Quel plaisir intense de relire vos histoires pour la proposition d’écriture N° 113! J’ai bien aimé les différentes situations que vous avez proposées! Ca sent le vécu, on dirait….
Voici vos textes:
De Patricia
C’était l’anniversaire d’Irène. Nathalie, sa belle-fille, avait organisé pour l’occasion un modeste repas de famille et y avait convié la fille d’Irène, Sarah avec son mari Paul.
En ce dimanche de novembre, tout ce petit monde arriva sur les coups de midi, pomponné et parfumé, les bras chargés de cadeaux pour les uns, de bouquet de fleurs et bouteille de vin pour les autres.
Nathalie les accueillit avec le sourire :
– Hello ! Comment allez-vous ? Entrez, entrez !
En apercevant leurs chaussures détrempées par l’averse automnale de la matinée, elle pensa : je suis bonne pour repasser la serpillère, mais elle leur assura :
– Ne vous inquiétez pas pour les chaussures, ce n’est pas grave !
Irène entra la première, s’essuyant un peu trop vigoureusement les pieds sur le tapis et manquant de tomber au passage. Mon Dieu, j’ai failli me casser la figure, se dit-elle. Se rattrapant comme elle pouvait au chambranle, elle lança, dans un sourire légèrement crispé:
– Ma chérie, comme tu es jolie ! Comme d’habitude !
Puis, tendant le bouquet qu’elle gardait dans ses mains :
– Tiens, je t’ai apporté les chrysanthèmes de mon jardin !
– Oh merci Irène ! C’est vraiment gentil de votre part, répondit Nathalie, grimaçant
intérieurement.
Ces fleurs, bien trop souvent associées aux cimetières, n’étaient réellement pas ses préférées !
Et elle le sait bien, depuis le temps que je lui dis…
Sarah et Paul suivaient. La première tenait dans ses bras de nombreux paquets cadeaux. Ce
n’est pourtant pas Noël, pensa Nathalie.
– Bonjour ma biche ! s’exclama Sarah. Tiens, voici nos petits présents à tous pour maman,
si tu veux les poser quelque part ?…
– Oui, pas de souci, passe-les-moi. Je les mets sur le guéridon d’accord ?
– Euh, oui d’accord, mais attention il y a des choses fragiles, répondit-elle, se disant
intérieurement, je me suis suffisamment donné du mal pour emballer ces paquets, alors
prends-en soin s’il te plait.
Jean, mari de Nath et fils ainé d’Irène, se tenait sur le pas de la porte, accueillant les invités
avec le sourire. Paul tendit à son beau-frère la bouteille de vin blanc qu’il tenait dans la main.
– Tiens, dit-il, mets-la au frais, c’est un super Côte de Gascogne que j’ai trouvé chez un
négociant lors de mes déplacements professionnels dans la région bordelaise.
Ah oui, c’est vrai que Paul a constamment de bons tuyaux… se dit Jean.
Et souriant, il lui répondit doucereusement :
– Mais oui Paul, nous savons que tu arrives toujours à dénicher les meilleurs crus.
Paul regarda celui qu’il considérait comme un frère, dubitatif, se demandant s’il plaisantait ou non, mais choisit d’opter finalement pour la seconde solution et lui rendit son sourire,
franchement ravi :
– Oui, n’est-ce pas ? Une chance que je voyage beaucoup !
– Oui, c’est une chance ! s’exclama son beau-frère.
Mais oui, mon pauvre, tu circules à l’intérieur de nos frontières uniquement… Peut-on appeler cela voyager ?
Quelques minutes plus tard, tout le monde était confortablement installé autour de la belle table que Nathalie avait dressée avec soin, pour le plaisir des yeux de ses convives. Sur le bois brut, sans nappe, elle avait posé de jolis sets, de forme ronde et aux couleurs mordorées. Elle avait exposé ses plus ravissantes assiettes et ses superbes verres qui brillaient de mille feux, et avait disposé, çà et là, de petites pommes de pin saupoudrées de fausse neige. Nous n’étions qu’en novembre, mais les fêtes de fin d’année approchaient et elle adorait les décorations de Noël.
Hum, se dit Sarah, nous ne sommes pourtant pas encore à Noël. Début novembre et elle nous
sort déjà sa collection de décoration dorée !
Puis se tournant vers sa belle-sœur, elle s’exclama :
– Quelle jolie table Nath ! Tu as vraiment un excellent goût pour la décoration !
– Merci ma biche.
En même temps, j’y ai passé du temps, je me suis tout de même levée à 7 h ce matin pour
effectuer tous ces préparatifs, sans parler du repas lui-même ! Évidemment, c’est toujours chez moi qu’on fête les anniversaires…
Après un bref apéritif, Nathalie leur avait servi une petite entrée saumonée et ils en étaient au plat de résistance. L’hôtesse de maison avait concocté ses fameuses lasagnes, mais
malheureusement, ne maîtrisant pas la technicité de son nouveau four, celles-ci semblaient avoir un peu brulé.
Oups ! se dit Sarah riant sous cape, dommage, mais personne n’est infaillible, pas même mon
cordon bleu de belle-sœur !
Oh mince, pensa Paul, heureusement qu’on a un excellent vin pour accompagner cette mixture infâme.
Bon, je vais déclarer que je n’ai plus très faim, médita Irène, après tout, à mon âge on se
rassasie de peu.
Je lui avais pourtant dit de lire le mode d’emploi du four, mais elle n’en fait qu’à sa tête ! se
dit Jean.
Et voilà, je suis sûre qu’ils sont tous en train de se moquer, pleurait Nathalie en son for intérieur.
Alors, pour prendre le contrepied et se sortir de ce mauvais pas, elle s’exclama :
– Qu’à cela ne tienne, on va commander des pizzas ! Ça vous plait ?
Et là, sourire général, tout le monde applaudit la suggestion et le repas se termina dans la bonne humeur… Ou presque ?
Il y a bien trop de crème dans ces pizzas, maugréait Sarah toujours à l’écoute de sa
nutritionniste.
Pas assez de chorizo, pensaient les hommes de la maison.
La pâte est trop dure pour moi, grimaçait Irène, craignant d’y laisser une dent…
Vivement ce soir qu’on se couche, se disait enfin Nathalie, fatiguée et légèrement contrariée.
Mais, sitôt le dessert avalé et les cadeaux distribués, tout le monde se retrouva autour d’une
partie de rami acharnée et la journée se termina dans les éclats de rire.
Finalement, un dimanche en famille, c’est plutôt sympathique, non ?
De Lisa
Inspiré de la « java de Broadway » de Michel Sardou
Quand on fait la java le samedi soir en famille
On se retrouve chez la fille, Magalie
On est avec les parents pour faire la java
Soi-disant mais le bluff est à nos pas
On adore rigoler et chanter à chaque fois
On profite de cette petite virée comme tu vois
Mais on ne sait plus à minuit si on a fait des folies
Les bêtises sont de la partie
Quand on fait la java le samedi soir en famille
Justement, une dent a été perdue par le chef de famille
On est avec les parents pour faire la java
Soi-disant mais l’hypocrisie pour chacun est là
Le paternel tourne ce moment en dérision
Le fiston se moque de lui, dans sa tête tout simplement
Le misogyne sort ses griffes en parlant de sa dent
Aucune preuve m’indique que l’on parle d’un pivot
Mais sa femme ne dit rien à table
N’a pas le droit de parler pour éviter un scandale
Dans sa tête, elle le traite de « camembert »
Car la perte de la dent est une blague pour foutre la merde
Pour finir, la java s’amuse
Elle met son grain de sel dans la tête de chaque convive
On est obligé de se taire devant le chef
Qui est macho et misogyne
De Michel
Les personnages :
Marc, le mari
Maryse, l’épouse
Madeleine, la mère de Maryse
Martine, la mère de Marc
Maud, la meilleure amie de Maryse
Marc
Quelle idée de fêter nos 10 ans de mariage ! Je n’étais pas vraiment d’accord, mais ai-je vraiment eu le choix ? Bien sûr que non, il y a longtemps que mon avis ne compte plus ou si peu. Maryse aime tant les fêtes de famille, rassembler son petit monde autour d’elle et puis les enfants sont tellement contents de voir les parents ainsi unis. Il faut bien sauver les apparences.
Tiens, Sophie ma grande fille de neuf ans me fait un clin d’œil complice comme si elle savait ce que je pense de tout cela, ma petite puce. Vivement le prochain week-end, je lui ai promis de l’emmener marcher. Une passion commune, la randonnée. Ce n’est pas comme son petit frère, Dylan à quatre ans, il va encore se gaver de pâtisseries. Il dévore des yeux qu’il a plus gros que le ventre cette pièce montée qui trône sur la table. Comme pour le choix de son prénom, je ne vais encore rien dire. Ah ce prénom sorti de cette série américaine à la con «Beverly Hills» que ma chérie adorait. Mais bon, moi aussi je suis fan de Dylan mais de l’autre, Bob le chanteur, ce qui énerve passablement ma chère épouse quand je fais écouter «Blowing In The Wind » à mon fiston. Pour sa boulimie, Il faudra quand même que j’intervienne un de ces jours car mon petit Dylan va rapidement se faire appeler « loukoum » à l’école si son embonpoint naissant s’aggrave. J’en sais quelque chose, moi qui jusqu’au collège, a subi ce genre de quolibet.
Et puis, la liste des invités ! Bon, j’ai bien essayé d’y mettre mon grain de sel mais belle maman est passée par là… Ah cette chère Madeleine, elle aime tant cela, comme le chantait Brel, elle aime tant cela, oui se mêler de tout, surtout de ce qui ne la regarde pas. Si je lui amenais des lilas, je lui foutrais bien dans la tronche les lilas à la Madeleine, mais restons calme ; tiens on dirait bien qu’elle me sourit belle-maman. Bon, ce n’est pas l’heure de faire la gueule, je lui renvoie mon plus beau sourire. Je vais une fois encore chausser mon nez
de clown pour faire bonne figure à cette belle journée de faux culs.
Maryse
Ouf, on arrive au dessert, je vais enfin pouvoir souffler. Heureusement que maman m’a donné un gros coup de main. Bon, ce n’est pas une découverte, je sais que je pouvais compter sur elle. Elle est toujours là quand j’ai besoin. Je sais, ça énerve un peu Marc mais au moins je sais qu’elle ne me laissera jamais dans l’embarras, elle ! Ce n’est pas comme la sienne de mère, ah, elle est belle la veuve … inconsolable. Des larmes de crocodile, oui.
Faut-il que je lui dise à Marc ? Un jour, cela va fatalement m’échapper, lui, toujours à me dire « Tu vois ma mère elle, elle sait rester à sa place ». Sa place, tu parles, que pourrait-il penser le fils-fils à sa maman s’il savait qu’elle traîne sur les sites de rencontres avec comme pseudo «Bastet». Elle se la joue, la belle doche, se donner le nom d’une déesse égyptienne représentée sous les traits d’une chatte ; une chatte en chaleur, oui !
Je ne voulais pas le croire quand Maud m’en a parlé. Et puis les preuves sous le nez, j’ai bien été obligée de l’admettre. Ce monde inconnu pour moi, Maud, allias « Esmeralda » me l’a fait découvrir. Elle voulait même m’inscrire et me créer un profil. Toi si dominatrice, «Cruella, ça t’irait comme un gant » m’avait-elle dit ! Bien sûr, j’ai refusé, je n’en suis pas encore là mais ne dit-on pas qu’il ne faut jamais dire jamais…
De Huguette
La gloire des femmes
On venait de célébrer en grande pompe mon mariage coutumier. Moment de liesse pour toute la famille et les amis, mais pour moi, ce fut une grande humiliation.
Ma famille a choisi le dimanche qui suivait les cérémonies de mariage, le coutumier, le civil et le religieux pour nous réunir et partager les présents qu’elle avait reçus. La maison de mes parents ressemblait à un entrepôt. Il y avait des sacs de riz, des bidons d’huile, des sacs de foufou, des casiers de boisson, des bouteilles de vin et de whisky. Il ne manquait que les billets de banque et les habits, car chacun avait pris part le soir même à la fin du mariage coutumier. D’ailleurs, maintenant, on ne dit même plus en public le montant de la dot. Ma mère et mes tantes maternelles arboraient les tissus wax hollandais qu’elles avaient reçus. Elles avaient vite passé les tissus au couturier pour que Nzoyi soit heureux de les voir porter des tenues, foulards et chaussures qu’il leur avait offerts pour le mariage coutumier. Ici, une cérémonie de mariage est un moment précieux pour les hommes. C’est pour beaucoup parmi eux, le moment tant attendu pour prouver leur virilité, leurs richesses et conquérir le respect de la belle famille. Se marier d’après les traditions est à la fois une épreuve financière et une montée vers le grade d’époux, de maître, de chef de la famille. Durant les trois cérémonies, cela a été rappelé sans que personne ne soit choqué. J’étais la seule personne au milieu de cette foule à sentir un malaise. J’étais pourtant heureuse de me marier, là n’était pas le problème. Mais quelque chose me dérangeait. De temps en temps, je me surprenais en train de me demander si je ne faisais pas ma difficile. Si par hasard, je n’avais pas un autre problème que je cachais derrière ce malaise qui ne devrait pas en être un, d’après les dires de Paty qui trouvait injuste que je ne me lâche pas, tellement de femmes auraient voulu être à ma place.
Nzoyi est arrivé, avec moi à ses côtés. Il fallait voir comment il a été reçu dans la maison de mes parents. Personne ne me regardait. Toutes et tous n’avaient d’égards que pour lui, le Monsieur qui a honoré leur fille et qui a payé son mariage en totalité. Il a aligné tous les articles qu’il y avait sur la liste. En effet, j’ai oublié de dire que dans nos coutumes, l’homme adresse une lettre à la future belle famille pour annoncer son désir de venir épouser leur fille. Ce jour-là, lorsque l’homme se présente ou se fait représenter, il doit accompagner la lettre d’une bonne bouteille de whisky et d’une somme d’argent. C’est après cela que la future belle famille se réunit pour concocter une belle liste avec leurs besoins et caprices. Cette liste n’est pas négociable. La seule négociation acceptée, c’est de changer en espèces sonnantes et trébuchantes les dons en nature. Le père et sa famille indiquent leurs besoins, la mère fait autant avec les siens. Ces dons ont pour rôle de faire l’honneur de la fille, car chez moi, dans mes soi-disant valeurs, plus l’homme paye une bonne dot, mieux la fille sera honorée. Donc, Nzoyi m’avait bien honorée. Il avait tout payé en nature et en espèces, il suffisait de voir ce qui était entassé dans la chambre d’amis de mes parents. Pour lui dire sa reconnaissance, ma famille avait invité Nzoyi à venir partager ce repas. Moi, je ne comptais pas, car le héros dans cette affaire, c’est l’homme.
Nzoyi a toujours respecté mes engagements et positions sur la place des femmes dans la société. Mais là, je voyais son petit sourire en coin. Il jubilait de voir comment moi, la farouche défenseure des droits des femmes, j’allais m’en sortir dans ce brouhaha assourdissant noyant les voix du féminisme. Il ne disait rien, mais il prenait du plaisir à me voir souffrir.
Le repas n’était pas encore prêt, il fallait patienter. Mon père a pris son gendre par la main, tels de grands et vieux amis. Il l’a trainé dans son salon privé, le félicitant d’avoir respecté cette autre tradition qui demandait que les nouveaux mariés soient invités dans la famille de l’épouse après les cérémonies de mariages. Lorsque j’ai voulu entrer avec lui dans le salon de mon père, mes tantes sont venues me prendre me disant que je n’avais pas à le coller ainsi. Que les hommes avaient certainement des choses à se dire. Que ma place, elle, se trouvait parmi les femmes. Elles m’ont entrainée avant même que je n’ouvre la bouche, dans la chambre de mes parents en compagnie de toutes les femmes.
Je me suis alors dit que c’était le bon moment pour avoir une discussion franche avec ces dames. J’ai alors demandé pourquoi tant de précautions à l’égard de leur gendre ? Moi, j’en avais honte, ils en faisaient trop.Comment voulez-vous que les hommes respectent les femmes lorsque ce qui compte pour les familles, c’est de prendre des cadeaux et d’organiser des mariages pompeux pour leurs filles ? Je ne suis pas une marchandise, je vous le dis, je suis très choquée.
Ah, tu es choquée ? Pourquoi ? (demandait Tante Mapfuda)
(Nken’e remontée) Parce j’ai honte. Vous vous comportez comme des nécessiteux.Ma mère qui s’activait à sortir sa plus belle vaisselle pour le repas qui allait commencer, s’est arrêtée. Elle s’est avancée vers moi, tapant ses deux mains l’une contre l’autre.Et voilà, tu vas bientôt nous sortir tes principes de féministe ici. Donc, être féministe c’est refuser le bonheur. C’est être mariée comme une pauvre femme sans famille. Si on exige des choses à un homme selon nos coutumes, c’est faire preuve de pauvreté. Ce que tu oublies,, c’est que tu es une femme qui mérite des égards, on n’allait quand même pas te donner en mariage comme ces filles qui n’ont rien à proposer et qui acceptent de se mettre en mariage telles des désespérées. Toi, tu n’es pas une désespérée et Nzoyi le sait. Il doit savoir ce que tu vaux. Que nous ne laissons jamais partir nos filles avec n’importe quel pauvre homme. Il a montré qu’il est un homme digne de confiance, un homme capable de prendre sa famille en charge. Ce qu’il a fait prouve qu’il prendra soin de toi et de vos enfants.
Parlons des fameuses coutumes, car moi, j’ai fait des recherches. J’ai appris que dans la plupart des coutumes, les mariages n’avaient pas ce côté onéreux. Ce qui était important, c’est la rencontre des deux familles autour de leurs enfants. C’était le moment de se connaitre, de s’échanger sur les coutumes des uns et des autres à travers les palabres qui pouvaient durer toute une journée. On donnait très peu de présents, tout était question de symboles.
Ah, donc, tu veux que cela continue à être ainsi ?
Oui, puisqu’il est question ici de coutume.
La vie d’hier et d’aujourd’hui ne se ressemblent pas. Nous avons des besoins qu’ils n’avaient pas. Leur vie était simple et la nôtre actuellement est très chère. On ne peut plus organiser les mariages comme à cette époque.
Donc, arrêtez de parler des coutumes. Ce sont vos choix et vous vendez vos filles au plus offrant.
Tu es sérieuse là ? Tu penses qu’aujourd’hui, il est possible d’organiser les mariages comme on le faisait à l’époque de nos parents ? Tu as vu comment nous avons investi pour faire de toi ce que tu es devenue ? Ainsi, nous allons t’offrir à un homme comme un cadeau, c’est ce que prône votre fameux courant féministe ? Non, je dis non ! Ce n’est pas acceptable.
Pour vous c’est la meilleure manière de me valoriser ? Celle de faire de moi une marchandise vendue très chère à un homme ?Tante Elombé après nous avoir silencieusement écoutées a coupé net.Chut (le doigt posé sur sa bouche) vous allez arrêter ça tout de suite. C’est quoi ces manières ? Le mariage a eu lieu. Nous attendons de toi d’être une femme digne. Point !
…
De Lucette
Noël est passé, le Jour de l’An aussi, voici les Rois qui arrivent nous annonçant en même temps la nouvelle année…
Je suis invitée à partager la galette des rois dans l’après-midi. Je suis présente pile poil à l’heure dite chez Isa, ma nouvelle voisine de palier.
Pour l’occasion, j’offre du cidre de qualité, une voisine arrive les mains vides prétextant un alibi bidon que personne n’a cru, et le dernier, excusez-moi du peu, s’appelle « Denis le gandin du bâtiment », qui lui se présente avec son grand sourire, ses cheveux gominés, un rien excentrique, et un paquet de biscuits secs. Bon, vous voyez je commence à critiquer…
Chacun s’assied, Isa la maîtresse de maison fait les présentations, à ma droite Marthe, à ma gauche le fameux Denis, qui à peine assis commence à me courtiser. En moi-même, je pense que c’est un mufle, je vais me faire un plaisir de le remettre gentiment à sa place. En face d’Isa, une jolie brune qui se prénomme Rosa, suivi de Mathis un peu plus âgé qu’elle. Nous sommes tous les cinq à nous toiser. Isa nous remercie de nos petits présents, elle a pensé nous réunir, car elle n’habite dans l’immeuble que depuis 3 mois, et n’a pas encore réussi à se créer des liens.
Chacun de nous est flatté d’avoir été choisi.
D’emblée, Denis annonce la couleur en parlant « politique ». Ah ! non pas de politique ni religion, c’est indécent on ne se connait pas encore, et le voilà grandiloquent avec sa droite ceci, la gauche cela, l’extrême droite et l’extrême gauche personne à ses yeux n’est valable. La France va droit dans le mur etc. etc… Un grand blanc suit son discours de déprimé, et personne ne veut arbitrer, ni répondre « à sa vérité ». Du coup “Monsieur” est vexé, il s’écarte et boude un peu.
Isa veut le mettre à l’aise, et commence à lui servir sa part de galette des rois, nous y allons tous pour savoir qui sera roi ou reine ce soir. On trinque, elle nous interroge délicatement sur ce que l’on fait dans la vie, et nous dit qu’elle travaille dans la banque de la petite ville.
Rosa, elle, toute en finesse et un peu maniérée, se dit esthéticienne. Il est vrai qu’elle est pimpante, mais ses allures de fausse modeste ne plaisent pas à Marthe, la vieille fille de 45 ans, qui elle, ne travaille pas, étant en invalidité. Elle ne sent pas à l’aise dans son accoutrement complètement démodé. Elle nous dit tout de « go » qu’elle s’en fout de ne pas plaire, et qu’elle se sent très bien comme ça. J’essaie de mon côté d’arrondir les angles en disant que chacun fait ce qu’il veut, que ça ne regarde personne, oui, mais c’est sans compter sur le bel éphèbe qui lui dit haut et fort, que c’est mépriser son hôte en venant en négligé. « Je ne suis pas négligé Monsieur le gandin, je suis simplement « moi », et si je dérange je peux repartir, je ne me sens pas très à l’aise face à vous ».
Isa intervient « Mais non, Marthe, vous êtes bien avec nous, on change de sujet on va parler cuisine ou chanson ou autre chose… ». Du coup, elle allume son karaoké avec des chansons et des chanteurs du moment. Elle a trente ans, elle connait presque toutes les paroles, Rosa suit à peu près et c’est Mathis qui nous cloue le bec avec un timbre de voix qui nous laisse béats d’admiration. Il en chante une, puis deux, puis trois, et nous on compte les points en applaudissements. Denis n’a pas dit son dernier mot, lui, il veut du Serge Reggiani, du Yves Montand, du…
« Stop ! Nous on veut maintenant un peu de calme. Alors, qu’avez-vous fait pendant les fêtes de fin d’année », nous sonde Isa.
« Moi », dit Marthe, « j’ai rejoint ma mère de 85 ans qui vit seule dans le Poitou ».
« Moi », dit Rosa, « j’ai de trop mauvais souvenirs de Noël de ma jeunesse, je préfère rester seule avec un bon bouquin, bien au chaud, enveloppée dans mon châle qui n’a plus d’âge ».
Isa, elle va retrouver sa famille. Quant à Denis, le coiffeur tout près de la retraite, toujours aussi éloquent, se tourne vers moi, me disant « Mais au fait, je n’ai pas retenu vote prénom, vous vous appelez ? ».
« Lucie, mais mon prénom d’origine est Luc, car oui, effectivement je suis transgenre, et architecte. »
On n’entend pas une mouche voler, une gêne s’est installée, et moi, toute souriante avec un brin de malice, je les invite à partager mon gâteau d’anniversaire dans quelques jours.
Isa, Rosa et Mathis, ont accepté sans aucune réserve. Marthe, avec ses préjugés, et Denis avec son bagou, n’arrivent plus à sortir un mot. Ils sont sans voix, ébahis, scotchés…
Je me suis bien amusée en voyant la mine déconfite de certains, amusée d’entendre les critiques, amusée des remarques désobligeantes, et je conclue en pensant qu’on ne choisit pas sa famille, mais on peut choisir les amis pour échanger, partager sans juger…Et ç’est ça la liberté d’être ce que l’on est, sans s’occuper du quand dira-t-on…
De Catherine
Le bal des faux-culs
(Geneviève) — Entrez, entrez, les amis, je vous en prie ! Passez dans le salon, nous allons prendre l’apéritif avant de passer à table ! [Moche, sa coiffure ! Je ne veux pas connaître l’adresse de son coiffeur, à cette pauvre Gisèle !] Donnez-moi vos manteaux … Merci ! [Et bien, je ne l’avais pas encore vu, celui-là ! On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre : elle a les moyens, la minette !]
(Gisèle) — Merci, Geneviève, tu es adorable ! Richard n’est pas là? [Flûte, c’est pas d’chance s’il n’est pas là ! J’l’aime bien. Je n’sais pas ce qu’il a trouvé à cette Geneviève, mais, enfin, bon, c’est comme ça, faut faire avec !] Geneviève, tu es très en beauté encore ce soir ! Je ne sais pas comment tu fais pour être toujours aussi jolie, n’est-ce pas, chéri ?
(Pierre) — C’est vrai, Geneviève, tu es resplendissante ! [A part ton ventre qui a encore profité depuis la dernière fois… Pas sexy …] Tu as caché Richard ? On ne l’entend pas !
(Richard) — J’arrive, je suis dans la cuisine ! Je débouche une bonne bouteille et je suis à vous ! [Elle, je peux pas la voir ! Une vraie pimbêche ! En plus, elle pue du bec !]
(Pierre) — Toujours dans les bons coups, mon Pierrot ! C’est sûr que tu n’vas pas t’occuper des jus de fruits, hein ? Ça fait rouiller de l’intérieur, ah ah ah ! [C’est que, côté pinard, il assure, le Pierrot : il va encore s’en mettre une bonne, comme d’habitude !]
(Richard) — Voilà, voilà, je suis à vous ! Comment allez-vous, les amis ? [Encore trois heures à écouter leurs fadaises ! Pourquoi doit-on s’infliger cette corvée ? Pour rendre l’invitation ? Tu parles ! ] Alors, Pierrot, toujours passionné de foot ? Tu as vu le match d’hier soir ?
(Geneviève) — Gisèle, ta robe est ravissante. J’adore les motifs et cette couleur te va à merveille ! [Ça te va mieux qu’à moi : c’est trop mémérisant ! Cette robe est sur le bon mannequin !]
(Gisèle) —N’est-ce pas qu’elle est belle ? Elle vient de chez Loukass, tu sais, le magasin chic rue de la Treille. [C’est sûr que tu ne peux pas te la payer, celle-là, ma chère, avec ta petite paye de secrétaire !] J’adOOOre tous leurs modèles !
(Geneviève) — Tu as raison : ils font de belles choses. Moi, je vais chez Hardouin, rue de la Bécasse. [Surtout parce que c’est plus jeune, et dans le vent ! J’te la laisse, ta boutique de bourges !] Qu’est-ce que vous prenez, les amis ? Un petit vin cuit ? Il est fait maison ! Sinon, whisky … ou un verre de Bordeaux ?
(Gisèle) — Un Bordeaux pour moi, s’il te plait ! [Pas question que je me retrouve avec un ulcère à l’estomac avec leur tord-boyaux maison ! Ça m’a suffi la dernière fois : j’ai tourné au Gaviscon pendant une semaine. Depuis le temps qu’on ne s’est pas vu, s’il en reste encore, c’est que les autres n’en ont pas voulu !]
(Pierre) — Un whisky pour moi, comme toi, mon vieux. J’en ai acheté un excellent la semaine dernière : tu m’en diras des nouvelles quand vous viendrez ! [Rien à voir avec le tien : ça, c’est une marque bas de gamme ! Bon, c’est toujours meilleur que leur vin cuit !]
(Geneviève) — Alors, trinquons, les amis ! A la bonne vôtre ! [Il faut que je sorte la pintade du four avant qu’elle soit trop cuite. J’espère qu’ils aiment la polenta : j’avais pas envie de faire autre chose. Déjà, c’est fait maison, pas comme chez eux !]
(Richard) — Quoi de neuf chez vous ? Tout le monde va bien ? Les enfants … ?
(Gisèle) — Tout le monde va bien, je te remercie. Avec Pierre, on voulait vous faire une proposition : que diriez-vous de partir une semaine en Corse avec nous en juillet ? Ça nous ferait tellement plaisir !
(Geneviève) — Qui veut des cacahuètes ? Des olives peut-être ? [Aïe, on va ramer là, je le sens, pour se sortir de là ! On l’a pas vu venir, celle-là !] J’ai préparé de l’houmous, c’est délicieux avec les crackers ! Goûtez-moi ça !
(Pierre) — Alors, qu’en dites-vous ?
(Richard) — Pas sûr qu’on ait des vacances en juillet cette année : l’entreprise a chamboulé tous les plannings de congés. Faudra étudier ça ! On en reparle à l’occasion, OK ? [Au secours ! Tout mais pas ça ! Une soirée, ça passe, mais une semaine, je trépasse !] Encore un whisky, Pierre ?
De Claude
C’EST LE BOUQUET!
Nous n’étions que quatre pour fêter l’anniversaire d’Edith, mon épouse bien-aimée. Elle, moi…et ses parents. Les miens étaient en vacances en Grèce.
J’avais bien sûr, pris soin de consulter ma belle-mère pour le repas (l’adjectif ne me semble pas du tout convenir ici !) et nous nous étions mis d’accord sur un menu gastronomique qui ne pouvait qu’enchanter les convives.
Jugez-en par vous-même ! En entrée, Saint-Pierre, un poisson fin et luxueux, magnifiquement mis en valeur grâce à un bouillon intense. En plat, Saint-Jacques Rossini, ses lamelles de truffe noire et ses escalopes de foie gras poêlées. Enfin, pour terminer sur une note fraîche et fondante, un Saint Honoré à la pistache assorti d’une glace aux herbes, dans lequel la touche herbacée de la crème glacée révèle tout son potentiel aromatique. Le tout arrosé de champagne et de Saint-Emilion, sans oublier, évidemment, le(s) trou(s) normand(s) ! Un repas béni, grâce à la présence de tous ces saints et du pain bénit aussi pour le traiteur !
Le désaccord, inévitable avec ma belle-mère, quelle que soit la circonstance d’ailleurs, avait éclaté à propos de la pièce montée. Oui, une pièce montée pour un anniversaire ! Car il n’était pas question de renouveler l’expérience de l’an passé. On avait voulu mettre toutes les bougies sur le gâteau et on avait failli causer un incendie !
Le problème est que ma belle-mère tenait à ce que ce soit son pâtissier qui la fasse. Moi, j’insistais pour que ce soit Lenôtre, dont nous connaissions l’expertise et la réputation internationale. J’obtins finalement gain de cause quand je lui décrivis dans le détail les ingrédients de son croquembouche, un classique de la pâtisserie française avec ses chouquettes caramélisées, sa pâte à choux farcie à la mousse de fraise, sa crème pâtissière, et pour finir, sa délicieuse nougatine aux amandes.
Cette gourmande céda bien avant la fin, tirant, j’en suis sûr, un trait sur un régime qu’elle recommençait tous les lundis. Pour moi, son poids idéal ne devrait pas excéder 5 kg, urne comprise.
D’ailleurs, vous connaissez la différence entre une belle-mère et le chocolat ?
Non ? Eh bien, disons que le chocolat constipe…
C’est au moment où je passais une montre Cartier au poignet de ma chère épouse (je peux vous dire que l’adjectif convient admirablement ici), sous le regard « bienveillant » de ma belle-mère, qu’on sonna à la porte. Edith se précipita pour ouvrir et revint les joues légèrement colorées de rose et chargée d’un somptueux bouquet de roses rouges. Mes beaux-parents m’adressèrent aussitôt un sourire de façade, tandis que mon épouse m’embrassait avec amour. De qui pouvaient-elles bien venir, ces roses rouges, symbole d’un amour ardent. Un amoureux ? Un admirateur ? Ce ne pouvait pas être ses collègues de bureau ! Des fleurs des champs, à la rigueur…J’étais d’autant plus inquiet que d’une part, je ne me souvenais pas avoir commandé ce bouquet pour elle et que d’autre part, par le miroir de l’entrée, j’avais vu Edith glisser dans son tailleur, une carte agrafée au bouquet.
Ce délicieux repas perdit alors pour moi tout son attrait et je ne fis que picorer dans mon assiette. Mon beau-père, bien qu’occupé à se verser sans relâche du champagne Veuve Clicquot Ponsardin sans d’ailleurs se priver du Saint-Émilion (chassez le naturel, il revient au goulot !) remarqua ma pâleur et s’enquit de mon état. Mais, je le rassurai en lui parlant de soucis au bureau.
Ma belle-mère, elle non plus, ne suçait pas que des glaçons mais se goinfrait aussi de foie gras jusqu’à s’en lécher le bout de ses doigts boudinés. Il faut dire qu’elle n’est pas du genre à donner sa part au chien. En regardant mes beaux-parents siffler les bouteilles et dévorer ces mets raffinés, je me disais qu’il s’agissait avant tout d’une histoire de grossoûls.
Ce mystérieux bouquet m’empêcha de dormir cette nuit-là. Voyant ma mine défaite, Edith m’avoua le lendemain matin seulement, que c’était sur les conseils de sa mère (tu m’étonnes!) qu’elle s’était fait livrer ce magnifique bouquet. Tout cela dans le but de me rendre jaloux et de savoir si je l’aimais vraiment.
Elle était fixée, à présent. Soulagé, je la serrai très fort dans mes bras et lui assurai qu’elle était l’amour de ma vie.
Mais je dus, non sans mal, résister à une furieuse envie de meurtre. Oui, de meurtre !
Pour me calmer, je compensai par « un meurtre virtuel » en me faisant ces innocentes réflexions :
Tuer son père, c’est un parricide, tuer sa mère, un matricide. Tuer son beau-frère, un insecticide (parce que l’on tue l’époux de sa sœur) mais… se débarrasser définitivement de sa belle-mère, mon rêve, vous avez une idée ? Moi, je dirais, sans la moindre hésitation, un pesticide !
A propos, vous ai-je dit qu’Edith est née un premier avril ?
De Marie-Josée
Joyeux Anniversaire
Les discussions sont animées autour de la table. Catherine a réuni pour ses 66 ans son oncle Jules et sa tante Adèle, son filleul Alain, sa femme Isabelle et leur petite fille Amandine ainsi que sa voisine Antoinette. Il fait beau, elle a donc décidé d’organiser le repas à l’ombre du pommier. Il n’y a que des avantages : la petite pourra jouer dans la cour et cela évitera à Antoinette, qui avait des difficultés pour marcher, de monter l’escalier. Elle a décoré l’arbre de lampions multicolores, associés aux torches et aux bougies, ils apporteront un petit plus à la tombée de la nuit.
« Décidément, elle remet ça » se dit Adèle, « moi qui n’aime pas manger dehors ! L’année dernière, une pomme avait atterri dans l’assiette de Jules, éclaboussant sa nouvelle chemise de sauce tomate. Les taches ont résisté à tous les produits et la chemise est irrécupérable. Ce pauvre Alain avait été la victime d’un oiseau qui s’était délesté de fiente sur sa tête. Amandine s’était précipitée pour venir en aide à son papa et du haut de ses 5 ans avait déclaré qu’il avait de la chance de ne plus avoir beaucoup de cheveux. Au moins cette année, ces désagréments leur seront épargnés, elle a quand même eu la bonne idée d’investir dans un parasol correct. Il couvre toute la table et pas uniquement un coin comme l’ancien qu’il fallait déplacer au fur et à mesure que le soleil tournait. Des grillades, je sais bien que c’est de saison, mais ce n’est pas ce que je préfère, avec mes problèmes de dentier, la viande est toujours trop dure pour moi, je me contenterai du gratin de courgettes et d’une saucisse »
Pas de chance, le vent a tourné. La fumée du barbecue a changé de direction et Antoinette est très incommodée. Elle se sert de sa serviette comme éventail « C’est pas vrai, si ça continue, je demande à changer de place. Toute cette fumée ne va pas arranger mon asthme . A sa décharge, elle ne maîtrise pas le sens du vent, mais comme elle est adepte des grillades, elle ferait mieux d’investir dans un barbecue électrique ou à gaz. A la bonne heure, elle décide enfin de le déplacer et la fumée envahit désormais le jardin du voisin, mais c’est plus mon problème. »
Les quintes de toux d’Antoinette se sont calmées, les pommes rebondissent sur le parasol et les oiseaux peuvent survoler la table sans crainte de voir les chauves ou les chevelus gratifiés de substrat indésirable.
Les chips ont été prises d’assaut à l’apéritif, Amandine n’en revient pas « J’espère que tatie a un paquet en réserve. Je crois qu’elle commence à perdre la tête, elle devrait pourtant savoir que je n’aime pas les salades, que je n’aime pas les grillades et que je n’aime pas le gratin. Bon, je vais entamer le paquet de bonbons qu’elle m’a offert, même si maman m’a interdit d’y toucher avant le dessert. »
On peut enfin passer aux choses sérieuses. Les saucisses disparaissent à vue d’œil et le gratin subit le même sort. Amandine a retrouvé le sourire à la vue d’une assiette de spaghetti bolognaise, tandis que sa maman n’apprécie guère ce traitement de faveur qui sabote ses principes d’éducation. En plein régime, cette invitation tombe mal mais Isabelle se risque néanmoins à goûter aux salades. « J’étais sûre qu’on servirait de cobayes pour ses expériences culinaires. D’ailleurs, les mélanges me semblent hasardeux mais il faut quand même manger quelque chose. Elle ne peut pas faire comme tout le monde, une salade verte, des tomates, des carottes, mais non, toujours ce besoin de faire original pas seulement en cuisine mais aussi du côté vestimentaire. Aujourd’hui, elle fait fort, elle a mis un t-shirt avec le chiffre 66. Elle l’a acheté lors de son voyage dans l’Ouest Américain, il est un peu étriqué, mais c’est surtout pour nous rappeler qu’elle a fait des grands voyages. Nous, c’est tous les ans en famille en Normandie. Le seul point positif, c’est que Jules n’a plus besoin de demander quel âge elle a ».
L’heure du gâteau arrive enfin. A deux étages et orné d’une fontaine lumineuse, Catherine le pose précautionneusement au milieu de la table. Le traditionnel ‘Joyeux Anniversaire’ résonne pendant que Catherine tente de le couper du mieux qu’elle peut. Une guêpe particulièrement agressive aimerait avoir sa part et tourne autour d’Alain qui renverse le verre de champagne de son voisin en tentant de la chasser. Jules cache avec peine son mécontentement « Décidemment, non seulement j’ai la plus petite part de gâteau mais en plus je n’ai plus rien à boire. Elle n’apprendra donc jamais à couper un gâteau en parts égales, quant au champagne, je parie qu’elle ne va pas ouvrir une deuxième bouteille. » Heureusement pour Jules, Alain lui a donné sa coupe pour se faire pardonner sa maladresse. Après la guêpe, ce sont les moustiques qui passent à l’attaque. Trop c’est trop, Alain finit par bouillir intérieurement « Je veux bien que les bestioles m’aiment bien mais on peut y remédier. Au lieu de décorer le pommier comme un sapin de Noël, j’aurais préféré qu’elle mette des pièges à guêpes et des bougies anti-moustiques ». La nuit est tombée depuis un bon moment quand Amandine dit avoir aperçu un chat bizarre. En fait, il s’agit un rat musqué, sans doute effarouché lors du débroussaillage des berges de la rivière qui longe le jardin. Il est seulement à la recherche d’un nouveau domicile mais, armé d’un tisonnier, Alain bondit à sa poursuite sans succès. A la faveur de l’obscurité il a trouvé un refuge dans les buissons.
Cette visite intempestive met un terme prématuré aux festivités. En partant, chacun se dit que l’année prochaine, on ne l’y reprendra plus, mais d’ici là…il coulera de l’eau dans la rivière.
D’Abdelilah
Un jour, mon directeur vint , en souriant dans mon bureau, pour m’annoncer que j’étais promu à un grade supérieur. J’allais enfin bénéficier d’une augmentation importante de salaire, qui pourrait résoudre en partie tous mes soucis financiers.
Pour fêter cet heureux événement, je décidai avec ma femme d’organiser un déjeuner copieux ,auquel étaient conviés ma mère, mon frère ainé et sa femme, mon beau-frère et sa femme et enfin ma tante.
Après moult concertations, on décida, ma femme et moi, de leur préparer une pastilla aux poissons , qui allait être servie après une grande salade jardinière à base de légumes et de fruits. Etant maniaque et soucieuse, ma femme pensa aux moindres détails pour être à la hauteur de cette réception. Elle se réveilla à six heures du matin, vu que la pastilla exige beaucoup de temps et de délicatesse.
A treize heures, on servit le repas . Un silence de mort régnait sur le salon traditionnel. On hésita. On faisait tourner les yeux. Ma femme ouvrit “le bal”: Allez-y! Bienvenus!
On tâtait des doigts. On se regardait à la dérobée. La croûte croustillante de la pastilla laissait entendre un crépitement sous les dents. Ma femme attendait le verdict … des réactions … des compliments réconfortants … Ma mère, notre matriarche, restait de marbre et gardait ses yeux fixés sur la pastilla. N’ayant jamais aimé sa bru ,pourtant très gentille et généreuse, pour des raisons énigmatiques, elle se tut un moment, puis n’hésita pas à délier sa langue acérée pour dire: « C’est trop salé ! Vous savez bien que je souffre d’hypertension! ». Elle se tourna vers la saladière: « je vais brouter de l’herbe comme une vache. »
Mon frère, taciturne de nature, avait l’air d’apprécier la pastilla mais non sans hésitation, eu égard à son diabète. Sa femme lui murmura quelques mots à l’oreille. On la savait hypocrite et jalouse. Pourtant, elle esquissa un sourire jaune et narquois pour faire un compliment à peine audible. J’imaginais qu’au fond d’elle, elle se disait: – “m’as-tu-vu !… Elle croit qu’avec cette augmentation ,elle arrivera à gravir l’échelle sociale et nous laisser en bas de l’escalier… mon œil !
Mon beau-frère, comme à l’accoutumée, usa de son humour et son sarcasme pour détendre l’atmosphère: « -Vous allez être riches, pourtant vous êtes toujours des grippe-sous ! Au lieu de nous inviter dans un restaurant chic une fois dans la vie, vous nous faites venir chez vous pour sauver un peu d’argent… En plus, il n’y a même pas de crevettes dans votre pastilla…Vous n’emmènerez rien avec vous dans votre tombe ! »
Des rires fusent de partout. On commença alors à rigoler et à parler de tout, mais surtout de rien. La femme de mon beau-frère resta silencieuse mais souriante tout le temps. On ne pouvait rien deviner sur ses appréciations.
Finalement, ma tante maternelle usa de sa sagesse pour s’adresser à ma femme: -“Que Dieu te protège et protège tes doigts ma fille. C’est vraiment très réussi et très délicieux…ta maison aussi est très belle…tu as du goût…!”. Ma mère n’avait pas l’air d’apprécier les paroles de sa sœur.
Poème de Rupi Kaur, « Vous êtes tellement plus que ça » proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)
je veux m’excuser devant toutes les femmes
que j’ai qualifiées de jolies
avant de dire qu’elles étaient intelligentes ou courageuses
je suis désolée d’avoir donné l’impression que
quelque chose d’aussi simple que ce don de la nature
devait être votre plus grande fierté
alors que votre esprit a abattu des montagnes
désormais je dirai des choses comme
vous êtes résilientes ou vous êtes extraordinaires
non parce que je ne pense pas que vous soyez jolies
mais parce que vous êtes tellement plus que ça
De Sonia
De Laurence
Noël 2020
Paul
Je me retrouve encore une fois à côté de cette vieille mégère ! Pourquoi ma chère sœur s’obstine à m’asseoir à chaque repas de Noël à côté de Marie- Charlotte ? Elle va encore me raconter par le menu comment son « pôvre » mari est mort, m’énoncer la liste sans fin de tous ses maux et pour achever le tout les tonnes de médicaments qu’elle lui a fait avaler. Ah que ne donnerais-je pas pour être assis à côté de cousine Julie ! Nous aurions à coup sûr des tas d’histoires à se raconter. Je suis impatient de l’écouter parler de son dernier voyage au cœur de la Patagonie. Il va falloir que je patiente jusqu’à la fin du repas. Mathilde n’aime pas que l’on change son plan de table. Elle y a toujours méticuleusement réfléchi. Celle-ci a toujours de bonnes raisons, un peu obscures parfois à mon goût, et qui n’appartiennent qu’à elle, de placer telle ou telle personne à côté de telle autre. Je serai un bon « frérot » gentil et obéissant. D’autant plus que ce sera le premier Noël sans Marc, son compagnon et j’imagine que cette soirée représente beaucoup pour elle. Quelque chose comme la vie continue…
Julie
Inutile d’espérer que je puisse changer de place. Mathilde a encore placé Paul à côté de cette vieille bique de Marie-Charlotte. Mathilde doit s’imaginer que la présence d’un jeune homme, dans la force de l’âge, à ses côtés peut insuffler une certaine énergie au corps de la vieille femme. Allez Julie, sois un peu plus généreuse, c’est Noël sapristi ! Ah mais je ne peux pas m’empêcher de voir à son regard qu’il souhaiterait aussi changer de place. Patientons, il me racontera plus tard sa nouvelle aventure avec Chantal, sa conquête du moment, d’après les bruits qui courent. Peut-être sera-t-elle la bonne cette fois ? De son côté, il va encore me dire que je ne peux pas rester seule, l’horloge interne tourne et je n’ai toujours pas d’enfant et patati et patata. Et nous finirons par éclater de rire avant de porter un toast à nos vies futures ! Et Mathilde ? Comment va-elle ? Elle a l’air enjoué. Marc était vraiment l’homme de sa vie. J’espère qu’elle va pouvoir remonter la pente. C’est bien qu’elle ait voulu nous inviter ce soir. Et je vois que nous avons une nouvelle tête à notre table. Elle m’a l’air sympathique. Elle nous sortira de nos histoires de famille, de l’air frais du dehors, c’est toujours bénéfique.
La voisine
Mais pourquoi ai-je-accepté cette invitation ? Ai-je l’air si mal en point que Mathilde est eu envie de m’avoir à sa table avec sa famille ? Je ne connais personne en plus. Son frère a l’air gentil. Il semble bien occuper par cette vieille dame à sa droite. Ah ! Ah ! Ça me rappelle nos repas de famille, mais il y a longtemps ! Et il ne reste que moi. Ils sont tous partis si loin ! Je vais tâcher de profiter du moment présent, comme aime à dire ma prof de yoga. Ne pas regretter le passé et arrêter d’anticiper sur un futur hypothétique. D’écouter leurs histoires de famille me changera des miennes. Vivement que cette période des fêtes soient terminées. Plus ça va, plus je déteste ! Vite la saison du blanc ! Le printemps ! Ah je recommence, c’est pas dieu possible ! J’ai dit « profiter du moment présent ! » Respire ! Tranquille ! Tout va bien…
Mathilde
« Mon cher frère, ma chère cousine, ma très chère tante et mon adorable voisine, je voulais vous souhaiter un très joyeux Noël. Cette année n’a épargné personne. J’ai voulu nous réunir pour montrer que la vie continue coûte que coûte… Eh bien, ne laissons pas refroidir cette superbe dinde qui n’attend que d’être mangée. Bon appétit à tous les 4 !
De Nicole
NOËL EN FAMILLE
Aujourd’hui, Fête de Noël ; première fois que Justin, 30 ans, prof.d’anglais, organise un réveillon.
Jacotte, sa mère, fatiguée, lui a suggéré.
« Justin, cette année ce sera toi, te voilà dans la cour des grands ».
C’est bien là une réflexion d’institutrice retraitée.
Gros malaise, cette tradition familiale lui pèse depuis si longtemps.
Il n’aime pas Jacques-Yves, son beau-frère trader, le mari de sa sœur Joséphine, arrogant, poseur et bavard.
Joséphine, soumise, enceinte jusqu’aux yeux. Visiblement en admiration devant son beau mari.
Last but not least, Pépé Julos, redoutable bretteur et Jimmy son chien péteur.
Un Noël à l’ancienne, crèche, santons, sapin endimanché, dinde et bûche au moka.
Joséphine : « rien à me mettre, Joshua prend mon ventre en otage. Plus que deux mois d’attente.Encore une discussion houleuse entre Jacques-Yves et Pépé.
Jacques-Yves : »Quelle famille de ploucs. Tellement prévisible, dinde, bûche de Noël, mousseux et Pépé Julos, vieux gauchiste arriéré !
Je lui éclairerais la marche du monde, le tout à l’économie de marché. Quand ce sera notre tour, Joséphine préparera Farandole de légumes au tofu poêlé, sushis et beignets d’ananas » .
Jacotte : « quelle gageure, réunir ces irréductibles crétin des Alpes.
Une soirée agitée en perspective. Au moins j’aime le mousseux et puis papa viendra.
Julos : « je m’en vais déambuler dans leurs esprits, les confondre dans leurs contradictions. Pour moi, Noël c’est une guerre de tranchées ».
Jimmy : « Nous y sommes, un réveillon conforme de saison.
Engueulades bien sûr et moi je pète, je pète de plaisir.
Jacotte ouvre la fenêtre, un coup de vent, la crème fraîche de la bûche, whaouh s’envole sur la cravate de Jacques-Yves.
Tous énervés, ils passent au salon pour l’irish coffee et les cadeaux ridicules.
J’en profite, je grimpe sur une chaise et c’est bombance.
J’avale morceaux de dinde, frites, sauce aux lardons. Un festin.
Heureusement qu’existent les fâcheux, les cloches.
Justement, les cloches sonnent, ils partent à la Messe de Minuit.
Pour moi, repos bien mérité sur le canapé moelleux de Justin environné de l’odeur délicieuses de mes pets ».
De Marie-Laure
Cette année Thérèse a le cœur morose car pour Noël ses deux enfants étaient dans leur belle – famille respective. Il n’ y aura pas la magie et l’entrain qu’ apportent les petits enfants. Elle a bien pensé s’exiler sous les tropiques pendant une petite semaine, mais pour Norbert, son époux, il est hors de question de laisser sa mère seule à Noël. A la simple évocation de cette idée, la discussion est devenue houleuse, avec un zeste de culpabilité : « Comment ? Tu serais capable de laisser tes parents seuls pour Noël toi ? »
Bingo ! Aucune justification possible, elle se voyait déjà endosser le costume de la mauvaise fille.
A peine évoquée son idée était non seulement passée à la trappe et de plus elle en portera plusieurs jours encore le lourd fardeau !
Déterminée à mettre un peu d’animation dans ce repas qui ne s’annonçait pas sous les meilleurs hospices, Thérèse tenta une nouvelle approche et dévoile quelques jours plus tard son «plan B » :
« Et si on faisait le tour des amis, finalement il y en a peut-être aussi qui se retrouvent seuls et qui seraient ravis de se joindre à nous ?»
Bim, bam, boum, retour à la case départ : « Tu n’y penses pas sérieusement ? Noël est une fête sacrée, qui se fête en famille et tout le monde est en famille ce soir là ! Et puis les parents ne sont plus de première jeunesse, ils ont besoin de calme. Tu ne vas tout de même pas t’imaginer faire un jeu genre Blanc Coco !»
OK, l’ affaire était pliée. Thérèse fera les choses comme il se doit pour ne pas bousculer la tradition.
En son for intérieur, son petit Gimini Cricket lui susurre : « une fois de plus tu te plies à la tradition, au rôle que doit traditionnellement tenir : l’épouse, la fille, la brue, et j’en passe… Il serait temps que tu t’ émancipes un peu du poids de la culture familiale ! Tu vas encore te rendre malade à tout préparer à contre cœur, je te prédis une bonne migraine, la veille et le jour J ».
Avec Norbert l’humeur n’ est pas aux jacasseries, dont acte, mais comment faire taire ce Gimini Cricket, toujours aussi acerbe dans ses réflexions ?
Devant ses revues Thérèse tourne les pages, encore et encore, le menu est difficile à élaborer. La dinde aux marrons, même pas en rêve, puisqu’elle est aux manettes, elle va tester de nouvelles recettes !
Oublié le confit d’oignons, avec le foie gras elle propose un chutney mirabelles fabrication maison. Belle maman se dédouane d’un «si c’est du fait maison, c’est sûrement bon», tout en glissant subrepticement la pointe de son couteau dans le pot. «Je n’ose rien dire, mais il est où le pain de mie ? »
Sa mère renchérit avec un «ça change une fois », formule fatidique, mille fois entendue, qui n’a rien d’un compliment, Thérèse le sait bien !
Et Norbert qui tourne autour des convives, «je vais assurer le service et l’animation pour détendre l’atmosphère ». Sa mère a l’œil plein d’admiration « il assume bien son rôle d’ hôte mon fils, on pourra pas dire qu’il ne participe pas aux tâches ». Thérèse connaît bien cette ardeur de dernière minute lorsque les convives sont là, alors qu’elle est seule en cuisine depuis ce matin et cela a le don de l’agacer au plus au point !
Le coq au vin jaune suscite quant à lui des commentaires côté paternel : « Moi je ne le fais pas comme ça, je ne t’ai jamais donné ma recette ? » Pas besoin d’essayer de deviner ce qu’il en pense, vu les détails fournis de SA recette, la même que la grand- mère faisait et patati et patata…
« Hello, c’est Gimini Criket, tu la sens venir la migraine ? Gardes un sourire le Père Noël n’est pas encore passé ».
« Merci belle maman pour les chocolats noirs, oui je sais ils viennent d’une célèbre maison parisienne et le petit ballotin n’est pas donné… En 20 ans de mariage elle n’a jamais entendu que j’avais horreur du chocolat noir ? Comme d’ habitude, j’amènerai la boîte à mes collègues de travail, au moins ça fera des heureuses ! Flûte de zut, le paternel a ses marrons glacés, même discrètement, il ne voudra pas échanger. »
« Mais quelle idée de m’offrir un livre audio, elle pense que je n’arrive plus à lire où quoi ? Je ne suis quand même pas si vieille ! »
« Oh un foulard, j’en ai combien déjà déjà dans mon armoire ? »
« Un bon bourbon pour le gendre, c’est une valeur sûre, comme ça il pourra sortir la bouteille pour les apéros, marre du vin de noix fait maison ! »
Et si on passait au dessert lance Thérèse !
«La bûche vient toujours de chez ton petit pâtissier du centre-ville, sur la place, on y était allé une fois avec Norbert, tu me diras le prix je participerai ». C’est parti pour le couplet «je viens en train, je ne peux pas me charger, à Paris dans les transports en commun c’est pas facile, je voyage léger ».
«Tu sais chérie, avec tout le travail que j’ai, je n’ai pas eu le temps de faire du lèche vitrine, regarde elle est grande comme l’amour que j’ai pour toi ! » la déclaration de Norbert émeut la petite assemblée. “Oh la jolie rose rouge ! Une chance que Noël tombe tous les ans le 25 décembre, pense Thérèse, ça permet de situer le réveillon! Même fanée, je la garderai jusqu’ à la St Valentin. ” Tu le sais toi, Gimini Criket, que je n’aime pas Noël ” « Mais oui va, moi je te connais bien, allez encore un peu de courage, une fois Noël passé, c’est sûr on va forcément vers le printemps… “.
J’espère que toutes ces histoires vous auront plu!
Rendez-vous est pris pour la proposition d’écriture N° 114!
D’ici là, passez une belle semaine créative!
Portez-vous bien et surtout prenez soin de vous!
Créativement vôtre,
Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE