La proposition d’écriture N°148 est donc la dernière de l’année 2022. Que de beaux textes de souvenirs de Noël à la lecture! 

La magie de cette période opère toujours, quelles que soient les circonstances de la vie.

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Christelle

LE PÈRE NOEL ET LE CHATON

À Mégrines, il fait nuit depuis plusieurs heures. Les maisons sont endormies. Le silence règne. Sur cette musique du silence, les flocons blancs dansent. La neige tombe sur la ville endormie sans faire de bruit. Les flocons saupoudrent de blanc les poils noirs d’un chaton âgé de trois mois, abandonné qui essaie de survivre. La rue est déserte : c’est la nuit de Noël.
Bientôt, les douze coups de minuit vont sonner pour la plus belle nuit de l’année.
Mais, le chaton ne le sait pas. Il a encore beaucoup de choses à apprendre. Surtout cette nuit particulière où il fait si froid. Il ne sait pas trouver un abri pour dormir au chaud. Il est seul pour se débrouiller, si seul et si ignorant des astuces des grands matous. Ce n’est pas comme ce gros minet blanc qui l’a chassé d’un coin chaud où il s’était blotti. Il en sait des choses, lui ! Mais quel égoïste est-il ! Croyez-vous qu’il aurait partagé ce qu’il était en train de manger ?
—Va pleurnicher ailleurs, lui a-t-il dit.
Aussi, le chaton marche seul dans la rue. Il a faim. Il a froid. Il regarde les fenêtres éclairées derrière lesquelles il doit faire bon vivre. Il entend sonner les douze coups de minuit. Cela n’est pas sûr, mais, par contre, il entend parfaitement quelque chose passer au-dessus de lui, comme le vol d’un gros oiseau. Il s’aplatit de frayeur sur le sol dur et froid. Il ose relever le museau. Un drôle d’engin, le traineau du Père Noël, vient de se poser sur la maison d’en face. Il n’a jamais rien vu de pareil. Maintenant, voici, un gros bonhomme tout en rouge en sort avec un sac sur le dos. C’est le Père Noël qui commence sa tournée. Devant ce drôle d’engin, ce traineau, deux grands rennes se mettent à parler au père Noël :
—Fais attention, Papa Noël, dit l’un, la cheminée n’a pas l’air bien solide.
—Ne te mélange pas dans ta liste, dit l’autre, ici ce sont des rollers et une panoplie de tours de magie.
—Mais oui, mais oui… Vous n’allez pas commencer à me surveiller quand même. Vous savez bien que je ne me trompe jamais.
D’en bas, le chaton ne peut pas voir si ce bonhomme a une barbe blanche. Il lui trouve quand même une ressemblance avec celui en manteau rouge des images, des publicités qu’il a vues partout dans la ville depuis quelques jours. Une question lui vient à l’esprit :
—Que fait-il donc là-haut ?
Pour en avoir le cœur net, il décide d’aller voir cela de plus près. Comment faire pour monter ? En passant par les escaliers ? C’est que le chaton garde le souvenir cuisant des méchants coups de pied que toute personne lui donne pour le faire fuir quand il rentre dans une maison. Il fait donc le tour de l’immeuble et finit par trouver un endroit pour grimper jusqu’au premier étage. Cela n’est pas très difficile. Restent deux autres étages : avec ses pattes gelées, cela n’est pas évident. Sept essais qu’il lui faut avant d’arriver tout en haut, dont quatre moments d’équilibre et un rétablissement miraculeux. Il y est arrivé. Il est sur le toit. Il va pouvoir répondre à sa question. Le traineau est toujours là. Les rennes bavardent entre eux des choses que le chaton essoufflé ne comprend pas : il est question d’une liste avec des noms de garçons et de filles, d’horaires à suivre, d’adresses… Le chaton se dirige sans bruit vers le traineau. Il aperçoit beaucoup de sacs à l’intérieur et de nombreux paquets (des gros, des petits et des minuscules). Tous ont des couleurs joyeuses et scintillantes qui lui donnent envie de jouer avec. Il saute hardiment dessus. Une petite musique se déclenche sous ses pattes. Son cœur s’affole, il s’enfuit au fond du traineau où il trouve un sac ouvert et se cache à intérieur du sac : il fait sombre dedans, mais il fait chaud et doux. Le chaton sent une fourrure contre lui. Il renifle pour comprendre si c’est un autre chat ou un chien. Comme cela ne sent ni l’un ni l’autre et que cela ne bouge pas, il se blottit contre, il est rassuré. Il s’endort.
Dehors, un renne parle :
—Cela est un appareil de musique qui s’est déclenché tout seul.
Le Père Noël sort de la cheminée : sa voix retentit, sonore et joyeuse :—Allons-y mes amis, au suivant de la liste.
Le petit chat sent que tout bouge autour de lui et se réveille. Il a la sensation de s’envoler puis quelques secondes après, le traineau freine et le suivi du choc le déséquilibre. Son petit cœur tape fort. Dehors, le vieux bonhomme éclate de rire :
—Ah ! ah ! ah ! cette fois, la cheminée est large, je vais pouvoir descendre à l’aise.
Le chaton commence à sortir son museau à l’extérieur du sac quand tous les paquets basculent brusquement. Il est secoué de droite et de gauche. Il roule dans le sac parmi les paquets qui l’écrasent. Une grande descente dans le vide lui donne envie de vomir. Il miaule fort. La main du père Noël l’attrape par la peau du cou. Un grand rire résonne à ses oreilles :
—Mais, qu’est-ce que je vois là ? Voyez-vous ceci ? Un passager clandestin !
Le père Noël le tient en l’air en riant très fort. Ses yeux rient autant que sa bouche. Tu veux savoir comment je m’y prends pour faire ma tournée.
Le chaton est effrayé, il a si faim et si froid qu’il miaule à s’en étrangler et il tremble à en claquer les dents.
—Dis-moi, tu n’as pas l’air si courageux que cela pour un petit curieux ? Il suffit que je te découvre pour que tu appelles ta maman à l’aide. Allons, je suis le PÈRE NOËL. Tu n’as rien à craindre de moi. Bien sûr, je devrais te punir de m’avoir suivi alors que personne ne doit accompagner le Père Noël pendant sa tournée. Tu viens de me donner une idée, je ne dirai rien et je vais te garder un petit moment avec moi.
Le père Noël le met dans la grande poche de son manteau rouge. C’est doux et chaud à l’intérieur. Le petit chat s’y blottit tout de suite. Il ne sait pas encore qu’il va vivre cette nuit la chose la plus incroyable de son existence. Ah ! Si seulement il n’avait pas cette faim !
Il se redresse pour sortir le nez et pousser un petit miaulement de détresse. Peut-être que ce gentil bonhomme comprendra son problème.
—Chut ! Veux-tu bien te taire. Tu risques de réveiller les enfants. Si tu veux m’accompagner, il faut rester silencieux. Aussi silencieux que la neige qui tombe.
Il est en train de déposer des paquets auprès des deux paires de chaussons, tous petits, si petits qu’ils disparaissent sous les paquets.
—Tu vois, ici, c’est pour Lynda : elle a commandé un poney en peluche et une piscine magique. Là, c’est pour Julien. Il a demandé un établi de moulage. Regarde comme ils sont gentils tous les deux : ils ont laissé une tasse de lait et des biscuits pour moi. Ils savent que je suis gourmand. Tu comprends ? Cela me donne des forces. Hé, mais que fais-tu ?
Le chaton s’est jeté sur le lait et il le lape en s’étranglant, tellement il va vite.
De retour au traineau, le père Noël s’approche des rennes avec un air mystérieux.
—Regardez qui va passer la nuit avec nous.
Il sort de sa poche une petite boule de poils ébouriffés et aux babines barbouillées de lait.
—Il avait si faim, le pauvre petit, que j’ai partagé mon goûter avec lui. Enfin, disons qu’il m’en a laissé quelques gouttes. Allez, les rennes, aux suivants.
Le chaton garde les yeux écarquillés toute la nuit : jamais il n’a vu autant de jouets et jamais il n’aurait cru que quelqu’un ait autant de joie à les déposer dans les maisons, toutes ces merveilles. À la fin de sa tournée, le Père Noël rentre dans une demeure où brille une lampe de chevet dans une chambre. Des pantoufles de grand-mère attendent près du lit.
—Ici, une gentille mamie y habite. Elle m’a écrit pour me demander un cadeau spécial : elle veut quelque chose qui puisse la distraire pendant ses longs jours solitaires et qui, en même temps, attire ses petits enfants pour qu’elle les voie plus souvent. Alors, j’ai pensé à toi. Tu seras heureux ici. Regarde comme tout est accueillant. Tu seras bien au chaud et je suis sûr que tu te régaleras. Les grand-mères savent si bien faire la cuisine. Mais chut… Ne dis à personne que tu m’as accompagné cette nuit. Il dépose doucement le chaton dans une pantoufle, lui fait un gros bisou et attend qu’il s’endorme, le museau niché dans les pattes, le cœur à jamais étoilé de cette merveilleuse nuit de Noël.
Le petit chat a désormais une famille aimante qui lui fait de gros cadeaux.

De Sandra (proposition d’écriture N° 147)

Les journées sont courtes et obscures
D’ailleurs, les paysages sont vraiment mis à l’épreuve
De même que le jardin et le sol sont givrés
Ainsi que, tous les cours d’eau

Les feuilles tombent et les branches sont glacées
Également, les arbres mettent leurs armures d’hiver
Pour se protéger du froid

Certaines espèces d’oiseaux restent ici
Ou bien, elles s’en vont vers le sud
A profiter du beau temps et de la chaleur

La température s’affole sous zéro
Un brouillard de neige souffle de gros vents
La maison craque de partout, c’est effrayant
Les chemins ne sont pas visibles, on n’y voit rien

La neige tombe, tombe
Elle vient couvrir la terre
De son tapis blanc, illuminé de diamants

Il n’a rien de plus apaisant
Que de s’assoir près d’un feu de cheminée
Avec un café et un bon livre


De Patricia

Je me souviens en particulier de l’arbre de Noël, un arbre odorant avec de longues aiguilles piquantes, d’un vert flamboyant, un arbre décoré de haut en bas, de boules multicolores trop près les unes des autres. Avec mon frère, nous nous battions parce que nous voulions toutes les accrocher. Il y avait celle argentée avec des petits pois rouges autour, celle en forme de pigne de pin, l’étoile dorée qui surplombait le sapin, ma préférée, et puis toutes les guirlandes enchevêtrées qui faisait dire à ma grand-mère :
-Vous en mettez bien trop, l’arbre va tomber et ce n’est pas si joli, c’est trop chargé !
Ma grand-mère Marguerite, coiffée d’un éternel chignon blanc, venait tous les ans passer les fêtes de Noël chez mes parents. Pour ces festivités, nous étions réunis, mon frère le plus jeune, ma sœur, mon beau-frère et surtout, mon neveu Philou.
Je dis, surtout, car nous n’avions pas beaucoup de différence d’âge et il attendait impatiemment les cadeaux, comme nous, qui étions sa tante et son oncle, mais avant tout, des enfants.
Marguerite dormait sur un matelas, à même le sol, près du sapin de Noël, nous n’avions pas de chambre pour elle.
-Ce n’est pas grave, disait-elle, à la guerre comme à la guerre.
Je me demandais d’ailleurs pourquoi elle faisait allusion à la guerre alors que nous allions fêter Noël.
Le 25 au matin, je m’étais réveillée aux aurores, j’avais eu un sommeil agité tant j’étais impatiente de découvrir les cadeaux qu’avait pu apporter le Père Noël. Philou aussi était debout à mes côtés, dès qu’il m’avait entendu me lever, il m’avait suivie.
Ma grand-mère Marguerite dormait toujours, il me semble, peut-être était-ce cela la guerre dont elle avait fait état, faire semblant de dormir alors que nous voulions ouvrir les paquets, une manière de revendiquer le droit de ne pas aimer Noël peut-être ?
Ce matin-là, alors que j’attendais une poupée aux grands yeux bleus, un ours tout doux à cajoler, une dinette avec assiettes fleuries et tasses assorties pour faire un repas à mes poupées, et pourquoi pas un train électrique bruyant, clignotant, pour partager avec mon frère et Philou mon neveu espiègle, des moments privilégiés…je n’ai aucun souvenir des cadeaux reçus, je venais de comprendre que ma grand-mère ne se réveillerait plus et que c’était le dernier Noël que nous venions de passer avec elle.
Les cadeaux étaient bien sous l’arbre, Philou s’empressait de les ouvrir et alors que toute la famille nous rejoignait, je me suis demandé si le Père Noël existait vraiment.

De Martine

Esprit de Noël

Le repas terminé, la table débarrassée, ils firent tous deux la vaisselle, elle lavant, lui essuyant. Ils prenaient leur temps, comme pour retarder le moment d’ouvrir la lettre arrivée au courrier du midi,
Un cadeau, un rayon de soleil, dans leur vie un peu grise, un peu monotone, qu’il fallait savourer. Ils bavardaient de choses et d’autres, une gaieté pudique animait leurs visages et feutrait leurs voix. Ils étaient soudain moins vieux, plus alertes, le regard plus vif.
Le café servi, installés l’un et l’autre dans leur fauteuil, il ouvrit l’enveloppe aux contours bleu blanc rouge, soigneusement, à l’aide du couteau à beurre. Il déplia tout aussi méticuleusement les deux feuilles fragiles, en lissa les plis. Ses lunettes chaussées, il en commença la lecture.
Face à lui, son épouse, assise tout au bord de son siège, le corps tendu vers lui, les mains agrippées l’une à l’autre, scrutait son visage comme pour savoir, avant que les mots ne soient prononcés, si elle pouvait se laisser aller à sa joie.
La lettre commençait par des nouvelles de la santé de chacun, puis ce furent les résultats scolaires des enfants, commentés, la promotion professionnelle de leur bru… Ensuite quelques anecdotes sur leur quotidien et puis des questions, comment-allez-vous ? Avez-vous prévu de venir nous voir ces prochains mois ? …
Ah, cette petite phrase ! Il s’interrompit, se racla la gorge. Il reprit sa lecture, la voix enrouée. Une larme coulait le long de la joue de son épouse dont le dos si droit à l’ouverture de la lettre était maintenant affaissé, les mains s’étaient dénouées et étaient comme abandonnées sur ses cuisses.
En quelques secondes, l’un et l’autre avaient vu le sapin qui ne serait pas, la grand boîte de guirlandes et de boules scintillantes se couvrir d’un peu plus de poussière. Elle pouvait déchirer les menus élaborés dans la joie. Il pouvait abandonner la confection de ses petits sujets en bois, à quoi bon, l’an prochain ses petits-enfants seraient trop grands pour s’en amuser.
La lettre fut rangée dans le tiroir sur la pile de toutes celles qui l’avaient précédée.
Ils ne parlèrent pas de leur chagrin, ils ne fallait pas prendre le risque de le voir déborder.
Ils ne viendraient pas. La neige était tombée en vain. Les arbres s’étaient habillés de givre pour rien.
Dans la soirée, un coup de sonnette vint les sortir de leur torpeur triste. Hinaya, la petite étudiante du troisième, leur demanda la permission d’utiliser leur téléphone. Sa voiture, sur laquelle elle comptait pour aller retrouver sa famille, était tombée en panne le matin même, la grève de la compagnie ferroviaire ne lui permettait pas d’alternatives, elle ne serait pas avec sa famille pour fêter Noël. Pouvez-elle appeler ses parents pour les prévenir ?
Deux jours plus tard, Hinaya revint chez ses voisins, une magnifique étoile de Noël dans les bras. Un sapin superbement décoré occupait la place de la télévision reléguée pour la circonstance dans le bureau voisin. La table était mise, devant chacune des trois assiettes était disposé un petit paquet enveloppé de papier de soie. Les rideaux étaient repoussés de part et d’autre des vitres, le ciel étoilé éclairait d’une lueur bleue le jardin enneigé. Les arbres se balançaient doucement dans l’air froid, des petits cristaux de glace volaient doucement avant d’aller se coucher sur le tapis de neige.
Ce fut un très beau Noël.


De Lisa

Pour ses parents et son grand frère
C’est un Noël qui ne donne pas de cadeaux
Car la pauvreté a repris le flambeau

C’est un Noël qui n’est pas un conte de fée
Pour les enfants qui voient leur rêve en poussière
La seconde guerre a tout emporté
Une plaie gravée pour l’éternité

C’est un Noël à l’âge d’adulte
Où la vengeance s’invite dans les familles
Ils sont parents et donnent des sinécures
Pour leurs tous petits et en passant pour eux une offrande

C’est un Noël où ils veulent oublier
Ce moment qui les ont fait chagriner
C’est un Noël autour d’un repas
Où le patronyme est le roi

Un Noël interdit où le rêve a tout pris
Pour faire oublier cette période
Qui, aujourd’hui, les rendent heureux.


De Claudine

Depuis plusieurs semaines, l’hiver recouvre la campagne d’un discret manteau blanc. Le froid est vif. La nature s’est endormie depuis quelques semaines.
Arthur et Louis, du haut de leur six ans, attendent comme tous les ans la grande fête de Noël. Le sapin trône au milieu du salon paré de son habit de lumière. Dans la maison, flotte une bonne odeur de brioche. Celle que la famille au grand complet va partager au goûter. En attendant les réjouissances du soir.
Maman et Grand Ma’ s’affairent, comme chaque année, pour préparer le repas qui va emmener vers minuit et l’heure du passage du Père Noël. Papa et Grand Pa’ coupent du bois pour alimenter la cheminée qui va réchauffer les corps et les cœurs.
La soirée s’annonce merveilleuse et toutes et tous sont gagnés par la magie de Noël.
Emma, la grande sœur de dix-sept ans, téléphone à ses copines, enfermée dans sa chambre. Léa, qui a plus du double de l’âge de ses frères, pianote sur son smartphone, agacée par le brouhaha des deux derniers de la famille, arrivés presque par hasard, comme dit Grand Ma’.
Tous les aiment ces deux chenapans, mais ils apprécieraient plus de calme. Il faut dire que ces chérubins aux beaux cheveux blonds bouclés sévissent à longueur de journée et découvrent avec une facilité déconcertante tous les chemins menant aux pires bêtises. Toujours partants pour faire les quatre cents coups.
Tout à coup, Léa s’énerve et hurle avec violence sur ses frères. Papa et Maman restent muets de stupeur devant l’agressivité de leur fille.
Grand Ma’ intervient et dit à Léa de se calmer et lui suggère d’aller faire un tour de vélo avec ses frères. Ce qui n’est pas du goût de l’ado.
—Léa, je te demande d’emmener tes frères se défouler à l’extérieur, lui dit son grand père.
Le ton est sans appel et Léa part enfiler son blouson, de mauvaise grâce. Ses frères s’amusent du fait que leur sœur se soit fait gronder et sont déjà prêts pour la balade.
—Ne dépassez pas le début du village. Et revenez avant qu’il ne fasse noir. Je compte sur toi Léa.
—Oui M’man.
Mais, c’est sans compter sur l’espièglerie des jeunes garçons. Ils veulent aller voir le sapin décoré ; Léa accepte. Arrivés près du sapin, ils font demi-tour et foncent dans un chemin proche qui mène à la forêt. Léa les rappelle, peine perdue, ils pédalent de plus belle. Arrivés à l’embranchement de plusieurs chemins, ils hésitent, ne sachant pas trop où ils sont. Léa les a rejoint et elle aussi est perdue face à tous ses sentiers qui se ressemblent.
Ils aperçoivent une maisonnette sombre, faite de troncs de sapins assemblés, en partie cachée par un groupe de conifères. Les enfants, effrayés, n’osent pas s’en approcher. Ils ne connaissent pas ce lieu.
—On dirait une maison de sorcière.
Ils continuent sur le chemin s’enfonçant dans les bois. Le jour s’efface peu à peu. Arthur et Louis pleurent de peur et de froid.
Léa se venge en les rabrouant, ce qui augmente l’angoisse des gamins. La détresse de ses frères la touche et elle leur dit que les parents vont venir les chercher.
—Y savent pas où nous sommes !
Léa le sait et leur dit qu’en retournant en arrière, ils vont retrouver leur chemin. Il fait désormais presque nuit noire et l’angoisse est à son comble.
—Les parents viennent même pas nous chercher, dit Arthur.
—Ferme là, lui crie Léa, c’est votre faute à tous les deux ce qui nous arrive. J’en ai marre de vos bêtises.
Dans l’un des chemins, ils aperçoivent un gros animal bizarre. Les garçons n’osent plus bouger.
—C’est un cerf. Ils ne sont pas méchants, dit Léa sans en être vraiment convaincue. Allez, dépêchez-vous. Sinon nous allons dormir dans la forêt.
—Nooooon, disent les gamins en cœur.
En retournant sur leurs pas, ils revoient la maisonnette en bois. Cette fois-ci elle est éclairée.
—Allons voir les personnes qui habitent là, dit Léa.
—Noooooon, disent-ils à nouveau en cœur, paniqués.
Pendant qu’ils attendent pour continuer leur route, la porte s’ouvre. Les yeux écarquillés, ils voient des petits enfants avec une drôle d’allure. Tous habillés en vert avec un chapeau bizarre sur la tête. Autour d’eux, il y a plusieurs bêtes avec des cornes toutes tordues. L’une de ces bêtes a un nez rouge qui clignote.
Les enfants sont terrorisés et se plaquent au sol.
Tout à coup, une grosse voix s’élève.
—Hé vous là-bas, levez-vous et venez ici. Allez plus vite, j’ai du travail.
Tétanisés, les trois enfants ne peuvent plus bouger.
—Léa c’est à toi de nous aider, tu es la grande, ce type a l’air méchant avec sa grosse voix ; il va nous manger. Je veux papa, pleure Louis. Et Arthur pense à Noël et aux bols de chocolat chaud qui les attendent. Et aussi des cadeaux peut être.
—Des cadeaux ? Je rêve, méchants comme vous êtes !
—Non, ils ne sont pas méchants, ils sont désobéissants, dit une petite voix fluette coiffée de vert.
—Oh oh oh !
Les enfants lèvent la tête et voient un bonhomme au gros ventre, avec un habit rouge. Joyeux, heureux, rempli de générosité et de gentillesse. Les enfants n’en croient pas leur yeux.
—Hé oui, je suis le Père Noël. Sachez que je vérifie avec l’aide de mes lutins si vous êtes sages tout au long de l’année et pas seulement quelques semaines avant Noël ! Mes lutins sont partout et ils savent tout. Toi, Arthur tu es malin, mais très dissipé et tu obliges ton frère à faire de grosses bêtises ; vos parents sont fatigués par toutes vos sottises. Vos sœurs aussi. Les lutins m’ont tout raconté. Je sais qu’il n’est pas facile d’être sage tout le temps, mais vous deux vous êtes vraiment insupportables. Mes petits hommes notent tout et m’envoient leurs rapports en Laponie où j’habite avec mère Noël. Ici, je suis de passage pour faire une pause avant de continuer ma distribution de cadeaux. Est-ce que je vais passer chez vous à votre avis ?
Arthur et Louis pleurent à chaudes larmes ; ils promettent de devenir gentils.
—Père Noël, je vous en supplie ne les punissez pas, ils sont jeunes, lui dit Léa. Nous les aimons très fort et nous sommes tous heureux qu’ils soient près de nous.
—D’accord, il n’est jamais trop tard pour commencer et je compte sur toi pour les aider à grandir. Assez parlé, vos parents doivent être morts d’inquiétude ; je vous raccompagne. Rudolph va nous emmener.
—Oh Père Noël, c’est aimable!
—Etes-vous bien installés ? dit joyeusement le Père Noël. “Bon maintenant, il faut partir. Ma nuit n’est pas terminée et il y a encore beaucoup d’enfants sages qui m’attendent. Et d’un coup, le traîneau s’envole en deux temps trois mouvements, tiré par l’animal aux nez rouge. Il se pose non loin de la maison des enfants. Avant de partir le Père Noël leur dit :
—Promettez-moi de ne plus jamais vous éloigner de vos parents. Rappelez-vous de la magie de Noël, de ces moments de paix, d’amour. De ceux qui vous aiment, du sapin, de la crèche : que du bonheur. Je plains les personnes qui ne croient pas, c’est triste car il faut toujours garder espoir.
Lorsque les enfants racontent à toute leur famille réunie et soulagée de les revoir, que c’est le Père Noël qui les a ramenés, les parents ne semblent pas les croire et imaginent qu’ils ont rêvé. Mais Léa, Arthur et Louis se souviendront toujours de cette belle nuit où ils sont montés dans le traîneau du Père Noël !
Et depuis toute la famille regarde, surprise, les efforts des garçons pour rendre service et être agréable à toutes et tous.

De Catherine M

Conte du Père Noël

Un chiffon « éternueur »
Me racontait ses malheurs
Le terme n’existe pas
Mais voilà
Il se définit ainsi depuis des décennies Il n’en peut plus des moutons Qui envahissent le salon Il les entend bêler Dès potron-minet Ça lui donne la migraine Et nourrit sa haine Que faire pour exterminer ces troupeaux Et éradiquer ce fléau ?
Mon ami chiffon
Est sous pression
Il grogne
Se renfrogne
Reste replié dans un coin
Du soir au matin

Eurêka !
Moi, petite pelle
J’ai écrit au Père Noël
Pour qu’il trouve une solution
Et le 25 décembre au matin
Au pied du sapin
A fait son apparition
Un engin glouton
Qui, tout tuyau dehors,
Et en un temps record
A avalé tous les moutons !!!

Cerise sur le gâteau
Il restait deux places sur le traîneau
Alors, petit chiffon et moi
Par une magnifique nuit
On a mis le cap sur la Laponie

Elle est pas belle la vie ?

De Claude

Compte de Noël
(Pardon, Dickens !)

Par une nuit d’encre, une luxueuse voiture de tourisme traverse un univers d’une blancheur immaculée. Il neige à gros flocons en cette veille de Noël, et la radio de la voiture diffuse fort à propos l’immuable « Douce Nuit».
Le silence est religieux.
Tout cela semble magique, irréel presque ! Pas un chat dehors, à l’exception peut-être de tous ces animaux invisibles qui vous regardent passer et qui se signalent, selon leur humeur, par un cri.
Au loin, un geai ricane ; des biches vous observent peut-être avec des daims, et il doit même y avoir des cerfs, vils ou viables, qui épient Fanny et Pierre-Edouard, en route pour fêter Noël chez leurs meilleurs amis, François-Xavier et Pat Panzani.
Alors qu’à l’extérieur il règne un calme inquiétant, à l’intérieur de la voiture, le ton monte. Pierre-Edouard et Fanny ont déjà échangé leurs cadeaux et c’est bien là le problème : Fanny reproche à son époux de lui avoir promis un cadeau qui irait de 0 à 100 en quelques secondes et elle s’était prise à rêver de la Porsche qu’ils avaient vue récemment au Salon de l’Auto. Finalement, en guise de cadeau de Noël, elle a eu droit à un pèse-personne électronique pouvant supporter jusqu’à 150 kg (une bascule aurait aussi bien fait l’affaire !).
Mais pourquoi ne s’en balance-t-elle pas ? Peut-être parce qu’il lui avait déjà aussi fait la promesse de l’emmener, pour son anniversaire, dans un endroit où elle n’était jamais allée auparavant (elle se voyait déjà en Chine !), mais il l’avait simplement conduite à sa cuisine, le mufle !
Il faut dire que Pierre-Edouard, lui, ne digère toujours pas le fait qu’elle lui serve, à longueur d’année, des pâtes, et uniquement des pâtes !
Des pâtes, oui, mais… des pâtes au gaz !
Des spaghettis, des macaronis, des fusillis et tout ce qui finit en « i », et cela à l’infini, sans qu’ils en soient pour autant, tous les deux ravis au lit !
Il faut dire aussi que pour sa part, Fanny lui a offert, comme chaque année depuis leur mariage, un parfum, de marque certes, mais aux fragrances de vétiver tellement prononcées que quelques gouttes sur lui suffisent pour que les nausées abondent. Est-ce à dessein, et pourquoi cet acharnement ? finit-il par se demander.
L’ambiance risque d’être tendue chez leurs amis !
En cette sainte nuit de Noël, on est loin de l’atmosphère de paix et de recueillement censée régner à cette période de l’année. Les cris, voire les hurlements de Fanny et de Pierre-Edouard, couvrent à présent complètement la musique douce diffusée par la radio.
De plus, leurs chicanes ralentissent leur allure et il ne fait aucun doute maintenant, qu’ils ne pourront pas être râleurs, pardon, à l’heure, chez leurs amis.
Mais soudain, c’est la panne !
Non pas celle provoquée délibérément, pour des motifs totalement inavouables, par un amoureux passionné, ni celle du belge qui pousse sa Mercédès neuve parce que le garagiste lui a dit : « Vous roulez à 50 km/h en ville et vous la poussez un peu sur l’autoroute ! ». Non, la panne, la vraie !
La voiture tressaute, cahote, toussote et finit sa course dans un virage, contre le parapet. Tout saute : plus de lumière, plus de chauffage, le noir intégral ! La batterie serait-elle en danger ?
Notre couple commence à être gagné par la panique, surtout quand Fanny aperçoit, de la vitre de son côté, quelques faibles lumières, tout en bas, dans la vallée.
Pierre–Edouard, dans son élégant costume gris tout neuf, hésite à soulever le capot. Armé d’une torche, il s’y décide finalement. Le capot râle en grinçant. Mais malgré sa torche, Pierre–Edouard n’y voit goutte. Et de toute façon, la mécanique et lui, ça fait deux !
Après avoir fait une cène à son époux, Fanny, terrorisée, ne pense plus qu’à sa survie. Aussi, ne va-t-elle pas aussitôt se réfugier, les mains jointes, dans la prière ? Mais si, mais si !
Elle récite avec ferveur un « Notre Père qui êtes sur les essieux » et entonne, les larmes aux yeux, un « Cyprès de toi, mon Dieu ».
La situation semble désespérée. D’autant que la route est déserte et qu’ils s’aperçoivent qu’ils ont quitté leur maison dans un tel état de précipitation et d’énervement qu’ils en ont oublié leurs téléphones portables !
Mais dans cette région montagneuse, auraient-ils servi à quelque chose ? Pierre-Edouard a déjà eu l’occasion de le vérifier avec la téléphonie SFR. Non, elle sait pas faire, hélas ! Il y a zéro réseau.
Finalement, fatigués par leur dispute et au bord de la crise d’angoisse, ils se serrent dans les bras l’un de l’autre pour se donner du courage et pour résister au froid. Ils restent ainsi un long moment enlacés, après leur embardée sur cette route en lacets, quand ils sont soudain éblouis par les phares d’un véhicule qui descend vers eux.
Ils reconnaissent François-Xavier, l’ami chez qui ils sont invités. Alarmé par leur retard, il leur a téléphoné à plusieurs reprises. En vain. Lassé d’obtenir invariablement leur répondeur, il s’est résolu à aller à leur rencontre.
Soulagés mais transis, Pierre-Edouard et Fanny racontent à leur ami qu’ils se croyaient perdus au milieu de nulle part, et pensaient que leur dernière heure était arrivée ! Ils sont sauvés à présent ! Bénie soit cette nuit !
Est-il utile de préciser que leur querelle conjugale s’est évanouie au moment où Fanny, notre dévote, a conclu sa prière d’un profondément sincère : « Que votre volonté soit fête ! » ?
La magie de Noël !


De Roselyne

NOEL
Tant l’on crie Noel
Qu’à la fin nous vient,
Tout mon cœur appelle,
Noël, Noël !
Tout mon cœur appelle
Tant il se souvient.

Dame Neige est en voyage
Sur les routes de l’hiver,
Les oiseaux du voisinage
Se sont enfuis par les airs.

Seul le rouge-gorge appelle
Avec sa petite voix
Et fait : Noël et Noëlle
A tous les échos des bois.

Tant l’on crie Noël
Noëlle, Noël
Tant l’on crie Noël
Qu’enfin on le voit.

L’espérance est en voyage,
Dans les bois flambe le houx,
Le petit enfant bien sage
Rêve au Bonhomme aux joujoux.

Tant l’on crie Noël
Noëlle, Noël
Tant l’on crie Noël
Qu’il s’en vient à nous.

Poésie de FAGUS pseudonyme d’Eugène FAILLET 1826-1933


A la maison, le Noël était attendu, Noël était chanté. C’est avec une amie de mes parents, que la fratrie partait en chantant par les rues du village pour parcourir les trois kilomètres qui nous séparaient de l’église pour assister à la messe de minuit, qui était vraiment à minuit.
Après cette messe où la chorale avait entonné les chants de Noël repris à l’unisson par l’assemblée, nous rentrions, toujours en chantant.
A la maison, les parents avaient préparé un petit réveillon, rien à voir avec ceux d’aujourd’hui. Sur la table, attendaient une terrine de pâté de lapin maison, des tartines de pain grillées au four de la cuisinière à bois qui ronronnait comme le foyer d’une locomotive à vapeur. Cette cuisinière chauffait tellement qu’elle aurait pu faire fondre tous les glaciers du monde. Le dessert était une simple orange, puis chacun allait rejoindre sa chambre.
Le 25 matin, toute la maisonnée se réveillait et nous les enfants allions directement au pied de la crèche où les cadeaux avaient été déposés, par qui ? Je dis, au pied de la crèche, car aussi loin que je puisse remonter, je n’ai jamais vu de sapin parader dans la vaste cuisine, pièce de vie principale.
Par contre, la crèche était importante, en papier kraft, elle trônait dans l’entrée, je me rappelle qu’il y avait autant de moutons que d’enfants. Les guirlandes pas de souvenir, non plus. Mais la plante qui se trouvait à côté de la crèche était toujours embellie par des petits rubans.
J’ai parlé des cadeaux, ceux-ci n’étaient ouverts que le 25 au repas de midi où la famille élargie se retrouvait. Ce n’était pas une montagne qui attendait chacun d’entre nous, c’était très modeste, mais nous étions tous très heureux. De plus, il ne fallait pas couper les rubans, chaque nœud devait être défait, ce qui mettait encore plus de suspens à la découverte du cadeau.
Noël, c’est l’espérance, la fraternité, la joie de se retrouver ensemble, les rires des enfants, les yeux qui brillent, le rêve de l’enfance, la famille. Souvent, notre Noël se faisait en l’absence de notre père qui, cheminot parcourait les rails de l’Ouest. Il nous rapportait de ces absences des friandises qu’il glanait lors de ses arrêts. Celles-ci étaient très appréciées.
Mes Noëls n’étaient pas sous le signe de la surabondance, mais qu’importe, c’était très simple, le bonheur emplissait le cœur de chacun et c’était très bien ainsi. Nous ne savions pas ce que nous allions avoir, la surprise était présente. Pas de liste de cadeaux, même si parfois nous émettions des désirs.
Ils étaient, également sous le signe de la douceur, l’influence de l’Océan Atlantique nous offrait des hivers très doux. Un peu plus âgée, j’ai même vu des Noëls où papa faisait barbecue.
Mes Noëls d’enfance sont restés gravés en mémoire comme étant les plus simples du monde et certainement les plus heureux.

La poésie du début est tirée d’un livre intitulé « Mes belles poésies » choisies par
par Madame Marcelle CROUIN qui était Inspectrice Générale des Ecoles Maternelles.
Alors évidemment, ce n’est pas d’aujourd’hui, j’ai conservé ce livre alors que j’avais 8-9 ans, c’est dire que déjà j’avais une appétence pour les livres, la lecture et plus tard pour l’écriture. Jamais, cet appétit vorace ne s’est volatilisé et plus que jamais, aujourd’hui le besoin s’en fait ressentir dans ce monde déboussolé qui a du mal à se recentrer sur l’Humain.
Bonnes fêtes à toutes et à tous.


De Laurence H

J’avais 7 ans. Noël, c’était aujourd’hui.
Nous étions en famille, parents, grands-parents, oncle, tante et cousine, du côté de Papa.
La maison de Papy et Mamie m’était familière, elle était ma 2eme maison, de tous les mercredis et de dimanches fréquents. Sur trois niveaux et posée sur un petit jardin, la maison se tenait, fière, de couleur brique. Visible et sûre.
Un rez de jardin, l’habitation se trouvait donc au 1er et 2eme étages. Un vaste palier central desservait les pièces principales, plutôt petites. Le sapin trônait donc au centre, naturellement, sur ce grand palier qui pouvait accueillir les cadeaux.
Papy avait revêtu un costume de père Noël fabriqué maison : une grande robe de chambre l’habillait d’un bleu marine rayé et une barbe de coton se maintenait de travers sur son visage.
Ce père Noël nous impressionna ma cousine et moi, malgré sa forte ressemblance avec notre grand père. Intimidée, nous attendions notre cadeau avec impatience. Un seul cadeau par enfant, il était donc de choix.
Me fût offert une belle poupée blonde habillée d’une robe de fête, qui pouvait parler, comble de la modernité en 1977 ! Bonheur ! Elle a trouvé une belle place dans ma chambre orange.
Ma poupée préférée est cependant restée Bécassine, toute de laine tricotée par ma mère.

Mettez plus d’amour dans vos cadeaux que d’argent !
Ce qui fait briller les yeux des enfants est très différent de ce qui fait rêver les adultes !


De Marie-Josée

Les pantoufles noires

La journée commençait bien. Il avait neigé toute la nuit et du haut de mes six ans, je considérais que c’était le premier cadeau du ciel en attendant ceux de ce soir. Nous étions le 24 décembre et je me demandais comment faisait s’Christkìndel’ (une jeune fille qui symbolise l’enfant Jésus et distribue les cadeaux comme le père Noël) pour deviner quels jouets j’aimerais recevoir, elle était vraiment trop forte, elle ne se trompait jamais.
Mais, j’aurais bien échangé les jouets contre mon vœu le plus cher, celui d’avoir un petit frère ou une petite sœur.
Mamema, qui avait réponse à tout, dit d’un ton solennel :
—Du haut du ciel, elle voit tout et entend tout, c’est pour cette raison qu’elle sait quoi apporter aux enfants. Quant aux bébés, ce n’est pas de son ressort, c’est de celui de la cigogne. Méfie–toi, peut-être que cette année ce sera le Ruppelz (père fouettard) qui viendra à sa place, tu as fait pas mal de bêtises ces derniers temps.
—Mais non ! Tu veux seulement me faire peur. Tu sais bien que papa ne l’a jamais laissé rentrer, ce serait bien la première fois. Au fait, tu m’aides à faire un bonhomme de neige ?
—Tu n’y penses pas. Il faut que je dégage l’escalier et que je fasse un passage jusqu’à la route, j’ai de quoi m’occuper un petit moment et ce n’est pas en discutant qu’on va avancer. Habille-toi chaudement et n’oublie pas les gants.
—Quand tu auras fini, tu pourras me donner le balai pour le bonhomme de neige ? Il me faudra aussi un chapeau et…
—On verra cela en temps voulu, allez ouste !
La tâche s’avérait plus ardue que prévue, heureusement que Sylviane, ma voisine, était venue me prêter main fort, tant et si bien qu’à midi nous avions terminé. Il avait fière allure, malgré son chapeau melon un peu cabossé et son un balai usé. La matinée était passée à une vitesse folle et l’après-midi serait bien occupée également. Papa avait érigé la veille un sapin dans l’angle de la pièce le plus éloigné du poêle, entre les deux fenêtres, mais laissait aux femmes le soin de le décorer. Je ne pouvais pas m’empêcher d’ouvrir les cartons qui contenaient toutes ces merveilles multicolores, même si j’avais reçu l’ordre d’attendre le retour de maman qui était de l’équipe du matin cette semaine. Je manipulais le plus délicatement possible ces objets fragiles, du moins c’est ce que je croyais et lorsque la troisième boule se brisa au sol, mamema m’expulsa de la pièce en me disant que s’Christkìndel’ ne viendrait pas ce soir, vu ma désobéissance.
Fort heureusement, maman me rassura mais je serais néanmoins punie. L’année prochaine, quand nous irons au marché de Noël, elle prendra l’argent de ma tirelire pour remplacer celles que j’avais cassées. L’épisode était clos et pendant qu’elle accrochait les boules et les guirlandes, je mettais la crèche en place. J’adorais installer les personnages qui, au fil du temps, devenaient de en plus nombreux. Je déballais avec excitation les trois nouveaux moutons et les deux bergers qui allaient agrandir le troupeau.
Mamema s’affairait à la cuisine et une agréable odeur de vin et de jus de pomme chaud embaumait la maison. En un tour de main, des assiettes de ‘ Bredle’ (petits fours faits maison), de pains d’épice, d’oranges, de dattes, de chocolats garnissaient la table recouverte d’une nappe blanche aux motifs de sapin et n’attendaient plus qu’à être dégustés . Au fur et à mesure que l’heure avançait, mon impatience grandissait. Après le repas du soir, je faisais des aller-retour de la table à la fenêtre jusqu’à ce qu’enfin j’entendis une clochette . J’attendais le cœur battant, le regard fixé sur la porte qui, comme par magie, s’ouvrit et une créature vêtue d’une robe blanche et d’un voile qui cachait son visage entra les bras chargés de paquets. Elle les déposa sous le sapin et entonna le cantique ‘’Les anges dans nos campagnes’’ que nous avons chanté avec elle. Pendant la durée du chant, je ne pouvais pas m’empêcher de fixer ses pieds, quelque chose m’intriguait : elle était chaussée de pantoufles noires. Ces pantoufles, je les avais déjà vues quelque part mais où ? J’ai récité un petit poème pour la remercier, et lui ai présenté une assiette de gourmandises. Elle me caressa la joue, prit un chocolat et s’éclipsa en faisant un signe de la main en guise d’au revoir.
Papa avait dissuadé le père fouettard d’entrer, certainement grâce à un verre de vin chaud et à son retour, nous avons ouvert les cadeaux.
Comme prévu, j’avais eu ce que j’avais souhaité, mais quelque chose m’intriguait et comme Mamema avait réponse à tout, je lui demandais :—Tu ne trouves pas bizarre que s’Christìndel’ avait des pantoufles noires, elle aurait dû porter des chaussons blancs et en plus elle n’a pas prononcé un seul mot ?
—Elle a sûrement une extinction de voix, répondit-elle d’un ton assuré, elle a pris froid en faisant sa tournée.
—Peut-être, répondis-je, seulement à moitié convaincue, mais les pantoufles… tout d’un coup je me rappelais où je les avais déjà vues ! Agnès, l’amie de maman, avait les mêmes pantoufles. S’Christkìndel, c’était Agnès, n’est-ce-pas ?
Pour la première fois, elle ne savait pas quoi répondre et papa le fit à sa place. Il estima que j’étais grande à présent et qu’il était temps de mettre fin ‘ à ce cirque’.
Ma déception fut immense, s’Christkìndel’ n’existait pas pour de vrai, ce n’était donc qu’une invention comme les personnages des contes et des légendes.
D’autres questions me taraudaient : était-ce vraiment St Nicolas qui distribuait les friandises et était-ce vraiment la cigogne qui apportait les bébés ? A qui demander pour connaître la vérité ? C’était peine perdue de demander aux adultes, ils mentiraient sûrement. Sylviane devait savoir, elle avait deux ans de plus que moi et allait à la grande école, c’est à elle que je demanderai. La seule chose que je savais à ce moment-là, c’était que Noël ne sera plus jamais comme avant.

D’Elie

La famille Sokenou GANDONOU s’est donné une considération pour célébrer la nativité du Seigneur, Jésus-Christ depuis 1970. Cette résolution montre que la semence de l’Évangile, sur le sol de la conscience familiale, remonte des années 1960 de notre ère. Notre grand-père, GANDONOU Dossou, a été l’artisan de proue qui a ordonné la pénétration de l’Évangile dans la famille.
A quelle occasion a été prise cette décision importante et salutaire au bonheur de la famille ?
C’est au moment où une épidémie de variole donnait la mort à cinq personnes au moins par jour dans la commune. Pour certains, cette épidémie était la manœuvre des sorciers. Mais pour d’autres, c’était le poids de l’ignorance et d’un manque d’hygiène très avancé. Mon grand-père, ayant compris la rage de l’épidémie, fit venir chez nous les diacres Thomas, Jonas, Valentin, Emmanuel et Agossa de l’église Protestante Méthodiste. Ces derniers venaient prier deux fois par jour et nous assuraient leurs soins par certains antibiotiques localement préparées.
La guérison ne tarda pas à venir. L’ombre de la mort s’était envolée de la famille et la quiétude et la joie s’installèrent dans les esprits. La foi et l’amour de ses hommes ont permis la semence des grains de l’Évangile dans la famille.
Et dès le vingt-cinq décembre de l’an 1970, la célébration de la Noëlle chez nous, a pris à la fois le sens d’actions de grâces et du salut en Dieu pour la famille.
Pour la circonstance, mon grand-père, un ancien combattant revenu vivant des deux phases de la guerre mondiale de 1915-1918 et 1939-1944, fit mettre un hangar en branchages de palmiers. Cet édifice, bien qu’en matériaux non définitifs, révèle le génie de l’art encore rare dans le milieu. Ces artisans, nul doute, savaient obéir avec joie et promptitude aux instructions du notable. Toutes les dispositions pour adorer et célébrer le salut de Dieu étaient fin prêtes.
Et mon père pressait mes frères et moi à vite s’apprêter pour rejoindre nos cousins déjà dans leurs costumes locaux, bohounba. Le moment solennel venu, Jonas l’évangéliste, revêtu de grâce spéciale pour la Parole, sonna la cloche du rassemblement. Les notables, les amis, prirent place.
Ensuite, les diacres, les pasteurs et les chorales ont fait la procession avec les numéros du cantique, Chant de victoire, ‘’Jésus est milieu de nous” et ‘’ Quel ami fidèle.’’
Un homme du village, Lohounto, au loin sur la seconde moitié de cour, s’improvisa une danse qui consistait à sauter trois fois sur un pied et pour trépigner le sol, après un quart de tour, avec ses deux pieds. Des cris de joie et d’applaudissements ont formé un groupuscule sur la cour.
Il s’explosa disant : louez et bénissez notre Père, Dossou Gandonou pour la sagesse et l’esprit sociable dont il a toujours fait preuve au milieu de nous.
Quelques femmes disaient de Lohounto:
—Il aurait pris ce matin deux verres de la boisson, sodabi.
Le paysage était beau. Aussi, la procession et les échos des cantiques en langue gun, faisaient accourir de tout côté les villageois et les passants. Tout d’un coup, la maison se remplit. Et le calme s’établit. L’esprit de crainte et de vénération donnèrent la voie aux services de louange, de témoignages et le message sur la naissance du Messie, Jésus-Christ. L’évangéliste Jonas prit la Parole et remercia le chef de la famille qui avait donné la considération à la fête de Noël et pour témoigner des grâces divines qui continuent de couler sur sa famille.
Mon grand-père, après avoir évoqué les honneurs dont il faisait l’objet a dit :
—Je suis heureux de contempler ce parterre d’hommes et de femmes magnifiques qui a répondu à notre invitation. Votre présence dans cette famille est un honneur pour nous. C’est un parfum dont la senteur donne de l’aisance à ma famille. J’ai organisé ce rassemblement avec mes enfants à l’intention de la guérison de mes petits fils et de leurs mères. Mes efforts et mes sciences occultes n’ont pas pu les guérir. Et voici la raison de ma reconnaissance au Créateur du Ciel et de la terre.
Quand un cœur plein de sagesses s’exprime, le sens de la vie s’aperçoit sans délai. Après cette étape, les chorales Hosanna, Ebenezer ont tenu en haleine l’assistance pour une demi-heure chacune. Puis la prestation des chorales céda au message sur la naissance de Jésus-Christ.
Le pasteur Ayadji Timothée lira les textes bibliques de Michée 5 : 1-4 et Luc 2 : 1-20. Il nous résume la substance de son allocution en ces termes :
—La Noëlle marque un événement historique et vise à la rédemption de l’humanité encore dans le mysticisme, la débauche, l’ivrognerie et la légèreté d’esprit. Vivre les lois de Dieu conduit l’homme sur le chemin de la sagesse.
Le message a pris fin, et la fête s’activa par la restauration de tous les invités. La célébration de la Noëlle, dans cette condition rassemble, répare les différends et réjouit.
Cette célébration a rapproché les frères qui ne se parlaient plus et avaient pris de grandes distance les uns des autres. A la conclave de mes oncles et les tantes de profondes réparations eurent lieu. Il s’en est résolu de nouvelles décisions pour l’éducation des enfants, en vue de l’avenir prospère des enfants de famille. Mon grand-père a dit : nous n’avons pas pu franchir les portes des universités, mais nos enfants et les arrières petits gouverneront au Bénin.

De Jacques

25 décembre

J’ai 4 ans. J’avais attrapé cela en septembre, début balance. Il avait neigé tout le mois de décembre, mais qu’est-ce que décembre à part le 25. Nous étions le 25 décembre 1959.
Je jouais souvent dehors. Parfois j’étais pilote, manœuvre ou architecte. Je m’inventais des histoires entre deux siestes. La neige ne servait qu’à m’amuser, car elle ne sert à rien, mis à part le froid.
J’étais un petit blondinet et le barbier s’amusait à me faire un petit « coq » à la Tintin. Il faut dire que j’avais des cheveux en ce temps-là. Pourquoi les tintineries sur mon pompon? Allez donc savoir. À mon âge, je ne me posais pas la question… docile.
Au petit matin, après déjeuner (petit-déjeuner), mon pater avait amené un tricycle. Il était bleu, avec une selle métallique blanche tout comme les guidons. Au bout, de chaque côté, il y avait comme des flammes en plastique. Ce qu’il est beau !!!
Vers midi, nous partions dîner (déjeuner) chez tante Leuna où, paraît-il, le Père Noël apportera des cadeaux. Mon frère et moi, nous l’attendions avec impatience. Tout à coup, nous avons entendu le bruit des clochettes dehors, le voilà le gros joufflu habillé en rouge et blanc. Pas de poche ?? « Aïe Père Noël, où t’as mis ta poche? » La réponse s’était perdue dans le brouhaha des autres enfants. Le Père Noël était en fait l’oncle Mozkor, je l’avais reconnu à son rire et à sa moustache noire derrière sa barbe blanche et il était déjà en état d’ébriété. Peu importe, seuls les cadeaux importaient et au diable cette drôle d’haleine. Tous les enfants avaient eu au moins un cadeau. Moi, j’avais eu « Tintin au Congo »… je ne savais pas encore lire. Après avoir remercié tante Bortitza, je ne pensais qu’à mon tricycle. Dans ma tête, je me disais : « Quand partons-nous? ». Heureusement, mon père n’avait pas de grandes affinités avec sa famille et presque tout de suite après le repas, nous avons plié bagage. En route vers la rue Phipps. Il était là. Il m’attendait.
Il n’était pas trop tard. Assez tôt en tout cas pour que je puisse faire quelques tours de piste. Le descripteur radiophonique décrivait magistralement mes exploits jusqu’au dernier virage, celui juste avant le sapin lourdement décoré. Mon guidon de droite s’est accroché à un fil de guirlande de lumière en entraînant le sapin vers moi. Tout le gréement s’est retrouvé sur moi. Me voilà empêtré, emmêlé, embêté… Dommage, c’était une belle course et j’aurais pu la gagner.

Poème de Louise Dupré, « Exercices de joie », proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)

Tu passes sans cesse de la joie à la peine,
tu l’admets,
ça dépend des jours, des images, de l’humeur du temps,
ça oscille, ça s’entrechoque,
ça combat,
souvent ça te tue et il faut te ressusciter,
c’est ce que tu appelles le courage,
chaque fois prendre ton cadavre par les épaules,
le mettre debout et le réprimander,
devenir à la fois ta mère et ton enfant
sans savoir qui parle en toi quand tu parles,
qui écrit quand tu écris.
Tu continues à taper ces pages qui ne font avancer aucune cause,
seulement à te maintenir la tête hors de l’eau quotidienne.

Tu t’inscris dans l’humanité qui résiste sans hurler.

J’ai hâte de vous retrouver toutes et tous en 2023 pour de nouvelles aventures écrites.

Merci à toutes celles et à tous ceux qui ont fait vivre l’atelier d’écriture. Je me délecte chaque semaine de vos textes, très souvent touchantes et pleines d’émotions. 

Quant à moi, je pars en Savoie retrouver un de mes fils. Je vais changer d’air et de décor, ce qui me fera le plus grand bien, après l’année éprouvante que j’ai vécue. 

Je ne peux que vous souhaite de très belles fêtes de fin d’année, même si vous êtes seules et seuls. Le plus important est la paix que l’on ressent au fond de soi. 

Pour célébrer la fin de l’année, vous recevrez sous peu un envoi avec une surprise par mail! 

Pour l’instant, je ne vous en dis pas plus! 

Je vous souhaite un doux weekend.

Prenez bien soin de vous surtout. Des hauteurs où je serai perchée, je penserai fort à vous et à tous les bienfaits que vous m’apportez chaque semaine.

UN GRAND MERCI DU FOND DU COEUR à vous toutes et tous!

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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