La proposition d’écriture N° 142 vous obligeait quelque peu à regarder à travers le miroir, à la façon de Dorian Gray, roman d’Oscar Wilde.

 Je vous conseille de lire ce court roman, si vous ne l’avez pas déjà fait. A la différence de ce personnage iconique, nous acceptions notre âge, nos rides et le reste, n’est-ce-pas? …

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Jean-Robert


Le plus étrange de ce moment si particulier, c’est que je n’en ai gardé aucun souvenir. Comme s’il n’avait jamais eu lieu. Alors que, s’il survient aujourd’hui, il s’est forcément aussi déroulé alors, il y a 30 ans. Logiquement. Mais est-ce que la logique a sa place dans cet étrange rendez-vous impromptu, dans cette rencontre inattendue, dans ces retrouvailles avec… moi-même ?
Car c’est bien de moi qu’il s’agit. Même s’il m’a fallu quelques secondes d’effort, je me reconnais dans le visage en face de moi, de l’autre côté du miroir. Même si je vois bien que pour ma part – pour mon autre part – j’ai comme un doute. Parce que si j’avais quelque peu oublié le visage de mes 30 ans, je n’imaginais pas alors que j’aurai – que j’ai – cette tête-là 30 ans plus tard : autant de cheveux en moins que de rides en plus et 30 kilos supplémentaires ! Autant que les années qui nous séparent. Nous séparaient ? Me séparent ?
J’hésite.
Il n’est pas si évident de parler de ces deux personnes qui sont toutes deux moi, sans risquer une certaine schizophrénie. Il n’est pas facile non plus de savoir à quel temps je parle : au passé, pour moi, ou au futur, pour lui ? Gardons le présent de cet instant. Et l’étonnement réciproque ou plutôt symétrique par le jeu du miroir qui nous sépare. Nous réunit ?
Lorsqu’il s’est enfin remis de son étonnement et qu’il a réussi à refermer sa bouche restée béante de stupéfaction, il la rouvre aussitôt pour poser cette question inutile mais naturelle de savoir si c’est bien moi qu’il voit en face de lui. Puis, sans me laisser le temps de répondre, il entame un long soliloque sur sa situation du moment, sur ses doutes, ses interrogations quant à son avenir, le chemin qui l’attend et dont il ne sait pas vraiment lequel poursuivre. Je l’écoute d’une oreille patiente mais distraite, connaissant tellement cette litanie, cette crise existentielle que, avouons-le, je n’ai jamais vraiment fini de traverser.
Et le voilà qui me demande de l’aider, de lui raconter comment se sont déroulées les années qui nous séparent, de le rassurer, de le conseiller.
Que dire ?
Qu’il est inutile de connaître l’avenir, au risque de ne plus vraiment avoir de goût à vivre le présent. Que les conseils sont tellement faciles mais tellement inutiles.
Que, comme l’écrivit Nietzsche, ce n’est pas le doute mais la certitude qui rend fou, et qu’il vaut mieux dès lors rester dans le flou.
Ou que, comme le disait notre père, l’expérience est un peigne pour les chauves.
Il est faux de prétendre que je n’ai gardé aucun souvenir de cet instant.
Je me souviens, parfaitement, de mon silence d’alors.
De maintenant.

D’Elie (proposition d’écriture N° 139)

Le mois de septembre de l’an 2010 tirait à sa fin. Ma famille ignorait l’irruption d’un évènement historique et prémonitoire.
Pendant cette période, mon jeune frère, Isaac, nous fit entendre une vision qu’il avait reçue pendant une nuit. Il nous la raconta en ces termes : je voyais dans mon songe un arbre géant de trente mètres d’altitude et dont la circonférence atteignait plus de six mètres. Mais il était courbé à soixante degrés, dans la position d’une chute vertigineuse sur la surface de la terre. Nous étions loin de saisir toute la signification de cette vision mais dans la tradition de nos milieux, on se réfère à une grande personnalité, homme ou femme, d’une lignée ou d’une collectivité.
A l’audition de cette vision, notre frère, Zacharie, souvent calme, mais qui possède une
intelligence perspicace prit la parole disant :
—Cette vision ne touche-t-elle pas la vie de notre père qui souffre depuis un moment quelques complications prostatiques ? Voyons aussi que notre père a considérablement perdu sa vigueur physique et morale.
Nous avons pris des décisions pour le soigner dans le grand centre hospitalier et universitaire de Cotonou. Quelques jours s’écoulèrent et mon père, Gandonou D. Zannou vint me voir à Cotonou, muni de la somme de quatre cent mille pour nous aider à la prise en charge de sa santé. Je ne tardai pas à le conduire au centre de santé Anastasis, à Agla, dans la commune d’Abomey Calavi. Toutes les dispositions préparatoires étant prises, Papa a subi l’intervention chirurgicale qui, apparemment, ne présageait aucun incident. Il a été libéré de l’hôpital et passa deux mois de convalescence dans notre domicile à Dèkoungbé dans l’arrondissement de Godomey, avant de retourner au village à Domè dans la commune de Zogbodomè au centre du Bénin. A peine passés trois mois, la condition de mon père se dégrada suite à une hémorragie interne. De toute urgence, il fut admis au service d’urgence au Centre National Hospitalier et Universitaire de Cotonou.
Rentré en coma, Papa a pris par le chemin de toute la terre le mardi 02 mars 2011 dans les environs de 06 heures. Comme des séries de coups de tonnerre, le décès d’un grand homme de paix et de sagesse fit ses échos dans le pays. Les derniers hommages de Papa se firent à Porto-Novo au cimetière de Danto le samedi 09 avril 2011. La vie de l’homme est bien précieuse,
mais elle demeure sous le contrôle souverain de son Créateur.

D’Elie ( hors proposition d’écriture)

Je suis né au mois septembre vers 1961 dans une région qui est arrosée par le fleuve Zou dont elle porte le nom. Elle est arrosée par ce merveilleux fleuve et qui, pendant les grandes saisons de pluies, reçoit le cours des affluents le Mékrou, la Sota et l’Alibori. Ma région, par ses dispositifs naturels, a favorisé une multiplicité de lagunes et de ravins donnant à ses terres toutes sortes de richesses naturelles.
D’autre part, le fleuve Zou de ma région a une superficie de 8360 km² et demeure un affluent du fleuve Ouémé au Sud-Est de mon pays. Ceci étant, elle est loin de vivre les affres de la famine à cause de ses atouts à une agriculture florissante.
Par les moyens rudimentaires, depuis des centaines d’années, nos aïeux produisaient, le palmier à huile, le manioc, des variétés de bananes, les patates et le taro etc.
C’est bien la puissance économique qui constitue le socle du développement et de l’épanouissement de ma région. Région fière et honorée par ses autorités politico-administratives. Par cette considération, le premier président de mon pays a eu à cœur de valoriser l’agriculture par deux stratégies importantes dans ma région :
primo, le palmier à huile a été valorisé et demeure la matière première transportée par des camions de la SONICOG: Société Nationale des Corps Gras installée dans les endroits les plus propices à la culture du palmier à huile. Elle a donné lieu à la fabrication des huiles, du savon ‘’Palmida’’ et bien d’autres transformations en corps gras. Cette richesse naturelle, qui est la vie de notre population, aide jusqu’à nos jours pour l’éducation des filles et fils de ma contrée. Les autorités plus que déterminées ont fait un second pas dans leur processus de développement de notre vallée d’or.
Et puis sous les beaux soleils en 1966, les autorités ont su donner aux populations un second souffle de vie par la création de SONIAH : Société Nationale d’Irrigation et d’Aménagement Hydro Agricole. Une seconde avancée pour le développement par le génie des agronomes chinois et autochtones.
La phase préparatoire à la culture du riz démarra par les grandes digues, l’implantation des centrales hydrauliques, le sol mis en casiers, les canaux d’irrigation, les usines d’égrenage de riz etc. La naissance de la dernière société agricole a faits des échos retentissants de ses appels d’offres aux ingénieurs, aux techniciens et de la main d’œuvre aux populations.
Par ailleurs, de nouvelles populations affluaient des quatre coins de notre région à la recherche du travail pour le mieux-être. L’arrivée des étrangers dans notre région a donné la naissance à une nouvelle plateforme où se vivra l’amour aux étrangers, le brassage entre peuples par les liens de mariage et d’autres valeurs culturelles.
En conclusion, il est indispensable que tout ce qui donne la vie, la beauté et l’objet de progrès se prolonge au bonheur de la nouvelle.


De Gérard

J’ai souvent entendu mon père retraité, sage homme s’il en fût, déclarer en famille, en réalité parlant pour lui-même : « Ah ! Si on pouvait recommencer sa vie en sachant tout ce qu’on a appris à notre âge ! » …
Je le comprenais.
Sa vie avait connu tellement de rebondissements, de coups du sort, que certains choix qu’il avait été amené à faire – dont le plus engageant, un serment sur un lit de mort – avaient eu des conséquences insoupçonnées et finalement dommageables pour lui et sa famille.
Aujourd’hui arrivé à l’âge de mon père au moment où il faisait cette réflexion, je m’adresse à moi, Antoine, ou plutôt à toi car suis-je aujourd’hui le même que le trentenaire que j’étais au début années 80 ?
Probablement pas.
Même si les traits de caractère restent, la vie s’est chargé de les émousser, de les polir, de les corriger.
Antoine, je te regarde dans le rétroviseur, je vois le jeune homme que tu étais, qui te préparais à engendrer avec ton épouse les formidables enfants que tu as aujourd’hui, qui t’ont fait trois fois grand-père.
La chance que tu avais, c’était de ne pas connaître la suite.
Tu avançais, avec ton caractère entreprenant, tu avais confiance en toi, ce qui était un considérable atout, même si cette confiance te poussait à prendre des risques, à jouer gagnant.
Et, bien sûr, tu as connu des ennuis, de sérieuses embuches.
Évidemment, nul ne peut gagner à tous les coups.
Tu es tombé sur des personnes malintentionnées, manipulatrices, qui ont profité de toi et t’ont causé de sérieux soucis.
Tu as pêché par excès d’optimisme, tu préférais – comme ton père – voir les qualités d’autrui plutôt que les défauts, les faiblesses, tu préférais voir les opportunités plutôt que les risques.
Tu avais eu raison avant beaucoup en t’engageant dans l’écologie dès 1972, faisant parti des proches soutiens de René Dumont, quand les partis de gauche et de droite balayaient ce « problème » qui ne les intéressaient en rien.
Puis, tu t’étais écarté de l’écologie politique quand tu avais compris qu’il fallait obligatoirement en passer par les compromis et les arrangements. Que la lutte serait usante, longue, démoralisante.
« Je ne vais tout de même pas gâcher ma vie à user le soleil ».
Certes, tu n’as pas eu tort, même si l’actualité « brulante » te donne aujourd’hui malheureusement raison.
Est-ce que si quiconque, fort de plus de trente années d’expérience supplémentaire, t’avait donné à l’époque de judicieux conseils, tu les aurais suivis ? Bien sûr que non ! Il te fallait vivre ta vie, avoir ta propre expérience.
Aussi, ne te donnerai-je aucun conseil.
Tes échecs, tu les assumeras, tu porteras ton bout de croix, comme les autres.
Comme le dit cette réflexion, dans un très beau livre d’Ahmet Altan :
« On n’apprend pas grand-chose sur l’existence dans les familles heureuses, je le sais à présent, c’est le malheur qui nous enseigne la vie. »
Tes réussites, tu les porteras.
Tu t’efforceras de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.
Comme ton père.
Comme tes enfants.
Tu seras reconnaissant pour ceux qui t’auront aidé et accompagné, tes parents, ton épouse, tes amis.
Tu ne regretteras rien.
Puis viendra l’heure de « cultiver ton jardin ».
De transmettre à tes petits-enfants.
Tiens, je viens malgré moi de te donner des conseils !


De Françoise V


Lucie, si tu repenses à ta vie, trente ans en arrière, aurais-tu envie de changer quelque chose ?
– Stop, ma belle. Ma vie d’autrefois est terminée, je n’y pense même plus. J’ai beaucoup de mauvais souvenirs. Ils sont toxiques… quand j’y repense. Je préfère tirer un trait, vivre le moment présent. Oui, je veux changer quelque chose dans ma vie, mais dans ma vie actuelle. Je me suis trop occupée des autres. Et maintenant, les autres m’ont oubliée. Ils ont profité de mon dévouement, de ma disponibilité. Ils ont oublié que j’avais consacré ma vie en leur donnant de l’affection, de l’amour, beaucoup de temps.
– Mais Lucie, tu as eu des moments de bonheur avec ta famille, tes amis ! Ne me dis pas que tout a été négatif…. Et puis tu aurais pu aussi changer ton mode de fonctionnement à cette époque, en prendre conscience.
– Évidemment, j’ai eu des moments de bonheur, je serais une menteuse si je disais le contraire… Mais ceux avec qui j’ai partagé ces moments-là, ont oublié. Ils me laissent seule dans ma vie et continuent à vivre de leur côté. Je trouve cela plutôt triste. Je n’ai pas pris assez conscience de ma situation, je ne pensais qu’à faire plaisir aux autres. J’avais envie d’être aimée, d’être entourée.
Et puis il y a les amis, aussi. Ils changent, certains ne sont plus fidèles. Le dernier ami que j’ai eu n’a plus eu besoin de moi, de ma compagnie, il est retourné à sa vie personnelle . Il m’écoute d’une oreille pour garder contact. Il fait preuve d’un peu de présence. Il a envie de vivre sereinement, sans être inquiété par une personne étrangère à sa famille. C’est un rêveur qui m’a fait miroiter les alouettes quand il se sentait seul, et je suis tombée dans le piège. Quand j’ai besoin de lui, il n’est pas disponible, mais il dit qu’il est à mon écoute. Je me rends bien compte que je n’ai pas de place dans sa vie, je l’ennuie plutôt. C’est un fantôme qui fait de rares apparitions.
– Alors, je comprends bien maintenant pourquoi tu préfères vivre le présent. Tu devrais bien t’occuper de toi ! Tu devrais t’entourer de personnes positives qui ne te critiquent pas, qui ont confiance en toi, et qui te soutiennent dans tes projets.
– Oui, je profite des moments que j’ai choisis, quand je peux choisir. Les personnes bienveillantes sont rares, crois-moi.
– Tu trouveras du positif dans cette attitude, Lucie, je t’y encourage ! Et oublie tes fantômes.
– Je fais mon possible pour positiver afin de vivre en paix. Je vais penser à moi, je vais m’occuper de moi…. malgré mes moments de faiblesse qui ne me quittent pas. Je donnerai un peu de temps aux autres et beaucoup plus à moi-même. J’ai fonctionné dans le sens inverse pendant des années. Maintenant, je vais renverser la vapeur.


De Lisa


Élisa et sa maman participent à un événement dédié aux Héros vivants dans la commune.
Comme son père était « absent », la maman décide d’aller voir l’un des participants.
La petite voit un grand homme au cœur d’or, vêtu à la Columbo, qui lui donne un cadeau.
Elle tend ses mains et a une mini-shop de bière gravée aux symboles de la ville. Ses yeux parlent tellement que le remerciement se voyait dans son regard.
Dans son éducation, elle ne peut pas parler aux adultes à part les mots de politesse. Mais la joie que cet adulte lui adressant la parole, est pour elle un moment de plaisir et d’une empreinte indélébile.
Cet objet est placé sur son buffet en hommage à cet homme qui mérite que l’on se souvienne de son temps à parler à cet petite.
Il ne peut pas imaginer le bonheur qu’il lui a donné, d’être à la hauteur d’un père, qui aurait pu être le sien et qui aujourd’hui, fait partie de sa famille comme son père biologique.
Désormais, toutes les personnes qui les ont connus, souhaiteraient que ces deux êtres qui se considéraient comme deux frères de Coeur, se retrouvent dans l’Au-delà.
Imaginons qu’aujourd’hui en 2022, cette petite devenue femme, partirait dans le passé à côté de cette petite fille. Elle aurait osé parler à ce grand Monsieur en le vouvoyant, en le respectant et, surtout au fond d’elle-même, le considérant comme un deuxième père et qui est complémentaire à son papa d’amour. Rien n’aurait changé pour le souvenir qui reste gravé dans la mémoire de cette femme. Cet objet, toujours sur son buffet, remplace une photo et veut prouver que ce grand Homme fait partie de la famille pour toujours comme un deuxième papa.

De Roselyne


L’inconnu

Au détour de cette sente, qui débouchait sur un vaste espace exposé au soleil, la terre brûlée par celui-ci, n’offrait au regard qu’une immense étendue caillouteuse, sans vie, ni faune ni flore. Sur ce désert plus rien ne poussait.
L’homme qui apparaissait s’immobilisa, frappé par une torpeur qui l’enveloppa comme un coup de massue. Il suffoquait, happé par la touffeur de l’atmosphère qui submergeait cette terre démunie face aux caprices du temps.
Des bourdonnements, des sifflements comme un essaim d’abeilles lui taraudaient les oreilles. Ses yeux, exposés à cette lumière soudaine, excessive et violente, l’obligeait à mettre ses mains en visière.
Il sortait d’une forêt sombre, épaisse d’où le jour ne filtrait presque jamais. Il avait marché pendant des jours. La nuit, il s’enroulait dans un nid de mousse aux pieds des sapins gigantesques auprès desquels il se sentait en sécurité.
Comme abasourdi, il se tenait face à cet interminable espace. D’aussi loin qu’il portait son regard, seule cette zone infinie sur laquelle, poussée par un vent léger, la poussière se levait en légers tournoiements.
Il était oppressé. Sa tenue vestimentaire était peu habituelle par cette canicule. Il semblait porter un gros pantalon de velours, une veste du même tissu. Sur la tête, une espèce de turban de couleur peu définissable lui enserrait sa chevelure que l’on devinait épaisse, délaissée depuis une éternité. A ses pieds, des sortes de brodequins, éculés qui lui maintenaient tant soit peu les chevilles.
Il devait bouger, ne pas rester là, partir, marcher encore. Mais, il était comme aimanté à ce sol. Pourquoi, avait-il donc cette étrange sensation qu’il était poursuivi, qu’il était recherché ?
Sa mémoire, lui faisait défaut. D’où venait –il ? Comment s’appelait-il ?
Seul, un détail lui restait bien présent, une empreinte sur le bras droit comme marquée au fer rouge qui représentait une rose.
La masse sombre qu’il dessinait dans cet environnement donnait l’impression d’un arbre calciné, seul représentant sur ce sol jauni par la chaleur. Des ombres tournoyaient autour de lui. Celles-ci étaient couleur charbon. Elles lui paraissaient énormes. Leurs cris épouvantables lui transperçaient les tympans. Fou, il allait devenir, s’il persistait à ne pas vouloir s’extraire du sol où il lui semblait que ses pieds étaient enracinés.
Par une volonté dont il ne se serait pas senti capable, son corps se mouvait et imperceptiblement, des pas, il faisait vers une destination qui lui était complètement étrangère, inconnue et ignorée de lui-même.
Il avançait vers un univers duquel il ne percevait rien. Pouvait-il, seulement s’autoriser à trouver quelconque être humain puisque lui-même, ne savait plus s’il faisait partie de ce monde où s’il provenait d’un autre univers ?
Comme un automate il progressait lentement, il était aveuglé par la lumière du soleil qui se trouvait être au zénith. Ses yeux étaient douloureux, secs, son corps entier n’était que supplice. Il était assoiffé, il aurait absorbé tous les océans, toutes les mers, toutes les cascades fraîches descendant avec vacarme le long des falaises des régions idylliques.
Mais, lui, ce vagabond, n’était pas dans des îles paradisiaques.
Il marchait, lourdement accablé par cette ambiance irrespirable pour un humain.
Que lui restait-il de ce comportement humain ? Comme un animal il vivait, il se nourrissait de baies, il se désaltérait, parfois lorsque la pluie pénétrait cette forêt, profonde et abyssale. Mais, jamais plus de quelques gouttes déposées dans le creux d’une feuille, d’une écorce ou tout simplement, il léchait les troncs des arbres. Son souvenir n’était que très éphémère dans cette mémoire, la sienne qui le fuyait malgré lui.
Il faisait, cependant des efforts pour se remémorer sa vie d’avant, mais avant quoi ?
Il continuait sa marche forcée vers un espoir de trouver un élément qui pourrait lui fournir un signe de réminiscence, une preuve qu’il était quelqu’un. Le doute était installé. Qu’avait-il fait de répréhensible ? Etait-il devenu un inconnu pour lui-même ? Avait-il, sans le vouloir, franchi l’incompréhensible ? Il se posait un tas de questions, ce qui en somme le rassurait quelque peu, il n’était pas devenu un animal.
Il continuait son chemin, toujours vers une destinée dont il n’avait aucune idée. Il cherchait, il cherchait encore ce qui avait pu ainsi détruire sa vie. Tout en marchant, sous un soleil de plomb, il se triturait l’esprit, il lui fallait à tout prix trouver une issue qui le ramènerait dans un monde meilleur.
Il avait pourtant les yeux ouverts, du moins, c’est ce qu’il pensait. Puis, une odeur venait de lui titiller les narines. Une odeur parfumée comme une eau de rose avec laquelle une main d’une douceur exceptionnelle lui massait le visage. Une voix suave lui disait « Maximilien, mon amour, éveillez-vous, vous étiez dans un cauchemar. Votre enfer est terminé, je suis auprès de vous »
L’odeur de rose le poursuivait. Les yeux, il ouvrait et un exquis visage le regardait tendrement, puis les mains reprenaient le massage en suivant les lignes du bien-aimé.
Il se sentait vidé, sale et il se disait que l’écoulement de l’eau sur son corps lui ferait du bien.
Et, cependant …


De Pascale


Miroir

Comme à son habitude, ce matin, face au miroir de sa coiffeuse, Sophie prend le temps. Elle s’apprête à accomplir un geste devenu presque machinal. Elle n’est pas spécialement coquette, mais au fil des ans, le reflet du miroir lui a soufflé qu’hydrater sa peau, asséchée par de longs séjours en compagnie de Dame Nature, était le moins qu’elle puisse faire. Chaque jour, elle se consacre donc un moment, seule face à son image. Elle observe avec bienveillance les rides qui marquent son visage et son cou. Chacune témoigne des colères, des peurs, des douleurs, des espoirs et des rires qui l’ont accompagnée sur son chemin de vie. Mais aujourd’hui, son miroir lui joue des tours. Il semble tout d’abord s’embuer sans raison pour laisser peu à peu entrevoir une vision si déconcertante que Sophie sent les battements de son cœur s’emballer sans pouvoir les contrôler. L’image renvoyée a traversé les âges… C’est son visage rajeuni de trente ans qui lui fait face à l’instant. A plusieurs reprises déjà, Sophie a été confrontée à des phénomènes que l’on nomme communément « paranormaux ». Mais aujourd’hui encore, elle ne s’y accoutume pas. La survenue de chacune de ces manifestations extra-ordinaires la déstabilise. Et ce matin, elle n’est pas à l’aise face à cette visite inattendue. Pourtant Sophie l’a compris : aucune de ces visions ne se produit sans raison, chacune d’elles a un sens. Elle se ressaisit donc lentement et se prépare à décrypter cette nouvelle surprise offerte par la vie. Elle se pose, croise le regard de la trentenaire qu’elle était alors, attendant sa requête. Une nouvelle fois, c’est un souffle qui vient murmurer à son oreille. :« Si tu devais t’adresser à la jeune femme que tu étais alors, quel conseil lui donnerais-tu ? » Interpelée, Sophie réfléchit un moment avant de replonger dans son histoire, dans leur histoire… Alors qu’ils s’apprêtaient à fêter leurs trente ans, Sophie et son amoureux n’avaient jamais envisagé le pire. Même si les fins de mois étaient un peu difficiles, les rires et la légèreté habitaient leur modeste pavillon où les deux enfants aînés s’ébattaient dans le jardin tandis que le petit dernier s’éveillait lentement à la vie. L’équilibre semblait presque parfait et l’amour enveloppait leur modeste nid. Ils n’avaient pas imaginé la violence du deuil, de la descente aux enfers avant la lente reconstruction. A l’évocation de ces moments douloureux, Sophie sent un poids envahir sa poitrine puis remonter jusqu’à sa gorge pour la nouer. Pourtant, elle sait que si elle est devenue la femme qui s’observe aujourd’hui dans ce miroir, c’est parce que trente ans auparavant tout a basculé. Elle sait qu’elle n’a pas été superwoman à ce moment-là, qu’elle a géré étape après étape, petit pas après petit pas. Aurait-elle pu faire autrement ? Du haut de sa soixantaine, quel conseil oserait – elle donner à la jeune mère trentenaire d’alors ? De longues minutes s’écoulent face au miroir. Sophie redresse enfin une mèche rebelle sur son front et s’adresse à la jeune femme qui lui fait face : « Je crois sincèrement que quelle que soit la tranche de vie que nous traversons, nous effectuons des choix en fonction de qui nous sommes au moment présent. Chaque étape nous permet de grandir, et je n’ai d’autre conseil que celui de profiter du moment présent et épandre de l’amour autour de soi, car si c’était à refaire je ne changerai rien ! »
Un sourire, que la buée efface déjà, se dessine sur le miroir.

De Dominique

Miroir magique.

Me voilà seul dans la maison encore ensommeillée. En bas de l’escalier le chat, se collant dans mes pieds, manque de me faire tomber. Bon, allez, va pour ma première bonne action de la journée, trouvons-lui ses croquettes ! Une œillade furtive dans le placard du bas — où sont-elles ? Ah oui, dans celui du haut car en bas elles ont été découvertes et, déjà croquées ! Le chat, malin comme un singe, a ouvert le sac et tout déchiré.
— Papy, je crois que c’est toi qui a la tête dans le sac ce matin, comme aurait dit mon petit-fils dévergondé.
Assis en face de mon café à moitié chaud et sans sucre, c’est un jour banal qui commence. En passant mes doigts sur mes joues, je constate qu’elles sont piquantes.
— Bon, papy il va falloir te reprendre en main, et tu vas commencer par te raser la barbe, ça fait bien trois jours qu’elle attend !
Faisant face à la glace de la salle de bains, je constate les stigmates des affres du temps gravés sur mon visage bouffi, il est marqué par le mauvais sommeil de la nuit. Au lavabo, je fais couler l’eau chaude, elle produit aussitôt un nuage de vapeur embuant mon miroir éclairé par un vieux spot mal fixé. Machinalement, mes doigts frottent la surface humide de la glace et cherchent à retrouver mon image, Narcisse contemplant son reflet.
— Miroir magique qui est le plus beau de la maison ce matin, dis-je en me foutant un peu de ma tête ?
À ma grande surprise, le miroir s’anime et, comme dans une vieille cassette VHS que l’on rembobine, mon double défile. Il a tous les âges, il s’arrête, j’ai trente ans !
— Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? Ou bien est-ce l’un des effets secondaires de la lecture du roman de Stephen King que j’ai lu hier soir ? Un autre moi, quelle vision surréaliste !
— Tiens, que fais-tu là toi ?
Un observateur extérieur, qui entrerait dans la salle de bains à cet instant précis, me prendrait pour fou, je parle avec moi-même !
Mon double, solennel, m’interroge :
— Toi qui connais le chemin de notre vie, peux-tu me dire ce que je vais rater et ce que je vais devoir faire pour atteindre la sérénité ?
Je suis interloqué, est-ce bien nous cette image figée qui persiste dans mon miroir attendant une réponse ?
Perplexe, je lui réplique ;
— Tu sais mon gars, les conseils sont faits pour ne pas être suivis, alors mon avis, je pense que tu n’en as vraiment pas besoin mais, comme j’aime bien ta tête (et pour cause), laisse-moi te donner quelques idées.
— Fonce sans te poser de questions, fie-toi à ton instinct et n’écoute pas tous ces bonimenteurs qui ne manqueront pas de venir dissuader tes rêves, lui dis-je du haut de mon expérience “d’ancien”.
— Dis oui à cette jolie fille qui un jour t’a regardé avec insistance et qui voulait te prendre la main pour faire un bout de chemin avec toi.
Est-elle partie avec les clefs du bonheur quand elle t’a laissé avec tes regrets, ta tristesse, tes remords ?
— Ne laisse pas les autres décider à ta place. Envoie promener ces vieux professeurs ringards imbus de leur savoir qui prétendent connaître mieux que toi tes priorités.
Tu évoques tes passions, ils consultent leurs statistiques et quotas pour l’enseignement technique.
— Ne lâche pas tes rêves de gosse et ne laisse pas tomber ton capitaine de bateaux pirates appareillant pour de belles aventures. Ne trahis pas cet enfant qui élevait des chapiteaux de draps pour jouer la comédie devant un parterre de cousines, de sœurs et de frères conquis d’avance. Redevient ce “Rouletabille ” déjouant les mystères de la chambre jaune, le grand Meaulnes en quête du château d’Angillon.
Vis tes rêves et ne rêve plus ta vie…
— Tourneur fraiseur, je ne savais même pas que ça existait moi ce métier-là quand j’ai été embarqué dans un bail de trente ans à lire des gammes d’usinage et à conduire des machines-outils.
“Devient ce que tu es”, pas celui que les autres veulent te voir devenir. Prends le taureau par les cornes et cherche ta lumière, la vraie.
Puis soudainement, un éclair illumine la salle de bains et le spot, dans un crépitement lamentable, rend l’âme.
Mon miroir est vide, mon jeune cadet a disparu, me laissant seul avec ma tête de tous les jours et, des regrets qui font si mal, trente ans après.


De Catherine

“Si j’aurais su, j’aurais pas v’nu”, disait P’tit Gibus dans “La guerre des boutons”. Pauvre petit bonhomme ! C’était une réaction spontanée de regrets dans des moments désagréables et décevants de son aventure.
Si P’tit Gibus n’était pas venu, au risque de perdre tous ses boutons, prémisse d’une bonne raclée de retour au bercail, aurait-il connu les plaisirs incomparables de l’élaboration du plan d’action concocté par la bande ? Et quid de l’attente, de la traque, jusqu’à l’attaque ? Tout cela vaut bien les désagréments de l’humiliation des perdants ! Perdre ne permet-il pas de mieux préparer l’après ?
Dans la vraie vie, c’est pareil. “Avec des si, on refait le monde…”, phrase largement usitée, donne à penser que l’hypothétique aurait pu prendre le chemin de possibles plus rassurants ou plus conformes aux attentes.
“Si je ne m’étais pas marié(e) avec elle ou avec lui, je n’aurais pas vécu ce divorce humiliant ou douloureux.” Certes, mais tes enfants ne seraient pas ceux qui font actuellement ta joie !
” Si tu avais eu ton bac, tu aurais pu prétendre à un meilleur salaire !” Certes, mais aurais-je eu la même passion pour ma profession manuelle dans laquelle j’excelle et pour laquelle je suis éminemment reconnu, que dans un métro-boulot-dodo de fonctionnaire robotisé ?
Et toi, “si tu avais su, serais-tu parti sans laisser d’adresse, ni donner de nouvelles, pendant tant d’années ?” Ces années éloignées n’ont-elles rien construit en toi ? Serais-tu le même aujourd’hui si tu n’avais pas fui ? Cela ne t-a-t-il pas permis de mieux revenir ?
Faut-il avoir des regrets du chemin parcouru en empruntant une route plutôt qu’une autre ? Aucune n’est sans écueils, et ce sont les difficultés traversées, quoi qu’il en ait coûté, qui font que l’on est cette personne qui évolue dans un monde peu à peu apprivoisé au prix de nombreuses épreuves.
Je n’ai aucun conseil à donner à celle que je fus il y a 30 ans, si ce n’est que de se faire confiance. Je suis moi avec mes fêlures et mes blessures consolidées, avec mes doutes et mes certitudes, avec mes peurs et mes hardiesses, mes tristesses et mes bonheurs.
“I’m a human, after all”, comme dit la chanson, et j’assume qui je suis.

De Nicole

Conseils en tous genres

Cette jeune femme a toujours abhorré les conseils.
Des lieux communs comme « les conseilleurs ne sont pas les payeurs ».
« Il est plus facile de conseiller que de faire » lui convenait très bien.
Avec le recul, meilleur et cruel conseiller, que donnerait-elle comme conseils à la jeune femme amoureuse qu’elle était « ne pas trop mélanger la rose et l’immortelle ». Et en même temps, quels délices de vivre ces passions-là.
Aimer encore et encore la nature, entourer les arbres de ses bras, le soleil mais aussi les nuages qui donnent forme à des rêves d’infini.
Prendre soin de ses chats avec plus de constance.
S’engager plus tôt dans des actions sociales et culturelles.
Être moins coléreuse.
Et surtout, de la patience, de la patience avec ses enfants.
Quelle douceur, quelle tendresse de les aimer, de leur apprendre des choses, de la plus sérieuse à la plus futile. Pour découvrir le monde.
Et … Paradoxalement « ne conseiller, ne révéler, indiquer à une personne. Pourquoi hâter le développement d’autrui » Paul Léautaud.
Voilà toute l’ambivalence des conseils que l’on peut donner.


De Martine

Debout devant le miroir, elle suspend son geste, de la crème hydratante sur le bout des doigts.
Ses yeux la scrutent comme le ferait le regard d’une étrangère. Elle examine les détails de son visage, froidement, sans complaisance et ne se reconnaît pas.
Ses traits se sont affaissés, ils sont comme fondus. De profonds sillons se sont creusés de part et d’autre de son nez et descendent jusqu’aux commissures des lèvres et de là repartent encadrer son menton. De larges cernes bleus encerclent ses yeux qui sont plus petits que dans son souvenir. Sa paupière gauche tombe un peu, rendant son regard asymétrique. Cette chute, bien que discrète, ternit son œil qui est comme piégé dans l’ombre de cette chair.
Elle se sourit alors, « allume » son regard et délicatement étend enfin la crème onctueuse et parfumée. Elle caresse son visage du bout de ses doigts avec affection et reconnaissance, son vieil ami, qu’elle a appris à respecter tout comme elle aime et respecte son corps pour tout ce qu’il lui a permis de vivre, pour tous les pas qu’elle a pu faire, pour toutes les étreintes qu’elle a reçues et données, pour tout ce qu’elle a fabriqué, planté, mijoté. Ses mains ont accompli tant et tant de gestes.
Elle pense cependant qu’elle a vécu sa vie petitement. Seule la fatigue due à l’âge lui permet de ne pas avoir trop de regrets mais, tout de même, pourquoi s’être en quelque sorte coupé si souvent les ailes ?
Elle repense à combien ont été vaines ses inquiétudes, quand elle était dans la pleine réalisation de sa vie. L’angoisse du lendemain était toujours là, trouvant sans peine une brèche où s’engouffrer, ôtant toute possibilité d’une joie pure quand d’heureux évènements se produisaient ou que la vie était simplement douce. Elle sait maintenant que ces nuits blanches, ces tentatives pour prévoir les moindres aléas, son obsession de tout contrôler, l’élaboration de scénarios catastrophes, de plans B, tout cela n’a fait que l’empêcher de goûter pleinement l’instant présent. Et c’était inutile ! Des épreuves sont advenues, bien sûr, et elle a su faire face.
Elle sait également qu’ainsi elle s’est imposé des limites. Elle aurait pu explorer, tenter, aller au bout de désirs mais par peur de perdre, de tenter « le diable », n’est-elle pas restée comme une chrysalide qui ne se déployant pas, se dessèche et dont on ne connaîtra jamais les couleurs de l’imago ?
Elle sait ! Elle sait combien les drames qui ont jalonné son enfance ont entraîné un énorme besoin de sécurité, une méfiance absolue du risque. Elle sait qu’elle a fait ce qu’elle a pu avec ce fardeau lourd comme une grosse pierre portée sur son dos sans possibilité de la déposer. Cette pierre, constitutive de sa chair.
Elle s’est construite avec ce poids d’angoisse et de chagrin, d’autant plus pesant que personne ne songeait à lui expliquer ce qu’elle vivait. Elle a été une enfant grave qui cherchait sous les apparences, scrutait les attitudes, interrogeait les comportements. Ainsi, elle est devenue observatrice, consolatrice, apte à une écoute aidante. Adulte, elle a continué d’explorer les fonds de chaque expérience qu’elle a eue à vivre.
Elle plonge à nouveau son regard dans le reflet de ses yeux et s’adresse à cette femme au teint frais, aux yeux lumineux, aux traits ciselés par la jeunesse qui doit bien encore exister derrière cette image d’elle vieillissante :
« Tu verras, ça va aller, ne reste pas le souffle suspendu à attendre le jour suivant et tous les autres à venir. Respire à fond et goûte bien tout ce qui t’est donné de vivre. Ce qui te paraît heureux comme ce qui te paraît triste. Fais-toi confiance, tu trouveras ton chemin, ta singularité et ta force. ».


De Jacques



Où étais-tu lorsqu’elle s’est effondrée,
Lorsqu’elle est tombée dans cet abyme,
Dans cette faille, où elle a attendu, longtemps?

Puis elle s’est perdue dans sa tête
Sur un chemin sinueux
Brouillard, pluies, averses ou orage
Qui lui a fermé les yeux
Et elle est passée du réel à ce qui fût

Elle a marché dans l’inconnu
Les bras de chaque côté du corps
Cheveux mouillés, comme en détresse
Puis tu l’as perdu de vue

Tu aurais pu lui crier, tu aurais dû lui crier
Pour la retenir, la tenir

Elle s’est affaissée, trop loin
Si loin de toi

Ce souvenir,
Aime-le, chéri-le
Encore et encore
Jusqu’à t’en épuiser

De Sandra

Du haut de mes trois pommes, les cheveux blancs qui battent au vent
Je note que la vie est un cadeau et une richesse dont doit prendre soin quotidiennement pour évoluer dans la bonne direction
Et c’est à toi de l’accueillir à bras ouverts

Allez, profite de la vie
Implique-toi dans la vie sociale
Bénéficie du savoir-faire des autres et partage-le
Bien sûr n’abuse pas de leur hospitalité

La vie est pleine d’aventures
Découvre et cultive de nouvelles expériences
Puisque l’univers est infini

Adapte une vie simple et modeste
Parce que l’être est très fragile et
Les routes sont parfois coriaces
Revoilà l’importance de se nourrir de la spiritualité

Aime la vie
Dis non aux peurs qui t empêchent de cheminer
Tu trouveras toujours ce dont tu as besoin

Chéris les membres de ta famille
Car parfois ils sont présents seulement un court moment
Accepte leurs divergences
Sois respectueux quel que soit leurs âges et leurs cultures

N’Oublie pas de dire MERCI
Et de SOURIre à la vie


D’Elie

Le chemin de l’humiliation à la vie restaurée.

Trois décennies et peut-être plus s’étaient écoulées. Et je peux réaliser sans ambiguïté, au tréfonds de mon être, qu’il existe une ligne de démarcation en rapport à la maturité d’esprit dont je suis maître aujourd’hui. En cela, je peux extraire de mes souvenirs, de la science, et des expériences pour des utilités communes. Au regard de toutes grâces, dont je suis dépositaire, ne dois-je pas m’offrir en sacrifice pour la vie du voisin ?
Je m’offrirai volontiers pour ranimer une vie qui s’étiole et qui s’éteint. C’est en ce moment qu’un voyage m’amena à Porto-Novo dans la maison paternelle. Quelle ne serait pas ma surprise ?
Je fis la découverte de ma cousine Sourou qui était visiblement rongée par une maladie. Sourou signifie littéralement dans mon dialecte ‘’goun’’, la patience. Ma cousine Sourou avait perdu la vigueur et la beauté séduisante qui la caractérisait. J’engageai un petit dialogue avec elle afin de connaitre les raisons de son état.
Dègnidé : Comment es-tu parvenue à une telle dégringolade de ta vie rongée par une maladie qui est difficile d’être expliquée ?
Ma sœur, étouffée par les émotions due à la souffrance et de la misère, fondit en larmes en sanglotant. Au bout de dix minutes, elle réussit à narrer les circonstances affreuses de sa mésaventure.
Sourou : Je suis heureuse de ta venue en famille ce jour. Ton arrivée est de nature providentielle. Tu sais bien que les affaires commerciales florissaient dans ma main. Aujourd’hui, je suis anéantie et incapable de me soigner. J’ai perdu ma liberté. Ma mobilité et ma joie de vivre.
Dègnidé : Et ton mari où en est-il ?
Elle me confia les réelles causes de la condition de l’heure en ces termes.
Sourou : C’est dans le malheur que l’amour entre les époux peut soit triompher des épreuves ou mourir. Quand mes affaires ont basculé et que je suis tombée malade, il est venu me déposer à la famille. En réalité, nous n’avons eu aucun problème de vie conjugale. Ses problèmes ont aussi commencé par s’empirer quand son amour a viré dans les boissons et la prostitution avec les femmes faciles de son service.
Après sa longue narration des faits qui l’ont engloutie dans la vallée de l’ombre et de la vallée la mort, je passerai un moment de la relation d’aide avec ma sœur, Sourou.
Dègnidé : Comprends à partir de ce moment que ton état n’est pas la fin de ta vie. Tu auras bien sûr à cœur de la restaurer. Crois-moi sur parole. Tu es ma sœur de sang. J’ai à mon tour traversé diverses sortes d’épreuves où l’espoir humain était impuissant pour me restaurer la vie. En 1991, j’ai piqué à la fois une crise diabétique qui m’avait fait perdre dix kilogrammes. Aussi, une bronchite chronique m’assomma. Enfin, j’ai connu un grand désespoir dans l’évolution de ma carrière.
Ma sœur, après ce travail de relation d’aide, elle retrouva la joie et poussa un profond soupir d’espoir. Je l’amenai dans le plus grand centre hospitalier de santé de la ville de Porto-Novo. Elle fut guérie trois mois plus tard.
Après sa guérison, son mari revint voir sa famille pour vivre paix et dans la réconciliation. La famille apporta toutes ses contributions pour aider Sourou à se relancer progressivement dans ses affaires commerciales.
Sourou : Je te remercie pour toutes les grâces dont j’ai été l’objet au travers de ton passage qui ne peut s’effacer de ma vie.
Dègnidé : Je lui donnai quelques recommandations.
Je te recommande au courage, la sagesse et une bonne gestion de ta vie et celle de ton foyer conjugal.
Sourou : Je t’aime.

De Claude

PASSÉ DÉCOMPOSÉ

Le visage que me renvoie le miroir m’effraie un peu. Trente ans ont passé. Et force est de reconnaître que j’ai bien changé.
Les cheveux ont blanchi. Où sont passés mon cou fin, ma peau lisse et ses pores sains ?
A cette époque-là, je trouvais encore mon corps beau, mais, suivez le bide, j’ai empâté (deux fois) en trois décennies, sans toutefois, et c’est heureux, avoir un corps d’obèse. J’ai pêché en perdant ma ligne et si j’avais eu un seul conseil à me donner, cela aurait été d’éviter la sédentarité.
C’est dentaire aussi, le problème : l’abus de friandises et de douceurs en tous genres aura eu raison de mes crocs ; je devrais dire, mes ex-crocs. Mes dents, c’est une tragédie de racine. J’en veux au monde entier car c’est une véritable révolution de palais. Mais j’en suis le seul et unique responsable.
De plus, lire jusqu’au délire (ça dépasse les borgnes) n’a pas amélioré ma vue. Il y a belle lurette que mon ophtalmo est opticien pour moi.
Heureusement, les yeux sont toujours rieurs et mon nez gros est spirituel, m’a-t-on dit.
L’oreille est hardie, paraît-il. Plus maintenant. Audika, Amplifion, et Afflelou m’inondent de leurs publicités pour des aides auditives, mais je reste obstinément sourd à leurs demandes. Pour l’instant.
Sans compter que je suis harcelé par la « Convention Obsèques ». Eux n’en sont pas à leur coup décès !
Nez en moins, comme dirait Cléopâtre, je me reconnais encore. Bien sûr, l’âge et la maladie ont laissé des traces : j’ai connu des fidèles gastros et des mictions impossibles. Au point de devenir un disciple des piqûres.
Mais, je ne suis pas encore mûr pour l’Ehpad. Même si certains de mes amis me considèrent comme un pote âgé. Epatant !
Le plus étonnant est que je n’aie pas de rides. Je pourrais dire comme Jeanne Calmant, une ancienne doyenne : « Je n’ai qu’une ride et je suis assis dessus. » Je crois que je le dois avant tout au fait que pour moi, le tabac est un attrape-Nicot et l’alcool une histoire de gros soûls.
J’espère que ce portrait, loin de vous attrister, saura vous dérider, car d’une façon ou d’une autre, à un moment ou à un autre, c’est notre inéluctable sort commun que je décris.
Les nuits sans sommeil sont interminables et épuisantes. Je les passe à remuer des souvenirs. Et je m’aperçois que j’ai surtout eu la chance insigne (c’en est un) d’avoir rencontré mon épouse de bonne heure (elle aussi d’ailleurs). Une femme de méninges, belle avec des seins animés. L’amour avec un grand tas.
Peut-être aurais-je aussi aimé, sans pour autant passer pour un matou-vu, avoir un animal de compagnie. Ce qui m’aurait permis de me pencher sur mon basset, par exemple. Remarquez, j’aime les chiens mais je préfère les chats, car comme Cocteau disait, il n’y a pas de chats policiers.
A la réflexion, je me dis pourtant, que si c’était à refaire, je ne tiendrais aucun compte de ces conseils et que j’agirais exactement comme avant, comme je l’ai toujours fait.
J’aurais dû m’appeler Constant.

Poème de Larissa Koval, « Sur la plateforme », proposé par Françoise T

1
Il était une fois l’amour et l’espoir,
Maintenant les trains se déversent dans le passé,
Et sur le quai bruyant je suis sans voix, –
Je te dis au revoir pour toujours.
Refrain :
Sur l’estrade, sur l’estrade bruyante
La vie passe, comme passe un instant.
Le vent froid dans le temple grisonnant
bruisse doucement à propos de quelque chose d’oublié.
Sur l’estrade, sur l’estrade bruyante,
Où retentissent les trompettes des adieux douloureux,
Des chevaux à crinière d’or les portent quelque part,
Où il n’y a plus de divorces ni d’attente.
2
Attendre quoi, attendre n’est pas chagrin.
Et la rencontre, qu’elle se produise ou non –
Des montagnes noircies se dressent entre nous,
Mais l’espoir brille dans le noir.
Refrain.
3
Les érables ont déjà perdu leurs feuilles trois fois,
Ils ont été emportés trois fois par le flot du temps,
Et tu brilleras toujours pour moi,
Comme une étoile invisible, de personne.

Je vous remercie toutes et tous pour vos messages de soutien suite à l’article paru mardi sur le blog. 

Du soutien et du courage, il va m’en falloir car je dois vider la maison de mes parents en novembre, vendue. Pendant les 30 dernières années, nous y vivons vécu de beaux moments en famille. Tout est disloqué. Tout disparaît. Restent les souvenirs. Entre nous, ils sont beaux, mais ils n’ont pas la même saveur. Ils peuvent être plus amers que sucrés.

On ne peut jamais revenir en arrière. C’est vrai. 

Moi, cette année, je paierai cher pour revivre un bout de Noël avec ma mère, avec toute ma famille réunie. Je ne savais pas en ce Noël 2021 que c’était la dernière fois que nous serions tous ensemble. 

La fin de l’année arrive à grands pas, sous des douceurs estivales, du moins en France!

Portez-vous bien et surtout prenez soin de vous

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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