles et douceurs. Tout cela lui fut reproché après la guerre. Elle fut jugée et déchue de ses droits civiques une bonne dizaine d’années. C’est pour ça que nous sommes allés, ma mère, ma grande de sœur et moi, nous réfugier à la campagne où nous pûmes revivre en toute tranquillité et pour moi et ma sœur, reprendre notre scolarité. Ce n’est pas drôle tout cela mais ça fait aussi partie de l’histoire de la Seconde Guerre, ses pages de honte.
Personne ne réagissait, silence, il n’y avait rien à ajouter ; les jeunes essayaient de comprendre ce qui venait d’être dit. L’animatrice reprit la parole et remercia Maurice pour son courage et sa franchise. Il restait à Karim de s’exprimer sur son parcours depuis la Kabylie, mais il proposa de le faire la fois prochaine car il avait aussi beaucoup à raconter sur son vécu.
C’était la pause gouter. Dehors, l’orage grondait, la grêle tombait mais tout le monde était bien à l’abri dans son « cocon », à la résidence « Les Pervenches ».

De Claudine

Les platanes

C’est l’heure du goûter, moment oh combien précieux dans l’univers si particulier d’un EPAHD. Le beau temps a mis tous les pensionnaires suffisamment valides dans le grand parc. Chacun est dans son monde, plus ou moins réel. Je fais en sorte d’y aller chaque quinzaine.
-Bonjour Emilie.
-Bonjour Sylvie, tu es bien jolie dans ton tailleur bleu marine et blanc. Une vraie assistante sociale, dit-elle avec un petit sourire en coin.
Nos relations n’ont pas toujours été aussi amicales. C’est moi, qui ai dû prendre la décision de lui trouver ce lieu. De lui faire quitter son appartement, sans ascenseur. Inimaginable de vivre seule, au 4ème étage à 96 ans, après le décès de Jean, son mari.
Comme à chaque visite, je lui tends un paquet.
-Des pains au chocolat ? L’aide-soignante va nous apporter des cafés. Enfin, nous allons pouvoir bavarder de nouveau. Ce Covid nous a bien enquiquinés. Quelle drôle d’année 2020 ! Ça me rappelle mes 18 ans en 1941. Mon Jeannot venait d’être mobilisé. Nous avons eu le temps de nous marier, il faut dire que ma taille s’épaississait chaque jour. C’était pratique, car les Boches ne me soupçonnaient pas quand j’enfourchais ma bicyclette pour porter des messages. Cacher des petits mots sous ma gaine, c’était un jeu d’enfant ; enfin presque car ce n’était pas tous les jours la joie. Et je pensais à mon Jean parti on ne sait où sous la mitraille. Les nouvelles étaient rares. Il était sur le front. J’ai su qu’en 1943, il avait été transféré en Allemagne, dans une ferme. J’imagine sa tête, lui le parisien qui ne savit pas reconnaitre un mouton d’une chèvre.
Elle riait comme une gamine en évoquant ces moments où le bonheur était encore en devenir.
Quand Philippe est né, j’avais encore ma famille. Quelle idée de l’avoir appelé Philippe. Mon père, Emile, avait une certaine sympathie pour Pétain. Il en était encore à celui de 14/18 et des récits de mon grand-père Louis. La tête de mon Jean quand il est revenu en 1944 après s’être évadé avec deux autres Français. Il a pourtant été si heureux de voir son Philippe qui avait déjà trois ans. Quand a eu lieu le débarquement en juin 1944, nous étions au début de notre vie de couple et à la libération de Paris, nous étions au premier rang. Mon Jean me tenait dans ses bras pour ne pas me perdre dans la foule.
Emilie se tut, elle revoiyait ce moment des retrouvailles. Je suis convaincue qu’elle repensait à ces étreintes dont elle m’avait déjà, coquinement, expliqué l’intensité.
Notre Marie a pointé le bout de son nez en 1945. Quelle joie pour Philippe, avoir un papa et ensuite avoir une sœur.
Jean a dit : « Je choisis son prénom, comme celui de la Vierge que j’ai tant priée pour que cesse cette barbarie et que je vous retrouve en bonne santé ».
J’espère que c’est terminé, lui dis-je, plus jamais de guerre. Quand l’état d’Israël est né, nous étions heureux pour tous ces malheureux Juifs. La famille de Catherine, notre belle fille était israélite. Mais ça a encore été des tueries, et ça continue. Quelle humanité ou l’homme tue l’homme, pour rien, pour un bout de terre, pour un territoire, pour rien parfois. Ce fut le cas pour notre Philippe, qui était dans la mauvaise case. 19 ans en 1960, et ce fut l’appel pour l’Algérie. Des mois d’angoisse épouvantable pour nous tous. Il était basé à Reggan en plein Sahara. C’était moins dangereux, qu’il disait dans ses lettres. Tu parles, une dizaine de ses copains sont revenus, allongés dans une caisse en bois. Il est resté jusqu’en 1963. Pour le maintien de l’ordre d’après les politiques.
Il avait une marraine de guerre, Catherine, qui lui écrivait deux fois par semaine. En 1970, il l’a enfin épousée. Il en a mis du temps, mais il fallait qu’il oublie toutes ces horreurs. Un grand journaliste a écrit : « Les jeunes de 1954 à 1962/1963 ont eu un passage de l’adolescence à l’âge adulte terrible ».
La même année, fin 1970, nous avons serré dans nos bras notre bébé Michel. Nous nous sommes dit: « lui, il n’ira pas se battre »’ C’est vrai, vous êtes presque protégés vous les jeunes. Et ça fait chaud au cœur, car les risques de mourir sur un champ de bataille, nous en avons connus à chaque génération. Comme beaucoup de Français.
Emile, mon père né en 1893, a été mobilisé pour la « Grande Guerre ». Une vraie boucherie, dont le Pétain était à la tête, il a été efficace parait-il à cette époque! Efficace en quoi, je te le demande. Tellement de souffrance, de morts, toutes ces veuves, ces orphelins! pourquoi? Pour remettre le couvert en 1939. Mon cher papa a perdu un bras dans les tranchées. Je ne l’ai pas vraiment connu, j’avais deux ans quand il s’est suicidé en 1925. D’après ma mère, il était dépressif, il parlait souvent de ses compagnons déchiquetés par les ennemis, de son père Louis qu’il admirait et qui était allé spontanément, lui, faire la révolution à Paris en 1871. Et de la grand-mère Louise qui a attrapé la grippe espagnole en 1918. Celle-là, elle n’a pas fait de quartier. Ton Covid à coté, c’est du pareil au même, sauf qu’à l’époque il n’y avait pas les mêmes mesures pour sauver les vies. Heureusement le grand père Louis est revenu sans problème, il n’avait que 17 ans, tu te rends compte ? J’imagine l’angoisse de ses parents. Ils sont même venus vivre à Paris et c’est pourquoi nous avons tous été parisiens depuis cette époque.
Emilie se mit à fredonner « Le temps des cerises », ce chant patriotique composé par JB Clément au moment de « La Commune ». Tu dois penser que je radote ?
-Mais non Emilie, je vous écoute toujours avec plaisir.
-Je n’ai pas vécu que des événements tristes ; il y a eu des vrais temps de joie. Et que de découvertes pendant ce 20ème siècle !
Elle radotait un peu, ressassait et pensait à certains événements qui avaient marqué sa vie, celle de sa famille disparue. Forcément comme elle dit, « en autant d’années, j’en ai suivi des corbillards ». Ne dit-on pas que l’on ne meurt pas vraiment si au moins une personne pense à nous.
Elle parlait en vrac ; de De Gaulle, sans omettre de dire que la guerre d’Algérie, il aurait dû évité de la faire, « il a eu chaud aux plumes en mai 68 » ; de Kennedy « quel malheur cet assassinat, un si bel homme, si jeune » et Gandhi « tuer ce saint homme, les humains sont fous » ; Jean Paul 2, lui aussi c’était un saint homme, je suis allée au Vatican prier sur sa tombe. Et Gorbatchev qui a fait tomber le mur. Tu te souviens de Rostropovitch jouant du violoncelle devant l’amas de pierres ? Quel élan de fraternité que ce moment-là. Et Obama, un noir, président des Etats Unis, ça a été un pied de nez aux racistes de tout bord. Ce n’est pas comme ces sanguinaires, Mao, Staline, Lénine et ce Khomeiny ? Dire qu’il a habité en France, comme un roi. A Neauphle le Château, pas loin de la maison de mes beaux-parents. Et tous les autres ; ils sont loin ces pays mais quand même c’est abominable.
-Je t’ai dit que mon Michel avait rejoint l’équipe de Mitterrand ? En 1990, il a été envoyé en Irak en tant que conseiller du consul avec sa femme Hélène qui elle était traductrice. Je n’ai pas trop connu leurs enfants. Ils m’ont un peu oubliée, mais ils m’écrivent de temps en temps. La famille, c’est important, mais chacun a sa vie et une vieille comme moi, ça n’intéresse pas grand monde. Ma fille Marie est morte en 2019 de cette saloperie que l’on appelle « longue » maladie. Ses enfants vivent au Canada. Par contre, je vois de temps en temps mon autre Marie, la filleule de ma fille. C’est la fille de Michel, elle a vingt-cinq ans, elle est belle comme un ange.
Je ne raconte que des choses tristes, mais j’ai pourtant vécu des années merveilleuses. Mon père Emile et ma mère Jeanne, nous ont choyés mes deux frères et moi. Ils sont morts tous les deux en mille neuf cent vingt- cinq. Nous avions heureusement notre grand-père maternel. Il vivait à Moisdon la Rivière dans le 44. Pendant les grandes vacances, il nous emmenait en balade dans son cabriolet couvert, tiré par un cheval qui s’appelait Louison. Il a eu la chance de connaitre le Front Populaire. Il avait une certaine admiration pour Léon Blum, même si son cœur battait à droite. Il s’est mis au travail et nous a construit des petites remorques que nos parents attachaient à leur vélo pour que nous partions en vacances ; quel bonheur que ces instants où tout le monde se mêlait, se félicitait, de quoi ? je n’en sais rien. Peut-être d’avoir tenu tête aux dirigeants. C’était vraiment la fête. Papy, lui, restait dans sa ferme. Il vivait au milieu de ses animaux, seul, depuis le décès de sa femme Louise en 1920 de la grippe espagnole qui a fait des millions de morts entre 1918 et 1920.
Il y avait l’école bien sûr, chez les bonnes sœurs avec leur cornette, elles étaient sévères, mais justes. Et les parents à cette époque ne nous faisaient pas de cadeau. « Tu es punie, c’est forcément justifié, donc tu te tais ».
Je me souviens de mon sarrau cousu par une tantine et des vraies chaussures, pas des sabots comme les pauvres. Mon cartable a été confectionné en vrai cuir par un oncle bourrelier. Il fallait apporter son propre plumier ; le mien a été fabriqué par mon grand-père paternel qui était menuisier. Je l’ai gardé en souvenir de ces jours heureux. Pour le reste, tout était fourni par les religieuses, moyennant rétribution en fonction des revenus.
L’école à l’époque n’était pas mixte, garçons d’un côté, filles de l’autre.
Les parents et les ecclésiastiques étaient bien naïfs, nous rentrions ensemble une fois la porte de l’école fermée ; et là, se nouait des amourettes. Pour moi, c’était déjà Jean.
Je me souviens aussi des photos prises chaque année par un photographe professionnel, avec la maitresse au centre de son groupe d’élèves. Et nous les filles, l’air un peu pincé pour faire bien. Je ne sais pas ce qu’elles sont devenues ces photos ?
-Moi, je sais Emilie, je les ai vues. Elles sont chez une de vos nièces; elle peut vous les apporter.
-Pourquoi pas, ça me fera de la visite. Nous étions censées devenir de bonnes épouses et de bonnes ménagères s’occupant du mari et des enfants en restant au foyer. Les sœurs nous apprenaient la broderie, la couture, un peu de cuisine parfois. Pour moi, pas question de rester à la maison. Je suis entrée à l’école normale et j’ai vécu des années formidables avec mes élèves. Forcément, pendant toute ma scolarité il y avait l’obligation d’aller aux offices chaque dimanche, et tous les soirs de mai, le mois de Marie, comme disaient les curés. Sous peine de punition et de convocations des parents.
Nous n’avions pas beaucoup de jeux dans les années vingt, la marelle, la corde à sauter ; personne ne manifestait pour avoir le dernier stade à la mode, la salle où faire tous les sports payés par la commune. Non, nous nous contentions de ce que nous avions. J’avais la chance d’habiter en région parisienne, avec ses cinémas et ses monuments où j’allais avec ma mère en métro. Et les grands magasins qui étaient une vraie joie pour les yeux et si j’avais cumulé assez de bons points à l’école, j’avais droit à un cadeau. Je me souviens de mon premier beau cadeau, ce fut un soutien-gorge en dentelle blanche, ensuite un maillot de bains une pièce, comme les vraies nageuses. Ensuite, mais bien plus tard, j’ai eu droit à la gaine qui tenait des bas en soie. C’était cher, il fallait en prendre soin, mais quelle joie avec une robe à fleurs qui volait au vent lorsque je faisais de la bicyclette. C’était plus sexy que les chaussettes.
Avec Jean, nous partions pour des randonnées, le cœur à l’unisson. Sans nous douter de ce que cet Hitler nous préparait. Mon petit-fils, Michel, a acheté sa première traction Citroën en 1950. Il nous emmenait tous en vacances à la mer. Les parents de Hélène avaient une villa à la Baule. Il n’y avait pas encore trop de vacanciers, la grande plage était à nous. Oh, les beaux souvenirs avec les cousins et cousines. Ils sont tous disparus maintenant, il n’y a plus que moi qui trimballe ma vieille carcasse et mes radotages.
-Emilie ne tenez pas de tels propos ; regardez autour de vous et réjouissez-vous d’avoir encore toutes vos facultés mentales.
Elle rit en écoutant mes mots, elle aime se moquer, signe d’une bonne santé mentale.
-Ah Emilie, que j’aime votre rire mutin, que j’aime vos analyses de la vie, la vôtre, la nôtre. Nous avons encore tant à nous dire ; pendant longtemps, très longtemps.

De Francoise B

Une vie

On lui disait – Tu nous racontes ?… Raconte…
Elle racontait :
– Oh ! Ma vie, c’est un roman, on pourrait écrire un livre…Je suis née en 1902. On habitait Melun… Mon père faisait le potager, il était magnifique. Je mangeais des groseilles à maquereau. Elles étaient énormes. C’était bon ! Ce que j’aimais ça !… Il était ouvrier … Il allait à l’usine à vélo…Je suis allée à l’école… Jusqu’au Certificat d’études. J’ai mon certificat d’études… Je sais encore toutes les préfectures et les chefs –lieux des départements français. Vous, vous ne les savez pas. Vous êtes ignorants… Après, j’ai travaillé en maison de couture, j’étais cousette… Je prenais le train jusqu’à Paris… Le crêpe Georgette… Comme c’était beau ! Et puis la soie, l’organdi, la broderie anglaise….
Je m’appelle Georgette et puis ma sœur Madeleine et puis Jeanne… Mon frère c’était Georges…Madeleine, elle ne voulait pas d’enfant. Elle travaillait à l’usine de bonbons. Elle empaquetait des bonbons toute la journée. A Noël, elle portait une belle boite de bonbons… Elle s’est mariée avec Georges … Elle lui avait dit oui à condition de ne pas avoir d’enfant. Elle n’en a pas eu…Elle disait qu’il la faisait rire, c’est pour ça qu’elle s’est mariée avec lui …
Georges, c’était un ouvrier, il a travaillé à l’usine toute sa vie… Ils ne sont pas riches, mais ça ne lui fait rien à Madeleine… Elle dit qu’elle se contente de ce qu’elle a….
Tous les soirs, elle se maquille avant de se coucher, elle dit que si on la trouve morte, elle sera présentable…
Jeanne, c’est avec Henri qu’elle s’est mariée, un ingénieur des Pont et Chaussées. Elle a eu sept enfants. L’ainé Jean … Il s’est disputé avec son père, il est parti au service militaire, il a fait parachutiste… Il est tombé, il a eu un accident, il ne s’en est jamais remis…. Il est handicapé… Le pauvre Jean, c’est pour ça qu’il vit avec eux …Jeanne la sœur de Jean, un sacré numéro, elle a divorcé, elle vit avec un homme…Guy c’est le troisième, il fait le même métier que son père. Arlette c’est la dernière, elle a un prénom extravagant…Elle est mariée avec Hervé…
Moi, j’ai rencontré votre grand- père dans le train… Il faisait des études d’ingénieur à Paris.
Il était fâché avec son père…Il ne voulait pas qu’il fasse d’études… Dans sa famille, on ne travaillait pas, on vivait de ses rentes… C’est sa grand-mère qui lui a payé ses études.
C’était une grande famille de bourgeois… Quand il a voulu se marier avec moi, ses parents ont refusé, ils n’ont jamais voulu me voir…Son père l’a déshérité. Sa sœur, elle a hérité de tout … Elle n’a jamais rien fait … Elle vivait de ses rentes… Finalement, elle est tombée sur un gigolo, ils ont vécu la belle vie sur la Côte d’Azur à Nice… Il lui a tout fait claquer… Avec la guerre, elle a tout perdu… Elle a fini comme dame de compagnie chez des cousins… Votre grand-père, un jour, chez un antiquaire à Nice… Il a reconnu les meubles de sa famille, il a tout racheté….
Heureusement qu’il voulait travailler. Il est devenu ingénieur chimiste. A vingt-cinq ans, il était directeur d’usine au Havre… C’est là que votre père Jacques est né. On était reçus par toutes les femmes d’ingénieurs… C’était quelque chose !…
René, c’était l’aîné… Il a attrapé une méningite, il est mort, Il avait deux ans… J’ai sa photo dans un médaillon. Il était beau… J’ai fait construire un caveau au Père Lachaise avec un ange sur la dalle. Chaque année, j’écris à Madeleine de porter des fleurs.
Après, il y en a eu un autre, mais il est mort tout de suite… La diarrhée du nouveau- né.
Après il y a eu Christian, votre oncle… Et puis… Votre grand-père, il n’aimait pas les enfants…
Il m’a dit qu’il n’en voulait pas… Alors je suis allée voir une faiseuse d’ange… Je crois qu’elle m’a détraqué quelque chose….
Le jour de mon mariage, votre grand-père n’est pas venu. J’ai attendu avec tous les invités qui étaient là… Il n’est pas venu… Il y a eu le banquet, c’était tout payé. Personne ne savait où il était. On l’a cherché …
Trois jours après, il est réapparu. Il m’a dit qu’il avait eu un accident… Il était dans une voiture. Une autre voiture est arrivée et a heurté la sienne… Pendant ces trois jours, il était à l’hôpital… Il m’a dit qu’il pensait que c’était son père qui avait provoqué l’accident pour empêcher le mariage. Il avait prévu qu’il se marie avec sa cousine…
Il m’a dit qu’il voulait toujours se marier… Il m’a prise par le bras, il m’a entrainée dans la rue. On est arrivés à la mairie, on a demandé à deux personnes qui étaient là de faire les témoins… On s’est mariés comme ça, sans personne…. Véridique…
Ils n’ont jamais voulu me voir. Ils ne parlaient plus à leur fils. Un jour, ils ont demandé à voir Jacques. Je leur ai amené. Il était habillé comme une gravure de mode… Il avait même une petite canne… Je suis restée à la grille du parc. Jacques a passé tout l’après-midi… Je suis allée le chercher, après… Ils ont voulu le voir deux ou trois fois. Puis, ça s’est arrêté…
A Paris, ils ont décidé de fabriquer des savons et des produits de beauté, votre grand-père et mon frère Georges… C’était bien. Mais votre grand-père, il oubliait de se faire payer… Il était doué en chimie mais pas pour le commerce… Ils ont arrêté…
Il est parti s’engager dans la guerre d’Espagne…
Je me suis retrouvée seule avec les deux enfants. Madeleine, elle voulait bien que je revienne chez nos parents. Mais, elle disait que deux enfants c’était trop… D’accord pour Jacques mais pas Christian… Christian, il est parti en nourrice… Elle ne l’élevait pas bien, elle le laissait faire ce qu’il voulait, il ne travaillait pas à l’école… Quand on l’a repris, c’était trop tard… Il a fugué plusieurs fois… Il ne s‘est jamais entendu avec son père.
Madeleine se promenait tout le temps avec Jacques. Tout le monde croyait que c’était son fils. C’est pour ça qu’elle n’avait pas de prétendant… Elle s’est mariée avec Georges parce qu’il la faisait rire… Elle ne voulait pas d’enfant…
Pendant la guerre, on s’est installés dans le sud de la France. Votre grand-père avait peur que les Allemands le forcent à travailler pour eux en tant qu’ingénieur chimiste. Il s’est fait embaucher à l’usine Kuhlmann. Il a déposé plein de brevets… Il ne voulait pas que l’usine les exploite pour son compte…Après la guerre, il partait tout le temps dans les autres pays pour son travail… Il voulait aller en Amérique. Je n’ai pas voulu…
Ma vie, c’est un roman, on pourrait écrire un livre…

De Catherine G

Oh, la loose !

— Bon, les enfants, nous sommes donc allés visiter les personnes âgées de l’Ephad, pour les questionner sur leur vie d’avant, quand ils avaient votre âge. Qui veut prendre la parole en premier ? Jessica ?
— Oui, maîtresse. Moi, j’ai discuté avec Mireille qui a 92 ans. Je lui ai demandé ce qu’elle avait comme cadeau à Noël, et elle m’a dit : « Rien, surtout pas des jouets ! » Elle avait juste une orange dans sa pantoufle et une nouvelle paire de chaussures.
— Oh, la loose ! s’exprime le chœur de la classe.
— Moi, Mélanie, elle avait eu, une fois, une poupée de chiffons cousue en cachette par sa maman.
— C’est comme Raymond : une brouette en bois faite par son grand-père.
— Et le sapin, ils allaient le chercher dans la forêt ! C’est pas bien, hein, maîtresse, de couper les arbres dans la forêt ?
— D’où pensez-vous que viennent les sapins que vous achetez dans les magasins pour Noël?
— Pas dans la forêt quand même ! Mon père dit que c’est interdit.
— Il a raison. Il y a des plantations de sapins uniquement réservées pour ça. Pensez-vous qu’à l’époque de Raymond, ça existait ?
— ???
— Et bien, non ! Les gens se débrouillaient comme ils pouvaient pour fêter Noël sans dépenser trop d’argent.
— Léontine m’a dit qu’elle allait à l’école à pied ! 5 kms aller et 5 kms retour ! Même s’il pleuvait ! Elle avait pas d’vélo, et ses parents n’avaient pas d’voiture !
— Oh, la loose !
— Et Juliette, en revenant de l’école, elle devait traire les vaches ! Toute seule !
— Julien, lui, il a eu un vélo à 14 ans, pour aller travailler ! Maîtresse, les enfants peuvent pas travailler à 14 ans ?
— Mais si. A l’époque, certains enfants quittaient l’école pour aller travailler et gagner de l’argent. Et vous savez quoi ? L’argent qu’ils gagnaient, c’était pour la famille, pas pour s’acheter des jouets ou des bonbons.
— Oh la loose !
— Et y avait pas de machine à laver ! C’est Léontine qui m’a dit ça ! Sa mère lavait le linge dans un la..lav… lavoir, en même temps que d’autres mères. Ils changeaient pas d’habits tous les jours…
— Beurk ! Ça devait puer dans la classe !
— Détrompez-vous ! Les gens étaient très propres. Ils se lavaient tous les jours, dans une cuvette, parce qu’il n’y avait pas l’eau courante dans toutes les maisons. Il fallait parfois tirer l’eau du puits et la faire chauffer sur la cuisinière.
— Oh la loose ! Moi je reste des heures sous la douche…
— Nous approfondirons ce sujet plus tard. Qui a des renseignements sur la vie à l’école ?
— Moi ! C’est toujours Léontine qui me l’a dit. Elle allait à l’école à pied et elle emportait une bûche de bois pour le poêle de la classe. Parce qu’il n’y avait pas de radiateurs. Tous les enfants apportaient un morceau de bois. Et ils avaient pas de feutres. Ils écrivaient avec une plume trempée dans de l’encre, et des fois, ça faisait des pâtés et alors, ils étaient punis !
—Oh la loose !
— Y z’avaient même pas internet, ni de portable !
— Oh la loose ! Mais comment y f’saient ?
— C’est très intéressant tout cela ! Mais il va falloir qu’on organise toutes vos informations. J’aimerai qu’on fasse un comparatif entre avant et maintenant sur différents sujets. Ça nous permettra de voir les progrès réalisés dans notre société, mais il nous faudra aussi réfléchir à qui, de l’enfant d’avant ou de l’enfant d’aujourd’hui, est le plus apte à vivre bien dans un monde où on nous demande de restreindre nos consommations. Nous avons là de belles pistes de travail.
— Oh, la loose !

D’Inès

Agathe était dans sa jeunesse une femme gaie et jovials, elle était plutôt une très jolie femme blonde, et grande. Elle faisait chavirer tous les cœurs des hommes du bourg. Elle avait surtout comme meilleurs amis d’enfance Pierre le boulanger, Lucien l’épicier. Agathe adorait mener des bandes d’un quartier tel un chevalier qui dirigerait une armada !
Des années passèrent. Agathe et ses compagnons ne se sont jamais quittés, tels les Trois Mousquetaires !
D’une petite voix toute frêle? une petite vieille demanda un verre d’eau. Des aides soignantes se sont agglutinées autour de son lit afin d’essayer de la faire assoir.

-Agathe ! Comment vous vous sentez aujourd’hui ?
-Un peu mieux qu’hier soir !

Tout d’un coup, dans cette maison de retraite, c’était le tour de deux petits vieux qui surgirent dans la chambre d’Agathe, le corps recroquevillé, à peine s’ils pouvaient traîner leurs pieds. Il s’agissait bien sûr de ses inséparables petits amis, Lucien et Pierre !
En les voyant, les prunelles d’Agathe brillèrent de joie .
Pierre avec une voix toute frêle :
-Wesh ma pote , la miff ne vient pas te rendre visite aujourd’hui ?
Agathe :
-Oh ! Là là jeunesse ! aujourd’hui c’est plus artichaut et sangsues que mamours !
Lucien avec sa bouche tout édentée rétorqua :

-Dope ! Ne te fais pas de mauvais sang pour eux !

Agathe : Oh que non, j’accueille les années qui me restent comme elle viennent , et avec le sourire… un sourire, c’est toujours jeune ! D’autant plus je ne suis pas Rothschild ! Mais, dites-moi vous deux là, les blancs – becs, vous êtes vieux comme de vieilles rues et vous la jouez jeune, arrêtez avec vos mots d’ado !
Lucien, en s’adressant à son ami, avec un voix toute tremblante :

-Elle n’est pas toute seule dans sa tête la meuf ! !

Agathe :C’est pas l’Heure du turbo la seum !
Et les deux anciens crièrent en se marrant de plus en plus !

Mais on se voudra toujours et pour toujours la génération Z !

Agathe avec sa petite voix :

Tous les vieux fourneaux se prennent pour la génération Z ! ha ha ha !!!

De Francis

Brigitte

On ne s’ennuie pas à la maison de retraite, chants, danses, conférences, jeux,bavardages en tous genres, présent, avenir, passé, chacun y va de ses commentaires,  des ses souvenirs, de ses plaisanteries. Au détour des conversations on entend Josette s’adresser à sa voisine : tu te rappelles quand on état jeune on voulait toutes ressembler à Brigitte Bardot ? Et bien aujourd’hui c’est fait. Josette a toujours le mot pour rire.

C’est alors que Lucien qui n’est pas le dernier à participer à ces discussions prend la parole. Lucien a 85 ans, il ne fait pas son âge.c’est un bel homme, le chérie de ces dames. Il est joyeux et plein d’imagination.. C’est un pince sans rire.On se demande toujours s il est sérieux ou s ‘il plaisante . Il aime raconter des histoires de sa jeunesse et faire sourire les autres résidents avec ses récits fantaisistes.

Mesdames, messieurs, j’ai bien connu Brigitte. Je l’ai rencontrée à Saint Tropez dans les années 1960. Un ami commun nous a présenté. Elle était éblouissante, pleine de charme.  Nous avons sympathisé et au fur et à mesure du temps nous sommes devenus des amis, de très bons amis.  Nous nous sommes faits discrets et  avions pris l’habitude de nous rencontrer secrètement, par exemple, sur une plage isolée loin des musiques et de la foule. Nous prenions le soleil, Brigitte aimait ces moments  de calme. Elle dessinait dans le sable des cœurs percés, des silhouettes d’animaux, tout ce qui lui passait dans la tête. Nous avions également pris l’habitude de faire des échappées dans les collines, là nous n’étions que deux et faisions de longues balades. Elle en profiter pour chantonner, cueillir quelques fleurs et j’entends encore ses rires. Elle était épanouie. C’est à ces moments là qu’elle me faisait des confidences. Je suis heureuse disait-elle,  loin de tous ces gens du métier qui me cajolent, me flattent. Elle était radieuse, j’étais heureux.

Elle évacuait les difficultés d’un métier qui s’était imposé à elle. Elle souffrait beaucoup de la description que l’on faisait d’elle, alors qu’elle ne faisait qu’interpréter un rôle qu ‘on lui imposait. L’insouciante,la provocante, la boudeuse, l’ingénue, la torride ce n’était pas la Brigitte que je connaissais.

Brigitte me faisait une confiance absolue. Elle me parlait de ses moments infimes, ses joies, ses peines et ses aspirations les plus profondes, de sa philosophe de la vie, de sa passion pour les aninaux qui était née dans son enfance au moment où son père lui avait imposé de se débarrasser de son chat, son confident.

Nous étions de très très proches amis et partagions une complicité sans faille, un amour platonique en quelque sorte.

Fréquemment, nous nous échappions le soir pour partager des moments romantiques à la lueur des bougies. Je lui jouais des morceaux de guitare. Elle était heureuse, apaisée, moments délicieux où le monde n’existait plus.

Mesdames, messieurs, j’ai connu Brigitte, c’est une personne agréable, gentille, remplie de bonnes intentions. Je l’ai dans mon cœur, elle y a laissé une empreinte indélébile, rien ne pourra l’en faire sortir.

Je repense souvent à ces moments précieux, avec nostalgie mais aussi avec gratitude pour avoir connu une amitié si belle et si sincère. La vie nous a séparée.

Certains résidents doutaient de la véracité de cette histoire, mais ils ne pouvaient s’empêcher de sourire et d’apprécier l’imagination vive de Monsieur Robert. Ses récits leur permettaient de s’évader de la routine quotidienne de la maison de retraite et de rêver à une vie remplie d’aventures et de rencontres extraordinaires qu’ils n’avaient peut-être pas connue.

De Saxof

SOUVENIRS

Cet après midi à l’Hepad, l’animatrice décida de laisser les résidents parler de leur vie.
Beaucoup ont sorti quelques mots, la majorité timide ou ayant perdu beaucoup de mémoire, s’est tu. Seule Germaine semblait n’avoir rien oublié.
“AH ma tiote dit elle en regardant une aide soignante, j’étais plus fringante que toi. Vous ne savez plus vous rendre féminine à c’t’heure. Moi, avec ma tignasse noir de corbeau et mes yeux bleus, j’portais des chapeaux si beaux, et des bottines magnifiques, à faire tourner la tête des gars.
J’avais 17 ans quand mon jules posa les yeux sur moi pour la 1ere fois. J’ai cru qu’ils allaient sortir de leur cavité tant ils étaient grands et gros à m’dévorer.
C’est son premier baiser si glouton, si tendre qui m’a fait craquer. Un vrai baiser baveux. J’lui en ai redemandé tant et tant qu’il a fini par m’demander en épousailles. A 18 ans nous voguions en justes noces, avec 3 jours de bombance.
j’étais si heureuse, et min Jules, il a été l’meilleur des maris et des pères pour nos 3 zouaves, 3 gars aussi beaux qu’leur père. On a vécu dans une campagne limousine. On s’est installé dans une ferme, avons acheté quelques animaux, poules, cochons, moutons, des vaches laitières et un cheval de trait, un foc pour retourner la terre à céréales. Une cariole en bois offerte par not’ voisin, que Jules a retapée de ses doigts agiles et créatifs. Il confectionnait des ustensiles de cuisine en bois avec finesse aussi bien qu’il remuait le purin comme une bête.

Ca m’a changé de mon alcolo de père avec lequel la communication c’était les coups de badine, les taloches et les coups de pieds au cul.  Quand on rentrait de l’école et qu’il était d’jà là, sorti d’sa mine de charbon du ch’nord  – j’suis née à Douai –  il s’écriait  «  ah vindieu, vlà les morveux, fini le repos ! »
Not’ Maman c’était notre ange, elle mettait du beaume sur nos petits coeurs avec un morceau de gâteau aux pommes, du chocolat et un câlin.
Mes gamins sont aussi comme leur papa, des drôles ambitieux, ils sont allés à l’université, et j’suis fiers d’eux”
Sur ces mots l’animatrice remercia Germaine et ne manqua pas de faire remarquer que ces souvenirs avaient éveillé l’esprit de certains, dans leur sourire, leurs expressions et leurs mouvements inconscients.
“Demain on parlera de vos chansons préférées”

De Lisa

Papy nous entends plus

Comme c’est triste comme il est devenu

Mais prenons le côté positif

Nos larmes ne sont pas tristes

Papy est avec ses copains

Parlant de belles choses

Comme sa petite Rose, sa petite femme

Il nous parle de leurs fiançailles

Et en direct, il lui demande en mariage

Il croit à faire à sa beautée

Mais en réalité, il est en face de sa Désirée

Sa petite fille qui l’a prend pour sa copine

Au temps des Yéyés et des idoles

Et nous jouons le jeu face à ses « vieux »

Pour avoir l’air heureux de notre Vieux

Dans notre malheur, il nous fait rire

Car la parole est toujours là

Merci à ses copains de nous faire oublier

Que la mort l’attend dans ses bras

Mais comme la maladie peut nous rassembler

Avec les résidents, ses copains de « quartier »

Avoir le sourire, pour ne pas pleurer

De la mort qui l’attend à ses côtés

On a beau avoir 20 ans devant les résidents

Mais en fait, 80ans est bien présent

Il est parti rejoindre ses ainés

Pour attendre avec tendresse de sa bien-aimée

J’espère que vous allez profiter de ce dernier long weekend à rallonge! Quel mois de mai! Le soleil est bien revenu, du moins en France. Quel plaisir de commencer le weekend avec tous ces textes à lire! 

Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine.

Je vous souhaite une belle semaine créative.

Portez-vous bien et prenez soin de vous!

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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