La proposition d’écriture N° 121 vous a amenés à témoigner, à inventer des personnages dans des situations particulières. Toutes les histoires ne sont pas tristes.
Il faut quand même avouer qu’il est rare qu’un atelier d’écriture propose d’écrire sur la vieillesse.
Je l’ai fait, même si je sais que pour certains et certains, cela remue des souvenirs douloureux de leurs chers disparus.
C’est ma façon à moi de témoigner contre une des absurdités insoutenables de notre société.
Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
De Patricia
Rencontre avec une idole
À l’aube de ses quatre-vingt-sept ans, Madeleine Kramer est une vieille dame dynamique aux cheveux bruns et aux yeux marron rieurs. Du haut de son petit mètre soixante, elle est pleine d’énergie et encore très alerte. Elle vit seule dans son appartement acheté avec son mari aujourd’hui décédé, au troisième étage d’un bel immeuble parisien.
Madeleine est une rêveuse. Son caractère romanesque lui fait adorer toutes les comédies romantiques et les séries à l’eau de rose, de Dallas à Dynastie en passant par les Feux de l’amour.
Ce matin-là, comme tous les jours, Madeleine se lève à l’aube. Elle dort peu et n’a jamais réussi à faire une grasse matinée. Elle s’habille rapidement ayant fait sa toilette la veille au soir. Madeleine ne s’est jamais maquillée. Elle applique juste un peu de crème sur ses joues aux pommettes rebondies et autour des yeux si peu ridés pour son grand âge. Sa peau mate a conservé une certaine jeunesse et son visage est peu marqué par les années. Elle n’a jamais fumé (elle n’a jamais su) et jamais bu d’alcool (par goût, elle n’a jamais aimé, même pas le champagne). Elle a toujours mangé sainement et sa seule gourmandise fut et est encore un carré de chocolat noir. Autant dire qu’elle est restée mince et en bonne santé, mais c’est aussi une chance bien sûr !
Après s’être préparée, elle enfile manteau et chaussures, sort de son appartement et appelle l’ascenseur. Regardant sa montre, elle juge qu’il est assez tard pour toquer chez sa voisine et amie Jeannine. Celle-ci ne met que quelques secondes à ouvrir la porte, mais elle est encore en robe de chambre.
Bien qu’elles se connaissent depuis plus de trente ans et qu’elles aient, à quelques mois près, le même âge, les deux femmes se sont toujours vouvoyées.-Bonjour, Jeannine, comment allez-vous ce matin ? demande Madeleine.
-Oh, j’ai eu du mal à me lever !
-Ah bon et pourquoi ?
-Je me suis couchée tard hier. J’ai regardé l’émission sur Dynastie à la télé ! Vous savez avec Joan Collins.
-Ah oui, je me souviens. J’aimais bien cette série aussi.
-Eh bien, reprend Jeannine, les yeux brillants, il s’avère que l’actrice est à Paris aujourd’hui !
-Ah bon ?
-Oui, elle a écrit un livre qu’elle doit dédicacer à la Galerie Vivienne.
-Non ? Mais c’est à deux pas de chez nous ça ! s’écrie Madeleine.
-Oui, du coup je me disais qu’on pourrait peut-être y aller. Qu’en pensez-vous ?
-J’en pense que c’est une excellente idée ! Savez-vous à quelle heure commencent les dédicaces ?
-Je crois à partir de 14 h.
-D’accord, alors je passe vous prendre à 13 h 30.-Très bien, répond Jeannine, tandis que Madeleine s’engouffre dans l’ascenseur qui vient d’arriver à sa hauteur. Quelques heures plus tard, les deux vieilles dames sont face à l’Abbey Bookshop, au milieu d’une queue d’une centaine de personnes se pressant devant la librairie dans l’espoir d’apercevoir leur idole. La plupart sont des femmes de plus de soixante ans.
Madeleine et Jeannine se sentent comme deux midinettes, excitées et joyeuses, à l’idée de rencontrer celle qui les a fait rêver, devant leur poste de télévision, il y a quelque trente ans, en jouant la magnifique garce aventurière et cupide Alexis Colby. La comédienne demeure indéniablement belle et, sous le maquillage soigné, ses traits restent fins et distingués.
Les deux voisines et amies sont en admiration. La queue avance petit à petit et elles ne sont soudain plus qu’à quelques mètres de l’actrice. Prises de panique, elles se rendent compte que ni l’une ni l’autre ne parle un seul mot d’anglais. Arrive enfin leur tour, elles approchent timidement et Joan Collins leur dit alors, un sourire éclatant aux lèvres, dans un français parfait teinté d’un léger accent :Bonjour Mesdames ! Quel prénom dois-je mettre sur la dédicace ?
De Marie
“Chère Joséphine,
Un jour de janvier 1999, j’ai fait votre connaissance à l’hôpital. Vous étiez là, si fragile sous vos draps jaunes.
Je lis sur votre dossier :
« Joséphine B. âgé de 72 ans, hospitalisée dans la nuit à la suite d’un malaise ; amenée par les pompiers ; domiciliée aux Lilas dans le 93 ; vit seule, n’a apparemment aucune famille ».
Assise près de votre lit, je vais pénétrer dans votre vie ; doucement, simplement.
Vous me regardez avec de grands yeux si lumineux, surprise que l’on s’intéresse à vous.
Oui, vous vivez seule, vraiment seule. Vous ne connaissez personne dans cette ville et vous n’avez aucune aide. Comment êtes-vous arrivée de la Sarthe jusqu’aux portes de Paris ? Je n’en saurais jamais rien.
Vous parlez lentement. Les mots sortent difficilement ; j’attends, devant ce que je perçois comme une gêne et surtout une honte à dire. Je vous explique que vous avez tout le temps et que je vais revenir après la visite du médecin. La visite médicale effectuée, c’est le moment du partage des informations concernant chaque personne hospitalisée. Vous Joséphine, vous êtes au centre de notre préoccupation. Les conclusions de l’interne sont pour moi, pour nous, un choc.
Malnutrition, en hypothermie, les membres déformés, plaies diverses et visibles bien que datant d’un certain temps. Le diagnostic médical penche pour un AIT.
Après les comptes rendus des radiologues, nous savons que vos membres déformés sont dus à de multiples fractures mal ressoudées car non prises en charge. De même pour les diverses plaies.
Vous me racontez, toujours avec la même douceur, votre vécu. Originaire de la Sarthe, vous avez travaillé comme « bonne à tout faire » chez des particuliers. Vous n’avez pas d’enfant, par contre vous aviez un mari. C’est lui qui est à l’origine de votre difformité ; les coups qui ne cessaient de pleuvoir, les brimades, les insultes vous me les racontez sans haine, sans mots violents. Vous avez géré seule, totalement seule.
Les jours qui suivent votre entrée à l’hôpital vont être l’occasion de mieux vous connaître. Il y a toujours des moments difficiles, toujours, dans notre métier ; mais il y a ceux qui sont plus difficiles que d’autres.
Lorsque votre sortie du service est programmée, je décide, avec votre accord, d’aller à votre domicile pour connaître vos conditions de vie. Les commerçants qui vivent en dessous de chez vous ont les clés ; ils sont vos loueurs. Je sais ainsi que ce sont eux qui ont appelé les pompiers suite au bruit fait par votre chute sur le sol. C’est bien la seule chose qu’ils aient fait de bien pour vous. La porte de votre appartement s’ouvre. Je suis pourtant habituée aux découvertes hors normes, mais là, nous sommes happées, l’une des infirmières du service et moi, par l’état des lieux. Grande pièce, impeccablement propre, bien rangée. Un modeste lit, peu de meubles, un évier, un petit réchaud électrique.
Gris, tout est gris, sombre, décrépi dans votre univers quotidien. Aucun confort. Les commodités, comme on dit, sont sur le palier.Mais où est le chauffage ? demandons-nous à la commerçante /loueuse qui nous accompagne.
Ça alors, nous pensions qu’elle avait acheté un radiateur électrique, s’exclame-t-elle. Un peu gênée ? je veux le croire !Nous demandons à cette femme de nous laisser ; rien dans votre modeste lieu n’est à prendre. Même le placard est vide de presque tout, à croire, Chère Joséphine que vous n’avez quasiment aucun vêtement. Ce qui va s’avérer être le cas. La misère à l’état pur et ceci à l’orée de l’an 2000.
Nous sommes envahies en quelques minutes par un froid intense. Comment avez-vous pu vivre ainsi. Intenable.Comment peut-on habiter dans un tel endroit, me demande effarée Carole ?De retour à l’hôpital, je rencontre les neurologues. Pas question de vous faire sortir cette semaine. Je dois vous trouver un point de chute décent.
Je vous explique que je vais prendre contact avec l’association « Les petits frères des pauvres» pour avoir une chambre dans l’appartement qu’elle gère dans le onzième. Vous me tenez la main. Je serais presque tentée de penser que vous n’avez jamais eu, dans votre existence, la moindre attention.
Joséphine vous avez passé dans ce lieu si accueillant les huit plus belles semaines de votre pauvre vie. Vous nous l’avez tellement dit avec ce sourire qui vous allait si bien.
En attendant une place dans un hôpital pour personnes âgées de la région parisienne, je n’ai pas d’autres alternatives que de prévoir votre retour à votre domicile. Croyez bien que j’en suis désolée. Je demande – j’exige – moyennant une somme donnée par des associations, que les commerçants charcutiers, vos loueurs, vous fournissent de quoi vous nourrir, en plus de l’aide de la mairie. Avec l’argent récolté, un chauffage provisoire est installé. Des vêtements vous sont offerts ainsi que d’autres produits de nécessité. Je suis toujours émue par la générosité des gens ordinaires. Lorsque je vous fais cadeau de linge de lit, vous m’offrez un merveilleux présent : un petit pot à lait pour ma collection ; il est là, face à moi. L’un de mes plus beaux cadeaux reçus !
L’aide-ménagère me tient informée. Joséphine, vous êtes toujours émerveillée d’être aussi chouchoutée. Vous en pleurez parfois de bonheur. C’est bon les pleurs quand ils sont de joie. Nous allons vous voir régulièrement. Moi, quand mes obligations me le permettent, les bénévoles, mais aussi des voisins qui ont eu écho de votre misère. Ce qui me fait dire qu’il y a de l’humanité en ce monde ; il suffit de dire…juste ce qu’il faut.
Arrive le jour où il faut faire vos valises. Vous riez de voir que c’est comme vous dites « une grande malle qui déborde, j’ai jamais eu tout ça ».
Le taxi arrive, la porte se ferme définitivement sur un pan de votre vie. La commerçante est présente ; elle vous a bien aidée lors de votre retour, ainsi que son mari ; à croire qu’ils voulaient se racheter. Je ne me rappelle d’eux que dans cette phase de votre existence….
Vous êtes triste de quitter ce lieu et de perdre cette nouvelle famille que vous vous êtes créée en si peu de temps. Grâce à vous, à votre gentillesse, Joséphine, la « petite mère » comme je vous nomme lorsqu’il arrive que je parle de vous.
Direction la banlieue nord de Paris.
Chère Joséphine, je n’avais pas d’autre solution. Quelle douleur lorsque je suis allée vous rendre visite avec Marie Claire, animatrice chez les Petits frères des pauvres. On sait, mais on ne veut pas y croire.
Vous étiez dans ce lieu, entourée par de nombreuses autres personnes âgées. Qui comme vous étaient attachées sur leur fauteuil. Tristesse, désarroi. Devant mon insistance, une aide- soignante a accepté d’enlever vos liens. Et de changer votre couche. Quelle humiliation pour une femme humble et propre comme vous. Nous sommes allées faire un tour dans le parc. Vous ne parliez plus. Vous nous regardiez comme si nous étions vos sauveuses. L’espoir était dans votre regard ; la culpabilité dans le nôtre. Que faire ? impossible de refaire un séjour à « l’appartement » sous peine de perdre la place dans cet établissement. Impossible de vous offrir à nouveau un havre de bonheur.
Nous sommes reparties, en silence. Sachant qu’à nouveau vous alliez être replaquée sur votre fauteuil de douleur. Il parait que vous aviez tendance à fuguer ; ce qui s’est avéré exact. Mais quelle cruauté !
Lors d’une autre et ultime visite, je me suis fait interpeller par le personnel. Me reprochant de vous avoir laissé ma carte. Vous aviez été retrouvée errant dans la rue avec le petit papier mentionnant mes coordonnés.
Vous avez été privée de tout. Y compris de mes épisodiques visites, car j’ai été considérée comme persona non grata. J’étais trop « curieuse », trop présente en paroles en tentant de faire bouger les lignes auprès des responsables. En vain !
Un jour, est arrivé l’appel. Mon nom étant mentionné comme la « personne à prévenir ». Malheureusement, j’étais absente. Et comme « on » a constaté que je n’étais « que » un membre du personnel de l’hôpital, l’information n’a pas été donnée.
Lorsque j’ai pris de vos nouvelles, vous étiez partie pour toujours. Seule.”
De Jacques
Cadre noir
Une main dans l’autre
Un signe, un soupir, une parole
Le regard fixé dans le vide
À compter le nombre de tuiles sur le plancher
Imaginer des dessins, des chemins
La télé ouverte gronde des mots, des phrases
L’inutile distraction qui ne s’entends plus
Qui ne se voit presque plus
Fatiguée, elle ferme les yeux
Somnoler, une solution, l’oubli enfin
Fuir, partir loin et rêver
Rêver quoi? Les Trois-Pistoles?
À la vie heureuse perdue?
Les coups de vents des passages
Leurs visages
Tombée dans le vide de son mal
Le mystère de perdre la vie
Si lentement, si lentement
Ils l’ont encore assise tout croche
Le mal s’acharne
La marche impossible, le mouvement aussi
L’usine du soin aux vieux, le mouroir
L’implacable incapacité à redresser son restant de vie
Quel est ce malheur qui s’entête?
Son corps si petit, si fragile
Son corps décharné tremble, le froid
Par sa chaleur abîmée
Par la porte ouverte, elle guette
Attendre, encore attendre
Où sont-ils? que font-ils?
Seule, elle est seule,
Peur, elle a peur… mourir seule
Surprise par le silence et les appels
Ils m’aiment
Quel chemin montrent-ils?
La lumière, enfin partir!
D’Annie
Sonnet : Vieille
L’autre jour je pleurais rongée par le chagrin
Inutile, esseulée, vieille et abandonnée.
Je regrettais la vie je ne voulais plus rien.
Désespérée, livide et mes larmes coulaient.
Je regardais le ciel qui pleurait avec moi.
Le vent poussait au loin des nuages miteux
Et j’y vis un linceul qui n’attendait que moi.
La télé s’en mêla : « On maltraite les vieux ! »
La coupe était trop pleine, j’allais vers mon tiroir
Pour y prendre un cachet ou deux, un peu d’espoir.
Le médecin m’en prescrit tant que j’accumule !
Alors c’est l’étincelle devant ce monticule
Inutiles les vieux ? Mais non ! Obligatoires
Pour tous les pharmaciens et les laboratoires !
De Marie-France
L’attente
Encore un jour comme tous les autres jours… à moins qu’elle ne lui téléphone…C’était samedi aujourd’hui, vers 5 heures c’était possible, c’était son heure. Il y avait un mois déjà qu’elle n’était pas venue et presque quinze jours qu’elle ne l’avait pas appelé. Quand elle lui téléphonait, c’était du soleil garanti pour toute la journée et même pour les jours suivants… quand elle venait c’était pour toute la semaine …Peut-être aujourd’hui !
Qu’elle vienne le voir, il ne fallait pas rêver ! Elle était débordée, elle ne trouvait pas le temps. « Je suis tranquille, disait-elle, je sais que tu es bien entouré ». Oui, il était bien entouré, elle pouvait être tranquille, il ne manquait de rien, sauf de l’essentiel !
C’était la nuit que ça tournait dans sa tête, la nuit qu’il la maudissait, qu’il la trouvait injuste et égoïste : elle n’avait pas un instant ? Même très court pour l’appeler ou lui envoyer un texto ? Il ne demandait pas grand-chose, juste un coucou, même juste un smiley souriant ! Quelque chose qui lui dirait : « Je pense à toi », quelque chose qui lui dirait qu’il ne l’avait pas perdue tout à fait, que leur complicité existait encore un peu.
C’était la nuit que tous ses muscles étaient tendus, tellement qu’ils lui faisaient mal et que cette boule se coinçait dans sa gorge, la nuit qu’il ne cherchait plus à retenir ses larmes, la nuit qu’il pensait : rassurée ou débarrassée ? La nuit qu’il n’était plus rien pour elle, qu’elle l’avait abandonné, la nuit qu’il ne servait plus à rien, qu’il était juste une source de soucis, la nuit qu’il se demandait : à quoi bon tout ça !
Il se cala dans son fauteuil devant la fenêtre, il ferait beau aujourd’hui, il irait marcher un peu dans le parc ce matin. Cet après-midi, il attendrait… si jamais elle appelait, il faudrait qu’il soit là.
Dans la journée, il se raisonnait. C’était lui qui avait choisi de quitter son appartement. Il ne voulait pas pour elle les contraintes qu’il avait acceptées pour sa mère. Elle était restée chez elle et sa vie à lui s’était bien compliquée. Il ne regrettait pas, il revoyait son sourire lorsqu’il arrivait ! Pour rien au monde il n’aurait voulu la priver de ce bonheur ! Il y passait tous les jours, et pourtant, certains soirs, il culpabilisait…. Il restait si peu de temps avec elle, et souvent ce peu de temps lui pesait, et il se faisait violence pour y aller, et il s‘en voulait. Cette insatisfaction, cette impression de ne rien faire bien, de n’avoir le temps de rien, Il s’était bien juré de ne jamais faire subir ça à sa fille. Alors oui, il avait choisi la maison de retraite.
Elle était bien cette pension, il y en avait des gens qui auraient voulu avoir sa chance, comment pouvait-il se plaindre ! Une belle chambre du personnel aux petits soins… il avait tout pour être heureux ! Mais cette solitude !
Elle ne savait pas comme il était en mal d’elle. Même d’ailleurs quand elle venait. Elle était là, ils étaient là tous les deux, mais c’était comme s’ils n’avaient plus rien à se dire. Tout allait toujours bien, jamais rien à raconter « Tu sais la routine, c’est tout ! » et lui n’osait pas lui dire comme sa vie était vide, comme leurs échanges lui manquaient, comme ses petits-enfants lui manquaient. Il s’était beaucoup occupé d’eux lorsqu’il était encore chez lui, valide, mais venir à la maison de retraite, voir tous ces vieux tordus, voutés, en fauteuil pour certains, ce n’était pas un spectacle pour des enfants, sauf qu’ils étaient grands maintenant, certains presque adultes ! « Tu les vois quand tu viens à la maison ! » Oui, deux à trois fois par an à peu près, pour un repas familial : Noel, anniversaire ! Oui, c’était le bon terme, il les voyait c’est tout, au milieu de toute la famille, il n’y avait plus aucun échange.
Ne pas lui faire de peine, ne pas la culpabiliser, la laisser vivre sa vie, c’était pour ça qu’il avait voulu être placé, il n’allait pas tout foutre en l’air maintenant ! Elle lui avait dit « Tu auras de quoi t’occuper, tu seras vraiment bien ici, tu ne seras plus seul, on prendra soin de toi, et plus rien à faire qu’à te laisser vivre ! » Oui, rien à faire…se laisser vivre…mais pourquoi vivre si c’était ça sa vie maintenant ?
Cet après-midi-là, il n’eut pas envie d’aller se mêler aux autres, c’était un jour de nostalgie, un de ces jours où le passé était si présent et le présent si lointain, si vain.
Il sortit son album photos, le parcourut, retrouva des moments de tendresse avec elle, avec sa femme, avec sa mère, c’était sa vraie vie qui défilait. Mais c’était trop d’émotion, tous ces souvenirs. Il rangea l’album, et prit ses mots croisés, sans grand enthousiasme parce qu’il fallait qu’il s’occupe, qu’il combatte son apathie. Il n’était pas vraiment motivé, pas efficace, les mots qu’il lisait avait du mal à s’imprimer dans son cerveau, il devait relire les définitions, mais il ne trouvait pas, parfois il lui semblait qu’il avait trouvé sauf que le mot ne venait pas, il restait coincé, il savait qu’il savait, mais le mot se refusait à lui. Ça lui arrivait de plus en plus souvent de perdre un mot dans sa tête, et aussi de ne plus se souvenir, d’oublier ce qu’à l’instant même il voulait faire, ou aller chercher et ça l’effrayait…. Son regard allait se perdre dans le parc, sans vraiment le voir, puis revenait à ses définitions sans vraiment chercher à les résoudre.
Il l’attendait, tout en s’en défendant, essayait de se plonger dans ses mots croisés, mais son esprit s’en détachait et ses yeux revenaient se perdre dans le parc.
Et il vit, sortant du bois, une biche qui avançait vers lui, à pas lents, s’appuyant sur des pattes si minces si fragiles, son corps se balançait légèrement. Elle s’approchait dévoilant les différents ocres bruns de sa robe, la rondeur de son poitrail, l’élégance de son cou portant haut une tête si fine et des yeux si grands qui allaient de droite à gauche comme pour contempler ce qui l’entourait. Souvent, des biches venaient dans le parc, il les voyait, mais jamais il n’avait remarqué tous ces détails qui soudain le fascinaient, l’émerveillaient. Et il vit aussi les pâquerettes parsemant la pelouse, le soleil qui jouait dans les feuilles des arbres, l’allée de graviers, tout en ondulations, qui faisait le tour du parc et allait se perdre dans les résineux du fond, la pièce d’eau et les larges feuilles des nénuphars qui la recouvraient, les coupes de pétunia aux couleurs éclatantes qui ornaient la terrasse, les oiseaux, sur la mangeoire installée à la branche du gros frêne, toujours un peu inquiets, ailes à moitié déployées, la tête allant de droite à gauche, observant tout en picorant, prêts à partir à la moindre alerte… Tout à coup, l’animal se retourna, lui offrant la vue de son postérieur tout en rondeur et cette petite queue courte sur fond de pelage blanc. Elle bondit, sauta, galopa vers les arbres du fond du parc et s’y enfonça.
Il ne vit pas qu’avec ses yeux, un frémissement le parcourait lentement en contemplant ce qu’en fait il voyait tous les jours, et qu’il n’avait jamais vraiment regardé, ce n’était qu’une vision d’ensemble, un décor. Il lui semblait le redécouvrir, et chaque détail devenait important et pénétrait en lui lentement, profondément, tout en douceur et son corps se détendait, s’apaisait et il avait l’impression de s’enfoncer dans son fauteuil, d’être happé par son fauteuil et en même temps de flotter, tête vide, libérée. Une telle sensation de bien-être, il était juste bien, là, dans son fauteuil…
Ce soir- là le téléphone ne sonna pas. Etrangement, cette douce quiétude ne le quitta pas de la soirée et aucune pensée pénible ne l’empêcha de s’endormit rapidement.
La biche était là, elle l’attendait au coin de son sommeil, elle le regardait avec insistance et tendresse, il lui sourit, elle se retourna, commença à s’éloigner, mais elle tournait sa tête vers lui comme pour l’inviter à l’accompagner. Il la suivit. Ils traversèrent la pelouse, les pâquerettes se couchaient à leur passage mais rapidement relevaient fièrement la tête, elles les accompagnèrent tout au bout de l’allée, ne les abandonnèrent que lorsque qu’ils atteignirent cette lumière blanche, si intense, si attirante, qui semblait venir de si haut…
Il s’agrippa au cou de l’animal et ils s’y s’engouffrèrent…
De Jean-Noël
Simone et Victor
Quinze ans déjà…toutes ces longues années passées sans Victor, son époux. Simone avait fini son petit déjeuner, lavé et rangé sa vaisselle, c’était le moment de passer à la toilette matinale. Tout un lot de gestes répétés chaque matin sans déroger à quoique ce soit. Le choix des vêtements du jour était simple, elle avait préparé ses affaires la veille au soir, avant d’aller au lit. Il était temps de se préparer à sortir, le loden et l’écharpe assortie sur les épaules, la serrure verrouillée à double tour, l’ascenseur sur le palier du premier étage, Simone prenait pied dans le monde de dehors, là où les gens s’affairaient et allaient dans tous les sens. Elle se disait souvent qu’elle rentrait dans la fourmilière ; cela ne l’effrayait pas, bien au contraire, elle s’en amusait à chaque fois et prenait plaisir à observer ces gens si préoccupés qu’ils ne voyaient jamais ceux qu’ils croisaient, à croire que la vie les rendait aveugles.
Il était grand temps de se rendre à la boulangerie pour acheter la demi-baguette de pain ; tout ce rituel était immuable, elle s’y était volontairement astreinte depuis que son défunt mari l’avait quittée. Cela lui permettait de dépasser l’inconfort de la situation : suivre un rythme différent de celui qu’ils avaient instauré ensemble tout au long de leur vie commune ; Victor ne faisait plus partie de la vie de ce douillet appartement rempli de souvenirs du temps passé. Bien sûr, Simone ne l’oubliait pas, elle entretenait sa mémoire, mais à sa façon.
Aujourd’hui, vendredi 24 avril, était un jour particulier. Il marquait le départ d’une vie nouvelle depuis que l’âme de son chéri avait été rappelée là-haut, dans cet endroit d’où l’on ne revient jamais et où l’on est désormais en état d’attente perpétuelle.
Ce 24 avril d’il y a quinze ans marquait le jour de son retour dans l’appartement conjugal après une longue période passée chez sa fille, le temps de trouver l’apaisement qui lui permettrait de vivre la vie d’après…
Chaque année de ce jour-là, Simone faisait le même plat au repas de midi, celui que son mari adorait : escalope de veau panée et tagliatelles au beurre, précédés d’une salade verte aux noix tandis que le repas s’achevait avec un éclair au café, le tout arrosé d’un vin de Bordeaux, un cru bourgeois de bonne facture qu’ils commandaient directement au Château.
Cette journée annuelle consacrée au souvenir de Victor était un moyen de redonner de la vie à l’être cher en matérialisant certaines choses de façon ponctuelle et simple. Une fois la journée passée, tout redevenait comme à l’habitude, un quotidien bien rempli, dans lequel chaque chose ou action avait son rôle. Courses et cuisine le matin après les ablutions, le repas dans la cuisine face à la fenêtre à travers laquelle elle pouvait contempler le ballet des mésanges, rouges-gorges, pinsons, verdiers et moineaux.
Dès qu’elle avait fini de ranger sa vaisselle, elle se rendait au salon, s’asseyait dans son fauteuil et jetait sur ses genoux le plaid en alpaga que sa fille lui avait offert il y a quatre ans pour son anniversaire. Une fois confortablement installée, elle allumait le vieux transistor Philips, cadeau de mariage d’une cousine dont elle avait été très proche, puis elle s’assoupissait, bercée par la légèreté des symphonies musicales de France Musique. Vers les quatre heures, le retour de sieste se faisait en préparant une tisane ou une infusion d’herbes japonaises dont elle se délectait.
Le moment créatif était venu, Simone allait s’asseoir derrière son bureau transformé en atelier de peinture où elle réalisait de fort belles aquarelles : paysages du comté du Warwickshire et de l’Avon aux jolies demeures en toit de chaume qu’elle avait visités jadis avec Victor et dont ils avaient ramené quantités de photos, portraits d’enfants, dessins humoristiques qu’elle réalisait avec une certaine virtuosité (elle avait toujours eu ce coup de crayon magique qui lui permettait d’extérioriser ce qu’elle imaginait dans sa tête).
Lorsque le jour commençait à décliner, cela signifiait que le moment était venu d’aller faire le tour du parc de la résidence avant de préparer le dîner : un potage et une tranche de jambon ou un œuf à la coque et un laitage faisaient l’affaire.
La fin de la journée était consacrée à la lecture de romans, nouvelles ou revues hebdomadaires. Et à l’heure du coucher, c’était le retour à la salle de bains, chemise de nuit et… au lit : ni lecture ni musique, mais un moment bienvenu de méditation qui l’autorisait à passer une nuit complète d’un sommeil réparateur jusqu’au lendemain matin et invariablement à huit heures précises.
Lorsqu’elle émergeait des limbes nocturnes, Simone étendait son bras et posait sa main à l’emplacement où dormait son homme autrefois ; c’était sa façon à elle de le saluer et de se dire que même absent il était toujours avec elle.
Une existence réglée comme une partition musicale, sans fausse note, où chaque moment de vie avait sa place, dans un tempo variable selon la période de la journée. Les matins étaient «vivaces», les après-midis “moderato” et les soirées “lento”. Cependant, Simone s’accordait parfois quelques “adagio” ou “allegro” quand l’humeur lui prenait…
Simone vécut ainsi dans le souvenir assumé de son époux Victor jusqu’à l’âge de cent quatre ans, un 24 avril… Elle avait juste oublié de se réveiller ce matin-là.
De Catherine
Jeudi à l’EHPAD
Quel jour sommes-nous ? J’espère juste qu’on n’est pas jeudi ! Oh , faîtes qu’on ne soit pas jeudi ! C’est un jour terrible pour moi, à cause de la grosse Josette. Quand elle n’est pas de service à cet étage, ma vie est plutôt agréable ici. Les soignants sont doux, serviables et très empathiques, sauf la grosse Josette. Elle est tellement mielleuse avec ses collègues que personne ne pourrait soupçonner de quoi elle est capable. Même ma fille, qui vient tous les lundis parce que c’est le jour de fermeture de son magasin, ne peut imaginer les sévices de l’infâme Josette sur mon humble personne. Et que je te mets des gifles quand je n’arrive pas à enfiler ma manche du premier coup ! Et que je te traîne par la chemise de nuit pour aller faire la toilette avant que j’aie eu le temps de m’équilibrer ! Et que je te pince sous la douche! Et que je te prive de café au petit déjeuner ! Et que je t’insulte !… Tout ça accompagné de menaces de représailles si je parlais !
C’est aussi pour ça que je n’en parle pas à ma fille. De toute façon, elle n’a pas d’autres solutions pour moi que de me placer dans cet établissement. Les places sont tellement rares partout, que quand on en tient une, il faut la garder, surtout à ce prix-là. Alors j’endure, tout en souhaitant que le prochain jeudi n’arrive jamais, ou que la Josette soit malade pour de très longues semaines. J’espère toujours que ma fille ou les autres soignants remarquent les bleus qui parsèment mon corps, mais à coup sûr, ils mettront ça sur le compte d’une mauvaise circulation ou de maladresses répétées.
— Madame Joubert ! C’est incroyable ! Vous avez encore de nouveaux bleus ! Il faut faire attention quand vous vous déplacez. Vous allez finir par vous faire mal !
Moi, misérable gardienne d’un terrible secret, je souris lâchement et tristement, muselée par les terrifiantes menaces de l’autre. Je pense ne pas être la seule à subir les violences de la matrone, mais maligne comme elle est, elle doit sélectionner une seule victime par étage : suffisant pour assouvir ses penchants pervers et dissiper une infime once de soupçon à son égard.
Les autres jours de la semaine, je suis plutôt gaie, dynamique, pétillante, et je profite de tous les plaisirs offerts aux résidents. Mais le jeudi, je me terre dans ma chambre, avec l’envie de disparaître et la peur au ventre que la porte s’ouvre.
Dans la vie réelle, je ne sais comment échapper aux griffes du monstre, alors mon subconscient s’y emploie dans mes rêves. La nuit, mon cerveau échafaude des plans aussi fantasques que diversifiés pour faire cesser cette torture. Cette nuit, dans mon rêve, j’étais tétanisée et avais perdu la parole. J’ai subi ma raclée hebdomadaire avec des larmes muettes pour unique défense. La peur m’a fait déféquer sur moi. Alors, l’heure de la vengeance a sonné. Comme une autre comparse de faits divers avec son sang, j’ai trempé mes doigts dans mes excréments et tracé en grosses lettres sur le mur le message qui me sauverait : « LA GROSSE JOSETTE ME BAT TOUJOURS ». Et la justice fera son œuvre.
Un rêve qui fait du bien malgré tout, mais qui ne dissipe pas ma peur de ce matin : « Quel jour sommes-nous, aujourd’hui ? ».
De Lisa
Inspiré de la chanson de « j’aurais voulu t’aimer » de Michel Sardou
Tous les dimanche après-midis, Aymeric va voir son père, à la maison de retraite, atteint de la maladie d’Alzheimer.
Arrivé dans sa chambre, il lui dit bonjour et comme à leur habitude, le paternel entame la conversation où le passé revient au galop.
Mais là, il est surpris de voir le vieillard parler à voix haute de son grand frère décédé et de leur grand-mère, pensant lui adresser la parole. Il va découvrir que son aïeule est une bipolaire.
Elle aurait voulu t’aimer
Comme on aime un enfant
Elle aurait voulu le vivre
Autrement
Elle aurait voulu avoir une fille
Mais tu es arrivé mon petit
Elle aurait voulu rêver
D’avoir une poupée en porcelaine
Mais tu lui servais
De pansement pour ses peines
Alors le coeur plaqué
Elle ne savait plus quoi faire
Pour t’éviter et s’occuper de ton petit frère
Elle l’aurait voulu t’aimer
Et que tu prennes un peu de place
Il n’aurait pas eu de guerre
Entre toi et cette « garce »
Pourquoi abandonner
Et quitter la Terre
Pourquoi partir à rejoindre cette peste ?
Elle aurait voulu partager
Tous les gestes maternels
Pouvoir le faire comme le font toutes les mères
On parle de cette femme
Qui en a rien à faire
A part ses intérêts
Pour combler ses faiblesses
Elle aurait voulu t’aimer
Elle aurait voulu comprendre
Partager un geste
Mais personne lui appris la tendresse
C’était quoi notre histoire
Où coule de la haine
Mais néglige pas le rôle de père
Alors le coeur plaqué
Elle ne savait plus quoi faire
Pour t’éviter tout compte fait
De Tavana
Vieillir
Valeur rime avec sagesse
Illusion d’avoir perdu sa jeunesse
Éternel, on se le souhaite
L’esprit perd devant le corps qui maltraite
Larmoyant tu peux être
Impossible de croire que je suis cet ancêtre
Rien ne peut l’empêcher, mais vieillir c’est aussi vivre.
De Zouhair (proposition d’écriture N° 120)
Il avait neigé toute la nuit. Les bourrasques de vent avaient transporté la neige jusque sur le palier. Un monticule de neige d’environ un mètre bloquait la porte d’entrée. Ziad voulait s’isoler dans ce chalet de montagne afin d’y voir plus clair dans sa relation sentimentale avec Gabrielle. Depuis que les enfants avaient « quitté le nid », rien n’allait plus.
Lorsque Hugo, à seize ans avait choisi de vivre avec son père plutôt qu’avec sa mère et son beau-père, Gabrielle fut ravie et l’accueillit les bras ouverts.
D’une part, elle trouva en lui le garçon qu’elle rêvait d’avoir. D’autre part, il incarnait l’élément masculin qui manquait dans son histoire. En effet, elle n’avait pas eu de frère et son père était mort quand elle avait quinze ans.
Ziad, de son côté, trouvait chez Sybil, la fille de sa compagne âgée de quatorze ans, une complicité qu’il n’avait jamais eue avec son fils, un garçon taciturne. Il éprouvait aussi beaucoup de tendresse envers Sybil, jeune fille intelligente et sensible.
Chacun trouvait en quelque sorte chez l’enfant de l’autre le complément sexué qui lui avait manqué. Cette période idéale dura quatre ans. Hugo partit pour ses études, suivi, deux ans après par Sybil.
Ziad et Gabrielle se retrouvèrent face à face. Ils se sentaient comme privés, l’un comme l’autre, d’une partie d’eux-mêmes. Ils commencèrent petit à petit à s’ignorer, à avoir de moins en moins d’activités communes, à faire leur vie chacun de son côté. Puis arrivèrent les disputes, pour des broutilles, pour des détails insignifiants.Tu pourrais remettre les clés de la maison à leur place habituelle, je passe mon temps à les chercher !
Et toi tu pourrais mettre ton linge au sale au lieu de le laisser traîner par terre !
Enfin, les grosses disputes arrivèrent avec la remise en question de l’existence même du couple, niant complètement les affinités ou les accointances qui avaient pu exister entre eux.
Au lendemain d’une soirée houleuse où Gabrielle s’était déchaînée sur l’égoïsme et le manque d’empathie de son partenaire à son égard, l’idée de quitter la maison, ne serait-ce que pour un temps, s’imposa d’elle-même à Ziad .
Il se rappela que Pierre, un ami d’enfance avait un chalet en montagne qu’il n’occupait que rarement. Il l’appela et le soir même, après deux heures de voiture sur des routes de montagne verglacées, il arriva au parking où il devait laisser son véhicule car il n’y avait plus qu’un étroit chemin pour atteindre le chalet.
Après trois quarts d’heures d’une grimpée laborieuse car, même s’il n’avait pas pris énormément de vêtements dans son sac à dos, Ziad y avait fourré une dizaine de livres dont certains étaient des pavés. Il ne savait pas combien de temps allait durer cette retraite, par conséquent, il avait pris ses précautions.
La température dans le chalet était glaciale. On aurait pu s’en douter après plusieurs mois sans être chauffé. Aussi, Ziad s’attela-t-il illico à faire un feu dans la cheminée. Pierre avait laissé tout le matériel nécessaire pour cela. Par ailleurs, les meubles anciens en bois massif, les tapis au sol et les belles peaux de mouton accrochées aux murs donnaient au salon une atmosphère chaleureuse et douillette.
Ziad sentit qu’il allait être bien dans ce cocon, loin des contraintes et des tracas domestiques.
Quant à la nourriture, il allait se contenter des boites de conserve, du riz et des pâtes dont les placards de la cuisine étaient pleins. Il ne se doutait pas cependant que sa retraite volontaire allait se transformer en un confinement de plusieurs mois. En effet, les chutes de neige exceptionnelles de cet hiver avaient bloqué tous les accès aux chalets de montagne un peu isolés.
Le premier mois, il ne fit que lire car, bien entendu, il n’avait pris ni son téléphone portable ni son ordinateur pour communiquer avec le monde extérieur. Mais à partir du deuxième mois, la solitude commença à se faire sentir. La seule présence dont il jouissait et qui lui faisait du bien était un écureuil roux qui transportait tous les jours ses graines d’un endroit à un autre, afin qu’un autre écureuil ne vienne pas les lui voler. Mais les jours étaient longs et il commençait à regretter son quotidien, même s’il était rébarbatif.
Heureusement, durant son sommeil, les personnages des livres qu’il avait lus venaient lui rendre visite. Il y avait un livre en particulier qui l’avait marqué, sûrement en raison du contexte dans lequel il se trouvait. Il s’agissait d’un conte finlandais où une princesse, empoisonnée par sa marâtre, allait errer éternellement dans les déserts glacés et viendrait au secours des personnes qui s’étaient perdues dans ces immensités inhospitalières.
Cette princesse était belle comme le jour, délicate et gracieuse, sa robe en mousseline blanche brodée de fils d’or, se soulevait et la suivait comme la queue d’une comète lorsqu’elle volait au secours des malheureux. Beaucoup d’habitants du cercle polaire prétendaient l’avoir aperçue ramenant une personne perdue ou blessée à un chalet proche d’un village afin que les secours puissent intervenir.
Ziad ne rêvait pratiquement plus que de cette princesse. Il rêvait qu’elle venait lui rendre visite et boire une tasse de thé avec lui. Mais pourquoi viendrait-elle s’il n’était ni blessé ni perdu ?
Alors, un jour il sortit par la fenêtre , marcha dans la neige profonde pendant plusieurs heures sans chercher à s’orienter de quelque manière que ce soit et finit, comme il le souhaitait, par se perdre.
Quand il se réveilla dans l’ambulance du SAMU, en état d’hypothermie avancée, l’infirmière penchée sur lui pour lui prodiguer des soins, lui dit qu’il avait eu de la chance d’avoir pu atteindre un chalet très accessible par la route et que des voisins, sortis poser leur poubelle, l’avaient aperçu sur le seuil du chalet, gisant inanimé.
De Lucette
L’actualité du moment, c’est la sortie du livre « Les fossoyeurs ». Quel courage et grand MERCI Monsieur Victor Castanet, journaliste, d’avoir eu la pugnacité de continuer votre route, malgré les 15.000 millions pour vous soudoyer et arrêter votre enquête. Vous avez eu l’intelligence de ne pas céder, car s’ils vous proposaient autant d’argent, c’est qu’ils avaient beaucoup à cacher, donc à perdre…
Votre enquête a duré 3 ans, 250 témoins, des lanceurs d’alerte. La plupart des soignants sont dévoués, mais complètement démotivés. Déjà manque de personnel, donc, ils ont très peu de temps à partager avec les résidents. Ils ont ordre de faire la toilette de chacun (dans certains établissements), en moins de 5 minutes. Chaque jour, une partie des résidents ne fait pas de toilette, faute de temps. Des témoignages affirment qu’ils n’ont que 3 changes pour la journée, et si malheureusement ils se salissent plutôt que prévu, ils restent dans leurs urines ou leurs excréments plusieurs heures.
Tout ça pour rapporter toujours plus. Des familles sont étranglées pour payer les mensualités. J’ai une belle-sœur qui a vendu sa maison pour que mon frère vive au mieux sa fin de vie. Personne ne s’imagine le bouleversement dans les familles, tant qu’elles ne sont pas concernées. C’est comme les accidents de voiture, ça n’arrive qu’aux autres…
En plus, on apprend que « nous » citoyens, participons sans le vouloir à ce massacre, puisqu’ils reçoivent de l’argent public dans certains cas. Mais, l’argent vient aussi de financiers éparpillés dans le monde. Non pas par charité, mais pour les dividendes qu’ils toucheront. Eux n’ont que faire des petits vieux qui « crèvent » tout seuls comme des chiens. Une femme a témoigné, sa mère a été placée à 92 ans, impotente, ne pouvant ni marcher, ni parler. Eh bien un jour, elle a été appelée d’un hôpital, pour lui apprendre que sa mère avait les 2 jambes cassées, des côtes cassées, et un gros hématome derrière la tête. Les soignants de l’hôpital ont affirmé qu’elle avait subi des mauvais traitements, et qu’elle ne devait plus retourner dans cet établissement. Elle l’a donc reprise chez elle, où elle est décédée 3 mois après. D’après l’Ehpad, elle serait tombée de son lit, alors qu’elle ne pouvait plus bouger… Les témoignages affluent et se regroupent chez une avocate qui va porter plainte en leurs noms contre eux pour tous les manquements, les souffrances, le manque de nourriture, les maltraitances infligées à leurs résidents.
Nous, nous ne savons qu’une infime partie de l’iceberg, le plus explosif reste à venir. Il y a des malversations, des acrobaties comptables, des dérives au plus haut niveau. Certes, quand ils reçoivent les familles, c’est avec un grand sourire, des amabilités, pour mieux « entoiler, comme les araignées » les payeurs qui laissent des milliers d’euros par mois pour leur proche. C’est très lucratif pour tous ces gens-là. Ils ne veulent surtout pas tuer la poule aux œufs d’or.
Pendant ce temps, les employés eux, sont sous-payés pour un travail aussi ingrat. Certains le font par dévouement, mais pour la majorité, c’est par nécessité. Beaucoup d’aide- soignantes sont seules pour élever leurs enfants. La direction connait leurs fragilités, et ne manquent pas de leur faire savoir que c’est la porte, au cas où l’une d’elle dénonce des infractions dans ces lieux « fermés ».
Comment peut-on être aussi ignoble ? Une personne âgée dépendante est aussi fragile qu’un petit enfant. Comment peut-on rester insensible à tant de cruauté ? Ces gens-là ont-ils seulement un semblant de dignité ? Comment peuvent-ils se regarder chaque matin dans le miroir, sans se maudire ? Est-ce ça la société que l’on nous a promise meilleure ? Le monde est-il devenu fou furieux pour devenir toujours plus riche ? Emporteront-ils leurs magots en prison ou dans leurs cercueils ? Il ne fait vraiment pas bon d’être « vieux » à l’heure actuelle dans cette société. On a fait notre temps, on coute cher, et on gêne, il faut laisser la place aux plus jeunes…
Moi, je suis accompagnante depuis un certain temps. Sans moi, sans doute que mon mari serait placé dans un tel mouroir. Je m’honore de l’accompagner du mieux que je peux. Certes, j’ai fait une croix sur beaucoup de choses (entre autres aller en vacances) mais ce n’est pas un sacrifice, c’est mon devoir, et je l’appliquerai jusqu’au bout.
Je tiens seule les rênes, parfois j’aimerais être mieux comprise, peut-être aussi soutenue avec empathie. Les heures, les jours les années passent, je reste fidèle à mes engagements, et jusqu’au bout, je le « choierai » à ma façon.
Il a la chance de m’avoir et pour moi, quand le moment sera venu, quel sera mon destin ???
De Michèle
Entre le passé et le présent, c’est le tumulte dans la tête de maman. Pourtant, elle s’exprime encore bien et comprend ce qu’on lui dit. Mais, quant à répondre aux questions qui se posent autour d’elle, c’est une difficulté récurrente. Les dates s’embrouillent et parfois les prénoms. J’aimerais pourtant avoir plus de détails sur son passé. Je démarre un cahier souvenirs pour mes petits-enfants et j’ai réussi l’arbre généalogique jusqu’à 5 générations en arrière avec photos, et j’aurais besoin de plus de souvenirs précis. Elle cherche, force sa mémoire et m’en donne des succulents.
Quand papa est décédé en 2017, elle ne pouvait pas rester seule. Une de mes sœurs avait toujours exprimé le désir de la prendre chez elle. Nous étions tous rassurés. Elle s’y est installée à l’automne. Plusieurs fois par an, ma sœur partait avec son mari en croisière, ou en vacances, et je faisais les 480km pour un minimum d’une semaine de mamy-sitting. C’était un plaisir pour moi de m’occuper d’elle, de prendre le relais.
Plusieurs fois, mon beau-frère me parlait d’une maison de retraite pour elle, ou me demandait si je ne pouvais pas la prendre chez moi. Comme il aime l’humour noir, grinçant, je pensais qu’il plaisantait. Mais lorsque ma sœur m’a dit qu’elle était allée chez les petites sœurs des pauvres pour voir si une place pouvait se libérer, j’ai compris que la maison de retraite se profilait à l’horizon.
Hors de question !!!
Je connaissais trop les maisons de retraite pour y avoir travaillé. Les dirigeants sont des pompes à fric, même si le personnel est dévoué, les soignants sont si peu nombreux que la maltraitante devient évidente devant le tictac du planning.
La prendre chez moi. Ce n’était pas évident de faire ce choix, je vis seule et je ne pourrais plus partir loin. Et mes sœurs sont en couple. Mais mon choix était fait.
J’annonçais donc à ma sœur le cadeau empoisonné que j’allais lui faire en accueillant maman. Elle a paniqué car sa mère serait à plus de 400km, mais le choix entre son mari et sa mère a été vite fait.
En juin 2019, j’ai accueilli maman après avoir, avec l’aide de mon ex-gendre, repeint la chambre, nouveau rideau, branchement TV, lit médicalisé. Comme la chambre que je lui dédiais donnait sur le salon par 4 grosses marches en pierre, j’ai donc fait installer un monte escalier.
Depuis 2 ans ½, elle ne passe pas 2 jours sans me dire merci, exprimant son bonheur d’être ici avec moi. Comme elle est toujours pour la paix des ménages, elle n’en a pas tenu rigueur à son gendre et a compris le choix de sa fille.
C’est une grosse dormeuse. L’infirmière la réveille à 11h, pour sa toilette. Elle fait le tour du cadran car se couche à 23h, mais ne fait pas de sieste.
Elle souhaitait devenir religieuse avant de rencontrer mon père qui lui a fait la cour et elle a choisi de faire des enfants. Si elle n’avait pas été malade lors de sa 4eme grossesse, elle en aurait eu beaucoup plus. C’est une contemplative, qui ne s’ennuie jamais, et toujours reliée à sa spiritualité.
Elle lit peu, ses yeux sont fatigués. Elle a aujourd’hui 94 ans. Elle fait beaucoup de mots mêlés. Jusqu’à l’année dernière je jouais avec elle, mais pendant plusieurs jours elle me disait « ça claque dans ma tête » comme si elle forçait. Depuis ce jour, j’ai cessé les jeux.
Elle se déplace avec un déambulateur et le monte escalier est bien utile.
Elle est gourmande et je la gâte en cuisinant pour elle, en lui faisant ses desserts préférés pour voir ses yeux briller de plaisir comme devant les friandises chocolatées. Mais la balance dit son mot chaque vendredi pour la semaine suivante.
Elle a été institutrice en CP et CE1 soit 10e et 11e, en ce temps-là, mais ne peut plus écrire, car elle souffre de ses mains. Comme de ses genoux d’ailleurs.
J’écris depuis longtemps des contes, des nouvelles, etc, et j’ai pris le temps de choisir mes préférés pour les consigner dans un album que j’ai créé sur un site. Un jour, je lui ai montré ce livre qu’elle a lu avec grand bonheur, et les larmes aux yeux. Fière de moi, elle qui nous a toujours dirigées vers la littérature, la musique classique et l’art surtout pictural. De temps en temps, je lui donne mes nouveaux écrits à lire après les avoir imprimés, elle adore.
Chaque après-midi, elle regarde à la TV, quelques policiers tel que « Rex » ou « Monk » et le samedi soir elle retrouve son « Columbo », toujours avec un casque et du sous-titrage. Les oreilles aussi ont vieilli. J’ai essayé les appareils, mais elle ne les supporte pas. Elle s’entend respirer, déglutir, parler. Elle entend son coeur battre. Elle, qui est dans le silence depuis si longtemps, ne supporte pas ces bruits stressants.
Le dimanche matin, c’est la messe et le soir, l’émission musicale sur ARTE.
Elle se sent chez elle, dans sa chambre.
L’été, elle profite de l’ombre de temps en temps, sur la terrasse, mais n’aime pas trop être dehors. La vitamine D quotidienne compense, ainsi que la vitamine C liposomale. L’homéopathie, l’hiver, accompagne ces compléments pour maintenir son immunité naturelle. Les H.E. sont prêtes à offrir leurs soins si besoin. Depuis son installation, il y a bientôt 3 ans, elle n’a même jamais eu un rhume, elle qui était très malade tous les ans après le vaccin contre la grippe, et durant l’hiver. Gourmet(tte), elle espère simplement pouvoir retourner un peu au restaurant.
Même si ses facultés diminuent petit à petit, elle a toujours beaucoup d’humour et elle est très agréable, pas exigeante. Les infirmières l’aiment beaucoup.
La famille, dont elle a des photos de chacun, la rejoint en vidéo. Même si je dois servir de sous-titrage, elle est heureuse de les voir. Mais n’est en manque que de papa.
Si elle était allée en maison de retraite, je suis sûre qu’elle ne serait plus là, aujourd’hui.
Elle m’a assuré, de son petit air mutin, que j’allais devoir la supporter encore longtemps, car elle n’est pas prête à partir.
Nous sommes heureuses toutes les deux.
De Marie-Josée
Le grand âge…
Annie m’ouvrait grand ses bras,
M’embrassait, riait aux éclats
Mais elle ne savait pas
Que ce n’était pas pour elle que j’étais là.
Comme à chaque fois,
Je l’emmenais avec moi
A la table ronde en bois
Où maman, figée, regardait devant soi.
Un sourire, une caresse, un baiser
Le regard semblait s’animer
Je lui demandais comment elle allait
Formulais des mots qui lui échappaient.
Je sortais le jeu de cartes, les étalais
A défaut de jouer, elle les triait.
Les rouges, les noires d’un côté
Pique, carreau, trèfle, cœur en paquets.
Quand elle se lassait, je l’aidais à se lever
D’un pas chancelant elle déambulait
S’agrippait à la rampe sous la baie vitrée
S’obstinait à compter les fleurs du rosier.
Enfin c’était l’heure du goûter
Le moment que tous attendaient
Impatients d’avaler gâteau, thé et café
Les chocolats que souvent j’apportais.
Les images défilaient en boucle à la télé
Elle aimait les regarder, voulait les toucher
Je lui expliquais qu’on ne pouvait pas les attraper
Elle s’asseyait, fermait les yeux et s’assoupissait.
Je lui prenais la main, restais à ses côtés,
Parlais à ceux que ma présence intriguait
Echangeais avec les soignants de leurs difficultés
Les remerciais pour tout ce qu’ils faisaient.
Puis c’était l’heure de prendre congé
D’affronter son regard qui m‘interrogeait
Pourquoi je m’en allais ?
Pourquoi elle devait rester ?
Je savais qu’une fois la porte refermée
Elle m’avait oubliée, on me l’a certifié.
J’essayais de m’en convaincre sans y arriver
Elle est bien soignée, il faut se faire une raison, positiver.
Puis la Covid est arrivée
Finies les visites, il fallait les protéger.
Des semaines où je pouvais seulement appeler,
Tous otages de ceux qui savaient et décidaient.
Le temps a passé, certaines restrictions ont été levées
On pouvait les voir à travers une vitre fermée.
Communiquer par téléphone avec ceux qui ne savaient plus parler,
Les approcher , les toucher, impossible, vous voulez les tuer ?
Le vaccin était censé nous sauver !
Une dose, deux doses on leur a injecté
Le pass sanitaire était la panacée
Je pouvais la voir si vaccinée ou le nez gratté.
Les visites se faisaient sur rendez-vous désormais
Une heure avec son parent dans un lieu isolé.
Les éclats de rires d’Annie, je ne les ai plus retrouvés
J’ai lu sur le journal qu’elle était décédée.
Avec les beaux jours nous pouvions nous promener
Retrouver un semblant de liberté .
Maintenant, je poussais le fauteuil roulant dans les allées
Même le soleil ne réchauffait plus ses mains recroquevillées.
Je n’ai plus revu les autres pensionnaires
Maman s’est endormie estimant que c’était le mieux à faire
Ne plus se réveiller, quitter ce monde de gestionnaires de misère
Tous ces pousseurs de cris d’orfraies et ceux qui continuent à se taire.
Comment appréhender l’âge de la meilleure façon ?
Tôt ou tard, tous y confrontés, un jour nous le serons.
Je n’ai pas la solution, mais au moins se poser la question,
Injecter des doses d’humanité à tous ces donneurs de leçons ?
De Dominique
La vieille et le petit prince.
Je m’appelle Céline Valentine, j’ai 92 ans et j’aime particulièrement les grands espaces, la pluie, le vent sur ma peau. Je donnerai tellement pour revoir la mer, sentir ses embruns.
Ici, je ne sens plus le vent et je n’entends plus la mer. Parfois, elle me revient douce à écouter quand je colle mon oreille au vieux coquillage que j’ai caché dans ma table de nuit, c’est tout. Un jour, on m’a fait comprendre que j’étais devenue trop vieille et que je devais partir de chez moi. C’est ainsi que s’en vraiment m’en rendre compte, je me suis retrouvée ici dans de beaux draps. Ce sont de jolis draps brodés « FM » comme foyer Marquant de la belle maison de retraite de la ville du même nom. Les appartements sont tout confort et le personnel aux petits soins, nombreux et compétents, comme le vantait le beau prospectus. Elle peut bien me faire dormir dans ses beaux draps la maison “FM”, c’est un minimum après tout puisqu’elle a « procuration » pour vider mes comptes.
Mon quotidien m’anesthésie, le matin trois pilules pour soutenir le cœur, à dix heures c’est pour ma tension et le midi les vitamines pour les os. Le soir enfin, il y a celles pour dormir.
« Mais lâchez-moi avec tous vos médicaments à la fin – Je ne suis pas malade, non, je ne suis pas malade », j’ai beau le leur crier à longueur de journée que je ne suis pas malade, mais ils ne veulent rien comprendre. Je ne demande quand même pas l’impossible, je veux juste retrouver ma petite maison et sa rue qui sent si bon la mer.
Quel jour sommes-nous ? Il va falloir que je demande un calendrier aux aides-soignantes. Est-on dimanche ? Je ne sais plus moi, ici tous les jours sont les mêmes. J’aimerais tellement qu’on soit dimanche car c’est le jour où mon petit-fils vient me rend visite, s’il en a le temps. J’écoute les bruits de la rue mais je n’entends pas sonner les cloches de l’église toute proche. On ne doit pas être dimanche ou ça n’est pas encore l’heure de la messe ! Debout les deux mains appuyées sur ma canne, je m’avance vers la fenêtre. Dans la rue, des enfants jouent et rient de bon cœur, c’est la sortie des écoles, on n’est pas dimanche. Mon petit-fils ne viendra pas. Je l’aime bien mon garçon, surtout quand il m’emmène au terrain d’aviation tout proche. J’adore tellement les avions. Il se moque de moi quand je lui dis qu’autrefois j’étais amoureuse d’un pilote. Il s’appelait “Antoine”. Il me racontait des histoires merveilleuses. Il m’avait promis qu’un jour il m’emmènerait dans son aéronef. Le malheureux n’en a pas eu le temps, la guerre l’a emporté en pleine gloire, il est tombé avec sa belle machine volante dans la mer. Moi, j’avais à peine seize ans et je l’ai toujours dans mon cœur, mon bel Antoine. Avec le temps, il a bien fallu que je me fasse une raison, mon beau pilote ne reviendrait plus. Il savait si bien me parler Antoine, il me disait « aimer, c’est regarder ensemble dans la même direction » et moi je l’ai cru, alors j’ai regardé dans sa direction et puis je l’ai perdu quand même, n’en parlons plus, c’est la vie. La vraie vie, quant à elle, m’est tombée dessus quand j’ai épousé Gustave, mon amoureux qui a voulu réparer la bêtise de son frère qui m’avait fait un enfant sans le faire exprès ! Je n’avais même pas dix-huit ans.
Avec nos petites économies et beaucoup de travail, nous avons acheté une maison. Douze autres enfants sont nés de lui. Ah… Comme je les ai aimés mes gosses. Ils étaient tout pour moi. Et puis un beau jour, on m’a fait comprendre que ma maison n’était plus ma maison, comme ça sans raison. Il paraît que c’est parce que je rêvais en marche arrière ! Je partais de chez moi pour retrouver Antoine et, comme je ne retrouvais plus le chemin pour rentrer, ils ont décidé de m’amener ici, dans ces draps brodés « FM ». Parfois, je pleure toute seule, je pense à Antoine, Gustave, mes enfants que je ne vois plus, ils sont tellement occupés. Ici, dans ma pièce, je ne suis plus Céline, je ne suis plus maman, je ne suis plus « mémé », je suis un accessoire. Un objet de gestion à ménager, car sait-on jamais si de la famille venait à passer ! Mais le soir, je deviens un gosier à remplir, des fesses à nettoyer, à mettre au lit vite fait car, on n’a pas de temps à perdre et le temps c’est de l’argent. Mon petit-fils un jour m’a dit : « tu sais mémé, le personnel fait de son mieux, il n’est pas en effectif suffisant pour s’occuper de vous tous, c’est la directrice qui me l’a dit, sois patiente, elle va faire son rapport et tout ira mieux après. »
Mais entendre la douleur, écouter la tristesse, partager l’angoisse, ce n’est pas bon pour la gestion. Alors, on finit par se taire et on laisse le temps faire son affaire ou ses affaires si vous préférez !
Alors, moi, la vieille désincarnée, j’ai fini par ne plus rien ressentir, ne plus souffrir, ne plus être dans le présent pour retrouver mes chemins d’hier en pensant aux petits bonheurs d’autrefois, une photo sur l’armoire, mon coquillage caché dans la table de nuit, mon livre « Le petit prince » sous mon oreiller.
« Hé, Madame la directrice, si mon petit-fils passe dimanche, pourriez-vous lui dire qu’Antoine est venu me chercher », qu’il ne s’inquiète de rien, on est partis vers sa planète B612, l’allumeur de réverbère s’est chargé d’éclairer la piste. Si on la manque, on continuera tout droit vers les étoiles et on finira bien par le trouver ce pays où on ne voit bien qu’avec le cœur et pas avec les yeux… Du gestionnaire.
Adieu mémé, adieu Valentine, désolé de n’avoir pas pu te tenir la main quand tu t’es envolé avec Antoine, vers d’autres cieux !
Parfois, quand la nostalgie me gagne, je scrute le ciel cherchant l’écharpe du petit prince qui flotterait à ton cou, elle t’irait à ravir j’en suis certain.
De Patrick
Grand-père l’aventure
Quand il prit sa retraite, Valentin se demanda comment il allait occuper ses journées après une vie professionnelle si riche et passionnante. Mais, bon de nature optimiste et positive, il était conscient que la vieillesse pouvait être un naufrage et qu’il valait mieux naviguer sur les flots que de mourir d’ennui sur la grève.
Valentin ne se souciait pas plus que ça pour trouver de quoi passer le temps avec toutes ses envies et choix d’activités qu’il entrevoyait. Cela lui offrait toutes les chances de réussir un épanouissement dans sa retraite.
Déjà, un bonheur supplémentaire en retraite, le temps est plus docile plus malléable, la pression est moindre, on prend le temps de partager et d’écouter ceux qu’on aime. Enfin, en principe. Donc, Valentin avec sa compagne partageront beaucoup plus de moments ensemble, ayant plusieurs passions communes : la lecture ,le cinéma, les voyages, la marche dans la nature et les chats. Mais, ils ont un désaccord profond concernant la pâtisserie : elle préfère la crème pralinée et lui au chocolat ; elle ne jure que par la tarte citron meringuée et lui par la tarte aux pommes. Alors s’en suivent de terribles joutes verbales sucrées et gourmandes, mais bon laissons ce dilemme pâtissier et voyons comment va s’occuper Valentin.
Les voyages, oui bien sûr, mais cela a un coût, un ou deux par an c’est déjà pas mal. Valentin a beaucoup voyagé pour sa profession, mais ce qu’il adore, c’est flâner dans sa tête, s’évader dans ses pensées oniriques. Il ira aussi aider le lundi sa compagne qui s’occupe pour une association d’un refuge pour chats.
Être donneur de voix bénévole ça c’est pas mal et utile. Cela lui plairait bien à Valentin pour les aveugles et les handicapés pour leur faire découvrir le plaisir de lire autrement et gratuitement. Il y a bien aussi cette proposition faite par son entourage et en tant que bédéphile, cela le motive fortement , proposer aux enfants des écoles de la ville, un atelier bandes dessinées ouvrant d’immenses possibilités de créations et laissant libre cours à l’imaginaire, à la fantaisie et à la liberté de dessin et d’écriture du scénario, difficile pense-t-il mais tellement stimulant.
Mais, Valentin lui a un rêve fou. Cela lui est venu en se remémorant une chanson des années 50,60, ”Je suis le vagabond, le marchand de bonheur”. Mettre des chansons et des poèmes dans les cœurs, voilà c’est ça être conteur, passeur de bonheur, nettoyeur de cauchemar, effaceur d’idées noires, livreur d’histoires à domicile ,super héros du sourire, ensemenceur de joie. Jouer de la guitare dans les gares ou les aérogares ou sur l’Himalaya pour le voyage de notes bienfaitrices et paisibles et dispersées à travers le monde. Tenter la grande aventure de l’écriture, inventer des histoires, pas à dormir debout mais à rêver, aussi des histoires d’amour , d’humour, des histoires tout court .
Valentin se sent revigoré par toutes ces belles idées d’activités qui le projettent vers un avenir de retraite sereine .
“Papi Clown qu’es-que tu fais ?
“ j’essaye de terminer une histoire”.
“ Tu viens goûter, mamie chat a préparé une tarte aux pommes, après on ira se promener”.
“ aux pommes, tu es sûr ?
“ Oui, aux pommes, juré.”
“Bon d’accord, j’arrive, mais avant je termine l’histoire de Valentin”.
“ A tout de suite papi clown , mamie chat, papi vient goûter et se promener avec nous”.
Ah! Ces petits enfants chéris, tu sais Valentin, ils sont aussi une belle aventure, tu seras peut- être leur grand-père l’aventure , et n’oublie pas Valentin :”Nous commençons à vieillir quand nous remplaçons nos rêves par des regrets”.
De Nicole
Combien de temps encore
La journée de Noémie commence. Semblable aux autres.
Un bon café, peu recommandé pour son coeur vieilli.
Pensées.
Vieillesse, chute irrémédiable du corps et de l’esprit.
Habitude prise du regard dans le miroir, moteur entretenu mais lenteur installée.
Vieillesse, tout fout le camp : les dents tombent, les douleurs articulaires, rhumatismales et autres deviennent plus lancinantes.
La belle apparence s’est lézardée, nulles réparations possibles.
Les chairs amollies ne combattent plus la pesanteur.
La fatigue suit le moindre effort. Essoufflement au bord des lèvres.
Hier encore, elle était jeune.
La mémoire par à-coups lui envoie des souvenirs « oubliés », le plus souvent agréables.
« Quand la mémoire va chercher du bois mort, elle ramène le fagot qui lui plaît »
Birago Diop.
Toute sa vie, elle a proclamé les petits bonheurs.
Ceux qui reviennent plus facilement au printemps, après les hivers gris.
Est-ce la douceur ambiante, ce mouvement sur le fauteuil. Elle croise les jambes, réminiscence de souplesse, émotion féline, frottement des chairs, sensuel, comme un rappel de ce que c’était.
La grande faucheuse lui fait peur, surtout la nuit au fond du lit.
Présente à la vie, indécrottable survivante.
Rire encore.
Manger, boire sourire aux enfants.
Aimer encore. Le bleu du ciel, les nuages, le vert tendre des arbres au printemps, les ors d’automne, le vent, la pluie battante.
Combien de temps encore à éviter les mouroirs ?
Combien de temps encore avant la dissolution ?
Poème de Kate Coley, « D’où vient la haine », proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)
Dans le carnaval des mots
on apprend quelque chose de très important :
la propagande est comme un vent
ravageur
qui irrite et injurie même le visage le plus
compatissant
jusqu’à ce que ses joues deviennent
rouges comme une rose
mais la clé de la survie de la rose ce sont
ses épines
et donc ses petites épines, aussi,
grandissent, en protégeant la victime
dans le carnaval des mots
on analyse ce phénomène
pour comprendre d’où vient la haine.
De Marie-Laure
L’attente
Je suis née un peu avant la guerre, j’ai connu notre village occupé par l’armée allemande et la peur des bombardements. Nous avons eu de la chance, cette période noire a fini par passer et nous avons dû aller de l’avant, reconstruire. Quelques années après, alors que mon père était aux labours avec les chevaux, notre ferme a brûlé. Nous avons eu de la chance, tout le monde était sain et sauf, les vaches étaient au parc, mon père gardait son outil de travail. Nous avons été relogés dans une baraque du village et mon père a trimé pour reconstruire , toute la famille a mis la main à la pâte.
J’étais une jeune fille passionnée de lecture, je ne partais jamais aux champs garder les vaches sans un livre en poche. Ce qui était une corvée pour mes sœurs, était une échappatoire pour moi. En compagnie des héros de mes romans, le temps passait vite et c’était toujours avec un petit pincement au cœur que je retrouvais le chemin de la ferme, où les corvées ménagères m’attendaient. J’étais plutôt bonne élève, mon père m’encourageait et j’ai pu poursuivre après le certificat d’études. J’ai eu de la chance, je suis allée au lycée, mais comme mes parents étaient pauvres, je faisais le ménage après les cours, pour payer le pensionnat. Ce n’était pas simple de croiser mes copines de classe qui batifolaient, alors que moi j’astiquais le parquet. Je rêvais de devenir institutrice, mais une diphtérie m’a clouée sur un lit d’hôpital et je n’ai pas pu ma présenter au concours de l’école normale.
Déçue, je me suis réorientée vers une formation accélérée en secrétariat. J’ai vite trouvé du travail et avec mes économies, n’en déplaise à mon père, je me suis acheté une moto. Au garage de l’usine, c’était à qui aurait le privilège d’entretenir mon engin. Mon père disait de moi que je n’avais pas froid aux yeux, il fallait bien ça pour séduire le beau blond qui venait de renforcer notre équipe dans les bureaux. Malgré une dévotion exemplaire de toutes mes collègues, j’ai eu de la chance, c’est moi qui l’intéressait !
J’étais une femme comblée, après un break d’une dizaine d’années, pour élever mes enfants, j’ai retrouvé du travail dans un bureau de poste. J’aimais le contact avec les gens, j’avais toujours le sourire et un petit mot convivial. Mon mari a eu de gros déboires dans son travail, mais finalement cela lui a donné le courage de se mettre à son compte. Nous avons beaucoup travaillé, mais nous avons eu la chance de bien rebondir.
Aujourd’hui, je regarde les photos de cette dame fine et élégante, toujours tirée à quatre épingles et je ne me reconnais plus. Un monstre nommé Alzheimer a grignoté petite à petit tout mon cerveau. Je suis entrée dans cet EPHAD pile le jour de notre anniversaire de mariage. Après soixante-cinq ans de vie commune, mon mari n’arrive plus à me gérer. Je tombe souvent et cela devient trop difficile pour lui. Je suis entrée sur mes deux pieds et arrivant, certes avec de l’aide, à m’occuper encore un peu de ma toilette. Je mangeais seule et je prenais plaisir aux petits jeux de l’après-midi.
A peine un mois après, je suis en fauteuil, c’est pour mon bien, car mes chutes sont trop fréquentes et je me suis ouvert le crâne en tombant. Voilà qu’ils m’ont mis une couche, c’est vrai que j’ai des accidents. J’ai perdu mon dentier, ils ne le retrouvent plus, ça me donne mauvaise mine. Je n’ai plus ma petite coiffeuse qui venait toutes les semaines à la maison me faire ma mise en plis. Mes cheveux tout gris sont devenus plats à l’arrière de ma tête, faut dire que je passe de plus en plus de temps au lit. Ma fille avait préparé mon trousseau avec soin, veillant à m’apporter des habits certes pratiques, mais aux couleurs variées et coordonnées. Toutefois, chaque matin c’est la toilette vite fait et à l’arrache, ils me mettent ce qui leur tombe sous la main. Je suis habillée comme un as de pique !
Après la toilette ils me mettent dans la salle commune, dès dix heures trente je suis installée à table. Je suis là, j’attends l’heure du repas, mon regard se promène un peu autour de moi. Le personnel s’affaire et au fur et à mesure, nous sommes de plus en plus de résidents installés autour de la table. Certaines discutent un peu entre elles, alors j’écoute. Moi, je n’arrive plus à m’exprimer, les mots ne sortent plus, ou tout chiffonnés dans le désordre.
Après le repas, c’est la sieste, avant j’arrivais encore à faire une petite activité en début d’après-midi, maintenant je dors de plus en plus longtemps ; est-ce parce que j’en ai vraiment besoin, ou pour échapper à l’ennui qui me mine ? Le côté positif, c’est que là ils me changent la couche du matin. Eh oui, pas plus de trois couches par jour !
Au lever de sieste, je suis à nouveau installée sur mon fauteuil, à table pour le goûter dès quinze heures trente. La petite collation arrivera vers seize heures, il faut attendre. Mais là, c’est le meilleur moment de la journée car j’ai ma petite visite, mon mari ou un de mes enfants. Je vois bien comme mon mari est peiné de ne plus pouvoir communiquer avec moi, parfois j’arrive juste à enchaîner deux mots et puis tout se mélange, alors je lui souris. Il m’aide à manger et parfois me promène dans la grande pièce commune. J’aime bien quand il me fait un bisou, mais je sais que c’est aussi le signe de son départ. Mes enfants me parlent avec le sourire dans leurs yeux, ça me fait du bien. Parfois mon fils me fait marcher, parfois je suis trop faible et mes jambes se dérobent. Avec ma fille, nous faisons un peu de coloriage, tout doucement, j’ai de plus en plus de mal à me servir de mes mains.
A dix-sept heures, les visites sont finies, nous sommes tous regroupés autour de la grande télévision en attendant le repas du soir. Le personnel commence à nous mettre notre tenue pour la nuit. Ce moment-là est difficile, car avec le jour qui tombe, les angoisses se manifestent. Alors l’agitation monte d’un cran, c’est le moment où les valides déambulent de chambre en chambre, où les impotents comme moi gémissent, voire pleurent. Le personnel fait ce qu’il peut pour avoir un petit mot rassurant, mais à deux pour quinze résidents, ils ne chôment pas. Je ne leur en veux pas, quand ils ont fini les tâches de manutention des corps et de la vaisselle, ils ont hâte de rentrer chez eux, c’est normal. Nous, nous resterons là à attendre un autre jour, passifs, immobiles, avec la vie qui petit à petit s’éteint dans nos veines. Le jour venu, moi je serai prête à tirer ma révérence. Dans ce dernier virage, je suis accompagnée par ma famille qui est bien présente, je pourrai dire que j’ai eu de la chance !
d’Amara
Ma maman a 75 ans ; elle a chuté à plusieurs reprises à son domicile en 2021. Après plusieurs hospitalisations, elle a quitté l’établissement hospitalier en août 2021. Un de ces fils qui vit en maison plain pieds s’est proposé de l’héberger chez lui le temps de la convalescence. Depuis quelques semaines, elle est retournée chez elle où elle se sent mieux. On aime partir chez les autres, mais on aime revenir chez soi. Même moi qui suis plus jeune, j’aime voyager mais j’aime retrouver mon espace de vie. Ses enfants lui ont proposé de déménager dans un logement adapté aux personnes âgées, elle a refusé, préférant vivre dans son logement qu’elle affectionne depuis des années, puisqu’elle y vit depuis bientôt 50 ans. En effet, elle a ses repères et ne souhaite donc pas quitter son cadre de vie. Elle se lève assez tôt le matin car l’infirmière passe pour lui donner ses médicaments et lui mettre ses bas de contention. Elle peut échanger quelques paroles, c’est fort agréable pour commencer la journée. Ce contact est important pour elle. Elle s’occupe jusqu’à 11h00 environ et prépare le repas de midi. Un autre fils vient déjeuner avec elle de temps en temps. Je vais la voir aussi à vélo quand je suis disponible. N’étant plus véhiculée, je suis limitée en sorties. Par contre, ses fils l’emmènent faire des courses. Après avoir déjeuné, elle s’installe dans son fauteuil qui se trouve face à la fenêtre afin de voir les gens qui se promènent. Elle connaît quelques voisins qui la saluent. Elle est contente. Un petit geste de la main lui fait plaisir. A partir de 13H00, elle s’installe devant la télévision puis s’allonge pour faire une sieste de 2h00 environ si le téléphone ne l’a pas dérangé. Je peux appeler aussi mais j’attends plutôt 17h00 après son goûter. Je lui laisse le temps de parole. Elle a besoin de s’exprimer. Vers 18H00, elle commence à cuisiner pour le soir. L’heure du dîner est fixée vers 19H00. Puis son fils vient la chercher le soir pour dormir chez lui car elle a une chambre aménagée pour elle. Avant les problèmes de santé, elle avait la motivation et l’envie de réaliser des activités manuelles telles que le décopatch ou le tricot mais elle a abandonné. Elle n’avait plus envie de se concentrer sur quoi que ce soit. Son esprit était ailleurs. La crise sanitaire l’a empêché de partir en vacances. Son voyage a été annulé en mars 2020. Elle avait gardé un espoir de repartir mais ce virus a bousculé toutes les vies. Sa bouffée d’oxygène reste ses 4 petits-enfants qu’elle voit régulièrement. Mais ma maman est nostalgique et sa vie est ici mais son cœur est ailleurs. Je suis encore loin de la retraite mais je réfléchis dès à présent à ma vie de personne âgée et encore plus actuellement. Je me vois vivre dans un village seniors étant une personne sociable qui aime aider et qui est une animatrice dans l’âme.
Toutes ces histoires, inventées ou réelles, sont poignantes, n’est-ce pas? Il n’y a rien d’autre à ajouter. Encore, dans notre pays, on a la chance de pouvoir vieillir et de bénéficier d’une pension de retraite! Ce n’est pas le cas partout!
Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine avec le mentalist!
D’ici là, passez une belle semaine d’écriture!
Portez-vous bien et surtout continuez à bien prendre soin de vous!
Créativement vôtre,
Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE