La proposition d’écriture N° 131 avec ces verbes d’un autre temps en a dérouté quelques-uns parmi vous. La langue française regorge de trésors, oubliés, enfouis dans les méandres des mémoires ancestrales.

Comme nous avons perdu de cette richesse lexicale!

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.  

De Luc

Lorsque nous étions enfants, mon frère aîné me traînait inexorablement et dictatorialement à la pêche que ce soit à Lyon dans des étangs ou le Rhône, et en périodes de vacances à Saint-Raphaël en mer principalement.
Par un après-midi chaud du mois de juillet, nous sévissions sur ces pauvres poissons et la pêche était bonne, en un lieu qui n’existe plus. En effet, ces endroits merveilleux de notre enfance se trouvent sous le parking du nouveau port de plaisance à proximité du Lion de Terre. Au passage, cette petite île étonnante m’a laissé bien des souvenirs du fait de ses recoins secrets, mais c’est une autre histoire.
Cette pêche particulière, dite aux trous, était très spéciale, curieuse même et peu pratiquée. Un morceau de bambou de 50 centimètres, au bout en position à 90° un fil de fer rigide, même plusieurs tressés, le tout terminé par un gros hameçon avec des appâts variables, souvent une grosse moule.
Nous enfournions notre brin de métal sous tous les cailloux et miracle une multitude de poissons de roche venaient garnir notre seau, dont le plus noble était la rascasse.
Notre récipient, à priori, avait attiré la curiosité et surtout la convoitise d’un gamin qui renardait dans le coin. Mon frère et moi n’y virent rien. La ruse et l’approche avaient été dignes du plus habile des goupils. Mon attention fut attirée par un cri de colère de mon frère. Alors qu’il se penchait pour rajouter sa dernière prise, stupéfaction plus un poisson.

Un regard circulaire lui permit de remarquer un attroupement autour d’un autre contenant appartenant au gamin en question. De toute évidence, notre gaillard gasconnait. Les personnes s’extasiaient de sa pêche prétendue miraculeuse. Mon frère, ni une ni deux, se dirigea à vive allure vers le groupe. Je l’entendis crier, mais ce sont mes poissons. Sans laisser le temps au jeune perfide d’avocasser, il se saisit du seau et revint en verser le contenu dans le nôtre.
Voilà, un souvenir qui remonte trop loin pour que je me risque à donner une date, mais mon frère en a gardé une méfiance prononcée. Dans ses cauchemars les plus terribles, il n’aurait jamais imaginé qu’on pût lui voler ses poissons.
Les hasards de la vie l’ayant expédié depuis de longues années du côté de la France, au bord du bassin d’Arcachon. Là, il a appris que les vrais renards, si vous laissez le fruit de votre pêche à l’air libre, ils viennent s’en emparer. Alors qu’il mettait en garde contre ce risque de chapardage un pêcheur au cours d’une séance de nuit, ce dernier se contenta de rire. Mais, un moment après, le beau bar de 2 kilogrammes qu’il venait d’attraper n’était plus à côté de son sac. Il soupçonna mon frère de lui avoir subtilisé. Le frangin en eut le souffle coupé et lui rappela sa mise en garde. Cette accusation révoltante lui avait messis au plus haut point, se souvenant précisément du petit fouineur voleur de sa jeunesse. Que l’on puisse le comparer à ce genre d’individu perfide était tout simplement intolérable.

D’Annie

Campagne

C’est si beau les images
Ça court devant les yeux
C’est plus beau que la vie
Bien plus beau que la réalité.
Installez-vous sur canapé
Dégustez les images.
Ecoutez le porteur de délices qui brigue nos suffrages.
Il parle, il jabote, il confabule, il gasconne.
Les vessies deviennent des lanternes
Et les potences des mats de cocagne.
Quoi ? Détournerait-il la vérité ?
Que nenni ! Il la détient et nous la partagerons.

Avec les images qui nous chatouillent
Enjôlés que nous sommes par le petit écran
Le beau causeur, maquillé, recadré, tout sourire
A la partie belle.
Il gasconne encore et renarde
Sans doute qu’il avocasse et nous vend du vent.
Mais on s’en fout. Nous aveindrons Utopia un jour.
Il cajole, il mignardise, il amadoue, il mignote
Le présent ne messied pas ! Demain sera mieux !
A qui la faute ? A l’Autre !
Quel autre ?
Celui qui porte le mal. Qui nous empêche d’être heureux…
Grands gestes. Effets de manches. Eclats de voix.
Eclairs de mots, harangues et sermons
Gasconnades, escobarderies…

Pour nous conduire dans sa renardière
Il en a déployé des promesses.
Notre bonheur est dans son pré. Pas question d’y surseoir.
Sacré tartuffe va !
Demain nous voterons pour lui.

De Gisèle

Rémi était écroué depuis six mois à la prison de la Santé. Il avait bien compris pourquoi il se trouvait là, ayant renardé son patron, avant de de le messeoir puis de le tuer dans un excès d’alcool. Il venait d’avoir 20 ans et son enfance et son adolescence n’étaient qu’un champ de ruines, jonché par une série d’accidents et d’incidents en tout genre. Sa bonne étoile ne s’était pas allumée à sa naissance. Il abordait l’existence au ras des pâquerettes sans s’autoriser à lever le nez ni à redresser la tête vers le ciel.
Il vivrait donc courbé et rampant sans jamais une once d’espérance. Quel malheur !
Toute sa vie, il n’avait eu de cesse que d’aveindre ses rêves, sans toutefois y parvenir. Chaque jour, un peu plus, il sursoyait à de meilleures résolutions mais rien n’y faisait.
Le milieu dans lequel il évoluait, à présent, accentuait davantage sa tendance à messeoir quiconque s’approchait de lui et le poussait inconsciemment à gasconner pour tenir la dragée haute et ainsi survivre à sa condition misérable de détenu.
Rejeté, isolé, déprimé, il en voulait terriblement à son défenseur des droits qui, au lieu de plaider sa cause, s’était contenté d’avocasser. Selon lui, il n’avait pas su trouver les bons arguments correspondant à sa situation peu confortable de “victime sociale”.
Un vrai désastre que lui seul devrait surmonter.

Poèmes printaniers de Françoise V

VUE DU CIEL

Dame Nature se met à jour
Déroulant tapis velours
Une pluie de pigments d’amour
Teinte la Terre après labour
Les cultures osent les coloris
Sur des kilomètres fleuris
De ses jaunes, rouges, et bleus de lin
Tel un habit d’Arlequin.

RÉSILLES D’OR

Terre d’Avril s’habille
Telle une jeune fille
Un apparat de résilles d’or
La couvre et l’honore
Clin d’œil à la lune
Qui remarque ses dunes.
Loin d’être anodines
Comme une mousseline
Elles font plisser les yeux
D’un soleil malicieux
C’est depuis les étoiles
Que l’on voit cette toile,
Briller et recouvrir
La Terre telle un désir.

De Dominique

Que justice soit faite !


Perdu sur un chemin de traverse d’une forêt sans nom, un bruit curieux attire mon attention.
Les sens en alerte, j’essaye de situer la direction de cette résonance particulière. Entre les chants d’oiseaux, le bruissement des feuilles d’arbres dans le vent tiède et, le doux murmure d’une petite rivière, le cliquetis se précise. Entre les taillis, les buissons et les végétaux, je tends l’oreille et m’oriente vers ce bruit qui devient plus clair. Là, posé sur la berge d’une eau filante, un moulin tourne sa roue à aubes qui tout à l’heure fournira sa farine. Ce moulin me paraît très vieux, massif et rudimentaire. Un escalier de bois m’invite à le monter, je m’exécute. En haut se tient le meunier tout blanc de la tête aux pieds. Il me salue poliment sans s’étonner de ma présence. Il fait son travail consciencieusement tandis qu’il m’explique chacun de ses gestes. La pierre à meule qui écrase les grains de blé qui l’alimente et, les fonctions de chacune des pièces de bois qui la font tourner.
Moi, par contre, je m’interroge :
« Que fais-je ici ? Par quel coup de baguette magique ai-je été téléporté dans ce monde suranné » ?
Tout à sa tâche, mon hôte “anachronique” m’interpelle :
« Viendrez-vous au procès de Martin cet après-midi me demanda-t-il ?
— Le procès de Martin ! Mais de quel procès me parlez-vous » ?
« Il aura lieu sur la place publique près du château, Martin est accusé d’avoir renardé en pénétrant de nuit dans l’enceinte privée du seigneur pour lui voler ses poules. C’est un malin ce Martin, il a l’art de duper notre village, il vit de ses chapardages et de ses coups “tordus”. Notre bon maître a déjà sursis à sa condamnation mais là, il risque une peine de « carcan ».
Intrigué par le “décorum” du lieu et de l’accoutrement vestimentaire désuet de ses habitants, je me décide à poursuivre cette aventure hors du temps. Laissons-nous porter par l’aventure et nous verrons plus tard à risquer une explication cohérente à ce rêve éveillé.
Attiré par un délicieux fumet, je me dirige vers le centre du village, même en rêve l’estomac a besoin de sa pitance.
Attablé à l’estaminet “le pain sur la planche”, je déguste d’excellentes brochettes de poulet cuites à point par les grillardins chargés de régaler l’assistance. Tout à coup, une inquiétude me gagne, vont-ils accepter ma monnaie ? Les quelques euros que j’ai en poche seront-ils acceptés ou devrais-je me soumettre au jugement du seigneur et maître du village ?
Tout va bien, le patron accepte mes pièces. Décidément, cette époque dans laquelle je me trouve, par je ne sais quel mystère, est vraiment “particulière”. Nous passons du denier à l’écu et de l’écu à l’Euro sans problème, un monde idéal peut être ?
Après ce très bon dîner, je poursuis ma visite. Le centre du village est fort animé. Des cordiers, un forgeron, des fours à pain, des fours à tuiles, des bûcherons et des charpentiers le font vivre au gré des besoins de ses habitants. Près de la carrière s’impose le château du “bon maître”. De larges portes grandes ouvertes nous invitent à y pénétrer. Des ouvriers de toutes les corporations sont à l’ouvrage ; maçons, tailleurs de pierre, teinturiers et peintres façonnent les murs ou les décorent. C’est une véritable “ruche” foisonnante et bourdonnante qui s’active. Des charretiers habiles transportent sur le chantier : pierre, grès, sable et ciment. Des chevaux dociles leur obéissent aux doigts et aux bruits de bouche claquants.
Quel haut personnage peut-il encore vouloir faire construire un château de nos jours ?
J’interroge à ce propos la vannière affable qui répond volontiers à mes questions :
« Mais d’où sortez-vous mon ami, nous sommes au Moyen Âge et cette forteresse est bâtie par notre bon maître afin de protéger les villageois de toute agression extérieure. »
Cette réponse sans ambages me renvoie à la réalité de ma présence ici : « Ai-je mangé des champignons hallucinogènes ces derniers jours ? »
Après quelques heures passées de ce temps qui décidément semble ne plus m’appartenir, je me dirige vers la place publique où se déroulera le procès du sieur Martin.
Au centre de cet endroit est installé sur un petit podium, le carcan.
La cloche de la chapelle du château sonne deux heures avant les “vêpres”, c’est l’heure fatidique.
Trônant sous le chêne de la justice, le seigneur appelle les protagonistes.
« Martin quel est votre défenseur ?
— Adrian, l’arracheur de dent messire !
— Plaidez-vous coupable ou non coupable ?
— Non coupable, s’écria d’une voix nasillarde Adrian. Mon client ne peut pas avoir volé vos poules car à l’heure présumée du méfait, il se tenait avec moi à la taverne de Madame Jeanne. Nous trinquions à nos affaires messire. »
Le procureur, siégeant à côté du seigneur, droit dans ses bottes, lui dit à l’oreille :
« Il avocasse ce mauvais témoin car la taverne à l’heure du vol se tenait fermée. »
— Belle déduction mon ami, vous aurez droit à mes faveurs. »
La foule énervée par le gros mensonge des deux compères s’écria :
« Au carcan, que justice soit faite ! »
On emmena “manu militari” le coupable au pilori qui, tout aussitôt fut la cible de jet d’œufs et d’autres aliments fort défraîchis. La foule se tordait d’un rire bon enfant en s’amusant de la farce en cours.
« Que l’on fasse évacuer l’assistance, il ne messied pas que l’on bafoue mon jugement, proclama le seigneur un tantinet offusqué par la réaction des gens ».
Tandis que le public goguenard s’éparpille, un haut-parleur au “larsen” tout à fait de notre époque s’égosille :

« Mesdames et messieurs, nous informons nos aimables visiteurs que le site du château de “Guédelon” va fermer ses portes. Nous vous remercions pour votre présence et nous vous souhaitons un excellent retour dans vos foyers. »
Assis dans le car qui me ramène chez moi et, dans la réalité de notre ère, je songe à cette belle journée que je viens de passer au cœur du Moyen Âge.
Ami lecteurs, si un jour vos pas vous emmènent dans l’Yonne, faites donc ce détour par Guédelon au royaume des bâtisseurs d’un autre temps.

De Lisa

Perché sur sa branche devant ces visiteurs, Maître Corbeau gasconne avec plaisir sans se rendre compte de sa lourdeur. Il sait qu’il avocasse avec bonheur.
Il se prend pour un prince devant ses convives, invente des histoires et les moutons se mettent à rire.
Bien sûr, il ne se vante pas qu’il a sursis momentanément une affaire de poules, comme client, un renard futé, qui est là pour se faire pardonner.
Maître Corbeau qui se prend pour le Bien-Aimé, se laisse flatter par ce dernier, n’imaginant pas d’être vite remplacé par ce flatteur qui sait très bien embobiner pour voler sa popularité.

De Jacques

Les vacances

Assis dans un fauteuil
Du grand ostel[1]
Celui de la vieille ville
Loin de la nouvelle, celle qui gasconne
Loin du ferfeil[2]
Je regard la place et le gort[3]
Ce calme du ciel bleu qui farde[4] tout
Soleil, soleil comme une chaconne
Une sensation orange de l’œil et du corps
Je m’aveins de mon trône
Le dehors m’attire, ne pas y surseoir
Debout, ce levant enlangoré[5]
Les portes battantes s’ouvrent à mon passage
Comme si des valets
À une terrasse, j’y commande une godale[6]
Le temps à prendre, comme à Paris
Le va-et-vient, les départs, les arrivées comme à la gare
Et je pars, la conquête des quartiers
Ma quête telle une embellie, l’azalée
Vision gothique, la Dame, l’imaginée
Mais pas celle par la flamme
Celle qui respire encore
Celle qui asoutille[7]
Face à la place, la petite en arbre
Qui ombre sans alourdir
Plantée de bancs
Voix, rires, regard en coin
La belle vie, douce et tranquille
Parfois le chant des calades[8]
S’harmonise avec un ostinato
Qui raconte la belle, la vieille ville

Maisons, commerces
Ritardando mon pas
Mon regard, un staccato de vision
Partout que beauté, que musique
Un hommage, un film sur le bonheur
Qui se déroule entre colombages
Et villages perchés là-haut, près des étoiles
À humer les herbes douces
Ces aromates en hernu[9]
Et voir la mer, miterraine[10]
Tel le vent, un désert
Et repousse au loin vers Limòtges[11]
Petites routes de paysages
Ce jour
Le temps se raserie[12] encore
Je déambule vers le marché
Comme naviguer
Profiter de l’agitation et des odeurs de saison
et y imaginer ma vie

Un voyage, un rêve
Une histoire d’amour, de racines
Un retour à Rupella, cette petite roche
À mon nom donné
Marcher vers l’océan, les Tours
Pour tourner autour de Cougnes
Imaginer l’ancêtre embarqué
Arrivé à Québec au mois de Maia[13]
Pour laborer[14], faire une vie
Puis mourir à la porte des années

En marchant j’écoute «Just wait» de Craig Harley
Pour revenir à ma source
Celle du maintenant,
Mais attendre encore un peu
Me l’imaginer encore un peu
Un dernier regard
Et ensuite partir, revenir
Dans ce pays du matin

[1]Hôtel, auberge
[2]Tumulte
[3]Golfe, baie (12e siècle)
[4]Teindre, colorer
[5]Langoureux6]Sorte de bière sans houblon[7]Rendre fin, subtil
[8]Oiseau merveilleux
[9]Le mois de juillet
[10]Mer Méditerranée
[11]Limoges en Occitan
[12]Adoucir[13]Mois de Marie
[14]Labourer (Xe s.)

De Lucette

Insérer des mots jamais ou très peu usités, voir pour certains inconnus.
Je ne vais pas gasconner, je vais y aller direct.
Certes, je peux si je veux avocasser, je n’ai vraiment pas le talent de certains ténors du barreau, alors, je vais gentiment rester à ma place.
La jalousie étant un vilain défaut, certains pourraient m’accuser de renarder, que mon texte n’a ni queue ni tête et que mes propos sentent mauvais.
Alors, je vais messoir. Décidément, rien ne me convient, rien ne me vient de cohérent en utilisant ces mots.
J’aimerais bien aveindre en atteignant ne serait-ce qu’une pâle copie d’Aragon, qui a écrit de magnifiques poèmes pour sa belle Elsa Triolet, mais puis-je un seul instant l’égaler, même en rêve ce n’est pas possible.
Je vais surseoir à mes ambitions littéraires, j’ai la volonté, le courage, mais pas la capacité d’y accéder.
Je vais continuer de penser, qu’aujourd’hui je ne serai décidément pas Verlaine…

De Françoise V

Monsieur le Juge Albert Procrastino est réputé gasconner et surseoir les affaires qui le dérangent et dont il n’arrive pas à démêler le vrai du faux. C’est sur la difficulté de l’assassinat de Monsieur Shun dans la région de Chinomachin qu’il bloque à la dernière audition du suspect. Le corps n’a pas été retrouvé. Procrastino est furieux contre les enquêteurs qui ne lui amènent pas de preuves, alors que l’assassin est sous ses yeux. Sa manière d’avocasser pour aveindre quelques vérités de cette mystérieuse enquête sans cadavre devient insupportable. Dans le même temps, la famille de la victime n’apprécie pas du tout ces reports d’audience, elle va faire appel. Cette pénibilité de ne pas faire aboutir le jugement est insupportable. De plus, cette situation ne peut pas messeoir à Maître Kavoa qui doit décaler d’une semaine à l’autre les autres affaires dont il s’occupe en ce moment.
Maître Kavoa, grand avocat au barreau de Paris, voyage beaucoup. Il doit défendre d’autres causes aux Etats-Unis, une affaire de mœurs entre autres d’un homme politique fort connu en France. Trop c’est trop. Comment va-t-il intervenir sur deux affaires compliquées ? Peut-on autoriser ce juge à surseoir les plaidoiries ? Il va falloir trouver une solution et renarder pour en finir avec le premier procès. Trouver un cadavre qui n’existe pas … Serait-ce une utopie ? Maître Kavoa n’est pas à sa première difficulté. Il va s’en sortir. Des idées ? Il en a. Le juge Procrastino est une personne du parquet dont il voudrait bien se débarrasser. Choisir de le faire muter lui semble au-dessus de ses moyens d’influences. Osera-t-il en faire un cadavre ? Pourquoi pas ? Ce sera un cadavre de plus à proposer aux enquêteurs. Cela fait des années que le comportement de ce Procrastino pèse sur ses épaules. L’organisation des procès devient un cauchemar avec ce juge ! Il lui faut faire quelque chose de concret sans procrastiner !

De Michèle

Tony est un bel homme, grand, musclé avec des désirs de réussite quelle que soit la façon d’y arriver. Il gasconne beaucoup et seules les filles superficielles tombent dans le panneau. Tony ne s’attache pas, il s’amuse au dépend des autres.
Il a terminé difficilement ses études de droit il y a 6 ans. Il travaille comme avocat commis d’office, en plus d’être un avocat d’affaires plutôt douteux. Il se fiche des gens qu’il doit défendre, son but est de faire le buzz. Il exerce son métier sans talent, sans dignité et comme on disait dans le jargon « il avocasse » .
Les personnes qui le sollicitent sont des gens qui ont été piégés, volés, bafoués. Il s’engage à les défendre , un moyen pour lui de leur soutirer une grosse somme d’avance. Il les reçoit, établit un plan d’attaque et quelques jours plus tard, leur envoie une lettre : « Bonjour, je vais surseoir à votre demande qui ne semble pas s’engager sur de bonnes bases. Je dois rassembler d’autres arguments pour vous défendre. Merci de me faire parvenir des éléments plus convaincants…Etc. etc. »
Il sait que cela durera assez longtemps avant de recevoir ce qu’il exige dans son courrier.
il monte sur son petit escabeau pour aveindre le dossier « en attente » dans lequel il renarde sa prose.
Pour un être qui évolue, dans et pour la justice, le fonctionnement de Tony ne messied pas à l’honnêteté.

De Catherine

La salle d’attente


— Chuuut ! Arrête, Léonard ! »
La pauvre ! Elle a beau faire, elle n’arrive pas à éteindre les litanies interminables de son fils qui débite inlassablement un dictionnaire de verbes anciens. Allez, c’est reparti :
— Avocasser : exercer sans dignité et sans talent la profession d’avocat. Avocasser : exercer sans dignité et sans talent la profession d’avocat. Avocasser : exercer sans dignité et sans talent la profession… »
Au moins, l’intervention de sa mère a pour mérite de le faire changer de disque, sinon, on était parti pour avocasser ad vitam aeternam. Elle me fait de la peine, cette maman au regard désolé. Selon ses dires, il fait ça à chaque fois qu’il est stressé. Ben dites donc, là, il doit être à son maximum. Depuis que je suis arrivée, j’ai enregistré malgré moi ‘messeoir, gasconner et renarder’. Pas facile à glisser dans une conversation.
Je n’en peux plus d’être coincée dans cette salle d’attente. J’ai trop hâte que ce soit mon tour ! Il faut dire que j’ai tiré le gros lot, entre le dico ambulant au disque rayé et le mec d’à côté qui me fait sursauter à chaque intempestive envolée d’injures : sûrement un Gilles de la Tourette !!! Ah, je suis gâtée !

— Arrête un peu Léonard ! Chuuut !
— Aveindre : verbe transitif. Tirer un objet de la place où il est rangé. Atteindre quelque chose avec effort. Aveindre : verbe transitif. Tirer un objet de la place où il est rangé. Atteindre quelque chose avec effort. Aveindre : verbe transitif. Tirer un objet de la place où il est rangé. Atteindre quelque chose avec effort. Aveindre…
Et l’autre de s’y mettre, le visage impassible mais le verbe très haut :
— Connard ! Salope ! Crotte ! Cul !
Du coup, ça réactive le dico :
— Messeoir : verbe impersonnel. Être disconvenant, pas séant, pas convenable, pas approprié. Messeoir : verbe impersonnel. Être disconvenant, pas séant …
Soudain, la porte du cabinet s’ouvre. Enfin ! Le thérapeute me regarde et m’invite à le suivre. Pas un quart de seconde d’hésitation avant de courir à la suite de mon sauveur. Je m’assois face à lui :
— Un grand merci docteur ! Vous savez, j’ai failli surseoir à notre rendez-vous !
— Ah bon ! Et pourquoi donc ?
— Les autres, dans la salle d’attente, ils sont complètement fous, non !?
— Allons, allons, pas tant que ça ! Et vous, Madame Choplin, si nous revenions à vos tocs …

De Yves

L’odeur du café embaumait encore la cuisine lorsque nous partîmes. C’était le début du printemps et en cette heure matinale, il faisait un petit peu frais. D’ailleurs, une brume légère recouvrait délicatement la rivière comme un châle posé sur les épaules d’une jeune fille pour la réchauffer. Je compris tout de suite que nous ferions ma promenade préférée. Après avoir traversé le pont à vive allure, en raison du vent toujours froid à cet endroit, nous emprunterions le chemin de halage. Là, je pourrais donner libre cours à ma joie et me dépenser sans compter. Je marcherais à mon rythme, je m’arrêterais pour contempler un drôle d’insecte cheminant dans l’herbe, je poursuivrais les bergeronnettes ou les mésanges qui adorent batifoler dans les petits arbres qui bordent la rivière. Une fois arrivé à l’écluse, nous nous arrêterions pour nous reposer un peu avant de prendre le chemin du retour en profitant des généreuses caresses du soleil matutinal. J’étais vraiment très excité à l’idée de faire cette promenade. Aussi, qu’elle ne fut pas ma déception, quand mon maître m’attacha avec ma laisse et m’emmena en direction du centre-ville.

De Marie-Josée

Le sapin

Après deux heures à crapahuter entre les rochers aux formes bizarres et aux noms évocateurs comme ceux de la table et du tabouret, du guichet ou du chat, nous avons enfin atteint le lac, échappant au bruit des tronçonneuses qui nous avait accompagnés tout le long du circuit. Un petit banc de sable faisait office de plage et les roseaux entourés de pollen jaune évoquaient un tableau impressionniste. Quel plaisir de déposer le sac à dos et s’octroyer une petite pause. Confortablement calée contre le tronc d’un grand sapin, les yeux mi-clos, je laissais divaguer mes pensées. Fascinée par la vaste étendue d’eau scintillante sous le soleil, je me demandais si cet arbre pouvait également ressentir et apprécier la beauté de ce lieu.
—Je suis en être vivant, me semblait-il entendre dans le murmure du vent, et à ce titre j’ai des sentiments. Les saisons, les époques et les évènements qui impactent les humains me concernent aussi. Si vous messevez, j’en subi les conséquences mais heureusement j’ai une grande résilience et une grande compassion pour vous.
Je m’amuse quand j’entends avocasser les promeneurs ou gasconner les pêcheurs qui accostent ici avec leur barque. En été, ils font griller leur prise de la journée et les menus fretins des uns et des autres se transforment en brochet ou en carpe après un repas bien arrosé. Quant aux chasseurs, ils tentent de renarder pour attraper le gibier mais souvent repartent bredouille, n’est pas renard qui veut.
En hiver, j’apprécie les glissades des canards sur la glace fragile et me moque des promeneurs qui s’enfoncent dans la neige et s’épuisent à la recherche des sentiers devenus inexistants.
J’avoue que j’appréhende toujours un peu la période du martelage, je n’ai pas peur pour ma vie, j’ai été classé parmi les arbres remarquables, mais plutôt pour celle du chêne. Munis de haches et de bombes de couleurs, les forestiers l’inspectent, tournent autour, vérifient son écorce, ses branches. Le temps est suspendu pendant leur délibération. Mes aiguilles frissonnent, les oiseaux se taisent, vont-ils surseoir ou le marquer de rouge le condamnant ainsi à l’abattage ? Un grand soulagement, ils passent leur chemin et mon voisin est préservé.
Même si je n’ai jamais été marqué par les forestiers, certains promeneurs ne s’en privent pas. Un jeune homme a déclaré sa flamme à une jeune fille et a gravé un cœur et deux initiales dans mon tronc en 1914. Il n’a pas survécu à l’horreur des tranchées de la 1ère Guerre mondiale. Les obus des canons n’ont pas seulement fauché les hommes mais aussi les forêts des sommets avoisinants, les vestiges de cette sombre période en témoignent encore au détour de nombreux sentiers.
Bien plus tard, où autre couple est venu, le jeune homme a montré à sa fiancé le cœur gravé par son père et a rajouté leurs initiales. Lui aussi n’est pas revenu, il est tombé sous un sapin dans une forêt de Sibérie.
Hier, deux randonneurs se sont adossés comme toi contre mon tronc, ont admiré la vue sur le lac dans son écrin et se sont émerveillés de la beauté et la quiétude qui en émanent. Le jeune homme a dit à sa compagne en inspectant mon tronc :
—Regarde, c’est bien le sapin que m’a indiqué ma grand-mère, il y a les initiales de mes ancêtres, il ne reste plus qu’à graver les nôtres.
—Je préfèrerais que tu ne le fasses pas, répliqua-t-elle. Tes ancêtres sont morts à la guerre, je ne voudrais pas qu’il t’arrive la même chose.
—Non mais je rêve, tu es superstitieuse, ne t’inquiète pas, il n’y aura plus de guerre ici, les Allemands sont nos amis maintenant.
—Les amis peuvent avoir un ennemi commun et avec le jeu des alliances tout peut arriver.
—Je n’ai pas envie de discuter de ça. Regarde, c’est ’’ fun ‘’dit-il en gravant les initiales.
Leur conversation en est restée là .Le jeune homme a fait un pas en arrière, a admiré son travail et ils ont continué leur chemin. J’espère les revoir tous les deux dans quelques années montrer leurs initiales à leurs enfants même si j’ai renoncé à comprendre les humains.
L’autre jour, j’en ai vu s’obstiner à tutoyer nos cimes et s’aveindre à nos branches se faisant peur au fur et à mesure de leur progression. Heureusement, la forêt retrouve son calme quand le soleil se couche, et ses habitants leur territoire.
Le bruit des tronçonneuse donna le signal de la fin de la pause déjeuner. En ouvrant les yeux, j’ai vu un écureuil grimper à toute allure sur le chêne à côté et des canards se faufiler entre les roseaux. Je ne savais pas pour quelle raison, j’avais soudain le sentiment d’être une intruse dans leur univers.
J’ai repris mon sac à dos et en me levant, j’ai vu un cœur et des initiales gravées sur le tronc du sapin plus que centenaire.

De Nicole

Alban monte à Paris

1930.
Alban de Castelmore, fringant cadet d’une noble famille désargentée quitte ses terres.
Son examen à Polytechnique réussi, il monte à Paris.
Il rejoint l’internat et se présente au Directeur.
Il ne peut s’empêcher de gasconner sur sa vie de hobereau de bonne naissance, ses motivations, son amour de la patrie.
Le général de Bolledieu, habitué aux rodomontades, renarde sur les conditions de vie de l’école ; l’élitisme de la fonction, la vie en communauté et la discipline, la discipline, la discipline la plus stricte.
Le matin suivant, lever 6H, douche, petit-déjeuner.
Humeur maussade.
Exercices physiques dans la cour.
Alban avocasse avec le sergent instructeur pour échapper au parcours du combattant.
Rien à faire. Punition cinquante pompes, puis aveindre les haltères, puis parcours du combattant.
Grosse fatigue.
A la cantine du soir, il messied envers la cantinière pourtant affable sur la qualité du repas.
Convoqué dans le bureau du Général Bolledieu :

« Encore une de vos désobéissances aux contraintes de notre enseignement et je serais obligé de surseoir à votre avancement, tenez-le vous pour dit. Faites votre devoir et rompez soldat ».
Alban se voit astreint à la discipline de l’école de guerre s’il veut porter les armes et avancer en grade.
Le fier gascon devra faire silence et lier connaissance avec ses co-conscrits.
De là naîtra son inscription à la Fraternité Khômiss.

Poème d’Alix Lerman Enriquez, « Bribes », proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture).

Je fouille dans les tiroirs de ma mémoire
pour retrouver des bribes d’un passé oublié,
des restes de roses accrochés à mon silence
qui ont ce parfum d’enfance enterré.

Je scrute dans le ciel assourdi de pluie
l’ombre de mon passé qui hante les nuages effarés.
J’entends sourdre l’écho de l’eau bleue de source,
celle de ma résilience assombrie de suie
sous l’azur gris de ma déshérence
dans l’évanescence de mon corps nu, désarticulé.

J’erre, solitaire, effrayée, presqu’invisible,
un morceau de soleil ébréché dans chaque main,
sur le chemin désertique de ma destinée
de ces souvenirs enfouis, clandestins, qui résonnent
au milieu des chardons bleus qui grésillent,
des oiseaux rouges qui fredonnent
les refrains tremblants de mon avenir incertain.

Le temps estival nous incite à profiter plus de l’extérieur. Alors, profitez-en bien et je vous souhaite un beau weekend. La nature est magnifique et abonde en mille couleurs. C’est un délice sans fin…

Au plaisir de vous lire.

A la semaine prochaine.

Portez-vous bien et prenez toujours soin de vous.

Créativement vôtre,


Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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