Quel bonheur de vous retrouver toutes et tous, mes chers amies/amis de l’écriture pour cette proposition N° 139. 

Bien sûr, il manque un prénom cette semaine, celui de Lucette, ma mère adorée défunte, qui écrivait chaque semaine depuis la création de l’atelier d’écriture en 2019. 

Elle n’avait raté qu’une semaine d’écriture, celle qui a précédé son entrée à l’hôpital fin juin. Elle était trop fatiguée pour pouvoir penser…

J’avais créé l’atelier, pour elle, pour la faire écrire, car elle aimait cela, mais n’avait jamais osé écrire des textes inventés. J’ai été heureuse de le faire pour elle. 

De là où elle est, je pense fort à elle en rédigeant cette chronique. 

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Gérard

Mon père nous a quittés en 1998, à 86 ans, ma mère en 2011, à 95 ans.
Ils avaient, comme on dit, fait leur vie.
Quand ils sont partis, j’avais 45 et 58 ans, j’étais leur « petit dernier ».
J’ai toujours eu un profond respect et une grande affection pour les personnes formidables qu’ils étaient, de la gratitude pour la vie et la bonne éducation qu’ils nous avaient données, à mes sœurs et à moi.
Ils ne sont plus là, mais j’ai le bonheur de les revoir et de les avoir encore avec moi.
Je ne parle pas ici des images, des photos, ou des films dans lesquels ils apparaissent, mais bien de les porter dans ma tête, dans mes souvenirs, et parfois dans mes rêves.
Mes parents apparaissent quand bon leur semble, inopinément, par surprise, faisant irruption dans mon quotidien.
Quand je découvre un livre qui me plait, Jiminy Cricket surgit et me glisse « Papa lui aussi aurait adoré ce roman » et je me souviens alors de tous les livres qu’il m’a fait découvrir, les Lucien BODARD, les Irène FRAIN, Françoise CHANDERNAGOR, la Révolution Française revue par Claude MANCERON, les Larry COLLINS, Alexandra LAPIERRE, Maryse CONDÉ, Jean-Pierre CHABROL, la liste en est fort longue.
Ou bien je regarde un match, et le poste de télévision me dit que c’est lui qui m’a initié à la coupe d’Europe de football au temps du grand Stade de Reims, au rugby avec les commentaires du regretté René COUDERC « Allez les petits ! »
Si je joue avec mon petit-fils en vacances, l’image paternelle revient pour me dire que le grand-père que je suis devenu est en train de reproduire ce que mon père m’a appris, qu’il en est fier, qu’il me remercie de transmettre le témoin qu’il a lui-même mis dans mes mains.
Papa est partout, il m’accompagnera jusqu’au bout de ma vie avec discrétion et fidélité sans que je ne lui demande rien.
Maman, toi non plus tu ne m’as pas quitté, je sais que tu seras toujours là.
Dans les odeurs de la cuisine, dans les viviers des poissonniers où s’agitent les homards bretons que tu aimais tant nous préparer.
Dans la mélodie d’une chanson de TRENET, idole de ta resplendissante jeunesse.
Dans le miroir, quand me rasant le matin tu apparais soudainement et que, écarquillant les yeux, je te reconnais dans mes traits.
Dans internet, quand remontant le temps et découvrant les noms de mes ancêtres sur les sites de généalogie, tu me fais découvrir un passé insoupçonné, un miracle dont toi seule était capable, m’a dit ma filleule, ta petite-fille.
Dans mes paroles, mes réflexions, quand je prends conscience que mes analyses rejoignent la vision réaliste et pragmatique que tu avais des hommes, des femmes, de la société, de la politique. Je te revois te taire et penser « Chantez, beaux merles ! ».
Parfois, rarement, vous vous invitez dans mes rêves, mes chers parents, vous y êtes jeunes, beaux, rayonnants, nous dialoguons ensemble, vous êtes vivants, comme vous l’étiez dans vos enveloppes charnelles.
Je ne serai jamais orphelin.


De Karine

Je ne sais pas ce que je vais écrire mais je me lance car cette proposition de thème me relie à moi-même, à cette part à l’intérieur qui sait, qui demande à se souvenir, se relier … au Monde . Ce monde qui nous entoure, nous enveloppe, nous dépasse et nous conduit à nous dépasser…
La magie de la Vie nous fait voyager au-delà du connu, de nos certitudes, de nos croyances et nous invite à oser, à se risquer à vivre de tout son être, avec tous ses sens, son essence et à partir du coeur. A être pleinement soi.
Mon ange était là, penchée sur mes mots et mes maux et doucement avec ses larmes emplies de fierté, de douceur et du baume de l’amour, il lavait mon écorchure ensanglantée. La brûlure était encore si vive.
Avec le temps pour allié, là, près de moi, il contemplait mon courage, ma force qui jaillit de l’indicible et la Vie qui coulait par cette cicatrice indélébile, la Vie renouvelée, intense et libératrice En me reliant au Silence, je pouvais sentir les bras aimants de cet ange autour de moi, je pouvais accepter l’impossible, l’inacceptable . L’Univers me tenait la main .
Tout est là au centre de mon coeur .

De Françoise V

Blandine n’aurait jamais imaginé qu’un jour elle aurait une vision. C’est une image qui s’affiche à vous, à vos dépends, sans pouvoir la contrôler. Elle vous émotionne, vous questionne. Votre raison ne sait plus quoi penser puisque l’image est sans raison. Insaisissable, furtive, elle s’évade sans laisser de trace. Pas moyen de la rattraper. Pas moyen de la fixer. Seul le souvenir de l’événement reste dans votre esprit , se calant dans un tiroir « mémoire » pour ressortir un jour… un jour où l’on vous demande d’en parler et de raconter.

Elle était à l’église de sa paroisse. Assise, les yeux levés au plafond, fixant les ogives de cette construction néo-gothique. C’est dans cette église que l’on l’a baptisée, qu’elle a fait ses communions, qu’elle s’est mariée et qu’elle a enterré ses parents.
Soudain, deux visages apparaissent, ceux de sa mère et de son père. Souriants, ils la regardent. Ils ont l’air heureux. Leurs regards lui communiquent qu’ils sont bien ensemble. Enfin ! Elle aurait bien aimé que cela soit ainsi durant leur vie sur terre. Leurs yeux sont plein de bonheur. Ils la fixaient avec bienveillance comme pour lui dire : « Tu vois, nous sommes réunis, nous sommes heureux d’être ensemble. Ils sont jeunes et Magnifiques ! Ils ont l’air fusionnels, en osmose, et lui transmettent leur doux regard protecteur, celui qui lui a tant manqué. Puis elle baisse la tête… et tout s’efface. Elle a beau chercher au plafond, ils ont disparu. Mais où sont-ils donc passés ?

De Ghislaine

INSTINCT

Je dois y aller.
Les petits ont faim. Trois jours déjà qu’ils jeûnent. Le grand-père a beau les amuser, les cajoler, ils pignent, ils mordent. Ils font leurs dents et surtout sécrètent de la salive. Dans quelques heures, ils vomiront de la bile.
Je dois y aller pourtant et j’ai comme un pressentiment.
Les petits ont faim. Le vieux a faim. Il mangerait bien un foie tendre avec les mauvais chicots qu’il lui reste.
Les autres aussi. Toute la communauté. Ils n’attendent qu’un signe. Je me lève. Je regarde la lune en hurlant l’abandon de Léa. Elle ne reviendra pas. J’ai vu son corps inerte, disloqué. Ils riaient. Ils étaient contents. Et moi, j’avais des larmes dans le cœur et dans la gorge. Et je suis parti. Il n’y avait rien que je puisse faire.
Le Gris et Iris sont à mes côtés. Ils sont impatients, nécessaires, le ventre creux.
J’attends. J’ai comme un pressentiment.
Pourtant, il faut y aller.
Alors je marche. A regret. Lentement. Les flancs serrés contre les miens, aimés et reconnus.
Ils sentent. Le savent. Me font confiance. Tout ça mêlé.
Je vais les décevoir, c’est sûr. Les conduire au supplice. Je n’ai pas d’autre choix.
L’odeur de la viande sous la laine musquée. Les enfants qui geignent. Nos côtes qui se dessinent sous la peau. La lune. Les hommes en bas.
Le troupeau.
Avec un peu de chance. Au-delà de la crainte, de la conscience que tout cela est mortel.
Pour nous tous.
La lumière est irréelle. Une clarté lunaire grosse comme une femelle enceinte.
Je longe le chemin, la truffe aux aguets. Le pas mesuré. Ils suivent. Le Gris et Iris.
Nous descendons vers la vallée. Les moutons y sont parqués.
Il fait noir soudain. Nous sommes sous le couvert des arbres. La senteur laineuse est plus forte. Avec un relent acide. Une odeur de pétrole, d’un de ces pick-up dont j’ai appris à me méfier.
J’ai peur. Je voudrais revenir à la tanière. Peut-être traquer le bouquetin…
L’ombre de la forêt est immense. Nous avançons dans le piège.
Je le sais.
Les premiers coups de fusils retentissent.
Léa.
Les petits avec le vieux.

De Jacques

Immaculée

Tu t’étais cachée derrière l’orgue, et le temps que je te trouve, le silence t’avait déjà enveloppée. Les notes, les accords et les harmonies que tu créais parvenaient à tirer des larmes à l’assistance, de même qu’aux passants. Ta douceur, la voix de tes touches faisait que tous imaginaient des anges. On les voyait. Leurs chants parvenaient jusqu’à nous. Dans la rue, ton rythme immaculait les pas.

Solo de guitare
Solo de violoncelle
Orgue aimable
L’universel
Le pluriel
Lui et elle
Le soir l‘orage
La nouvelle, l’insupportable
L’espoir, cet opéra
Celle du rock,
Spécial, l’orgue, drôlement discorde
Où est la Madeleine
Cachée, comme toi
Derrière la musique du XVIe
Celle d’avant, un peu d’après
Jusqu’au jazz, du rock
De la basse et de ses liens
Disparition, accrochée aux larmes
Aux yeux noirs, aux tiens

Tu aimais la musique baroque, c’était le rock de son temps. Tes concerts à l’Église Sainte-Macrine-la-Jeune n’attiraient pas les foules, mais tout le village de Rombly aimait t’entendre. On t’entendait, on t’écoutait, on t’aimait. Ton dernier concert était consacré à Pierre Danchieu, André Raison, Étienne Richard et Christophe Moyreau et de villes en villages, de jours en nuits, de rires en larmes, tu as tout joué. « Merveilleux! Splendide! » était ce qui se voyait dans les yeux. Tous étaient ivres de ta musique.
Tu préférais le direct (« live» en français de France). Aucun enregistrement, aucun disque, aucune émission de télévision… pas moyen d’écouter les reprises (« replay» en français de France). Je ne pourrai plus jamais t’entendre. Tu me manques. Ton départ m’afflige.

De Stacey

NOTRE MONDE

C’est l’histoire de deux enfants, Shakirath NIEVES et de Enzo CONDE qui ont grandi ensemble et sont les meilleurs amis. Mais, leurs chemins se sont séparé lorsque Shakirath s’est rendue en Chine pour étudier l’informatique. Par contre, Enzo est resté au pays et a continué ses études. Neuf ans plus tard, Shakirath est revenue au pays avec l’idée d’ouvrir une entreprise d’outils informatiques. Enzo, par contre, lui, travaille avec ses parents dans le domaine de la restauration.
Ils se sont retrouvé tous les deux lors d’une fête qu’ont organisé les parents de Shakirath ! Les retrouvailles faites, l’amitié existante entre ces deux personnes meurt et donne naissance à l’amour !
Mais, certaines personnes n’acceptent par cette idylle naissante. Renata HERRERA, la secrétaire amoureuse de Enzo et son homme de confiance Andro SANDOVAL, vont s’associer pour détruire cette belle histoire d’amour !
Shakirath et Enzo vont-ils être ensemble ? Se battront-ils pour leur amour ?

De Lisa

Inspiré de la chanson “Amour secret” d’Hélène Rollès, « Ame en secret »

Ames « en secret »
Liés de se cacher
Ames « en secret »
A ne pas en parler
Ames « en secret »
Un moment de gaieté
Ames « en secret »
Condamnés à se protéger

Quand on voudrait
Le raconter cette pépite de joie
Qui s’évapore comme il se doit
Mais elle et lui
Les deux âmes pour la vie
Et c’est ainsi

Ames « en secret »
Cacher tous ses sentiments
Car le coeur reprend du galon
Ames « en secret »
Ne pas pouvoir s’embrasser
Comme ils voudraient
Comme le souhaite la société

Quand il faudrait
Hurler au monde entier
Ces secondes de joie
Entre elle et cette âme-là

Mais la société n’y comprendrait pas
Ils n’ont pas le droit
d’en parler même pas à « une oie »

Est-ce qu’un matin soudain
Tu seras près d’elle
Pour lui dire qu’elle sera
Sa petite perle

De Catherine M

Une vision

C’était un peu flou
Pas très net
Deux silhouettes
Le temps semblait doux
Les fleurs en parterre
Jonchaient les allées du cimetière
Ils se tenaient par le bras
Comme souvent ici-bas
L’air grave et décidé
Elle en noir, lui en violet
Je ne sais pas où ils allaient
J’ai voulu leur demander
Ils sont restés muets
A moins …
Qu’aucun son ne soit sorti
De ma bouche engourdie
J’ai levé le bras
Hé ! Je suis là
Ils sont passés devant moi
Je n’ai pas osé faire un pas

Est-ce bien vrai tout ça ?

De Martine

Accroupie à côté de l’étendoir, je décroche le linge raidi par la chaleur qui règne dans la véranda. Je trie rapidement : un sac de sous-vêtements et de chaussettes, un autre de chemises, corsages, polos.
Je ne reconnais aucun de ces derniers, j’en éprouve un pincement au cœur. Jusqu’à quel point la vie de mes parents m’est-elle devenue étrangère ?
La maison est silencieuse. Sitôt la cuisine débarrassée et nettoyée après un joyeux repas pris dans le jardin à l’ombre du tilleul, les enfants sont partis en promenade en compagnie de leurs grands-parents et de leur père. J’imagine qu’ils vont évoquer le défilé de ce matin, leur grand-père en tête, en porte-drapeau, la tête haute, digne dans son uniforme de garde-champêtre. Un Papé qui, arrivé à leur hauteur, leur a délivré une belle grimace ! Une facétie d’autant plus cocasse qu’elle était totalement incongrue. Pas de doute, tout le bourg en a profité et qui sait si un photographe n’a pas saisi l’instant, idée qui amuse beaucoup mes enfants.
J’emporte le sac de petit linge dans la chambre de mes parents, pour le plier et le ranger dans leur armoire.
Les bras chargés, je pousse la porte entr’ouverte d’un mouvement de hanche. « Oh ! Maman ! Excuse-moi, je te pensais partie avec le reste de la troupe. Je suis désolée de t’avoir réveillée ».
Ma mère se redresse, ajoute un gros oreiller derrière le haut de son dos et s’installe tout en m’assurant que non, elle ne dormait pas, elle voulait soulager ses jambes des effets de la chaleur.
Je plie les chaussettes, retrouvant sous son regard le geste d’attraper le talon, retourner la tige, bien aplatir et enfin enfiler les deux chaussettes l’une dans l’autre ; chez moi je fais des « boules ».
Ma mère, elle, s’occupe des sous- vêtements.
Depuis combien de temps n’avons-nous pas été seules toutes les deux ?
« Maman, nous n’avons pas eu l’occasion de parler de vive voix de la mort de Mémé…. Comment as-tu vécu ces derniers mois, tu te torturais en pensant à ce qu’avait été sa fin de vie ? » .
Ma mère lâche le tee-shirt qu’elle s’apprêtait à plier et, le regard tourné vers la fenêtre, me raconte qu’il y a deux semaines, un dimanche, elle était comme aujourd’hui à se reposer dans sa chambre … (Ses yeux se fixent alors sur le bout de son lit, elle étend son bras droit). « Elle était là, assise au bout du matelas, elle avait son joli visage, serein, et elle m’a dit : tout va bien, ne t’en fais pas »….
« Je l’ai vraiment vue et entendue… » ajoute-t-elle visiblement émotionnée.
Je reste sans voix, je sais ma mère très rationnelle, je n’ai pas l’ombre d’un doute, elle a réellement vu sa mère. Je la sais aussi très pudique, aussi je suis particulièrement émue. Je sens à mon tour la présence de ma grand-mère tant l’évocation de ma mère est puissante. J’éprouve un apaisement à nous savoir ainsi reliées, proches, aimantes, dépositaires de la vie l’une de l’autre.

De Nicole

Vision dans le tranchées
4 Novembre 1918, quelque part dans la Somme.

Victorine,

A l’aube d’un nouveau jour, dans la crasse et la vermine de la tranchée.
Dans quelques heures nous partirons au feu.
Et voilà que je te vois devant moi, à presque te toucher.
Fragile et lumineuse vision, dans toute ta beauté, avec ce sourire timide
Qui éclaire tes yeux, ce sourire que j’aime tant.
Qui me parle d’amour, de futur, d’engagement mutuel.
Vision fugace et douce qui me donnera la force de revenir
D’entre les presque morts, auprès de toi, ma dulcinée,
J’écris ces mots dans une lettre que je confie au « facteur » des tranchées.
Je t’aime.

Ton Pierre

De Catherine G

L’absence

Lui est parti, rongé par un crabe, il y a bientôt 30 ans, non sans me faire promettre de m’occuper d’Elle. Ce fut le premier drame de ma vie.
Cahin-caha , elle a poursuivi son chemin en solitude pendant 23 ans, le souvenir de Lui s’estompant à mesure de ses difficultés à trouver son souffle. Et puis, Elle aussi est partie. L’a-t-Elle rejoint ? Se sont-Ils reconnus ? On ne saura jamais. Il nous reste le manque d’eux, inéluctable…
Elle n’est plus là , mais Elle est là quand même.
Quand je me regarde dans la glace, je la vois. Moi qui ressemblais à Lui me mets à ressembler à Elle. Mon visage change : je La reconnais, Elle. Ses rides profondes s’insinuent dans ma peau, ses mimiques s’immiscent en moi sans que je l’ai cherché.
Quand je parle, inconsciemment, je la sens : dans une expression que j’emploie, parce qu’elle était sienne, dans un avis que je donne qui me rapproche de sa vision du monde, dans un jugement que j’émets, moi qui lui reprochais d’être trop abrupte. Cela surprend mes enfants, qui, par dérision, croisent leurs index dans ma direction et conjurent : « Marie-Thérèse, sors de ce corps ! » Cela me fait rire, mais m’interpelle à la fois.
Elle est en moi, de cela je suis sûre, mais ce mimétisme inconscient me questionne, tout en m’assurant une paix intérieure. Je suis Moi avec un petit peu d’Elle en Moi, mais il me manque tant d’Elle : tout ce que cette fichue pudeur dans laquelle nous avons été élevés nous a empêchés de connaître de sa vie d’avant Lui et Nous, cette vie de douleur dans les deuils multiples qu’Elle voulait oublier pour ne pas continuer à en souffrir, ne nous en livrant que des bribes.
Aucun mimétisme, aussi poussé soit-il, ne comblera ce vide. A moins d’en avoir un jour des visions, dans mes rêves ou dans mes pensées… Mais saurais-je en reconnaître les signes et leur donner sens?

De Marie-Josée

Fête foraine

Des flocons de neige avaient recouvert les fleurs du pommier en cette fin d’avril.
Plongée dans la lecture d’un thriller, Anne en a été extirpée par une odeur de fumée qui s’intensifiait peu à peu. Elle posa son livre et fit le tour des pièces de la maison, mais elle était seulement perceptible au salon. Elle jeta un coup d’œil dehors, mais pas la moindre trace d’un feu. Elle n’arrivait pas vraiment à la définir, pourtant elle lui était familière. Elle ferma les yeux et se concentra. C’était celle du tabac, même si cela faisait des années que plus personne ne fumait à la maison. Maintenant, elle en était sûre, c’était celle des cigarettes ‘’Gauloises ‘’que fumait son père. A l’époque, toute la maison en était imprégnée, même les vêtements.
Elle se rappela tout d’un coup qu’elle respirait cette odeur quand ils rentraient de la fête foraine. Petite, la foire du mois d’avril était l’événement de l’année pour elle. Peu importait la météo, qu’il neige, qu’il pleuve ou qu’il vente, le dernier dimanche du mois d’avril, ils y allaient tous les trois. Son père fixait un siège enfant sur le porte bagage de sa mobylette et Anne appréhendait toujours le moment où il fallait qu’elle s’y mette. Droite comme un i, elle s’accrochait aux accoudoirs et n’osait pas bouger. Elle redoutait les soubresauts de l’engin à peine amortis par le coussin de son siège de fortune, mais la perspective des réjouissances à venir avait raison de sa peur qu’elle cachait tant bien que mal.
C’était quasiment le seul dimanche de l’année qu’elle passait seule avec ses parents. Son père était bien trop occupé à honorer ses fonctions dans les diverses associations dont il faisait partie et laissait volontiers sa femme et sa belle-mère s’occuper d’elle. Arrivés à destination, ils slalomaient entre les attractions qui diffusaient des musiques tonitruantes sans que son père lui lâche la main une seconde.
Elle enchaînait les tours de manèges, tantôt elle enfourchait une moto, tantôt elle se mettait au volant d’une voiture ou galopait sur un cheval. Le pompon dansait au-dessus de sa tête, mais elle ne le décrochait que rarement. Elle savait bien qu’elle pouvait gagner des tours gratuits mais elle n’était pas assez dégourdie, comme disait son père, et elle lisait la déception dans ses yeux à chaque fois qu’elle n’y parvenait pas. Sa préférence allait sans conteste aux bateaux balançoires, là pas de pompon à décrocher, elle prenait de l’élan et elle montait jusqu’à ce qu’elle avait l’impression de s’envoler, au grand dam de sa mère, qui la conjurait de ralentir. Elle n’en avait cure, elle riait aux éclats et s’évertuait de plus belle jusqu’à ce que ses membres déclarent forfait.
Elle lorgnait avec convoitise les animaux en peluche et les poupées gigantesques aux robes chatoyantes des stands de tir et enviait les enfants qu’elle croisait qui peinaient à les porter. Elle n’en a jamais eu et n’a jamais su pourquoi son père refusait de se livrer à cet exercice malgré ses suppliques, peut-être n’était-il pas dégourdi au tir ? Elle avait fini par renoncer à lui demander et passait devant stoïquement. Elle se consolait en faisant le plein de nougat, de réglisse en forme d’escargot et de sucres d’orge de toutes les couleurs aux stands de confiserie.
Un autre moment fort de la journée était le passage au bar. Les joues rougies par l’excitation, les doigts engourdis, elle appréciait particulièrement cette halte où elle dégustait un chocolat chaud quand le printemps tardait à s’installer ou un soda quand le soleil avait eu raison de l’hiver.
A la tombée de la nuit, elle reprenait sa place à l’arrière de la mobylette pour le chemin du retour. Fatiguée, elle mettait ses bras autour de la taille de son père, posait sa tête contre son dos et l’odeur de cigarette imprégnait ses narines. Bercée par les freinages et les accélérations, rien ne semblait pouvoir lui arriver aussi longtemps qu’elle était agrippée à lui.
L’odeur était toujours là. Etait-ce son père qui venait la féliciter d’avoir décroché le pompon en obtenant une promotion lors d’un concours quelques jours auparavant ? Elle ne le saura jamais. Elle alluma une bougie et dans la flamme dansante, elle revit son père au bord du manège qui fumait une ‘Gauloise’.

De Pascale

Il est parti sans crier gare, lui-même surpris de son départ. Il nous a laissé là, pantois, au milieu de la fête, sans aucun au revoir, ne nous laissant d’autre choix que celui d’accepter que soudain tout s’arrête !
Confusément, toutes croyances ébranlées, chacun a poursuivi sa route, portant le fardeau du chagrin , sa peur du lendemain.
Lentement, le temps, à l’ouvrage, nous invite à tourner la page, à écrire le chapitre suivant, du moins je le pensais…Jusqu’à cette nuit, loin de l’événement, où un souffle m’a réveillé. Aucune peur, pas de frayeur, ce souffle m’est familier. Mais qui aujourd’hui s’est invité ?
Nous n’étions pas amis, pas si proches de lui, pourtant c’est moi qu’il a choisi, moi qu’il a surpris. Sa silhouette floue se détache dans la nuit alors que sa voix claire ne laisse pas de place au doute.
« S’il te plaît, elle souffre trop, elle a besoin d’avancer, il faut l’aider à avancer, parle lui . » Dans l’instant, aussi soudainement qu’il est apparu, il n’est plus !
Alors que ma compagne dort paisiblement à mes côtés, je reste longuement éveillé.
Une nouvelle fois, l’insoupçonnable s’est avéré, pas d’autre choix que d’accepter.
Au début, j’ai tenté de lutter… non pas contre ces âmes en visite qui m’invitent à être leur messager, mais bien contre les regards autour de moi portés sur l’irrationnel, l’inexplicable ! Je n’osais en parler.
Mais peu à peu je me suis affranchi de tout jugement extérieur. Mes lectures, mes rencontres (bien loin d’être fortuites), l’insistance de leurs visites ont déconstruit moult croyances et conforté les évidences. Aujourd’hui, je suis un homme honoré par la confiance que m’accordent mes invités particuliers. J’accueille chacune de nos entrevues comme un moment privilégié.
Malgré tout, rien n’est simple : Chaque message recueilli me fait me questionner avant d’aller le délivrer. Pour lui, comment vais-je l’aborder, annoncer sa visite, énoncer ses paroles ? Est-elle prête à entendre, se laissera-t-elle surprendre ?
Mais, nous ne sommes jamais seuls, et lorsqu’ils transparaissent c’est pour nous révéler qu’il faut continuer car quels que soient nos doutes …. le plan est toujours parfait !

De Jean-Michel (hors proposition d’écriture)

L’automne

L’infini à la porte du jardin
s’ouvre sur les belles feuilles
d’automne en dernières
rougeurs douces devant
l’hiver
le charme un bruit tombe
un coeur trébuche un
sourire prend le train
Distance qui s’enfuit
vol d’ inconnu . . .
une main me tiens
Rien ne revient le rien
de l’écoulement avance
tout le temps

De Michèle

MON PERE

J’ai souvent passé des nuits sans rêver ou sans me souvenir de mes rêves, mais une nuit d’octobre 2017, alors que je suis retournée seule dans la maison familiale pour la mettre en vente après le décès de mon père ce 7/7/2017, j’ai rêvé de lui. J’ai été réveillée en sursaut par un bruit dans le salon. Je me suis redressée, j’ai écouté attentivement. Quelqu’un était là. Pourtant, j’étais venue seule.
Comme le bruit quelque peu étouffé continuait, j’ai parlé :« C’est toi papa ?”.
Le bruit a cessé quelques secondes et a recommencé.
« Si c’est toi papa, fais-moi un bruit reconnaissable”.
Et son fauteuil a grincé comme il le faisait souvent.
« Dis-moi si tout va bien pour toi. Recommence le bruit si c’est oui ?”.
Le fauteuil a grincé avec force.
« Pour maman aussi tout va bien, nous prenons soin d’elle, ne t’inquiète pas, tu peux partir en paix, nous pensons fort à toi. Je t’aime papa ».
Puis, tout bruit a cessé et mon coeur battait la chamade.
Je n’ai pas eu peur, mais je suis sûre d’avoir eu un dernier contact privilégié avec mon père.

De Claude

PROCÈS EN RÉ-VISION

Une « vision », vous dites ? Une vision comme celle de Hamlet auquel le spectre de son père (Je meurs, Shakespeare) apparaît au château d’Elseneur (Danemark), pour lui révéler que celui qui l’a assassiné n’est autre que son propre frère, Claudius, et pour lui demander de le venger ? A moins que vous ne parliez de Bernadette Soubirous et de ses multiples apparitions (plus de dix visions) que, personnellement, je trouve assez Lourdes.
Ou peut-être s’agit-il encore de celle de la Vierge qui apparaît en 1917 à trois enfants portugais à Fatima (Portugal). Elle leur révèle trois secrets, dont le troisième, dévoilé en 2000 par le pape à Rome et commenté par le cardinal Ratzinger agissant en sous-pape de sécurité, a fait beaucoup papoter, sans jamais vraiment convaincre. En ce qui me concerne, bien que généralement « anti-sceptiques », j’ai beaucoup de mal à donner foi à toutes ces prétendues révélations, à toutes ces promesses d’apocalypse, qui me semblent être des attrape-bigots…
Je pense qu’il est regrettable que ces apparitions ne soient réservées qu’à un public très restreint… et bien choisi. Pourquoi pas une apparition en eurovision, voire en mondiovision, comme une éclipse ou la comète de Haley, par exemple ?
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, il m’est arrivé une aventure étrange pour le moins, et je m’interroge à présent : faut-il être anti ou pro visions ?
Alors que nous revenions de nos courses hebdomadaires, j’entendis mon épouse pousser un cri d’effroi en remarquant que son alliance n’était plus à son doigt ! Après un moment de stupeur, elle se souvint qu’elle l’avait enlevée dans la voiture pour se mettre de la crème sur les mains, qu’elle l’avait posée sur son giron et que visiblement, elle avait oublié de la remettre à son doigt. Nous passâmes aussitôt la voiture au peigne fin. Sans succès. La déception se lisait sur nos visages car il s’agissait d’une belle alliance en or blanc torsadé sertie de gemmes à la folie, de magnifiques diamants bleus et jaunes. Je dois d’ailleurs encore avoir la facture dont le montant à l’époque dépassait largement mon traitement mensuel. Vous pouvez donc imaginer le sale air que j’avais.
Je suggérai de retourner sur le parking de la grande surface et de retrouver l’endroit où nous nous étions garés, mais la nuit commençait à tomber, et nous n’étions plus sûrs de rien. Nous scrutâmes le sol avec une torche, aidés par quelques clients compatissants qui s’apprêtaient à rentrer chez eux. Mais à la réflexion, je me disais qu’il était impossible de retrouver un objet aussi minuscule dans un espace aussi vaste, et de surcroît dans une obscurité grandissante, d’autant que l’alliance avait peut-être été brisée sous les roues d’une voiture, vu la circulation intense sur le parking de cette grande surface. Je me disais aussi que si quelqu’un l’avait trouvée, il y avait peu de chances qu’il la rapporte à l’accueil du magasin, ou même aux objets trouvés.
Mais en désespoir de cause, j’allai néanmoins poser la question à l’hôtesse. Plus je lui décrivais la bague, plus elle hochait la tête comme pour dire qu’il était inutile de s’acharner et que si, par bonheur, quelqu’un la lui rapportait le lendemain, elle me téléphonerait aussitôt.
Il n’est jamais interdit de rêver.
Je m’apprêtais à monter en voiture, la mort dans l’âme et une boule à l’estomac quand un personnage m’apparut, comme dans un feu d’artifice, les pétarades en moins. Je ne le reconnus pas immédiatement, mais c’était mon grand-père que j’adorais, décédé plus de vingt ans auparavant. Il me dit simplement : « Suis-moi en voiture ! » Il me guida à dix mètres de l’endroit où j’étais garé, puis disparut soudainement.
Je vis alors à la lumière des phares de ma voiture un objet qui brillait de tous ses feux dans la nuit noire : la fameuse alliance.
Ce qui me surprit le plus, c’est que j’étais le seul à avoir eu cette vision, une « super » vision, en fait. Mon épouse était ébahie. Lorsque je lui tendis son alliance, elle se jeta dans mes bras et sanglota un long moment sur mon épaule, comme si elle venait d’échapper à un sort funeste. Avant de la remettre à son doigt, elle l’examina, la toucha, la caressa. Moi, j’hallucinais !
Elle avait suivi mes faits et gestes sans comprendre ce qui se passait. Elle me raconta plus tard qu’elle pensait rêver en me voyant déplacer mon véhicule comme un automate et revenir triomphant vers elle. Elle y voyait quelque chose de surnaturel. Je ne lui ai jamais dit la vérité de peur qu’elle ne me prenne pour un illuminé, un « alien », voire un dément. Ce qui est peut-être le cas. Mais depuis ce jour, notre mariage a connu une embellie, une nouvelle alliance, en vérité.
Anneaux-amours !

De Gilles

Le jour où Charlie Chaplin est venu jusqu’à moi …

Je me souviens très bien de ces quelques instants magiques, même si c’était il y a plus de quinze ans maintenant. C’était au festival de théâtre de Phalsbourg. On m’avait recommandé le spectacle du Cirque Invisible. « Tu sais, c’est le cirque de Victoria Chaplin, la dernière fille de Charlie Chaplin, la mère de James Thierrée… ». « Ah bon », j’avais fait … , et puis j’avais oublié ce qu’on m’avait dit.
Quand le spectacle a commencé, j’étais content parce que j’avais une bonne place, juste comme j’aime, au troisième ou quatrième rang, juste à la hauteur des yeux des artistes sur scène, à quelques mètres d’eux seulement. Je ne me rappelle plus vraiment le début du spectacle … une ambiance de cirque sans doute, des numéros de jonglerie, des équilibristes, du vélo acrobatique, des contorsionnistes … C’était rapide, rythmé, enjoué, époustouflant. Ça en mettrait plein la vue. Je me rappelle qu’il y avait aussi ,intercalés, des numéros de magie à l’ancienne, un magicien au look has-been qui sortait un lapin d’un chapeau, qui jonglait avec des œufs qu’il était allé chercher derrière ses oreilles, des bouquets de fleurs qui jaillissaient de vases en plastique … des numéros au kitsch assumé pour faire rire, comme les clowns blancs et les pauvres augustes dans les cirques d’autrefois. Epoustouflants les numéros, j’avais pensé au début, mais au bout d’une demi-heure… on avait déjà vu ça cent fois à la télévision chez Patrick Sébastien ou à la Piste aux Etoiles quand on était gosses, et même aussi parfois dans la rue … Ce n’était que du cirque, quoi …
Et puis … presque à la fin du spectacle … le miracle ! … Il est apparu … Victoria était déjà venue faire le show avant, mais ça n’avait été que des numéros, de l’adresse, de la virtuosité, de la technique, rien de plus. Et maintenant, elle n’était même pas revenue sur scène habillée en Charlot ; elle n’avait même pas eu besoin de mettre le chapeau melon ou d’enfiler la veste trop courte ou le pantalon étriqué, et de saisir la canne… Non … elle était juste apparue comme ça, et entrée dans la lumière de sa démarche immédiatement identifiable… sautillante, chaloupée … et le port de la tête, le sourire, les yeux grand ouverts … sur une musique saccadée comme dans les vieux films muets … oui, évidemment tout cela, ça aidait bien sûr, mais ça suffisait pas à comprendre que ce n’était plus Victoria qui était devant nous, mais que c’était Charlie lui-même qui s’accordait un petit tour en comeback sur la scène. Ce n’était pas Victoria qui s’amusait à jouer Charlot, qui s’amusait à imiter son père … non, rien de tout cela … c’était bien plus simple, bien plus fort … c’était Charlie lui-même, en personne, en chair et en os, ici et maintenant, devant nous, qui était revenu pour nous saluer. Cela n’a duré qu’une seconde. J’ai senti qu’il posait les yeux sur moi, et qu’il m’adressait personnellement son sourire un peu pincé avec son petit rictus au coin des lèvres. Il a fait un petit geste de la main comme pour me dire : « Salut, toi. Content de te voir. Ca faisait longtemps … ».
Victoria est sortie de scène, et ce fut tout …
Depuis ce jour, quand je vois une photo de Charlie Chaplin, ou que je regarde un bout de film de Charlot à la télé, je me rappelle qu’un jour, sa lumière est vraiment venue jusqu’à moi, et que son sourire m’a réchauffé. Je sais maintenant que sa bienveillance rassurante m’accompagnera encore longtemps, un peu comme si c’était lui qui m’avait dit : « Here’s looking at you, Kid ! »

De Dominique

Le pêcheur du port

La nuit de ce sept janvier est glaciale. Dehors, tout se fige. Les arbres, les branches, plus rien ne bouge. Quelques flocons blancs et légers virevoltent dans le ciel qui “pleure neige”. La lumière est brillante et donne à l’obscurité la couleur de l’aube. Bien au chaud sous ma couette, je pense à la douceur du foyer en mesurant le plaisir de ne pas être dehors. Les fêtes de fin d’année sont terminées et j’apprécie bien heureux la paix de la douceur de vivre. Du fond de ma torpeur ensommeillée, j’entends la sonnerie du téléphone, ce maudit appareil qui vient me réveiller à quatre heures du matin ! Je tends l’oreille mais, plus rien… J’ai dû rêver. Quelques minutes plus tard la sonnerie résonne de nouveau.
— Allo… C’est maman, peux-tu venir très vite, ton père ne se sent pas bien.
J’enfile un pantalon, un pull chaud et me précipite chez mes parents, qui heureusement n’habitent pas très loin.
Dans le lit papa est agité et respire mal, il se sent oppressé et ressent une douleur dans la poitrine. Je le sens en danger, vite, il faut appeler les secours.
Le médecin régulateur comprend très vite le drame qui est en train de se jouer.
— Je vous envoie tout de suite les pompiers, essayez d’asseoir votre père.
Assis auprès de lui, je comprends que les secours n’arriveront pas à temps, c’est son dernier souffle, il s’en va… Je lui ferme ses yeux gris vert et l’étreinte de sa main sur mes doigts se relâche.
Depuis cette funeste nuit, cinq fois le sept janvier est passé. Je hais le sept janvier, je me sens si mal.
L’état civil a déclaré mon père “décédé “, mais, il est encore avec moi, dans mes difficultés, dans mes peines, dans mes joies, son âme est toujours présente.
Cet été, je l’ai même aperçu au petit port du village de vacances que nous fréquentions jadis. Il était dans son équipement de pêcheur. J’ai bien reconnu sa corpulence trapue, sa casquette de marin et son visage buriné de travailleur infatigable. Il se dirigeait vers le bout de la jetée pour y tremper sa ligne de pêche, comme avant. Nous nous sommes croisés et son regard m’a pénétré, ses yeux gris vert pétillaient de malice. Je l’ai entendu me dire :
— Alors fiston, comment vas-tu ?
Puis, sans plus rien dire, il est allé s’installer au bout de la jetée au bord de l’océan qu’il aimait tant. Il a pris son tabouret de toile et s’est assis… pêchant pour l’éternité.
De retour à la maison j’ai confié à mon épouse ce sentiment bizarre d’avoir vu mon père à la pêche sur le port. A-t-elle perçu mon trouble ? Elle m’a pris dans ses bras et j’ai sangloté comme un enfant. Les jours qui ont suivi cet événement, mon deuil était fait, j’étais apaisé.

Poème de Coralie Poch, « Tailler sa flèche », proposé par Françoise T ( hors proposition d’écriture)

J’irai dans l’écriture
entre deux oiseaux nus
tombant à pic
toujours sauve
le corps mouillé
je serai retournée
instantanée
comme le signe
et je resterai là
où l’encre ne sèche pas
femme indéchiffrable
vivant du bruit de leurs ailes. »

Tu mélangeras
les pluies et les mots sans savoir
on plantera notre infini ici
sur cette herbe sèche qui appelle tous les vents
un cercle pour faire cent fois le tour de la nuit
bien décidés à user ensemble
ce bord nouveau
où se perdent les oiseaux.

Mon corps s’est replié
coquille
tu ne sais plus me défaire
je fais l’équilibre sur les mains ne cherche plus
à te plaire mais je regarde quand même si
en bas de l’escalier
je m’entends dire :
la lumière qui reste
emporte-la

Mon réveil est un carré de lumière
où sont tombés
tous mes gestes
la chambre est vide
la robe est entrée dans le corps
je suis restée longtemps
avec les veines
et la respiration des insectes

Nous voilà repartis pour cette belle aventure qu’est l’écriture.

Je suis toujours autant fascinée, à la lecture de vos histoires, par la direction que prend votre imagination et par votre inventivité. 

C’est tout simplement incroyablement captivant!

Je vous remercie toutes et tous du fond du coeur!Je vous souhaite une belle semaine créative.Portez-vous bien et surtout prenez soin de vous!

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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