De Mélanie
MEDIUM
Quand j’étais enfant, à l’âge de sept ans, mes camarades de classe me jugeaient bizarre, pas comme les autres. Ce que je considère aujourd’hui comme un don fut, à l’époque, pénible à assumer. Tout a commencé au décès de ma grand-mère. J’ai persévéré auprès de ma mère durant de longues heures pour assister aux obsèques. Devant mon insistance, elle céda à une seule condition : que je n’aille pas au funérarium voir le corps. Le jour de l’enterrement, les gens reniflaient et se mouchaient sans cesse. Moi, j’étais devant le cercueil, droit comme un piquet, les yeux rougis et noyés de larmes. Ma mère peinait à se remettre de sa mort. Après les obsèques, un diner fut organisé. À cette époque, je trouvais cela bizarre. Enterrer une personne, puis se retrouver autour d’un repas, comme si de rien n’était… quelle idée farfelue. J’observais les gens du coin de l’œil. Certains pleuraient en se remémorant les souvenirs laissés par ma grand-mère, et d’autres riaient jaunes. La nuit suivant l’enterrement, j’éprouvais quelque chose de bizarre, une sorte de présence. Une main frêle me caressait la joue, puis un courant d’air me fit frissonner. Jamais je n’avais ressenti une telle chose. Cela me fit paniquer. Je m’engouffrai sous ma couette puis m’endormit. Au milieu de la nuit, une envie d’uriner m’obligea à sortir de mon lit. Je me dirigeai vers les toilettes puis sentis une nouvelle fois cette chose bizarre. Une sorte de présence m’enlaça. J’ai tout de suite compris de qui il s’agissait. Ma grand-mère était bien présente, et me protégea. Le lendemain, durant la récréation, je m’étais empressée de raconter tout ça à mes camarades de classe. Certains m’écoutaient bouche bée, d’autres se moquaient de moi, en me traitant de folle. De mes sept à mes dix-huit ans, je passais mes nuits à communiquer avec l’au-delà. De nombreux défunts me demandaient de transmettre un message à leurs proches, qu’ils savaient meurtris par leur décès. Je mis du temps à en parler avec ma mère. Le simple fait de discuter de la mort lui donnait la chair de poule. Elle m’envoyait paitre à chaque début de conversation et retournait à ses occupations. Je pris une décision radicale. Je quittai la fac, puis me mit en tête d’ouvrir mon propre cabinet de Medium. A l’ouverture, de nombreux badauds se présentèrent à mon cabinet. Ils s’inventaient une vie, pour me tester. Ce genre de personne me mettait hors de moi. Un jour, une femme, aux traits tirés, frappa à ma porte. J’ouvris, puis me rendit compte du problème. Sans même qu’elle ouvre la bouche, je savais pourquoi cette personne était devant moi. Je lui proposai de s’installer. Elle me détailla du regard, puis me tendit une photo. Sur celle-ci, une enfant de dix ans, sourire jusqu’aux oreilles, posait devant l’objectif. Elle me confia avoir vu une dizaine de Mediums, qui lui demandaient toujours plus d’argent, sans lui donner le moindre indice où se trouvait sa fille. Je savais que son enfant était morte depuis quatre ans. Elle se trouvait à côté d’elle, et me demandait de dire la vérité à sa pauvre mère qui s’entêtait à croire qu’elle était encore en vie. — Où es ma fille ? demanda-t-elle le visage défait. Je pris sa main tremblotante. — Juste là, à coté de nous, lui dit-je en la fixant. Elle s’écroula sur la chaise, puis se prit la tête dans les mains. Quand elle repartit, elle me confia se sentir soulagée de savoir enfin la vérité. Elle me tendit un billet de cinquante euros, que je refusais. Je la raccompagnais jusque devant la porte. Elle me regarda, son visage paraissait plus jeune. — Merci. Un certain nombre de personnes me tendaient des photos de leurs proches disparus, en me proposant d’énormes sommes d’argent que je refusais. Mon métier consistait à aider les gens, et non à les escroquer en insinuant que leurs proches les attendaient dans un coin bien caché. Je suis Medium, j’aide les gens à découvrir la vérité, et non à l’enfouir.
De Nicole
L’illusion d’une vie
Je proviens d’une famille douée pour la clairvoyance. Mon arrière-grand-mère vivait dans les Ardennes, dans une grande cabane en bois, au milieu de la forêt. Rebouteuse, guérisseuse, un peu sorcière, sa réputation lui amenait du monde. Grand-mère lui a succédé. Ce don a sauté une génération et me voilà… Ma mère veillait au grain, elle décela très vite mes capacités, je voyais des choses qui allaient se passer. Des plus agréables aux plus éprouvantes. Son mantra « un don sans technique n’est rien qu’une sale manie ». « Tu pourrais gagner de l’or en barre ». Hormis les malaises que me procuraient parfois mes visions, je me formai auprès des plus grands-maîtres en la matière. Pour donner un aspect plus scientifique, je suis devenue psychologue, douée bien sûr. Il m’est arrivé d’aider la police lors de disparitions et même d’élucider des crimes et des cold cases. Mais la scène, la gloire m’attiraient. Je suis « L’ILLUSIONNISTE » dont les spectacles étaient courus du Tout-Paris, de la province, de l’étranger. Invitée chez les grands de ce monde, mon compte en banque est bien garni. Mon physique s’apparente de plus en plus à celui de mon arrière-grand-mère. Une sorcière ridée aux cheveux gris, à la démarche vacillante. Aussi ai-je décidé de me retirer dans sa cabane, restaurée à grands frais, eau, électricité, chauffage central, jardin de simples. Mon vieux mari m’accompagne, « enfin seuls » me chuchote t ‘il à l’oreille. Je n’ai pas voulu de descendance, trop lourd à porter.
De Lisa
La salle de spectacle du Kasino organise une soirée « The MentalistNews », une nouvelle génération avec des surprises . La soirée arrive et les convives s’installent à leur place. Place au spectacle ! Le mentaliste arrive sur scène : « Bonsoir, Bonsoir , Mesdames et Messieurs, oh ! Quelle joie d’être nombreux et Bonsoir, Bonsoir , Mesdames et Messieurs, soyez prêts pour ce moment merveilleux. Alors, pour les personnes qui me connaissent, je suis le célèbre Mentaliste qui vous montre le classique de chez classique, mais aujourd’hui nouveau show. Qui veut bien être mon assistant ou assistante ?
Tout à coup, une demoiselle lève le doigt. -Venez, ma chère douce ! Quelle est votre prénom ? -Marie- Lise. -Pourrez-vous me l’écrire au tableau virtuel ? -M A R I E L I S E -Original! -Est-ce que vous êtes venue seule ! -Oui ! -Pourriez-vous me l’écrire ? -Vous suivez toujours les jeunes ! Oui ! Nous avons un club de 3ème âge ! Je vois que nous avons un gars de la sécurité devant la porte d’entrée. Vous pouvez venir sur scène, on dirait un gars de MIB, costard, cravate.
L’agent arrive près la femme. -Vous, allez-vous mettre à côté de la Dame. Votre prénom ? -Didieric ! -Comme c’est fantastique comme prénom et pourquoi ? -Tout simplement, mes parents n’arrivaient pas à se mettre en accord. La jalousie n’a pas réussi à faire son pas, donc ils ont inventé un nouveau prénom en fusionnant les deux prénoms Didier et Eric.
On dirait deux amoureux ! On s’approche de la St Valentin. Vous êtes marié ? -Non ! Célibataire ! -Et vous ! Madame ! -Idem ! -Oh ! Ça sent le mariage ! Oups ! Je rigole ! -Je vois dans l’arène deux Messieurs, placés à gauche et à droite de votre emplacement. Vous les connaissez ? -Mais je suis toute seule et personne n’est à ma droite ni à la gauche de ma chaise. -Je ne comprends pas car je les aperçois. Le Monsieur de derrière ? Est-ce que vous voyez ces gens-là ! -Non !
-Mademoiselle ! Je n’ose pas parler de mon don de Médium mais je vois un homme à ma droite me dire en lisant ses lèvres PAPA et le second est silencieux, timide. Vous croyez à «l’Au delà ». -Je suis avocate et pour déformation professionnelle, j’aime avoir des preuves. -Le papa en question peut me prouver son identité.
Le défunt obéit et prononce « Anniversaire Marcus ». -Il vient de dire « Anniversaire Marcus » et vous le connaissez… -Je crois mais … -Moi ! Je le connais, on parle de mon père qui va fêter ses 90 ans le jour de la Saint Valentin ! -Ah ! Le hasard ! Je vous ai choisi pour mettre du piment dans mon spectacle et je tombe sur son fils. Je précise que je ne vous ai pas consulté avant le show. -J’affirme mais je suis fier de voir que Papa est là et je lui souhaite un joyeux anniversaire et bonne fête des amoureux, vu qu’il a un seul cadeau.
Tout à coup, Marie-Lise intervient : -Mais qui est l’autre homme ? -Pourrez- vous me m’imposer un indice pour lui faire un cadeau car au départ, je tiens à souligner que je l’ai choisi comme assistante. Il m’affirme qu’il est votre père ! Et il murmure « Good Bye ! My Girl ! » -Je confirme car quand j’étais petite, tous les soirs , il me souhaitait « Good Bye ! My Girl ! ». C’était notre secret et je connais le Monsieur à sa droite car je venais une fois par mois dire un petit coucou (tout en regardant Didieric)
Les larmes coulent le long de ses joues et l’animateur, qui était parti pour présenter son show, est complètement scié à la base de ce moment magique.
-Je demande à ce duo et pourquoi pas un futur couple, de quitter la scène car je vais appeler une autre personne. -Pas de souci ! -Alors ! Applaudissez- les très fort et un JOYEUX ANNIVERSAIRE à Marcus, qui est dans la salle, comme je suis le seul à le voir , à part le duo ou devrais-je dire le couple d’amoureux, je rigole ! Bon encore un JOYEUX ANNVERSAIRE ! Et vous permettez une petite pause pour digérer nos émotions.
De Zouhair
Malfaisant
Le pervers narcissique n’est qu’un profiler malfaisant, comme en témoigne cette histoire. La fête battait son plein chez les Kruger. C’était l’été, il faisait beau et chaud et la plupart des convives étaient vêtues très légèrement. Certaines avaient même prévu le maillot de bain et se baignaient dans la magnifique piscine à débordement de la propriété. Les Kruger étaient riches, très riches. Ils mariaient leur dernière fille, Hortense, et voulaient que la fête soit grandiose. Tables sur le green chargées de cocktails et de victuailles, rocking-chair pour ceux qui veulent se détendre, balancelles en toile blanche et macramé. Chaises longues au bord de la piscine…Chloé est une amie d’enfance de la mariée. Elle est douce et belle mais peu affirmée et même un peu passive. Les hommes qu’elle rencontre tombent sous son charme pendant les premiers mois mais se lassent ensuite de ce caractère nonchalant et indécis. Elle satisfaisait pourtant tous leurs désirs mais il faut croire qu’un homme a besoin d’une résistance en face de lui. Les plus machos diront qu’un homme a besoin de conquérir et même s’il ne dédaigne pas un plat tout prêt qui lui est servi de temps en temps, il préfère de loin se donner de la peine pour l’avoir. Chloé avait fini par comprendre cette tendance en elle qui faisait fuir les hommes mais elle avait un besoin maladif d’être aimée et pour cela elle était prête à tous les compromis, à tous les sacrifices. Jules était un ami du marié. Célibataire et coureur invétéré, il ne restait jamais plus de trois ou quatre mois avec une fille. Mais, c’est plus elles qui le fuyaient que lui ne les quittait. Exigeant et irascible, il voulait les posséder sans rien donner en retour. Il estimait que c’était une chance pour elles de sortir avec lui. Il s’estimait sans doute très beau et très intelligent. Mais il commençait à se lasser de ces relations éphémères et cherchait une fille qu’il puisse garder longtemps. Il repéra Chloé dès son arrivée à la fête. Elle rayonnait dans sa robe en mousseline bleu ciel agrémentée de petites fleurs brodées de toutes les couleurs. Ses cheveux blonds et ondulés flottaient en arrière et encadraient un visage lumineux et jovial dans lequel se lisaient une certaine innocence et une confiance aveugle en l’autre. Elle allait de groupe en groupe, riant avec les uns, menant des discussions plus sérieuses avec d’autres. Cependant, elle ne restait jamais bien longtemps dans un groupe, elle papillonnait. Jules observait ses moindres gestes. La façon de pencher la tête lorsqu’elle riait, l’assentiment et l’empathie qu’elle manifestait devant les propos des autres. Le fait qu’elle s’éloignait de temps en temps des groupes pour s’isoler sur une balancelle ou une chaise longue. Sa démarche aussi, peu sûre d’elle, flottante… Il fallait maintenant qu’il mette au point une stratégie d’approche pour ne pas l’effaroucher. Il se mêla d’abord aux différents rassemblements, évitant d’aller vers les groupes où elle se trouvait. Il se présenta comme le meilleur ami du marié et raconta maints souvenirs qu’ils avaient eus en commun et fut d’emblée apprécié par la plupart des convives. Il se rapprocha ensuite progressivement de Chloé en faisant semblant de ne pas s’intéresser à elle. Pourtant, elle, l’avait remarqué. Elle ne pouvait pas manquer ce visage si viril, si sûr de lui, cette crinière brune, cette barbe de trois jours et surtout cette poitrine velue qu’on apercevait à travers la chemise blanche largement ouverte. C’est comme par inadvertance qu’il l’éclaboussa de son verre de champagne alors qu’elle se tenait près de lui. Il se confondit en excuses et entreprit de nettoyer sa robe avec une serviette en papier. Il fit comme s’il la découvrait pour la première fois et entama la conversation. Elle buvait ses paroles. Elle le trouvait séduisant et protecteur à la fois.
-Voilà peut-être l’homme qui ne va pas se lasser de moi au bout de quelques mois, se disait-elle. -Voilà la fille qu’il me faut :sans ancrage, docile et naïve, se disait-il.
Chloé et Jules vécurent une lune de miel extraordinaire. Elle se pliait à tous ses désirs. Il la protégeait de tous ses doutes. Puis, les failles apparurent peu à peu. Une chemise mal repassée, un repas trop lourd, trop de dépenses somptuaires et il se mettait en colère à lui faire peur. Puis, les reproches commencèrent à porter sur son aspect vestimentaire et sur son physique. Chloé n’osait plus se regarder dans le miroir et quand elle s’efforçait de le faire, elle se trouvait moche et habillée comme un sac. Petit à petit, elle perdit le peu de confiance qu’elle avait en elle et le crut quand il lui cria qu’elle était non seulement moche mais bête. En peu de temps, elle entra dans une dépression profonde, ne mangea plus et eut même l’idée de se mutiler ou de se donner la mort. C’est exactement ce que recherchent les pervers narcissiques : détruire l’autre pour le délester de tout ce qu’il possède. Un soir où rien n’allait, elle reçut un appel d’ Hortense qui s’inquiétait du silence de son amie. Chloé osa se confier à elle et lui raconta l’enfer qu’elle vivait. Son amie, beaucoup plus informée qu’elle, lui expliqua le phénomène d’emprise et lui assura qu’elle ne pouvait s’en sortir seule. L’adresse d’une hypnothérapeute lui fut donnée. Elle y alla et dès la première séance sentit un bien-être s’installer.
A la deuxième séance, en état de transe, la psychothérapeute lui fit des suggestions hypnotiques : -Lorsque vous entendrez « tu es moche », cela voudra dire « tu es très belle et je suis jaloux de ta beauté ». -Lorsque vous entendrez « tu es bête », cela voudra dire « tu es très intelligente et je suis jaloux de ton intelligence ». De retour à la maison, lorsque Jules ce soir-là accabla de nouveau Chloé de reproches et de remarques dévalorisantes, celle-ci arbora un sourire angélique qui le déstabilisa complètement. -C’est fini chéri, tu ne m’auras plus comme cela. Penche-toi plutôt sur ce qui te manque et essaie d’y remédier. Malgré les menaces qui ne manquèrent pas de surgir et les « personne ne voudra de toi, qu’est-ce que tu crois » ? Chloé mit fin définitivement à cette relation et à toutes les relations toxiques à venir.
De Lucette
Il ne faut pas confondre mentalist et illusionniste. Les illusionnistes font des tours préparés, ils doivent beaucoup s’entrainer pour donner l’illusion qu’il n’y a pas de trucage. Alors que le mentalist est un personnage très complexe. Il peut rendre service à la police pour identifier des crimes. Dans la police ou la gendarmerie pour accéder au titre de profileur, c’est-à-dire faire une ébauche de portrait à partir d’éléments connus. Ça ne s’improvise pas, il faut faire des études, entre autres de psychologie pour en devenir « expert ». Ils ont un pouvoir à la limite de la manipulation, de la magie ou du pouvoir. Ils ont des qualités extra-sensorielles pour pénétrer la personnalité des interlocuteurs. Ils ont la connaissance du langage du corps, de notre comportement face à eux, de la façon dont on est habillé, la façon dont on parle. Nous sommes scrutés à la loupe. Rien ne leur échappe. Certains font de l’hypnose et de la manipulation d’esprit, ils ont un sens de l’observation démultiplié. Pour ma part, j’ai très peur de ces gens-là. J’ai assisté à un « spectacle » mais était-ce vraiment un spectacle ? Sur scène, ils repèrent des cibles potentiellement faciles à endormir… Elles sont endormies, et là par professionnalisme ou par quelque chose d’autre qui m’échappe, les voilà conditionnées à dire et à faire des choses insensées qui ne leur viendraient pas à l’idée en temps normal. Ce genre de représentation me met mal à l’aise. Certes, les personnes sont montées de leur plein gré sur scène, mais ma peur à moi (sans doute par méconnaissance du « métier ») est de ne pas savoir si je serai « la même » après leurs agissements mystérieux. Je n’arrive pas à leur faire confiance totalement, leur donner mon esprit, mon corps, mes idées le temps d’une représentation, ça m’est impossible. Leurs belles paroles, leurs gestes, leurs regards, tout m’effraie chez eux… Je n’arrive pas à me dire que c’est une expérience, oui bien sûr, mais ils sont aussi maîtres dans l’art de la manipulation mentale. Ils sont ténébreux, énigmatiques, et vraiment je ne pourrai jamais lâcher prise face à eux. Je suis très terre à terre, et j’ai besoin d’être bien ancrée, de maîtriser mes gestes et mes paroles. Sans doute est-ce due à toutes les peurs et frustrations pendant mon enfance. J’en ai vaincues certaines, mais d’autres sont rivées à tout jamais dans mon cerveau. Puisque, rien que de m’imaginer être face à eux me trouble, m’inquiète, alors, non, non, non, je ne veux pas avoir affaire avec ces gens-là…
De Marie-Josée
Le magicien des âmes.
Clément adorait les tours de magie, les lapins qui surgissaient de nulle part, les colombes qui se multipliaient et virevoltaient sur la scène. Le jour de ses 10 ans, sa marraine lui avait offert un coffret de magie accompagné d’un bon cadeau pour un cours. Il sauta à son cou et lui décerna illico le titre de ‘’meilleure marraine du monde’’. Cette passion peu commune lui valait parfois des moqueries de la part de ses copains. Inutile de vouloir discuter ‘foot’ avec lui, il n’en avait que faire des stars qui décoraient leurs chambres, la sienne ressemblait plutôt à une caverne d’Ali Baba. Un énorme poster de Harry Potter était accroché au-dessus de son lit et les accessoires pour s’exercer intriguaient et surprenaient ceux qui avaient le privilège d’y accéder. Il suscitait l’admiration mais aussi la jalousie. Les filles étaient prêtes à se crêper le chignon pour gagner son cœur et les garçons rivalisaient d’ingéniosité pour contrecarrer cette popularité grandissante. Il maîtrisait des tours de plus en plus difficiles et son sens de l’observation, sa dextérité et son charisme le confortaient dans son choix de faire de cette ‘lubie’, comme disaient ses parents, son futur métier. Il voulait absolument intégrer une école de magie et ses parents tentaient vainement de le convaincre d’opter pour une profession plus conventionnelle et pratiquer la magie comme activité de loisirs. Anaïs partageait le même avis mais évitait le sujet pour ne pas faire mauvaise figure face à ses copines qui lui disaient : « Tu as trop de chance d’être sa petite amie, on aimerait tant être à ta place ». Elle commençait à se lasser de l’accompagner pour assister à des spectacles de mentalistes et autres magiciens réputés et de faire le pied de grue avec lui dans l’espoir qu’il puisse échanger quelques mots avec l’une de ses idoles. Elle ne comprenait pas qu’il consacrait autant de temps à cette passion et il lui expliquait invariablement que c’était le prix à payer s’il voulait faire un jour partie des meilleurs. Clément n’était pas dupe. Il savait bien qu’elle voulait les avantages mais pas les inconvénients de leur relation. Elle aimait se pavaner à ses côtés quand il épatait la galerie mais n’était pas prête à faire des concessions. Elle ne supportait pas qu’il accorde plus de temps que nécessaire à ses fans et lui faisait des scènes de jalousie quand il avait le malheur de discuter, à son goût, un peu trop longtemps avec une admiratrice. Par moments, elle le trouvait même inquiétant. Elle avait l’impression qu’il savait lire ses pensées et doutait de sa sincérité lorsqu’il lui expliquait que c’était uniquement une technique parmi d’autres que tout le monde pouvait acquérir. Il se sentait souvent très seul et incompris. Peu de personnes avaient la capacité de concevoir sa motivation, son amour pour la perfection de l’exécution des gestes, son engouement pour le spectacle et sa satisfaction quand il parvenait à apporter de cette manière du bonheur aux gens et mettre de la magie dans leurs vies souvent moroses. Le moment de l’inscription à l’école de magie tant attendu arriva. Il allait de soi qu’il profita de son passage à Paris pour regarder le spectacle de l’un des plus grands magiciens de tous les temps et pour lequel, contre toute attente, il avait réussi à obtenir deux places. Le spectacle était fabuleux, même Anaïs était subjuguée et leur discussion à la sortie était animée. Clément heurta par inadvertance une jeune femme et au moment où il croisa son regard, il y lut un grand désarroi. En s’excusant, il essaya d’entamer la conversation mais Anaïs y coupa court en le prenant par le bras et en l’entraînant vers l’arrêt bus. Il se retourna et vit l’inconnue se diriger dans la direction opposée. « Surtout ne te gêne pas ! Décidemment, tu ne peux pas t’en empêcher. Qu’est-ce que tu lui trouves ? » vociféra Anaïs. « Tu es ridicule ! Qu’est-ce que tu vas encore imaginer ? Tu n’as pas vu la détresse dans ses yeux ? » répliqua Clément. « N’importe quoi ! Tu n’as qu’à dire franchement que tu ne veux plus de moi » se lamenta-t-elle. « Anaïs, je t’assure … « Excuse-moi, l’interrompit-elle, je suis un peu sur les nerfs en ce moment, je n’aurais pas dû m’emporter ainsi. Je te promets que cela ne se reproduira plus » L’incident était clos mais il jeta une ombre sur cette fin de soirée et le regard de cette inconnue poursuivit Clément une bonne partie de la nuit. Le lendemain matin, il se réveilla tôt, bien avant l’heure pour son rendez-vous à l’école de magie. Il laissa dormir Anaïs, s’habilla et décida d’aller se promener sur les quais de Seine pour profiter du soleil printanier. Quand il arriva dans le quartier de la salle de spectacle, il aperçut des véhicules de pompier en intervention. Instinctivement, il s’approcha et vit deux plongeurs déposer un corps sur la berge. Il reconnut le manteau bleu de la jeune femme qu’il avait croisée la veille. Il le savait, il aurait dû lui parler, il aurait peut-être pu la sauver, il aurait dû… Il marcha quelques heures sans but et quand il retourna à l’hôtel sa décision était prise. Il mettra un terme à sa relation avec Anaïs et il fera des études de psychologie, à défaut d’illusionniste, il deviendra un magicien des âmes.
De Patrick
Mentalist
Cette forêt est vraiment épaisse et sombre. Je dois garder toutes mes facultés en alerte pour ne pas me perdre. Mais, maintenant la fatigue me gagne et puis marre de cette végétation envahissante qui me griffe et me gifle sans répit alors, souffler oui souffler cinq minutes, pas plus, pour reprendre mes esprits et faire le point de la situation et réfléchir mais, surtout ne pas me retarder, garder de l’avance sur mes poursuivants, que mon évasion de cette cave ne soit pas veine. Pourquoi ? Oui pourquoi je ne suis pas resté peinard dans le cirque d’Igor le magnifique ? J’avais un job sympa de mentalist, vous savez, le gars qui fait croire au quidam de base qu’il a des pouvoirs paranormaux alors que non, j’ai juste le don de posséder des facultés d’observation ainsi qu’une capacité très développée à relever les moindres détails, un petit génie du décodage, Fabrice le fabuleux mentalist et illusionniste : c’est moi ! Mais voilà qu’un soir après ma prestation, Igor vient me rendre visite dans ma loge et me dit qu’un type voulait discuter avec moi pour un nouveau job, j’ai dit banquo, qu’il vienne. J’ai tout de suite vu que l’homme qui entrait dans ma loge n’était pas du monde du cirque, bien habillé, élégant, mais austère, pas le genre à rigoler tous les jours, un sourire en berne, un regard tellement sérieux à faire pâlir un régiment de clowns, bref un avocat d’affaires. Après les présentations d’usage, monsieur l’avocat me propose un poste de mentaliste dans son étude avec ses associés. D’abord dubitatif et incrédule sur l’offre, mais quand le type a parlé pognon, j’ai écouté d’une oreille très attentive, d’abord pour l’attrait de la somme annoncée et puis, le bonhomme avait du talent. Il savait vendre son affaire en flattant mon ego, me disant que j’étais très doué, un véritable artiste. Alors moi, poussé par mon orgueil et ma vanité ,croyant un peu trop à la force de mon esprit et pensant posséder un sixième sens, j’ai cédé au chant perfide de l’argent facile et me voilà, moi, le mentalist de cirque embarqué comme mentalist comportementaliste dans une grande étude d’avocats d’affaires. Le job n’était pas compliqué et surtout bien payé. Je devais assister messieurs les avocats dans toutes leurs réunions et rendez-vous afin d’observer, analyser et décoder le comportement des clients et toutes les personnes gravitant autour de leur cabinet, ceci afin de les préserver de toutes mauvaises surprises et pouvoir anticiper une action sur une ou plusieurs affaires. Les patrons et le personnel étaient sympas avec moi, mais sans plus car, avoir un mentalist comme collègue, ce n’est pas le nec plus ultra. Les conversations étaient laconiques : toutes et tous se méfiaient de moi, sauf la petite stagiaire Adeline, jolie petite brune de 27 printemps. Enfin, c’est ce qu’elle disait, embauchée au cabinet le même jour que moi. Adeline ne se méfiait pas de moi, elle discutait volontiers et souvent nous déjeunions ensemble. Adeline est une gentille et jolie jeune femme mais a encore un esprit de gamine pour 27 ans. Elle devrait grandir un peu. Enfin je l’aime bien, c’est une bonne copine de boulot. Oh! Mais qu’est-que je fais là, perdu dans mes pensées, c’est pas le moment de rêvasser et de se reposer surtout, ne pas perdre de vue que j’ai 3 tontons flingueurs aux trousses qui veulent me faire passer l’envie de parler parce que j’ai découvert que l’étude de mes chers patrons protégeait des intérêts mafieux de haute volée. Alors dans un premier temps, ils m’ont enfermé dans une cave, avant sûrement de me dessouder plus tard. Aller courir, fuir le plus vite possible, sortir de cette satanée forêt, trouver la route et avoir la chance d’être pris rapidement en stop. Coup de bol, j’ai pu rejoindre, dans les meilleurs délais, la ville. Un gentleman m’a gentiment déposé dans un de mes bars préférés et là maintenant je viens d’envoyer un appel au secours par téléphone à Igor, mon mentor. Il arrive d’ici 10 mn. Igor arrive ; il me demande de sortir du bar et de monter dans sa voiture pour aller discuter dans un endroit tranquille. Je lui dis ok et nous voilà partis. Après un quart d’heure, il arrête sa bagnole et me dit : » nous sommes arrivés ». Là, je suis complètement défait, Igor m’a ramené devant l’étude de mes bourreaux et c’est à ce moment que mon salaud de mentor me dit :“ sors de ma caisse et descends à la cave, c’est fini pour toi, j’ai d’énormes intérêts que tes patrons défendent, on allait pas laisser tout foutre en l’air par un gugus comme toi, allez, on attend les trois porte-flingues et adieux Fabrice le mentalist. »
Incroyable pour la trahison d’Igor, j’ai rien vu venir, rien déceler, comment j’ai pu passer à côté et je suis fait comme un rat dans une souricière. Plus tard, Igor, avec l’aide des trois mafieux, m’a attaché et bâillonné pour pouvoir me supprimer sans bruit. C’est à ce moment là où tout semblait perdu pour moi que j’ai entendu la voix claire et salvatrice de ma copine Adeline. Mais pourquoi venait-elle s’engouffrer dans ce piège mortel, elle si fragile et surtout sans défenses ? Les quatre lascars, surpris par l’arrivée d’Adeline, mais reprenant vivement leurs esprits en voyant qu’elle était seule et désarmée, la braquent avec leurs flingues. Mais, la belle Adeline n’était pas venue seule comme une petite fille paumée. Avant de lancer l’assaut, elle avait sifflée la cavalerie et tout à coup sur son ordre, une escouade de flics a débarqué dans la cave, à la stupeur des quatre bras cassés dépités de s’être fait berner par une soi-disant ”petite stagiaire”. Adeline m’enleva mes baillons et mes liens et puis se tournant vers les keufs leur ordonna d’une voix ferme “ embarquez moi ces 4 minables au poste”. Adeline la petite stagiaire qui donnait des ordres aux flics ? Irréel, incroyable mais c’est quoi cet imbroglio dans cette mauvaise histoire ? -Merci Adeline, mais c’était dangereux pour toi, et pourquoi tu donnes des ordres aux condés hein ! Pourquoi ? -Capitaine Kate Vargas de la BRB, Adeline, c’était ma couverture. Il y a longtemps que l’on suspecte cette étude d’avocats couvrant des délits mafieux et quand ils t’ont recruté, alors je me suis infiltrée pour te surveiller et accumuler des preuves de leur culpabilité. Fabrice je te le dis en toute amitié, retourne dans ton monde comme mentaliste, illusionniste amuseur public dans un cirque, ta place est là et laisse travailler les vrais professionnels. Moi je suis diplômée en synergologie, une vraie mentaliste, allez, salut l’artiste et sans rancune. Finalement mon aventure m’a donné à réfléchir je crois que je vais écrire un livre, l’histoire d’un couple d’acteurs, elle et lui un peu mentaliste , aidant la police à résoudre des enquêtes, super idée un futur bestseller quoi ? Que dis- tu Kate chérie ? Que c’est du déjà-vu. Ça m’étonnerait, je le saurais, je suis mentaliste.
Synergologie : Science qui permet de découvrir par les gestes du corps ce que pense l’esprit
De Laurence D
Qu’étais-je allé faire dans cette galère ? » se demandait-il encore. Mes amis m’avaient propulsé, il n’y avait pas d’autre mot, sur la scène. Moi qui suis d’un naturel discret et à raser les murs, eh bien c’était réussi ! Me voilà sous les feux des projecteurs, c’est le cas de le dire, il faisait une chaleur ! Mon pull me grattait et je sentais la sueur dégouliner le long de mon dos. Je n’avais qu’une envie : fuir très loin, m’attabler à la première terrasse de café et commander un bon demi de bière bien fraîche ! Rien que de l’évoquer, ma salive se desséchait à l’intérieur de ma bouche et ma langue pesait lourdement. « Bonjour cher Monsieur, un candidat bien courageux, vous pouvez l’applaudir bien fort chers spectateurs ! » La salle applaudit à tout rompre et moi, je ne voyais strictement plus rien, aveuglé par la lumière éblouissante des éclairages. « Alors , quel est votre prénom ? On me glisse dans l’oreillette que vous vous prénommez Pierre, alors bonjour Pierre et je vous remercie de participer à mes petites expériences. Mais attendez …là je peux vous dire qu’à cet instant précis que votre plus cher désir serait de boire une bonne bière bien glacée ! Est-ce que je me trompe ? Je ne pus que hocher la tête, bien incapable de prononcer le moindre mot, ma bouche étant définitivement sèche. Mais je pensais qu’il ne fallait pas être grand clair pour le deviner, je transpirais à grosses gouttes et je ne donnais pas l’impression de boire des camomilles. Je m’installai dans le grand fauteuil qui trônait au milieu de la scène et j’attendis la suite… « Cher public, que va nous révéler notre participant ? Je sens que d’être sous le regard de tous n’est pas forcément votre tasse de thé ? Détendez-vous Pierre, tout va bien se passer. Pour commencer, je vais vous demander de prendre ce bloc note et ensuite de noter le prénom d’une personne proche de vous. Pliez ensuite ce papier en 4 et déposez-le dans votre poche de pantalon. Mon rôle consistera à dire quel est le prénom écrit par vos soins sur ce papier. A vous de jouer. » J’inscrivis ce qu’il m’avait demandé et je me dis que cela devrait le rendre quelque peu perplexe. Il me scruta de longues minutes, tourna autour de moi, tel un derviche tourneur, s’arrêta soudain et se planta devant le public les yeux à moitiés fermés, ses mains enserraient son crâne. Il semblait plonger dans une intense réflexion. Moi, très détendu, assis dans mon fauteuil, j’attendais la suite du spectacle. J’avais presque envie de m’endormir. Lorsque, soudain, il se retourna vers moi et déclama à haute voix : « Qu’avez-vous donc écrit sur ce bout de papier ? Je n’y vois que des dessins de toutes sortes. J’avoue que je n’y comprends rien. Auriez-vous utilisé un subterfuge pour tromper un grand mentaliste tel que moi ? Pour me mettre à l’épreuve ? Une autre énigme à résoudre ? Ah ! je vois à votre sourire que j’ai tapé dans le mille. » Il se retourna vers la salle et dit : « Une fois n’est pas coutume mais je vais devoir avouer mon impuissance à la noble assemblée, je n’ai que des dessins à lui montrer. Mais…mais ne serait –ce pas des hiéroglyphes ? J’ai tout compris, alors Monsieur est facétieux, Monsieur a voulu me tester ? Bien joué, on applaudit bien fort notre aimable participant. Bravo et merci à vous. On ne me l’avait pas encore faite celle-là ! Et n’étant pas Champollion, je n’ai pas réussi à décrypter ces petits dessins. Pourriez-vous me montrer votre morceau de papier s’il vous plaît ? » Je sortis de ma poche mon papier et le dépliai délicatement. Effectivement, je m’étais rappelé comment on écrivait en égyptien mon prénom et m’étais amusé à le reproduire. Je descendis de l’estrade sous les applaudissements et gagnai rapidement la buvette de la salle de spectacle. J’avais bien mérité ce grand verre de bière bien fraîche et le barman devina tout de suite mon envie. « Un demi, Monsieur ? » Mais comment avait-il deviné ? Avais-je encore affaire à un autre mentaliste ? *
De Laurence D (proposition d’écriture N° 121)
Premier bonheur du jour, que je m’offre en ouvrant les volets de ma maison le matin : regarder les fleurs à peine écloses après cet hiver humide et froid, suivre des yeux un oiseau dans le ciel, sentir les odeurs de la terre des champs labourés, écouter les cloches de l’église qui résonnent pour l’appel de ses fidèles à la messe de 7 h… Je pourrais dresser une longue liste de mes bonheurs du jour. Il y en a tellement ! Des petits riens qui font un grand tout ! Arrivée à l’âge qui est le mien, je les aime et ils me le rendent bien. Je ne suis plus à courir des chimères. J’aime mes rêves étoilés. Depuis très longtemps, dès le lever, je visualise ma journée. Qu’aurais-je à faire ? Les incontournables, les exceptionnels, je prends la mesure de ce que je suis capable de réaliser en fonction de mes envies, mon énergie et mes obligations. Et qu’importe de ne pas avoir le temps de tout faire ? L’important est de bien le faire et d’y avoir pris plaisir. Demain sera un nouveau jour, plein de promesses…
Poème de Jenny Joseph, « Rose in the afternoon » (1963), proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)
Quand je serai vieille, je m’habillerai de mauve Je mettrai un chapeau rouge qui jure avec ma robe Je dépenserai ma pension en cognac et en gants de dentelle En sandales de satin et je dirai que Nous n’avons pas les moyens d’acheter du beurre Je m’assoirai sur le trottoir quand je serai fatiguée Je tirerai les sonnettes d’alarme Je ferai courir ma canne sur les barreaux des clôtures Je rattraperai le temps perdu quand j’étais jeune et sérieuse Je sortirai en pantoufles sous la pluie Je cueillerai des fleurs dans les jardins des autres J’apprendrai à cracher très loin Mais peut-être devrais-je m’exercer un peu avant Afin que mes amis ne soient pas surpris et choqués Quand tout à coup je serai vieille Et que je m’habillerai de mauve
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