La proposition d’écriture N° 140 a peut-être découragé certaines et certains d’entre vous. D’autres ont relevé le défi avec brio. Chacun fait comme elle/il peut. 

La difficulté d’une consigne d’écriture permet de faire travailler sa créativité.

Autrement, on reste dans une certaine routine de confort, qui n’aide pas la créativité. 

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

D’Elisabeth

Les gouttes de la douche évitaient chaque pore de sa peau. Tout n’était que senteurs vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé. On se serait cru à la cour de Versailles au temps de Louis XIV. Cela sentait le musc et l’urine, l’humus des sous-bois et la menthe écrasée. Épouvanté, le pauvre hère se recroquevillait dans l’angle de la douche, suppliant du regard qu’une main charitable arrête le cours de l’eau, et du même geste, son tourment. Cela ne dura pas. Quelque sort, quelque fée ou farfadet vint au secours de cet être sans défense et apeuré, et coupa net le débord des flots.
L’odeur ne s’évapora pas pour autant. Au milieu de la buée occasionnée par la chaleur de l’eau, on ne distinguait qu’une vague silhouette menue, mi-homme, mi-bête ; toujours est-il que, vivante parmi les vivants, elle soupirait soudain plus aisément, apaisée de ne plus devoir se protéger du liquide pour elle agressif. D’un bond joyeux, elle fut vite hors du bac de la douche, puis, m’évitant soigneusement, hors de la salle d’eau et hors de la maison. À la vue de l’herbe foisonnante, des fleurs odorantes et multicolores, la forme miraculeuse sautillait de joie, épandant sur les corolles chargées de pollen son odeur plus que musquée.
Lentement, je m’approchais de la baie, puis pénétrais sur la terrasse ensoleillée, baignée de la lumière de l’été. J’observais cet être étrange, hybride, dépourvu de toute agressivité. Il semblait tout droit sorti d’un roman à la Tolkien ou de fantaisie héroïque. Pas plus gros qu’un chat ou un lapin de garenne, il avait un corps musclé, dépourvu de graisse inutile ; à chacun de ses gestes, je voyais rouler sous la peau et le fin duvet qui la recouvrait, chaque muscle qui reliait son squelette solide mais proportionné. Sa tête avait des allures d’un jeune humain, le visage crevé de grands yeux expressifs, dont la pupille attrapait toutes les variations de lumière qui venait frapper sa cornée : ce n’était qu’un feu d’artifice de mordoré, d’irisation variant d’intensité et de couleurs arc-en-ciel. Sur les côtés, les oreilles étaient délicatement ourlées et duveteuses, comme revêtues d’un fin plumet d’oiseau – chouette ou chat-huant – avec des piquetages discrets laissant apparaître des ocelles variant du beige clair au marron le plus soutenu. Telles celles d’un chat, elles pivotaient constamment, à l’écoute du moindre bruit, inaudible pour moi.
Ce petit troll – je ne savais s’il fallait vraiment que je classe cet être dans une quelconque case que l’humain s’est complu à créer pour les non-humains, et même les humains ! – avait tout comme moi deux bras et deux jambes, proportionnés de telle sorte qu’il pouvait aussi bien se mouvoir à quatre pattes ou sur ses pieds. Ces derniers, tout comme les hobbits de Tolkien, étaient recouverts sur le dessus de plumes fines et ocellées comme celles des oreilles ; la plante semblait bien épaisse, mais souple.
Ce jeune être, plein de malice, s’était arrêté et me contemplait également. Toute peur avait disparu, cela se voyait à son attitude relâchée. Il gardait toutefois une bonne distance et la posture de son corps laissait bien paraître l’éventualité d’une fuite rapide si toutefois j’esquissais tout geste brusque à son égard. Je ne fis rien d’autre que m’asseoir face à lui, le soleil dans le dos. Je souriais, heureuse de contempler un être vivant qui n’était ni humain, ni animal que je pouvais connaître, en vrai ou par les livres. Ce temps de stupeur passé (depuis le moment où j’avais entendu la douche se mettre en route toute seule et celui où je m’asseyais sur la terrasse face à ce phénomène extraordinaire, il n’avait pas dû se passer plus de 2 ou 3 minutes : tout était allé si vite !), l’apaisement prenait la place, s’installait à ma porte, dans mon être et tout autour.
Comme mon chat, ce petit être se roula tout à coup dans les herbes fleuries, enduisant tout son corps de pollen, de feuilles et de brins d’herbe mélangés à de la terre. Son odeur forte se mêlait à celle de l’herbe et des fleurs, et au bout d’un moment je n’y pris plus garde. Et puis, comme mu par un appel inaudible, soudain et impérieux, le farfadet – car j’avais décidé que c’en était un – se redressa de toute sa hauteur, tel un suricate, regarda l’horizon vers l’est, me tournant le dos. Il secoua sa tête, me regarda de ses grands yeux rieurs, et partit à vive allure, emportant avec lui son odeur, ses couleurs et ses rêves.


De Martine

Elle poussa la porte de l’appartement de sa sœur, encore essoufflée d’avoir enchaîné les quatre volées de marches sans pause.
Bénédicte, après avoir déclenché l’ouverture de l’immeuble via l’interphone, s’était manifestement réinstallée tout aussitôt dans son canapé.
Elle était en pyjama bien qu’il fût déjà onze heures trente, un petit sourire d’accueil sur les lèvres auquel le regard ne participait cependant pas. Ses yeux étaient cerclés de cernes noirs ce qui, par contraste, rendait sa peau plus pâle encore qu’à l’habitude. Ses cheveux courts plaqués sur son crâne par un excès de sébum accentuaient son aspect négligé.
Émilie nota tout cela en quelques secondes. Le sentiment de tristesse et d’impuissance mêlées, maintes fois éprouvé depuis que Bénédicte avait subi son opération au cerveau, l’envahit. Elle répondit au sourire de sa sœur par un chaleureux bonjour qu’elle offrait comme une consolation, mais qui était aussi une tentative de nier le sordide qui désormais teintait la vie de sa cadette.
Bénédicte remercia Émilie pour les biscuits encore chauds, faits le matin même. En réponse aux questions que lui posait sa sœur aînée, elle expliqua qu’elle souffrait beaucoup, du dos, des genoux et surtout qu’elle était fatiguée, que rien n’y faisait, elle se sentait sans force.
Puis elle évoqua, comme à chacune des visites de sa sœur, sa vie passée, son travail, son compagnon, son ancien lieu de vie, toutes choses que la maladie lui avait prises. Elle en parlait sans affects particuliers, des lésions au cerveau l’avaient aussi en partie privée de ses émotions.
Seulement alors, le climat de confiance renouvelé par ces échanges, Émilie se permit de proposer son aide pour une toilette ou quoique ce soit d’autre. Et comme à chaque fois, Bénédicte rejeta cette offre par un simple « non, je n’ai pas envie ». Émilie savait qu’elle ne pouvait rien face à cette opposition systématique, une des nombreuses séquelles de l’opération. Insister ferait monter une tension, voire provoquerait une conduite agressive de la part de Bénédicte.
Bénédicte ajouta alors que de toute façon, elle n’avait toujours pas d’eau chaude, elle n’avait pas encore appelé le syndic…
Dehors le soleil avait enfin réussi à émerger parmi les nuages, de minces rayons s’infiltraient entre les lattes des volets qui ne seraient pas ouverts de la journée… Impossible aussi d’ouvrir une fenêtre, sa sœur s’y opposerait. Émilie avait appris à ignorer l’odeur putride qui se dégageait des sacs poubelles entreposés dans l’espace cuisine. Alida, l’auxiliaire de vie, était en vacances pour toute la durée du mois d’août et Bénédicte ne voulait pas de remplaçante. Donc, pendant ces quelques semaines, elle resterait dans cette puanteur qui prenait à la gorge mais qu’elle ne sentait pas et elle se laverait a minima. Rien pour l’inciter à prendre un minimum soin d’elle-même.
Elle ne cherchait pas à maquiller son état face à sa sœur, la seule personne, qui sans doute, parvenait à l’accepter sans jugement.
Alors qu’Émilie était sur le point de partir, Bénédicte lui dit que sa curatrice avait annoncé sa venue pour le lendemain. Elle avait des papiers à lui faire signer. Comme Émilie lui demandait si elle saurait se laver et s’habiller pour cette visite, Bénédicte lui dit en riant, que si elle n’y arrivait pas, elle se mettrait un peu d’eau de toilette, «… pas pour moi parce que j’ai perdu l‘odorat mais pour elle, elle me dit souvent que ça ne sent pas bon chez moi ».
Émilie, surmontant un vague dégoût, déposa un baiser sur la joue de sa sœur, l’esprit occupé par le projet envisagé avec cette curatrice, amener Bénédicte à accepter une place en foyer logement, ce qui résoudrait une grande partie des problèmes consécutifs à son handicap.
Et là tout de suite, ce qui lui paraissait une urgence, la propreté du corps ! Cette phrase, lue récemment et qui s’était inscrite dans sa mémoire tant elle lui avait évoqué sa sœur, lui revint avec force :
« Les gouttes de la douche évitaient chaque pore de sa peau. Tout n’était que senteurs vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé. On se serait cru à la cour de Versailles au temps de Louis XIV.”
Avec cette différence que rien dans le logement de Bénédicte n’évoquait les ors de Versailles, on se serait davantage cru dans la cour des miracles.
Alors que la porte de l’immeuble se refermait dans son dos, une bouffée de chagrin vint étreindre la gorge d’Émilie. Elle se sentait seule avec son chagrin et seule à voir dans ce corps devenu méconnaissable et cette personnalité remodelée par la maladie, toute l’humanité de sa sœur.
Elle aurait encore à entendre « il aurait mieux valu pour elle qu’elle ne se réveille pas de son opération » et ça , ça la faisait hurler intérieurement.

De Gérard

Les gouttes de la douche évitaient chaque pore de sa peau. Tout n’était que senteurs vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé. On se serait cru à la cour de Versailles au temps de Louis XIV.
Je n’étais encore qu’au début de mes surprises.
Un désordre total régnait dans chaque pièce du mas provençal de mon ami où tout était empilé en vrac, une épaisse pellicule de poussière s’accumulant sur la multitude de bibelots hétéroclites installés çà et là, sur les tables, étagères, jusqu’à même le carrelage.
Il y en avait pour tous les goûts – malheureusement pas le meilleur – ici une carafe kitsch, là un appareil à cassettes des années soixante-dix, un service de verres colorés, une théière marocaine en argent et son plateau, et partout des pierres, des fossiles, des cailloux qu’il avait ramassé lors de ses fréquentes promenades dans la garrigue.

Pour atteindre son lit, François devait pousser les vêtements amassés au sol qui bloquaient l’ouverture de sa chambre, dans l’attente d’un hypothétique passage par la machine à laver, hélas en panne, car les travaux des ouvriers étaient interrompus, me confia-t-il.
Comment se nourrissait-il, me demandais-je en voyant le coin cuisine surchargé de vaisselle et ustensiles divers, jusqu’aux plaques de cuisson dont une sur quatre était seulement accessible, l’évier rempli d’assiettes, couverts et plats empilés dans le désordre, espérant vainement un prochain nettoyage, un bienvenu récurage remis chaque jour au lendemain ?
Au plafond de la pièce commune, de graciles et nombreuses araignées avaient colonisé les poutres, tissant des toiles qui se chevauchaient, gagnant les autres pièces, agrandissant petit à petit leur territoire, victorieuses, seules à régner sur l’espace.
Sur le meuble de la salle de bains, un empilage de boites vides ou entamées de PROZAC, CITALOPRAM, DULOXÉTINE, MARSILID, laissait un léger espace pour atteindre la brosse à dents usée et son tube de dentifrice.
Qu’était-il donc arrivé ?
Je ne reconnaissais plus l’homme toujours tiré à quatre épingles, à la réussite sociale outrageante, le séducteur qui accumulait voitures de sport, conquêtes et maitresses.
À la place de son magnifique et insolent sourire aux lèvres, son visage exprimait désormais la résignation, l’abandon, un accablement permanent.
Sortant ensemble à ma demande sur la terrasse dont la vue embrassait la splendide baie des Lecques sur la Méditerranée, j’entrais dans le vif du sujet.Mais que t’arrive-t-il, François ?
Je n’ai plus goût à rien, tout me semble douloureux, impossible, je suis cassé, au sens propre du terme.
Tu as vu ton médecin au moins ?
Les voisins l’ont appelé, je ne sortais plus, ils se sont inquiétés.
Tu connais son diagnostic ? Tu te soignes ?
C’est la déprime, mon vieux, une dépression sévère, paraît-il, je n’ai plus aucun intérêt pour le monde extérieur, je suis nul, je ne vaux plus rien, la vie ne m’intéresse plus.
À ce point ?
Oh oui, à ce point ! Le cocktail d’antidépresseurs qu’on m’a prescrit n’y change rien, j’ai refusé de voir un psy, personne ne peut plus rien pour moi.
Il y a un nom médical à cette pathologie ?
Martine…
Martine ?
Elle m’a plaqué, du jour au lendemain, partie avec ma bagnole en plus.
Enfin, tu vas t’en remettre, tu n’es pas le premier ni le dernier à qui ça arrive, surtout que d’habitude, si ma mémoire est bonne, c’est plutôt toi qui plaquais ces dames, et plus souvent qu’à ton tour…
Tais-toi, tu ne peux pas comprendre.
Ressaisis-toi, François, tu ne peux quand même pas foutre en l’air ta vie pour une rupture sentimentale, pense à ton gosse.
Justement…
?
Antoine, elle est partie avec mon fils !

D’Eric

Les gouttes de la douche évitaient chaque pore de sa peau. Tout n’était que senteurs vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé. On se serait cru à la cour de Versailles au temps de Louis XIV.
Le gant de toilette hésitait, lui aussi, à toucher Violette, une femme usée prématurément. Plaqués sur elle, ses longs cheveux faisaient ressortir sa maigreur, et la lumière crue de la salle de bains accentuait la pâleur de sa peau blafarde, presque cadavérique. Cette morte vivante ne mangeait plus depuis qu’elle avait vécu un drame dont elle refusait de parler, même à un professionnel. Comme si atténuer sa douleur pouvait dans le même temps affadir la vivacité de ses souvenirs. Louis, son mari, se désolait de la voir souffrir en silence depuis de longs mois, et les personnes qui la connaissaient la plaignaient. « Pauvre femme », disaient certains. Pas Louis.
Louis pensait au contraire qu’il avait de la chance d’être tombé sur Violette, une personne pleine de vie qui lui avait ouvert son cœur et son esprit, sans contrepartie, sans chichi. Louis admirait toujours Violette. Pour Louis, Violette était davantage que Violette. Violette… Ha, Violette ! Comment décrire Violette ? Louis ferma les yeux un court instant et revisita le passé. Sur les mêmes bancs de classes à l’école primaire, Violette et Louis s’étaient perdu de vue jusqu’à ce que le hasard les réunisse à nouveau, leurs études supérieures achevées. Louis avait alors posé sur Violette, un regard d’homme. Les yeux de biche pailletés d’or de cette magnifique jeune femme l’avaient hypnotisé. Sa peau d’albâtre, son buste, à la poitrine pointant outrageusement vers le ciel, ses hanches, bien tournées, lui avaient donner l’envie – presque violente – de la séduire. Louis était tombé amoureux de Violette et n’avait eu qu’une envie, la mettre dans son lit. Les cheveux de Violette, aux chaudes couleurs mordorées mêlées de roux, tombaient en cascade jusqu’à la cambrure de ses reins. Une cambrure accentuée par la finesse de sa taille et la rondeur de ses fesses, lesquelles donnaient naissance à de longues jambes fuselées et musclées. Découvrant leurs nombreux points communs, les jeunes gens s’étaient rapidement mis en couple.
Violette restera à jamais « ma » Violette, songea Louis en sortant de ses pensées.
Face à son épouse, il sourit :
—Je peux ? demanda-t-il tout en lui faisant comprendre qu’il aimerait partager le moment.
Violette donna son accord et, aussitôt le couple réuni, les gouttes d’eau les mouillèrent tous deux. Un couple complice, amoureux, depuis plus de vingt-cinq ans. Un couple qui, il n’y avait encore pas si longtemps, était empli de joie de vivre et de bonne humeur.
S’emparant du gant de toilette et du savon, Louis parcourut la peau de Violette, laissant parfois ses doigts s’attarder sur des endroits précis. Même si le corps de sa femme avait changé depuis le drame, Louis le trouvait toujours désirable.
—Tu crois que nous serons prêt à temps, demanda Louis ? Il ne s’agirait pas d’être en retard, un jour pareil !
—D’habitude, ce sont les femmes qui se soucient d’être à l’heure. Tout va bien, on a du temps devant nous.
—Et devant toi, là, au garde à vous, tu as du temps pour lui ?
Même si Violette avait moins faim de sexe que son mari, elle avait toujours été flattée d’être une femme désirée, et ils faisaient fréquemment l’amour. Toutefois, depuis que son cœur saignait, elle n’y tenait plus.
Constatant à quel point l’envie de Louis était grande, Violette s’assombrit. Le moment était mal choisi.
—Décidément… tous les mêmes, déclara-t-elle. Je te rappelle que nous sommes attendus dans moins de deux heures par la reine d’Angleterre.
—La nature ne se commande pas, chérie !
Louis n’insista pas. La douche terminée, il enfila son peignoir et se rendit à la cuisine pour préparer du café. Il n’avait pas sorti les tasses que deux bruits se firent entendre à quelques secondes d’intervalle. Louis se précipita au salon. Comme il l’avait pressenti, il constata qu’une vitre était brisée. Un ballon de football traînait au sol. Louis alla pour ramasser l’objet qu’il voulait confisquer en attendant que le responsable de l’incident le réclame, lorsqu’il entendit un cri. C’était la voix de Violette. Il courut à la salle de bains et découvrit son épouse allongée au sol, le visage grimaçant de douleur. Il fut toutefois surpris d’être accueilli par un semblant de sourire.
—J’ai bêtement glisser sur le savon. Je ne sens plus mon bras. Je crois que je me suis fait quelque chose.
—Viens… Laisse-moi t’aider à te relever. Ensuite, j’appellerai le médecin.
—Pas question ! Et la reine ?
—On se fiche de la reine. Seule toi compte.
—Je prendrai soin de moi une fois de retour. Un bandage bien serré fera l’affaire. C’est quoi le bruit que j’ai entendu ?
Louis répondit que les gosses du quartier avait une nouvelle fois brisé la vitre qui avait déjà été remplacée deux mois auparavant.
—Mince ! Quels excités ces mômes ! râla Violette. On va faire comment pour fermer la maison ? Ce n’est pas le jour. Sans parler des tracas pour se faire rembourser.
—Simple. On va appeler ta mère. Elle sait où nous trouver lorsqu’elle veut être véhiculée à droite à gauche. À son tour de nous rendre service.
—Aide-moi pour m’habiller, veux-tu ? Ensuite nous lui téléphonerons.
Louis alla chercher un bandage dans l’armoire à pharmacie et revint prendre soin du bras de Violette.
—Tout compte fait, j’ai moins mal, déclara-t-elle. Mais avec tous ces événements, on va finir par rater notre rendez-vous. On ne fait pas poireauter la reine.
Quarante minutes plus tard, la mère de Violette sonnait enfin à la porte.
—Pas trop tôt ! lança Louis en guise de bonjour.
Les salutations faites, Violette et Louis descendirent au garage, sortirent la voiture, puis se dirigèrent au centre-ville de Londres.
Le lendemain, le journal britannique The Guardian, titrait : « L’entente cordiale à l’honneur! ».
Dans les pages intérieures, les lecteurs purent lire : « Le concours lancé en janvier à travers tout le Royaume-Uni pour trouver le pudding de platine, dessert officiel du jubilé d’Elizabeth II marquant ses soixante-dix ans de règne, a été remporté par un gâteau citronné. Violette, une franco-britannique de quarante-cinq ans, attachée à la monarchie, a séduit avec sa version du diplomate aux multicouches savoureuses. Une récompense honorant tout autant l’art culinaire anglais que français. La gagnante reçut son trophée des mains de son Altesse Royale. Retenant ses larmes, la gorge nouée et la voix serrée, chevrotante, Violette dédia sa récompense à sa fille, décédée quelques années plus tôt sous les coups de son mari.»

De Jacques

Ça pu!

La journée avait pourtant bien commencé. Le ciel était bleu profond. Les arbres rougeoyants contrastaient de bonheur dans le paysage. Des champs encore jaunes résistaient aux assauts du froid. L’ensemble aurait fait la joie du peintre paysagiste serbe, Branimir Varga.
Néanmoins, des nuages d’orage comme des hordes barbares préparaient une attaque sauvage contre ce panorama idyllique. Déjà, on entendait le pas de marche, les bombes éclairs et leurs fulgurations. Explosions, cris, pleurs. L’envahissement. Tout était maintenant noir. Maintenant, la pluie belliqueuse malmenait le sol à tout berzingue. La rivière dans le fleuve se gonflait de rage et soudainement, comme une mort foudroyante, c’était le choc, le torrent. Les ponts, les maisons, les rues disparaissaient, ne laissant que désolation. Des corps désarticulés glissaient à des vitesses folles. C’était effrayant.
« À l’aide! »
Ce hurlement était à glacer le corps entier. Pourtant, on tardait. Alors, les vivants, les survivants s’unissaient pour aider, pour porter secours. L’exemple faisait le tour du monde… Pourtant on tardait!
Lentement, trop lentement la rivière, puis le fleuve se reconstruisirent un châlit. Retour à la normale? Un simple tour d’horizon suffisait à répondre à la question. La terre comme la peau était dévastée. Les corps, les vies et les âmes étaient dispersés çà et là. Sous le soleil, l’automne avait laissé place à une chaleur surnaturelle, comme la Saint-Martin. D’odeur en odeur, la mort ça pu.
Sur un mur, il était ironiquement écrit :
Les gouttes de la douche évitaient chaque pore de sa peau. Tout n’était que senteurs vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé. On se serait cru à Versailles au temps de Louis XIV.
Après cet orage historique, Versailles aurait senti la rose.

De Nicole

L’AFFABULATION D’UNE VIE

Les gouttes de la douche évitaient chaque pore de ta peau.
Tout n’était que senteurs vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé.
On se serait cru à la Cour de Louis XIV.

Corps délaissé par la vieillesse insidieuse qui s’empare de toi et son cortège de maux divers.
Tu aimais ces écrivains aigris, façon Léautaud, Céline, Cioran.
A haute voix, tu récitais Rimbaud, l’indépassable et Baudelaire .
Tu connaissais par coeur des répliques de cinéma.
Ta musique était baroque et moyenâgeuse.
De beaux cheveux mi-longs noirs et brillants que tu lavais régulièrement.
Un charme que les femmes avaient apprécié, ils donnaient un reflet porcelaine à tes yeux clairs.
Tu en étais resté très fier.
Tu tenais à ton aspect « clochard céleste ».
Tes jeans tenaient avec une corde comme Antonin Artaud, un autre de tes écrivains aimés.
Tu vivais et t’inventais des vies par procuration.
L’eau et le savon ne t’aimaient pas et tu t’en fichais, tu disais que ça conservait les chairs.
Ton appartement sale et poussiéreux à la robinetterie et aux sanitaires déglingués. La graisse imprégnait les murs de la cuisine.
Le linge, n’en parlons pas, tu trouvais parfois une bonne âme pour s’en occuper.
Dans le Landerneau de la ville de province, tu étais presque une célébrité pour tes prises de paroles intempestives et ton passé alcoolisé.
Une vie inventée de mille pièces rapportées et mensongères.
Peut-être, y croyais-tu.
A ta mort une certaine vérité a vu le jour… Et malgré tout, tu nous manques…

De Mac

“Les gouttes de la douche évitaient chaque pore de sa peau. Tout n’était que senteurs vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé. On se serait cru à la cour de Versailles au temps de Louis XIV.”

Je referme mon livre, un peu déçue. Je ne parviens pas à me concentrer. Je parcours les lignes du roman qui m’a été conseillé par ma meilleure amie, mais les mots s’envolent sans jamais parvenir à s’imprimer dans mon cerveau. A deux reprises déjà, je suis remontée en arrière, pensant retrouver le fil de l’histoire, en vain. Avec un soupir, j’abandonne l’ouvrage sur le fauteuil et me dirige vers la fenêtre. La matinée est magnifique. L’automne, qui est arrivé très tôt cette année, confère à la végétation des couleurs incroyables. Le ciel s’est paré de petits nuages blancs et cotonneux qui tranchent avec le bleu du ciel. Je reste immobile pendant plusieurs minutes devant la fenêtre grande ouverte puis décide de partir me promener.Jingle, prends ta laisse : on sort !Jingle est un berger australien de deux ans, majestueux, d’une incroyable douceur et d’une grande intelligence. A l’extérieur, il me précède et se dirige vers la droite afin d’accéder aux chemins forestiers. Il connait le chemin. Je sens, à son pas, sa hâte d’arriver au lac. Les abords de celui-ci sont aménagés. Des bancs en bois invitent le promeneur à s’installer en été pour pique-niquer ou se reposer sous les ramures des grands chênes. Mais, ce n’est pas le programme aujourd’hui car bien que le soleil brille, l’air est frais. Sous les frondaisons frissonnantes et déjà partiellement dénudées, les allées sont déjà recouvertes de feuilles jaunies qui craquent sous les pieds. C’est à ce moment que je prends conscience de la beauté de Jingle. Les couleurs de sa robe aux longs poils soyeux sont en harmonie avec la nature environnante : une dominante d’ocre, de marron et de noir et un ventre tout blanc. Il court à présent droit devant, rapporte un morceau de branche afin que je lui lance, il part la chercher, revient, repart, repart encore et encore. Il est très en forme aujourd’hui. Je le revois à six mois, lorsque mon mari et mes enfants me l’ont offert. Je venais de perdre Peluche. Il venait d’être abandonné. Il était si fougueux, si joueur : il déchirait les pantoufles, les fauteuils en velours et avait même entrepris de détruire la table basse en acajou des précédents propriétaires. Moi, j’ai tout de suite craqué pour cette boule de poils aux yeux clairs.
Perdues dans mes pensées, je ne l’ai pas vu s’éloigner. Je m’inquiète. Je l’appelle. Il aboie pour me signaler sa présence.
Il renifle quelque chose qui se trouve au sol. Puis, il se dirige vers moi avec ce que je crois être le cadavre d’un écureuil ou d’un oiseau. Mais, c’est une chaussure qu’il dépose à mes pieds avant de repartir en courant.Mais où as-tu pris cela ?Je le rejoins près du ru dont le faible filet d’eau a du mal à se frayer un chemin entre les mottes de terre, les branches mortes, et les tas de vieux vêtements qui ont été jetés là, parmi d’autres détritus, par des personnes peu scrupuleuses.
En m’approchant encore de l’endroit où il se trouve, je distingue dans un margouillis d’eau et de boue, un talon recouvert d’une chaussette rayée déchirée. Mon regard remonte et devine une jambe cachée sous un pantalon en velours côtelé couleur tabac. Une boule de tissu qui ressemble à un manteau cache la partie supérieure du corps. J’ai un haut de cœur en réalisant qu’il s’agit d’un cadavre gisant sur le ventre et dont seule la partie inférieure est visible. Tout le reste du corps disparaît dans les chiffons et la boue.
J’appelle à l’aide. Un joggeur s’arrête. Puis un couple. Puis deux cyclistes. Tous sont interloqués. La situation est insolite.
« Vous avez appelé la police ? »
« Non, non, je viens d’arriver ».
Jingle, lui, se désintéresse de la situation : il a trouvé un compagnon de jeu et tous deux s’amusent à courir autour des grumes, des arbustes et des arbrisseaux. Ils se reniflent, se poursuivent en jappant de plaisir.
L’un des deux cyclistes, le plus hardi, s’approche du cadavre et examine le corps. Retenant notre souffle, nous observons son doigt tâter le pied qui n’a plus de chaussure. Nous guettons sa réaction. Il fait une grimace. Il a l’air interdit, surpris.
Avec une branche, il palpe le corps allongé puis entreprend de le débarrasser des tissus qui le recouvrent. Dans un silence religieux, inquiets, perplexes, nous le regardons faire.
Soudain, il pousse un grand éclat de rire qui nous fait tous sursauter par son incongruité.
Est-il devenu fou ? Que se passe-t-il ?
« Ce n’est pas un cadavre ! Ce sont seulement les jambes cassées d’un mannequin ! Il n’y a même pas le haut du corps du mannequin ! Rassurez-vous, ce n’est rien ! en tous cas, ce n’est pas un cadavre » dit-il hilare.
Il nous faut quelques secondes pour assimiler l’information.
Quelle histoire !
Les restes d’un mannequin !
Mi-rassurés, nous nous approchons, curieux, et, effectivement, sous l’amas de vieux vêtements boueux, nous apercevons bien les deux morceaux de jambes cassés.
La tension retombe, les langues se délient, les bavardages deviennent plus légers. Tous parlent en même temps. Le soulagement est palpable. On rit, on plaisante, on raconte ce qui s’est passé aux promeneurs qui se sont arrêtés entre temps. Puis, peu à peu chacun reprend son chemin.
Moi, je ne ris pas. J’ai eu ma part de frayeur pour la journée. Mon corps en tremble encore.
« Allez Jingle, on rentre ! Assez d’émotion pour aujourd’hui ».


De Marie-Josée

Jacques

“Les gouttes de la douche évitaient chaque pore de sa peau. Tout n’était que senteurs vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé. On se serait cru à la cour de Versailles au temps de Louis XIV.”
Ma mère essuyait délicatement un petit garçon avec un drap de bain bleu et mamema (grand-mère) inspectait ses vêtements.
—Il faut les laver, déclara-t-elle, ça tombe bien, on est jour de lessive. Il n’aura qu’à mettre un pyjama de la petite, ça fera l’affaire en attendant qu’il puisse les remettre.
En se retournant, elle s’aperçut de ma présence et me dit en passant :
—Dépêche-toi de prendre ton petit-déjeuner, tu vas être en retard pour l’école.
Maman s’interrompit en instant, s’approcha de moi, me fit un bisou et dit :
—Il s’appelle Jacques. Je l’ai trouvé ce matin, recroquevillé contre le chaudron quand j’ai voulu l’allumer. Il a passé la nuit dans la buanderie et il est transi de froid. Il restera avec nous le temps de se réchauffer et que ses vêtements soient secs.
J’ai jeté un coup d’œil à la montre qui affichait huit heures moins le quart. Plus une minute à perdre. Sans dire un mot, j’ai bu quelques gorgées de chocolat, j’ai couru m’habiller et je suis partie pour l’école.
A midi, il était encore là. Boudiné dans mon pyjama, les cheveux en bataille, il était assis devant son assiette et ne quittait pas des yeux mamema qui faisait sauter la dernière crêpe.
—A table, m’ordonna-t-elle, on va se régaler !
Je me suis assise, mécontente de sa présence et mon attitude peu engageante plombait l’ambiance. Nous avons mangé en silence. Ce n’est que lorsque les pots de confitures trônèrent sur la table que je lui ai adressé la parole pour la première fois.
—Tu veux laquelle? demandais-je.
—Je les veux toutes, répondit-il.
—J’ai bien peur qu’il n’y aura pas assez de crêpes pour cela, dit mamema, il faudra choisir entre fraise, mirabelle, quetsche, cerise ou gelée de framboise et coing.
—Tant pis ! Alors, alors…je choisis…framboise, clama-t-il d’un ton solennel en tendant le bras vers le pot à moitié vide.
—J’en étais sûre, c’est aussi ma préférée, répondis-je en éclatant de rire.
La glace était rompue, je le bombardais de questions mais n’appris pas grand-chose en réalité, il répondait par des pitreries. Finalement, sa présence avait pimenté le repas et je suis retournée à l’école avec entrain, impatiente de raconter à ma copine cette visite inattendue.
Contrairement à mon habitude, je me suis dépêchée de rentrer en fin d’après-midi, contente d’avoir un compagnon de jeu, une fois les devoirs faits. Ma déception fut grande quand j’ai constaté qu’il était parti. Mamema m’a expliqué, qu’une fois ses vêtements secs, il était allé rejoindre sa famille qui campait à l’entrée du village.
Le soir venu, tout excitée, j’ai raconté ce qui s’était passé à mon père qui, à mon grand étonnement, se fâcha. Je ne comprenais pas. Les bohémiens, les roms, les gitans et les tziganes, quelle que soit l’ethnie, il les connaissait. Il les avait assez fréquentés dans son pays, en Roumanie. Il valait mieux se méfier, c’est comme faire entrer le loup dans une bergerie. Selon lui , ils étaient roublards, versatiles, buveurs, voleurs, braconniers, bref, il les taxait de tous les maux de la terre. Ils leur reconnaissait néanmoins une qualité, ils avaient un don indéniable pour la musique. A le regarder, je me demandais s’il n’était pas un peu un des leurs, en tout cas, son teint mat et ses cheveux noirs ondulés lui en donnait l’air. Etait-ce à leur contact qu’il avait pris goût à cet art et qu’il avait appris à jouer du saxophone ? Il parlait rarement de sa vie là-bas , en tout cas il ne voulait pas qu’on s’approche d’eux. Le sujet était clos mais c’était sans compter sur mamema qui n’était pas du tout du même avis.
Très pieuse, elle voyait là une opportunité de pratiquer la charité chrétienne et était bien décidée à passer outre, ce n’était pas son gendre qui lui dicterait sa conduite. Elle me fit promettre de ne rien dire à mon père si Jacques revenait et même de mentir. Elle qui m’avait inculquée qu’il ne fallait pas mentir me demandait tout à coup de le faire. Elle expliqua ce paradoxe en disant que c’était pour ‘’la bonne cause’’ et que serait notre secret ‘’de femmes’’, maman étant bien entendu de connivence.
A mon grand soulagement, Jacques n’était pas venu pour le repas de midi. L’arrivée des bohémiens était le sujet numéro des conversations au village et, avec mes camarades, nous avons décidé de nous rendre au campement pour les observer. Des roulottes, des tentes, occupaient le plus grand pré près de la rivière. Certains tressaient des corbeilles avec de l’osier, des enfants couraient dans tous les sens et j’ai reconnu mon pyjama rose que portait désormais une petite bohémienne, mais pas de Jacques à l’horizon.
Avait-il menti quand il avait dit qu’il avait passé la nuit dans notre buanderie pour échapper à une rouste de son père ? Quoi qu’il en soit, un grand gaillard moustachu nous avait repérés et à son approche nous avons détalés à la vitesse lumière. Je me suis bien gardée d’en parler à mamema et de toute façon, les bohémiens, je n’en avais rien à faire et je ne voulais plus en entendre parler. Seulement voilà, Jacques était revenu deux jours après et s’invitait régulièrement pour le repas de midi. Il justifia son absence par un vague ’’ j’avais à faire’’ sans préciser quoi . Mamema lui faisait la morale et lui fit promettre de changer de vie quand il serait grand. Je lui demandais s’il n’avait pas envie d’apprendre à lire et à écrire. Vexé, il répondit qu’il n’y avait pas que l’école pour apprendre et de toute façon, ça ne lui servait pas à grand-chose. Un jour, mamema constata qu’il lui manquait un billet dans son porte-monnaie. Elle nous interrogea tous les deux. Je n’en revenais pas qu’elle puisse me soupçonner et Jacques jurait ses grands dieux que ce n’était pas lui , il était peut-être simplement tombé lors du paiement des courses, suggéra-t-il.
L’incident était clos, mais elle cacha néanmoins son porte-monnaie par mesure de précautions. Les jours passaient sans autre incident, jusqu’à un mercredi soir où je constatais avec effroi que ma boîte à musique avait disparu. J’en ai avisé mamema qui entra dans une colère noire.
—Ne t’en fais pas, demain matin, nous irons au campement récupérer la boîte, je me chargerai de ce chenapan, dit-elle avec détermination.
Je dormis très mal cette nuit-là. Les évènements de ces derniers jours tournaient en boucle dans ma tête, j’étais désorientée et ne savais plus quoi penser ni croire.
Papa était étonné de me voir debout de si bonne heure un jeudi matin. D’habitude, je faisais la grasse matinée jusqu’à dix heures. Je lui ai répondu que j’avais beaucoup de devoirs à faire et il s’en contenta. Mes parents partis, mamema me prit la main et dit d’un ton déterminé :
—On y va.
Elle soliloqua tout le long du trajet et au fur et à mesure que nous avançâmes, sa colère grandissait. Il faut dire qu’elle en imposait avec ses 120 kilos et il valait mieux éviter de l’embêter. En mon for intérieur, je plaignais malgré tout Jacques, certaine qu’il allait passer un mauvais quart d’heure. Arrivées à destination, le pré était vide. Les bohémiens étaient partis.

De Patrick

SAMUEL DILLY BRONX

Ce matin-là, le téléphone sonna trop tôt pour le capitaine Samuel Dilly Bronx, ce qui provoqua un petit séisme dans la chambre à coucher. D’abord le chat qui dormait pépère au pied du lit sursauta brusquement en entendant la sonnerie fort désobligeante retentir, et s’enfuit en feulant réveillant de ce fait Sally bully Dany, la compagne de Samuel et elle lui grogna quelques mots désagréables à son encontre, dû à l’appel téléphonique perturbateur .
“ c’est encore ton boulot, c’est pas une heure pour appeler, quel métier de m…e tu fais”
Tout ceci rendit Samuel d’une humeur chafouine, voire massacrante, et en plus un mal de crâne le tenaillait comme si dans sa tête un forgeron le torturait en frappant lourdement sur une enclume.
Cela était sûrement dû au fameux whisky Ecossais pour fêter hier en soirée la promotion de Fred Vargas son Binôme. Oui, il avait trop consommé de ce breuvage ou alors il ne supportait pas le whisky très tourbé. Enfin bref, la journée allait être dure et pour commencer prendre un aspirine salvateur de migraine.
Le téléphone sonnait toujours à rompre la membrane de son haut-parleur, ce qui fit sortir de ses gonds la belle Sally. Furieuse, elle invectiva son capitaine de mari.
La sonnerie du téléphone de Samuel n’était pas une douce mélodie pour un réveil apaisé,
Non, c’était plutôt du genre brutal pour le réveil des tympans, un standard de Hard Rock des années 70.
“Samuel, qu’est-ce que tu fais ? mais réponds à ce p….n de téléphone ou je le balance par la fenêtre .”
Le chat quant à lui avait depuis longtemps émigré vers la cuisine à la recherche de croquettes bienfaitrices.
Samuel, sortant de sa torpeur suite aux menaces verbales de Sally, décrocha enfin le combiné du téléphone. Oh ! il se doutait fortement qui l’appelait à cette heure indue et pourquoi.
“Dilly Bronx j’écoute !
“Salut Samuel, c’est Fred, désolé de te réveiller mais l’affaire est compliquée , un crime sordide enfin tu verras je t’envoie les coordonnées et l’adresse à tout de suite Boss.”
“ Ok j’arrive juste le temps d’avaler vite fait un kawa bien serré.”
Quel foutu métier, pensa Samuel, toujours à courir, jamais le temps de se poser ,réveiller à des heures où il ferait bon de savourer le moelleux de son oreiller, passer des nuits en planque dans la solitude d’une voiture, été comme hiver ou à interroger des suspects et quand c’est pas des week-end entiers à oublier que l’on a une famille, combien de soirées d’anniversaires ou entre amis déclinées ou désertées, combien de congés écourtés ou déplacés. Et puis surtout, le côté sombre de l’humain ,des crimes horribles ,des histoires sordides, voire inimaginables, même par un scénariste vedette de séries policières et cela tous les jours, alors on essaye par divers moyen de garder le moral, mais on ne s’habitue pas vraiment.
On a souvent l’âme grise, l’humeur nauséeuse, le cœur sombre et l’avenir au bord des larmes.
Sally Bully Dany a raison, c’est un fichu métier à problèmes, qui laisse des traces indélébiles dans notre vie de couple.
Elle me dit qu’avec tout ce que j’ai vu et vécu je serais capable d’écrire des romans policiers afin de me reconvertir et renoncer à ce métier usant de policier.
C’est vrai que de temps en temps, j’écris des petits textes ou poèmes pour m’aérer les neurones, mais écrire un roman, pour l’instant, j’ai pas l’inspiration ni le temps et puis en aurais-je le talent ?
Samuel Dilly Bronx sortit de ses pensées qui s’envolèrent tel les volutes bleues de la fumée de ses cigarettes qui l’aidait en cas de coup de blues
Très vite, il s’habilla, prit deux aspirines pour décourager le forgeron de cogner, et avala vite fait un expresso, descendit quatre à quatre les escaliers et s’engouffra dans son auto, démarra et attendit d’être un peu plus loin de chez lui avant de faire hurler la sirène pour ne surtout pas réveiller Sally et s’attirer de nouveaux ses foudres. Quant aux autres péquins, tant pis pour eux, il était en retard.
Quand il arriva sur le lieu de l’homicide, il fut reçu par son adjoint, le lieutenant Fred Vargas qui avait une mine plus que défaite par le manque de sommeil ou par la vue d’un Macchabé avant le petit dèj. Quant au Doc, ce n’était guère mieux, ils l’emmenèrent sur la scène du crime et là, tout à coup en voyant le corps, Samuel reçut une décharge. Une fulgurance jaillit en lui, malgré la morbidité de la situation. Oui, c’était une évidence, les mots s’affichèrent devant lui comme sur un écran blanc. C’était sûr, il tenait l’incipit de son premier roman. Sally Bully Dany avait raison, il fallait juste une étincelle de folie créatrice…
L’incipit du futur roman de Samuel
“Les gouttes de la douche évitaient chaque pore de sa peau tout n’était que senteur vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé on se serait cru à la cour de Versailles au temps de louis XIV”De LisaLe château de Versailles a dans son palais le frère jumeau du Roi soleil, plus connu sous Louis XIV, qui adore faire la fête et autres.Ça marche ! (inspiré de la chanson de « ça marche » le Roi Soleil)

Tout est dans l’allure
Devant les convives
Tout est dans le style
Les odeurs le poursuivent
Le frère jumeau du Roi Soleil
C’est la Royauté
La Monarchie à ses pieds

ça marche
Bras dessus et bras dessous
ça marche
Le parfum cache tout
ça marche
Tant que tout le monde est dans la boue
ça marche

ça marche
Sans respect des voisins
Capoute
Ils tombent comme des mouches
ça va
On en fait pas tout un plat
L’hygiène est le Roi

Imaginons de revenir sous le règne de Louis XIV mais en 2022 où les gouttes de la douche éviteraient chaque pore de sa peau. Tout ne serait que senteurs vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé. On se serait cru à la cour de Versailles au temps de Louis XIV comme je le répète une nouvelle fois.

NB : pour être cohérent avec le texte, j’ai dû mettre au futur et non au passé. Merci !

De Roselyne

L’inconnu

Au détour de cette sente, qui débouchait sur un vaste espace exposé au soleil, la terre brûlée par celui-ci, n’offrait au regard qu’une immense étendue caillouteuse, sans vie, ni faune ni flore. Sur ce désert, plus rien ne poussait.
L’homme qui apparaissait s’immobilisa, frappé par une torpeur qui l’enveloppa comme un coup de massue. Il suffoquait, happé par la touffeur de l’atmosphère qui submergeait cette terre démunie face aux caprices du temps.
Des bourdonnements, des sifflements comme un essaim d’abeilles lui taraudaient les oreilles. Ses yeux exposés à cette lumière soudaine, excessive et violente l’obligeaient à mettre ses mains en visière.
Il sortait d’une forêt sombre, épaisse, d’où le jour ne filtrait presque jamais. Il avait marché pendant des jours. La nuit, il s’enroulait dans un nid de mousse aux pieds des sapins gigantesques auprès desquels il se sentait en sécurité.
Comme abasourdi, il se tenait face à cet interminable espace. D’aussi loin qu’il portait son regard, il était seul dans cette zone infinie, sur laquelle, poussée par un vent léger, la poussière se levait en légers tournoiements.

Il était oppressé. Sa tenue vestimentaire était peu habituelle par cette canicule. Il semblait porter un gros pantalon de velours, une veste du même tissu. Sur la tête, une espèce de turban de couleur peu définissable lui enserrait sa chevelure que l’on devinait épaisse, délaissée depuis une éternité. A ses pieds, des sortes de brodequins, éculés, qui lui maintenaient tant soit peu les chevilles.
Il devait bouger, ne pas rester là, partir, marcher encore. Mais, il était comme aimanté à ce sol. Pourquoi, avait-il donc cette étrange sensation qu’il était poursuivi, qu’il était recherché ? Sa mémoire, lui faisait défaut. D’où venait –il ? Comment s’appelait-il ?
Seul, un détail lui restait bien présent, une empreinte sur le bras droit, comme marqué au fer rouge, qui représentait une rose.
La masse sombre qu’il dessinait dans cet environnement donnait l’impression d’un arbre calciné, seul représentant sur ce sol jauni par la chaleur. Des ombres tournoyaient autour de lui. Celles-ci étaient couleur charbon. Elles lui paraissaient énormes. Des cris épouvantables lui transperçaient les tympans. Fou, il allait devenir, s’il persistait à ne pas vouloir s’extraire du sol où il lui semblait que ses pieds étaient enracinés.
Par une volonté, dont il ne se serait pas senti capable, son corps se mouvait et imperceptiblement, il faisait des pas vers une destination qui lui était complètement étrangère, inconnue et ignorée de lui-même. Il avançait vers un univers duquel il ne percevait rien. Pouvait-il, seulement, s’autoriser à trouver un quelconque être humain puisque lui-même, ne savait plus s’il faisait partie de ce monde où s’il provenait d’un autre univers ?
Comme, un automate, il progressait lentement, il était aveuglé par la lumière du soleil qui se trouvait être au zénith. Ses yeux étaient douloureux, secs, son corps entier n’était que supplice. Il était assoiffé, il aurait absorbé tous les océans, toutes les mers, toutes les cascades fraîches descendant avec vacarme le long des falaises des régions idylliques.
Mais, lui, ce vagabond n’était pas dans des îles paradisiaques. Il marchait, lourdement accablé par cette ambiance irrespirable pour un humain.
Que lui restait-il de ce comportement humain ? Comme un animal il vivait, il se nourrissait de baies, il se désaltérait parfois lorsque la pluie pénétrait cette forêt, profonde et abyssale. Mais, jamais plus de quelques gouttes déposées dans le creux d’une feuille, d’une écorce ou tout simplement, il léchait les troncs des arbres. Son souvenir n’était que très éphémère dans cette mémoire, la sienne le fuyait malgré lui. Il faisait, cependant, des efforts pour se remémorer sa vie d’avant, mais avant quoi ?
Il continuait sa marche forcée vers un espoir de trouver un élément qui pourrait lui fournir un signe de réminiscence, une preuve qu’il était quelqu’un. Le doute était installé. Qu’avait-il fait de répréhensible ? Etait-il devenu un inconnu pour lui-même ? Avait-il, sans le vouloir, franchi l’incompréhensible ? Il se posait un tas de questions, ce qui en somme, le rassurait quelque peu, il n’était pas devenu un animal.
Il continuait son chemin, toujours vers une destinée dont il n’avait aucune idée. Il cherchait, il cherchait encore ce qui avait pu ainsi détruire sa vie. Tout en marchant, sous un soleil de plomb, il se triturait l’esprit, il lui fallait à tout prix trouver une issue qui le ramènerait dans un monde meilleur.
Il avait pourtant les yeux ouverts, du moins, c’est ce qu’il pensait. Puis, une odeur venait de lui titiller les narines. Une odeur parfumée comme une eau de rose avec laquelle une main d’une douceur exceptionnelle lui massait le visage. Une voix suave lui disait « Maximilien, mon amour, éveillez-vous, vous étiez dans un cauchemar. Votre enfer est terminé, je suis auprès de vous »

L’odeur de rose le poursuivait. Il ouvrit les yeux et un exquis visage le regardait tendrement, puis les mains reprenaient le massage en suivant les lignes du bien-aimé.
Il se sentait vidé, sale et il se disait que l’écoulement de l’eau sur son corps lui ferait du bien.
Et, cependant …
“Les gouttes de la douche évitaient chaque pore de sa peau. Tout n’était que senteurs vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé. On se serait cru à la cour de Versailles au temps de Louis XIV.”

De Françoise V

Il y a 30 ans, à l’internat du lycée des religieuses, la dernière élève arrivée me dégoûtait. Ses cheveux filasse, roux, teintés, qui n’en finissaient pas de tomber et de salir le sol dans ma chambre, me répugnaient. Elle sentait mauvais, puait la sueur avec sa petite croix pendue à son cou, elle avait l’air d’une sainte-ni- touche, d’une grande pouliche sortie de l’écurie. Son sourire, faux, ses airs sournois étaient bien le reflet de son mensonge derrière les parfums qu’elle utilisait. Son copain l’avait délaissée, il ne s’occupait plus d’elle, elle déprimait en se laissant aller, en se négligeant. Mais grâce à son tempérament de feu, elle décida de se réconforter. C’est ainsi qu’elle eut le culot de draguer le surveillant de 15 ans de plus qu’elle après l’étude du soir et avec qui elle décida de sortir en cachette.

Fièrement sortie de son écurie
La pouliche aux yeux vert-de-gris
A séduit son chevalier de compagnie
Tous deux prétendant être amis.

Sa longue crinière rousse teinturée
Son bijoux, sa croix argentée
Ses paroles et ses regards veloutés
Ont atteint le cœur de l’homme marié

Saut d’obstacle, trahison

Rendez-vous au coin du breuil
Pour Val et « Bon pied, Bon œil »
Afin de satisfaire ses désirs
De celui qui l’admire.

Amitié ? Adultère ?
Où est donc la frontière ?

C’est tout le côté miséreux d’une femme abandonnée. La fourberie, le semblant, le « faire croire que ». Maintenant, on se lave, on se frotte, on se parfume, on se crème pour avoir la peau douce. Et puis une fois trop bien nettoyée, on peut même soigner sa peau irritée ! C’est un comble, n’est-ce pas ? Mais peu importe.
Il y a tout de même un grand pas entre rester crasseux et le cacher avec multiples parfums, et se laver et déclarer une dermatite inflammatoire.
Il y a bien deux périodes : le monde des poux, des puces, des poudres dissimulatrices de défauts, de crasse, et le monde de la stérilisation du corps humain répondant aux publicités mensongères des parfums, des cosmétiques pour être mieux et plus que mieux, propres et plus que propres.
Entre ces deux mondes, je préfère encore être à côté de celui qui se lave trop plutôt que respirer la vieille sueur qui infeste l’air ambiant et surtout qui trompe son monde comme cette femme décrite. Et je préfère fréquenter les gens honnêtes, même s’ils répondent aux publicités influentes.
Dans les vestiaires des douches de l’internat, cette « pouliche » m’avait dégoûtée, répugnée. J’avais observé que « les gouttes de la douche évitaient chaque pore de sa peau. Tout n’était que senteurs vaporisées pour masquer la misère du corps délaissé. On se serait cru à la cour de Versailles au temps de Louis XIV. »

Poème d’Amalia Cardoso, « Hérédités », proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)

Oublier ou se souvenir
c’est avancer vers
avancer vers sa mémoire.

Revenir à celles des anciens
lire entre les lignes
tracer des lignes sous les mots
pour soutenir le souvenir.

Parfois, on oublie de se souvenir,
on n’y arrive pas
Parfois, on se souvient qu’il faut oublier,
on n’y arrive pas non plus.
J’ai oublié d’oublier, je me suis souvenue de me souvenir
la tête pleine d’images, comme des films super huit en boucles
pour adoucir, la pellicule un peu trop rose
je m’inviterai à les regarder une nuit de belle étoile
quand le temps aura passé.

Au milieu de mes souvenirs et de l’oubli
mes pensées éparpillées reviennent et s’enfuient
ont leurs vies propres,
un fleuve et d’un côté la source, de l’autre l’estuaire
c’est un peu comme ça que j’imagine la mémoire
éparse, épaisse
un crocodile et ses larmes tapie à la surface de l’eau
une petite barque
une submersion une sécheresse.

Au creux de l’oubli dans le plein du souvenir
qu’est-ce qui se cache
est-ce que mes aïeux ont transmis leurs souvenirs, leurs oublis
dans mes tissus
dans mes os
est-ce que ça ricoche d’enfants en enfants ?

De Delphine Burnod, « Le livre sur un banc », proposé par françoise T (hrs proposition d’écriture)

J’ai toujours aimé parler les langues étrangères.
Lire dans les yeux des autres tout en parlant.
Les yeux sont des livres comme les autres.
Mais ils ne se prêtent pas, ils se donnent.
Et ne sont jamais terminés.
Hier j’ai lu un livre entier en découvrant une personne sur un banc.
Mais comme elle dormait, je l’ai rêvé.

Il commençait par ‘Il ne faut s’attendre à rien’ et finissait avec ‘Aujourd’hui la gardienne est patiente puisque rien n’arrive par hasard.’

Quand je suis revenue, le livre dormait encore sur le banc.
Mais il s’était retourné.
Et sa couverture froissée laissait apparaître un cheveu blanc.
Marque page gracieux.
Il fait si bon mesurer le temps.
 

Je vous souhaite une belle semaine créative. Ne vous laissez pas abattre par les infos intox, les mauvaises nouvelles qui proviennent de tous côtés. On cherche à nous déstabiliser, mais vous, chères amies et chers amis de plume, vous êtes plus forts que ça et les mots vont vous aider à franchir les caps difficiles!

Ayez toujours à l’esprit que l’écriture peut devenir un rendez-vous hebdomadaire de plaisir. 

Au plaisir de vous lire!

Portez-vous bien et surtout prenez soin de vous!

A la semaine prochaine,  

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE

Voici mes livres


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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