Ce qui est curieux avec les textes de la proposition d’écriture N° 126 avec ces dés différents, c’est que certaines et certains d’entre vous ont écrit autour des fées, des princesses et des sorcières. Lire vos histoires est toujours un moment délicieux et c’est ainsi que je commence délicieusement mon weekend…grâce à vous toutes et tous!

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Claudine (proposition d’écriture sur le mentalist)

Le mentalist

Quelle bizarrerie cette situation ; je devrais mettre au pluriel car l’événement se produisait une fois par mois.
Mes grand- parents, des personnes que j’ai toujours considérées censées se rendaient dans ce qu’il faut bien appeler un bistrot, situé à cinq cents mètres de chez eux. C’est dans ce lieu qui servait aussi de lieu de vente qu’ils se fournissaient, l’été, en bière. Pas beaucoup ? Car en fait il ne buvait pas d’alcool, mais comme disait Pépé Arthur : « c’est rafraichissant ».
Autant dire qu’ils connaissaient bien le débiteur de boisson ; celui-ci pour attirer la clientèle avait eu l’idée d’inviter une fois par mois ce que nous appelions un magicien ; il était assez moche et rien qu’à le voir, j’en éprouvais une certaine aversion. Il nous avait expliqué que depuis l’enfance il avait un don pour connaitre le passé.
Un jour, devant la jolie jeune fille que j’étais devenue, selon ses dires, voilà t’y pas qu’il lui prend l’idée de me nommer son assistante. Pour lui, comme il le disait à mes grands-parents, c’était un plus pour son spectacle. Pour moi, c’était une corvée et plus encore, une détestation totale. Devant l’enthousiasme des personnes présentes, une dizaine à tout casser, je me suis prêtée au jeu.
Le lapin, ça pouvait le faire, même si je ne comprenais jamais d’où il sortait. Mais le moment où pour moi les choses ont dérapé, c’est quand ce personnage a voulu parler du passé et tenter d’en dire un peu sur l’avenir. Jeu dangereux car toutes personnes présentes – des voisins – se connaissaient.
Le monsieur savait se vendre et nous donnait des détails sur sa carrière qu’il décrivait « grandiose ». De mes 12 ans, je me demandais ce qu’il faisait dans ce bistrot de quartier, mais bon, nous étions là pour passer un bon moment, comme se plaisait à dire Ginette, une voisine bien enrobée.
Justement, c’est elle la Ginette qui est passée la première sous les feux de la rampe. Quelle rigolade du mini public ! Seul son mari a beaucoup moins ri, moi pas du tout.
Notre magicien, qui se faisait lors de la séance de divination appeler psy, (à l’époque, Simon Baker n’avait pas encore fait son apparition à la télévision), s’est mis à lui parler de son passé ; Ginette n’a plus vraiment apprécié ; il faut dire que ce n’était pas très réjouissant de s’entendre dire que depuis l’enfance, elle était grosse, elle était au régime et qu’elle avait eu bien du mal à trouver un homme.
Ce fut ensuite au tour de l’une de mes tantes ; elle a joué le jeu à fond et s’est presqu’endormie à la demande du bonhomme. Il lui a brossé un tableau plus que flatteur de son passé de jeune femme ravissante et coquelle. Elle était encore célibataire, donc, hormis ses parents, personne n’avait rien à lui reprocher.
Le bouquet, c’est quand il s’est attaqué à l’une des femmes du coin, bien connue pour ses aventures extra conjugales.
Avec délectation, il s’est mis dans un genre de transes pour débiter les aventures de la charmante voisine. Le mari, cocu notoire, a peu apprécié d’être ainsi ridiculisé. Notre charmant « psy » lui a fait remarquer que c’est ce qu’il voyait lui, et qu’il fallait accepter la réalité divinatoire.
Nous avons cru que les bouteilles de bière allaient valser dans le débit de boisson.
Cette scène, grotesque selon moi (et d’autres) n’a pas empêché le quidam de revenir prêcher la bonne aventure chaque mois. Sans moi, ni mes grands-parents qui avaient peu gouté ce déballage public.
Autant dire que depuis ces événements je n’aime pas beaucoup ces diseurs improvisés qui parlent pour le plaisir de remplir leur sébile. Et peut-être aussi pour le plaisir de manipuler. Et dire que ça fonctionnait ce cirque…
J’avoue que j’ai un rejet contre la bière qui pourtant n’y est pour rien ; la Valstar de l’époque et toutes les autres.


De Claudine (proposition d’écriture « aujourd’hui maman est morte »)

Il est exactement neuf heures ; la pendule a égrené toute la nuit ses minutes, ses secondes. Nos regards n’étaient pas portés vers ce rond métallique qui n’avait en fait aucune importance.
Nous étions arrivées à trois du matin, à la suite de l’appel, classique, d’une infirmière du service :
– « L’état de votre maman s’est aggravé ».
Ha, cette phrase dite et redite tant de fois par l’infirmière de garde et qui nous incite à l’urgence pour aller vers celle (ou celui) qui va partir dans quelques temps – heureusement il n’y a pas de « délai » donné et parfois l’erreur est humaine. Mais nous savons aussi, par expérience, que dans cette phrase, il y a parfois un mensonge généreux.
Maman avait été changée d’étage. Elle avait été transportée dans l’étage du haut, celui que par la suite je connaitrais sous son nom « officieux ». « Plus près de toi mon Dieu ». Tout un programme non connu des familles. Dans les années qui suivirent, ce surnom avait été abandonné (tardivement) à la demande du chef de service, forcé par des chefs de clinique ; homme pas très sympa, ce Pr. Mais compétent.
Lors de notre arrivée dans la chambre faiblement éclairée, dans la nuit noire de juillet, nous voyons deux grands yeux bleus qui nous accueillent le sourire aux lèvres. Que du bonheur, même si nous ne sommes pas dupes. Les médicaments jouent leur rôle à fond, mais nous ne voulons pas y penser, il sera bien assez tôt pour être confrontées à la dure réalité.
Et là, commence la nuit la plus magique que nous avons vécue depuis plusieurs mois. Nous, c’est moi et ma sœur Yvette. Louis notre frère est resté claquemuré dans l’appartement, ne voulant pas se confronter à cette l’évidence. Ça, c’est tout lui, mais il est encore un grand enfant de…27 ans !
Dès l’entrée dans la chambre blanche au papier gaufré, made in hôpital de L’AP-HP, maman s’adresse à Jack qui nous a amenées le plus rapidement possible. Elle ne l’a pas vu depuis un certain nombre de jours (de mois) ; ses propos sont clairs et nets ; ce qui suffit à nous requinquer, ne serait-ce que parce qu’elle a toute sa tête comme on dit. Ha, l’être humain, qui face au plus petit espoir se met à croire en demain.
Une fois seules toutes les trois, elle allongée dans ce grand lit au drap jaune, nous de chaque côté lui tenant la main, nous nous mettons à papoter, comme si de rien n’était. Et en fait, rien n’était, sinon le passage de l’infirmière chaque heure pour faire LA piqûre.
Maman a commencé par nous demander ce que nous faisions là, à cette heure où nous aurions dû aller chercher ses chères têtes blondes à l’école. (plutôt une blonde et deux noires). En l’occurrence, Isabelle ainsi que David et Laurent ses cousins.
Comment aurait-elle pu imaginer notre Maman que nous étions en pleine nuit. C’était bien elle ça, ne jamais oublier ses trois petits enfants. Encore un espoir pour nous.
Et s’en est suivies des anecdotes, sur ceci ou cela, celle-ci et celui-là. Nous nous sommes abstenues de parler de Pipo son chien qui avait dû être « piqué » car il avait gravement mordu un enfant. Le désespoir peut être ?
Rires qui ponctuaient ces instants extraordinaires où elle ne souffrait plus. Magie des opiacées ! Nous avons remonté le temps, avec légèreté, bonne humeur. Comme avant que ce crabe ne s’invite quelques mois plus tôt, sans y être convié. Perturbant nos vies, déstabilisant nos cœurs.
Oui, encore aujourd’hui, j’ai un souvenir intact de tous nos échanges ; elle, et ses 47 ans, moi 30 ans, ma sœur 28. Elle plaisantait encore sur le fait que parfois l’on nous prenait pour trois sœurs. Elle était tellement belle, dans sa blondeur et ses yeux d’azur. C’est injuste, trop injuste, ce n’est pas possible de partir à cet âge- là, oui, elle est trop belle, elle est trop jeune. Son mari, notre père est parti cinq ans plus tôt ; lui, il avait confondu la Salvetat avec le Préfontaines.
Trois heures…quatre heures…cinq heures…six heures…sept heures et bientôt huit heures…l’aiguille avance.
Cinq heures de bonheur, cinq heures de répit, cinq heures d’une vie. Avec dans ces chaque heures LA piqûre ; celle – nous le savions – qui ferait lâcher le cœur.
Mais elle tenait bon notre Maman chérie, elle voulait encore admirer ses princesses comme elle nous appelait. Savait-t-elle à quoi servait cette injection ? Nous ne le saurons jamais ; elle a toujours gardé, malgré les grandes souffrances régulières, une foi au lendemain inébranlable. Et nous deux, ainsi que le reste de la famille, nous sommes bien gardés de la confronter à la réalité.
« Mais la vie sépare ceux qui s’aiment tout doucement sans faire de bruit ».
Huit heures trente, le sommeil – quel sommeil – l’envahit, le silence se fait. Ma sœur et moi confrontons nos regards, incrédules malgré ce que nous savons de la suite annoncée. Nous restons là, unies dans une douleur qui commence à revenir dans nos entrailles. Nous avons beau savoir, nous ne voulons pas y croire.
Ce n’est pas juste de partir à 47 ans, si joyeuse. « Ce n’est pas juste », aurait elle dit « que je ne sois pas là pour fêter ton 30 ème anniversaire ma grande».
Nous avions 21 jours auparavant fait une fiesta dans une chambre d’hôpital, avec l’assentiment du corps médical et soignant. Pour les 10 ans de son amour de petite fille, cette blonde aux yeux bleus comme elle. Pour rien au monde, elles n’auraient voulu rater cet événement, l’une comme l’autre.
Et à 9 heures, ce 21 juillet 1976, nous avons dû admettre qu’aujourd’hui, maman est morte. Que ses beaux yeux se sont fermés pour l’éternité .
Instants de stupeur quand nous réalisons que le souffle a cessé de revenir ; non ce n’est pas une apnée, ce n’est pas un temps plus long qu’un autre…c’est la fin !
J’ai toujours trouvé étrange que cet instant est si bien perçu, au moins par moi ; je l’ai vécu plusieurs fois et c’est toujours un instant de sidération maximum.
Sonnette, arrivée de l’infirmière, arrivée de ce chef de clinique qui m’a soutenue pendant tout ce parcours menant vers l’infini. Qui me laisse vider contre lui, des larmes dont je pensais qu’elles n’étaient plus là. Merci à lui.
Oui, nous savons, non, nous n’acceptons pas ; c’est injuste, c’est irréel.
Plus de fous rire, plus de conversations sérieuses, plus de maman quelque peu fantasque mais si aimante.
La vie prend un autre tour ; je deviens l’ainée, ce que j’étais depuis pas mal de temps pour ma maman un peu enfant. Je deviens l’épaule sur laquelle l’on s’appuie. Ça aide à tenir debout.
Nous lui avions promis qu’elle rentrerait chez elle. Nous avons tenu notre promesse. Avec toujours le soutien de ce chef de clinique adorable.
En attendant l’ambulance « spéciale », nous sommes là, pas désœuvrées, car le personnel est aux petits soins…café, tartines (refusées). Non, tout ce personnel n’est pas indifférent.
Enfin, c’est le transport vers son domicile…bizarre situation où il faut rester stoïques et presque souriantes.
Le mensonge pieu pour que Louis accepte : « Maman nous a parlé de toi et pense que tu es fort et que tu vas continuer à vivre normalement ».
Evidemment elle n’a jamais eu le temps de dire ceci. Mais lui, il y a cru et c’est l’essentiel.
Et arrive la cohorte de toutes les préparations, de toutes les informations à fournir. De toutes ces personnes à recevoir, qui ne venaient pas à l’hôpital…car « trop difficile ».
« Maman est morte ce matin « disent les télégrammes, « Maman est morte ce matin » disent les mots à chaque porte ouverte; (le téléphone n’était pas vulgarisé) avec le recul je me souviens que c’était dit comme un leitmotiv, comme on dit « il pleut ».
Mot dit et redit encore et encore. Restée debout, accueillir tout ce monde…la vie en somme. Les rires aussi, rire nerveux, mais rire malgré tout dans cette chambre encombrée. Souvenirs !
Et c’est le « grand jour », celui où tous ensemble nous allons dans l’église et nous descendons ensuite vers le cimetière, ce lieu où sont déjà installés tant de nos proches.
Et ensuite, c’est le repas, une coutume, qui se perd, mais qui aide à se souvenir. Comme avec la marraine de Maman que je connais peu ; Mme De Liège, belle personne venant de Belgique avec ses enfants, pour la circonstance.
Tante Paula organise ce rassemblement, triste et gai à la fois. Etrange, mais naturel. Une trentaine de personnes s’entassent dans son logement, à tour de rôle pour certains.
Après, je me souviens d’être retournée au cimetière avec ma sœur, mon frère, mes tantes. Ces instants sont toujours étranges, nous soupesons les innombrables gerbes…nous faisons ensuite le tour de nos morts. Tradition.
Le néant dans la réalité du moment ; demain il sera bien temps pour réaliser, pour pleurer encore et encore. Pour tenter de combler le vide immense laissé par cette présence aimée.
Pour consoler cette petite fille inconsolable qui a perdu sa « mémère ».

De claudine (proposition d’écriture « j’aurais aimé avoir une vie normale »)

ILEANA

Elle est là, assise sagement sur une chaise de la salle d’attente. Son visage est marqué et je ne saurais lui donner un âge ; jeune, mais déjà fanée, marquée par la vie. Je l’ai déjà rencontrée allongée dans un lit du service. Elle n’a, jusqu’à présent, jamais manifesté le souhait de discuter avec moi.
A chaque fois que je fais entrer un patient, je croise son regard de chien battu ; ou de personne aux abois, perdue dans ses pensées ; elle reste droite sur son siège. En une heure, j’ai l’impression qu’elle n’a pas bougé, comme statufiée.
C’est enfin son tour, elle me salue brièvement d’une voix fluette. Quelques minutes se passent, en silence. Dès qu’elle le voudra, elle parlera. Ou pas ! Il arrive que certaines personnes submergées par une douleur intense fasse un passage et reparte sans avoir prononcé un mot.
Elle, elle parle et me dit doucement :
« Ce que je veux, c’est que personne ne connaisse toute mon histoire ».
Je réponds de la même voix lui donnant l’assurance que rien ne sortira de ce bureau. Lui laissant tout l’espace pour se confier.
Je prends son dossier que je connais déjà et lis, un peu pour me donner une contenance : elle est originaire de Roumanie, âgée de 30 ans, elle a un enfant, un fils, reparti vivre avec ses grands-parents à cent kilomètres de Bucarest.
En France depuis 12 ans, elle a vécu de petits boulots mal payés, jusqu’au jour où elle a croisé l’un de ses compatriotes qui l’a hébergée.
Je pense en mon for intérieur qu’elle fait nettement plus que ses 30 ans. Il y a des métiers qui usent plus que d’autres.
Elle parle de son fils et ses yeux s’éclairent, lumineux. Je lui en fais la remarque et elle me dit que son prénom signifie : éclat du soleil. Elle fait de l’humour en me disant que le soleil a disparu depuis longtemps de sa vie.
Après diverses hospitalisations pour problèmes pulmonaires et gynécologiques, elle est désormais hospitalisée dans le service de neurologie…mauvais signe.
Elle le sait et en parle sans trop de difficultés malgré un français approximatif.
Elle me demande si je veux bien écrire son histoire. Pour son fils. Elle m’assigne la fonction de biographe hospitalière. C’est exceptionnel une telle demande, mais pas vraiment compliqué à satisfaire. Il faudra simplement prendre les précautions nécessaires, en pensant à son petit Victor qui lira peut-être un jour les mots posés sur le papier.
C’est courageux de la part de Iléana de vouloir dire ce que fut sa vie à Paris. De parler de ses rêves avortés, de ses espoirs déçus.
Elle commence, d’une voix monotone qui s’affermit au fil des phrases ; elle a confiance et veut raconter son histoire. Oh non, elle n’a pas honte, elle est simplement épuisée et sent ses forces décroître.
Elle connait le diagnostic de sa maladie, dont elle a du mal à prononcer le mot.
Elle commence, en sortant de son sac un paquet de mouchoirs. Signe de l’intensité de ce qui est à venir.
« Je suis arrivée à Paris, j’avais dix-huit ans. Deux copines roumaines m’accompagnaient. Mes parents ont accepté mon départ à cette condition et aussi parce qu’ils étaient si pauvres que pour eux la France c’était la richesse.
Nous étions si jolies toutes les trois. Nous voulions être mannequins. »
A ce moment-là, elle part d’un rire cristallin et je vois la jeune Iléana de dix-huit ans devant moi. Pourtant le rire est triste.
« Nous avons fait des petits boulots, difficiles, mais qui nous permettaient de dormir dans un hôtel, sordide, et aussi de manger un peu. »

Oui, mais voilà les hôtels sordides sont aussi fréquentés par des gens sordides.

« La patronne de l’hôtel était très gentille. Et elle nous disait que des filles comme nous pouvaient réussir dans la capitale. D’ailleurs, elle connaissait un monsieur très bien qui cherchait des employés de maison comme elle a dit »
« Elle nous a présenté à cet homme, c’est moi qu’il a retenue ; mes copines ont été placées dans d’autres maisons ».
« Les quelques jours qui ont suivis ont été formidables. Il m’emmenait dans les magasins des grands boulevards. M’offrait des vêtements. Ceci a duré peu de temps et la suite a été bien différente. Il a commencé par me demander d’être gentille avec l’un de ses amis. J’ai refusé, il m’a frappé, fort, très fort.
J’ai cédé, je ne pouvais pas faire autrement vous me comprenez ? »
« Oui, Iléana je vous comprends »
Je me doutais bien de la suite. Son émotion était trop grande et les mots relatant ses maux avaient du mal à sortir.
« Ensuite, il m’a emmené dans un beau studio, en me disant – c’est là que tu vas habiter et travailler désormais.
« Si vous saviez Madame, j’ai vécu l’enfer. C’était bien payé, mais lui, il gardait presque tout l’argent en me disant qu’il avait beaucoup de frais pour s’occuper de moi.
Je restais enfermée presque toute la journée, rarement seule. Je voyais parfois mes copines qui vivaient le même calvaire que moi.
Je pouvais envoyer quelques billets à ma famille, par l’intermédiaire de cet homme.
Là-bas, il faut peu d’argent pour vivre, mais ça ne permettait pas d’envoyer Victor dans une grande école.
Aujourd’hui, il est grand – il a 17 ans – et vit dans la capitale roumaine, il se débrouille bien à l’école, je suis heureuse. Mais je sais que je ne le verrais pas grandir, se marier et avoir des enfants. »
J’écoute Iléana se raconter, l’émotion me submerge ; l’habitude ? Non, on ne s’habitue pas.
Pendant qu’elle parle mon regard et sans cesse attirée vers ce mot, destructeur : SIDA.
Elle sait qu’elle a cette maladie et que lorsque l’on arrive dans le service où elle est actuellement, il y a peu de chances de s’en sortir.
J’écris, tout ce qu’elle me dit d’écrire…c’est notre secret. Elle fera ce qu’elle voudra des feuillets bleus.
Elle dit, les larmes roulant sur ses joues, jouant avec un petit nounours ayant appartenu à son fils : « j’aurais aimé avoir une vie normale ».


De Tavana, proposition d’écriture (« j’aurais aimé avoir une vie normale »)

Jour ou nuit je ne sais plus
Aidez-moi à me rappeler
Un seul mot pourrait me soulager
Rien ne va je me sens exclu
À voir comment j’ai tout saccagé
Il est irréalisable pour moi de me dépasser
Si je pouvais enfin ne plus être perdu

Aujourd’hui je ne sais comment exister
Impossible de me défaire de ce passé
Même ma vie est devenu une inconnue
Et pourtant si je le souhaitais je pourrais me réveiller

Ah j’aimerais tant pouvoir me remémorer
Voir si tout pourrait être enfin résolu
Oublier ne me permet pas de me réconforter
Il m’est insupportable de ne pas me retrouver
Revenir aux sources qui me sont méconnues

Une vie entière à essayer de se trouver
Ne pas savoir comment arriver à la démêler
Et être là sans jamais être vu

Vouloir, ne suffit pas pour me réaliser
Il faut que je sois capable de me surpasser
Éternel est mon problème s’il n’est pas résolu

Ne rien oublier pour avoir la force de décider
Ou les méandres me rattraperont pour l’éternité
Ratant mon destin que j’ai tant voulu
Mais apprendre à me révéler pour gagner ma liberté
Après avoir accepté de me retrouver
Le soulagement de ce mot que j’ai tant attendu
Et enfin l’entendre raisonner en moi pour pouvoir m’aimer



De Joëlle


C’était le troisième jour consacré à la cabane. Le premier jour, il avait fallu enlever ronces, orties et autres lianes qui recouvraient la cabane. Celle-ci était apparue somme toute en assez bon état. Les planches de bois étaient certes moussues mais les lattes qui formaient les murs avaient bien résisté au temps et un traitement anti-humidité prolongé par une couche de lasure devrait lui redonner fière allure.
Le deuxième jour fut dévolu au débarrassage de l’intérieur. De vieux outils, des bocaux vides, quelques bocaux pleins aux étiquettes mangées par l’humidité, de vieilles chaises à la paille déchirée et quelques meubles dépareillés. Trois tas furent faits, un pour la déchetterie, un deuxième pour le prochain vide-grenier et le troisième pour les objets qui pourraient servir après restauration. Parmi ces objets, un vieux bahut dont l’intérieur ne fut exploré que le troisième jour. Dans un des tiroirs, de vieilles lettres jaunies et rongées par le temps. On les lirait plus tard. Ce fut Martin qui découvrit la boîte, coincée au fond du tiroir aux lettres. Une boite carrée aux dimensions modestes, environ huit centimètres de côté, en fer blanc, à peine cabossée.La boite passa de mains en mains mais son ouverture fut laissée à Martin, le découvreur. Ce derniersouleva avec précaution le couvercle et ne put retenir un « Oh » de surprise. Il resta bouche bée quelques instants avant de partager avec sa famille le contenu de la petite boîte : neuf dés en bois clair, bien rangés en trois lignes de trois. Des dés, mais à la place des points représentant les chiffres habituels, la face visible de chaque dé montrait des dessins stylisés et sculptés en creux et noircis, un dessin différent sur chaque face : une tortue en train de marcher, une tour style pièce de jeu d’échecs, un visage endormi comme le prouvait les z z z qui accompagnaient le visage, une canne, un aimant en fer à cheval, une baguette magique accompagnée d’un feu d’artifice d’étoiles, une fontaine au jet d’eau qui retombait en deux cascades, une lampe torche allumée, un poisson zébré.
Martin et les trois autres membres de sa famille regardaient, scrutaient ce petit trésor.C’est quoi, ça ? Demanda Pierre, le petit frère de Martin.
Sans doute un jeu, répondit Xavier, le père.
Qu’est-ce qu’il y a sur les autres faces ? interrogea Joanne, la mère.Les dés furent retournés à tour de rôle et au final, chaque dé présentait sur chaque face un motif différent et aucun dé n’était semblable.54 dessins différents, conclut JoanneA qui s’adressait ce jeu ? A des adultes ? A des enfants ? Etait-ce un jeu familial ?
Pendant que Xavier faisait remarquer que la boîte par sa simplicité et les dessins stylisés suggéraient un jeu populaire, Pierre fouillait le buffet. C’est comme cela qu’il trouva un papier plié qui s’avéra être la règle du jeu.
Après une lecture attentive, le père résuma la règle du jeu.Le jeu s’appelle « Raconte-moi une histoire ». Un joueur lance successivement les neuf dés et les participants (3 à 5) doivent, en temps limité, écrire une histoire qui utilise le maximum de motifs dessinés sur les dés, dans l’ordre de leur choix. Quand le temps est écoulé, les joueurs sont départagés par le nombre de motifs utilisés. Il faut évidemment en utiliser le maximum. Chaque motif utilisé rapporte un point mais il faut aussi que le texte ait un sens et des points sont attribués par les joueurs à chaque texte.Jeu à 3 : 3 points au meilleur, puis 2, puis 1
Jeu à 4 : 4 points au meilleur, puis 3 etc.
– Le gagnant est… Le père fut interrompu par son plus jeune fils qui ne tenait plus en place.
– On joue ? lança-t-il de sa voix encore aigue.
Joanne fit remarquer qu’il serait peut-être judicieux de commencer par un bon goûter et ensuite « Oui, ce serait sympa d’essayer ce nouveau jeu. Papa va nous préparer des feuilles et des crayons ».Pour quoi faire ? demandèrent Pierre et Martin d’une même voix.
Et bien pour écrire vos histoires, répondit Joanne.Une grimace passa sur le visage des deux garçons.Xavier leur proposa d’essayer avant de se faire une opinion définitive et comme les deux enfants étaient plus râleurs par habitude que par nature, ils acceptèrent la proposition de leur père.
Le goûter fut même rapidement avalé et quand Joanne annonça que c’était l’heure d’aller préparer le dîner, les deux garçons s’écrièrent d’une même voix : « Déjà ? Trop génial ce jeu ! ».

De Lisa
Rodéric est un pompier volontaire dans sa ville natale. Personne n’imagine que derrière ce gaillard, se cache un homme sensible, qui se fait humilier par sa compagne depuis des années.
D’après les conseils de sa sœur, qui est au courant de l’affaire, il va voir une psychologue réputée.
Le jour J arrive…
-Bonjour ! Rodéric W, entrez ! Vous pouvez vous asseoir ! Je vous écoute !
-Je viens pour un sujet délicat, à propos de la bipolarité, où le sexe masculin est la victime. J’ai remarqué que la société ne veut pas admettre que la femme peut être aussi forte qu’un homme, qui est caractérisé comme le cogneur et la partenaire comme la victime. J’ai besoin de vous !
-Bon ! J’ai lu dans un article de presse, qu’au commissariat, un homme franchit rarement la
porte par peur du regard des autres et de sa réputation de savoir porter secours. Mais, parmi ma clientèle, j’ai déjà un cas semblable, où il me répondait qu’il savait très bien se défendre mais jamais auprès de sa femme, car il en était follement amoureux.
-Mais il la considère comme son bourreau !
-Oui ! Mais je vais vous montrer un exercice pour cette séance. Est- ce que vous connaissez le jeu des DéDés ?
-Non !
-C’est simple ! Vous allez me décrire chaque dé et je vais vous en faire l’interprétation
-On commence !
-Je vous écoute !
Tortue Château dormeur
Canne Aimant Magie
Fontaine Lampe poche poisson

-Comme vous allez constater, je n’ai pas choisi les pions au hasard. Je vais vous donner l’envers du décor.
Tortue Le renferment de soi
Canne L’abus psychologique
Fontaine Le bourreau qui se fait passer pour la victime tout en pleurnichant
Château L’isolement
Aimant Le côté tyrannique
Lampe poche Le côté « surveillance de vos déplacements »
dormeur La dépression
Magie L’ensorcellement car vous êtes son esclave
poisson Vous êtes obligé de vous taire.

-Vous en pensez quoi ?
-Justement ! Vous dites vrai !
-Alors ! La fois prochaine, vous allez me raconter une petite histoire de chaque ligne pour
que l’on développe ce dilemme.
-Je vous conseille de porter plainte même si la société ne veut pas admettre qu’un humain n’a pas de sexe face à la violence.
-Je vous remercie
-A la prochaine fois !

De Catherine

Princesse ou sorcière (jeu coopératif) 
Histoire : Il était une fois une vieille sorcière boiteuse (d’où la canne !) amoureuse d’un prince. Mais lui est amoureux de la belle princesse. Alors la vilaine sorcière enferme la princesse dans une tour et dit au prince : « Si tu parviens à délivrer la princesse avant mon retour, tu pourras l’épouser, mais si je reviens avant que tu l’aies délivrée, alors c’est avec moi que tu te marieras! »

Matériel :un plateau de jeu avec un parcours fait de cases dont certaines portent des dessins. L’arrivée est symbolisée par une tour.
Une figurine prince
Un dé avec les constellations de 1 à 6
Un dé avec symboles : 2 faces « baguette magique », une face « torche », une face « tortue », une face « sommeil » et une face « canne ».
Un puzzle sorcière en 6 morceaux.
Une carte « prince dormant »
But : Il faut aider le prince à délivrer la princesse avant que le puzzle « sorcière » soit reconstitué.

Âge requis : de 4 à 99 ans

Déroulement du jeu :
A tour de rôle, les joueurs lancent le dé des symboles :face « baguette magique » : lancer le dé des constellations et avancer du nombre de cases indiquées.
face « tortue » : reculer d’une case.
face « canne » : prendre un morceau de puzzle pour reconstituer la sorcière.
face sommeil : prendre la carte « du prince dormant » qui restera effective tant qu’on n’aura pas réveillé le prince. Lancer simultanément les deux dés. Il faut faire 6 ou face « torche » pour réveiller le prince. On ne tient compte du dé des symboles que si on tombe sur « canne » ou « torche ». Par exemple :3 et « baguette magique » : rien ne se passe.
3 et « canne »: on prend un morceau de puzzle.
3 et « torche » : la torche réveille le prince. On enlève la carte du « prince dormant » et on continue le jeu avec le dé des symboles
6 et « canne » : le prince se réveille mais on prend un morceau de puzzle. On enlève la carte du « prince dormant » et on continue le jeu avec le dé des symboles.face « torche » : sert à réveiller le prince s’il est « endormi » auparavant par la face « sommeil », sinon, cette face ne sert pas.
Si on tombe sur une case poisson (il y en a 3 sur le plateau) , on avance jusqu’à la prochaine case « jet d’eau » et on enlève un morceau du puzzle en cours de formation.
Le jeu est terminé si le prince atteint la tour ( il a réussi et pourra épouser la princesse) ou si le puzzle est reconstitué ( le prince devra alors épouser la sorcière).


De Lucette 
Je suis en vacances entourée d’enfants de tous âges. L’un d’eux s’avance vers moi avec des dés qui représentent des figures diverses. Il me demande d’inventer un jeu. Je lui réponds que je ne suis pas assez créative dans ce domaine. Je lui demande alors, que lui, m’initie au jeu qu’il a créé.
Ces règles étaient tellement compliquées, qu’il m’a fait perdre la boule, il me roulait dans la farine voyant que je ne comprenais rien. Fier de lui, il m’a quittée avec un grand sourire et s’est dirigé vers une autre victime qui serait sans aucun doute aussi ignare que moi face à ce jeu beaucoup trop alambiqué pour ma petite tête.
Vraiment je ne suis pas inspirée. Ce texte ne sera sans doute pas inoubliable, et ne restera pas dans les annales…

Alors, le voici :

Je visite un château, de loin on voit sa « tour » en hauteur qui domine toute la vallée. A chaque fois je me pose cette question. « Comment ces bâtisseurs ont-ils fait pour mener les pierres, les charpentes aussi haut ? A cette époque il n’y avait pas de route, pas de camion, rien qui puisse les soulager d’un tel labeur. Combien y ont laissé leurs vies ? C’est vrai qu’à cette époque les vies n’avaient pas grande valeur…
Nous voici arrivés, nous sommes accueillis par un gentleman, qui tient dans sa main droite une « canne » magnifique, avec un pommeau sculpté. Modestie oblige, il en jouait de cette canne pour que chaque visiteur voit bien qu’elle est un objet d’art. On avance tranquillement admirant le jardin avec ses arbustes taillés au cordeau, jardin à la française je crois. C’est un ravissement pour l’œil.
On continue notre promenade, un immense bassin nous invite à la baignade. Il fait si chaud, qu’une trempette sous le « jet d’eau » nous désaltérerait. Sauf, que, il y a un panneau : interdit de se baigner. C’était évident, pauvre sotte que je suis.
En y regardant de plus près, on y voit des « poissons » de bons calibres virer à droite et à gauche, ils ont l’air heureux. On a l’impression qu’ils se méfient de nous, nous regardant d’un sale œil.
Un peu plus loin, des « tortues » d’eau, nous saluent en nous aguichant « Eh ! vous voyez, dit l’une d’elles, moi, je n’ai pas trop chaud, je suis à l’aise ne vous en déplaise…
A l’intérieur, tous ces meubles d’une autre époque nous fascinent. Quelle ingéniosité, pour ce secrétaire avec tiroir secret. Cet escalier où les invités montent et descendent sans jamais se croiser. En fait, il y a beaucoup de secrets dans ces lieux historiques. Le guide nous informe de chaque détail, les portes en trompe-l’œil etc. On a peine à s’imaginer vivre dans de tels endroits, aussi lourds en histoires quelque fois sordides. On imagine les princes et les princesses, avec de beaux habits et de belles robes. Mais qui voudrait à notre époque vivre une telle vie où tout est dissimulé, hypocrite, mielleux, sournois. Surtout ne pas ébruiter, être toujours dans le paraître avec un beau sourire quoiqu’il advienne…
Si j’avais les pouvoirs d’une fée, avec ma « baguette magique » je remettrais un coup de jeune, changerais les tapisseries, mettrais des fleurs fraîches dans chaque pièce, les enfants pourraient faire des bêtises en toute innocence.
Oui, bien sûr, tout est possible, les artisans ne demanderaient que ça, sauf que ça ne pourrait plus être un château historique…
La fin de journée s’annonce en voyant la pleine « lune » qui pointe le bout de son nez. Nous avons passé une excellente journée. Encore quelques heures de voiture et nous rentrerons dans notre H.L.M surchauffé, tout près du périphérique…

De Pascale

Déstabilisé
Désorienté
Désœuvré
Si les dés en étaient jetés ?
Quel autre choix que d’adapter
Nos rêves à la réalité
Pour parcourir le chemin
Sans avoir peur des lendemains

Désabusé
Désespéré
Désolé
Il est des dés qui sont pipés
Alors privés de liberté
Comment oser nous projeter
Sur le chemin miné de bombes
Où sont exclues toutes colombes

Désirer
Déstructurer
Désarmer
Mais les dés sont à relancer
Il n’est pas de fatalité
Qui ne puisse succomber !
Face à la douleur, à l’horreur
Brillera toujours la lueur.

Désormais !


De Marie-Laure

La calligraphie 
Comme à leur habitude, tous les jeudis matin, les deux étudiantes se rendaient chez Bingwen, leur professeur de calligraphie. Monsieur Zhou Bingwen s’était réfugié en France suite à la répression sanglante qui avait muselé les manifestations de la place Tian’anmen au printemps 1989. Il avait alors 23 ans et était étudiant en histoire de l’art. La dictature du parti, la sempiternelle censure lui étaient devenues insupportables. Il rêvait de découvrir les capitales et les musées du monde entier, mais la vraie ouverture sur l’extérieur n’ existait pas. C’ était tout naturellement qu’il s’ était investi dans les manifestations. Les revendications de la jeunesse, rejointe par le peuple, semblaient si élémentaires, si fondées, qu’il ne pouvait y avoir d’avancée significative de la part du régime. Il en était convaincu, jusqu’à ce jour où les chars avaient envahi la place Tian’anmen, ces heures interminables où il avait craint pour sa vie. Les jours suivants, le poids de la peur, du danger imminent, parasitaient chacun de ses mouvements, chacune de ses respirations. Il n’avait pas hésité lorsque l’ opportunité de l’exil était venue le cueillir.

Parlant quelques mots de français, sa destination vers Paris, la radieuse, s’était imposée. Il y avait fini ses études, mais ne se sentait jamais vraiment en totale sécurité. L’image de cette mégalopole paradis de l’espionnage, il s’en était délectée jadis dans les romans, mais maintenant elle envahissait son cerveau. Une fois encore le destin avait frappé à sa porte au bon moment, en lui proposant un poste d’enseignant dans une petite ville de province. A n’en pas douter, il pourrait y vivre plus serein. C’est ainsi qu’il a découvert l’est de la France, son climat assez rude, ses forêts, ses patois encore très nombreux et dans ces vallées il se sentait enfin un peu plus serein.

En sonnant à sa porte, les deux étudiantes furent étonnées, car Bingwen avait pour habitude d’écouter de la musique, ou la radio et ce matin tout était ultra silencieux. Lise colle son nez au carreau, Laura, la plus intrépide, s’aventure à clancher la porte. Elle n’ est pas fermée à clé, alors tout en appelant bien fort leur professeur, les voilà qui pénètrent dans la maison. En dehors du chat qui leur file entre les jambes, il n’y a pas âme qui vive. Aucune trace d’ effraction, aucun meuble retourné ou vidé, cela devenait vraiment très intriguant.

Laura interpelle Lise, visiblement, il s’est passé quelque chose, ne pas laisser d’empreintes, être vigilantes. Sur la table, un petit cahier spirale ouvert et comme un trait d’ encre interrompu dans sa trajectoire, ainsi que neufs dés aux dessins des plus mystérieux.
Lise prit une photo avant que Laure ne tourne chaque dé à l’ aide de son mouchoir. Sur chaque face on discerne un objet gravé, pourtant ce jeu de dés est complètement inconnu des deux jeunes filles. « Et si Bingwen, avant son départ visiblement précipité, avait voulu leur laisser un message ? » s’enhardit Laura, « peut- être que chaque dessin a une signification ».
« C’est cela, une sorte de Da Vinci code et de suite nous devenons détectives » renchérit Lise d’un ton amusé, « alors que Bingwen est peut-être juste parti faire ses courses ! ».
Laura en convient et elles s’assoient à la table en attendant le retour du professeur. Pour autant, ces dés les intriguent toutes deux et les voilà qui recherchent sur leur téléphone à quel jeu cela pourrait bien correspondre. Bredouilles dans leur pianotage et lasses d’attendre à ne rien faire, sans se donner le mot, l’une et l’autre ont bien envie de plonger dans les aventures trépidantes d’une enquête. Pourvues d’une imagination débordante, à chaque dessin les hypothèses fusent en tous sens, « encore faut- il trouver un lien entre tout ça et là nous n’avons pas la moindre piste » lâche Lise dépitée. Son acolyte se montre plus pugnace, Laura pose deux hypothèses de base : premièrement l’ attachement du professeur à sa région d’accueil, secundo l’idée d’un message crypté qui les mettraient sur la voie de quelque chose que Bingwen aurait voulu caché, peut être en lien avec son passé d’activiste … ».
Leur bloc à dessin devient support au brainstorming : Lise se souvient avoir lu sur le journal local que le parc animalier du coin avait créé un nouveau bassin pour accueillir les tortues de Floride abandonnées. Les tours de châteaux ne manquent pas dans la région, Bingwen aime particulièrement celui du Haut Koenigsbourg, se souvient Laura. Un endroit paisible où se reposer, il y en a aussi beaucoup dans cette région touristique; « c’est peut-être là qu’il se cache » émet Lise.
Laura acquiesce, mais elles vont d’abord mettre en correspondance chaque indice avec un lieu, puis peut – être qu’un trajet se dessinera au fur et à mesure. Le bois de châtaignier dont on fait les cannes était réputé dans les forêts autour d’ Obernai, notamment à Pfaffenheim où il reste quelques artisans. Lise associe l’aimant avec le petit village des Forges, où les habitants se nomment les forgerons. La baguette magique leur inspire à toutes les deux la sorcellerie longtemps présente dans leur contrée.
« Il y a peut-être un lien avec le dernier procès en sorcellerie intenté dans la prévôté d’Arches » propose Lise. Hypothèse qui emballe Laura : « bien sûr le papier d’ Arche ! », il y a là comme une évidence pour toutes les deux. Le village de Bellefontaine est bien dans le même secteur, avec ses tourbières, son lac « et aussi la Semouse « renchérit Lise. « Dimanche dernier, c’était l’ouverture de la pêche à la truite! Bingwen voulait y aller ! » . « Et la lampe de poche peut être en lien avec une grotte » renchérit Laura, « tu te souviens, nous sommes allées avec Bingwen visiter celle tout près du Hohneck, sur le sentier des Roches ! ». « Oui, c’est la grotte Dagobert, mais il y en a aussi beaucoup d’autres dans le secteur ! » ponctue Lise, « concentrons-nous, il y a forcément un lien entre ces différents lieux, l’énigme reste entière ! »
« Eh oui, concentrez-vous encore un peu, car vous faites complètement fausse piste » dit une voix masculine derrière elles. Tout souriant, Bingwen dépose un « cornet » rempli de viennoiseries sur la table et il s’apprête à faire couler un petit café. Laura et Lise restent bouche bée et ne savent que dire, visiblement leur imagination leur a joué un tour. « Je vous propose un petit break, je crois que vous en avez bien besoin, ensuite nous pourrons attaquer l’exercice du jour » dit le professeur.
« Avant d’aller à la boulangerie, je vous avais préparé ce petit exercice, en fait chaque symbole dessiné sur le dé, correspond à une attitude, un tracé, une symbolique précieuse lorsqu’on étudie la calligraphie ».
« La tortue symbolise la patience, la tour fait appel à l’ancrage, le visage qui dort évoque le calme, la respiration régulière, ce sont là trois attitudes fondamentales lorsqu’on apprend la calligraphie. Veux- tu poursuivre Lise ? »
Lise prend une grande respiration avant de se lancer, elle veut se montrer à la hauteur : « La canne pourrait représenter l’ossature, la colonne vertébrale du dessin, l’aimant apporterait lui les arrondis et les étoiles autour de la baguette seraient tous les petits signes complémentaires qui précisent le mot ».
« Bravo, que de bonnes idées, merci Lise et toi Laura pourrais-tu nous commenter les trois derniers dés ? »
Laura sent la pression monter, elle triture son crayon pour se concentrer, « l’eau de la fontaine pourrait symboliser la transparence donnée au trait, la lampe de poche serait en lien avec la clarté du tracé, le poisson évoquerait la fluidité du trait ». « Alors maintenant prenez chacune votre bloc à dessin et tracez ce que cet exercice vous inspire » dit Bingwen.
« Mais nous ne savons pas si nos interprétations sont justes » rétorquent en cœur les deux étudiantes.
« Voilà, c’est justement là tout l’exercice du jour, il n’y a pas de juste ou de faux. Vous avez vu que les trois premiers dés concernent l’attitude à avoir face à la feuille. Les trois autres évoquent directement la construction du tracé. Les derniers sont plus en lien avec l’émotion que l’on veut faire passer. Il faut se poser devant sa feuille, trouver sa bonne attitude, se laisser inspirer par le mot que l’on veut tracer et y mettre tout son cœur. Voilà les secrets de la calligraphie ».
Les filles en restent bouche bée, elles boivent les mots de leur professeur avec l’impression d’une pluie d’étoiles qui vient éclairer leur journée. Il leur faudra encore une paire de cours pour bien saisir toute la philosophie qui accompagne la trace ! Cette idée les réjouit d’avance.

De Francoise V

Avec Alice, Louis et Noah, nos foulons avec enthousiasme le sol jonché de feuilles sèches dans la forêt de Brocéliande. Une forêt pleines de mystères, de légendes et d’histoires imaginaires. Avec mes trois petits de 8, 7 et 5 ans, nous marchons avec entrain, les yeux écarquillés sur tout ce qui nous entoure.
– Mamy ! Regarde ce que j’ai trouvé. Des dés !
– Oh oui, Louis, crie Alice…. Qu’est-ce que c’est ?
– Ce sont des dés pour jouer. Ils ont été abandonnés ou perdus par des touristes venus piqueniquer par ici, ou peut-être sont-ils tombés d’un sac à dos.
-Asseyons-nous. Nous allons jouer avec. Les deux gros troncs d’arbre face à face vont faire l’affaire. Noah à toi de mélanger les dés et de les placer en forme de carré.
Les trois enfants s’installent face à moi.
– Chaque dé sert à raconter une histoire. Je vais vous parler des aventures de la tortue. Ensuite vous raconterez une autre histoire en plaçant toujours le dé de la tortue en premier. Vous êtes trois, vous raconterez un dé à la fois en vous aidant les uns les autres. Vous êtes d’accord ?
– Oh oui, oui, allez Mamy à toi.
J’appellerai la tortue, Caroline .
Il était une fois, une tortue venue de très loin. Elle avait traversé la France entière pour rejoindre le château de ses grands-parents. Elle voulait revoir le pays où elle avait passé sa jeunesse.
Ses aïeuls avaient vécu autrefois dans une tour à créneaux. Ils s’étaient réfugiés là pour se protéger des ennemis, les Vikings, de méchants guerriers. La tortue avance lentement, mais elle ne s’arrête jamais. Elle fait des pauses pour reprendre quelques forces. Son périple est long, difficile. Elle met des mois et des jours à voyager ne se trompant jamais de direction car elle ressent une attirance vers ce lieu.
La tortue dort beaucoup pour reprendre des forces. Elle ferme les yeux car elle est très fatiguée. Zzzzzz…..
Elle trébuche sur une canne.
– Tiens, voici une canne perdue. Quelqu’un est passé par là, s’exclame-t-elle. Je ne suis pas la première visiteuse.
Caroline est très courageuse, et même fatiguée, elle avance avec persévérance jusqu’au pied du château. Que ces murs sont hauts ! Comment vais-je pouvoir entrer, se demande-t-elle ?
Ah voici un trou, c’est sans doute un passage secret : c’est sûrement un espace pour pénétrer à travers cette forteresse. Cette ouverture est une véritable chance ! Mais le trou est bouché par de grosses pierres.
En claudiquant, la tortue se fraie un passage à travers les feuilles sèches.
Elle trébuche soudain sur une baguette particulière : elle brille et lui renvoie mille étoiles.
– C’est jour de chance se dit-elle ! Il semblerait que c’est une baguette magique.
Eh oui, ma marraine m’a offert une semblable il y a des années. Je l’ai égarée. Comme c’est bizarre de la retrouver là dans cet endroit. Elle m’avait promis qu’en cas de grande difficulté, cet objet extraordinaire me servirait pour affronter ce que je ne peux vaincre seule. C’est chose faite, dit-elle satisfaite.
C’est ainsi que d’un geste aérien, des étoiles sortent de part et d’autre pour se poser sur les pierres occultant la voie secrète. Le « petit miracle » se produit. Les cailloux se déplacent dégageant le passage de cette voie inattendue.
Une fois l’ouverture réalisée, un rai de lumière se profile au bout du tunnel. Caroline avance prudemment. Elle a un peu peur de passer par cet endroit sombre, froid, inhospitalier. Elle évolue à pas prudents. Quand soudain, elle aperçoit un bassin surmonté d’un jet. Les reflets du soleil caressent la surface de l’eau et éclairent les bords en pierre.
Quelle joie pour elle. Cela fait des jours et des jours qu’elle n’a pas bu, qu’elle ne s’est pas lavée.
– Pouah ! crient en chœur les enfants ! Elle ne s’est pas lavée ! Pauvre tortue !! Elle a dû souffrir de soif, s’exprime Alice.
A la sortie du passage encombré de cailloux, Caroline se cogne contre quelque chose qu’elle distingue assez mal tant il y fait sombre.
– Tiens une lampe torche ! Cette lampe n’est même pas rouillée. Quelqu’un l’a donc perdue. Je la trouve un peu tard, elle m’aurait servie dans ce trou noir. Comme c’est bizarre pense la tortue. Cela fait trois objets perdus depuis que je me suis introduite dans cet endroit mystérieux.
De ce fait, notre Caroline commence à se poser la question suivante :
Quelqu’un s’est introduit dans la forteresse.
Et vous les enfants…. Qu’en pensez-vous ? Y-a-t- il quelqu’un à l’intérieur du château ?
Les trois petits me regardent avec interrogation, leurs grands yeux s’ouvrent et me fixent.
– Heu, oui je suis sûr qu’il y a quelqu’un affirme Louis. Regarde Mamy… invente-t-il pris par le récit, regarde c’est un chevalier, il vient de pêcher un poisson du bassin, dit-il en me montrant du bout du doigt un muret de pierres sèches.
Bravo Louis, tu as raconté le neuvième et dernier dé.
Maintenant, à vous trois de raconter. Louis, tu places le dé de la tortue en premier puis tu secoues les autres et tu les disposes ensuite en forme de carré . Alice tu commences ton histoire…puis Noah et Louis poursuivront, et ainsi de suite.
C’est ainsi que se passa l’après-midi bretonne à raconter des histoires à dormir debout et à rire des aventures d’une tortue sortie de nulle part. On n’était pas dans la forêt de Brocéliande pour rien !


De Zouhair


La vie est un jeu

La configuration des neuf dés qui se présentait à lui l’interpella immédiatement.
Les symboles représentés sur chaque dé lui parlaient énormément.
Il fallait maintenant qu’il les interprète devant tout le monde.
Car c’était ça le jeu : on lançait au hasard les neuf dés et on devait dire si les signes qu’ils portaient et surtout leur combinaison, évoquaient quelque chose pour soi, s’ils prédisaient son avenir ou son destin.
Il n’osait pas dire, surtout devant la fille qui lui faisait face et envers laquelle il avait des sentiments, qu’il était toujours dans sa tour d’ivoire, endormi, mais qu’elle l’attirait comme un aimant.
Il faudrait qu’une fée le touche avec sa baguette magique pour qu’enfin il sorte de sa carapace de tortue et que, comme un poisson, symbole de la vie affective, il ose l’aborder.
« Yes I canne » se disait-il intérieurement car, muni d’une lampe de poche pour explorer les recoins sombres de son inconscient, il boirait de nouveau à la fontaine de jouvence.
Au lieu de cela, il resta très prosaïque, prit quelques éléments et annonça qu’il se voyait bien vivre dans un château avec une belle fontaine où nageraient des poissons. Dans le jardin, il y aurait des tortues…
La fille lança les dés à son tour et comptait bien lui envoyer un message pour lui faire comprendre qu’elle n’était pas dupe de ce manque d’imagination affiché.


De Claude
  DÉS FAUSSÉS ?

Le temps était pluvieux cet après-midi-là (moi aussi ; c’était le jour de mon anniversaire !) et nous nous ennuyions comme des rats morts, Paul, Geneviève et moi.
En fouillant dans le grenier, je trouvai une boîte de jeux, qui avait dû connaître des jours meilleurs, dans laquelle, outre quelques cartes dépareillées et défraîchies, neuf dés laissés là, semblaient prendre une paisible retraite. Ce n’était pas des dés classiques avec des points comme on en voit d’ordinaire, des dés convenus, quoi,mais des dés originaux avec des figures à la place des points, qui leur donnaient l’air de dés maquillés.Mais ce n’était pas des dés laids.
Comme le livret qui définissait les règles des jeux de la boîte (dont la plupart étaient défunts) était illisible tant le papier était jauni, nous décidâmes de trouver à ces dés d’autres débouchés pour pouvoir y jouer. Chacun laissa son imagination vagabonder. Geneviève qui avait une imagination débridée, suggéra de deviner les figures des cinq autres faces et que le gagnant serait celui (ou celle, évidemment !) qui serait le plus près de la vérité.
C’est elle, bien sûr, qui gagna proposant par exemple pour la TOUR : Roi, Dame, Fou, Cavalier et Pion. Je me souviens qu’elle trouva pour FER A CHEVAL, sabot, crinière, écurie, diligence et cavalier (ce qui ne manquait pas de selle) ou encore pour le DORMEUR : Atchoum, Prof, Timide, Grincheux et Simplet, omettant seulement Joyeux (un nain gras ?). Mais nous donnant un moyen mnémotechnique pour nous souvenir du nom des sept nains. Il suffit en effet de mémoriser la courte phrase suivante : « A jouer presque seul, tu deviens grincheux ». La première lettre de chaque mot est celle d’un nom de nain.
Pour TORCHE, elle aligna pile, lumière, lampadaire, ampoule, allumette.
Paul et moi étions dépassés. On aurait dit que les dés étaient pipés.
Paul que la domination et les grands airs de Geneviève agaçaient au plus haut point, ne voulut pas se dégonfler. Il proposa alors qu’avec les lettres des noms de chacune des neuf figures, on crée le maximum de mots : ainsi, avec FONTAINE, pouvait-on former : net, nain, non, tain, faite, fine, fonte, tonte, tonne, naine, aine, naïf, foin, notai, nanti, étain, info, et d’autres encore sûrement. Une variante des Chiffres et des Lettres, mais sans calcul.
Pour gagner, il fallait tout simplement avoir formé le maximum de mots. Et ce fut encore Geneviève qui nous dégomma sans remords aucun.
Quant à moi, connaissant le talon d’Achille de Geneviève, j’échafaudai un plan pour la contrer et fit la suggestion suivante. Il fallait, pour chacune des figures visibles sur les dés, faire une phrase ou trouver une expression la plus drôle possible.
En effet, l’ambiance commençait à devenir trop sérieuse, et l’on n’avait plus vraiment l’impression de jouer. Jouer, c’est s’amuser avant tout, non ?
Geneviève, avec ses lunettes rondes d’intellectuelle et ses réparties fulgurantes, était certes brillante mais ne possédait aucun sens de l’humour. D’ailleurs pour canne, ne nous proposa-t-elle pas : canne à pêche et pour tortue, Ninja, pensant nous faire rire aux larmes. Mais elle n’eut même pas droit à l’ébauche d’un sourire. Nous la regardions, ébahis, pensant qu’elle se moquait de nous. Mais, elle poursuivit dans la même veine, nous donnant lampe pour torche et « comme un loir » pour dormeur. Remarquant que cela n’avait aucun effet sur nous, elle enchaîna avec Eiffel pour tour, d’eau douce pour poisson et magique pour baguette. Nous étions atterrés et pensions qu’elle débloquait pour ne pas dire autre chose, bref, qu’elle nous baladait.
Mais non, à en juger par le ton assuré de sa voix et la confiance qu’elle affichait, je suis sûr qu’elle était persuadée de nous infliger à nouveau une cuisante défaite.
Lorsque ce fut à notre tour de jouer voici les propositions que Paul et moi fîmes :
Fontaine : « je ne boirai pas de tonneau », et « es-tu là, fontaine ? »
Fer à cheval : « je ne trouve pas ça beau », « Il faut le faire » et même « Cheval dire à ma mère ».
Par décence, je ne révélerai rien de ce qui a été dit sur torche, (je ne suis pas dévergondé), mais pour tortue, je proposai : « est-ce que le tort tue ? » tandis que Paul lança : « la tortue se carapate ».
Une moue incrédule apparut sur le visage de Geneviève lorsqu’elle nous vit nous tordre de rire.
Pour baguette (magique), « je ne mangerai pas de ce pain-là » et « fée mûre » voire « fée vrillée ».
Pour tour, « Ma reine se joue des tours » et « Tour maligne ».
Dormeur : « Ne pas dormir nuit » et « A dormir debout ».
Canne nous inspira ces mots : « festival de cannes » et « Yes, we canne. »
Enfin, Poisson donna : « carpe diem » ainsi que « nos illusions sont des truites ».
Geneviève resta de marbre. Imperméable à notre « humour ».
Cette avalanche de drôleries ne lui arracha même pas un sourire. Elle nous regardait en se demandant ce qu’il y avait d’hilarant dans nos propositions tandis que de notre côté, nous nous demandions ce qui pouvait bien la dérider. Elle semblait excédée et ne voulait pas valider nos réponses. Démasquée, la Geneviève !
Vraiment, son cas était désespéré.
Alors, à défaut de jeter les dés, nous finîmes par jeter l’éponge.
Nous ne pensions pas avoir joué à ce jeu de dés si mal. Nous n’avions pas démérité.
Pour retrouver une atmosphère plus sereine, je suggérai, la partie de dés terminée, que nous nous attaquions au gâteau. Un dé lisse, pardon, un délice !


De Marie-Josée


Jeu de dés

Le son strident des instruments de musique se rapproche
C’est le cortège joyeux et bigarré des convives d’une noce.

Touriste égarée dans un étrange et bouillonnant dédale
Je m’écarte, étonnée par ces pratiques orientales.

Un vieil homme à la barbe blanche, manie avec dextérité
Assis en tailleur sur le sable orange, des petits cailloux nacrés.

Intriguée, je contemple des images anodines en apparence,
Gravées sur des dés, lancés en toute innocence.

Mesdames et messieurs, tentez votre chance !
N’y a-t-il point de courageux, pourquoi tant de réticence ?

Ma main se tend presque malgré moi, accueille ces messagers du destin,
Les secoue et les jette. Ils échouent sur le sable, tracent leur chemin.

Je les suis dans leur sillage. Par je ne sais quelle baguette magique me voilà immergée
Dans un océan où je nage avec des poissons et autres cétacés.

Le son des clarinettes s’est dissipé, le silence m’a enveloppée
Des centaines de tentacules vertes tentent de m’enlacer.

Une tortue vient à mon secours, me guide vers une tour en pierres opalines
Vestige d’une cité engloutie à tout jamais dans les profondeurs sous-marines.

Le faisceau de la torche d’un plongeur aux palmes dorées soudain l’illumine
Sur le chemin de ronde se dessine un roi aux côtés d’une dame en crinoline.

Appuyé sur une canne il scrute l’horizon
Figé pour l’éternité à la recherche de ses bataillons.

Ils avaient fière allure les cavaliers et les chevaux richement harnachés
Emportés par un tsunami dont seul un fer à cheval s’obstine à témoigner.

Tout à coup je sens quelque chose vibrer
Un émoji ronfleur m’informe que l’heure de la sieste est terminée.

Je quitte avec regret l’ombre des palmiers
M’enfonce dans les souks de Marrakech encore sonnée.

Je n’ai pas réussi a décrypté le message,
Un homme joue aux dés sur mon passage

Ceux de mon rêve étaient pipés
Il me paraissait plus sage de l’éviter.


De Nicole

Jeu de vies

Dans le jeu de dés qui m’est imparti, six faces s’imposent.
Je dormais si bien, je comptais faire le tour de l’horloge.
Soudain, dans l’escalier de la tour d’ivoire, un bruit de canne me réveille.
Monseigneur Jean paraît pressé. Je l’attends sur le haut des marches.
« J’ai besoin de tes pouvoirs chère Méline, la Princesse Marie a encore disparu ».
J’allume la torche, me saisit de ma baguette magique, elle donne aux étoiles l’éclat de poudre de diamant.
La Princesse Marie a l’habitude de s’asseoir sur la margelle de la fontaine pour rêver.
Albert, le poisson gardien, l’aperçut se mirant dans l’eau claire.
Albert, suis-je belle ? J’aimerais rencontrer le Prince Bleu qui occupe mes pensées nuit et jour »
Mais, le Prince Bleu vit près de la rivière et un mauvais sort l’a transformé en fer à cheval qui s’est enfoncé au plus profond, au creux d’un rocher.
Comment le sauver, lui rendre son apparence ?
Au bord du rivage vit Lentinette la tortue.
Méline arrive, essoufflée et de sa baguette aux mille étoiles transforme Lentinette en vaisseau sous-marin. Princesse Marie se glisse dessus, puis plonge en plein milieu de la rivière qui s’écarte pour la laisser descendre.
Là, sous la roche, le fer à cheval scintille, Princesse Marie s’en saisit, le serre contre son coeur, remonte à la surface et retourne sur la terre ferme.
Lentinette reprend forme de tortue.
La fée Méline suggère à Marie d’embrasser le fer à cheval et lance les mots d’amour magiques en poudre de diamant.
Le Prince Bleu revient à lui, embrasse Marie.
Un fier destrier blanc les emmène sur les rives du futur.
L’histoire ne dit pas s’ils eurent beaucoup d’enfants.
Demain, un autre jeu m’attend.


De Laurence D


J’ai utilisé les dés de la manière suivante:
Les 3 premiers, la tortue, la tour et quelqu’un qui dort : le début de l’histoire.
Les 3 suivants, la canne, l’aimant et la baguette de fée : le milieu de l’histoire.
Les 3 derniers, la fontaine, la lampe de poche et le poisson : la fin de l’histoire.

Il était une fois une princesse qui s’appelait Ayla. Elle vivait sur l’île de la tortue, une toute petite île perdue au milieu des Mers de Nulle Part. C’était il y a très longtemps. Son père l’avait enfermée tout en haut d’une tour de son château. Il voulait la préserver de toutes mauvaises influences jusqu’au jour de son mariage.
La pauvre princesse se morfondait toute seule du matin jusqu’au soir. Sa seule compagnie était sa fidèle nourrice Oumi.
Oumi cherchait à divertir sa princesse en lui racontant mille et une histoires. Chaque nuit, dans son sommeil, Ayla revivait le récit de ces multiples aventures. Elle s’échappait de cette méchante tour pour y vivre sa vie comme toutes les jeunes filles de son âge.
Un matin d’hiver, Ayla décida de ne pas se réveiller et de rester dans ses rêves. Oumi eut beau la secouer, rien n’y fit. Ayla dormait profondément et ne donnait aucun signe d’un éventuel réveil.
Oumi réfléchissait à ce qu’elle pouvait faire, lorsqu’elle eut eu l’idée de rendre visite à Minola, son amie, moitié sorcière moitié guérisseuse. Elle aurait sûrement un remède pour faire revenir Ayla du pays des songes.
Minola habitait tout au fond de la forêt par-delà les montagnes. Pour s’y rendre, le voyage était long et périlleux. Oumi était trop vieille pour entreprendre un tel périple. Elle ne marchait plus guère et seulement avec une canne. C’est pourquoi, elle remit à son homme de confiance la lettre qu’elle avait écrite à son amie avec comme mission de lui remettre en main propre.
Durant cette attente, elle n’arrivait pas à détacher ses yeux de la fenêtre de la tour où Ayla dormait comme un bébé, elle y était attirée comme un aimant, ignorant la raison d’une telle attirance. Elle supposait que c’était par là qu’arriverait le messager qu’elle avait envoyé chez Minola. Elle espérait qu’un coup de baguette magique allait réveiller Ayla d’un coup et que cette dernière oublierait tout ce qui s’était passé.
Oumi passait également beaucoup de temps dans le parc du château, elle marchait jusqu’à la fontaine pleine de poissons et repartait dans l’autre sens. Elle y passait des heures jusqu’à la nuit parfois. Elle s’équipait d’une lampe de poche afin d’y voir clair, les nuits étaient particulièrement sombres en cette saison. Elle espérait le retour de son messager avant le printemps.
Et c’est ce qui se passa, il revint avec un remède appelé « Printemps », dès que les jours se rallongèrent, Ayla ouvrit les yeux et fit un grand sourire à sa nourrice. Elle se mit debout, enfila sa robe de chambre et partit en courant dans le jardin. Il faisait grand soleil. La température était douce. Les oiseaux furent les premiers à l’accueillir avec leurs chants. Elle ne doutait pas que son prince charmant allait bientôt arriver. La vie était belle.



De Chloé Rolland, « Dans le jardin des mots » proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)


Dans le jardin des mots
verrouillé de sourires fragiles
trébuche une phrase malencontreuse

du gravier sur la langue
et voilà tu t’en vas

une corneille pose sa lanterne noire
sur les volutes du portail
signal d’alarme

attends encore un peu
que la pluie vienne
et apaise ce jardin

dans l’obscur
oratoire des herbes
où tu t’éloignes
la main indigo
de la nuit
douce et barbare
allume un instant
le regard suspendu
du renard

la lisière de la page bleutée
le bord des mots d’où l’on s’absente
tout devient rivière d’oiseaux
tout devient ruisseau d’ailes
l’histoire s’ébouriffe
les lettres font le gros dos
et la phrase lâche prise
le ciel est plumeux de paroles en l’air

une poignée de grains noirs jetée
pour être à la page
ce qu’un semis de mots est au silence
une floraison
pour être à la page
ce qu’une pluie soudaine est au sable
une vague nouvelle pleine et déliée

pour être à la page
ce qu’un chuchotement de pas est au seuil
une attente qui se nomme

pour être à la page
ce qu’un pollen d’étoiles est au ciel
une vendange d’or
que la nuit soulève et que le jour disperse


  
 

Chaque semaine est aussi riche que la précédente. C’est vraiment fascinant!

Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour célébrer dignement le printemps…à votre façon! 

D’ici là, écrivez, portez-vous bien et prenez soin de vous!   

 Créativement vôtre,  

 Laurence SMITS, LA PLUME DE LAURENCE   


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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