J’ai été étonnée, pour cette proposition d’écriture N° 145, de ne pas lire de textes sur les hommes et femmes politiques, les plus grands bonimenteurs et manipulateurs qui soient, avec les dictateurs. Ils nous en font avaler des couleuvres ces gens-là! Et cela ne les gêne pas et ne froisse leur égo surdimensionné.

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Gérard

“Le Nègre”

-Non mais, t’as vu à qui ils ont donné le GONCOURT cette année !
Chaque année, c’est la même chose, les jurés ne pensent qu’au repas au homard et au champagne qu’ils vont se faire chez DROUANT. En sortant, ils choisissent le pire des romans.
C’est à pleurer.
-Et le NOBEL, non mais t’as vu le NOBEL de Littérature cette année, ils ont nobélisé l’écriture plate ! Et pour être plat, c’est plat ! Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Annie ERNAUX elle-même !
Parce que tu vois, l’écriture, moi je sais ce que c’est, je baigne dedans depuis plusieurs dizaines d’années.
Ah ça, j’en ai écrit des bouquins, des romans, des biographies, des polars, tous les styles j’ai fait ! Et malheureusement, je n’ai pu en signer aucun.
Je suis le « nègre » de tout le monde !
Pourquoi je n’ai jamais signé mes livres ? Mais, parce que les dés sont pipés dès le départ.
Si tu n’es pas de mèche avec les éditeurs, si tu refuses de marcher dans leurs combines, si tu n’es pas le copain des auteurs établis, des critiques ou des politiques, tu peux toujours présenter tes manuscrits, macache walou, tu ne seras jamais publié !
Si tu veux vivre de ta plume, tu n’as plus qu’à écrire en te cachant derrière les autres, ce que je fais depuis des décennies.
Et ça marche !
Tous les vainqueurs des prix GONCOURT, RENAUDOT, FEMINA et tutti quanti, tu peux être sûr d’une chose, c’est qu’ils ont tous mon 06 et mon adresse mail.
Et crois-moi, on est en pleine saison, alors dans les jours à venir, il va sonner mon portable, normal, il faut déjà préparer la saison d’automne 2023 !
Et oui, un chef d’œuvre, ça se prépare un an à l’avance.
Pour qui je travaille ?
Mais je viens de te le dire : Pour tout le monde !
Mélissa DA COSTA, Guillaume MUSSO, Michel BUSSI, Aurélie VALOGNES, Leïla SLIMANI, Laurence S, ils sont tous passés par bibi.
Attention, je ne te dis pas que j’ai écrit TOUS leurs bouquins, mais quand ils sont en panne d’inspiration, que leur plume reste inerte, que la page blanche demeure vide, que crois-tu qu’ils font ? Ils font mon 06 !
Comment ça j’exagère ?
Mais tu n’y connais rien, tiens regarde les politiques, tu crois que parce qu’ils sont des politiques connus, ils savent tous écrire ?
Ah ça non !
Par contre, ils ont BESOIN d’écrire. Parce que ça leur donne une bonne image, parce qu’il y a un marché, parce que ça leur permet de faire des radios et des télés !
Alors, ils m’appellent, j’adapte le style et j’écris ce qu’ils veulent…
De tous bords, je m’adapte, je prends le marché d’où il vient, je ne fais pas de politique.
Des exemples ?
Je viens de terminer les deux premiers volumes de « Réhabilitation de la Révolution Française » que va sortir Jean-Luc MÉLENCHON : « FOUQUIER-TINVILLE, la tendresse sous la lame » et « Maximilien ROBESPIERRE, cet incompris ».
Pour Éric ZEMMOUR, je planche sur « Adolphe, reviens ! », qui sera la suite de « Boubacar, repars ! » qui avait fait un joli succès d’édition l’année dernière.
Comment ça, je suis ignoble ?
Mais c’est le marché, mon vieux, c’est comme ça que ça fonctionne, si ce n’est pas moi qui l’écris, ce sera un autre !
Tu me traites de mythomane !
Mais c’est une super idée que tu me donnes là :
Après le mouvement ME-TOO, c’est le mouvement MYTHO qui va cartonner !
Après SUPERMAN, SPIDERMAN et BATMAN, je vais lancer un nouveau super-héros : MYTHOMAN !
Je crois que je vais me lancer dans les scénarios de BD…
HOLLYWOOD ne devrait pas tarder à m’appeler, il va falloir que je me mette à l’anglais !


De Nabil (hors proposition d’écriture)

Les visages qui hantent

Des visages pétillants
Verdoyants et rayonnants
Clairvoyants en vision
Beaux en admiration
Forts en abnégation.
Jeunes du pain de la peine
A la rive de la montagne
Au pain du courage
Au coeur de l’hommage
Pour ces enfants sans fromage.
Du pain de l’Évangile
Au pain de la vie de jule
Je rends grâce à Dieu
Le soutient Miséricordieux
Qui nous rend radieux
La suite de cet exemple
Dérivera nos Temples
En intégrant nos sens
Différentielle-ment intense
Au profit d’Hortense.
Elle fleurit
Au point d’être un abri
Pour toute l’humanité
A titre d’intégrité
Suite à votre sensibilité.


De François (proposition d’écriture N° 144)

Je franchis, par un beau matin d’automne, le portail grinçant de la chapelle st Michel du Puy en Velay pour m’élancer sur les pas des pèlerins de Saint Jacques. L’appel de ce chemin était pressant et résonnait dans mon cœur depuis si longtemps.je parcourus la première étape à bride abattue, mêlant les découvertes impromptues , les émerveillements inattendus et la joie de me sentir en mouvement. Chaque cellule de mon corps vibrait de cette intense pulsation qui me portait vers la vie.
Je choisissais, pour ma première halte, le gite des quatre chemins qui annonçait déjà l’espérance d’horizons nouveaux. Je pénétrai timidement dans ce gite insolite où la musique reggae invitait les randonneurs à se trémousser en oubliant les premières fatigues du jour et à se désaltérer en dégustant la bière locale… l’abus de mousse et l’afflux immodéré de rousse commencèrent à produire leurs effets. Je fus rapidement atteint de diplopie. Je commençais à trébucher, à divaguer et même à proférer des propos grivois. J‘invitais à danser tous les êtres féminins de passage ce soir-là ,improvisant un improbable passe-pied qui surgissait du tréfonds de ma mémoire…était-ce une première nuit initiatique ou une tentation ultime avant la longue marche rédemptrice ? J’engloutissais tous les aliments qui se présentaient :charcuterie locale, fromage du Cantal, desserts somptueux et même de surprenants perlots qu’un rêveur breton avait généreusement offerts. Incapable de fermer l’œil de la nuit, je repartis à l’aube en titubant, manquant à chaque pas de m’effondrer dans les ornières du chemin. Je respirai les fragrances veloutées des sous-bois, j’effleurai la mousse humide des futaies, je caressai les feuillages tremblants des charmilles…je découvris les sublimes créatures de la forêt : demoiselles végétales, chanterelles, craterelles et l’étonnante helvelle qui jalonnaient mon chemin pour me guider insensiblement dans les frais ombrages. Peu à peu, je repris mes esprits, je marchais en découvrant ce chemin initiatique qui allait progressivement faire émerger ma véritable personnalité…au fil des chapelles, basiliques, sanctuaires et autres sacristies , les ombres criantes de ma personnalité contrastaient avec la lumière rayonnante des pèlerins exaltés. Je commençais discrètement à dérober ici un ciboire d’argenté, là un crucifix en olivier. Mais d’étape en étape, je dus me rendre à l’évidence…j’étais atteint de simonie…Mon sac s’alourdissait chaque jour de mon butin de mécréant…mon dos pliait sous la charge qui s’accroissait de jour en jour…mon rêve ultime était de confisquer le suprême botafumeiro. Je réussis à convaincre les serviteurs de cet encensoir volant et à m’intégrer dans leur équipe. Après de longs mois, de mise à l’épreuve, l’équipe me confia la responsabilité de cet oiseau sacré…je profitai sournoisement d’un jour de relâche pour accomplir mon ultime méfait… j’avais sous-estimé mes qualités sportives amoindries par deux mois d’effort. En décrochant le précieux graal, je perdis l’équilibre et je me fracassai le crane sur le marbre glacé de la nef centrale…ainsi s ‘acheva ce pèlerinage extraordinaire.

De Martine

– Mais c’est qui ce zig ? Ça fait quoi, deux ans qu’il a rejoint le groupe et tu sais qui il est, toi ? Parce que moi j’ai de sérieux doutes sur la véracité de tout ce qu’il nous raconte. De l’esbroufe , ça il sait faire mais aucune idée au bout de tout ce temps de comment il gagne sa vie, où il habite, d’où il vient… Un affabulateur ou un manipulateur de première, oui ! Tu y crois toi, à sa dernière conquête, cette Vanessa, cette bombe ? On n’a jamais rencontré aucune des précédentes, Julie, Margot… À croire qu’il les a inventées. Et cet emploi mirobolant qu’il a eu en Italie, il devrait être pété de tunes, mais t’as vu comme il est fringué, il a toujours le même pull !
– Ben dis-donc Corinne, je ne t’ai jamais vue aussi remontée contre qui que ce soit. Tu ne crois pas que tu y vas un peu fort ? Il n’est pas obligé de tout nous dire et puis reconnais qu’il est plaisant. Depuis qu’il est de nos petites soirées du vendredi soir, on s’amuse bien !
Je pense qu’on ferait mieux de l’aider plutôt que de parler ainsi derrière son dos. S’il a des soucis, il a sans doute comme tout le monde un peu d’orgueil, il ne va pas les étaler.
– Mais tu es aveugle à son petit jeu ? Je suis la seule à sentir qu’il y a un loup ? Tu crois pas que tu t’es laissé charmer par sa belle gueule et son petit cul ? Comment les mecs du groupe le supportent ? Il sait tout, il sait tout faire, il connaît plein de monde, mais je te fais remarquer qu’il nous a jamais mis en relation avec qui que ce soit. Il est vrai que l’alcool et les plaisanteries, plus ou moins fines d’ailleurs, sont régulièrement au menu de nos soirées.
… Je réalise que c’était mieux avant, quand il n’était pas là. Il trouve le moyen de se mettre au centre et de tirer les ficelles. On ne se parle plus comme avant, j’ai l’impression qu’on ne partage plus grand chose. Bien souvent, quand l’un ou l’autre veut aborder un sujet un peu sérieux comme son boulot, la conversation comme par hasard dérive sur un sujet à la con. …
– T’es vraiment critique ! Mais tu sais quoi, tu fais mouche ! Tu sais ce que m’a raconté Carole ?
– Carole ? Elle est sous son emprise ! Tu as vu le numéro que les deux nous ont fait il y a quinze jours ? J’avais envie de faire un cœur avec mes mains et de chanter Romain et Carole, c’est pour la vie…
– Eh bien, je peux te dire qu’elle en est revenue ! Tu sais comme elle est, du genre rentre dedans. Elle m’a avoué qu’elle lui avait proposé de le raccompagner chez lui, elle était quasi certaine qu’après leur rapprochement à cet anniversaire, ça y était, elle était partie pour une petite aventure. Rien ne s’est pas passé comme elle l’aurait souhaité. Il s’est montré tout à coup très pressé, il ne rentrait pas chez lui, désolé, il fallait absolument qu’il passe voir sa mère…. Tu peux y croire ? Il ne nous a jamais parlé de sa mère, il me semble bien qu’il avait confié à Pablo qu’il avait coupé toute relation avec sa famille… Il s’est aussi montré très froid, bref, rien à voir avec son comportement au cours de la soirée. Il n’a pas proposé de la revoir, rien… Le vendredi suivant, elle n’a pas eu le courage de venir, elle s’était sentie jetée, elle était mortifiée. Et heureusement qu’elle s’est abstenue ! C’est là qu’il nous a parlé de sa dernière conquête, Vanessa, dont les parents possèdent un vignoble dans le Médoc. Quand Jules s’est exclamé que désormais ce serait lui, Romain, notre fournisseur en vins pour nos soirées, c’est tombé à plat. Tu as sans doute remarqué qu’il n’a jamais participé aux frais. Les gars auraient pu le charrier tout de même depuis le temps, mais on dirait qu’il y a quelque chose chez Romain qui nous tient à distance.
– À propos de Jules, tu te souviens comme au printemps dernier, il souffrait particulièrement de son tennis-elbow ? Il avait alors demandé à Romain, si lui aussi en était atteint, ça aurait pu. Romain nous avait raconté ses exploits sur les courts et aussi qu’il avait eu l’occasion de jouer avec Henri Leconte quand celui-ci était au sommet de sa forme. Tu aurais vu la tête de Romain ! Comme s’il n’avait jamais entendu ce mot, tennis-elbow. Jules n’a rien dit, mais je me rappelle ce qu’il a maugréé entre ses dents : eh bien, je crois avoir compris pourquoi toutes mes invitations à faire quelques balles tombent à l’eau… Je n’en avais rien pensé sur le moment… Il semble bien que nous ne sommes pas les seules à relever des bizarreries.
– Pour autant, jusqu’à aujourd’hui, personne n’en avait parlé !
– Dans le fond, on a peut-être tous un peu pitié de lui. Je crois bien que je le considère comme un malade. Je crains ses réactions si je le confronte aux incohérences de ses discours. Et j’ai pas envie de le voir par terre, mis à nu.
– Ben, ça va pas être facile vendredi prochain ! Je vois pas comment ça va évoluer, on ne va pas pouvoir continuer à faire semblant de ne pas voir clair dans son jeu. Il faut le démasquer sans l’humilier…
– Et si, on lui disait que cette fois, pas question qu’il garde sa conquête cachée, qu’on veut qu’elle soit présente vendredi sans faute ? On ne lui donne aucune chance de se défiler, pas de Vanessa, pas de soirées aussi longtemps qu’il ne plie pas. Quitte à le charrier sur la réalité de l’existence de cette Vanessa.
– T’es pas un peu naïve ! Il va nous dire qu’ils ont rompu.
– Peut-être, mais ce sera la première fois qu’on entre dans son territoire, il n’est pas idiot, il sentira bien qu’on s’interroge… On peut tenter…
Aucun membre du groupe ne revit jamais Romain après ce vendredi où tous lui demandèrent d’une seule voix : Amène-nous Vanessa, sinon pas de réunion !
Romain et Vanessa avaient rompu le matin même.

De Jacques

Le mythomane

Pourquoi serais-je un menteur?
Je ne connais que le vrai!
Je ne vis pas du faux
Je m’imagine au fur et à mesure

J’invente le vent
J’invente les menaces
J’invente la guerre
J’invente les inventions du siècle
Je suis docteur en tout
Je sais tout
J’ai réponse à tout
Et tout est vrai

Présider mon pays, le Labech, est mon rêve
Tout pour y arriver, toutes les tactiques
Fabriquer des scandales
Fabriquer des malversations
Aller de ville en ville
Discourir de foules en foules
Parler d’infortune, de leur infortune
Du malheur qui les frappe
À cause de lui, le monstre aux doigts crochus
Cibler les monstres, les voleurs de race :
« L’avez-vous vu? Ce sont eux là-bas. Les voyez-vous se rire de vous?
Arrogez-vous le droit de le dénoncer, de les tuer. Pointez-les d’un signe distinctif. »

Et la masse crie
Et la masse chante de mon bonheur
Quelle joie de les voir fourbir leur haine, leurs armes
Alors, j’accroche mes discours à cette peur
Je leur rêve des visions
J’apocalypse leur avenir
Ils en sont la cause
Agir, si non ce sera la fin
Adonc, je leur crie : « PRIEZ, PRIEZ, PRIEZ!»
Que Dieu seul est la source
Vous n’êtes pas seuls, IL les déteste aussi

Et ma favele évolue
Je parle aussi des fançons
Des dangers que j’endevine et qui les guettent
Parce que le mal est partout
Ce maraudeur, ce voleur de souffle
Et par le souffle du Z ils disparaîtront.


De Lisa

Elle est attiré par ce jeune homme
Qui envoie une beauté à en crever
Mais quand le fanfaron lui adresse l’éloquence
Même son coeur veut parloter

Comment ne pas tomber sous son charme
Le Don Juan de Pigalle
Car elle croit au parfait amour
Il harangue comme un troubadour

Elle le trouve beau
Elle suffoque de ces mots
Elle l’écoute son accent
Qui la fait vibrer naturellement

Le soir-même, sans réfléchir
Elle tombe comme une mouche
Il sait qu’elle est un numéro
Et le flambeur joue du baryton

Comment ne pas tomber sous son charme
Le Don Juan de Pigalle
Car elle croit au parfait amour
Il lui parle comme un troubadour

Elle le trouve beau
Elle suffoque de ces mots
Elle l’écoute son accent
Qui la fait vibrer naturellement

Mais le lendemain, il part faire son tour de piste
Il reprend ses valses de paroles
Et elle croit dans son coin
Qu’il va la rejoindre dans ses draps

Comment ne pas tomber sous son charme
Le Don Juan de Pigalle
Car elle croit au parfait amour
Il lui parle comme un troubadour

Elle le trouve beau
Elle suffoque de ces mots
Elle l’écoute son accent
Qui la fait vibrer naturellement


De Françoise V

La légende raconte qu’un jour la vérité et le mensonge se sont croisés …
—Bonjour a dit le mensonge.
—Bonjour a dit la Vérité.
—Belle journée, a continué le Mensonge.
Alors, la Vérité est allée voir si c’était vrai. Ca l’était.

—Belle journée, a alors répondu la Vérité.
—Le lac est encore plus beau, a dit le Mensonge avec un joli sourire.
Alors la Vérité a regardé vers le lac et a vu que le Mensonge disait la Vérité et a hoché la tête.
Le Mensonge a couru vers l’eau et a lancé :

—L’eau est encore plus belle et tiède, allons nager…
La Vérité a touché l’eau avec ses doigts et elle était vraiment belle et tiède. Alors la Vérité a fait confiance au Mensonge. Les deux ont enlevé leurs vêtements et ont nagé tranquillement.
Un peu plus tard ,le Mensonge est sorti, il s’est rhabille avec les vêtements de la Vérité et il est parti. La Vérité, incapable de porter les habits du Mensonge, a commencé à marcher sans vêtements et tout le monde s’est éloigné en la voyant nue. Attristée, abandonnée, la Vérité se réfugia au fonds d’un puits .
C’est ainsi que depuis lors, les gens préfèrent un Mensonge bien habillé qui arrange à une Vérité nue qui dérange.
Un état de fait, qui pourrait expliquer une grande part du mutisme et de l’inaction face aux dangers qui nous guettent.


De Laurence H

Un mensonge
Pour se cacher
Pour travestir
Pour se jouer de la Vie
Pour embellir et se rêver autre

Moi,
Si je te choisis comme confident
C’est pour ton regard bienveillant
C’est pour te dire mes joies, mes peines
Ma vérité
Je préfère le silence au mensonge.

De Marie-Josée

Le repas de Noël

C’était la fête de Noël aux ‘’ Glycines’’. Paul s’était mis sur son trente-et-un, une magnifique journée s’annonçait. Depuis qu’il avait investi cet établissement, il était dans son élément. Peu d’hommes pour lui faire concurrence et beaucoup de femmes, des femmes. Ah des femmes ! Il était comme le coq en pâte, elles buvaient ses paroles, poussaient des ‘’ah ‘’et des ‘’oh’’ admiratifs, il ne restait plus qu’à choisir lesquelles il allait honorer de sa présence.
Un grand sapin illuminé, des tables rondes recouvertes de nappes blanches parsemées d’étoiles dorées et des guirlandes multicolores rendaient la salle à manger méconnaissable. Il fit le tour de la pièce et à sa grande surprise. Toutes les tables étaient occupées ou les places vacantes réservées. Une aide-soignante vola à son secours :
Monsieur Dupont de la Vareille, vous pouvez vous installer là-bas, dit-elle ,en lui désignant celle près de la porte.
—Merci, vous pouvez m’appeler Paul, répliqua-t-il en esquissant une grimace en guise de sourire.
Ce n’était pas de bol, lui qui craignait les courants d’air et pour comble de malchance, il allait falloir subir la compagnie de Lucie, une vraie langue de vipère et de Thérèse qui n’était pas rigolote pour deux sous. Il s’assit à contre cœur en face d’elles. La présence de Jacqueline et Pierre, un couple très réservé, lui mit un peu de baume au cœur. Il ne manquait plus que le sixième convive pour compléter la table et il se demandait qui cela pourrait bien être. Les femmes papotaient entres elles de tout et de rien, le couple était dans sa bulle et Paul, faute de mieux, avait pris la carte de menu et l’avait lue à voix haute :
—Voyons voir, qu’ont-ils prévu cette année pour nous régaler : aumônière de saumon, rôti de sanglier sauce canneberges, bûche de Noël au sirop d’érable. J’ai l’impression que ce menu a été concocté spécialement pour moi, il me rappelle la période où j’étais trappeur au Canada. La vie dans les bois était rude mais le marché de la fourrure était florissant et je m’étais fait un beau pactole. Nous étions nombreux à chasser le castor, le loup et le renard. Je me nourrissais de ce que la nature m’offrait. Je pêchais le saumon que je rôtissais à la braise et je peux vous certifier que c’était un délice, rien à voir avec ce qu’on va nous servir tout à l’heure. Les canneberges, il y en avait à perte de vue, bien croquantes et juteuses pas comme ces quelques malheureuses qui nageront dans la sauce. Je les ramassais à pleines mains, mais elles n’étaient pas seulement appréciées par les humains, les ours en étaient également très friands. Un jour, j’ai eu la frayeur de ma vie. Figurez-vous que je me suis retrouvé nez à nez avec un énorme ours brun…
—C’est bon Paul, nous savons que tu es un héros, l’interrompit Lucie, que tu as fait fuir l’ours au Canada et terrassé un lion dans la savane africaine.
—Eh oui, c’est pas comme vous autres, moi j’ai roulé ma bosse, j’en ai vu et vécu des choses mais si cela ne vous intéresse pas.
—Continuez, moi, ça m’intéresse, répondit Jacqueline. J’ai toujours rêvé d’aller au Canada, surtout en automne, mais maintenant c’est trop tard.
—Ma pauvre chérie, je ne le savais pas, dit son mari d’un air penaud.
—Je disais donc, reprit Paul en bombant le torse, l’ours était derrière un buisson et quand il se redressa…
—Excusez-moi de vous interrompre Monsieur Paul, dit la directrice de l’établissement,
j’aimerais vous présenter la Comtesse Suzanne de Waldenbourg qui est notre nouvelle pensionnaire. J’ai pensé qu’elle serait en bonne compagnie à cette table, et que ce repas serait l’occasion idéale pour faire plus ample connaissance.
La directrice s’éclipsa pour sa traditionnelle allocution de bienvenue à l’issue de laquelle le repas fut enfin servi.
—Je suis tellement contente de retrouver la gastronomie française après toutes ces années passées à l’étranger, dit la Comtesse en consultant la carte de menu. Il faut dire que j’en ai visité des pays, avec mon mari diplomate, vous pensez bien que j’ai goûté aux cuisines du monde entier, mais j’en reviens toujours à la française.
—Encore heureux, lui répondit Thérèse, une adepte du mondialisme à notre table aurait été intolérable, n’est-ce-pas Lucie ?
La comtesse ne laissa pas à Lucie le temps de répondre et enchaîna :
—Rassurez-vous ma chère, même si mon mari, le Comte de Waldenbourg était autrichien et que j’ai vécu là-bas un certain temps, je suis toujours restée fidèle à mon pays.
—Vous avez vécu dans un château ? demanda Jacqueline admirative.
—Pour ainsi dire. Certes, ce n’était pas Versailles, mais une très belle propriété entourée d’un grand parc. C’était la demeure familiale de mon mari et nous y séjournions entre deux missions. Il y avait toujours du beau monde et les diners étaient somptueux.
Oublié le Canada. Paul n’avait plus voix au chapitre. La Comtesse racontait sa vie à la ‘’Sissi’’ durant tout le repas et après la bûche, il avait les oreilles qui chauffaient.
Les autres convives étaient sous le charme, même Lucie avait baissé la garde et ne fit aucun commentaire acerbe.
—Chère Comtesse, vu nos vies tumultueuses, j’ai l’impression que nous nous sommes déjà croisés, tenta Paul pour reprendre la main.
—À bien y réfléchir, vous me semblez également familier, peut-être lors d’un safari ? ou dans un dîner mondain ?
—Moi par contre, intervint Pierre, je suis certain de vous avoir déjà rencontrée, au lycée à Châteauroux précisément. A l’époque, tu t’appelais Suzanne Legendre et tu inventais déjà des histoires à dormir debout mais nous n’étions pas dupes.
Elle répondit sans ciller :
—C’est vrai que j’ai fréquenté ce lycée, mais je ne me souviens absolument pas d’un Pierre Lebrun. Ma rencontre avec le Comte m’a ouvert de nouvelles perspectives que vous le croyiez ou pas.
Un intermède de chansons de Noël mit un terme à la discussion et Thérèse murmura à l’oreille de son amie Lucie :
—Je me disais bien que quelque chose clochait et me demandais comment une comtesse avait atterri ‘’ Aux Glycines’’.
—Tu as raison, répondit celle-ci, maintenant nous avons également la version féminine de Paul, ça promet.

De Dominique

L’île fantôme.

Voici qu’il pleut en ce dimanche d’automne.
J’ai pris ma bonne résolution de la journée en sortant me balader à pied dans les rues de la ville, quand tout à coup, la pluie devient si forte qu’elle m’obligea à me mettre à l’abri.
Au loin, un néon publicitaire engageant m’invite à franchir la porte du ” Temps qui court”, c’est un bistrot, entrons…
L’ambiance est bruyante et enfumée, mais je vais être au sec. Je m’attable et passe commande :
— Un grand café s’il vous plaît ! Ça va me réchauffer.
Machinalement, j’observe les gens. Ils se racontent leurs aventures de cette fin de semaine à grandes gesticulations désordonnées. Les uns rient, d’autres s’esclaffent, tous prétendent refaire le monde en commentant les dernières déclarations politiques du jour. C’est curieux, c’est marrant, c’est instructif cette mini-société qui réagit à tout et qui “sait” quoi faire pour répondre aux maux des uns et des autres.
La tablée en face de la mienne est constituée de quelques rugueux gaillards qui, par leurs traits burinés et casquettes de marins, démontrent leur expérience de la navigation.
L’un d’eux, vieux loup de mer accompli, regarde autour de lui et, à voix basse, confie à ses compagnons de soirée son grand secret de bourlingueur.
— Chut les gars, il ne faut surtout pas que ça se sache mais, je connais l’existence d’une île où est caché un trésor. Un jour elle portera mon nom.
Un de ses camarades, connaissant le fameux secret mille fois raconté, mais que personne ne doit entendre, lui lance :
— Arrête ton cinéma Marcus, ton histoire, tu as dû la rêver après une longue soirée trop arrosée !
Marcus, vexé par les rires et les réflexions qui fusent, leur répond :
— Riez toujours les gars, mais quand je reviendrai les bras chargés de lourds lingots, on verra les têtes que vous allez faire à ce moment-là !
L’un des fringants marins attablés voulant pousser plus loin les élucubrations de son ami, lui demande alors ;
— Comment as-tu eu vent de cette fameuse île au trésor mon cher Marcus ? Reconnais que tu nous mènes en bateau, non ! Entre marins, on comprendrait…
Les loustics saisissant alors le jeu de mots, rient à pleines gorges.
— Allez sans rancune, Marcus.
— Une autre tournée patron, c’est Marcus qui régale.
— OK, je lui mets ça sur sa note spéciale “trésor des îles “.
— Très bien les gars, continuez vos sarcasmes, j’embarque bientôt avec mon ami le capitaine Santos pour les Îles “fantômes” et, dans quelques mois, on verra ce que l’on verra. Là-bas, des jolies Vahinés m’attendent les bras ouverts, et le chef du village qui m’a à la bonne, est prêt à me prendre comme conseiller spécial. Bientôt, cette île portera mon nom, je vous l’assure ! Toute ma fortune sera partagée avec les gens qui ont su me montrer leur reconnaissance, pas comme vous, bande de “faux frères”. Bientôt, vous n’aurez plus que les yeux pour me pleurer et ce sera bien fait pour vous.
— Allez Marcus, te fâche pas, raconte nous comment tu as découvert ta carte au trésor ? On aime à t’entendre nous la relater encore.
Le bonhomme, jetant des œillades de droite et de gauche, sait-on jamais, se met à parler :
— Pendant la guerre, nous avions capturé un officier Allemand en déroute. J’étais chargé de le fouiller au corps, quand j’ai trouvé une carte détaillée dissimulée dans un de ses paquets de cigarettes. Il est vite passé de sa poche à la mienne. Plus tard, dans la nuit, j’ai étudié ce mystérieux document. J’ai eu très vite la conviction qu’il s’agirait de ma bonne fortune.
— Arrête Marcus, tu racontes n’importe quoi, lui dit un marin incrédule.
— Je dis peut-être n’importe quoi, mais je vois que tu as les yeux qui pétillent de curiosité. Tu aimerais bien le voir mon plan n’est-ce pas ? lui répond Marcus.
— Là-bas, quand je suis arrivé avec mon parchemin j’ai été accueilli comme un prince. Avec les guerriers les plus vaillants de la tribu des “Moaki”, nous sommes partis à la recherche du trésor. Pour eux, c’est la beauté de l’or et des pierres qui les intéresse, pas la valeur marchande. Bon, pour l’instant je n’ai encore rien trouvé, mais dès que je serai “remplumé”, je repars poursuivre mes recherches avec le capitaine “Santos”.
Les marins, toujours incrédules, lui demandent des preuves de ce qu’il avance.
— Montre-la nous cette carte au trésor, ce parchemin sacré ! Quand on verra cette preuve, peut-être qu’à ce moment-là on changera d’opinions sur tes bobards.
— Vous pouvez toujours rêver les gars, mon plan est caché bien au chaud, à l’abri de vos convoitises malsaines.
Marcus, déboutonnant le haut de sa chemise, s’exclama :
— Regardez cette amulette sacrée qui pend à mon cou, ce n’est pas une preuve ça ?
Une figurine sculptée dans le bois trône accrochée à sa chaîne.
— C’est le sage du village qui me l’a offerte. Elle représente la déesse de l’abondance, elle est vénérée par la tribu des “Moaki”.
— Ta breloque, ne serais-tu pas allé l’acheter ce matin à la brocante du village ? s’écria un marin dubitatif.
Découragé par toutes les moqueries et railleries décochées par son public sceptique, Marcus se lève et prend la direction de la sortie en brayant. D’un pas rapide, il atteint la porte du bistrot et lève son chapeau en criant à la cantonade ;
— Salut la compagnie, et il claque vivement la porte.
De ce geste large, je remarque un papier qui tombe de son couvre-chef. En apparence, moi seul l’a remarqué.
Après avoir payé ma note, je me dirige vers le précieux document qui repose à même le sol. Semblant me refaire un lacet, je ramasse ce que je crois être la fameuse carte au trésor.
Vais-je découvrir les coordonnées de cette île mystérieuse ? Le cœur battant la chamade, j’attends d’être à l’extérieur pour la déployer. La pluie ayant cessé, je peux découvrir son contenu.
À ma grande déception, elle était sans signe particulier, il n’y a ni piste à suivre, ni de coordonnées secrètes, ni même de croix indiquant le fameux trésor caché sous un arbre. Seule, une inscription écrite à la main, apparaît. Elle dit :
Le plan ne se révèle qu’à ceux qui y croient !
En lisant ces mots singuliers, j’ai la désagréable impression d’avoir été pris pour la victime naïve de ce charmant farceur mythomane.

De Nicole

Une vie inventée

A ta mort, un voile s’est levé sur ta vie.
Et si tout était faux ?
Quand as-tu commencé à fabuler ?
Tu racontais ton enfance bretonne aventureuse, digne de la guerre des boutons.
A vingt ans, tu voyageais en Amérique centrale pour éviter la guerre d’Algérie.
Tu parlais si bien des civilisations précolombiennes, de leurs vestiges, du Machu Picchu de Castaneda.
De cette vieille danseuse qui vivait à Death Valley Junction qui te donnait une leçon.
Tu semblais habité par ton expérience.
Rentré en Europe, tu fuyais l’armée, tu as choisi la Belgique comme point de chute.
Pourquoi ? Mystère.
Comment vivais-tu ? En clochard céleste ?
Tu t’imprégnais de la vie des autres, tu entrais leurs têtes, leurs souhaits… Peut-être donnais-tu des réponses qu’ils, qu’elles cherchaient.
Avec un amour ardent pour une femme, vous partiez pour un voyage sans retour.
Vous êtes revenus.
Un enfant plus tard, la vie vite devenue impossible entre vous, séparation houleuse.
Tu fus un bon père.
Tu vivais alors dans la musique que tu écoutais : jazz, Mozart, Moyenâgeuse.
Ton « héros » d’écriture, Céline, y compris les pamphlets. Rimbaud, Baudelaire, Cioran, Léautaud. Tu connaissais tant de choses.
Le voile déchiré : pas de voyage en Amérique centrale pour fuir l’armée, tu étais caporal pendant la guerre d’Algérie.
Tu avais deux fils laissés aux soins de leur mère. Venu en Belgique parce qu’elle était enceinte, un amour de vacances.
Tu as exercé différents métiers, correcteur d’imprimerie ?
Tu vivais reclus dans un appartement, retiré du monde, disais-tu.
Le voile déchiré a laissé place au questionnement « tout était-il faux ? ».
Un peu difficile comme héritage.
Ta mythomanie t’a elle rendu heureux ?

De Catherine G

Zorro

Ce lundi -là, dans la petite ville des bords de Creuse, les cœurs vibrent de l’émoi des événements de la veille. Il y a ceux qui étaient présents et ont tout vu, et ceux qui l’ont appris par le journal du matin. « Accident tragique sur le champ de foire : un taureau a blessé un enfant ».
Bernard était parmi les gens sur place. Bernard, réputé peureux, voire hyper trouillard, vient régulièrement chez nous regarder Zorro à la télévision, et nous nous moquons gentiment de lui qui, lors des situations périlleuses pour le vengeur masqué, recule au fin fond du couloir pour s’éloigner le plus possible de l’écran et donc du danger. Regarder du plus loin qu’il peut doit le sécuriser un tantinet, tout en guettant l’écran du coin de l’œil, tandis que son index tirebouchonne nerveusement ses cheveux.
Donc, notre Bernard était bien la veille à la foire aux bestiaux sur le champ de foire. Et le voilà aujourd’hui, en pleine heure de gloire, face à son public éberlué, dubitatif, et hilare … sous cape, en l’occurrence nous, ses copains, auxquels il raconte une aventure extraordinaire dont il fut le héros, ce que le journal avait malencontreusement omis de relater. Une grande injustice .
« J’ai tout vu! J’ai vu le taureau énervé, et quand il a foncé sur le gamin, ni une ni deux, j’ai sauté par-dessus la barrière, je me suis jeté devant le taureau en furie, je l’ai bien regardé dans les yeux, je l’ai saisi par les cornes, et de toutes mes forces, je lui ai tordu le cou jusqu’à ce qu’il tombe à genoux. Et après je l’ai bloqué longtemps, le temps qu’ils évacuent le gamin. Je n’ai même pas eu peur ! »
Il revit la scène en la racontant, la passion dans les yeux, parce qu’il y croit dur comme fer, à son histoire. Alors, nous, les copains, entrons dans son jeu, et nous l’interrogeons, pour qu’il s’enfonce un peu plus dans ses mensonges. On se pousse du coude et on se moque discrètement de lui. Et lui prend ça pour de l’admiration et en rajoute.
« Bernard, tu es notre champion! dit Patrick. T’as même pas eu peur ? Moi, j’aurais pas pu ! Bravo, mon pote ! »
Œillades complices avec les autres.
« C’est dégueulasse qu’ils en parlent pas dans le journal! Ça méritait , quand même !
« T’es plus fort que Zorro, finalement, Bernard ! »
Et lui, fier de sa prestation et de son succès auprès des copains, s’en retourne rasséréné chez lui, dans l’immeuble d’en face. C’est plus rassurant d’être maître de la situation que d’être envahi par la peur.

De Claude

LAISSONS NOS MYTHES AU LOGIS

Nous mentons tous, tous les jours, Ce qui est contraire à ce qu’on nous a appris. Oui, c’est vrai, mais sur des choses la plupart du temps sans conséquences. Pour arrondir les angles ou tenter de tourner une situation à notre avantage. Sinon, le monde serait invivable.
Combien de fois avons-nous dit, pour rassurer notre entourage sur notre santé, que « tout allait bien et qu’il ne fallait pas s’inquiéter ». Ou encore : « J’arrive dans cinq minutes alors qu’on sait pertinemment que l’on ne va pas se presser et arriver une heure plus tard ? ».
Combien de fois avons- nous répondu : « Non, non, pas du tout ! » à la question : « Je ne te dérange pas, j’espère ?» ou prétexté qu’on avait trop de travail pour éviter une invitation ennuyeuse voire pour éviter de rencontrer un (ou une) ex ?
N’avons-nous jamais proféré des contre-vérités telles que : « Cette tenue te va à ravir. Quelle élégance ! » quand la personne était fagotée comme l’as de pique ? Où : « Ton régime a l’air de bien marcher ! » à quelqu’un qui essaie, depuis des années, de perdre une dizaine de kilos et qui est toujours en surcharge pondérale. Ce qui est là, un gros mensonge !
Bref, nous mentons comme des arracheurs de dents. J’ai appris qu’à l’époque où il n’existait pas d’anesthésie, les dentistes mentaient en prétendant que l’opération était indolore.
Ce ne sont là que des petits mensonges, des pieux mensonges destinés, comme leur nom l’indique, à endormir la vigilance, à éviter de déranger ou de blesser, parfois à flatter, des amis ou des proches.
Mais il y a bien plus grave : dans les sociétés totalitaires, le mensonge est souvent nécessaire à la survie.
D’ailleurs, le mot « mensonge » ne manque pas de synonymes : contre vérité, canular, fiction, histoire, invention, blague, fable, fabulation, craque, salade ».
Mais j’y pense, notre cher La Fontaine, un homme à fables, serait-il un affabulateur ? Mentirait-il pour nous divertir et nous remonter le moral ? Ou se cacherait-il derrière des animaux pour fustiger la société de son temps ? Tout comme, beaucoup plus tard, Orwell, d’ailleurs.
J’ai connu une personne qui attirait l’attention de tous lors de fêtes ou de réunions, en racontant des histoires extraordinaires ; il avait, disait-il, parcouru le monde, rencontré de hauts dirigeants et même été reçu par le pape ! Il nous donnait force détails sur cette rencontre et lorsqu’on lui posait des questions plus précises, il répondait avec un aplomb qui éliminait tout doute sur la véracité de ses propos.
Il parlait avec emphase de son passé de champion de ski au sein de l’équipe de France. Tous les ans, lors de sa traditionnelle semaine aux sports d’hiver, avec sa famille, il arrivait avec une moisson de forfaits gratuits, qu’il distribuait à ses enfants ainsi qu’aux amis, affirmant qu’il bénéficiait de ces largesses au titre de son glorieux passé
Un jour, par le plus grand des hasards, je le retrouve lors d’une soirée, alors qu’il raconte devant une assemblée attentive qu’il a été invité au dernier festival de Cannes et qu’un réalisateur américain lui a proposé de partager dans son prochain film la vedette avec Sharon stone. Il n’oublie pas de mentionner les trois films, des succès mondiaux, évidemment, dans lesquels il a joué avec Sophie Marceau, Angelina Jolie et Monica Bellucci, suscitant un « oh ! » d’admiration (ou de surprise) de l’assistance, et même quelques réactions sceptiques. Je suis pour ma part, anti-sceptique. C’est pourquoi, n’y tenant plus, je me lève et lui lance : « J’ai vu vos trois films et j’ai adoré !». Son visage se décompose, mais il se reprend très vite en me remerciant puis en changeant aussitôt de sujet. Encore un qui cherche à gagner une bonne image de lui en s’inventant une nouvelle vie !
J’appris plus tard que son épouse l’avait surpris en train d’acheter ses forfaits de ski. C’est là qu’elle commença à avoir des doutes. Et de découvrir dans la foulée que celui qu’elle pensait être un sportif de haut niveau -sinon comment expliquer les montres de luxe, les voitures de sport et autres signes extérieurs de richesse ? – avait en réalité cumulé des dizaines de prêts à la consommation pour masquer sa déroute financière.
Un mytho, quoi, animé d’un grand vide qu’il cherche à combler par des fictions. Le problème est qu’il est loin d’être le seul, car nombre de personnes prennent leurs désirs pour des réalités. Il n’est que de lire la presse quotidienne pour s’en convaincre. Je pense à tous ces politicards miteux, aux doctrines mangées aux mythes, prêts à tout pour nous précipiter dans un univers calamiteux.
A quand l’anti-mytho ?

Poème de Cécile Coulon, « Le nom des choses humaines », proposé par Francoise T (hors proposition d’écriture)

Ce qu’ils appellent naissance
c’est un moment qui dure une seconde ou dix ans
dans le sang d’une salle blanche
dans le blanc des chambres d’amoureux
dans le cœur des hommes peu habitués
aux secousses des paroles et des palmiers.
Ce qu’ils appellent naissance devient
mon fils ma fille ma merveille mon trésor
une vie a pris place dans la leur
et cette respiration nouvelle
efface toutes les lettres du mot malheur.
Ce qu’ils appellent naissance ce sont aussi les signatures
entre deux pays ennemis en d’autres époques
qu’on pensait révolues mais la guerre a toujours sa main prise
Dans celle de l’ennui, de l’argent, du pétrole.
L’or noir a les dents blanches et la nuit les hommes
incendient des capitales pour un baril d’essence.

Ce qu’ils appellent amour
c’est une flèche dans le cou de la raison,
une flèche de plumes d’oiseau lyre, de cordes en nœuds marins,
un sentiment plus grand qu’un premier matin en Amérique,
une douleur au-delà des neiges himalayennes,
la douceur des rives aux eaux si bleues qu’on croit que sous la mer
il n’y a rien que l’œil du ciel éternellement ouvert.
Ce qu’ils appellent amour prend la forme du corps de l’autre,
soudain le sol la ville les murs se renouvellent,
on confond les nuits d’orage et le tambour du train,
on entend dans chaque bonjour le début d’un je t’aime,
dans chaque au revoir on espère à demain.
Ce qu’ils appellent amour
devient violent quand on l’enferme,
devient féroce quand on l’abîme,
on ne sait pas écrire mais on écrit quand même :
je vous aime mais je ne sais pas comment le dire.

Ce qu’ils appellent force est un reste d’enfance mal soignée,
de cour de récréation comme une cage,
de goût de poussière dans une bouche cassée.
C’est un muscle qui n’en peut plus d’être musclé,
un corps qui n’en peut plus d’être chaque soir payé
pour une vague sensation de plaisir
qui maintient les hommes forts debout
mais cette sensation-là, dans le secret des hôtels d’or,
d’autres l’appellent « dégoût ».
Ce qu’ils appellent force est un pays de montagnes douces,
aux pointes arrondies par les pluies et les troupeaux,
aux flancs qu’on prend pour des prairies, aux forêts
si larges qu’elles ressemblent à des paquebots,
sur le pont on entend chaque matin
le raffut des oiseaux.

Je passe mon temps à chercher
dans les lumières changeantes du soir
le vrai nom des choses humaines,
la vie se moque du langage
sous la poitrine une voix d’un autre monde
murmure : ce n’est pas la peine
vous n’avez pas besoin de comprendre
il vous suffit de reconnaître.


Ca fait du bien de lire ce genre d’histoires, n’est-ce-pas? Je sais que le weekend commence toujours bien quand vous recevez les textes de l’atelier d’écriture du blog LA PLUME DE LAURENCE.

C’est un plaisir toujours renouvelé de vous envoyer les histoires. 

J’attends vos textes pour la semaine prochaine avec grande impatience.

Je vous souhaite une belle semaine créative.

Portez-vous bien et surtout prenez soin de vous.

Pensez à mes guides et livres pour offrir en cadeaux à des personnes de votre entourage qui auraient envie d’écrire ou de se délasser.

Mes livres sont à des prix raisonnables!

Créativement vôtre

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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