La tempête de neige vous a sacrément inspirés pour couper Internet. Vous avez été nombreux à être bloqués par la tempête de neige.

J’aimerais bien moi qu’il neige de temps à autre dans ma région. Ici, dans le nord de la Nouvelle-Aquitaine, soit dans le sud Charente-Maritime, on n’a pas vu de neige depuis au moins 10/12 ans. Heureusement que je suis allée dans les Alpes il y a 2 ans pour me souvenir de ce qu’est la neige. C’était au temps où on vivait encore normalement, sans aucune contrainte d’aucun genre! Un lointain souvenir!

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Mélanie

COUP DE CHAUD

J’ouvre les yeux, étire mes jambes, mes bras et soupire.
Mon téléphone posé sous ma tête n’a pas vibré de la nuit.
Friande de ce genre de publication, la photo sexy de moi, vêtue d’une simple culotte et d’une brassière aurait dû faire réagir mes abonnés. Aucun réseau.
Dépitée, j’active l’ouverture des volets électriques. Le crissement me fait mal aux oreilles. Devant moi, de gros flocons se déposent sur la fenêtre. Le vent fait valser les branches d’arbres de gauche à droite. Un homme aux cheveux grisonnants s’empresse à débourber les roues de sa voiture, bloquées par la neige.
J’ai le sentiment de me retrouver piéger, seule au monde, avec pour uniques occupations, mon téléphone et mon ordinateur portable. Je me dirige dans la cuisine, avale une gorgée de ma bouteille d’eau posée sur l’évier, et sors mon PC de sa housse de protection. J’ai économisé de longs mois, et supporté un certain nombre de collègues exécrables afin de m’offrir ce PC qui m’a coûté 1200 euros. Je presse sur le bouton marche, et patiente quelques secondes en me frottant les yeux. J’entre mon mot de passe. En fond d’écran, une fille vêtue d’un short ultra court et d’un débardeur, court sur une plage paradisiaque. J’active le point d’accès… toujours rien. Aucune liaison.
— Quelle sotte, me dis-je en fixant l’écran de mon téléphone.

Au risque de me faire ensevelir par la tempête de neige, impossible de mettre le nez dehors. Ma connexion internet fait des siennes, me privant de mes abonnés et des réseaux sociaux.
À défaut d’exploser de colère, je n’ai d’autre choix que de me trouver une nouvelle occupation. Je tourne en rond, en cherchant comment je pourrais distraire mon esprit bloqué sur le virtuel. Le gros tas de linge, les verres et les assiettes débordant du lave-vaisselle me donnent une idée. Un bon nettoyage de printemps ferait le plus grand bien à mon appartement.
J’allume ma centrale, patiente quelques secondes, puis repasse le tas de vêtements qui s’accumulent depuis un certain nombre de jours. J’active la fonction vapeur, évitant de justesse de me brûler le bout de mes doigts. Le repassage terminé, j’appuie sur le bouton marche de mon lave-vaisselle. Un bruit sourd me fait sursauter. Je fais une nouvelle fois le tour de l’appartement, en vérifiant la connexion qui tarde à s’activer. Je hais rester sans rien faire. Quelques instants plus tard, mon opérateur téléphonique m’envoie un SMS d’urgence.
« Panne du réseau et forte tempête… Prudence ».
La sonnette retentit, je sursaute et regarde dans l’œillet. Un homme tenant une pelle se tient devant la porte. Ses sourcils froncés me font hésiter.
Je fais quoi ? Je réponds ou bien je le laisse sur le pas de la porte ?
Je me décide à ouvrir. Ces joues rougies par le froid me font craquer. Je fonds et me mords les lèvres.
— Avez-vous un téléphone portable ? me demande-t-il en claquant des dents.
— Je… je suis désolée, mais j’ai une panne de réseau.
Il soupire et se passe la main dans ses cheveux poivre et sel. Mon cœur chavire. Impossible pour moi de le laisser partir.
Il reste muet en fixant son jean trempé. Je tente d’esquiver son regard, qui me donne la chair de poule. Malgré le froid glacial, une goutte de sueur dégouline le long de mon dos.
Lui, trempé jusqu’au cou, moi en pyjama panda, j’ai le sentiment d’être plongée dans un film.
Il m’observe, et sourit en coin. Il éclate de rire, et moi aussi.
— Je suis navré mademoiselle, mais c’est nerveux. Je me trouve tellement nul.
— Non non… pas du tout. Entrez, vous devez être frigorifié.
— Vous êtes sûre ? Je n’ai pas envie de m’incruster, insiste-t-il.
— Venez.
Il finit par entrer. Ses traces de pas envahissent le parquet flottant. Il me regarde l’air hébété puis retire ses chaussures. Je lui propose de retirer son manteau qu’il me tend et l’invite à boire un café chaud, au coin de la cheminée. Son visage mature m’attire. Je me sens toute bête à côté de lui, vêtue de mon pyjama qui me donne l’allure d’une adolescente. Ses cheveux trempés et ses joues rougies me font craquer. Sa bouche m’attire de plus en plus. Je m’approche avec hésitation, il n’a pas froid aux yeux et m’embrasse sans prévenir. J’aime ça.
Je regarde l’écran de mon téléphone, toujours aucune connexion. Tant pis. J’ai mieux à faire.
Je jette le téléphone sur le canapé, et l’entraine dans ma chambre. J’ai chaud… Tellement chaud.

De Jacques

Boules de cristal

Les météorologues ont lu dans leur boule de cristal embrouillée qu’une tempête monstrueuse était en vue. Ce ne serait pas la première fois que les météorologues fantasment le climat. La grande nouvelle est pour dans trois jours. Même si cette lubie se concrétise, nous avons tout ce qu’il faut pour résister aux assauts du climat. Nous avons des buches pour le poêle, de la nourriture pour nourrir une armée de deux pendant plusieurs jours et des lampes de poche, des piles et des chandelles (et un briquet tout neuf). Bref, qu’il arrive ce tumulte climatique.
Mardi, j’ai fait une folie, j’ai acheté dans une librairie de seconde main pour 100 $ de romans. C’est presque une trentaine de récits que je vais lire durant l’hiver. Nous ne sommes qu’en décembre après tout. Je n’ai acheté que des romans que vont me faire voyager : France, Italie, Espagne, Portugal au pays de mon ami Léo, la Belgique. Plein de belles histoires loin des meurtres et de la violence quotidienne.
Samedi a droit à un soleil d’hiver québécois : -28° C et parce qu’il vente un peu, – 35° C comme température ressentie. Ici, nous disons frette parce que c’est plus froid que froid, donc il fait frette.
Dimanche s’annonce nuageux. Un peu plus de vent, mais rien d’inquiétant, il fait aussi froid que la veille. La neige débute lentement en fin d’après. Que de beaux flocons. C’est tellement merveilleux de voir cette eau cristallisée à des milliers de kilomètres, tomber doucement sur la précédente. La jungle de l’hiver se précipite, les météorologues semblent avoir bien vu cette fois. Le vent, quelle affaire à la télé, les journalistes annoncent des vents à environ 120 km/h en rafale et nous demandent de rester à la maison. Comme nous disons ici : un fou d’une poche! que nous allons affronter la tourmente et risquer notre peau pour rien en fait: aller à l’épicerie par exemple.

Nous sommes lundi. La tempête bat son plein. Loin de ralentir, elle exagère, le vent, les bourrasques et la neige fine qui continuent. Nous sommes au chaud. Il n’y a pas eu de signes précurseurs d’une faiblesse du réseau électrique ou informatique. La beauté de la sécurité du dedans au chaud, nous nous préparons un ou douze espressos pour survolter notre joie de voir la commotion du dehors.
Petits clignotements! Alerte! Tous sur le pont! Navire ennemi en vue! Nous sommes prêts.
Le noir! En fait, pas tout à fait, car nous sommes en plein jour, mais il nous faut tout avoir à portée de main pour le noir à venir. Il sera bientôt 15h. On sent la maison résister au vent. Les fenêtres craquent. Plus rien! La lumière de la fibre optique a gelé, plus d’internet, plus de téléphone, la 5G est zazou. Pas de panique, pas de panique! N’avons-nous pas tout prévu grâce à un site du gouvernement Canadien?
Quand j’étais jeune, nous sortions quand même lors des tempêtes. Ces caprices de la nature pouvaient en ces temps immémoriaux (ou presque, qui suis-je pour juger) nous apporter jusqu’à 70 cm de neige et parfois plus. Comme mon père travaillait parfois de nuit, l’entrée de la voiture devait être libre pour qu’il puisse aller dormailler et affronter la nuit suivante.
Maintenant, ces babioles de la nature sont presque risibles : 30 à 40 cm. Là, je me sens un peu comme ces réactionnaires qui ne voient du bon que dans le bon vieux temps. Pourtant, la température ne me gêne pas du tout. Ce que je n’aime pas de nos hivers, ce sont ces périodes de pluie verglaçante que je qualifie de contre nature.
Je me demande comment se passe cette journée chez ma fille avec ses deux ados qui passent leur temps la face greffée à leur téléphone, à leur tablette ou à leur XBOX. La fin du monde est à quelle heure déjà? J’imagine le désespoir! Je me délecte à imaginer l’angoisse.
J’ai placé mes romans dans une boîte pour choisir le premier au hasard. Mon hasard m’amène dans l’univers de Marc Levy : Ghost in love… un roman. C’est l’histoire d’un pianiste de concert qui, un soir après avoir pétaradé un joint, se retrouve devant son paternel mort depuis des années. C’est pas drôle de voir un revenant qui vient vous faire la leçon. C’est agréable à lire… pas d’imbéciles qui se prennent pour des justiciers et tuent du monde au nom de Dieu.
La tempête ne faiblit pas. Les rafales, comme les avions, sont violentes. C’est bien d’être bien au chaud, le feu de bois crépitant, collé sur mon amour. Combien temps la tempête va durer? Quelle importance. Probablement que demain tout ne sera qu’un souvenir. En attendant, je poursuis ma lecture. Le fantôme demande à son fils de retrouver une femme dont il a été éperdument amoureux lors de leurs vacances. Le fils, scandalisé par cette nouvelle, refuse tout net de se voir mêlé à cette quête digne du Graal (j’exagère et je le sais).
Il semble y avoir un changement dans la force du vent. On dirait bien que le monstre perd un peu de sa ferveur. On dirait qu’un signal secret a été envoyé aux déneigeurs. De gros camions commencent à parcourir les rues pour les rouvrir. Comme si le citoyen et la citoyenne allaient se précipiter dans les rues. Du coup, en conséquence, de ce fait, donc et conséquemment, la tempête peut être considérée comme terminée. Il reste quelques rafales « bourasquantes », mais à toute fin pratique, l’électricité peut maintenant revenir… Nous attendons là… C’est tannant à la fin… C’est long… Mon amour me dit : « zenne toi. Nous sommes au chaud, nous pouvons manger à notre faim, notre maison a résisté ». Alors, j’imagine la population d’un petit village de France aux prises avec une telle tempête entre leurs murs de pierres humides. Je sympathise et cela calme mon impatience.
La densité des flocons a diminué considérablement. Notre entrée sera bientôt déneigée. J’espère que ma Fiat a résisté au froid et qu’elle démarrera. L’embrayage, c’est une tout autre histoire : Vitesse non disponible! L’autre matin! En tout cas, je verrai tout cela demain, par contre, j’ignore encore quel temps il fera demain. J’espère du soleil en après-midi pour lui réchauffer la transmission un peu. L’électricité et l’Internet ne se sont toujours pas manifestés.
Finalement, pianotant d’impatience, le pianiste décide de partir retrouver cette belle de vacances tout en se disant qu’elle ne doit plus être une prime jeunesse. Enfin!
Oups! Un bip se fait entendre, l’horloge du poêle se manifeste et nous revoilà dans les temps modernes. La dernière fois que nous avions manqué d’électricité, nous n’avions pas le poêle à bois et nous allions au Centre communautaire d’Odanak pour préparer notre petit déjeuner accompagné d’un expresso super bien tassé. Trois jours et trois nuits loin du monde et de tous ses tracas. Heureusement, cette fois n’a pas été aussi grave.
La COVID nous avait préparés au confinement. Le double confinement COVID-neige nous a confirmé, à ma belle et à moi, que nous sommes faits pour vivre ensemble et ce, même sur une île déserte… pourvu qu’il y ait Internet.

De Patrick (proposition d’écriture N° 119)

La petite Mariette

Au club du Saxo qui Nage, Daisy, la jolie pianiste est triste, « sad and blue » comme disent les musiciens. Sa musique qui file sous ses doigts s’envole et se mêle avec les volutes bleu éphémères de la fumée des cigarettes environnantes, comme un vieux blues nostalgique.
La belle Daisy, à l’humeur maussade et un goût d’amertume, mais aussi une rage qui la tenaille au plus profond d’elle-même, en frappant ou martelant des accords sur son piano, c’est comme si elle dirigeait des coups vers le saxophoniste vedette, Samuel Dilly Bronx, soi- disant l’homme de sa vie , son mari depuis peu, traite, fourbe ,volage un salaud de mec quoi!
Bien sûr d’ici quelque temps, elle demandera le divorce, mais maintenant ce n’est pas aussi simple, beaucoup de complications liées à leurs contrats personnels et professionnels, alors qu’avant de convoler en vraies fausses noces, cela n’aurait pas engendrer de complications ni de faux espoirs . Remontons dans le temps : nous voici trois semaines avant la date du mariage de Daisy et Samuel.
Ce matin-là, Daisy, qui d’était levée tardivement mais d’excellente humeur, sirote nonchalamment un café dans son mug préféré. Son homme étant absent pour la journée, elle en profite pour vérifier tout le courrier qui s’empile sur le bureau de Samuel, surtout des lettres et des factures concernant leur futur mariage. Maladroitement, en prenant le tas de missives d’une main, l’autre toujours occupée par le mug de café, elle fait tomber au sol quelques-unes de ses lettres. Se baissant pour les ramasser, elle découvre en se relevant une petite enveloppe rose dépassant du sous-main .
La couleur de l’enveloppe et le fait qu’elle soit dissimulée attise la curiosité de Daisy. Qu’aurait-il à cacher ? Voilà qu’une angoisse teintée d’une pointe de jalousie se profile. Aurait-il une liaison cachée ? Non, pas lui se rassure-t-elle, mais avant même d’avoir ouvert l’enveloppe suspecte, elle commence à échafauder des scénarios. Après tout, cela est peut-être vrai ,il me trompe car il faut le voir le soir au club “du saxo qui nage “ parader et se trémousser langoureusement devant toutes ces dames en jouant du saxophone. Alors sûrement qu’une de ces pimbêches a joué à autre chose avec lui ,ah le salaud, eh bien qu’il s’étouffe avec son saxo.
Une colère de femme trompée envahit Daisy et son nuage de bonheur se transforme en humeur orageuse. D’une main rageuse, elle attrape la petite enveloppe rose, l’ouvre nerveusement et retire fébrilement la petite carte de même couleur et là sont écrits ces mots terribles pour elle: “Mon chéri , merci de m’avoir invitée à ton mariage, moi et mes seins si doux que tu aimes tant. Tendres baisers. Ta petite Mariette.”
Daisy est anéantie. Pour elle, c’est un outrage majeur. Non seulement il a une maîtresse qui s’appelle Mariette, mais en plus il a osé l’inviter au mariage, à mon mariage, je vais le tuer, le réduire en bouillie et elle aussi.
Daisy est une femme avec un caractère assez affirmé. Même trompée et humiliée, elle va rebondir et prendre les choses en main Il va lui en cuire à Samuel. Elle va lui pourrir la vie.
D’abord, premier acte, annuler ce mariage qui n’a plus aucun sens , après lui avoir vidé son compte en banque , vendre toutes ses fringues ou les donner à une association , et bousiller sa bagnole. Après, on verra, peut-être harceler sa grognasse et surtout lui demander des explications à ce soi-disant féal compagnon. Après s’être improvisée apprenti détective, voilà Daisy investie en vengeresse de son humiliation .
Le soir venu, Samuel, revenant de ses obligations, en entrant dans l’appartement, est immédiatement assailli de questions par une Daisy très remontée, arborant dans ses mains le carton rose preuve de sa tromperie et lui demande de s’expliquer sur le champ.
Samuel, d’abord surpris par cet accueil un peu musclé, repend rapidement ses esprits, lui reprochant dans un premier temps d’avoir fouiné dans son courrier, puis sereinement, sûr de lui, donne les explications souhaitées par Daisy. Il dit de ne pas s’inquiéter, qu’il est un homme fidèle et aimant ,que cette Mariette était sa nounou quand il était enfant. A 72 ans, elle le considère toujours un peu comme son petit garçon, d’où cette affection un peu débordante et excessive, même dans ses écrits.
Daisy, rassurée par les explications de son homme, mais quand même un peu choquée par les propos familiers de la nounou sur sa poitrine, finit par s’excuser d’avoir douté de sa loyauté. Après des pardons réciproques, ils s’embrassent et passent une nuit de réconciliation.
Le jour de son mariage, Daisy, dans sa jolie robe couleur écume de mer, surfe sur une vague de bonheur. Elle défile devant ses invités telle une déesse antique dans la clarté de ce jour où chacun de ses pas semble inondé de lumière. Impassiblement heureuse, envoûtante, enchanteresse . En ce jour de noce, sa beauté irradie de plénitude, son plaisir est au zénith.
Plus tard dans la soirée, au cours du vin d’honneur, Daisy et Samuel remercient leurs invités de leur participation au mariage et se séparent un moment. C’est à cet instant que choisit Daisy pour partager une coupe de champagne avec Bertille la sœur de Samuel .
Tout en bavardant de choses et d’autres, Daisy questionne Bertille, lui demande qui était la jolie jeune femme brune qui accompagnait Mariette, la nounou de Samuel ?
C’est Josy, la fille de Mariette, lui répond Bertille, enfin son nom c’est Josy, mais ses proches l’appellent “la petite Mariette “, surtout Samuel, c’est” sa petite Mariette” surenchérit Bertille.
Quoi ! Que dis- tu ? Les mots de Bertille viennent de foudroyer Daisy , un couteau dans la plaie. Son regard s’assombrit et soudain ses épaules portent le poids de la douleur et des larmes de toutes ces femmes qui, depuis la création à nos jours, ont subi le même affront .
Pour Daisy, aucun scandale aujourd’hui, elle resterait digne mais, à partir de cet instant, elle est en deuil de son mariage.

De Jean-Noël

“Nous sommes actuellement confrontés à une panne de service et vous n’avez pas accès au réseau internet. Tous nos agents sont mobilisés pour remédier à cet incident et nous mettons tout en œuvre pour écourter au maximum votre attente. Nous vous prions de nous excuser pour ce désagrément.”
Ce message revient inlassablement depuis quelques heures déjà et je n’y puis rien, absolument rien. Je dois prendre mon mal en patience, car j’ai bien sûr tenté de me brancher sur un autre réseau, le même message apparaît sur les écrans de mon ordinateur et de mon mobile. La bataille des GAFAM fait rage, près de cinq cents câbles sous-marins tapissent le fond des océans et mon écran reste vide. Elle est belle la technologie moderne, le HIGH TECH comme ils disent… Face à l’adversité j’opte pour la zénitude, je sors une rame de papier du fond de la réserve de mon bureau et me saisis de mon stylo, bien décidé à contourner l’obstacle à l’ancienne.
J’ai malgré tout laissé l’écran de mon ordi allumé au cas où…
Deux pages sont déjà remplies que l’écran s’anime : la connexion est rétablie ! Je mets les feuilles de côté pour reprendre le cours de mon travail précédent, ouverture du fichier, lecture du texte et … pan, tout s’éteint !
Je tente de rallumer mon ordi, les secondes se transforment vite en minutes, j’attends encore, toujours rien, sauf la moutarde qui commence à me monter au nez !
Nouvelle tentative, l’écran s’allume enfin, encore quelques instants, le temps que tout soit en place dans le système, puis je lance la connexion internet. “Vous n’avez aucun réseau, assurez-vous d’être branché correctement… blablabla…” .
Oh non, ce n’est pas vrai, mon routeur fait des siennes maintenant ! J’éteins la box, je la rallume, la marche à suivre classique ; ça y est, j’ai récupéré mon réseau. Vite au travail, j’ai déjà perdu beaucoup de temps !
Au bout d’un quart d’heure de travail, nouveau décrochage de réseau… plus d’internet…j’éteins mon ordi, j’ôte mes lunettes, je me frotte les paupières et pousse un long soupir. La désespérade m’envahit, je range mon bureau et me lève de ma chaise pour marcher jusqu’au salon ; peut-être qu’un film fera passer la pilule ? Ah, oui, mais non, pas de réseau, pas de wifi, pas de télé…
Prendre l’air me fera du bien, j’ouvre la baie vitrée pour aller sur la terrasse et là, stupeur : je me retrouve au milieu des bourrasques de neige et en pleine crierie : je ne suis pas la seule victime des turpitudes de l’internet, tous mes voisins s’apostrophent et se passent les dernières informations, chacun déverse sa colère et son désespoir, mettant les GAFAM au pilori. Je fais marche arrière, plus de réseau, trop de cris et de plaintes, il fait froid : mauvaise journée, mauvais karma, il faut renverser la vapeur avant que la sinistrose ou une névrose plus complexe ne s’installe. Je sors tout emmitouflé pour une balade au jardin public, ça me calmera les nerfs !
A peine ai-je franchi les imposantes grilles du parc, marchant avec précaution sur une neige en train de s’épaissir, qu’une vue d’apocalypse s’offre à moi : tout le monde s’y est donné rendez-vous, ma parole, ils sont tous là et on ne parle que de la panne géante, ils racontent tous la même chose bredi-breda, tant et si bien que l’on finit par ne plus rien comprendre !
Misère de misère, “fuyons la folie des extrémités qui n’ont d’issue que les abîmes”… j’ai lu cette citation il y a peu et je trouve qu’elle vient fort à propos en cet instant présent. À peine rentré chez moi, je m’empare d’un sac, y entasse quelques vêtements chauds, mes affaires de toilettes un bon roman et… mon smartphone, sait-on jamais.
Après deux heures de route, les pneus chaussés de chaînes, j’arrive dans un hameau perdu en plein cœur de la Lozère. Quelques habitations éparses et une prairie immaculée s’offrent à moi, une pancarte indiquant la présence d’une maison d’hôte “à la ferme” attire mon attention, ma décision est instantanée, je prends la route qui mène à cette ferme…
Après une longue promenade en raquettes au milieu des chemins et des sentiers enneigés, je rentre à la ferme où m’accueille la maîtresse de maison qui me propose de l’aider à traire les vaches à l’étable ! Le repas partagé autour de la grande table faiblement éclairée, près de l’âtre crépitant joyeusement, est excellent ; la nourriture locale est aux antipodes de celle des grandes villes, pas de nuggets ni de galettes sojatées au ketchup, mais de la bonne soupe avec des croûtons et des légumes frais suivie d’une délicieuse viande fondante. Du simple, du naturel et qui tient au corps !
Ici, tout le monde se connaît, tout est partagé, le bon et le mauvais, on s’entraide et chaque chose est faite en temps et en heure au rythme de la vie locale. Ce qui n’est pas fait le jour-même le sera le lendemain : ils le disent tous : demain sera un jour semblable. Immuabilité du temps qui défile inexorablement !
Pas de télévision, pas d’ordinateur, pas de mobile, on ne parle pas de la 5G… Le réseau wifi qui donne accès à l’internet ? Alors, là… première nouvelle ! On ne connaît que le bon vieux téléphone filaire qui trône sur le petit meuble à côté du porte manteau, dans l’entrée de la maison. C’est déjà extraordinaire de pouvoir parler à travers un fil et entendre l’autre au bout!
J’ai passé cinq jours extraordinaires et suis rentré, quand la tempête s’est calmée, totalement sevré des indispensables technologies modernes. Mon ordi et la télé peuvent désormais se reposer, je ne m’en sers plus que par intermittence quand c’est indispensable. J’ai choisi une autre vie, j’ai décidé de quitter le troupeau des moutons de Panurge guidés par les GAFAM. Je pense ne pas avoir fait un mauvais choix et d’ailleurs, “le seul mauvais choix est l’absence de choix” affirme Amélie Nothomb (Métaphysique des tubes). Ceux qui s’assoient sur leurs habitudes et leur confort ne sont qu’artifices, vanités et prétentions. Ils sont les fantômes de leur propre vie.

De Laurent

La dame à l’écureuil

Il était une fois une dame qui habitait dans la forêt. Dans la montagne enneigée. Le matin, quand elle se levait, elle voyait des biches, de jolies laies avec leurs marcassins, des goupils, des petits lapins blancs. Le soir, elle allait donner des graines aux dahus. Dans la journée, elle regardait internet, et elle envoyait des messages : son seul contact avec le monde extérieur.
Je ne sais plus si je vous ai dit que cette histoire était vraie ? Un jour qu’elle revenait de la cueillette aux champignons (un plein panier d’annamites), elle se léchait déjà les babines, quand elle sentit une odeur de brûlé.
-Bizarre, comme c’est bizarre… Je n’ai pourtant rien laissé sur le réchaud ! se dit-elle.
Le plus étrange, c’est que cela ne venait pas de la cuisine. Alors, elle monta au premier. Une odeur de viande grillée sortait du salon. Un grésillement caractéristique : « Bzzzzzzzzzzzz ! » Tout près de l’ordinateur, un écureuil roux venait de ronger les câbles de la « box ». La pauvre bête avait pris feu. Elle se débattait dans tous les sens. Encore deux ou trois sursauts, et puis plus rien : juste un reste de queue calciné.
Anna (c’est son prénom) était horrifiée : qu’allait-elle faire de l’animal ? Même pas comestible, si ça se trouve ! Mais le pire était ailleurs : voilà qu’elle était privée tout d’un coup d’ordinateur et de télévision ! La télévision, ça n’était pas trop grave : à vrai dire, elle en avait soupé des redondants flonflons de sa décadence, de ses feuilletons à la gomme, de ses jeux débiles, ses présentateurs mièvres et ses infos biaisées…
En revanche, l’ordinateur, ça c’était un autre problème :
-Comment vais-je terminer mon prix Renaudot ?
On l’aura compris : le violon d’Ingres d’Anna, c’était l’écriture. Cela fait deux ans qu’elle travaille à une suite de « Madame Bovary ». Elle en est au chapitre 66, et elle a commencé à contacter plusieurs éditeurs.
-Quand je pense que je n’ai pas sauvegardé mon texte de la semaine dernière : est-ce que je vais pouvoir le récupérer, au moins ?
Son premier réflexe fut de prendre le téléphone pour appeler un réparateur… Enfer et damnation : le portable, lui aussi, ne fonctionnait pas ! Que faire ? Descendre en ville ? Et si la voiture, elle aussi, ne voulait pas démarrer ? « Titine » (c’est son surnom) voulut bien partir, après deux ou trois crachotements et autant de tours de manivelle. Anna était au bord de la crise de nerfs, quand elle arriva au magasin :
-Bon sang de bon soir : il n’y a qu’à moi que cela arrive !
On était un vendredi soir, et l’employé de la boutique était en train de baisser le rideau :
-Désolé, Ma Petite Dame : il va falloir que vous reveniez lundi !
Il se trouve que, par un mauvais concours de circonstance, le lundi suivant était un 1er avril. Du coup, le réparateur ne voulut pas croire à cette affaire d’écureuil, un peu trop rocambolesque à son goût :
-Pendant que vous y êtes, vous pourriez aussi me mettre un poisson dans le dos !
Comme elle était en ville, Anna voulut en profiter pour prendre des nouvelles de son ami Pierrot… En vain : c’est à ce moment-là qu’elle se rendit compte que toutes les cabines téléphoniques avaient disparu. Elle rentra dans un café pour prendre un grog (dehors, il neigeait dru). Elle sortit un papier pour lui écrire. Elle s’aperçut qu’à force de taper sur son clavier, elle ne savait plus tenir un crayon, et quand bien même : son adresse était dans le répertoire, et elle ne la connaissait pas par cœur…
C’est ainsi que commencèrent plusieurs jours de galère pour Anna. Au début, cela fut terrible : l’addiction à l’informatique était là. Petit à petit, néanmoins, elle finit par réapprendre à se passer du « cloud ». Elle était heureuse de retrouver un peu de temps pour goûter à la faune et à la flore. Cela fut dur pour elle, mais il lui fallut affronter l’ennui, dans sa nue crudité. Lentement, elle réapprit quelques gestes oubliés : faire la cuisine, par exemple. Cela lui fut-il salutaire ou fatal ? Lorsque le dépanneur se décida à venir changer les fils, il trouva la porte grande ouverte, avec une odeur de chairs décomposées. Anna gisait dans la cuisine. Appelé sur les lieux, le médecin légiste pratiqua une autopsie : mort naturelle, suite à un empoisonnement aux annamites.
Moralité : méfiez-vous d’internet, des écureuils et des champignons !

De Françoise V

En plein mois de février, Fantine et Guy s’installent pour deux semaines dans leur immeuble-chalet au cœur des Alpes à Chatel. Ils se réjouissent de pouvoir skier et de profiter des paysages féeriques que la saison leur offre. Ils connaissent les vacanciers, les habitués de l’immeuble. Tous les ans, ils font des soirées fondue ou raclette. Ce lieu de vacances est magique pour eux. Décompression, distraction, retrouvailles.
Grâce aux applications Viso Rando, aux sites de ski proche de chez eux, ils peuvent varier leurs sorties et emmener leurs amis.
– Guy, mon téléphone n’accède plus à mes e-mails, et je n’arrive plus à joindre Eliane du 1er étage.
– Attends, je me connecte et je l’appelle.
Guy se précipite sur sa tablette pour ouvrir ses courriels. Pas de réseau, et pas plus que sur son téléphone.
– Zut alors moi non plus…. Il y a un problème, rien ne marche.
Guy s’habille, sort sur le palier et sonne à la porte du 4è étage, chez Romain.
– Bonjour, Romain, vous avez du réseau ?
– Heu, non justement je viens de voir cela. Il y a un problème.
– Bon je descends au 1er voir Éliane, elle me dira bien.
Pas plus de succès chez les uns ni chez les autres. Vincent arrive par les escaliers.
– Je crois qu’il y a eu une avalanche après la tempête de neige d’hier après-midi sur la piste de ski. Les secours sont arrivés. Un pylône a été arraché. Il faudra attendre, je crois. Et cela va mettre beaucoup de temps, les dégâts sont importants.
Guy remonte chez lui, annonce à Fantine qu’ils sont coupés du monde.
Bon alors, dit-elle, il n’y a rien à faire. Nous sommes impuissants devant la catastrophe et ses conséquences. Heureusement que nous n’étions pas sur la piste…. Imagine un peu, Guy !
– Évidemment, on peut se consoler et voir pire pour se rassurer. Mais internet, le téléphone en panne pour un temps improbable…. C’est pas pour rendre cool notre séjour. J’attends des nouvelles de la banque pour notre prêt. Et puis le notaire doit m’appeler… et ta mère qui est seule, tu y as pensé ?
– Allez Guy, on va se la faire zen cette soirée…. Et demain sera peut-être meilleur.
– Non mais tu rêves ! Il faut plusieurs jours pour tout remettre en ordre… ce ne sont pas des allumettes qui se sont écroulées, c’est tout un réseau électrique et téléphonique. Et la neige tombe et n’arrête pas de tomber… réalise un peu.
Fantine sort le four à raclette, épluche les pommes de terre.
– Va donc prévenir Romain, Eliane et Vincent, on les invite pour ce soir… un dîner raclette ça te plaît ?
– Ok pour ce soir mais demain ? On va faire quoi ?
– Eh bien on fera une balade en raquettes et quelqu’un d’autre va bien nous inviter pour déjeuner et se remonter le moral … J’ai amené le scrabble et les jeux de cartes. Allez, t’en fais pas, on va patienter, de toute façon on ne peut rien faire d’autre que de s’occuper les mains, les jambes, et la tête.

De Michèle

La Panne

Comme chaque matin après la toilette, je prends une tasse de chocolat chaud en regardant la campagne blanchie par le givre, mais ce matin la vue est merveilleuse. C’est un épais manteau neigeux qui recouvre le sol, les toits des maisons, des granges et des voitures. Les arbres semblent ployer sous le poids de cette beauté immaculée. J’en profite, car dans quelques heures elle sera souillée.
J’ouvre le Mac book pro pour lire mes mails. Mais au bout de quelques minutes, j’abandonne et me prépare un porridge aux raisins secs. Avec leurs travaux pour installer la fibre, c’est la galère depuis quelque temps. Je réessaye plusieurs fois dans la matinée, toujours sans résultats. J’évite de me sentir trop en colère, mais malgré tout, je vais leur réclamer une fleur sur le prélèvement du mois prochain. Ces déconnexions se produisent trop souvent.
Je décide d’utiliser mon smartphone pour voir si j’ai des commandes.
Ah zut de zut de zut. La technologie c’est génial quand ça fonctionne, mais quand ça rame ou que ça ne fonctionne plus, c’est la cata. Je savais que mettre tout le business en virtuel était une erreur. Les infos annoncent qu’une tempête de neige sévissant dans la moitié nord de la France risque de mettre en péril toutes les connexions et même les lignes électriques. Je me sens dépitée. Cette panne risque de durer. Et puis après tout, même les clients peuvent être dans cette situation à laquelle on ne peut rien.
Quelques heures de repos ne se refusent pas. Je décide de prendre du bon temps, de profiter de la maison et d’allumer l’insert. Il n’y a pas de hasard, tout arrive à point, et je décide de mettre à profit ce temps pour moi. Je vais prendre quelques heures pour faire le bilan de mes ventes et des projets en cours, sur papier…Promis juste quelques heures et ensuite je me paye du bon temps. Quatre heures plus tard, je suis devant un gâteau qui sort du four, quelques mandarines et une boite de chocolats envoyée par maman. Je décide de démarrer le visionnage d’une série de DVD que je n’ai jamais pris le temps de regarder. Mon planning prévoit une balade de 30 minutes et du temps pour terminer le livre commencé il y a 6 mois. Je veux croire que la panne d’électricité ne viendra pas perturber mes projets-plaisirs.
Comme je suis toujours prévoyante, j’ai installé la torche avec des boites de grosses piles, des bougies et ma radio à batterie qui avalera, une à une, mes clés USB chargées de spiritualité, de livres audios quantiques et de mes musiques préférées. Je suis prête pour plusieurs jours, avec si besoin un radiateur à pétrole et un plaid rouge à pois blancs dans lequel je me sens petite fourmi. Finalement, se lever plus tard, sera génial, une grasse matinée, une bénédiction.
L’imprévu a souvent du bon, même si de prime abord la situation semble négative !

De Lisa

Inspiré de la chanson de France Gall «Si Maman si »

Pierre-Erick est chez lui, seul provisoirement sans la « patronne », sur son ordinateur à essayer de passer le temps. La phobie des femmes le poursuit grâce à sa copine.
Et tout à coup …

Tous ses amis sont partis
Ce jour, où tombe la neige
Inta et fac*book ont changé d’air
Pour partir au soleil
Comme c’est triste de voir
Aussi sa femme qui s’éloigne

Si Papa, si
Si Papa, si
Papa si tu voyais sa vie
Il pleure comme il rit
Si Papa, si
Mais la phobie est revenue ici

Le temps défile comme un train
A force de voir tomber la neige
La solitude est son quotidien
Pendant que sa compagne s’éclate dans ses fêtes
Le bonheur passera dans ses rêves

La panne a eu raison
De le plonger dans une dépression
Son coeur est bien au chaud
Pendant que le bourreau vit autrement

D’Ariane

Horreur ! Plus de wifi !!

Lorsque Chloé ouvrit les yeux, elle alla mettre son nez à la fenêtre comme d’habitude. Elle adorait sentir l’air frais du matin au saut du lit. Là, c’est littéralement une bourrasque qui fit office de réveille-matin.
« Bigre, la météo nous avait annoncé une tempête, et je crois bien qu’on y a droit effectivement ».
Les arbres étaient durement secoués. Quant à la mer, mieux valait avoir le pied très marin si on était obligé d’être dessus. Mais les amateurs ne seraient sans doute pas très nombreux, même les surfeurs enragés. Tranquillement, elle prépara son petit déjeuner tout en écoutant les informations à la radio. C’était son moment de calme. Après, elle écoutait soit une émission sur France Culture, soit de la musique. Si elle y pensait, elle allumait son portable. Ce qu’elle fit ce matin-là, sachant qu’elle devait appeler une amie sur le sien. Au bout d’un moment, elle réalisa qu’elle n’avait pas entendu le signal de mise en route. Elle alla voir : rien ne s’était allumé. Curieux. Du coup, elle alla vérifier son wifi. Rien non plus. Ou plutôt tout était au rouge. Elle ferma et ralluma. Toujours rien.
« On dirait que la tempête fait des siennes au niveau internet et compagnie, se dit-elle. Bon, attendons. De toute façon, rien d’autre à faire que cela ».
Cela ne la troublait pas particulièrement, mais elle en connaissait un bon nombre qui, s’ils étaient dans la même situation, allaient pester comme des furieux, se sentir trahis, ne sauraient pas quoi faire d’eux-mêmes. Elle n’était vraiment pas une « accro » de tous ces systèmes. Certes, ils pouvaient être pratiques, elle utilisait par exemple Google lorsqu’elle avait besoin de faire des recherches, écrivait des mails. Mais uniquement sur son ordinateur, rien sur son portable. Elle avait largement apprécié pendant les confinements le fait de pouvoir assister à des conférences en vidéo, de même qu’elle avait continué ses cours avec sa professeure d’espagnol, ainsi que les cours de philosophie bouddhiste.
Quant aux réseaux sociaux, après avoir eu la curiosité de prendre un compte Facebook pour voir à quoi cela ressemblait, elle y allait au maximum deux fois par semaine, et le nombre de ses « amis » était très restreint. C’étaient effectivement des amis, des gens qu’elle connaissait. Elle ne voyait absolument pas l’intérêt de savoir tout ce que faisaient de parfaits inconnus, ne comprenait pas ce besoin effréné de photographier le moindre plat avalé comme si cela avait un intérêt vital. Pas plus que la manie du selfie ne lui paraissait très sain : un besoin systématique de se mettre en scène, peu importe les circonstances.
Du coup les conséquences, à savoir harcèlement, chantage ou autre, ne l’étonnaient pas. A ses yeux, c’était vraiment donner un bâton pour se faire battre. Les adultes, c’était leur problème, même s’ils étaient souvent inconscients. Mais cela se révélait par moment dramatique pour des jeunes. Combien de suicides auraient pu être évités sans les réseaux ?
La phrase : « c’est simple, un clic et tout est mis en route » l’horripilait, d’abord par sa fausseté. Ensuite, parce qu’on essayait de faire croire que ce « clic » était un petit miracle en soi.
Par ailleurs, elle trouvait que les gens étaient devenus des esclaves en toute inconscience. Avoir leur petite machine vissée dans la main, ne pas pouvoir s’en séparer ne serait-ce que quelques heures, dormir avec cet engin allumé près de leur lit : mais que s’imaginaient-ils donc, que le monde allait s’écrouler sous prétexte qu’ils ne liraient un texto que quelques heures plus tard ? Pour tous ceux qui travaillaient, c’était l’esclavage du premier janvier au trente-et-un décembre car ils étaient devenus taillables et corvéables en permanence : plus de fins de semaines ou de vacances tranquilles. On pouvait les appeler à tout moment sans le moindre souci de leur vie privée. A contrario, tous ceux qui pour « communiquer » n’utilisaient plus que le système des sms l’énervaient. Pour elle, un sms n’était valable qu’en cas d’urgence. Sinon, on perdait l’habitude de parler réellement, d’avoir un vrai contact par le son de la voix. Elle, lorsqu’elle téléphonait à des proches, rien qu’à leur façon de dire « allo », elle savait s’ils allaient bien ou non.
Une chose l’avait frappée lorsqu’on avait libéré les gens après le premier confinement. Ce jour-là, il faisait un temps magnifique. Elle était partie se balader sur ses sentiers côtiers favoris, aspirant l’air iodé à pleins poumons, regardant la nature en pleine floraison, écoutant les mouettes, les goélands, le bruit des vagues. Les autres promeneurs n’étaient pas très nombreux. Peut-être avaient-ils foncé dans les magasins ? Mais, elle avait été surprise et quasiment choquée de voir que ceux qui se promenaient également marchaient les yeux fixés sur leur portable. Elle avait vraiment eu envie de les interpeller pour leur dire de regarder plutôt la nature. En règle générale, elle n’avait même pas son portable pour se balader, n’en voyant vraiment pas l’utilité.
Dans son petit sac à dos, elle avait, comme d’habitude un livre. Elle savait qu’à un moment ou à un autre, elle se mettrait sur un rocher pour lire tranquillement. Ce qu’elle avait toujours fait. Elle adorait lire dehors dès qu’elle le pouvait, de même qu’elle avait un carnet et un stylo au cas où une envie irrépressible lui viendrait. Elle n’était pas du tout décidée à lire sur un engin électronique, aimant bien trop le contact du papier et son odeur. Alors, le manque de ces engins durant une, voire deux journées, ne la perturbait pas. Mais elle se demandait aussi souvent ce que pouvait faire des jeunes, par exemple, qui pour un calcul quelconque avait toujours leur petite machine pour le faire, car la plupart ne savaient plus faire des opérations. Une multiplication, une division, avec virgules qui plus est !! Horreur ! Cela non plus ne la perturbait pas, elle savait toujours faire.
Elle trouvait également fort curieux cette manie, y compris pour de toutes petites sommes, de payer avec une carte bancaire, sous le prétexte assez fallacieux que cela allait plus vite. Elle n’en était pas persuadée, mais surtout, elle n’avait aucune envie que le moindre de ses achats la fasse suivre à la trace. Elle pensait que si un jour, il n’y avait plus de liquide, strictement rien n’empêcherait un gouvernement de se servir directement sur les comptes des gens. Elle avait déjà entendu pas mal de gens, des jeunes surtout, prêts à accepter une puce intégrée à leur peau pour payer ainsi. Si elle avait trouvé pratique de pouvoir continuer à prendre des cours d’espagnol par vidéo durant le confinement, en revanche, il ne lui venait absolument pas à l’idée de regarder un film sur son ordinateur, encore moins sur un téléphone.
Pour elle, un film se voit sur grand écran pour profiter de la mise en scène, du jeu des acteurs, des décors. Comment profiter d’un désert sur un écran de douze centimètres ?
Non, décidément, cette journée de panne ne l’empêcherait nullement de profiter de sa journée dans son appartement chaud et sympathique, tout en regardant et admirant le spectacle d’une nature déchaînée. De toute façon, en cas de besoin absolu, elle avait toujours une ligne de téléphone fixe qui fonctionnait parfaitement bien.

De Marie-Laure

Demain sera un autre jour

C’était une de ces journées maussades d’ hiver, avec son enveloppe grise et pesante. Seul un mince filet de lumière permettait de distinguer les cheminées fumantes du quartier. Un jour qui s’annonçait déjà lancinant, où l’intérieur imposait sa valeur refuge. Entre le chat qui ronronnait sur le canapé, le chien roulé en boule sur son tapis et Mariette rivée à son ordinateur, seuls les ric tac de l’horloge imprimaient une menue cadence. Il avait fallu un certain courage à Mariette pour éteindre son écran et s’équiper de pied en cape à l’heure de l’indispensable promenade du chien. Se mettre un peu d’air frais dans la tête ne me ferait pas de mal, se disait – elle, pour renforcer la frêle silhouette de sa motivation.
Dehors, elle avait croisé la voisine, qui s’adonnait au même rituel de fin d’après – midi. La conversation fut brève car au fond ce n’était pas un temps à mettre un chien dehors, alors autant écourter.
Elle n’avait rien vu venir, aucun signe annonciateur. De valeureux pirates auraient crié : « à l’abordage ! », mais là rien ! A son retour, alors qu’elle s’apprêtait à reprendre son jeu, « nada », plus de connexion internet ! Débrancher, attendre, rebrancher, vérifier tous les câbles, elle y avait passé toute sa soirée, sans succès. Le lendemain matin, elle n’avait pas franchement déjeuné en paix, en compagnie de la musique robotisée et de la voix sans charme du répondeur, lui demandant de patienter. Débrancher, rebrancher, rebelote avec le service technique et puis le verdict : « votre problème demande l’intervention d’un technicien à votre domicile ». Bim, bam, boum, plus d’ordinateur, plus de téléphone fixe, plus de télé, les Dieux vénérés du moment s’appelaient GSM et 4G !
Quelques jours plus tard, de toute sa hauteur et droit dans ses bottes, le technicien livra le résultat de son enquête : » Madame, le réseau est tout à fait opérationnel jusqu’à votre domicile, c’est dans votre installation interne que la liaison est défaillante. Il faudrait changer le câble ou passer à la fibre, c’est une chance, vous êtes éligible ! ».
OK, chez moi l’énergie ne passe pas, surtout ne pas péter un câble là tout de suite, maugréa Mariette. Hier, j’ étais branchée tous azimuts, aujourd’hui je suis déconnectée, soit ! Si elle acceptait bon gré mal gré la sentence, Mariette se projetait déjà vers des jours difficiles , car en ce début d’année, il fallait qu’elle remplisse en ligne nombre de dossiers administratifs. Voilà, les milles et un visages de la galaxie « not connect » se riaient de moi, alors que je devais remplir mes dossiers de départ à la retraite. Le « network failure » s’abattait sur moi et dans ce domaine, je n’avais pas assez de ressources pour me la jouer « survivor », en mode Mac Gyver. Sur le ring de la « high tech », je dois m’incliner, pensa Mariette. Quoique, joker, si j’appelais un ami ? Sitôt dit, sitôt fait, bien sûr qu’il viendrait l’aider, articula une voix d’outre-tombe, mais pas tout de suite, car là il était mal en point et à l’isolement.
Entre pas connectée ou pas covidée, parfois de grandes décisions s’imposent ! De tous les côtés, le manque d’énergie se posait là comme une certitude ! Et elle, Mariette, elle en était où de son bilan énergétique ?
Ce n’était pas la forme olympique, si ça n’avait été le tracas de son dossier retraite à gérer en temps et en heure, elle aurait apprécié d’être quasi coupée du monde. A ce jour, dépourvue de tout raisonnement cartésien garanti bon teint, elle se disait que de petits elfes lui envoyaient peut – être là un message… Elle se pencha à sa fenêtre pour observer les mésanges qui s’activaient autour de la mangeoire. Aujourd’hui les colombes avaient déserté la place et les petits volatiles occupaient les lieux en s’égosillant, visiblement ravis. Un sourire se dessina sur les lèvres de Mariette encore accrochée à ses déboires. OK, elle allait puiser son inspiration dans ce petit bal coloré pour faire son exercice d’écriture hebdomadaire. Une musique douce, un thé parfumé, la flamme dansante de la bougie près de sa feuille, elle était prête. C’était quoi déjà le thème de la semaine ?
Deux heures plus tard, quelques pages noircies devant elle, Mariette avait passé un bon moment, elle se sentait sereine. La contrainte de pianoter sur son téléphone fut toutefois rédhibitoire, cette semaine elle ne partagera pas son texte sur le blog. La plume de Mariette ne rencontrera pas la Plume de Laurence, pas aujourd’hui… Demain sera un autre jour !

De Tavana

Le partage

Nous voilà enfin arrivés dans le chalet familial qui se trouve au fin fond d’une vallée. On y accède par une toute petite route qui débouche dans un sous-bois et là au milieu des sapins se trouve l’ancienne bergerie de ma famille .
Il y a quelques années de ça, avec mon père, on l’avait aménagée pour en faire une petite maison de vacances. A l’époque, elle était éloignée de tout et on avait juste le strict minimum, mais c’est ici que j’ai passé les plus belles vacances de mon enfance. Aujourd’hui, je viens avec mon propre fils et mes petits-enfants. Le chalet n’a rien à voir avec ce qu’il était : il y a tout le confort moderne et même depuis peu, on a du réseau téléphonique, ce qui permet de nous connecter à la planée entière.
Nous voilà à peine arrivés et installés que tout le monde a déjà ses yeux rivés sur un écran. Moi qui piétinait d’impatience, depuis que l’on était partis, d’aller marcher dans la neige.
Avec peu d’espoir, je demande « est-ce que quelqu’un veut venir se balader avec moi ? ». Mon fils lève à peine le nez de son clavier pour me dire «pas maintenant trop de boulot, on verra tout à ’heure ». Ma belle-fille me fait signe avec sa tête que non et reste absorbée par ce qu’elle regarde sur son téléphone. Je me tourne vers mes petits-enfants , mon petit-fils vient d’allumer la console de jeux et me dit « papy pas maintenant, là je joue » et ma petite- fille, comme sa mère, le nez collé sur l’écran de son téléphone, me fait signe de la main qu’elle non plus ne souhaite pas venir avec moi.
Je fais ma tête de déçu mais personne ne la remarque, j’enfile ma doudoune , mes gants, mon bonnet et je ferme la porte derrière moi. Il est vrai que depuis que Joanna et Alexis on ne grandit, plus personne ne se promène avec moi. Avant ? Mathilde , ma femme, faisait l’effort de venir, si personne n’avait envie. Mais Mathilde est partie il y a bientôt un an de ça, le cancer l’a emportée malheureusement en à peine six mois. Pourtant elle, comme moi, nous y avions cru , puisque les spécialistes nous avaient annoncé qu’elle était en pleine rémission, que le traitement avait bien fonctionné et comme on arrivait enfin aux termes des 5 ans fatidiques ,il n’y avait plus de raison de s’inquiéter.
Alors, qu’elle ne fut pas notre stupeur quand le spécialiste, lors du dernier contrôle, nous a dit que la maladie avait refait surface . Celle-ci s’était propagée à d’autres organes, peut être que si celui-ci n’avait pas été si souvent reculé dû à cette fameuse crise sanitaire, on aurait pu le savoir plutôt . Alors, même avec les traitements intensifs, le cancer s’est généralisé et l’a emportée en à peine six mois. Depuis, à ce sujet, je me pose beaucoup de questions : est-ce que ce vaccin que l’on a fait pour pouvoir se faire soigner n’aurait-il pas peut être pu faciliter la propagation de la maladie ? Certaines personnes du milieu médical et scientifique soutiennent que ce traitement, car ce n’est pas vraiment un vaccin, a des effets secondaires, surtout sur des personnes qui ont des risques de rechute .
Tout ce que je sais, en tout cas ,c’est que maintenant, elle n’est plus là et qu’elle me manque terriblement. La vie est parfois mal faite, à peine à la retraite, période où on se dit qu’on va enfin pouvoir profiter de la vie à deux, tout le contraire arrive. Donc, voilà maintenant, je me retrouve seul avec mes doutes, mes peurs et plus personne avec qui les partager.
Je suis dans mes pensées quand tout d’un coup, j’entends un drôle de bruit, ce sont les oiseaux qui volent juste au-dessus de ma tête en piaillant. Mon père disait toujours que ça, ce n’est pas de bon augure quand les oiseaux volent si bas, c’est signe de mauvais temps. Comme un réflexe inné, mes yeux regardent en direction du ciel et là, je vois que près des sommets, de gros nuages noirs très chargés annoncent une tempête de neige .
Au retour de ma promenade, j’annonce à tout le monde qu’une tempête arrive mais personne ne réagit, ils sont toujours accaparés par leurs écrans. L’heure du repas de midi arrive tout le monde s’installe , mais celui-ci est expédié en même pas trente minutes et aussitôt après, chacun reprend ces activités préférées. Johana et Alexis décident de se regarder un film à la télé avec leur mère. Mon fils lui doit terminer le travail qu’il doit remettre à son patron lundi. Je me retrouve donc tout seul, je regarde par la fenêtre et vois que les nuages sont de plus en plus nombreux, la tempête va sûrement arriver sur nous . J’essaye de prévenir mon fils mais celui-ci ne prête pas attention à mon inquiétude, pour lui de toute façon, depuis que sa mère est morte, j’angoisse pour un rien, donc pas la peine de prendre en considération ce que je dis.
Puisque personne ne s’inquiète, il n’y a pas de raison que je m’affole. Je m’installe donc dans le gros et vieux fauteuil en cuir que mon père affectionnait beaucoup. Avec mon fils, on l’a installé près de la fenêtre coté salon. Je commence mes mots fléchés, c’est devenu depuis un petit moment un hobby qui me permet de ne penser à rien . De temps en temps, je regarde par la fenêtre, je vois bien que le ciel s’assombrit de plus en plus et le vent lui commence à bien souffler.
Un gros boom me fait sursauter sur mon fauteuil, c’est un des volets qui claque contre le mur. Le vent souffle vraiment fort maintenant, le ciel est gris noir et la neige tombe à gros flocons. J’ai dû m’assoupir, quelle heure peut-il être, car il fait déjà presque nuit. Je regarde autour de moi bizarre, la télé est éteinte ,il n’y a personne dans le canapé. Je me lève et me dirige vers la cuisine, mon fils est au téléphone, ma belle-fille joue sur sa tablette. Je leur demande où sont les enfants. Véronique me dit qu’ils sont en haut dans leur chambre. Je me dirige vers mon fils pour lui dire qu’il neige beaucoup et que le vent souffle quand même très fort, mais il me fait signe de ne pas le déranger car il est en grande conversation avec son patron.
Je monte prévenir Joanna et Alexis qu’il vaudrait mieux se préparer, car je suis sûr qu’une tempête de neige arrive. Tous les deux me regardent d’un air ébahi et me disent « papy ne t’inquiète pas ça va aller » . Comme personne ne veut m’écouter, je prends les devants. Je commence à vérifier si les volets sont bien accrochés, mais le vent est tellement fort que j’ai beaucoup de mal à refermer la fenêtre. Mon fils, qui a entendu du bruit, vient m’aider et au moment où il veut me faire des reproches , un grand coup de vent nous projette au sol. De panique, tout le monde nous rejoint dans la chambre. A ce moment-là, on entend un énorme crack, tout de suite après l’électricité se coupe. Mon fils m’aide à me relever et tous ensemble, nous descendons tant bien que mal ,car on ne voit pas grand-chose.
Avec la lumière des portables, nous cherchons des bougies et des allumettes, car il fait de plus en plus sombre. On s’attable tous dans la cuisine, toutes les bougies que l’on a trouvées sont allumées et posées sur la grande table. Tout le monde regarde son portable pour vérifier combien il reste de batterie, et pour avoir des infos sur le temps. A ce moment-là , je me permets de dire. «pas la peine de regarder vos portables, c’est une tempête, il faut attendre que ça passe, j’espère qu’elle ne durera pas aussi longtemps que celle que j’ai connue quand j’étais enfant » et là mon petit-fils me dit de quelle tempête tu parles papy.
Et me voilà parti à raconter ce que j’ai vécu enfant dans ce chalet à l’époque où il n’y avait ni électricité ni eau courante. Je leur décris notre quotidien pendant ces quatre jours que j’ai vécus avec mes parents et mes deux sœurs. Je leur explique qu’on avait même dû faire fondre l’eau sur le vieux poil pour pouvoir avoir de l’eau à boire et pour pouvoir se laver. Ma petite fille me dit que ça, c’était autrefois maintenant Plus personne ne reste bloqué, encore moins sans électricité et sans eau.
Mon fils se lève et va quand même vérifier s’il y a toujours de l’eau au robinet. L’eau coule et je vois sur son visage le soulagement mais par précaution, je lui dis de remplir toutes les bouteilles qu’il trouve car si on est coincés et que les tuyaux gèlent, on va se retrouver sans eau. Comme je vois que tout le monde commence à vraiment s’inquiéter, je propose de faire un jeu et sans attendre une réponse, je cherche au fond du placard et voilà que je trouve ce bon vieux Monopoly ,lui , il va nous occuper pendant un certain temps. Au début les enfants rechignent un peu, mais quand la partie commence, tout le monde se prend au jeu. Ça me fait tellement plaisir de pouvoir partager ce moment avec eux, que secrètement, je prie pour que l’électricité ne revienne pas et que la tempête dure aussi longtemps que quand j’ étais enfant. Mais malheureusement, quelques heures plus tard, au moment d’aller se coucher, comme par miracle, la fée électricité est revenue. Tout le monde applaudit et en même pas 30 secondes, il n’y a plus personnes autour de moi car ils sont tous repartis brancher leur téléphone pour être sûrs d’être toujours connectés au monde. Moi, je pars me coucher avec un bon livre et heureux d’avoir partagé ce moment inespéré avec ma famille.

Poème d’Emily grey, « L’Origan », proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)

Aux États-Unis, nous le mettons dans nos
sauces pour les pâtes, mais ce n’est pas si
simple que ça.
Imaginez que l’échange colombien ne se soit
jamais passé,
Que nous soyons restés incultes, sans goût
Avec juste nos céréales et nos animaux d’origine.
Il y a des xénophobes qui boivent du café
africain chaque jour
Et qui mangent des fruits asiatiques pour le
petit déjeuner
Mais ils se mettent en colère quand ces
fruiticulteurs cherchent refuge à l’étranger
Il ne peut pas y avoir la globalisation des objets
sans la globalisation des citoyens du monde
Il est facile de voir que la haine des peuples
ne fait pas bouger les choses
Sans battement de cœur

De Marie-Josée

Vendredi noir.

Je me connecte, tu te connectes, nous, vous, ils se connectent.
J’avoue que j’ai appris tardivement à conjuguer ce verbe, contrainte et forcée quand l’ordinateur est devenu un outil de travail et avec une certaine excitation quand il s’est imposé dans mes loisirs. Je suis une convertie, je suis devenue une victime consentante de la toile. Vive la technologie ! Elle m’a permis de voir mon fils Louis via Skype quand il était à l’autre bout du monde et de recevoir des SMS qui ravissent mon cœur de mère : ‘’ Rentre le week-end prochain. Quelqu’un peut me chercher à la gare ? Et c’est parti pour une kyrielle de messages. On appuie tellement vite sur la touche ’’ envoyé ‘’ et on se rend compte trop tard qu’on s’est focalisé sur l’accessoire et omis l’essentiel. Le week-end de l’Ascension était un de ceux-là. Après quelques tergiversations et malentendus, il confirma qu’il viendrait finalement pour quatre jours et pas en coup de vent comme d’habitude. Cette perspective me remplit de joie, enfin il s’accordait quelques jours de vacances que nous pourrions passer ensemble tranquillement. A la vue de son ordinateur et de son téléphone professionnel, j’ai su que la tranquillité serait relative et que les projets de balade et de pique-nique que j’avais échafaudés seraient compromis. Je lui en fit part néanmoins et ne fut pas surprise de la réponse :
-Tu n’y penses pas sérieusement. Tu sais bien que dans mon ‘’job’’, je dois rester joignable et vendredi j’ai deux ‘’call ‘’ hyper importants : un le matin, l’autre en fin d’après-midi. D’ailleurs, à ce propos, si on pouvait retarder le repas de midi d’une heure, ça m’arrangerait, mais si toi et papa vous voulez promener, je me débrouillerai.
Un peu déçue, je lui répondis :
-Ne t’inquiètes, l’essentiel c’est que tu sois là, même si ce n’est qu’à mi-temps, ce que confirmèrent les sonneries intempestives de son téléphone ‘’pro’’. Il y jeta un coup d’œil et conclut que ce n’était rien d’urgent, qu’il répondrait plus tard. Il se permit quand même le luxe de profiter du beau temps et de nous accompagner pour une petite promenade. Vendredi, il fit très chaud et aux alentours de 2 heures, un coup de tonnerre à faire tomber les murs, surprit tout le monde.
« C’est quoi, ça, monsieur météo ? » demanda Louis en taquinant son père.
« Il n’y avait pourtant pas d’orage prévu » répondit celui-ci le plus sérieusement du monde. « Une seconde, je vais voir sur le site de la météo agricole, c’est le plus fiable. Bizarre, le téléphone ne fonctionne pas, je n’ai sans doute plus de batterie ».
Des éclairs et une averse nous firent débarrasser la table en un temps record et une fois à l’abri, mon fils constata avec effroi que plus rien ne fonctionnait, ni internet, ni le téléphone.
« La foudre a sûrement endommagé le réseau » dis-je d’un air laconique.
« Comment ça endommagé ? Ce n’est pas possible ! J’ai un ‘’call’’ de la plus haute importance dans une heure, il y a intérêt à ce que ce soit réparé d’ici là. » rétorqua mon fils paniqué.
« T’inquiète pas, c’est déjà arrivé et c’était réparé assez rapidement » lui répondit son père, se voulant rassurant.
L’heure tournait et pas de connexion possible, mon fils tournait en rond comme un lion en cage :
« C’est mort pour le ‘’call’’ ,dit-il à 16 heures après quelques tentatives infructueuses. « Foutu patelin, foutus fonctionnaires, pas capables de réparer les installations dans des délais raisonnables, ils attendent quoi ? Ils ne se rendent pas compte qu’il y a des gens qui ont besoin d’internet pour leur boulot, que c’est vital pour eux. »
« Calme-toi, mon chéri, s’emporter ne changera rien à la situation. Il est urgent d’attendre. » tentais-je.
« Epargne-moi tes phrases toutes faites, même si tu as raison. Bon, les choses étant ce qu’elles sont, je vais prendre un café, vous en voulez-un également ? ».
Nous avons répondu affirmativement et je n’ai pas pu m’empêcher d’enfoncer le clou en lui disant que grâce à cette panne, nous pouvions boire un café ensemble, ce qui n’était pas prévu au programme. Je fis moins la maligne, quand le soir venu, le courant, n’était pas davantage rétabli. Mes bougeoirs en étain (ringards, mais j’y tiens !) éclairaient la pièce pour le repas du soir et comme je n’ai jamais opté pour le tout électrique, j’ai pu régaler tout le monde avec un repas chaud. L’option lave-vaisselle n’était plus à l‘ordre du jour et la perspective de la faire à l’ancienne était insupportable aux yeux de Louis. Il se résigna quand même à l’essuyer et notre équipe à six mains en vint à bout en un temps record. Et maintenant qu’allions-nous faire ?
Pas de séries télé à rallonge, pas Facebook pour participer à la vie ‘’trépidante ‘’des amis et connaissances qui exhibent fièrement les gribouillis du petit dernier, les photos des vacances ou du gâteau hyper rapide et facile à réaliser, nous étions coupés du monde.
Restait l’option jeux de société qui n’avait jamais emballé mon fils, à part le poker, qui du coup n’était pas ma tasse de thé. Alors, pour paraphraser Aznavour, nous avons parlé d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître. J’ai sorti les vieux albums photos pour illustrer mes propos. A l’époque, elles n’étaient prises qu’à de rares occasions et chacune d’elles évoquait une anecdote, des endroits qu’on ne reconnaissait plus, des personnes disparues depuis longtemps et dont les vies donneraient matière à un roman.
« C’est bien joli tout ça, n’empêche que vous deviez vous ennuyer ferme » commenta mon fils.
« Pas plus qu’aujourd’hui ! » rétorquais-je du tac au tac. « Malgré toutes les technologies, ne t’arrive-t-il pas de t’ennuyer ? Tous ces progrès ont leurs limites. Nous faisions des travaux manuels que beaucoup de jeunes redécouvrent à nouveau. Nous écoutions de la musique à la radio ou des disques 78, 45 et 33 tours qui tournaient sur l’électrophone qu’on activait sans télécommande, eh oui, il fallait se lever ».
Les échanges furent vifs, drôles , parfois décalés, mettant chacun de nous face à ses contradictions et quand l’horloge de l’église sonna 1 heure, il était temps de ranger les albums et d’aller se coucher.
Le lendemain statut quo. Etions-nous victimes d’un virus informatique plus grave que la covid ? Ou pire encore, d’une cyberattaque de je ne sais quelle puissance étrangère qui nous veut du mal ? Pourquoi pas une invasion d’extra-terrestres ? Même mes théories les plus loufoques ne réussirent plus à détendre l’atmosphère, c’est vrai, j’avais beau dire, je ne travaillais pas, moi, et ça commençait à faire long. En début d’après-midi, le son familier signalant la réception de messages retentit enfin sur tous les téléphones. Chacun regarda les siens et oh miracle, le monde ne s’était pas écroulé par cette journée de panne que mon fils qualifiait de ‘’ vendredi noir’’. Mon conjoint s’était rappelé qu’il avait loupé un épisode de sa série préférée qu’il s’empressa d’aller regarder. Le ‘’call’’ si importants avait été reportés à la semaine suivante, au grand soulagement de Louis, qui s’enferma dans sa chambre pour rattraper le retard et moi, je j’étais allée lorgner du côté des mes blogs préférés. Alléluia, nous étions à nouveau connectés…Vraiment ?

De Lucette
Panne de réseau internet
Ce matin, je me suis réveillée, tout est blanc, tout est couvert de neige, les arbres dénudés, néanmoins majestueux avec les perles de cristal tout au long des branches. C’est un spectacle féerique. La neige vierge de toute salissure, aucune trace n’est venue la souiller, juste l’empreinte des oiseaux qui cherchent de la nourriture. Toutes les maisons ont revêtu leurs habits d’hiver avec cette blancheur qui éclaircit le ciel malgré tout. C’est tellement rare dans ma région que là, nous avons retrouvé notre âme d’enfant. Ah ! oui, j’ai oublié de vous dire que nous venons de subir une grosse tempête de neige qui va durer entre 2 ou 3 jours. Ainsi, nous n’avons plus aucun moyen de communiquer avec l’entourage, ni même avec les voisins les plus proches. Nous sommes en plein désert, non pas du Sahara, mais désert campagnard, pourtant très proche d’une grande ville.
Bon, il nous reste la télévision, avec toutes les « bonnes nouvelles » qu’elle nous distille à longueur de journée. On entend que les 3/4 de la France n’ont plus d’électricité, ni réseau internet, ni portable, et ce pendant plusieurs jours. Bon ! résumons… Que va-t-on faire de nos journées ? Va-t-on tourner en rond ? Se prendre la tête ? En vouloir à pas de chance ? Déprimer en se regardant dans le blanc des yeux ? Eh bien non, rien de tout ça.
On va faire une petite fête, rien que nous deux. On rentre du bois bien sec, on allume la cheminée. Dans une heure, il y aura une ambiance qui réchauffera nos pensées et nos cœurs. Ensuite, on va se faire un petit festin. Justement 2 tournedos nous attendent sur la plancha qui est prête, accompagnés de pomme de terre protégées dans du papier aluminium et cuites dans les braises. Hum ! Un délice nous attend…
Déjà la matinée est bien remplie. Après une petite sieste, les informations, toujours aussi pessimistes devant les dégâts et les gênes dus à la tempête, nous apprennent que « la normale » demandera plusieurs jours. Nous avons de la chance, il y a toujours l’électricité chez nous. Pas d’internet, ça me gêne un peu, je regarde la « box », je regarde mon portable et non toujours rien, pas de S.M.S, pas le moindre signe de vie…Que font nos proches ? Est-ce que tout va bien pour eux? Les routes étant impraticables, il faut attendre tranquillement sans faire d’imprudence.
Alors, on s’installe avec tous nos albums photos, et croyez-moi il y en a un pour chaque évènement important de notre vie. Pendant 2 heures, chaque photo nous rappelle un souvenir heureux ou malheureux. Ainsi, on dialogue en parlant de nos proches, ce que la vie a fait d’eux, on parle de nos chers disparus, on parle de nous aussi, notre vie se mêle à chaque photo.
Si tu le veux, dis-je à mon mari, on va faire une bataille de boules de neige. Il n’est pas trop chaud (au sens figuré comme au sens propre). Devant mon insistance et mon enthousiasme, il finit par accepter. Pendant une demi-heure, nous avons rigolé comme des gosses. Complètement gelés aux mains, on rentre, et je nous prépare un bon chocolat chaud. L’après-midi touche à sa fin, ce soir le dîner sera léger, on se rattrapera au prochain déjeuner.
Le lendemain, on réitère avec une belle flambée dans la cheminée, on termine le visionnage des albums photos, et on joue aux jeux de société. A quatre, c’est mieux, mais à deux, on peut aussi prendre du plaisir. Et après, si on regardait un bon vieux film que l’on adore tous les deux. Ah ! oui me dit-il « bonne idée » et nous voilà partis pour 2 heures à commenter, à rire toujours au même endroit, on le connait par cœur, mais toujours un immense plaisir de s’y replonger…La journée se termine dans le calme et la bonne humeur.
Le 3ème jour, j’ai ressorti un livre déjà lu et relu plusieurs fois, mais dès les premières lignes, ça y est, je ne suis plus là, l’histoire me happe et j’oublie tout ce qui m’entoure. Sans oublier mon recueil de poèmes qui me suit depuis des années, qui me sert aussi de journal intime. Là, je me suis isolée pour retrouver l’atmosphère de l’instant où je l’écrivais…
En fait, je fais le parallèle entre ma vie de jeune femme chez mes parents, qui n’avaient, ni ordinateur, ni smartphone, ni casque pour écouter la musique. La télévision est arrivée chez eux, quand tous leurs enfants étaient partis, et enfin, tout juste un téléphone à leur fin de vie. Ah ! mais nous n’étions pas de l’époque de Néandertal, nous avions un poste de radio, et croyez bien que les infos pour mon père étaient sacrées. Aucun bruit des enfants ne fusait à cet instant… Pourtant, mes parents avaient de la visite tous les jours avec des voisins, leurs enfants et petits-enfants. Chacun venait sans invitation, juste pour le plaisir de se voir, On s’écrivait pour les fêtes et anniversaires. Quelle évolution, pour ne pas dire révolution avec l’époque actuelle…Donc, le réseau est revenu au bout de trois jours, ça aurait pu continuer, j’avais encore de l’ouvrage pour m’occuper. Pour autant, avons-nous été submergés par les appels ???
Maintenant, dès le plus jeune âge, on offre cet « outil moderne », certes indispensable dans le monde de demain. Ados, jeunes adultes, puis adultes auront des dizaines, des centaines d’« amis virtuels ». Ils communiquent ensemble pour le bon comme pour le pire, et oublient qu’ils ont des proches âgés qui, faute de visite, eux aussi attendent un mot gentil par mail, ou téléphone ou par S.M.S. Un peu de douceur dans les dialogues, de la sincérité, des sourires dans la voix, ou demander simplement « comment allez-vous ? » De la vie quoi, de la vraie vie…
Les jeunes d’aujourd’hui, seront les vieux de demain, alors, que penseront-ils de ce monde de plus en plus individualiste, qui ne sait plus s’arrêter de courir, courir, courir…
Conclusion : Je vous laisse réfléchir. Dans quel monde aimeriez-vous vivre ? Avec les inconvénients et les avantages d’hier, sans tout ce matériel qui nous obligeait à être solidaires avec sincérité ou aujourd’hui avec toute sa technologie moderne, performante qui simplifie la vie dans certain cas, et qui, si on n’y prend pas garde nous isole de plus en plus, jusqu’à nous bouffer en peu de temps ? Vit-on mieux avec internet et tous ses dérivés ? Je vous laisse à votre réflexion…
De Mac
Panne de réseau

Paola se leva un peu plus tard ce matin-là. En ouvrant les volets, elle constata que la neige était tombée en abondance toute la nuit. Elle demeura quelques instants le regard suspendu sur le magnifique paysage qui s’offrait à ses yeux. Le jour s’était enfin levé : il faisait souvent la grasse matinée en cette période de l’année. Qu’importe, de nuit, de jour, elle adorait l’hiver.
Elle se hâta dans sa cuisine et se prépara son petit déjeuner : café chaud, jus d’orange pressé, et deux tartines de pain grillé. En se levant, elle avait constaté qu’il n’y avait toujours pas de réseau. Depuis deux jours, celui-ci faisait défaut dans toute la vallée qui se retrouvait ainsi, isolée du reste du monde, privé de téléphone et d’internet. C’était chose courante à Bessans, et cela ne l’affectait pas le moins du monde. Elle était venue passer quelques jours dans la maison familiale pour se ressourcer, alors, réseau ou absence de réseau : « peu me chaut » pensa-t-elle.
Paola avait vécu ici toute son enfance et son adolescence. Ses grands-parents, immigrés italiens venus de Bergame, s’étaient installés ici après la guerre. Ils avaient accepté de s’expatrier par nécessité, mais n’avaient pas pu se résoudre à quitter la montagne. Ils avaient donc posé leur baluchon à Bessans, un village isolé de la Haute-Maurienne. La neige le rend difficilement accessible pendant tout l’hiver. Ce qui donne l’impression aux trois-cent-soixante habitants – avec ou sans réseau – d’être parfois coupés du monde.
Maria, la grand-mère, joviale et excellente cuisinière, avait repris une épicerie-bar-tabac ; elle approvisionnait aussi les habitants en pains ronds et croustillants qu’elle faisait elle-même. Antonio, le grand-père, était artificier. Il déclenchait préventivement les avalanches et sécurisait ainsi la vallée. C’était un métier à risques : il fallait choisir avec soin le positionnement de la charge, calculer la quantité d’explosif, la longueur du cordon, la rapidité de sa combustion et bien sûr, le lieu de repli. En outre, il était indispensable de calculer et d’analyser les conséquences du dynamitage surtout en haute montagne. Il parcourait les monts dès l’aube, observant et analysant la qualité de la neige mais aussi les dangers liés à la météo et à l’environnement. Ce métier lui convenait parfaitement. C’était un solitaire, un taiseux qui aimait la vie au grand air. Antonio et Maria vécurent très heureux. Ils n’eurent qu’une fille Fiona.
Plus tard, Fiona reprit l’affaire familiale, transformant l’épicerie en restaurant. Grâce à Fernand son mari, qui exerçait le métier de cuisinier, l’établissement connut une grande notoriété. Ils le vendirent au moment de leur retraite et partirent s’installer sur la Côte d’Azur. Ils conservèrent toutefois la maison familiale. Paola terminait ses études à Lyon à ce moment-là. Son diplôme d’expert-comptable en poche, trouver un emploi se révéla facile. Un grand cabinet l’embaucha et commença pour elle, une vie professionnelle intense et une vie sentimentale chaotique qui l’empêchèrent de retourner pendant plusieurs années dans ses chères montagnes. Mais à présent, je suis là se dit-elle, et je compte bien profiter de chaque instant ! En grignotant sa tartine, son cerveau était en mode « grand débit ».
Son rêve inavouable était de changer de métier et de venir s’installer ici. Elle balaya cependant cette idée comme on balaie de la main une mouche trop insistante. C’était prématuré. Elle devait prendre ses marques. Elle avait été absente très longtemps. Tant de choses avaient changé. Elle ressentit brusquement le besoin de sortir, de s’aérer l’esprit. Elle souhaitait redécouvrir ce lieu magique et reprendre contact avec ses connaissances, ses amis. Oui, elle s’était égarée en s’installant dans ce que les Lyonnais nommaient la plus belle ville de France.
Les flocons avaient cessé de tomber. Elle se rendit au village et admira ses constructions traditionnelles en pierres et les toits de lauzes recouverts d’une épaisse couche de neige et de glace. Rien n’avait bougé. Elle se sentait heureuse, sereine d’être rentrée chez elle.
Devant plusieurs commerces, les diables sculptés semblaient monter la garde. Ils étaient partout, comme dans son souvenir. Mais ici, point de flammes, ni de feu, juste un magnifique manteau neigeux. Son diable préféré était celui aux yeux bleus tenant sa fourche de la main droite, les ailes déployées et le regard perdu vers les cimes. Il trônait toujours sur la place principale. Elle se souvint de la légende.
Celle-ci disait qu’à la fin du XIXème siècle, un conflit opposait le curé et un chantre. Ce dernier, qui devait avoir un esprit frondeur et facétieux, sculpta un diable emportant un curé dans ses bras et déposa l’objet sous la fenêtre du religieux. Le curé rapporta l’œuvre illico sur la fenêtre de son créateur. Celui-ci recommença, et le manège se poursuivit jusqu’à ce que le sculpteur, lassé, abandonnât la partie. La figurine resta sur un coin de fenêtre où un touriste la remarqua et l’acheta. Un singulier négoce venait de naître. Depuis à Bessans, la sculpture est une vieille tradition et le diable l’emblème de la ville.
Elle passa devant la chapelle Saint-Antoine, célèbre pour ses fresques, fit un vœu en chaussant ses raquettes, et prit le chemin de la montagne pour une randonnée en solitaire, jusqu’au hameau qui se trouvait plus haut, caché par les nuages.

De Laurence D

Ah quel temps béni entre tous que ces quelques jours ! Une merveilleuse panne de tous les diables nous a été offerte de nous rassembler ce weekend tout autour de la cheminée. Cheminée qui n’avait pas fonctionné depuis des années. Heureusement qu’il restait suffisamment de bois dans la grange. George m’avait assuré que nous aurions de quoi tenir plusieurs jours sans problème. D’autre part, il a fallu ressortir tout ce qui nous pouvait nous permettre de nous éclairer sans la fée électrique. Des bougies trouvèrent vite leur place dans la grande salle commune, là où se trouvait la cheminée, cœur de toutes nos attentions à l’instant où nous réalisions que nous allions y passer trois jours loin de toute civilisation.
Nous avions installé des lampes à pétrole dans les deux chambres de l’étage, chacun de ses occupants aurait à sa disposition de quoi s’éclairer correctement. Nous étions « coincés » ici, le temps que le chasse-neige déblaie la route principale qui menait au village. La panne électrique qui sévissait dans toute la vallée, nous ne l’apprendrions qu’après coup, ne serait pas réparée qu’avant le lundi. Nous devions fêter l’anniversaire de Mathilde et nous n’avions pas envie de nous laisser envahir par la morosité de ces nouvelles.
Tous les téléphones furent déposés sur le meuble de l’entrée. Ils n’étaient plus que des coquilles vidées de leur substance originelle. Personne n’a eu le moindre regret en se disant qu’il allait rater quelques nouvelles « inédites et fantastiques ». Nous nous sentions dans une sorte de bulle de bien-être, la neige qui recouvrait le paysage jouait son rôle d’isolant hors de l’agitation du monde ordinaire.
Je pris en charge le repas du soir, une soupe de légumes réalisée avec les légumes apportés de notre jardin. Nous avions de quoi tenir un siège avec les victuailles que nous avions. La cuisinière à bois fut remise en service et un délicieux fumet se propagea dans toute la maison. Quelques grandes tranches de pain recouvertes de jambon sec et de comté compléteraient ce repas tout à fait dans l’ambiance du moment. Nous avions faim. On déboucha une bouteille de vin rouge. Tu as eu l’idée de nous préparer ce vin chaud à la cannelle dont ton père régalait les grandes personnes autrefois aux fêtes de fin d’année, lorsqu’il faisait bien froid. Je me souviens… Au retour des longues balades avec les parents, chacun remplissait son verre et nous, les enfants, n’avions le droit qu’à une petite gorgée, divin nectar qui me transportait aujourd’hui vers un paradis perdu. C’était de doux moment de partage, de rire, de communion entre tous les membres présents. Je n’étais qu’une enfant mais c’était une sensation de bonheur et de plénitude et j’aime me la remémorer régulièrement, surtout lorsque je sens qu’autour de moi, tout va trop vite et que la machine s’emballe dans ma vie.
Puis, je regardais ceux qui m’entouraient pour ce weekend un peu particulier et je me disais qu’il y avait longtemps que nous n’avions pas disposé de ce temps « hors du temps », avais-je envie de dire. Pas de petits bruits discrets qui émanaient d’un quelconque écran. Ecran, qui discrètement mais tyranniquement, nous tirait vers des préoccupations extérieures à celles présentes là, ici et maintenant. Seulement nous, rien que nous ! Sans liens d’aucune sorte à ce qui n’était pas notre univers en dehors de ces quelques jours. Je sentais que les respirations devenaient plus profondes, plus amples. Chacun prenait ses marques et occupait l’espace à sa manière, sans empiéter sur celui de l’autre.
Il faisait bon, cela sentait bon. Je choisis de m’asseoir dans le gros fauteuil face à la cheminée. Je sentais mes paupières s’alourdir. J’étais bien. En sécurité. Je finis par m’endormir.

Au moins, l’atelier d’écriture vous aura apporté un peu de réconfort entre le froid, le virus, les cas contact, les infos peu réconfortantes. Souvent, vous partez dans des directions différentes, mais sur cette thématique, vous vous êtes beaucoup rejoints. C’est drôle, n’est-ce pas?

Je vous souhaite une belle semaine créative.

D’ici là, portez-vous bien et surtout continuez de prendre soin de vous, coûte que coûte!

Créativement vôtre,


Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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