J’adore quand je vous propose une proposition d’écriture en rapport avec les animaux, comme la proposition N° 109. J’ai vraiment adoré lire tous vos textes, où se côtoie le respect et l’amour des bêtes. Bravo à vous toutes et tous. Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
De Françoise V
L’OISEAU BLEU, L’OISEAU BLANC.
Je suis cet oiseau bleu, cette mésange bleue, qui vole dans les cieux, au-dessus des roseaux le long des ruisseaux. J’aime survoler les pins sylvestres garnissant les pentes alpestres comme le ferait une extra-terrestre ne connaissant que le ciel. Je prends plaisir à regarder depuis très haut les ardoises des logis serrés, laissant se dessiner les étroites ruelles dans la vallée, tout en longeant les lacs turquoise. Je me régale de voir briller les cristaux très colorés remontant de l’abîme des lacs précieux aux doux camaïeux. Je me nourris de vermisseaux, de graines éparses que le vent a libérés. Et pendant la période hivernale, mes protecteurs me nourrissent de graines à picorer dans les mangeoires accrochées aux façades de leur villa sauvant ma grande famille se déclinant en huppée, noire, à longue queue, à moustaches, charbonnière, et nonnette. Chacun sa vie, chacun sa destinée. Je suis cet oiseau blanc, le familier des marins, le chasseur des mers, le grand oiseau blanc qui crie au-dessus de la grande bleue. Je suis alors celui qui plonge, qui pic du bec pour manger toutes sortes de poissons qu’offre la nature à foison. Mon grand plaisir est de me réfugier dans les rochers et de roucouler avec mon bien-aimé. Mes plumes tombées à terre jonchent les plages sablonneuses ou rocheuses. On vient les ramasser, les collectionner, les embellir pour en faire la plume familière que vous tenez afin de m’écrire que vous m’aimez.
L’ESCARGOT ET LA TORTUE.
Sur ma carapace de tortue s’est logé un escargot. Amie du jardin, j’avance doucement sans crainte de faire tomber mon ami sous sa maison. Il est sur mon dos et se colle à moi avec affection. Bien fixé, il ne risque pas de tomber, même si j’essayais une “ruade”. Pas de danger, ma maison est trop lourde, et il le sait bien ! Tranquillement, j’arpente le jardin de Madame. Oh ! des giroflées parfumées. Je les hume à m’en faire éternuer. Là-haut, mon escargot a une vue imprenable sur les hautes herbes. Il est comme un drone au-dessus d’une ville. Il scrute les plus belles feuilles tendres à grignoter et me fait signe sitôt la salade prête à savourer. Attention ! j’entends la tondeuse de Madame ! Gardes à vous ! Cachons-nous, elle risque bien de ne pas nous voir. « Dis donc, toi l’escargot, tu n’aurais pas pu mettre tes lunettes et me prévenir quand Madame a sorti son engin à moteur ! Vite, à l’abri sous la haie de thuyas. Oh que c’est dur d’aller vite ! ». L’escargot a un culot monstre : il se permet de me faire des commentaires pour que j’accélère…et puis par peur il rentre dans sa coquille. Poltron ! En ce qui me concerne, j’aurai fait une bonne action aujourd’hui : j’aurai sauvé un escargot des lames tueuses de la tondeuse de Madame et j’en suis fière. Mais à l’abri sous notre maison, nous nous désespérons de voir disparaître notre meilleur repas.
De Michel
Du charivari à l’horizon.
Depuis combien de temps étais-je installé chez Marianne? Quelques mois déjà, les plus beaux de ma vie, c’est incontestable. Entre nous au début, ce ne fut pas vraiment le coup de foudre. Elle m’avait proposé de m’héberger peu après l’abandon de mon premier foyer. Parler de Lydie reste encore douloureux, malgré le temps. Je n’aime pas le mot « maîtresse » mais avec elle, ce terme fut loin d’être galvaudé. Lydie, mon si bel amour ! Dès notre première nuit, j’eus accès à son lit. Il fallait que je sois constamment blotti contre son corps. J’adore ta chaleur me disait-elle, tu me réchauffes moi qui avais toujours si froid. Je nageais littéralement dans le bonheur. Je me souviens comme elle s’occupa de moi après l’opération que j’ai dû subir.
La première année passée, elle devint beaucoup plus distante alors que moi j’étais toujours aussi demandeur de câlins. Plus de mots tendres de sa part, moi je la suppliais du regard. Sitôt couchés, souvent elle me repoussait, se plaignait que mes moustaches lui irritaient la peau. Le plus dur fut le jour où elle m’annonça que dorénavant je ne partagerais plus sa couche. Je dus m’installer sur le canapé. Les premières nuits, quand son souffle devenait régulier et que j’étais certain qu’elle se fût endormie, je me glissais dans ses draps. Parfois je réussissais ainsi à rester une bonne partie de la nuit. Dès qu’elle se réveillait, elle se mettait en colère, me repoussait d’abord assez doucement puis, au fil du temps, de plus en plus brusquement. Un matin, alors qu’une fois encore, je m’étais installé contre elle, elle me rua de coups. Je fus poussé hors du lit et tombai sur la moquette. Comme une furie, elle se précipita de mon côté pour me donner un violent coup de pied dans les côtes. Je ne la reconnaissais pas, ses yeux étaient injectés de haine. Paralysé par la déception bien supérieure à la douleur, je crois qu’elle aurait pu me tuer sans que j’ose me défendre. Notre relation devint vite un enfer. Quand j’avais le malheur de l’effleurer, j’écopai au mieux d’une gifle, le plus souvent d’un coup de poing, voire même d’un violent coup de pied. Un jour, n’y tenant plus, sans même savoir où aller, je décidai de fuir. Oh je ne suis pas allé bien loin, non. Je m’installais sur un banc dans le parc situé en face de sa résidence. Oserai-je l’avouer, j’espérais qu’elle pourrait m’y retrouver. Je restais prostré, ne faisant que quelques pas dans la journée pour me dégourdir les membres. Comment admettre que notre histoire puisse s’arrêter ainsi. Le troisième jour, dans mon sommeil, je rêvais toujours de ses caresses. Elles paraissaient si réelles que j’ouvris les yeux. Aussi incroyable que cela fut, même éveillé, je sentais toujours l’empreinte de ses doigts sur ma tête. Comme j’avais bien fait de ne pas m’éloigner ! Elle regrettait, je lui manquais, tout allait recommencer comme avant! Je me retournai prêt à baigner mon regard dans le sien. Quelle déception, c’était une inconnue. Je m’écartai brusquement, décidé à rompre ce contact. N’aie crainte, me dit cette femme, je ne te veux aucun mal. Je la regardai, intrigué par son comportement. Elle était bien différente de Lydie, beaucoup plus petite, plus âgée aussi. Jolie ? Oui mais d’une beauté discrète, très légèrement maquillée, un sourire radieux illuminait son visage. Je restais immobile, toujours prêt à partir. Pendant plusieurs secondes, nos yeux ne se quittèrent plus puis brusquement elle se leva. Elle commença à s’éloigner pour sortir du parc, s’arrêta, se retourna, puis lentement reprit sa progression. Je la vis franchir le portillon pour disparaître à mes yeux. Pris d’une impulsion soudaine, je me précipitai moi aussi vers la sortie. Je l’aperçus à quelques dizaines de mètres sur ma gauche entrer dans sa voiture pour démarrer aussitôt. Comme elle arrivait à ma hauteur, elle s’arrêta, ouvrit la fenêtre de mon côté et me dit :
« Tu t’es décidé à faire le premier pas ? »
Mon regard suffisamment évocateur l’incita à m’ouvrir la portière côté passager. Sans attendre une invitation plus précise, je m’installai sur le siège. Sitôt arrivés chez elle, elle ne me fit aucune promesse. J’espérais toutefois avoir le temps de me remettre sur pied. Physiquement, ce fut très rapide mais pour le reste…. Je compris assez vite que la solitude lui pesait, la rendait aussi triste que moi. C’est certainement cela qui nous a rapproché, notre rencontre n’était-elle pas un signe ? Je ne voulais surtout pas brusquer les choses, j’évitais tout contact qui aurait pu lui faire croire que je recherchais à tout prix de la tendresse. La situation a basculé un soir, elle m’offrit de partager son lit. Débuta alors entre nous une merveilleuse histoire. J’oubliais Lydie en me réfugiant dans les bras de Marianne. Cette belle cohabitation s’est subitement ternie il y a une quinzaine de jours. Elle venait de rentrer précipitamment et me cria tout excitée :
« Où es-tu, viens voir, je t’ai amené une amie ».
J’émergeai de la multitude de coussins qui recouvraient le canapé pour découvrir ce qui la rendait si enthousiaste : une chatte. Elle la tenait contre sa poitrine serrée dans ses bras. Elle la déposa à côté de moi, je reculai contre le bord opposé du divan. L’intruse se mit à faire le dos rond puis s’allongea de tout son long, ce qui me fit instinctivement hérisser le poil et siffler de colère.
« Ça ne va pas, Gipsy, tu n’es pas content que je t’amène une copine ?»
Content, mais où avait-elle donc la tête? Pour qui me prend-elle ? Moi, magnifique chat angora d’un gris si parfait, me compromettre avec cette chatte qui vient de je ne sais où. En plus elle puait, son poil était affreux. Je savais que cela existait ce genre de bestiole, certainement née dans la rue à vouloir s’incruster et profiter de la bienveillance de certains humains qui se laissent abuser. Moi, mes aïeux côtoyaient les nobles de Perse et ne se mélangeaient pas avec ce genre d’engeance. Et puis une copine, pourquoi faire ? Oubliait-elle l’opération que Lydie m’avait fait subir ! Cela ne se passerait pas comme cela, je ne céderai pas un coussinet de mon territoire.
« Je vous laisse faire connaissance, je vais vous préparer à manger »
Nous laissant seuls, la nouvelle venue s’approcha encore de moi ; j’hésitai à battre en retraite quand elle tendit une patte vers moi. Je ne lui laissai pas le temps de me toucher, lui plantai violemment mes griffes sur le museau. Elle hurla de douleur et bondit se réfugier sur une chaise. Alertée par le bruit, Marianne se précipita dans la pièce. Elle comprit tout de suite ce qui s’était passé. Une trace sanguinolente barrait le nez de sa nouvelle protégée.
« Tu n’as pas honte me dit-elle, comment as-tu pu faire cela ! Tu oublies vite que toi aussi je t’ai récupéré dans la rue ! »
Comment lui faire comprendre que j’avais simplement voulu me défendre. L’attaque n’est-elle pas la meilleure défense ? Bon OK, je suis un peu de mauvaise foi car j’oublie de préciser ce qu’elle m’avait dit en tendant la patte vers moi « ami ? ». Je me précipitai vers Marianne pour me frotter contre ses jambes.
« Ce n’est pas le moment, file, je vais m’occuper d’elle ». Près d’une heure plus tard, elle revint dans le salon et reposa la chatte à côté de moi.
« Nous allons l’appeler Pretty, d’accord ? »
Pretty, oui c’est pas mal et puis tout compte fait, elle aussi n’est pas mal. Marianne lui avait fait prendre un bain. Son poil d’un beau noir brillant semblait très soyeux. Maintenant visible sur son poitrail, une belle tâche blanche en forme de cœur lui donnait un attrait certain. Pretty m’en voulut pendant un moment. Les premiers jours, sitôt Marianne partie, sans le moindre miaulement, elle disparaissait sous le canapé. Il me fallut lui parler, la rassurer, la convaincre que non seulement j’acceptais qu’une étrangère vienne dans le foyer mais qu’en plus cela me rendait heureux. Et puis, je devais reconnaître, que d’attendre seul ma maîtresse toute la journée, cela me pesait parfois. Hier, en rentrant, Marianne nous a trouvés pour la première fois endormis l’un contre l’autre sur les coussins.
« Enfin, vous avez fait la paix. Promis, si un jour j’amène quelqu’un d’autre ici, cette fois ce sera un compagnon pour moi ».
De Marie-Laure
Smiley
Bonjour, je suis le compagnon de vie de Fernande. J’ apporte un peu de gaieté dans la routine de ses jours. Nous habitons un appartement cossu, sur une artère très passante de la ville. Depuis son accident, Fernande ne travaille plus. Elle a perdu de sa mobilité et lorsque je la vois déambuler péniblement d’un point à l ‘autre du salon, cela m’attriste. Alors je déploie tous mes talents pour lui faire relever la tête et je guette un petit sourire sur ses lèvres. C’est peut-être pour ça qu’elle m’a baptisé « Smiley » ! Notre quotidien est réglé comme du papier à musique. A peine tirée de ses draps, ma maîtresse me dégage de ma petite couverture. Alors que l’odeur du café embaume la cuisine, Fernande me donne de l’eau fraîche, je peux m’ébrouer à loisir. Puis elle dresse la table pour son petit déjeuner et avant de s’asseoir, elle me donne mon petit bol de graines variées et sélectionnées avec soin. Il est à peine 9 h et je vois combien elle est exténuée de ces petits gestes de rien. C’est là que j’entre en action. Je fais mes gammes, j’enchaîne et je roule les sons. Entraînement quotidien à la recherche de l’harmonie parfaite. J’entends que Fernande fredonne en écho à ma bonne humeur et cela me fait chaud au cœur. Alors je chante, je chante ! Bientôt commencera le ballet de l’infirmière, du kiné, de l’aide à domicile, on jettera un œil vers moi, mais je ne serai pas le point d’attraction. Chacun est aux petits soins pour ma maîtresse, avec un petit mot sympathique, un trait d’humour. Fernande apprécie cette complicité, elle réplique avec ironie. Elle a gardé un esprit vif et le verbe facile. Arrive midi, l’appartement retrouve son calme. La table est mise et le repas est prêt, mais chaque jour avant de déjeuner, Fernande me glisse un quartier de pomme, de poire ou deux feuilles d’épinards. C’est selon son menu du jour et c’est comme ça que je suis les saisons. Parfois c’est Byzance et c’est une coquille d’huître qui m’est offerte. Alors je chante, je chante ! En début d’après-midi, elle s’adonne à son passe-temps favori. Sur son bureau, près de la fenêtre, tout son matériel d’aquarelle l’attend. Lorsqu’il fait beau, elle ouvre grand la fenêtre et m’installe vers l’extérieur. Suspendu, je trône moitié dedans, moitié dehors et mon horizon s’élargit. Ce qui se passe dans la rue, en bas, dans le tohu-bohu de la circulation ne m’intéresse guère. Je préfère suivre des yeux les pigeons sur le toit d’en face. En voici deux qui se font une cour effrénée. Moi, on ne m’a jamais proposé de compagne. Les femelles ne chantent pas, c’est peut-être pour cela que ça a été jugé inutile. Fernande a de l’aide pour entretenir son appartement, mais juste après l’heure du thé, elle met un point d’honneur à nettoyer mon espace. Elle procède avec minutie, tout en me parlant tendrement. Alors, entre deux galipettes d’un perchoir à l’autre, je chante, je chante! Bientôt viendra l’heure où elle me remettra mon petit drap, comme un signal vers une journée qui s’ achève. Petite boule jaune comme un rayon de soleil, je m’appelle « Smiley », coincé dans ma cage, j ‘apporte du sourire à Fernande coincée dans son appartement. Je chante, je chante !
De Françoise V (proposition N° 108)
Tous les matins, je descends sur la plage juste au pied de mon l’immeuble. J’adore marcher sur le sable fin et mouillé que la marée basse abandonne. Le sol est dur et souple à la fois. Les odeurs d’algues se dégagent et les restes des repas des goélands ou des mouettes jonchent les galets bordant la digue. Tous les matins, je ramasse les plumes de ces oiseaux de l’océan. « Tiens, cela ressemble aux plumes de nos écrivains de l’atelier, pensais-je ! Ils les auraient laissé s’envoler ? ». Tous les matins, je regarde l’océan bleu qui emmène mon regard loin, très loin et je hume ces parfums marins qui me transportent loin aussi de mon quotidien, de mes obligations, de mon rythme que j’aime changer. J’avance tête baissée droit devant moi, je scrute la plage et ses trésors… Tous les matins, je suis seule à méditer, à rêver, à m’envoler. Mais ce matin, quelqu’un m’interpelle… – Bonjour, vous êtes artiste? Je relève la tête et je me trouve face à un homme, un inconnu, un barbu aux lunettes noires, un appareil photo en bandoulière. – Heu… oui, je suis artiste…. Mais cela se voit tant que ça ? – Pas difficile, vous ramassez des plumes et des galets… – Ah oui effectivement, vous avez vu juste. J’écris, je peins, je dessine, je sculpte… – Vous êtes une artiste complète alors…. Je souris en me disant que c’était la première fois que quelqu’un me parlait ainsi. Une artiste complète…. Une analyse à laquelle je n’avais jamais bien pensé. Cet inconnu est observateur, intriguant, voir séduisant… – Je ne voudrais pas vous interrompre, s’excuse-t-il. – Non , non, j’ai du temps vous savez… Il devient sympathique et nous entamons une petite conversation de vacances. Nous échangeons sur les questions écologiques, environnementales. Il recherche un pied à terre à Trégastel car il est tombé amoureux de la côte. Depuis le confinement, il recherche un coin tranquille, au climat doux. Il habite Lyon et vient souvent en Bretagne. Mon téléphone sonne. – Ah ! Ciel ! Mon mari… lui dis-je ! Je vous laisse, au revoir. Je le plante là, à mon regret, car j’aurais bien aimé parler un peu plus avec lui. Il me regarde partir aussi avec regret. Je ne lui laisse aucune chance de se rappeler de moi, ……mais j’aurais pu. Cet inconnu aurait pu rompre mon quotidien… je n’ai pas su saisir l’occasion.
De Sonia
Je suis un matou de gouttière, tigré, usé ,abîmé par la vie. Borgne , une oreille en charpie , j’ai du vécu , celui de la rue . J’en ai chassé des souris , me suis battu pour ma vie . Les chats du quartier, je les connais tous , je suis le plus vieux . Si vieux que j’en ai oublié le nom qu’on m’avait donné avant de m’abandonner … Longtemps, j’ai régné en maître , cette rue c’était la mienne . Chaque poubelle , chaque gouttière porte mon odeur . J’en connais tous les passages , de cours en jardins , sous les grillages où j’ai laissé quelques poils … Mon œil, je l’ai perdu là-bas , devant la porte cochère , au cours d’une bataille restée célèbre dans le quartier . Pour les beaux yeux verts d’une chatte de passage . Une belle rousse , une Américaine . Un faux air de Katharina Hepburn avec une croupe à faire damner tous les félins du coin . On peut dire qu’elle m’a tapé dans l’œil, l’Américaine ! Ce fut West Side Story dans la ruelle ! Mais c’est moi qui ai eu les faveurs de la belle Fifty . Le temps a passé ….Ce n’est plus moi le roi des greffiers ….J’ai laissé la place à des matous plus jeunes , plus agiles …. Allongé au soleil , je continue de surveiller d’un œil la vie du quartier .
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Je suis le chat du cimetière , Un vieux célibataire . Sur une pierre tombale , A l’horizontale , Étalé au soleil On croit que je sommeille … A l’ombre d’une croix Je surveille mes proies , Je me délecte d’une souris Aux pieds d’une Vierge Marie Ou chasse les mulots Entre les caveaux . Je suis un chat sauvage Sans nom , sans âge . Difficile à approcher Car vite effarouché . Je file bon train Avant qu’une main Ne puisse me caresser De peur d’être attrapé . Je vis serein Sauf à la Toussaint Lorsque par centaines Arrivent les chrysanthèmes . Pendant quelques jours Je pars faire un tour , Puis le cimetière fleuri , Les familles parties , Je peux revenir Au milieu des souvenirs . J’aurai la paix Pour toute une année .
De Jacques
Mémoire de Minou
Est-ce qu’un chat peut être diagnostiqué TDAH? Si c’était possible, ça se saurait! En ce qui me concerne, si je recevais ce genre de constat, il n’y aurait certes pas d’hyperactivité, pas plus que d’agressivité. Je suis Ti-pou, le chat que mon humaine pense que je suis le sien. Elle m’a recueilli un jour d’hiver. Il faisait tellement froid. J’étais petit, mignon (je le suis encore). Maintenant, j’ai six ans. Elle a plein de chats, c’est trop de monde pour moi, mais je suis le maître de tous ces morveux. J’avais six ans lorsqu’une petite blonde est arrivée chez mon humaine pour voir si elle avait un félin à lui vendre. Je m’étais collé à elle en chassant tous les autres connards qui voulaient pendre ma place. C’est l’illustre moi qui fut choisi. Je suis tellement heureux. Je vais vivre avec la petite blonde. Nous arrivons chez elle. Pas pire maison, cependant ce n’est pas un palace, mais ma jeunesse ne s’est pas passée dans un palace non plus. Je débarque donc dans un monde inconnu. Que vois-je? Des jeunes monstres qui me courent après pour me prendre, me… (je ne sais quoi). Je perds tout courage, je sauve ma peau, ils veulent certainement me tuer, me manger tout cru. Je me cache, mais un immense gaillard me prend dans ses bras et me protège… moi qui croyais que j’allais devenir le gaillard de cette maisonnée, me voilà bien servi. Je suis mal armé contre les ennemis qui pourraient attaquer la belle blonde. Mes anciens humains m’ont fait dégriffer les quatre pattes comme si je pouvais me faire les griffes arrière sur leur affreux sofa. Faut-il être assez bête… Tant pis, le mot est dit! En plus, pour que je ne fricote pas avec les minettes, ils m’ont fait enlever les gonades. Franchement déjà, je n’étais ce qu’on appelle un chaud lapin… tant pis le mot est dit. D’autres personnes arrivent, suis-je la vedette de cette soirée… Wow! Je suis une vedette! Tendez-moi la patte que je la signe. Une humaine mignonne me prend dans ses bras et me tend vers un autre humain que j’ai vu à son arrivée, juste avant que je me cache sous le divan. Il me regarde. Il a quelque chose de touchant. Je reste caché! Pas de bruit au cas où, ces humains manqueraient de nourriture. Rassuré, je me couche et me relaxe un peu. Je suis si fatigué !!! C’est quoi ça? Un humain lève le divan, il me prend et me place dans la cage. Pas encore !? La première chose que je sais, me voilà dans une autre maison. Après avoir ouvert la cage, il m’abandonne dans cet environnement hostile. J’ai peur, je hurle, après avoir fait un passage à la litière, je me cache sous le divan. Le silence, c’est étrange et apeurant, cependant sous le divan, c’est tellement noir et feutré. Je m’endors enfin, épuisé. Au matin, j’entends mon nom dit calmement : «Ti-pou»? Il ne faut surtout pas que je bouge, c’est l’heure du petit déjeuner après tout. Je laisse faire… Oups! Noooon! Il lève mon abris-bus! Pendant qu’il le tient, je me sauve. Je grimpe l’escalier. Voilà un lit et je me glisse dessous. En sécurité. Fait-là lui? Il est couché par terre et tente de me sortir de ma cachette. Il me tire les pattes d’en avant, pas de chance je résiste. Voilà qu’il tire sur mon superbe collier. Snif! Il ne résiste pas. L’autre humaine me pousse avec un balai. Plus rapide que l’éclair, je saute encore et encore et je me pousse vers une autre pièce où j’espère devenir invisible. Pas de chance! L’humain touchant m’attrape et m’amène dans le lit et me place sur ses jambes. En me retenant d’une main, il me caresse ou tâte pour savoir si j’ai assez de viande pour les nourrir tous les deux. Il relâche la pression et je me sauve. Je trouve une autre cachette. Il fait noir maintenant. Je décide de chanter un air que mon ancien humain (celui de ma 3e vie) chantait régulièrement : L’air de la reine de la nuit de Mozart. Je n’ai pas la note, pas l’air non plus mais au moins cela me rassure. Je chante faux, mais je chante fort !!!! Alors, j’entends : chuuuuuuut! Je me tais! Pour les tester encore, je recommence. Oups! Une boulette de tissu me frôle le derrière. Je vais me cacher. Demain est un autre jour. Le lendemain et le surlendemain je recommence. Comme disait Pierre Karch : Chanter est aussi une façon de pleurer. Je suis si seul, j’ai peur et je pleure. Les projectiles pleuvent, je me ferme et me cache. Les jours suivants, l’humain touchant s’assoie par terre et me donne des friandises. Il veut m’apprivoiser. Pas trop vite! Non! Je n’irai pas chercher cette friandise que tu viens de déposer trop près de toi. Le lendemain, il recommence. Elles sont vraiment bonnes ces friandises. Je dois résister. Je ne suis pas un chat facile, môsieur l’humain. Il est persistant c’t’humain-là! Il va finir par me convaincre que je ne représente pas son prochain souper. Un soir, ils sont couchés tous les deux. Je saute sur le lit pour voir leurs réactions. Je me couche sur mon nouvel humain qui m’accueille super bien. Je suis ravi et aux anges (bon encore, mais le mot est dit). Je reste donc dormir là, sur sa bedaine. Ça y est, il est conquis. J’ai gagné. Je me prélasse toute la journée dans leur grand lit tellement confortable, me levant que pour aller marcher, manger et voir ce qu’ils font. C’est moi le maître après tout, il faut que je sache. Une année se passe doucement, je dors, je mange et je surveille. Oh! C’est quoi ça? Ça bouge, ça vole. Mangé! Une belle couleur mais un goût débectant. Je n’en mangerai plus, c’est sûr et certain. Quelle belle journée. Ils sont dehors et j’aimerais aller me promener aussi. Je susurre une petite chansonnette de mon cru pour les attendrir. Refus total! Je retourne donc dans mes quartiers. Mon QG me sert pour réfléchir aux prochaines tentatives. Ben voyons! La porte est ouverte ?! Hein? Quoi? Je m’esquive avant qu’ils s’en aperçoivent. Enfin, le dedans du dehors. Je me glisse sous cette bâtisse pour y rester un moment. La nuit tombe, je ne suis pas rassuré, mais je suis dehors. Oups! Un quatre pattes avance vers moi. Il me dit dans une langue que je comprends à peine avec une voix qui porte loin : TÉKITOUÉ? CÉ MON TÉRITOÈRE ICITTE! Je hurle, crache, rien n’y fait, ce matou n’a pas peur de moi. Que puis-je faire? Pas de griffe, pas de balustrines. AYOYE! TA-BAR-NAK! (Une année chez les Québécois, ça colore le langage). Il m’a mordu à la patte ce mauvais félin. Il me laisse là, à l’article de la mort. La patte me fait terriblement mal. Que fais-je donc ici seigneur (encore, le mot est dit). Demain, je retourne chez les humains. Caché sous une chaise sur la galerie, je me plains doucement. L’humaine m’entend. La porte s’ouvre, je boite vers l’intérieur. Je monte tant bien que mal vers la chambre. Mon humain m’attrape et l’autre vaporise un liquide sur ma blessure de guerre. Oooooooouuuuuuuu que ça fait mal. Ça se calme un peu. Je dors. Le lendemain, une cage, la route, une humaine que je ne connais pas. Elle met un onguent sur la plaie. Que cela fait du bien, puis elle m’injecte quelque chose. Je retourne dans la cage. Quelqu’un a placé autour de mon cou une sorte de collier. Ce n’est pas tellement beau, mais je verrai si je le fais enlever ou pas. Enfin, me revoici, chez moi, chez mes humains. Je crois que je les aime (encore, le mot est dit).
De Stéphane
La véritable histoire de la chèvre de Monsieur Seguin
Oui, évidemment, tout le monde était au courant… La nouvelle s’était vite répandue du côté de Sisteron. Figurez-vous qu’une meute de loups noirs, chassée du Gévaudan, s’était installée dans la montagne.
Pour ce qui est du Gévaudan, et compte tenu de l’ambiance dominante, complotiste et millénariste, je suis convaincue qu’on nage, ici, dans les fake news, tant le concept de post-vérité a acquis, avec l’épidémie, droit de cité. Foi de Giselle, personnellement je n’en crois pas un mot. Des descendants de la Bête ? Foutaise! ça serait leur faire trop d’honneur. Je dis cela, bon, je ne dis rien…. A propos de foie, et par esprit d’escalier, je me rends compte que j’ai zappé les présentations. Donc, moi c’est Giselle, une belle oie blanche- pardon mais je souris toujours un peu si je pense au sens populaire de ce syntagme et à ma réputation auprès des jars de la basse-cour. A propos de foie, disais-je, les annonces de déconfinement à l’approche de Noël me mettent, pour le moins, en situation délicate. Ça irait même jusqu’à me couper l’appétit. Mais bon, je me rassure en constatant que mon anorexie du moment inquiète beaucoup mon Hyacynthe qui me gave de tant de bonnes choses. Hyacynthe, c’est le patron de la PME Séguin et frères, éleveur à Valernes au pied de la montagne de Gâche. Pas un mauvais bougre, mais un peu maniaco-dépressif. Après avoir pris de plein fouet la troisième vague psychiatrique liée à la pandémie, je l’ai senti sombrer dans une mélancolie qui nous promettait des lendemains rien moins que lugubres. Et puis, divine surprise, après le premier déconfinement, il a décidé de soigner sa déprime en faisant l’acquisition de ma copine Blanquette, une petite chèvre blanche toute choupinette. Alors là, miracle…ça nous l’a transformé notre Hyacynthe et, bien souvent, j’ai pu le prendre en flagrant délit de sentimentalité. Nous, je dois dire que ça nous avait bien fait rigoler ce nom de Blanquette, surtout les dindons, toujours prêts au fou-rire. Et dans la basse-cour, les vannes, ça fusait: « Alors Blanquette, t’as pourtant pas une tête de veau…ne viens pas nous dire que tu manges que des carottes? » Bref, si le père Séguin avait retrouvé le sourire, c’était sa chèvre, elle, qui sombrait dans la dépression. La pauvrette pleurait toute la sainte journée en tirant sur sa longe. Alors, vous voyez, malgré ce qu’a dit Alphonse, c’est bien à cause de ces vexations que la jolie biquette a décidé de jouer la fille de l’air. Alphonse, c’est un vieil ami du patron, un Parisien de la haute, un original féru de généalogie. Tiens, par exemple, sur les loups, il en connaît un sacré rayon. Un soir, en regardant danser les flammes, on parlait de l’arrivée de cette meute dans la région. Il était devenu intarissable sur le sujet. En fait, disait-il à mi-voix, au départ c’était plutôt de bonnes bêtes. Tout a commencé, il y a bien longtemps, avec Sofia, en Italie, qui non seulement s’occupait de ses nombreux louveteaux mais avait adopté deux petits jumeaux humains. Cette hypertrophie de l’instinct maternel et cette manie de s’occuper de la marmaille étrangère se sont d’ailleurs transmises à ses descendants, jusqu’au fin fond de la jungle, dans le sous-continent indien. La lignée a donné naissance, au cours du temps, à plusieurs branches. Une d’entre elles a émigré en Amérique. Un grand loup gris nommé Tex, toujours sur son trente et un, et érotomane notoire, a fait fortune dans le show-business. Son frère, un junky complètement perché, trompettiste, s’entraînait à souffler sur des porcheries de tout genre, vous voyez le tableau ? Une autre branche est partie vers l’est. Certains, dans les grandes plaines de Russie par exemple, ont pu inspirer Prokofiev. Ou même dans les Carpates… Enfin ceux-là étaient malades. Et avant qu’on parvienne à soigner leur vilaine maladie de peau avec de l’hydroxychloroquine, ils vivaient masqués aux yeux de tous. Il paraît que certains avaient même trouvé le moyen de prendre apparence humaine dès l’arrivée du soleil. Quant à ceux du Gévaudan, leur réputation de prédateurs sexuels les a poursuivis jusqu’ici. Je pense notamment à Gaston, un obèse qui s’est goinfré coup sur coup une mamie toute en bigoudis et une gamine tout en rouge qu’il avait dû confondre avec ces pommes d’amour qu’on trouve à la foire de Mende. Enfin, je résume car c’est plus compliqué, une histoire de petite cheville et de petite bobine à laquelle je n’ai pas tout compris. Retenez simplement qu’il a fini par payer cher sa gloutonnerie, dit-on. Mais revenons à notre biquette, bien sûr la montagne a toujours exercé sur elle une puissante attraction mais, j’en témoigne ici, là n’est pas la seule raison à sa fugue. Ce projet de visiter les cimes, elle s’en était ouverte, et à mes conseils de prudence, elle avait répondu qu’aussi bien, en musique, une blanche valait deux noires, elle ne craignait donc rien d’une mauvaise rencontre. Pour dire le vrai, il est certain que cette accumulation de petites humiliations a précipité son départ. Les moqueries du troupeau autogéré des brebis du village faisaient écho aux gloussements d’Edmond, le dindon qui se battait les flancs dans un simulacre grotesque d’envol. Tous ces persécuteurs étaient bien loin de comprendre qu’ils seraient vite promus au rang d’instruments du destin. Insensiblement, j’observais ma blanche amie se transformer sous l’effet de ces vexations répétées. Son caractère devenait ombrageux et prenait tout en offense. Elle ne dormait plus, ne broutait plus que du bout des lèvres, ses mamelles s’asséchaient et maintes fois, elle renversa d’un coup de sabot le seau que Hyacinthe posait entre ses pattes. Son aspect changeait, ses prunelles rougissaient, son poil si soyeux prenait l’aspect rêche de la paille de sa litière. Je ne pus m’empêcher, la voyant si défaite, de penser à l’amour dévorant si démonstratif du père Séguin qui, j’y pense en rougissant, pourrait bien donner les contours de la morale à des passions moins nobles. Aussi, ne fus-je pas surprise lorsque je la vis bondir, longe rompue, hors le lanterneau de l’étable. Tenaillée par une anxieuse prémonition, je me mis en route sur ses talons. Il me fallut bien du souffle et je dus souvent voleter en rase-motte pour ne pas la perdre de vue, tant sa course était agile et véloce. Sans un regard pour le jeune chamois qui l’observait d’un œil gourmand, elle sautait de pierres en rochers, dans les ravins et les à-pics, posant le bord du sabot sur le plus infime graton, toujours en lisière de néant. Le désespoir se devinait dans chacun de ses bonds. Elle ne s’arrêtait que le temps de retrouver un souffle que l’altitude rendait plus court encore. Arrivée à la tombée du jour sur un plateau à flanc de falaise, entre la forêt et le vide, elle s’arrêta et se coucha dans l’herbe. Elle n’eut pas longtemps à attendre. Dissimulée dans un éboulis, derrière une grosse pierre, je vis dans la pénombre deux yeux brillants en limite de forêt. Tout alla très vite et le jeune loup prit son élan. Mais, avait-il l’enthousiasme de la jeunesse, mal calculé la distance, ou la chevrette, dans un dernier réflexe de survie, avait-elle modifié sa position ? Quoiqu’il en soit, le jeune carnassier alla finir sa course trente mètres plus bas. Dès lors, arrivée au terme de mon récit, je me dois d’éprouver, dans un effort de méthode, la solidité de ce qui va suivre. Était-ce l’effet de ma course folle à travers failles et pierriers, était-ce l’air raréfié des contreforts des Alpes, l’obscurité tombante, ou encore les effets délétères et hallucinatoires de mon insuffisance hépatique ? je ne saurais décider. Mais, me penchant au bord de la falaise, je vis clairement ma Blanquette, près des restes disloqués du prédateur. Elle semblait, enfin, avoir retrouvé l’appétit…
Si, pour Hobbs, l’homme est un loup pour l’homme, ma chevrette irascible était devenue un loup pour le loup.
De Lucette
Aujourd’hui, je suis enfin libre, je vais appeler Odette pour l’emmener prendre un peu le frais. Allo ! « C’est Yvette, je te propose une petite équipée rien que toutes les deux ». Ah, non vraiment ce n’est pas le moment, je n’ai pas le moral, je reste couchée toute la journée, personne ne me comprend ma solitude. « Eh bien justement, je suis chez toi dans un instant, tu me raconteras ». « Je ne serai pas de bonne compagnie, je n’ai envie de rien. » « Bon ! tu es prête ? ». Je dois prendre mon sac, me parfumer, et j’arrive. »
Au bout de dix minutes, toujours pas d’Odette. « Mais que fais-tu bon sang, il t’en faut du temps » « Arrête de crier, sinon tu y vas seule. D’ailleurs où veux-tu m’emmener ? ». « Dans la nature, respirer, voir du monde, ça nous changera que de rester toujours entre nos quatre planches ». Vingt minutes sont passées, et les voilà pimpantes. En même temps, elles ne vont pas oublier de se restaurer par-ci par-là. Elles cherchent, elles grattent, elles sautent pour trouver un ver, un vermisseau, une framboise, et oui, ce sont les poules chez ma fille…Sorties de leur bungalow tout neuf, elles jacassent, elles n’arrêtent pas. « Bon, alors qu’est-ce qui ne va pas ? ». « Tu sais j’ai envie de materner, et ma patronne ne veut pas me laisser les œufs pour couver. Elle m’a enfermée pendant des jours pour que je pense à autre chose, elle croit que je vais oublier sans doute. » « Mais oui, elle sait ce qu’elle fait, crois-moi. Moi aussi je suis passée par là, et le moral est revenu. Je sais c’est dur, mais on doit s’y faire ». « Je te crois, mais quand même je n’ai plus de goût à rien. « « Pourtant, je vois que tu as les plumes bien lisses, ta crête bien rouge, alors arrête un peu de chialer, reprends-toi ». « Tu es vraiment dure, je n’ai plus d’appétit, je n’ai plus envie de rien » « Allez tiens, suis- moi, j’ai reluqué quelque chose qui va te redonner des ailes ». Elles font le tour de la propriété, elles discutent de tout et de rien, elles grappillent, elles sont l’une à côté de l’autre. Il y a la cheffe, c’est Yvette, et la dominée, c’est Odette qui ne prend aucune initiative, et ça Yvette, a du mal à l’admettre. Elles font une petite pose à l’ombre du figuier, elles se méfient quand même de « Fripouille », dit la Pouille, et de « Java », les chats de la maison. Quant à Blanca la chienne, elle, débonnaire à partir du moment où elle a sa maîtresse en vue, tout va bien… La journée se passe, Yvette en a plus qu’assez d’entendre Odette gémir sur ses conditions de poule enfermée. « Bon ! assez de blablabla, il est temps de rentrer ». « Ah non ! S.T.P , elle va encore m’enfermer, moi, je veux être libre de mes actes. Je suis peut-être une vieille poule, mais j’ai envie d’un jeune coq qui saura me distraire. » Tout en jacassant, Odette emplit son gosier, grain à grain. En même temps elle pose une question à Yvette. « Dis-moi, est-ce que la maman d’un œuf de Pâques, est une poule en chocolat ? ». « Voilà, nous y sommes, Madame fait de la philosophie. Je ne vais pas faire la maman-poule, mais avec tes idées de fugue, méfie-toi de ne pas rencontrer un renard, car lui, ne fera qu’une bouchée de toi ». Odette se met à pleurer devant cette affirmation, elle dit ouvertement à Yvette qu’elle est jalouse d’elle, et qu’elle fera ce qu’elle veut. Eh bien va donc, rejoindre les va-nu- pied de ton espèce Tu n’es qu’une poule mouillée, c’est moi qui gratte pour te montrer où sont les vers, et toi, béate, tu attends que ça te tombe dans le bec ». Sur ce, Odette vexée rentre la crête baissée en gloussant comme une vieille. Yvette, plus orgueilleuse, lui dit dans un dernier caquètement persiffleur et ironique, « Vas te faire cuire un œuf, et à partir de maintenant nous ferons perchoir à part.… » Moralité : l’amitié ça ne tient souvent à pas grand-chose…
De Nicole
Une joyeuse journée
Je suis Mademoiselle Josépha, la tigresse de mon compagnon humain, Renaud. La plupart du temps je porte un bandana rouge, pour l’hiver j’ai même un gilet de cuir noir. Renaud est fan du chanteur homonyme. Moi, je préfère les tangos d’Arthur Piazzolla. Cette sensualité me donne envie de danser. Ce matin, je suis seule. Par le vélux entrouvert, je sors me promener. Mes pérégrinations sur les toits m’emmènent loin. Ma destination, le 6 de la rue Sans-Souci, le lieu de réunion des chats du quartier, tous de gouttière. Sultan et Ramina ont apporté quelques souris, Mitsou et Noumi, d’autres victuailles. Le n°6 de la rue du Sans-Souci a un toit plat, endroit idéal pour nos agapes. Louise , l’habitante du dernier étage, écoute de la très bonne musique et nous monte du lait. Une java d’enfer ! Une journée entière de bonne humeur et Mitsou est joli chat. Vers 19H, l’appel de mon compagnon de vie est puissant. « Josépha, je suis rentré, viens manger tes croquettes ». Je n’ai pas très faim, je musarde encore un peu avec Mitsou et puis retour maison. Après une journée sur les chapeaux de roues, douce quiétude, soirée télé sur les genoux de Renaud.
De Michaëla
Une belle journée ?
Une belle journée s’annonce. Un doux rayon de soleil caresse mes pattes graciles et réchauffe mon corps dodu. « Allez, au travail ! » Comme chaque jour, j’ai mes toiles à tisser, œuvres d’art qui scintillent à la subtile lumière du jour. Je les observe, les colocataires des lieux. Ils vont et viennent dans la pièce, sans porter attention à ma présence. Et pourtant, certains matins, lorsque la lumière est particulièrement propice, il leur arrive de rester béats d’admiration devant mes réalisations. Je n’en suis pas peu fière ! Un accord tacite s’est instauré entre nous : je leur offre mes plus belles toiles et en contrepartie, ils me laissent en paix. Mais ce matin, quelque chose cloche ; aussi suis-je sur mes gardes. Un zébulon aux cheveux hirsutes et à la frimousse espiègle fait irruption dans la pièce. Il saute, tourne et gesticule en tous sens. Soudain, je le vois s’approcher de moi. Mon cœur s’emballe. « Face à la menace, une seule solution… la fuite ! » disaient très doctement mes parents. Pour une fois, j’applique leur recommandation et file me réfugier dans l’angle le plus obscure de la pièce. Ouf ! le zébulon s’éloigne ; je suis rassurée. Avec mille précautions, je sors de ma cachette et reprend tranquillement mon ouvrage. Mais subitement, je suis arrachée à ma toile, enfermée, ballotée, prisonnière dans un bocal en verre. Les deux gros yeux du zébulon réjoui m’observent. Mon espace vital vient de se réduire considérablement et l’air va rapidement se raréfier. Aussi, je prends les devants et, adoptant une posture étudiée, je fais la morte. L’effet est immédiat. Le zébulon s’affole, secoue le bocal… et moi avec ! Mais je maintiens ma posture, déterminée dans ma stratégie. Quelques instants après, je suis récompensée par de minces filets d’air frais qui viennent renouveler l’air confiné de mon espace. Tout mon corps en frémit. L’ivresse de l’oxygène m’entraîne dans une douce léthargie. Lorsque je recouvre mes sens, je me retrouve engloutie sous un amas de tiges vertes. « Pense-t-il donc, ce jeune zébulon, que je me nourris d’herbe fraîche ? Il faudrait bien qu’il s’informe sur mes habitudes, s’il veut m’apprivoiser ! » Toute la journée, dans mon bocal de verre, je vais être observée, transportée, ballotée, secouée, déplacée, reposée, observée… Et durant toute la journée, je vais ressentir de la peur, de la colère, de la surprise, de l’amusement, de l’émerveillement, de la peur… C’était une belle journée qui s’annonçait… et finalement, ce fut une belle aventure hors du commun que j’ai vécue. Merci zébulon. Mais surtout, merci aux colocataires qui, en fin de journée, m’ont laissée sortir de mon bocal, me redonnant ainsi ma liberté chérie.
De Catherine
Comme une chatte
Ben quoi ! Il ne m’a pas appelé , ce soir ! J’aime bien quand , du fond du jardin, j’entends : « Apy ! Aapy! ». Mais là, Il est occupé à discuter avec Elle et moi, je compte pour du beurre. C’est que je suis une couche-tôt. Il va bientôt être 19h00 et mes rituels du soir sont bousculés à cause d’Elle. Normalement, Il m’appelle, je rentre le plus lentement possible en ondulant mon corps gracieux, je le suis jusque dans mes appartements, il installe mon repas du soir, avec mes croquettes habituelles, mon eau et surtout ma gourmandise préférée : une cuillère de cette délicieuse pâtée au thon qui me fait ronronner de plaisir. Il assiste à mon repas, puis je m’achemine vers mon grand fauteuil rien qu’à moi, dans ma pièce rien qu’à moi où toute intrusion est impensable quand j’y séjourne, et là, c’est la longue pause câlins : caresses contre ronrons bien sonores. Il sait quand j’en ai assez et qu’Il doit s’en aller. Parfois, je pousse le bouchon un peu loin et une heure après, je le rappelle, pour une deuxième tournée. Je sais que j’exagère, mais j’aime ça ! J’en fais ce que je veux, de Lui ! Le matin, j’ai besoin de me coucher sur son ventre sur le canapé, et pendant un long temps, il me caresse doucement et je savoure. Avec Elle, ce n’est pas pareil : c’est mon portier de jour. Je passe mon temps à lui réclamer de rentrer ou de sortir. Elle obtempère avec mauvaises grâces, surtout quand Elle est bien occupée et j’aime bien La faire râler. Quand je suis dehors, je me mets sur les pattes arrière et je m’étire de tout mon long sur les vitres en miaulant pour signifier que je veux rentrer. Elle, je ne la considère que quand Lui n’est pas là, mais j’aime bien ses gratouillis derrière mes oreilles et sur l’arrière de mon échine, mais ça ne remplace pas ses divines caresses à Lui. Elle, j’aime bien regarder ce qu’elle fait, quand elle trempe un bois poilu dans un verre d’eau avant de caresser des couleurs dans une boîte. Moi aussi, je joue avec son eau, ou avec son bout de bois. Elle fait toujours des choses bizarres que Lui ne fait pas, alors, comme je suis curieuse, je l’observe. Bon, mais là, j’aimerais bien qu’on fasse attention à moi. Je n’ai pas le choix, il va falloir que je fasse des bêtises pour leur rappeler mes horaires. Tiens, je vais mâchouiller ce papier pour l’énerver , Elle ! Mince, je n’ai droit qu’à une interpellation! Mais qu’est-ce qu’ils ont à se raconter encore ? Plan B : la folie ! Je me mets à courir et sauter partout dans la pièce… et ça marche ! Il se lève et me suis dans la cuisine. Maintenant, Il est à moi pour un bout de temps, car je crois que je vais l’obliger à jouer les prolongations ce soir ! Miaou, miaou miaou!
De Claude
AH ! LA VACHE !
Pré, la vache, a l’air complètement lessivée. «Je suis éreintée. » Il faut dire qu’on me traite bien mal. En fait, je suis la vache à lait de la ferme. On nous fait toutes les vacheries possibles à nous, les vaches. Comme à nos mâles, d’ailleurs: pour nous, les trayeuses automatiques, par exemple, pour ne pas nous faire souffrir. Tu parles ! On est sous le joug du fermier et il fait toujours passer la charrue avant les bœufs…et les vaches. Mais de quoi je mamelle ?Et puis, il est si pervers qu’il veut même savoir si les hanches de la fermière ondulaient ! Moi, on me fait tellement bosser que je n’ai même plus de temps à moi. Plus le temps de me faire un champ. Point. Voilà ce qu’une pauvre bête encourt ! Alors que je le veau bien ! Avant, les temps étaient moins durs, c’était même agréable :on faisait labours (et sarclages), en se serrant joug contre joug. On jouait au tennis avec Santoro, et, croyez-moi, pas avec un faux-filet!. On dansait même la bourrée. C’était le bon temps ! Maintenant, on nous méprise : tout le monde emploie «vachement » à tout bout de champ. On se traite de « peau de vache ». Je ne sais pas vous, mais moi, je ne trouve pas ça beau!
Ne dit-on pas aussi «avachi», pour désigner quelqu’un sans énergie? Alors qu’on n’en manque pas! J’ai même entendu, lors de manifestations : « Mort aux vaches !». J’avais envie de tous les envoyer paître et de leur meugler: «La ferme!». Pis, à force de tout garder pour moi, j’en ai fait une génisse. Et puis, devait-on nous discréditer en parlant de «vache folle» quand des paysans avides nous nourrissaient de farines animales, obtenues à partir de parties non consommées des carcasses bovines (Celles de nos congénères!) et de cadavres d’animaux! Sommes-nous devenues carnivores et cannibales? J’en ai honte! Je crois aussi, qu’avec cette mode «écolo», les gens nous en veulent car, selon eux, on contribuerait au réchauffement climatique. Notre digestion du cellulose produirait du méthane, un gaz à effet de serre très dangereux pour la planète. Contrairement à une idée répandue, ce méthane est essentiellement rejeté par la bouche. Ainsi, les vaches réchaufferaient le climat en rotant! Bien sûr, les déjections aussi produiraient du méthane, mais beaucoup moins. Cela, en tout cas, produit un effet bœuf! Pourtant, je fais de mon meuh : j’essaie d’être aussi propre que possible : je ne laisse jamais de bouse dans mon étable : je panse donc j’essuie. Mais cela servirait à quoi de ruminer mon chagrin? Je reconnais cependant que tout ce qui a trait aux vaches m’émeut. Je préfère que vous gardiez le souvenir de «La vache qui rit» qui enchantait les goûters de votre enfance. Tiens, le fermier a mis son costume du dimanche aujourd’hui. Pardonnez-moi, mais ça lui va comme un tablier à une vache (qu’ai-je dit ?). Comme ça, il pense faire partie de la race des saigneurs. Je le préfère dans sa tenue de bouseux. Mais grâce au ciel, les bœufs, non plus, même s’ils n’ont pas la cote (côte?), ne sont pas dévots. Je rêve parfois et j’envie nos sœurs d’Inde ; je ne parle pas des gallinacées, mais des bovidés. Là-bas, elles sont sacrées ! Et ce n’est pas un point de bétail ! Mon ambition, c’est d’émigrer aux Indes(est-ce un délit?), même si je parle indien comme une vache espagnole. Je ferais ainsi un coup en vache à mon fermier ! Ce sera pour lui le joug le plus long! Il verra si sans mon lait, il peut faire son beurre! Il saura alors ce que c’est de manger de la vache enragée, si j’ose dire. Bon, il faut que je vous quitte, d’abord parce qu’il pleut comme vache qui pisse, et ensuite parce que j’ai à l’étable, un veau qui fait de l’aérophagie. C’est, hélas, un veau qu’a bu l’air!
De Laurence S
La femme qui murmure à l’oreille des poules
Mes journées sont en tous points pareilles. Je vis en groupe avec mes deux congénères. Mais, je suis la cheffe. Je n’ai pas de nom attitré car ma maîtresse se mélange tout le temps dans les prénoms qu’elle nous a donnés au départ. C’est moi qui donne le tempo pour toutes nos activités. C’est moi qui glousse plus fort que les deux autres. Nous sommes des gallinacées : moi, je suis la blanche. Je vis avec une rousse et une noire roussâtre. Nous sommes arrivées chez notre maîtresse, à la fin du confinement. Vous savez, ce drôle de truc qui vous est tombé dessus au printemps 2020. Ça fait un an et demi qu’on vit à la campagne. Elle nous a construit un bel enclos au fond du jardin. En plus, elle et son homme ont installé une cabane en métal pour nous protéger en cas de mauvais temps et pour que nos graines restent bien sèches. A l’intérieur, se trouve l’élément le plus important dans notre vie, notre poulailler en bois avec le pondoir. Notre journée commence quand on vient nous ouvrir. On caquète beaucoup derrière notre grillage. On trépigne d’impatience. Je suis toujours la première à sortir. On nous amène les restes de la maison, les pelures de légumes ou de fruits, le gras du jambon, les miettes de pain. On a droit à un régal dès le matin. On se bat pour des morceaux de gras de jambon. On se le pique dans le bec de l’une ou de l’autre. On se court après pour débusquer de petits bouts de rien. Quand tout ça est avalé, picoré et dévoré, on court à nos graines. On a toujours faim. On boit un coup pour faire descendre tout ça. Et commence le grand travail de la matinée : pondre un œuf. Pas tous les jours, il ne faut pas quand même pas exagérer. On n’est pas des esclaves à ponte ! Comme je suis la plus grosse, je ponds les plus gros œufs. Chacune a sa couleur. Les miens ont la coquille blanche. Je ne vous raconte pas comment nos œufs sont délicieux ! Comme ceux de dans le temps ! Moi, quand j’ai fini de pondre, ça s’entend. On ne croirait pas, mais on a un langage bien à nous. Je veux qu’on sache que j’ai pondu, car pas trop loin, (je ne saurai dire à quelle distance, mais on les entend), les autres gallinacées du secteur deux maisons plus loin se permettent des caquètements intempestifs le matin. Ils sont plus nombreux, alors il faut bien qu’on se fasse entendre. Là-bas, ils ont plusieurs coqs. Nous, on en voudrait bien un. Rien qu’un seul pour nous trois ! Mais notre maîtresse nous a expliqué qu’elle n’en voulait pas. Que ça foutrait le bazar entre nous, qu’elle nous a dit. Et puis, elle ne veut pas de petits. Et s’il y a un coq, je serai obligée de me soumettre. Alors, je crois qu’elle a raison. C’est mieux comme ça. Après la ponte, on doit attendre qu’elle vienne ouvrir le poulailler en grand pour qu’on aille courir dans le jardin. C’est là qu’on trouve des supers friandises : vers de terre, fourmis, herbes, grandes herbes, des figues tombées quand c’est la saison. On parcourt le terrain dans tous les sens, sans arrêt, jusqu’à la tombée de la nuit. Il y a bien, de temps à autre, la chienne de la maison qui nous poursuit à coups d’aboiement. Alors, là, on déploie nos ailes pour courir plus vite en poussant des cris de terreur. Elle n’est pas bien méchante et elle arrête rapidement. Les deux chats de la famille nous regardent bouger, mais, comme ils sont fainéants et qu’on ne les intéresse pas, ils n’entreprennent rien. Ils préfèrent chasser les mulots et les musaraignes. De temps en temps, il y a un couple de personnes âgées qui viennent nous voir. On s’approche toujours du grillage au cas où il y aurait une nouvelle friandise. Ils en donnent beaucoup, tous leurs déchets alimentaires en fait. Mais, le vieux monsieur, à chaque fois qu’il nous voit, dit : « les poules, elles descendent des dinosaures ». On le sait ça, pas besoin de nous le dire que nos ancêtres ont disparu. Les pauvres, on leur a fait la peau. Pour survivre, ils ont dû devenir minuscules. Et nous voilà, sur nos deux pattes, minuscules par rapport à nos ancêtres. Il dit aussi qu’on ferait un bon plat pour Noël. Notre maîtresse est horrifiée à chaque fois qu’elle entend ça. Elle ne va pas nous plumer, elle ne raffole pas de la viande de toute façon. Elle nous l’a dit pour nous rassurer ! Notre maîtresse aime venir nous parler et passer un moment avec nous dans le poulailler. Quand elle a fait faire des travaux chez elle, un des maçons qui nous observait l’a surnommée « la femme qui parle à l’oreille des poules ». Voilà toute l’histoire. On est gâtées, choyées. On a de la chance, on est tombées dans une bonne famille aimante.
De Laurence D
« Encore une belle journée qui commence ! Si cette affreuse et horrible voisine ne me fauche pas ma place, comme elle a l’habitude de le faire, je me réserve quelques heures de douce chaleur au soleil bien installée sur les coussins du canapé. Ensuite je profiterai de l’après-midi sur mon fauteuil favori pour me prélasser dans le jardin. Il y fait encore agréable en ce début d’automne. Peut-être irais-je taquiner quelques insectes ou papillons ? Je verrai. Ah ?! Qu’est-ce que j’entends ? Le doux bruit des croquettes qui tombent au fond de ma gamelle, poulets-petits légumes, mes préférés, ma maîtresse me connaît bien ! Un peu dures pour mes dents de vieille dame, mais elles en valent la peine. Je me régale. Je suis un peu grassouillette mais qu’à cela ne tienne, je suis arrivée à un âge où l’on peut se faire plaisir. Ces croquettes semblent convenir d’ailleurs à ma toute nouvelle amie, débarquée depuis peu dans le quartier. Elle est toute rousse avec de grands yeux verts et gentille par-dessus le marché. C’est que nous sommes nombreux dans le coin, chacun son domaine. Certains se hasardent à traverser le jardin à leurs risques et périls. Ils rampent plus qu’ils ne marchent, les yeux et les oreilles aux aguets. Car il est parfois nécessaire de faire la police pour ceux qui essaient de gagner la cuisine, lieu de tous les délices, tard la nuit, lorsque toute la maison dort ou presque. Je veille et je chasserai l’intrus au besoin. Je dormirai au petit matin quand le danger sera écarté. Il me reste à vous parler de mon petit coin l’hiver venu, quand la température est bien basse. Le fourneau, plus exactement sous le fourneau où je me glisse. Toujours étonnée, ma maîtresse se demande comment j’arrive à ne pas brûler ma fourrure mais non. Inutile de dire que cet endroit m’est réservé et personne ne s’amuse à me le prendre. J’hiberne pratiquement tout l’hiver ne sortant que rarement. Ma vie de félin se déroule selon un calendrier qui suit le cours des saisons. Mais cela me convient, la nourriture et le gîte sont de qualité et mes humains de bonne compagnie. Je vous raconterai une autre fois mes chasses nocturnes lorsque j’étais jeune et alerte mais pour l’heure, il est temps de faire un petit somme avant le dîner du soir. Je me sens un peu lasse. En rond, je m’endors.
De Marie-Josée
Les cigognes
Du vent, de la pluie, des grêlons, comme accueil on peut faire mieux. Me serais-je trompé d’un mois ? Peu importe, j’ai retrouvé mon nid, c’est déjà ça. Après un si long périple, j’apprécie de pouvoir me poser, du moins pour deux saisons. Le vert luisant des prés promet une nourriture abondante. Je savoure à l’avance le plaisir d’arpenter ces tapis recouverts de fleurs où les insectes tourbillonnent par milliers. Je me gaverai des vers de terre qui grouillent entre les brins d’herbe humides de rosée. Je débusquerai les petits mulots et autres rongeurs, j’irai les traquer jusqu’au fin fond de leurs cachettes dérisoires. L’eau m’en vient au bec quand je pense à toutes ces friandises dont j’ai été privé. Après la chaleur des rives du Nil, je retrouve enfin la fraîcheur des berges du Rhin, soyons honnêtes, pour l’instant plutôt les frimas. Je sais qu’ils seront de courte durée ; déjà les rayons du soleil printanier viennent sécher mon plumage que la pluie avait débarrassé de la poussière du voyage. Les dernières gouttes glissent le long de mes ailes blanches et noires, et me voilà aussi beau que lors de la parade nuptiale. Le claquettement approbateur de ma nouvelle compagne me va droit au cœur. Par contre, elle n’apprécie guère l’état de mon nid, certains ne se sont pas privés de l’occuper pendant mon absence. Vaudrait-il mieux le réparer ou serait-il plus judicieux d’en construire un nouveau ? Pour l’instant, l’heure est au repos et non à celle de prendre une décision aussi importante. Nous aviserons demain. Il faudra s’en accommoder pour la nuit. Blotti contre ma dulcinée, je m’endors illico en rêvant à notre vie commune qui je l’espère sera longue et heureuse.
___ Cocorico, Cocorico, Cocorico… Le jour pointe à peine, et Hector s’égosille déjà. D’année en année, il devient plus matinal celui-là. Je ne serais pas fâché, si mes voisins décidaient de se régaler d’un bon coq au Riesling. Hélas, il n’y a pas beaucoup de chances que mon souhait se réalise, il faudra donc cohabiter tout l’été à moins que nous changions de domicile. Ma compagne s’est réveillée et nous décidons d’entreprendre un vol de prospection. Comme à chaque fois, les maisons colorées à colombage, les géraniums aux fenêtres et balcons nous enchantent. Finalement, aucun autre endroit ne nous convient, nous décidons donc de réparer le nôtre. C’est parti pour d’innombrables allers-retours à ramasser branchages et brindilles. Après quelques jours d’efforts, celui-ci est prêt à accueillir notre future progéniture. A propos, nos voisins ne nous ont pas attendus. La famille s’est encore agrandie. Une petite Victoire mène ses parents et ses cinq frères par le bout du nez. Il est pourtant de notoriété publique, que c’est nous, qui apportons les bébés. Passons ! Pour le moment, nous profitons de notre lune de miel. Bientôt il faudra couver les œufs et nourrir quatre ou cinq cigogneaux qui miauleront famine. Inlassablement, nous nous relaierons et remplirons notre devoir de parent sous le regard ébahi des habitants du village qui nous mitrailleront avec leurs portables. Ah ces humains ! Pendant des décennies ils nous ont fait fuir par des pratiques agricoles incompatibles avec notre survie. Actuellement, nous sommes une espèce protégée et chaque village est fier d’avoir un, voire deux ou trois nids sur son territoire. Ils s’émerveillent quand nous croisons au-dessus de leurs maisons à la recherche d’un endroit où nous installer. Nous n’ornons plus seulement cartes postales et faire-part de naissance. Nous faisons à nouveau partie du paysage. Les légendes et les symboles peuvent perdurer. Désormais, chaque printemps, ils s’exclament avec extase : les voilà, les cigognes sont de retour !
Poème d’Inger Christensen, « Extensions », proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)
Dans le silence de l’écriture / le silence de l’écrivant la terrible machine à silence de l’écrit
le monde disparaît / un monde après l’autre disparaît / s’enfonce dans un monde
de silences polis / dans un monde de squelettes de marbre / dans les baldaquins
amibes et organes génitaux congelés / dans les crânes vidés des touches perdues
dans le cœur / dans le cerveau dans les intestins et glandes peints sur carton
pâte / dans la maison en plâtre des pensées le bloc de ciment dur des muscles
l’acier du sentiment / ressemble à un chantier des bruits d’un silence tonitruant
Voilà, je suis sûre que ces textes vous ont égayé et redonné le sourire, si votre journée est morose côté météo. Je vous attends de pied pour la semaine prochaine. J’ai hâte de voir comment vous vous arrangez avec notre Proust national.
D’ici là, je vous souhaite une belle semaine créative. Portez-vous bien et surtout prenez soin de vous!
Créativement vôtre,
Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE
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