La proposition d’écriture N° 135 sur les chiens est arrivée la semaine où ma chienne est partie au paradis des chiens.

Sacrée coïncidence, me direz-vous? 

Ma petite Blanca était malade, mais je ne m’attendais pas à l’issue fatale. 

Vos textes m’ont fait un bien fou et j’ai vu des gens formidables et attachants, même si ce sont des personnages derrière lesquels on se cache. 

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Françoise V

Je m’appelle Saphyr.
Je ne suis pas un chien de loisir.
Mon maître vient de me chercher dans le lieu où l’on m’a abandonné…
Vous avez deviné ?
C’est à la Société Protectrice des Animaux
Là où les chiens peuvent faire l’objet de cadeaux.
Ce maître veut me sauver
Je crois qu’il a un cœur doré
Mais…. Oh ! Imagination, illusion,
Je réalise que je ne suis pas sa passion.
Il m’attache devant sa maison
Pour garder poules, chèvres et dindons.
Je suis dans la cour avec la basse-cour
C’est ici que je vois la fin et le début du jour.
Je rêve de courir autour de la ferme
De jouer, de m’éclater, mais je suis dans une caserne
Je dois aboyer l’ individu qui pénètre
Prévenir la patronne et mon maître.
Une longue corde me retient à la poutre métallique
Obligation de rester dans cet enclos diabolique.
Une gamelle d’eau sale devrait m’hydrater
Mais elle me dégoûte rien que d’y penser
On me nourrit de carcasses issues du poulailler
Les pauvres poules ! elles aussi sont mal traitées
Elles ne sont jamais en liberté
Leur chair sent le renfermé.
Je suis en plein soleil
Été comme hiver, c’est pareil
Dehors à la pluie et au vent,
Pas le choix, je dois rester devant
Là où tout le monde passe
Là où personne ne se lasse
De me regarder avec mépris et domination
Comme si on voulait m’attribuer une punition.
Enfin, un petit miracle : rencontre avec « Dame Rubis »
Elle se promène avec des amis
Nos regards se croisent
Moment éphémère ?
Loin de là…. Moment pathétique !
Début d’une histoire d’amour platonique
Prenant des proportions romantiques
Nos rencontres deviennent magnifiques
Je comprends qu’il faut agir vite et avec précaution
Réfléchir à la meilleure évasion

Aller vivre loin de l’esclavage
Loin de la maltraitance, pour un long voyage.
C’est grâce à cette idée de génie et à mon obstination
Qu‘en rongeant ma corde tout en discrétion
La dernière fibre de la laisse cède
Et enfin me libère de ma corde raide
Sous un rayon de lune, poudre d’escampette
Rejoignant ma belle dans sa cachette
Dans la nuit étoilée fuguons et vivons ce qui nous fait rêver
Nous gaver d’amour et de liberté.

De Lucette

Le chien et le maître…

Je suis une chienne bâtarde, trouvée errant dans la rue. Une âme bienveillante m’a recueillie, enfin c’est ce que je croyais. Bien vite, j’ai dû me rendre à l’évidence, elle n’était pas bienveillante du tout… Tout d’abord, on m’a attachée avec une grande chaîne bien costaude et ma niche était un tonneau en fer, l’hiver j’étais frigorifiée, et l’été je crevais de chaud. J’avais droit à une gamelle d’eau dès le matin avec ma pâtée, et plus un mot. Seule, toujours seule. Bien des badauds me plaignaient, mais mon maître était intraitable. C’était un bourru, un sans chaleur humaine. Il n’était pas rare que je reçoive des coups avec un long morceau de bois, pour la moindre chose qui le contrariait…
Un jour, le miracle s’est produit, un bienfaiteur est venu me délivrer. Celui-là était un vrai bienfaiteur. J’avais un couffin à l’intérieur de la maison, au frais l’été et près de la cheminée l’hiver. Le bonheur total…
Hors de question pour moi de le trahir, c’était la bonté même…
Mais, un jour j’ai fait une fugue, je me suis retrouvée face à mon bourreau. J’avais pris beaucoup d’assurance, je l’ai regardé droit dans les yeux, et lui mon cher bourreau les a baissés.
Je l’ai fait reculer en le menaçant, « mes crocs riaient sous cape », tellement la peur se lisait sur son visage. Je l’ai amené jusqu’à mon lieu de souffrance, et là, par mes abois qui n’avaient rien de courtois, il s’est soumis, s’est mis à quatre pattes ,là, couché dans ma niche sans bâton, il n’était qu’une loque…
Je suis restée des heures à monter la garde, sa femme le cherchait partout, il était l’heure du repas… Et bien cher bourreau, aujourd’hui tu mangeras des « clopinettes », tu verras comme c’est appétissant…
Heureusement pour moi, j’ai choisi un jour supportable, et je me suis couchée à l’ombre d’un arbre, pendant que lui, transpirait à grosses gouttes dans son gourbi.
Je jappais à ses côtés, me roulais dans l’herbe, quel bonheur que cette vengeance. Ah ! il va s’en rappeler le bougre…
D’un seul coup, je vois de l’animation dans la cour. Une personne, puis 2 puis 3, puis un groupe, je suppose qu’il cherche mon otage. Il a voulu appeler, mais aussitôt je l’ai fait flipper avec mes grognements pas très sympathiques.
Ça fait plusieurs heures maintenant que je le tiens en respect. Les voisins, les amis que sais-je, ne sont toujours pas revenus, je savoure, je sirote, et je déguste tous ces moments passés en sa compagnie.
Le soir commence à poindre, je les entends revenir, l’air effondré. Eux aussi ont eu chaud à courir la campagne tout l’après-midi…Je suis sur mes gardes, car je les vois venir vers moi, enfin vers nous. J’entends qui l’appelle « Narcisse, Narcisse ». Je me cache dans les vignes toutes proches, et enfin il trouve Narcisse. Narcisse n’est plus que l’ombre de lui-même, complètement déshydraté, et vu l’odeur qui se dégage de lui, je crains le pire… Ils sont allés chercher des bassines d’eau, l’ont mis entièrement nu, et ont pris un vrai plaisir à lui flanquer les bassines d’eau sans ménagement pour le nettoyer. Pauvre Narcisse, il a tout perdu de sa superbe. Va-t-il leur dire la vérité ? J’en suis moins sûre…
Mais toutes les bonnes choses ont une fin, je dois rentrer chez mon libérateur. Quand je suis arrivée toute penaude, pensant me faire punir, et bien non, c’est avec de grandes embrassades, une gamelle d’eau bien fraîche quand il a vu que je tirais une langue aussi longue qu’un jour sans fin. J’ai eu droit à mes croquettes favorites. Il a trouvé que j’étais sale, il m’a toilettée et enfin, un gros câlin lovée dans ses bras…
Quelle journée exquise !!! Que mon tortionnaire n’oublie jamais cette pénitence, et qu’il sache que la vengeance est un plat qui se mange froid…

De Danielle (proposition d’écriture N° 134)

Les BONNES ACTIONS de ma vie

Je pense que je suis née pour avoir en moi un don pour faire de bonnes actions, pouvoir redonner à certaines personnes le gout de la vie, se lever et se dire : ce jour, je vais voir une telle et vais l’aider à réaliser quelque chose de positif. Des personnes ne sont pas bien dans leur vie, mais elles se laissent aller, car parfois la solitude est une emprise très importante de soi. Cette solitude nous atteint si fort qu’elle arrive à ne plus donner la force d’agir de comprendre, d’aller de l’avant et de partager.
Alors, cette femme que j’appellerai Martine, était coutumière de faire chaque jour les mêmes gestes à son boulot, sans jamais chercher de mettre un peu de nouveauté dans le train-train quotidien.
Un jour, elle a perdu son emploi, par restructuration de l’entreprise, et hop Martine est devenue l’ombre d’elle-même, un lambeau de femme, elle ne s’apprêtait plus, elle n’avait plus un sourire au coin des lèvres, c’était comme un fantôme qui plane autour de ses collègues. Quand elle parlait, c’était pour parler du néant, elle oubliait simplement
qu’elle était mère de famille, qu’elle avait un mari adorable, et que tout normalement allait bien pour eux.
Ils envisageaient d’acheter une maison, se rapprocher de la ville pour la scolarité des enfants. Elle perd son boulot, mais elle pouvait sur 8 jours en retrouver. Une comptable, c’est un métier qui se demande, et donc je ne me faisais pas de tracas pour elle, simplement il fallait la secouer.
Alors, j’ai décidé de passer du temps avec elle, de sortir boire un café ou un thé, d’aller à des expositions, et j’ai passé du temps pour lui faire ECRIRE ses souvenirs dans un premier temps…afin que de sa main elle écrive sur la page blanche tous les bons moments passés en famille et dans le travail, afin de la débloquer.
Martine a eu du mal à admettre de faire le travail que je demandais. Moi je m’accordais du temps pour elle, mais allait-elle bien vouloir accepter ma proposition, afin de s’ouvrir de son carcan ?
Nous avons pris rendez-vous, et j’ai commencé à la faire écrire, puis petit à petit, j’ai demandé qu’elle se lâche sur des thèmes maitrisés par elle. Elle a, je reconnais, fait des efforts, et m’a fait de belles lectures de sa vie passée. J’ai demandé différents sujets d’écriture : les enfants, le papa, les grands parents, et en dernier j’ai demandé qu’elle parle d’elle. C’était plus difficile, elle restait dans son cocon de protection, en réalité elle ne savait pas qui elle était et ce qu’elle souhaitait maintenant. Je voulais qu’elle me propose une transformation de la femme, avec des nouveaux projets de boulot….
Nous y sommes arrivés, Martine s’est transformée, est redevenue coquette, j’ai revu le sourire sur son visage, et sa plume était plus déterminée à raconter………ce qu’elle voulait dire !
J’ai fait ma BA pendant 4 mois, je la voyais plusieurs fois par semaine, et elle écrivait de mieux en mieux. Elle a réussi à sortir d’elle-même et de se projeter dans un avenir proche…Changer de métier, refaire un apprentissage et se lancer dans une passion de jeunesse. C’est la mode me direz-vous, mais elle voulait faire de la cuisine, et avoir un petit resto, simple, discret, sans chichi, où l’on mange bien, des aliments de qualité, des produits frais…
Dès qu’elle a dit cela, j’ai réagi, et j’ai cherché pour elle des sites d’apprentissage. Elle a trouvé, s’est inscrite par le biais de Pôle Emploi, car elle avait des droits, et Martine est devenue une autre Femme.
J’ai bien fait de la “secouer”…….de lui prouver qu’elle était quelqu’un et qu’elle devait se le prouver. Après tout cela, un jour, j’ai été invitée à l’ouverture de son restaurant, derrière le bâtiment où elle travaillait. Cela manquait, les employés devaient apporter leurs gamelles ou bien prendre la voiture pour aller vers le centre-ville où des restaurants étaient à profusion. Un petit resto sympa, bien décoré, et une femme qui nous accueillait avec un beau sourire, et elle avait réussi, car son repas était superbement bon. Toutes félicitations, car ce n’était pas réussi au premier tour….
Elle me voyait de temps en temps, de manière à avoir mes sentiments sur la continuité de son resto, j’étais heureuse pour elle, qu’elle continue ainsi.
Parfois, on passe devant une personne qui sans le voir, nous tend la main pour demander de l’aide…….J’ai refait idem pour d’autres, dans d’autres secteurs d’activité….

De Danielle

Une autre bonne action, j’adore les animaux, lorsque mon mari était encore présent, nous avions deux chiens, toujours deux à la fois, et souvent assez gros comme des boxers, une beauceronne, et en dernier une teckel. Mais elle est partie quelque temps avant mon mari, dans le monde des bisounours.
Quelque temps après, j’ai été dans la solitude, personne à qui parler, avec qui “s’amuser” au ballon par exemple, et là je me suis dit, nous avions toujours des chiens, je vais en rependre un qui partagera tout avec moi. J’ai d’abord fait toutes les SPA acceptant de vendre un chien à quelqu’un qui habitait dans le 17 et rien. Je n’ai pas eu le coup de foudre pour un pauvre chien enfermé derrière des grilles, leurs yeux étaient tristes, et même certains pleuraient. Beaucoup de vieux chiens, de chiens ayant été malades ou opérés, avec 3 pattes, un œil, ou paralysie des pattes arrière. Alors oui, je ne suis pas de toute jeunesse, mais je souhaite un chien qui puisse au moins faire un bout de chemin avec moi.
Donc, ne trouvant pas mon bonheur, avant de donner de la joie à un chien, j’ai regardé les élevages, et je suis tombée sur les bouledogues français, ces petits chiens dont on pense qu’ils ont écrasé leur museau sur une vitrine !
J’ai un élevage qui a répondu, me proposant de me vendre une petite chienne de 4 ans, ayant eu deux maternités, et qui était retirée de l’élevage…Je n’ai pas hésité, et j’ai accepté d’acheter cette chienne adulte, qui avait un look adorable, des yeux remplis de tendresse, car dans l’élevage elle était trop calme, et se faisait bousculer régulièrement, et elle ne pouvait vivre ainsi. Même dans les élevages, il y a des chefs !
Elle est arrivée chez moi, adorable, propre, oui, elle se mettait devant la porte pour demander à aller dehors, par contre elle était “gloutonne”, et était à la limite des normes de poids pour une femelle – elle venait “en voiture avec moi, allait se promener en laisse pour aller chez le boulanger, toute gaie…. A la maison, elle se mettait sur la banquette quand je me reposais chaque début d’après-midi, se blottissait contre moi, se faisant papouiller, quand elle me voyait pleurer, car je suis souvent triste.
Eh bien, elle venait me faire un petit bisou sur la joue, l’air de dire : je suis là….. Puis un jour, dans le jardin, je la rappelle et subitement je vois qu’elle boite, et même beaucoup, les pattes arrière, elle les tirait sous elle……je l’ai prise dans mes bras malgré ses 12 kgs, et j’ai fait travailler ses pattes, rien n’y faisait. J’ai pris de suite rendez-vous chez le véto, et elle a fait une piqure et me disait de lui faire avaler des cachets ou bien d’aller à la grade clinique vétérinaire de la Rochelle.
Bien sûr, je me suis empressée d’y aller, là j’ai eu des surprises, il a fallu la consulter (elle l’avait déjà été), puis le scanner, où l’on a vu que sa colonne était tout abimée, une myélopathie dégénérative avec trauma médullaire, affect de la moelle épinière. Soit l’opérer pour minimum 35OO euros + 100 euros par jour à la clinique, mais une véto m’a dit, vous savez, ça risque de recommencer dans quelques mois, car elle est très abimée……
L’autre solution, voir ma bête aux yeux si doux se faire endormir avec 3 piqures successives. Me voyant, elle était toute contente, elle s’est blottie contre moi, et s’est endormie, sa joue sur la mienne, jusqu’au bout je l’ai entendue respirer, puis plus rien, et moi la Mamy j’ai fondu en larmes, car elle était formidable, affectueuse, gaie……enfin je n’avais jamais eu de chienne aussi sympathique que celle-ci. J’ai dû rentrer sur S…, mes larmes tombaient sur mon volant, j’avais fait une bonne action en lui interdisant de souffrir plus, en la faisant s’endormir à jamais…
Mais moi, depuis je ne dors plus, j’ai peur, je la revois partout, il lui manquait la parole, mais elle faisait des petits bruits de gorge comme pour me dire quelque chose, et me tapait la main avec une patte……l’air de dire : tu m’entends.
Je me remets doucement, et je veux de nouveau une bouledogue français, car c’est une race qui mérite d’être connue tant pour son agilité malgré ses petites pattes, son écoute, sa volonté, et sa douceur….
Je vais refaire une bonne action, car les animaux, souvent, sont à préférer aux humains.
Ma chienne s’appelait Tequila…….

De Gérard

Tout commença en Juin 2022.

Les humains ne virent rien venir.
Aveugles et égocentriques, ne pensant qu’à leur pouvoir d’achat et à leurs prochaines vacances, ils évitaient d’aborder le grave problème que leur comportement et leur inconséquence finissaient par leur poser : celui de la survie de l’espèce humaine sur la planète.
De par leur faute, les autres espèces vivantes étaient également en danger, mais de cela, Homo Sapiens s’en fichait allègrement.
Un obscur chercheur hongrois, le docteur Tamás SZABO, touche-à-tout de génie, eut alors la brillante idée de greffer un cerveau humain sur son labrador mâle, SABAR.
C’était sa seconde tentative.
Mélangeant la chirurgie et le clonage depuis plusieurs années, nul ne sut jamais quelle méthode il utilisa pour réussir ce prodige, car dès son réveil post-opératoire, l’animal s’empressa de dévorer son maître.
SABAR s’enfuit du laboratoire du docteur, dans la banlieue de BUDAPEST, et, comme il était fort gaillard et la période propice aux chaleurs des femelles, s’accoupla avec toutes les chiennes du quartier qu’il rencontra sur sa route pendant plusieurs semaines.
Deux mois plus tard naquirent de très nombreux chiots qui, par miracle de la nature toujours rapide à adopter et transmettre les dernières mutations, étaient porteurs d’un cerveau performant, doués de langage et de réflexion, remarquablement intelligents.
Ils ne tardèrent pas à communiquer entre eux, à reconnaître SABAR comme leur chef et guide spirituel et politique.
SABAR était un chien leader hors du commun.
Il élabora une stratégie digne des plus grands esprits conquérants.
Ayant rapidement compris que l’espèce humaine courait à sa perte en entrainant tous les autres animaux avec elle, il fixa le cap :

Se taire, ne rien dire, observer
Se multiplier le plus vite possible pour constituer une force très nombreuse
Respecter une discipline militaire
Prendre le pouvoir au moment opportun

Le plan marcha à merveille, d’autant que SABAR eut une autre idée géniale : mettre à son service tous les humains prêts à les rejoindre.
Chaque humain capturé et acculé avait le choix : soit se mettre au service de la « Grande Meute », soit finir en pâtée pour chien.
Pour beaucoup, le choix fut vite fait.

La planète était désormais sous contrôle de la « Grande Meute », assistée de nombreux humains « collaborateurs ».
Les humains cultivaient, élevaient, produisaient, soignaient avec leurs propres forces et leurs muscles car SABAR avait interdit l’utilisation de toute énergie fossile, responsable du grand désordre écologique.
Les chiens avaient la belle vie, les hommes étaient à leur service.
Ils riaient – car ils avaient acquis le rire avec leur nouveau cerveau – et se rappelaient le temps passé:

Avant, j’avais une vie d’homme…
Je ne voudrais plus qu’on me traite comme un homme
Tu as un air d’homme battu !
Toi, tu es d’une humeur d’homme
Tais-toi, espèce d’homme fou ! Tu vas finir à la rubrique des hommes écrasés
Pff ! Les hommes aboient, la caravane passe
Aujourd’hui, il fait un froid d’homme
Tu as un caractère d’homme !
Je suis malade comme un homme
Tu es bon à jeter aux hommes
Nom d’un homme !
Qui veut noyer son homme l’accuse de la rage
Quel temps d’homme !
Wouaf ! wouaf ! wouaf !

La planète respirait à nouveau.
Devenus paresseux, les chiens commencèrent à grossir, à perdre leur tonus. Moins ils en faisaient, moins ils avaient envie de faire…
Leurs hommes de compagnie protestaient, demandaient à sortir en balade avec insistance, mais le plus souvent, les chiens restaient couchés dans leurs fauteuils.
Ce nouvel ordre planétaire aurait pu durer plusieurs siècles, sans la jalousie de SIMBA.
SIMBA avait lui aussi un cerveau d’homme, descendant du premier animal au cerveau humain greffé du docteur SZABO.
Échappé dans la nature dès son réveil et jamais retrouvé, cet animal avait engendré une nombreuse progéniture.
SIMBA sema la zizanie chez les chiens, faisant se dresser les races les unes contre les autres, inventant de fausses rumeurs et des théories complotistes qu’hélas, beaucoup de chiens prirent pour argent comptant.
Alors, les labradors se battirent contre les bergers allemands, les chihuahuas contre les Cairn terriers, les épagneuls contre les briards, les boxers contre les bergers des Pyrénées, les cockers contre les bassets, la guerre des chiens fit rage pendant de nombreux mois, laissant l’espèce exsangue.
SIMBA rameuta alors ses troupes et lança le « Grand Miaou ».
L’ère des Matous venait de commencer.

De Rhétice

Histoire de chien

Le gros homme, mon maître, vient de rentrer, je me demande si je vais encore rester attacher à cette barre de fer rouillée par les intempéries. Des intempéries que moi-même je subis, étant toujours ici. C’était un grand gaillard, il n’était plus très jeune et il avait dû en manger beaucoup de choses. Il avait un ventre comme les femelles, celles qui vont bientôt mettre bas. Le gros homme avait des poils roux, comme ceux des renards, lui recouvrant le visage. Il m’attachait à mon poteau le matin en allant travailler et le soir en revenant. Il s’est engouffré dans la maison et lorsqu’il fait ça, il n’en ressort que très tard. Ça me donne assez de temps pour vous raconter mon histoire.

Je ne fus pas toujours un chien de barre. Je suis un chien-loup , un chien de race, de ceux qu’on craint, de ceux qu’on respecte, un chien comme on n’en voit pas tous les jours. Le gros homme avait pour habitude de m’exhiber , de se vanter de me posséder. Ça ne me manque pas, je ne suis pas un objet. Les hommes ont longtemps cru qu’ils nous possédaient, nous traitant comme leur propriété, leur chose, nous, mes frères et moi n’en sommes pas.
Quels êtres singuliers que ces hommes, se placer au-dessus de tout, se penser les seigneurs de tout. La seule raison qui me pousse à être docile, c’est le logis et la nourriture gratuite. J’ai cependant besoin de me pavaner, de me faire voir, de liberté surtout, car libre je me suis plus, je ne l’ai sûrement jamais été.
Je suis né dans un pays chaud, un pays peuplé de beaucoup d’animaux, un pays d’enclos, et de peu d’hommes, un pays à un tour en voiture d’ici. Le gros homme s’y rend souvent dans mon pays et me rapporte des os, des frais. Il a toujours été très généreux.
Je m’étais fait vendre, comme on vend une poignée de haricots. Même pas marchander, on lui a proposé un prix et aussitôt échanger. Je me suis fait arracher à ma mère qui, avec son nombre de petits, ne s’en souciait pas, « un de plus un de moins, de toute façon j’en pondrais d’autres». Mon père lui, si j’en ai un, devait être un de ceux qu’on n’enferme pas. S’il me voyait aujourd’hui, il se moquerait, il aboierait, il rirait.
Étant petit, le gros homme, qui dans le temps n’était pas si gros que ça, me gardait avec lui, sans chaîne. Il me montrait au voisins, aux amis. Les gens d’autres pays accourraient pour venir voir Beau comme il m’a appelé. Beau, parce que je le suis, beau, parce que c’est ce qu’on dit lorsqu’on me voit. Bientôt je grandis sans laisse mais pas libre. Il me promenait, me sortait, me câlinait, me nourrissait et surtout me parlait. Il me disait: « viens ici mon beau », « t’es un bon garçon », « écoute papa, beau ».
Mais celles que j’aimais le plus c’est:
« Très bien mon beau », « je t’aime mon beau », moi je l’aime mon gros maître, je l’aime comme on aime un père.
C’est ainsi qu’un jour, un jour où il n’allait pas travailler, il décida que ce serait une bonne idée qu’on aille se promener. J’avais hâte, hâte de balancer la queue et d’aboyer pour le presser. C’était un après-midi d’été.
Le soleil était clément, les nuages se faisaient rares et nous nous étions installés dans un parc. Il me flattait le poil, couché sur l’herbe sec, il avait l’air heureux. Il me regardait puis souriait. Mo, je posais mes pattes sur son ventre, c’est vraiment confortable. Il n’y avait personne à l’horizon, rien que lui et moi dans la grande étendue verte. C’est ainsi qu’il s’endormît me laissant à moi-même.
Je trottinais autour, je respirais, je bavais, je gambadais dans l’herbe, je courais dans le vent. C’est là que survinrent deux hommes, je les avais flairés mais je n’y prêtais pas trop attention, pris par mon jeu. Je continuais à gambader cherchant des petits animaux à chasser, répondant à mes instincts primitifs.
Les deux individus se rapprochaient de mon maître. Je sentais quelque chose qui n’allait pas, mais je ne savais pas quoi. Je décidai donc de retourner près de lui. Les deux hommes, profitant de son sommeil, lui tâtaient le corps, les poches comme à la recherche de trésors. Je jappais comme pour leur dire de bouger et ils me firent un signe que je ne compris pas.

—Va t’occuper du chien, fit l’un à l’autre.

Je compris et me mis à courir tout en aboyant de plus belle. Je galopais bruyamment tel un cheval excité. Je réussis à semer l’homme lancé à ma poursuite et je revins à la charge sur l’autre. Mon maître ne se réveillait pas, il devait être vraiment épuisé, le pauvre travaillait trop. Je me jetai sur la main de celui resté à ses côtés et je ne la laissais pas, j’essayais de lui enfoncer mes crocs dans sa chair, je sentais le goût de son sang dans ma mâchoire. Il eut une expression horrible et poussa un cri violent qui réveilla mon maître. Il se leva affolé.

—Beau, lâche, qu’est-ce qui te prend ?

J’aboyais comme pour lui dire que l’homme essayait de lui faire du mal.

—Faites quelque chose, il est violent, dit le brigand.

Mon maître se jeta sur moi et me tira violemment. Je lâchai la main de l’autre. Je ne comprenais plus. N’étais-je pas en train de lui venir en aide? Il me tint par le tissu du collier. Je glapissais, égorgé par la pression autour de ma gorge. Ce qui laissa le temps à l’autre brigand de venir et de le frapper. Ils lui assenèrent des coups de pieds et de mains. Je ne pouvais rester sans rien faire. Je me jetai sur la jambe de celui auparavant blessé, je lui agrippai la chair du mollet la lui arrachant, faisant apparaître une ouverture béante. Il hurla, on vint, on vint regarder. On vint me battre. Mais pourquoi? Je ne faisais que défendre mon père comme un bon fils l’aurait fait.
J’entendais des «tuez le», «c’est une bête», «il a la rage», «chien de malheur », ils me battaient, me battaient, je voulus me défendre mais ils étaient trop nombreux, ils arrachèrent ma fourrure me coupant en partie la queue, m’arrachant les oreilles.

Moi, Beau, je devenais laid sous leurs coups, ces mêmes humains qui m’admiraient, me flattaient, me complimentaient. Je reconnus des voisins, des voisines, des passants. Ils finirent par me laisser pour mort. Je me crus mort et au crépuscule, j’entendis une voiture venir. Mon maître gisait là, lui aussi battu. Un homme en uniforme me prit et m’enferma en cage. Je fus amené chez le docteur, celui des chiens et puis en prison où je restai jusqu’à ce que le gros homme revint me chercher.
Depuis le jour où il m’a ramené, il m’a placé à côté de ce poteau.

Voici la nuit venue, comme la fin de mon histoire. Soyez généreux et donnez un petit truc à manger à un vieux chien qu’on prive de liberté pour avoir aimé son maître. Faites vite avant qu’il ne revienne Ou au moins dites- moi ce qui est écrit sur cette plaque.
«Chien à vendre»

De Claudine

L’anniversaire

17 août, aujourd’hui c’est son anniversaire. Elle est seule car lui est en mission à l’étranger ; j’ai bien entendu, il vient de lui téléphoner de l’autre bout du monde. Il a évidemment demandé de mes nouvelles comme à chaque fois, comme dans toutes ses lettres. Est-ce que je suis sage ? Quelle question, évidemment que je suis sage ; être avec elle était pour moi un immense plaisir. Lui, il me manque. Car chacun a sa façon de se comporter avec moi.
Ce 17 août avait bien commencé, malheureusement il va mal se terminer. Nous sommes dans notre « campagne ». Je le sais, ils en avaient envie de cet air pur comme ils disaient.

Mais ils pensaient aussi à moi et à Isabelle, grâce à qui je fais désormais partie de leur foyer.
Il faut dire qu’à Paris, ce n’est pas drôle tous les jours ; pas de liberté, obligé de respecter les règles, dedans, dehors. J’en avais un peu marre de devoir être soumis aux obligations, surtout en extérieur.
Alors que là, dans ce petit coin des Yvelines, c’est la liberté, courir, jouer, se rouler dans l’herbe verte, sans être importuné. Sauter après les papillons qui passent sans jamais les attraper. Voir les lapins s’ébrouer et me faire faire de l’exercice en courant plus vite que moi qui ne suis pourtant pas un lourdaud.
Je me dis chaque jour « Elle est pas belle la vie ? ». De l’espace, des jeux, et trois colocataires qui m’aiment et me le disent en me câlinant, me gâtant sans excès car il faut respecter les règles de santé. Franchement, que demander de plus.
A Paris, je suis paré d’un magnifique collier rouge qui va bien sur ma robe blanche tachée de noir. Ce collier porte mon nom, mais surtout le leur avec leur numéro de téléphone. Il faut dire que moi aussi je leur fais faire de l’exercice, quand je suis désentravé. Ah les galopades dans le bois de Vincennes pour tenter de rejoindre un copain ou une copine.
J’entends mon nom, mais je n’en fais qu’à ma tête. Lorsqu’enfin je reviens vers eux, j’ai droit à des remontrances et je retrouve mon magnifique collier rouge. Quelle galère, ils sont sympas, mais quand même, moi aussi j’ai le droit de m’amuser…
Même quand j’ai eu dix ans, ils me grondaient encore, mais là c’était parce que j’allais débusquer les faisans planqués dans des cages par les chasseurs au milieu des blés. Interdiction de se promener sans laisse qu’ils disaient. Le garde-champêtre veillait. Franchement, pas moyen de vivre sa vie tranquille.
En nous baladant, je voyais des congénères qui eux n’avaient pas eu ma chance ; ils étaient attachés devant une petite cabane par une longue laisse et ne pouvaient s’autoriser que quelques pas. Les pauvres, « leurs maîtres sont vraiment des tyrans », je pensais ! et eux ils répondaient à ma colère muette : c’est comme ça à la campagne qu’ils disaient. Et bla bla bla.
C’est vrai que celui qui me baladait en ville me tenait en laisse. Je me marrais car je tirais de toutes mes forces et parfois la tiote ou elle, avaient du mal à me suivre.

Ne tire pas si fort j’entendais crier derrière moi.
Et vous vous n’avez qu’à me lâcher, me faire confiance un peu.

Elles n’entendaient pas mes plaintes, même si j’étais conscient que l’appel de la nature aurait vite repris ses droits. Et puis il y avait tous ces pneus de voitures que je voyais au niveau de mon nez ; ça fait un peu peur.
Je dors dans un magnifique panier en osier avec un beau coussin, quand je ne décide pas d’aller me pelotonner dans la chambre d’Isa. Hé oui, il m’arrive de désobéir avec son accord à ma Isa. Bon, ça ne lui plait pas à elle, trop de poils, c’est pas sain…bof !
Je vais vous raconter une anecdote : en arrivant de l’école, Isa jetait son cartable dans le couloir, (d’accord elle était bordélique cette gamine) en prenant soin de le laisser ouvert et surtout en ayant gardé à l’intérieur une partie de son gouter. Que je m’empressais de terminer. Et d’entendre l’un ou l’autre dire : le goinfre a encore frappé.
Avec tendresse et gentillesse dans leur voix, mais je n’en menais pas large malgré tout, conscient de mes bêtises. Car oui, j’étais goinfre.
Oh là là, je me souviens du soir où elle avait fait une palanquée de crêpes, posées sur la table de la cuisine. Je me demande encore comment j’ai pu les engloutir aussi rapidement pendant qu’ils étaient tous dans les autres pièces. C’est certain, j’aurais bien mérité une grosse remontrance suivie du piquet au bout d’une laisse. Mais, j’avais la chance que leurs mains étaient faites pour caresser, pas pour frapper. Et pas de laisse dans l’appartement ou dans la maison de campagne.
La belle vie, je vous dis.
Quinze années d’amour, quinze années d’attention, même lorsqu’ils devaient partir en vacances. Là aussi, c’était un casse-tête pour eux, car je devais faire partie du voyage forcément.
Et puis un jour, un 17 août, ce fut le drame. Je l’aimais tellement ma maitresse que je ne pouvais la quitter. Lui, il savait qu’il devait me mettre à l’arrière de la voiture quand il manœuvrait pour la mettre au garage. Elle, elle n’a pas eu l’idée. Et ce qui devait arriver arriva. Trop près d’elle au volant, mais moi à l’extérieur. Gambadant comme à mon habitude, elle me voyait devant, j’étais déjà derrière…
C’est bête à dire, mais sa détresse me faisait mal, très mal, autant que mes pattes brisées. Elle pleurait toutes les larmes de son corps en m’emmenant chez le vétérinaire. Chaque jour, elle venait me parler dans ma « cage ». Moment béni lorsque je la voyais, toujours en larmes. Ca me crevait le cœur .
Elle m’a ramené à la maison six jours plus tard. Quelles nuits nous avons passées en ce mois si chaud!
Nous dormions tous les deux à l’extérieur sur une grande couverture posée sur l’herbe, en regardant les étoiles. Moi, en fait, je la regardais, tant elle était triste. Une semaine merveilleuse. Puis ce fut à nouveau le retour chez le vétérinaire.
Je pensais à toutes ses années merveilleuses passées en leur compagnie, loin des entraves de certains de mes semblables.
Bon sang, ils allaient tellement me manquer ; moi aussi je vais leur manquer ; je l’entendais parler au chirurgien, elle ne voulait pas de la « piqûre », elle voulait me garder, qu’elle disait au travers de ses sanglots.
Nous nous regardions avec ferveur. Il n’y avait plus de chien ou de « maitresse » ; il y avait sa tendre main sur ma tête ; ils y avaient nous.

De Marie-Laure

Bonjour, je m’appelle Folette, mes maîtres disent que je porte bien mon nom !
Je suis, ce que les hommes appellent une « bâtarde » et je vois bien l’air presque contrit de mes maîtres lorsqu’on leur demande de quelle race je suis. Pourtant, moi, quand je m’observe dans le beau miroir du dressing, je me trouve plutôt jolie et même assez stylée avec ma robe noire, mon poitrail blanc et le bout de mes pattes comme de petites chaussettes rousses.
J’ai été abandonnée par mes premiers maîtres, une veille de départ en vacances ! Je me suis retrouvée perdue au beau milieu d’une forêt, une ficelle reliant mon collier à un gros tronc d’arbre. La belle affaire, certes je n’ai pas pu courir derrière la voiture, mais ma force m’a vite dégagée de ce piège. Alors je suis devenue ce que les hommes appellent un chien errant, l’ équivalent pour eux d’un SDF. Bon , moi je ne mendiais pas ma nourriture, j’allais me servir dans les poubelles, c’est incroyable ce que l’on trouve à manger là-dedans !
A ce propos, j’ai d’ailleurs remarqué que le chien était souvent le seul compagnon du SDF. Cela m’interpelle, l’humain qui quémande de la nourriture est donc prêt à partager avec l’animal ? Si j’étais professeur dans leurs écoles, j’en ferais un sujet de dissertation !
J’ai passé toute une année libre, dans la rue, mais dans le froid aussi, à me faire chasser de partout, à éviter les camions et les bastons avec les gros costauds qui protégeaient leur poubelle.
Un jour, deux gamins ont craqué devant ma bonne gueule, ils m’apportaient tous les jours un bout de pain en sortant de l’école. Alors, j’ai craqué et un jour je les ai suivis jusque chez eux. J’ai bien entendu les grandes conversations avec les parents : « Adopter un chien ? Mais comment on va faire quand vous serez à l’école et nous au travail ? On ne sait même pas si il est propre ? »
Déjà, j’avais bien envie de leur dire, sans minauder dans de grands débats sur le genre, que je préfère quand on parle de moi au féminin ! Au final, ce conseil de famille ne s’est pas éternisé et le soir même j’ai eu mon tapis dans la cuisine. J’ étais assez satisfaite de mon sort, ils avaient tous l’air sympas.
Au petit matin, alors que moi j’avais encore envie de dormir au chaud sur mon tapis, j’ai bien remarqué l’agitation ambiante. Ils avaient l’air tous stressés, à regarder sans arrêt l’horloge, la mère à demander aux enfants de se dépêcher, je n’ai plus réussi à fermer l’œil ! Le père m’a présenté une gamelle bien alléchante, avec du jambon, un reste de viande et de purée. Pour sûr, lorsqu’il s’est dirigé vers la cave, je l’ai suivi ! A ma grande surprise, en deux temps trois mouvements, j’ai été accrochée à une chaîne enroulée au pied de son établi. Bon, il m’a expliqué que j’allais passer la journée ici, le temps qu’ils reviennent tous à la maison et j’ai quand même eu droit à une petite caresse sur la tête. Elle a été interminable pour moi cette journée. J’ai bien essayé de tirer de toutes mes forces, comme la première fois dans la forêt, mais sans résultat, alors je me suis résignée et j’ai attendu.
Quand ils sont revenus, je leur ai fait la fête, mais honnêtement étais-je vraiment heureuse de les revoir ou étais-je juste contente d’être détachée ? Visiblement eux ils ont pris ça pour le début d’une grande amitié, alors j’ai accepté leur jeux et leurs caresses. Soit dit en passant ramener quinze fois de suite la « baballe », ça m’a un peu saoulé quand même !
Toute la soirée, je me suis bien appliquée à leur montrer que j’étais propre, que je pouvais rester sur le tapis avec eux devant la télé.
Mais, c’ était plus fort que moi, je ne pouvais résister au saucisson posé au coin de la table, même qu’ un jour la mère s’en est aperçue, elle m’a tiré sur la gueule pour que je lâche mon butin. J’ avais l’impression de retrouver le gros molosse qui défendait sa poubelle. On aurait quand même pu négocier un peu, elle aurait pu se montrer compréhensive car elle connaissait mon histoire, mais non, je me suis reçu une de ces dérouillées !
Cette nuit-là j’ai sacrément gambergé, j’avais chaud certes, mais je devais me plier aux exigences et aux règles de la famille. Il y avait de bons moments en soirée et les week-end avec les enfants, mais si eux bossaient quarante heures par semaine, avec le temps de transport, ben moi j’étais attachée cinquante heures ! Il me fallait bien réfléchir à ce projet de nouvelle vie, peser le pour et le contre.
J’ avais entendu le père, à table, évoquer son business plan, sans tout comprendre, mais je me demandais s’il fallait que j’en fasse un moi aussi. Il y avait des moments hyper cool, parfois j’étais même le centre d’intérêt, j’ étais logée, nourrie, câlinée aussi. Mes maîtres n’avaient pas un mauvais fond, mais bon, j’avais quand même mon caractère et mes petits caprices, du genre sauter sur la table de la cuisine pour voir plus loin par la fenêtre. Parfois, l’appel de la campagne était trop fort, alors je me carapatais pendant deux ou trois jours. Ils étaient quand même contents de me revoir, les parents m’enguirlandaient, ça je n’y échappais pas et les enfants me bichonnaient.
Au fond, mon business plan à moi, c’était qu’ils s’attachent suffisamment à moi, pour supporter mes incartades. A notre première rencontre, ils m’avaient appelée Folette car je sautais de joie. Par la suite, ils ont trouvé que ce prénom m’ allait comme un gant car j’ai toujours gardé mon petit grain de fantaisie, on va dire ça comme ça !

De Marie-Josée

Vies de chien

Tous les jours c’est la même histoire lors de la promenade matinale, au carrefour, César vient me renifler. Heureusement que je ne suis pas prétentieuse, je serai tentée de croire que je lui plais. Ma maîtresse a beau tirer sur la laisse, rien n’y fait, ce n’est qu’au deuxième, voire troisième sifflet qu’il rebrousse chemin et va retrouver son maître. Madame et Monsieur se disent bonjour, Monsieur bafouille des mots d’excuse puis il prend le chemin de droite et nous celui de gauche.
J’avoue que je n’aime pas particulièrement César et son manège mais une chose est certaine, je l’envie pour la liberté que son maître lui accorde alors que ma maîtresse pas du tout :

—Quel manque de respect, Il pourrait tenir son chien en laisse. Mais tu trembles ! Désolée, s’il t’a fait peur Princesse, cela ne se reproduira plus, demain nous changerons de parcours.

Décidemment, elle n’a rien compris, je ne tremble pas parce que j’ai eu peur mais parce que j’ai froid. Si je pouvais courir comme César, je me réchaufferais mais je peux toujours rêver. Si elle m’accordait cette liberté, elle ne pourrait plus m’inscrire à des concours de beauté. J’ai déjà un beau palmarès, des cartons de toutes les couleurs qu’elle montre avec fierté à ses amis qui m’admirent, me cajolent et qu’elle réprimande si par malheur l’un d’eux tente de me donner une friandise. Elle surveille de près ma santé, mon alimentation, mes exercices physiques, et ne lésine pas sur les séances de toilettage. Mon poil est toujours brillant, elle me brosse, me peigne, me caresse. Lors de nos sorties, elle pousse des cris horrifiés si je tente de quitter le chemin goudronné et à la moindre flaque d’eau, je me retrouve dans ses bras. La date du prochain concours approche à grands pas et il va sans dire qu’elle me bichonne encore plus que d’habitude.
Bon, soyons honnête, comparé au sort de Médor qui est attaché tout le temps dans la cour d’à côté, le mien est plutôt enviable. Ma maîtresse a bien tenté de plaider sa cause mais elle s’est attiré les foudres de son maître qui lui a dit de balayer devant sa porte :

—Médor n’est pas un chien de salon, son rôle est d’aboyer quand quelqu’un pénètre dans la propriété. Je le nourris bien, il a sa niche, le vétérinaire le soigne quand il est malade, de quel droit vous me donnez des leçons ? Croyez-vous que votre Princesse apprécie ce que vous lui faites subir pour qu’il n’y ait pas un poil qui dépasse l’autre ?

Sans attendre la réponse, il l’a plantée là et depuis ma maîtresse ne lui adresse plus la parole et l’ignore copieusement. Elle m’a quand même demandé si j’étais contente de mon sort et en me regardant dans les yeux, elle a cru y lire de l’approbation. Je ne suis pas vraiment malheureuse, mais j’aimerais bien être un chien normal. Cela m’est égal d’être la plus belle mais j’apprécie quand même les câlineries et les gâteries que ces concours me procurent. A force de vivre avec les humains, leurs comportements et leurs états d’âme déteignent au point que parfois je ne sais plus trop ce que je suis.
Aujourd’hui, je suis particulièrement de bonne humeur, c’est sa fille Carine qui va me promener. Après maintes recommandations, elle se décide à contre cœur de lui confier son ‘trésor’ comme elle m’appelle parfois. J’ai du mal à cacher mon impatience, je sautille, ma queue frétille jusqu’à ce que le moment tant attendu arrive, elle enlève la laisse et je peux gambader à mon aise. Quel bonheur de renifler les bas-côtés du chemin, d’enfoncer mes pattes dans l’herbe encore humide de rosée jusqu’au moment où César déboule à toute allure et fonce sur moi.
Le drame a été évité de justesse. Carine m’a sauvée de ses manifestations de tendresse un peu trop intempestives en me soulevant et me mettant hors de sa portée. César a eu droit aux remontrances de son maître pour sa mauvaise conduite et en guise de punition, il lui a mis la laisse. Bien à l’abri, je jubilais de voir César attaché, il avait beau tirer et grogner, rien n’y fit, son maître l’a même menacé de lui mettre la muselière s’il ne se calmait pas. Il finit par se coucher et ne me gratifia plus du moindre regard.
La conversation s’éternisait, ils échangeaient une tonne de bêtises à propos des chiens comme s’ils savaient ce qui nous convenait ou pas. Enfin, elle me déposa par terre et comme je le craignais, elle me remit la laisse. En me retournant, je vis César s’éloigner lui aussi fermement tenu par son maître bien qu’il freinait des quatre fers en guise de protestation.
Carine s’excusa quand elle lut la déception dans mes yeux mais elle eut trop peur qu’il m’arrive quelque chose avant le concours et surtout elle redoutait les réprimandes de sa mère.
Elle me consola en me disant que demain, elle me laisserait à nouveau gambader, je n’avais plus rien à craindre de César, son maître le tiendrait en laisse.

De Zouhair

Quand les chiens prennent le pouvoir

—Eh, tu crois que je vais attendre que tu aies fini de te raser, de prendre ta douche, de te couper les ongles et je ne sais quoi d’autre avant d’aller me faire faire ma promenade ?

J’étais en train de me raser quand j’entendis cette voix étouffée et gutturale prononcer ces mots. Non, ça ne pouvait pas être lui ! Je me retournais doucement, inquiet de ce que j’allais découvrir et je le vis, là couché sur le tapis de bain qu’il affectionnait particulièrement, ses yeux de cocker fixés sur moi, comme d’habitude.

—Non, ne me dis pas que tu as parlé ? bredouillais-je, espérant avoir été victime d’une hallucination ou d’une pensée longtemps redoutée et qui a fini par se réaliser.

En effet, cela faisait longtemps que je me disais que les chiens avaient décidément une patience formidable. Ils pouvaient attendre des heures que leur maître ou leur maîtresse soient prêts et qu’ils daignent leur accorder cette petite balade d’une demi-heure dans le quartier.
Qu’est-ce qu’une demi-heure dans une journée pour un humain ? Pour un chien, c’est énorme. Pensez à toutes les odeurs qu’ils reniflent tout au long du trajet. Cela a été prouvé, ils ont un odorat 35 fois plus élevé que celui de l’homme et si nous avons 5 millions de cellules olfactives, ils en possèdent 200 millions ! C’est dire toutes les odeurs qu’ils peuvent découvrir ou reconnaître en une demi-heure de balade !
Mais comment font-ils pour être si patients ?
Un gamin aurait déjà fait un scandale et renversé toute la maison si vous l’aviez fait attendre ne serait-ce que 10 minutes.
Une rébellion sous forme d’aboiements ou d’agitation effrénée ne m’aurait pas étonné, mais rien de tout cela ne s’était produit et je continuais par conséquent à prendre mon temps le matin, vacant d’une occupation à une autre, tout en jetant subrepticement des regards à mon chien, des fois qu’il lui aurait pris l’envie de se rebeller. Mais rien. Il restait là, impassible à me regarder m’affairer.
C’est qu’il a dû bien préparer son coup le coquin et attendre que toute méfiance de ma part se soit dissipée pour me parler de la sorte !

—C’est toi qui a parlé comme ça ?
—Qui veux-tu que ce soit, il y a quelqu’un d’autre dans la maison ?
Cette fois il s’était mis debout sur ses pattes et me défiait du regard.
—Allez, on bouge !

Ses babines remuaient à peine, la voix semblait sortir du fond de la gorge. Perplexe, je ne trouvai rien à dire, pris sa laisse et m’exécutai. Durant toute la balade, il se plaignit de ce collier qui lui râpait le cou, de ce que je tirais trop fort sur la laisse, que je ne lui laissais pas assez de temps pour renifler les odeurs et j’en passe. C’était le bureau des plaintes pendant une demi-heure. Il déversa toutes les acrimonies et les frustrations qu’il avait gardées en lui pendant des années.

—Et ce gros patapouf de chat, lui il a droit à toutes les caresses et mamours, hein ? Et le cochon d’Inde avec ses graines de tournesol ?

Je ne savais plus quoi dire et l’écoutais patiemment. Petit à petit, je relâchais instinctivement la laisse, la déroulant au maximum. Je lui laissais plus de temps aussi pour renifler les odeurs.
Quand tout à coup, un chien qui se baladait sans laisse avec son maître, apparut, j’eus comme d’habitude le réflexe de retenir mon chien pour ne pas qu’il aille le renifler.
Eh bien non, cette fois je le détachai et le laissai faire connaissance avec l’autre chien, le renifler et jouer avec lui. Tout s’est bien passé et même les maîtres ont discuté et fait connaissance.
Qu’est-ce qu’on peut avoir comme préjugés quand même, aussi bien sur les humains que sur les chiens. Mon chien a décidément bien fait de me parler. Cela m’a libéré et m’a permis de m’ouvrir aux autres.
Depuis qu’il m’a parlé, j’ai hâte de le sortir le matin et d’espérer rencontrer un voisin ou une voisine promenant son chien comme moi.
Je suis même allé plus loin. J’ai adhéré à une association de propriétaires de chiens pour faire des balades en groupe. C’est une joie de voir les chiens discuter entre eux. Quels bavards ils font ! Au bout de deux minutes, ils se sont tout dit et jouent comme s’ils se connaissaient depuis toujours.
Nous, leurs maîtres, par contre, échangeons seulement des sourires timides ou des regards gênés lorsque nos mâles sont trop entreprenants avec certaines femelles. Nous nous trouvons un peu gauches quand nos chiens se lâchent et gambadent à qui mieux mieux faisant preuve d’une énergie illimitée. Puis vient l’heure de se séparer.
Mais aujourd’hui, au lieu d’obéir à l’appel de leurs maîtres, voilà que tous les chiens s’alignent devant nous, nous défient du regard et du museau et déclarent d’une voix unanime : « Nous ne rentrerons pas à la maison !»

De Lisa

 Poème d’Oksana Zabuzhko, « Tramway de nuit », proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)

Sur les rails du clair de lune,
Dans l’éblouissement des lanternes –
Suis-je dans ce monde ?
Le monde a-t-il soudainement vieilli ? …
Le tram de nuit – si profond,
Comme un puits dans les étoiles –
Je tremblais, bougeant de tous les côtés
Et j’ai été ému par la musique de la cloche.
Et moi, me noyant dans
Queue et comète maléfique du jour,
J’ai prié en secret : eh bien, même si vous savez déjà
Allez, tram, au hasard ! …
Tellement facile d’attacher
Leurs chimères sous clé
Le jour, que va-t-il se passer demain,
Savoir à l’avance –
Pour ensuite dans un treillis noir et blanc
Petites joies et peines
Il est inutile d’en jouer –
Avec une pause déjeuner…
Aux rythmes des iambiques et des chorées
Le rideau de la soirée tombera –
Et ton tram ne déraillera pas
Et le monde n’ira pas au-delà des yeux …
– Dernier arrêt. Veuillez libérer les voitures.

Comme chaque semaine, les textes sont riches, émouvants, passionnants. C’est une grande richesse que de vous lire. 

Je vous donne donc rendez-vous la semaine prochaine avec un grand plaisir.

Je vous souhaite une belle semaine créative.

Portez-vous bien et prenez soin de vous.

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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