Le bac et le permis vous ont donné des sueurs froides pour la proposition d’écriture N° 157. 

Dans quel état on arrive à se mettre alors que rien n’est grave. Un examen, si on le rate, on peut le repasser! J’ai passé un certain nombre d’examens, alors j’ai trouvé que le permis de conduire, pour moi, était plus facile que les autres à l’université.

Mais, je me souviens de ma mère qui l’a passé tardivement, et du stress qu’elle a eu pour réussir ce fichu permis, qu’elle a repassé plusieurs fois! 

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Nicole (proposition d’écriture N° 156)

Un peu moins de stress…

Elle a trente ans, une séparation difficile, des difficultés financières, un nouveau travail fatigant et peu gratifiant, des enfants un peu déboussolés, inscrits dans une nouvelle école.
Une responsabilité écrasante.
Une vie amoureuse avec des erreurs de casting.
Elle fait sa première crise d’angoisse : le coeur qui s’affole, des difficultés à respirer.
Elle part en taxi à la « Free Clinic ». Un endroit accueillant, une doctoresse délicate, attentionnée, compréhensive.
« Non madame, pas de médicaments miracles, juste penser plus à vous, à vos choix de vie, apprendre à respirer et surtout essayer de prendre du temps pour vous, tous les jours ».
Elle repart un peu frustrée mais plus calme. Néanmoins elle se décide à suivre ces conseils.
Les week-ends sans enfants, elle aligne les séances de cinéma, le matin dès dix heures, petits cinémas, séances spéciales.
Elle arpente les rues de Bruxelles à la rencontre des monuments, des parcs, elle enserre les arbres dans ses bras, caresse leurs écorces rugueuses. Et puis elle lit. Elle prend confiance en elle.
Quarante-six ans plus tard, retraitée, un peu moins vaillante, une autre ville belle, plus calme aux douces promenades. La passion de l’écriture. Et peu de médicaments, sauf les indispensables à sa vieillesse installée.
Elle respire toujours à pleins poumons…

De David

L’épreuve de philosophie

Evian-les-bains,14 juin 2022
8h30 Le réveille hurle … je l’éteins aussitôt et me lève sans même prendre le temps d’étirer mes membres encore engourdis. Cette fois-ci, mon réveil sera rapide, car ma nuit fut agitée, les phases de sommeil trop rares et trop courtes que pour se sentir en pleine forme et de bonne humeur. Et je sais que même si j’avais dormi comme un bébé, je ne serais pas dans une meilleure humeur, en meilleure forme….
Il est en effet difficile d’être complètement serein et guilleret lorsque dans une heure il vous faut affronter l’épreuve écrite de philosophie du BAC. A la vitesse d’un transformiste novice, j’enfile les premiers vêtements qui me tombent sous la main. J’ose un regard furtif dans le miroir accrocher à la porte de ma chambre. Par chance, l’allure générale dégage une certaine harmonie…on pourrait presque croire que j’ai du style !
8h47 Petit déjeuner avec Nathan et Camille, mes colocataires, un brin puérils à mon goût, mais très sympathiques. Ils sont extrêmement bruyants et de bonne humeur; car contrairement à moi, ils n’ont pas d’épreuves de BAC aujourd’hui, ayant opté pour des spécialités différentes.
Dans le tapage de la coloc, je mange mes céréales machinalement, et totalement déconnecté de toutes sensations gustatives. Mon esprit est ailleurs…, se projette à l’examen, et par anticipation, je ressens la boule au ventre comme si j’y étais. J’ai toujours été un grand stressé.
9h04 Quand faut y aller, faut y aller.
Je me mets en route pour le lycée polyvalent Anna Noailles qui se trouve à un jet de pierre de l’appartement. Sur le chemin verdoyant, riche en chaleur et lumière, qui longe le lac Léman ; je ne prends même pas le temps de me laisser émerveiller par la beauté de l’endroit. Mon pas est lent, lourd, indécis…j’appréhende ce foutu examen. Je me connais trop bien, je sais que je peux perdre mes moyens, dans ce genre de situation, où l’enjeu est important.
Pour tout dire, je concentre dans ma petite personne de 1M70 et 60kg, des tonnes de peurs, timidité, manque de confiance en soi, dévalorisation de soi…, bref le parfait attirail du véritable looser.
9h20 Le lycée n’est plus qu’à quelques enjambées. Je me fais violence pour puiser en moi quelques gouttes de courage, une pincée de confiance en soi, et me murmurer quelques affirmations positives et stimulantes. « Tu vas y arriver », « La réussite est dans la poche » », « Tu maîtrises parfaitement ton sujet »…
Avant de pénétrer dans l’enceinte du lycée au style hétéroclite, où le château du XIXe siècle se mélange au style contemporain, je fais une pause…Je prends une dernière grande bouffée d’air, comme si c’était la dernière cigarette avant de prendre le couloir de la mort! J’essaie d’absorber un peu d’énergie des rayons du soleil et de sérénité en admirant la vue splendide sur le lac Léman et les montagnes Suisses.
9h28 On y est … je pénètre à contre-cœur sur les lieux du supplice, mon cœur s’emballe… Arrivé à l’atrium, j’empreinte la volée d’escaliers inondés de lumière grâce au mur entièrement vitré qui ouvre sur la vue toujours aussi apaisante du lac Léman. A présent, la chambre de torture n’est plus qu’à quelques pas… Je me sens fébrile.
9h32 Ma main moite agrippe la poignée de la porte, l’angoisse rentre en scène. J’ai mal au crâne, mes neurones s’entrechoquent…, mes synapses se lancent des éclairs. A l’instant où j’ouvre la porte de la classe, j’ai l’impression d’être dépossédé de tout mon savoir, comme si mon cerveau venait d’être hacké, mon disque dur entièrement effacé.
Je m’avance vers une table…, je ne vois d’ailleurs que la table…, mes mouvements semblent être en slow motion, et les sons, bien que rares, sont confus et graves comme si j’avais la tête sous l’eau. A peine assis, on vient me déposer, dans un silence religieux, mon épreuve de philosophie sur la table.
– D’ailleurs pourquoi utiliser le terme ‘d’épreuve’ ? N’y a-t-il pas un autre terme générant moins de peurs et d’angoisses ? Quand on vous parle des épreuves de la vie, ça ne vous fait pas remonter des souvenirs positifs, bref…
Devant la feuille, comme pour me rassurer, je note en vitesse les informations dont je suis absolument certain…
Nom : kardont
– Prénom : William
Ensuite, je ferme les yeux pour faire une prière secrète. Je prends une grande inspiration pour dissiper le stress, et tenter d’aspirer toutes les connaissances des cerveaux présents dans la pièce. Et je me jette à l’eau….
Samedi 18 juin, 10h30 …
L’épreuve est passée depuis quelque jours, j’y ai survécu. Aujourd’hui, je me sens bien reposé…j’ai même fait des rêves plutôt agréables. Du genre de ceux qu’on voudrait qu’ils soient réalité.
Alors que je prends mon élan pour sauter du lit, un coussin volant à cent à l’heure vient s’écraser sur mon visage, me faisant basculer sur mon pieu un peu bancal ; tandis qu’un autre s’en va défoncer un cadre photo sur la commode…; et j’entends hurler «les résultats, les résultats…». Mes colocataires immatures semblent plus impatients que moi de connaître le verdict.
Affalé dans un vieux canapé gris en coton, qui sert de banque alimentaire où se trouvent stocker divers échantillons de nourriture, je tapote sur mon laptop le mot de passe d’accès au site du lycée pour y consulter les résultats de l’épreuve de philosophie. Toujours la boule au ventre. A mes oreilles, je sens le souffle et l’haleine matinale de mes colocataires impatients qui guettent par-dessus mes épaules l’affichage du résultat sur l’écran du pc…à peine quelques secondes et le résultat se dévoile : 15/20.
Mes colocataires euphoriques sautent dans le canapé et crient dans toutes les tonalités existantes : «Tu as réussis.. tu as réussis….on le savait».
J’esquisse un sourire, je me sens soudainement plus léger qu’une plume, mais je ne parviens tout de même pas à exulter. Au fond de moi, je sais que j’aurais pu faire mieux si je n’avais pas permis au stress et aux pensées négatives de dévorer un partie de mon potentiel. Avec le recul, je comprends que c’était ridicule de me mettre dans un tel état pour un examen. Et j’en ai tiré des leçons : je ne laisserai plus jamais des peurs irrationnelles occulter ce que j’ai de meilleur en moi, et deviendrai le maître de mes émotions.

De Sylvie

Le stress de Pauline est à son comble. Demain, elle passe l’examen du permis de conduire, le graal pour elle, pour son indépendance, sa liberté d’aller et venir comme bon lui semble. Elle a suffisamment d’économies pour s’acheter une voiture si elle réussit l’examen. Certes, elle ne sera pas luxueuse, mais cela lui importe peu, tant qu’elle peut se déplacer, aller d’un point A à un point B, après tout, c’est fait pour cela une voiture.
Tout son corps est tendu et elle sent une boule dans sa gorge, elle halète, elle a la sensation que seul un filet d’air arrive à se frayer un passage pour aller jusqu’à ses poumons. Elle se dit qu’il est ridicule de se mettre dans un tel état, que ce n’est qu’une simple formalité, qu’elle est prête, mais elle n’arrive pas à faire autrement, son mental la harcèle. Elle anticipe, elle envisage l’échec et se laisse envahir par des pensées négatives.
Elle a mis tant d’ardeur à suivre les instructions du moniteur de l’auto-école pour être une bonne élève que l’idée de rater son examen lui parait cruelle, injuste. Elle se sent triste face à cette éventualité. On dit souvent que l’un des meilleurs moments d’un voyage, c’est l’avant, la préparation, le choix de la destination, de la date de départ, des vêtements que l’on mettra dans la valise. Pour Pauline, l’avant du voyage vers son indépendance est un calvaire. Elle essaye de chasser son stress en se parlant à elle-même, elle s’ordonne de cesser de se faire du mal, en vain.
Alors, elle pense à ce que sa mère lui a appris lorsqu’elle avait passé son bac et que tout comme aujourd’hui, le stress la submergeait. Elle s’assoit sur le canapé, les pieds posés bien à plat sur le tapis, le dos bien droit calé avec deux petits coussins, elle ferme les yeux, pose ses mains sur ses cuisses et se concentre sur sa respiration. Elle inspire lentement et gonfle son ventre et expire tout aussi lentement et suffisamment longtemps pour laisser sortir le plus d’air possible afin de céder la place à celui qu’elle va inspirer ensuite, de l’air salutaire. Surtout ne penser à rien d’autre, juste inspirer et expirer, encore et encore jusqu’à ce que tout son corps se détende. Elle fera cet exercice plusieurs fois dans la soirée et une dernière fois juste avant de s’endormir. Elle se sent mieux et remercie sa mère intérieurement.
C’est le jour J, 7h15, le réveil la tire de son sommeil. Elle a rendez-vous à 9h00 avec son moniteur sur le parking de la poste. Elle peut s’y rendre à pied, alors elle ne prendra pas le bus. Elle se dit que cela lui fera du bien de marcher, de respirer l’air frais de ce matin d’automne. 10h30, Pauline rentre chez elle, l’examen est terminé, elle ne sait pas quoi penser, c’est passé si vite. Elle se repasse en boucle les vingt minutes qu’ont duré l’épreuve. Ai-je bien conduit ? Ai-je fait des erreurs ? Voilà les questions qui trottent dans sa tête. D’ici quarante-huit heures, elle sera fixée.
En attendant, s’occuper pour ne pas trop penser. Parce que de toute façon, les dés sont jetés, elle ne peut pas retourner en arrière, il n’y a plus qu’à attendre le résultat. Elle passe la journée à nettoyer son appartement qui était pourtant déjà propre, au moins, ses pensées sont concentrées à chercher le moindre grain de poussière qui aurait échappé à sa vigilance. L’attente est interminable, et le soir, elle a du mal à trouver le sommeil tant l’enjeu de cet examen est crucial pour elle.
Le lendemain, elle quitte son appartement de bonne heure pour se rendre sur son lieu de travail, elle a dû mal à se concentrer. Elle s’assure que son téléphone est bien chargé, qu’elle a du réseau pour ne pas rater l’appel de son moniteur qui a promis de la contacter dès qu’il aura reçu les résultats des candidats. C’est en fin d’après-midi qu’elle reçoit l’appel tant attendu alors qu’elle rejoignait l’arrêt de bus après sa journée à l’étude du notaire pour lequel elle travaille comme secrétaire juridique. Elle décroche précipitamment, son téléphone était déjà dans sa main, et à l’écoute du résultat, s’effondre en larmes. Quand elle raccroche, elle a besoin de quelques minutes pour retrouver son calme, toutes les tensions accumulées ces dernières heures s’évaporent presque instantanément. Les larmes se mélangent maintenant à un rire franc, elle rit et pleure en même temps. La peur laisse place à la joie, elle est heureuse, elle a réussi.

De Francis

Fatoumata

Depuis quelques temps j’ai la certitude que mon entreprise en pleine restructuration va fermer le Siège social où j’occupe un poste depuis une quinzaine d’années et je vais devoir en chercher un nouveau.
Depuis l’examen du baccalauréat, je n’ai, jusqu’à présent, pas ressenti une telle angoisse. Il faut dire que l’insouciance de la jeunesse a disparu. Aujourd’hui, je suis installé, j’ai une famille. J’ai du mal à accepter la situation et ça me glace le sang. Il va falloir retrouver un poste correspondant à mon expérience et l’idée de devoir passer des entretiens d’embauche ne m’enchante pas du tout. J’ai réussi à décrocher deux rendez-vous.
Je suis fébrile, sur les charbons ardents. Il va falloir que je me vende, mettre en avant toutes mes capacités et je doute de savoir le faire, j’angoisse, je suis inquiète. Je ne me suis pas remise en question depuis longtemps. On m’a conseillé de garder mon calme et pour cela d’effectuer quelques exercices de méditation qu’il serait bon de pratiquer dans un premier temps avec un coach.
Malgré cette préparation, j’ai encore beaucoup de mal à sourire et à parler distinctement sous le stress. Il m’arrive parfois de bafouiller. J’ai aussi peur que tout s’affole, se brouille dans ma tête. L’expérience et l’âge ne font pas tout et il y a forcément des lacunes à combler. Je dois y remédier. Je doute, je doute.
La personne qui va me recevoir a toutes les capacités pour exécuter cet examen d’embauche. Je dois m’en convaincre, et lui faire confiance, mais… c’est difficile. C’est un inconnu ou une inconnue à qui je vais faire face, que je dois convaincre et séduire, en suis-je capable ? Le doute s’installe, il ne faut pas que je pense. Il ne faut pas que je pense……….
Subtilement, je teste ma personnalité, mon allure, mon approche, auprès de mon entourage personnel et professionnel. Le cas échéant, j’améliorerai en tenant compte des avis autant que possible et j’essaierai de suivre les conseils livrés sur les sites spécialisés.
Je pense que je ne serais jamais prête. J’ai des moments de panique mais cependant la confiance revient vite.
C’est le grand jour, entretien d’embauche en vue. J’ai oublié de vous dire que je suis noire de peau. Je me présente devant le recruteur qui ne me parait pas sympathique du tout. Mauvaise impression, j’ai devant moi un raciste, un colonialiste qui ne fait pas de cadeau dès le départ je sens que ça va mal se passer.
« Vous vous appelez ?
« Fatoumata, Monsieur »
« Fatoumata, c’est original. Bon allez, je vois que vous avez 45 ans. Ce n’est pas tout jeune. Vous êtes de quelle nationalité ? »
« Française, Monsieur. »
« De quel pays venez-vous ? »
« De France. Je suis née à Paris. »
« Je suppose que vous avez déjà travaillé. Ne me dites pas comme mannequin, je ne vous croirais pas. Vous savez lire, compter, écrire, enfin je veux dire, vous avez été à l’école et vous postulez. »
« J’ai un doctorat en sciences appliquées, Monsieur. »
« Sans blague ».
Il est odieux, arrogant, misogyne. Il ne me laisse pas un seul instant pour me présenter vraiment. Les larmes me viennent. Je prends le mors aux dents. Je vais lui clouer le bec. Je vais me lancer dans une grande tirade. Je tremble, je sue, j’ai peur, et au moment où je vais planter ma banderille. Je me réveille.
Heureusement, ce n’était qu’un rêve.

Oublier ce mauvais rêve, ce matin, je dois me présenter à un examen d’embauche. Je suis prête mais comment en être certaine. Direction la salle de bains, je n’ai pas très bien dormi. J’ai des cernes sous les yeux, il va me falloir tout le pot d’anticernes pour les faire disparaître.
Je vais mettre les chances de mon côté en me présentant dans une tenue correcte. J’ai répété avec un ami. Je suis prête, j’en suis sûre. Je suis armée, gonflée à bloc, je ne peux pas trouver pire recruteur que dans mon rêve. Ça n’existe pas.
Je prends la brosse à cheveux. J’y vais de bon cœur. Advienne que pourra, je vais le décrocher ce poste, mais cela n’aura rien du hasard car j’ai vraiment préparé cet entretien. J’arrive devant un bâtiment moderne. Je me présente à une hôtesse qui me conduit jusqu’à une grande salle et je découvre que je vais m’entretenir avec une femme. Je me sens en confiance, j’en suis certaine que nous allons nous entendre à l’instant même où je vais m’asseoir.
Je suis déchargée d’un gros poids, je flotte. Je lui souris, j’observe son visage, il dégage de l’empathie. Je suis moi-même très calme et j’arrive à parler posément, normalement. Je fais valoir mes arguments. Gentiment et avec beaucoup de professionnalisme, elle me questionne. Elle essaie de me connaître mes capacités professionnelles, mon expérience ainsi que mes qualités humaines. Je suis à l’aise, j’oublie toutes mes peurs. Nous passons deux heures ensemble. Je suis étonnée en regardant ma montre de constater la durée de l’entretien. En la quittant, je pense l’avoir assurée et convaincue de ma compétence pour tenir le poste.
Quelques temps plus tard, j’ai été informée que ma candidature était retenue. Je prends mes fonctions demain.


De Zouhair (suite des aventures de Bertrand à Marrakech)

Une fois installé dans sa suite où, allongé sur un lit carré de deux mètres de côté, il n’arrivait pas à détacher son regard du plafond en bois sculpté de mille arabesques, Bertrand ressentit la faim. Le petit en-cas payé très cher dans l’avion ne tenait pas au ventre. Il demanda conseil au réceptionniste pour un restaurant correct et pas trop éloigné de l’hôtel, de façon à pouvoir y aller à pied. Celui-ci lui indiqua les restaurants éphémères de la place Djamaâ El Fna.
En effet, ceux-ci s’installaient à la tombée de la nuit sous des tentures montées à la hâte. Ces dernières avaient toutes la même forme et la même couleur blanche. Blanches aussi étaient les toiles cirées qui recouvraient les tables posées dans un ordonnancement strict, afin d’en caser le plus possible. Chaque restaurant mobile portait sur sa façade une pancarte en bois indiquant son numéro de patente et son autorisation d’exercer. Impressionné par des ampoules à la lumière blanche qui renvoyaient par des éclats aveuglants leurs reflets sur les toiles cirées, Bertrand ne savait quel restaurant choisir. Heureusement, les marchands de la place savaient prendre en main les clients hésitants.
C’est d’une poigne ferme que le cuisinier d’un soir avait saisi le bras de Bertrand et l ‘avait entraîné à l’intérieur de la tente et, tout sourire, avait ajouté :

Tu as choisi le meilleur restaurant de la place mon ami !

Et avant que Bertrand n’ait eu le temps de dire un seul mot :

Qu’est-ce qui vous ferait plaisir mon gazou ? Merguez … Kefta… couscous…tout cela accompagné de salades maison !

Bertrand se décida pour des merguez et des salades. Il s’en régala et demanda un thé à la menthe et des cornes de gazelle pour terminer le repas.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que la concentration d’une bactérie portant le joli nom d’Escherichia Coli était beaucoup plus importante dans ce pays qu’en France. Le système immunitaire de l’européen, n’étant pas habitué à de telles concentrations, déclenchait une réaction visant à éliminer le plus vite possible le contenu de l’intestin, dans le but de protéger l’individu. C’est ainsi que Bertrand rejoignit son hôtel en adoptant un déplacement insolite, consistant à accélérer le pas tout en serrant les fesses et à garder cependant un sourire de façade pour ne pas se faire trop remarquer.
Il jura, mais un peu tard, que l’on ne l’y reprendrait plus, comme dit la fable. Comme l’on peut s’en douter, Bertrand passa une sale nuit. Des douleurs lui tordaient le ventre et une soif inextinguible le harcelait jusqu’à l’aube. Lorsqu’il s’assoupit enfin, épuisé, une voix extraterrestre le réveilla en sursaut. Quelqu’un hurlait dans un haut-parleur dans la rue et la clameur lui parvenait par le patio à ciel ouvert du Riad. Mais qu’est-ce donc ?
Ce n’est que lorsqu’il distingua, dans son demi-sommeil, que le monsieur criait « Allah ou Akbar » ! qu’il compris que c’était l’appel à la prière de l’aube. Il y en aurait quatre autres dans la journée.
Bertrand, on s’en doute, ne toucha pas au petit déjeuner copieux qu’on lui avait présenté.
Vers onze heures, il se força quand même à aller faire un petit tour dans la médina afin d’admirer plus longuement le merveilleux artisanat marocain et repérer par la même occasion des cadeaux à offrir aux copains. C’est ainsi que, flânant dans les ruelles pavées aux échoppes chamarrées, une lampe, type celle d’Ali Baba, lui tapa dans l’œil. Elle était jaune d’or avec un manche recourbé vers le haut, tout comme celle des contes des Mille et une nuit. Il avait l’impression que s’il la frottait avec une étoffe, un génie en sortirait et lui demanderait de faire un vœu. Il en demanda le prix.

Ah, c’est une lampe faite de manière artisanale, monsieur, vous n’en trouverez pas une équivalente dans toute la médina ! lui assena le marchand.

Devant l’admiration non feinte de Bertrand, il lui annonça : 1200 dirhams.
Bertrand, briefé par son ami Hamid, divisa tout de suite le prix par deux.
Le marchand, faisant semblant d’être vexé par cette proposition, fit une grimace et dit :

Franchement, qu’est-ce que vous pouvez acheter comme cadeau chez vous pour soixante euros ?

C’était une technique courante chez les marchands que de convertir les dirhams en euros. Le prix de l’objet paraissait ainsi moins cher. Le touriste n’était pas censé savoir que le coût des matériaux et de la main d’œuvre étaient sans commune mesure avec le coût européen.
En effet, Bertrand s’est rappelé que pour soixante euros, il avait eu à peine un demi-plein d’essence, juste avant de quitter la France. Il accepta donc l’offre du marchand et partit, content de son achat.
Le lendemain, il voulut visiter la ville moderne où, Hamid l’en avait informé, il y avait des galeries commerciales dignes du Forum des Halles à Paris. La galerie se situait entre le KFC et le Mac-DO. Bertrand déambula entre les enseignes aussi prestigieuses les unes que les autres, mais son attention fut attirée en particulier par un immense bazar exposant une multitude d’objets d’artisanat, alignés par catégories sur les étagères. Il y avait là des babouches, des narguilés, des tuniques et …des lampes. Certaines étaient identiques à celle qu’il avait achetée la veille dans la médina. Curieux, il en demanda le prix : soixante dirhams (l’équivalent de six euros). Surpris par cette énorme différence de prix, il se permit de demander l’origine de cette lampe à un jeune vendeur qui passait par là.

Ces lampes sont fabriquées en série à l’usine récemment achetée par des Chinois, dans le quartier industriel Sidi Ghanem, lui dit-il. On en vend dix par jour. Vous en voulez une ?

Bertrand ramena une vingtaine de souvenirs pour ses amis, tous garantis « Fabrication artisanale ».


De Françoise G

SURTOUT, NE LE DITES PAS

Cette année-là, on fermait une classe dans l’école voisine, et nous savions que nous trinquerions l’année suivante. Malgré mes quinze années dans la place, j’étais la dernière arrivée, j’allais devoir faire mes bagages, et j’en étais meurtrie. « Comment sauver les meubles ? ». J’avais bien une idée, mais à peine formulée, je reculais ! Ce n’était pas possible, jamais je ne serais capable !
« Allons secoue-toi ! un peu d’ambition que diable ! non ! non ! »
Je voyais bien les personnes qui étaient à ces « hautes » fonctions, jamais je ne pourrais y prétendre. C’est que l’année suivante, la directrice de l’école prenait sa retraite (bien méritée) …ce qui libérait un poste…. Mais un poste de DIRECTION !!!
Sans rien dire, dans un accès d’optimisme et de folie, je me suis inscrite à l’entretien qui estimerait ou pas mes capacités à postuler. J’espérais rester sans réponse, juste la conscience de me dire : « tu as essayé ». J’ai reçu une réponse, favorable, j’étais attendue un mercredi à 16h, Ecole Normale, salle E.
Je me suis renseigné, discrètement, sur le contenu du dit entretien, j’ai potassé la biographie de notre « patronne » : Louise Michel, et, les projets de réforme de notre nouveau ministre, à savoir le découpage de l’enseignement primaire en trois cycles.
Le jour de l’examen, je me suis obligée au calme, j’ai prévu d’arriver très en avance, pour repérer les lieux, prendre la température ….
L’Ecole Normale était ouverte, j’ai trouvé très vite la salle E….pas de lumière, le grand vide… Me suis-je trompée ? Je vérifie ! non ! Je cherche quelqu’un. J’appelle comme une désespérée…Enfin, on se manifeste. Je m’explique.
« Ah ! mais madame, c’est à l’Ecole Normale de Garçons ! »
Affolement ! j’ignorais (j’avais sûrement lu en diagonale) qu’il y eût deux Ecoles Normales distinctes, et j’ignorais totalement où se trouvait celle où j’étais attendue.
On m’a expliqué, mais jamais je ne trouverais, j’étais démolie…Eh ! bien ! si ! J’ai trouvé. Je suis arrivée ventre à terre, hors d’haleine, gorge en feu, juste à l’heure. Il y avait des concurrents devant la salle E. La porte était fermée pour entretien en cours. Le temps de me ressaisir…
Un jeune homme sort, il ressemble à Jacques Villeret, mais il ne prête pas à rire, il est livide, décomposé, il agite la main et s’en va sans un mot. Mon stress qui s’était un peu soulagé redescend au dernier sous-sol. Quand mon tour est arrivé, j’avais une pierre dans l’estomac, et mon cœur menaçait d’imploser. J’ai salué ces beaux messieurs, ils étaient trois, costume-cravate, très sérieux, très déstabilisants, très…
Louise Michel ne les intéressait pas, mais ils m’ont demandé comment j’organiserais dans « mon » école, le principe des trois cycles. J’avais une cousine institutrice en Italie qui gardait ses élèves du CP au CM2. J’ai osé, mais d’une voix hésitante, étant une maîtresse de CP, j’ai proposé de garder mes élèves au CE1 (fin du cycle 2), de faire de « mon école » une école de cycle 2 et proposer à l’école voisine d’être une école de cycle 3.
Les masques en face de moi ont grimacé. Quelle présomption ! Vouloir bouleverser tous les usages…on se gausse, on me noie dans un tas de « bonnes raisons », on m’incendie…j’ai très chaud…Je suis sans consistance, sans arme pour étayer mes dires. Je me laisse ensevelir sous un tas de démonstrations, de conseils menaçants.
Mon temps d’entretien est terminé, on me REMERCIE.
J’ai couru me consoler en ville en m’offrant un joli imperméable cintré. Chez moi, je me suis effondré, j’ai pleuré des rivières et la nuit, je suis retourné à Canossa…
Deux jours plus tard, l’Inspecteur est venu m’annoncer mon échec et me demander ce qui s’était passé. J’étais dans « mes petits souliers » pour redire mes « abominations ».
« Mais ma pauvre dame, me répondit –il, vous pouvez le penser, mais, SURTOUT NE LE DITES PAS ».
Je me suis représentée, l’année suivante, j’ai eu le poste convoité, et je l’ai gardé, jusqu’à ce que pour moi aussi, l’heure de la retraite sonne.

D’Isabelle

La convocation

La nuit avait été brève, saccadée, suée, bleue marine. Le genre de nuit qui colle aux basques toute la journée et vous mène par le bout du nez. Elle avait sans doute beaucoup remué et seules des fiches Bristol lui restaient en mémoire. Elle avait un sale goût dans la bouche et dès que son cerveau s’est mis à fonctionner, elle sut qu’elle n’aurait pas la forme requise. Ses cheveux ne l’aideraient pas non plus, ils avaient pris un mauvais pli. Celui qu’elle n’aime pas. Tant pis, trop tard !
Carte de bus, carte d’identité, convocation et stylo en poche, elle avançait dans le cloître du lycée. Il était bordé de colonnes aussi blanches que pompeuses, presque incongrues dans ce lieu. L’ensemble du bâtiment dégageait une atmosphère hostile et imposante. Elle se sentait oppressée, bouche bée. Mais comment les rosiers avaient-ils pu pousser ? Pourquoi des roses et des statues aux courbes douces comme des euphémismes ? Elle avançait lentement, le cloître était bondé et tout le monde semblait se connaître et discutait avec légèreté. Ses mains étaient moites depuis son arrivée, mais là, elles viraient à l’eau de fonte. Elle s’agitait, passant par un couloir puis par un autre, elle ne savait pas où se diriger et revenait invariablement sur le même côté du carré, sans avoir pu identifier sa salle. Elle était paniquée, perdue… Le temps filait, les joues se pimentaient, le souffle s’amenuisait et le mauvais pli s’aplatissait. A bout d’à peu près tout et au dernier moment, elle put enfin s’assoir dans sa rangée. La salle lui apparut plus hostile encore que le cloître. Les trois rangées de bureaux laissaient peu d’air disponible dans la pièce. Ne parvenant pas à retrouver son calme, son regard tendait vers le bas. Elle observait le carrelage et les motifs formés par l’alternance des carreaux noirs et blancs. Son regard balayait le sol et après une rapide évaluation, elle pouvait affirmer qu’il manquait une rangée de carreaux noirs pour que le motif soit symétrique dans son ensemble. Elle se demandait par quelle supercherie du hasard ou du sort le motif avait-il été raté ? Comment cela se passait-il pour un motif raté, était-ce la voie de garage assurée ?
La voix du professeur qui donnait les consignes se faisait de plus en plus lointaine, sourde ; elle sonnait comme irréelle. Elle levait les yeux pour voir de quel genre d’homme pouvait bien sortir cette voix. L’homme, lui, rétrécissait. Il rétrécissait doucement, harmonieusement, proportionnellement ; mais il rétrécissait indéniablement. Etait-elle la seule à s’en préoccuper? Le professeur était maintenant de la même taille que la surface d’un carreau noir. Puis, il fut aspiré à l’intérieur, comme avalé par le sol. Effrayée, elle tentait de se lever, mais elle restait collée à sa chaise. Elle voulait aller chercher de l’aide mais ne parvenait pas à bouger. Les candidats placés à sa gauche, de même que ceux placés à sa droite, ne s’en souciaient pas. Ils griffonnaient promptement et ne voyaient pas qu’elle-même était en train de se faire avaler par la chaise. Elle tentait de crier mais le son restait enfermé, visage crispé.
La chaise l’avait engloutie, elle pensait que le jeu n’en valait pas la chandelle. Cet examen lui permettrait, certes, de quitter la bourgade familiale mais pas à n’importe quel prix ! Elle n’avait pas assez travaillé et le sprint de ces derniers jours n’avait pas tout rattrapé… Okay, elle voulait bien l’assumer, mais qu’on la laisse s’en aller…
Une colonne blanche, coiffée d’un rosier rouge, arrivait lentement au travers de la fissure du mur du fond. La fissure qui est au-dessus du tableau. Celui qu’on appelle « noir » parce qu’il est vert. Il y a dans les lycées et les bâtiments officiels des clins d’œil absurdes qui l’amusent beaucoup, cela permet de relâcher, parfois. Mais cette fois-ci, l’étrange prenait la place du rire. La forme du professeur qui suivait la colonne, apparaissait dans la fissure et s’en échappait comme des volutes de fumée. Elles semblaient danser ou bien jouer à chat perché. Remplissant tout le plafond, elles arboraient, dans un camaïeu rouge au blanc, les teintes de l’autorité et de la sanction. Une voix grave martelait sans relâche : « manque de travail régulier », « manque d’application » « Et manque d’im-pli-ca-tion ! ». La voix, la forme et la colonne grossirent encore jusqu’au point d’exploser. Les pétales des roses, rouges, lâchés depuis le plafond, recouvraient la chaise…
Elle reprenait peu à peu ses esprits, réveillée en sueur, un mauvais goût dans la bouche, les cheveux aplatis et des fiches Bristol plein les yeux.
Plus de vingt ans étaient passés depuis cette convocation et malgré la mention obtenue, le bac restait son pire cauchemar.

De Lisa

Inspiré de la chanson de « bac G » de Michel Sardou


Tu es majeur
À peine 18 ans
Que tu l’as écrit sur ce papier blanc

Tu te poses des questions sur ton avenir
Et le chômage est à l’horizon et tu sais tout ça

Comme ce bac de français de première
Dans ce lycée réputé et après tu passes le BTS

Ta question est : Vais-je avoir du travail et une retraite ?

Tu es majeur
À peine 18 ans
Que tu l’as écrit sur ce papier blanc

Il a le stress qui se conjugue au présent
Bachelier avec mention
Mais le boulot s’en fou

Il va aller aux études supérieures
Pour que le chômage l’accueille les bras ouverts

Cette angoisse éternelle du déclin qui rend fou
Par la suite, Paul E. vous reçoit avec plaisir
Laissant de préférence le stress au placard
Votre question était “faut-il désespérer”


De Nicole

Le stress d’une femme

Louise, resplendissante dans sa robe de mariée, sourit à Benoît, un couple de rêve selon les parents, les invités. Beaux, diplômés, bonnes situations.
La photo se trouve sur la cheminée au-dessus du feu ouvert. Mais le rêve a fraîchi.
Louise, belle jeune femme, attire regards et convoitise. Benoît, jaloux, guette le moindre geste, le moindre sourire. Cela a commencé par une gifle, puis les coups, toujours au ventre, dans des endroits cachés par les habits. Pas de robes légères, de décolletés, sauf pour lui.
Alors, Louise attend le retour de Benoît dans le stress, l’angoisse des coups.
La naissance de Julie n’a rien arrangé, elle s’occupe trop d’elle. Le stress permanent.
Il se fâche pour tout, les tenues, le repas, les courses, sa conduite en voiture. TOUT y passe.
Louise se sent enfermée physiquement et mentalement.
Après parfois, il pleure, demande pardon, rapporte des fleurs, l’invite au restaurant. Elle y a cru longtemps, trop longtemps. Le stress permanent.
Personne ne paraît au courant. Et puis, la fois de trop, il l’a laissée par terre, cassée de partout presque morte. Après l’hôpital, elle l’a quitté, emmené Julie. Elle boîte encore.
Elle l’a attaqué en justice. Rendez-vous au tribunal, elle stresse. Il sera condamné à deux ans de prison et interdiction de la contacter. Sa fille ne veut plus le voir.
Louise a créé une association de lutte contre les violences faites aux femmes. Elle donne des conférences dans des écoles secondaires. Elle se sent utile, pour sa fille d’abord et pour prévenir les jeune filles. La jalousie, les coups ne sont pas une preuve d’amour mais bien une prise de pouvoir d’un homme sur une femme.


De Roselyne

Le petit bout de papier de Claudette

Claudette est un petit bout de femme, la quarantaine passée. Elle a repris une activité, il y a une dizaine d’années après avoir eu ses deux enfants. Elle travaille dans un office HLM, dans le Nord de La France. Son travail consiste dans un premier temps à vérifier les factures d’entreprises. Puis, un jour, un vendredi après-midi, une secrétaire, avec qui elle parle, lui dit « de toute façon tu n’es rien puisque tu n’as même pas ton bac ».
Claudette reçoit cette remarque comme une gifle cinglante sur la joue, un cataclysme s’abat sur elle. Elle descend vingt pieds sous terre tellement la déflagration a été violente. Elle rentre chez elle emplie de rage, raconte sa journée à son mari. Son courroux est tel que Claudette enfile sa tenue de sport et file courir afin de se libérer de cette parole véhémente qui l’a profondément blessée.
Oui, effectivement Claudette n’a en poche qu’un diplôme de sténodactylo, dont elle est fière. Piquée au vif, elle décide de faire des cours du soir pour obtenir son baccalauréat par unités de valeur. Cette secrétaire, elle va voir de quel bois elle se chauffe !
Aussi dit, aussi fait. Comme l’année scolaire s’achève, elle ne pourra commencer qu’en septembre. Qu’à cela ne tienne, elle fait son inscription pour la rentrée prochaine. L’été se passe, Claudette est passée à autre chose car elle a changé de service, et c’est elle qui gère son travail, ce qui lui plaît davantage que le précédent poste.
Ce soir, c’est le grand jour. Elle est stressée, avec qui va-t-elle se trouver ? Elle appréhende d’être face à des personnes plus jeunes qu’elle. Mais à sa grande surprise, ce sont des « étudiants-es » qui se situent dans une tranche d’âge à peu près comme la sienne. La première valeur qu’elle a choisie, c’est le français, matière où elle navigue à son aise. Le premier cours se déroule bien, à la fin de celui-ci elle est plus détendue. Claudette a quarante-trois ans et elle est de retour à l’école et les deux heures sont finalement passées très vite.
De fil en aiguille, Claudette obtient ses unités de valeurs, français, histoire, géographie. La troisième valeur qui est l’anglais a été interrompue par une année de maladie. Pour Claudette, cela a été plus difficile. Il lui a fallu reprendre le chemin des bancs scolaires, le moral pas toujours au beau fixe, fatiguée par les traitements. Mais elle est toujours déterminée à mener à bien cette entreprise, qui pour elle est aussi une aventure humaine, son aventure.
Cette après-midi, oral d’anglais, Claudette est nerveuse, son stress est intense, elle fait les cent pas dans le couloir. La porte s’ouvre, son nom résonne comme un bruit de tambour à ses oreilles. L’examinateur commence à lui poser les questions rituelles, name, surname, profession, âge, enfin tout ce qui concerne sa personne. Lecture d’un texte puis la grande confrontation orale, ce que Claudette redoute. Ses mains sont moites. Elle sent monter en elle une peur indescriptible. Comment va-t-elle s’en sortir ? Elle se débrouille, mais sans plus. Dehors, il fait beau ; par les grandes baies vitrées, elle voit le port de commerce. Elle se concentre pour répondre du mieux possible à l’examinateur, qui ne cesse de la fixer.
Tout à coup, c’est le chamboulement. Claudette sent que ses nerfs vont lâcher, elle se retient mais les larmes coulent sur ses joues, elle est submergée par la honte de pleurer devant cet homme qui est là pour juger le travail effectué pendant l’année. Claudette se reprend, s’excuse. L’examinateur lui demande depuis combien de temps elle fait de l’anglais, elle lui répond deux ans. Il remercie Claudette qui fait de même et elle s’éclipse de la salle toute contrite. C’est à peine si elle voit les autres candidats qui la hèlent « alors, comment cela s’est passé ? » Claudette a besoin d’air frais, de marcher, de penser à la déconfiture qui va arriver avec les résultats. Il faut attendre la semaine suivante, le weekend va être très long.
Elle rumine, elle est renfrognée. Si jamais elle ne décroche pas ce diplôme, elle sera plus bas que terre et elle imagine bien la mine radieuse qu’aura cette fichue secrétaire qui pourra se targuer d’avoir eu raison. Lundi retour au travail, la journée va être compliquée, ce soir Claudette saura si elle a décroché ce fameux bout de papier. Dix-huit heures, devant la porte vitrée où sont affichés les résultats, Claudette est fébrile. Les yeux rivés sur la page dactylographiée, elle déroule les patronymes comme une feuille de scolopendre. Enfin, elle voit son nom inscrit, en face de celui-ci mention AB, elle embrasse son amie Nicole qui elle aussi est reçue. C’est la liesse. Le stress disparaît, une grande joie s’empare de Claudette, « salut » dit-elle à Nicole, « je rentre à la maison. Je vais annoncer la nouvelle. »
Elle n’en revient pas, elle a même une mention, mais ce qui lui importe c’est qu’enfin elle a ce document. A la maison, chacun est heureux et ses enfants sont fiers de cette maman qui a sacrifié des moments importants pour relever ce défi. Bachelière, Claudette est radieuse. Elle a quarante-six ans.
Claudette sait maintenant qu’elle est capable d’affronter n’importe quelle situation. Elle est prête à remercier la secrétaire qui malgré elle, lui a donné le courage et l’ambition de se confronter à d’autres horizons, à prendre confiance en elle. Claudette est formidablement satisfaite de sa réussite et envisage la suite de sa carrière autrement. Un nouveau pari à mettre sur les rails et à tenir. Elle sait déjà qu’elle y arrivera.
La morale de cette histoire est que parfois il faut oser se lancer des défis, soit comme ici à la suite d’une grande claque qui pulvérise le quotidien, soit par une envie personnelle de faire autre chose, de changer ses habitudes.

D’Alcide

Josh, 20 ans, fils ainé de son père et de sa mère, une famille qui vivait avec les moyens du bord. Ils travaillèrent dur pour prendre soin de leur petite famille. Depuis tout petit, Josh se disait toujours qu’il était né pour sauver des vies, c’est-à-dire, devenir un grand médecin renommé. Tellement déterminé après le Bac, il décida de participer aux examens d’admission à l’université de médecine pour enfin conquérir son rêve le plus cher.
Pour Josh, chaque jour était un nouveau jour parce qu’il se donnait à fond dans ce projet à long terme. Quand le jour arriva, il se rendit à l’université de médecine. On aurait dit que Josh était tombé dans une citerne, il se rongeait les ongles, sa main devenait moite, ses jambes tremblaient comme le vent dans les fagots et il resta dans un coin. Josh avait tous les problèmes du monde pendant ce jour, tout ça parce qu’il avait un complexe d’échec et il était agoraphobe.
Josh était tellement hypnotisé par la capacité des autres postulants, il se demandait s’il pourrait affronter ce stress phénoménal. Du même coup, il songea aux paroles de son père “Ne te laisse pas emporter par le stress, fait ce que tu as à faire et devient maitre de ton destin.” Après cette pensée, il se canalisa et affronta sa peur avec fermeté. Une fois arrivé dans la salle, il prit place et fit ce qu’il avait à faire. Après l’examen, Josh rentra et raconta toute la journée à sa famille. Bien qu’il ait fallu à Josh une éternité avant de devenir homogène avec les postulants.
Enfin, le jour qui hantait Josh pendant des mois arriva. Dès l’aube, il se vêtit et prit son p’tit déj et se rendit à l’université de médecine. En arrivant, il aperçut une multitude de postulants attristés et en même temps joyeux. C’est là que son cœur se racornit dans sa poitrine et il avança à pas de tortue vers le tableau, chercha son nom et découvrit ses fameuses initiales parmi les meilleurs postulants. Josh ne désirait rien de plus, tellement qu’il était fier. Il serait ce qu’il avait souhaité être depuis son plus jeune âge. Enthousiasmé, il rentra chez lui et se voyait déjà avec sa blouse blanche sur le dos.


D’Eric (suite des aventures de Ninon depuis la proposition d’écriture N° 151)

En décrochant le combiné, Ninon reconnaît la voix de sa fille Tia, qui passait son permis de conduire ce matin à 11 heures :
– Maman, quelle journée ! J’ai frôlé deux fois la catastrophe ! D’abord, j’ai failli rater l’heure du rendez-vous. Figure-toi qu’hier soir, je ne suis pas arrivée à m’endormir. De toute la nuit, mon cerveau ne m’a laissé aucun répit. Tu vois ce que je veux dire ?
– Oh que oui, Tia chérie, mais continue.
– Au petit matin, je sombre dans un sommeil profond et n’entends pas le réveil. Lorsque j’ouvre un œil, il est déjà 10 heures. Je file à la salle de bain sans m’y attarder ! Je m’habille et me regarde rapidement dans le miroir de l’entrée. Non, je ne peux pas me présenter comme cela, il me faut une tenue qui me mette en valeur mais moins aguichante. Un coup d’œil à l’horloge du salon me confirme que l’heure continue à tourner dangereusement. Mes gestes deviennent brusques. Je me coince un doigt en fermant le tiroir de la commode. Tant pis, je remets les habits que j’avais enlevés, en me disant que si je tombe sur un examinateur, cela pourra jouer en ma faveur, si c’est une examinatrice, rien n’est moins sûr … Déjà 10 H 40, pas le temps de déjeuner, juste un café express et me voilà dehors. J’arrive haletante à l’auto-école. Je suis la dernière. J’essaie de me calmer et veux prendre un mouchoir dans mon sac. Pas de sac ! Catastrophe, je l’ai oublié à la maison. Sais-tu ce qu’il y avait d’important à l’intérieur ?
– Ta carte d’identité, je suppose.

Exact. Et je dois la produire pour prouver que c’est bien moi qui passe l’examen et non une conductrice de substitution.
Dis donc ma chérie, ton père ne devait-il pas t’aider ?
C’est vrai, mais il est absent depuis une semaine, un voyage de dernière minute à l’étranger pour son travail.
Tu aurais dû me le dire ! j’aurais eu grand plaisir à …
Stop Maman, ce n’est pas le moment, Je me débrouille très bien toute seule et si tu ne veux pas que je te raconte la fin de l’histoire, on peut raccrocher !
Pardon de t’avoir interrompue Tia, Vas -y, je t’écoute!
Celle qui m’a surprise, c’est la directrice, elle a proposé à l’inspecteur de faire passer le trajet de l’examen devant la maison pour que je puisse y prendre mes papiers. J’ai eu la nette impression que ce dernier n’était pas insensible aux charmes un peu rondouillards de la dame et réciproquement. En voyant la voiture, rouge et rutilante, j’ai trouvé qu’elle et moi étions bien assorties : beau châssis, belle couleur… Nous allions nous entendre. Une fois installée derrière le volant, je me suis détendue. Envolée la tension du matin. J’ai démarré sans à-coups, roulé ni trop vite ni trop doucement, suivi les indications de l’examinateur, tout en gardant mon attention sur les voitures alentour. Le créneau ? Parfait. Quand il m’a fait soulever le capot, il a apprécié mes connaissances mécaniques, m’a félicité pour l’aisance de ma conduite et m’a annoncé derechef l’obtention de mon permis de conduire. Tout cela sans aucun regard sur mes jambes dénudées qui n’auront servi en fin de compte qu’à appuyer harmonieusement sur les pédales. Au passage, merci Papa pour sa patience et les nombreuses heures de conduite accompagnée. Ce permis, c’est un peu le sien aussi.
Voilà une excellente nouvelle, et puisque tu aimes tant conduire, pourquoi n’empruntes-tu pas la voiture de ton père pour venir me voir dans mon petit paradis pour fêter cela dignement ?
Maman, aujourd’hui je vais célébrer cela indignement avec mes amies, ce qui risque fort de me rendre inapte à tenir un volant au regard de la loi. Mais, je retiens l’idée et t’appelle avant de venir, en espérant que Papa ne soit pas revenu, car cela m’étonnerait qu’il me prête sa Porsche le cœur léger. La partager avec moi quand il est à l’intérieur est une chose, mais la prêter, en la regardant partir avec au volant sa fille chérie, en est une autre. Allez Maman, à plus tard ! Je t’embrasse.
Encore félicitations, ma petite fille adorée, je t’embrasse et je t’aime.

Ninon raccroche le téléphone, un sourire aux lèvres. Elle est contente pour sa fille.


De Pierre

Le stress, l’angoisse, la peur nous les vivons tous au cours de notre existence. Les deux récits qui suivent témoignent bien de situations vécues restées gravées dans ma mémoire ; sans être douloureuses à l’extrême, elles me furent un instant difficile à maîtriser.

1.Le permis de conduire

En ce temps-là, en mille neuf cent soixante, j’avais dix-neuf ans, ma famille me demandait de prendre des leçons de conduite afin de pouvoir les balader en auto comme c’était devenu la mode à cette époque. Nous étions dans les « Trente Glorieuses » où tout le monde n’aspirait qu’à rouler. Ma sœur venait d’avoir son permis ; il fallait que je l’aie aussi et ç’à me « barbait » au plus haut point. Je n’étais pas attiré par les voitures, encore moins par la moto qu’un vieux collègue de bureau voulait me vendre. Mais après un tour de rue, je lui rendis son engin en lui disant que ce n’était pas pour moi. Nous avions, à cette époque, fait l’acquisition d’un antique véhicule, très lourd mais très confortable, véhicule qui tombait fréquemment en panne . C’était une 302 Peugeot modèle 1938, voiture qui pouvait nous emmener dans l’Oise où nous possédions une petite maison de week-end.
J’habitais à Courbevoie, près du quartier actuel de la Défense en banlieue ouest de Paris. Je travaillais comme employé aux écritures (quel beau titre) dans une vieille entreprise métallurgique. Ne pas être en cours avec d’autres étudiants, ne pas avoir de diplômes hormis ceux dispensés par les cours du soir (le CAP), cela ne me gênait pas. J’étais content de mon sort, vivant dans une sorte de cocon douillet, mon existence partagée entre sorties avec copains le samedi, le travail en semaine et l’appartement familial. De nature timide, réservé, peureux en particulier avec les filles, je cherchais peu les contacts ; mon rêve c’était de partir, ailleurs. Je ne pus exaucer ce rêve de voyage que plus tard, l’armée s’étant chargée de me faire visiter du pays…
Le premier contact avec le professeur de l’école de conduite, un homme frisant la soixantaine, un vieux pour l’époque, fut glacial. Manifestement, il m’avait dans le « nez », sans doute personnifiais-je à ses yeux le fils parti vivre au Népal ou en « taule », je ne sais pas. Les deux premières leçons se passèrent sans trop de problèmes, hormis des réflexions sur mon fréquent manque d’attention durant les leçons de code, qui à l’époque se faisaient oralement, comme à l’école.
Les leçons suivantes alternaient conduite et code. Un jour, le prof me demanda de prendre le volant. Je fus très inquiet car je savais qu’il ne me « louperait » pas. Le trajet consistait à emprunter une voie de grande circulation, très chargée en fin de journée, avec de plus une ligne de trolleybus, ces véhicules mus par l’électricité grâce à un caténaire. J’étais au volant ; le professeur me demanda très brutalement de doubler camions et bus devant moi et ensuite de prendre une petite rue latérale sur la droite. Effrayé, je n’osais le faire, j’avais peur, il criait fort, encore plus fort, m’insultant presque et me disant que je serais toujours un danger public. Après cette leçon orageuse, je pris la décision de cesser les cours de conduite pendant deux semaines, prétextant une forte grippe. Mais je revins vite vers cette auto-école pour ne pas perdre mes acquis et surtout par l’insistance de ma mère furieuse après moi car c’est elle qui finançait les cours.
Le jour de l’examen approchait, j’étais hyper anxieux, je n’avais pas dormi, je me voyais rentrant au logis, tout penaud annonçant mon échec ; enfin arrive le jour J :

Bonjour jeune homme, me dit l’examinateur, un gars relativement jeune, très sympa. Installez-vous au volant, détendez-vous ça se passera bien.

Les questions sur le code se passèrent très bien, car j’avais très bien révisé la veille. Mon prof de conduite était aussi présent sur le siège arrière ; il ne disait rien mais il faisait la « gueule », je le voyais dans le rétro.
La phase conduite démarra, nous étions à Paris dans le 18ème, dans une rue commerçante avec démarrage en côte, un jour de marché, un jour de pluie et beaucoup de monde alentour, c’était la totale ! Tout ça me semblait insurmontable, j’avais tout pour échouer à cet examen. Cependant, le parcours se passa sans anicroches, hormis un créneau mal calculé à la fin. Je sortis de la voiture, l’examinateur me tendit un papier et me dit en souriant :
– voilà jeune homme, je vous le donne votre permis, prenez-en bien soin et surtout ne faites pas d’imprudences.
Le prof n’était pas content, il considérait que j’avais mal conduit et que j’avais eu de la chance (ce qu’il me dit au retour). A ce moment, un homme relativement âgé, très en colère, me hurle au visage :

C’est dégueulasse, dit-il, j’ai vu ton créneau mal « emmanché » et moi, ça fait quatre fois que je repasse le permis et j’en ai besoin pour mon boulot !
Ecoutez monsieur, lui dis-je très calmement, ce n’est pas de ma de faute si vous avez échoué ; vous voulez mon papier, je vous le donne.
Tu te fous de ma gueule, jeunot, me dit-il.

Le prof le prit à part, le calma et lui proposa de reprendre des leçons de conduite avec lui pour un cinquième examen. Je suis rentré à la maison serein, tout fier d’avoir le papier magique entre les mains et aussi fier d’avoir vaincu ma peur.

2.Passage de la frontière

Année deux mille sept, après une semaine passée à Montréal, je prévoyais d’aller aux Etats-Unis, en empruntant le bus Greyhound, le moyen de transport le plus économique. L’employé à la gare de bus de Montréal me prévint en me vendant mon billet que je devrais subir un interrogatoire de la part des agents américains de l’US customs avant qu’ils ne m’octroient un visa. Je fus soudainement très inquiet, moi qui le suis fréquemment, et je pensais surtout à mon passeport, même s’il était valide, ne correspondait pas forcément aux critères des nouveaux passeports biométriques imposés par les Américains. Je me voyais déjà interdit de mettre le pied en Amérique, comme un vulgaire immigrant d’Amérique Centrale.
Départ à vingt-trois heures, il fait nuit noire, le bus quasiment plein avec beaucoup d’Américains qui rentraient chez eux, des Canadiens et bien sûr des étrangers, touristes comme moi. Le voyage vers la frontière dura quarante-cinq minutes. A l’arrivée au poste frontière, il y avait de nombreux bus qui faisaient la queue sur un large espace brillamment éclairé. Un homme en uniforme, très grand, d’allure sportive, copie conforme de Charlton Heston, monta dans le bus. Il se présenta, nous invita à descendre et à nous diriger vers un des grands bâtiments ; j’étais terrifié. Le policier sortit le dernier du bus après avoir bien vérifié qu’il n’y avait personne sous les sièges.
A l’intérieur du bâtiment, nous faisions la queue et devions attendre qu’un employé des US customs nous appelle. Charlton Heston présidait sur une estrade où de là il pouvait contrôler les candidats à « l’American Dream » et localiser les individus douteux…

Next one, me dit un fonctionnaire derrière son comptoir.

Il semblait calme, un peu endormi mais il est vrai que nous étions en pleine nuit. Il me tendit une fiche à compléter et me demanda de sourire car j’allais être photographié pour la « postérité » et mon gros doigt trempé dans l’encre pour recueillir mes empreintes : sécurité oblige….

Où allez-vous aux US, qu’allez-vous faire et pour combien de temps, me demanda-t-il en Anglais ?

Je répondis que j’allais aux US pour visiter l’est du pays, d’abord près de New-York en court séjour, logé chez l’habitant, ensuite à Washington et enfin retour en France dans deux semaines. L’employé mit un terme à l’échange ; il accrocha à mon passeport le fameux sésame I94W pour traverser ladite frontière et me demanda d’acquitter le droit de passage de six dollars. J’étais soudainement soulagé mais ce répit ne dura pas car en sortant du building, je vis les agents contrôler au hasard les valises et me sentais coupable d’avoir des médicaments dans les miennes, ces médicaments nécessaires pour mon suivi cardio. Ma valise ne fut pas contrôlée, « ouf » ; le bus repartit vers New-York. Avant de m’endormir, j’eus un échange avec mon voisin de siège, un jeune routard australien sympathique connaissant bien New-York qui me recommandait ce qu’il fallait voir. Arrêt à Albany, capitale de l’état et ensuite approche de la « grosse pomme ». Une fois sorti du bus au terminal de Manhattan, je fus pris d’une diarrhée violente ; je cherchais désespérément les toilettes pour me libérer. Je cavalais dans cette énorme gare. Enfin, je vis un « restroom » où des gens assis sur leur « trône » semblaient bien concentrés, lisant leur journal…curieux pays !
Ça y est, je me sens beaucoup mieux, mes peurs de la nuit s’estompent, je suis comme un enfant devant ses jouets de Noël, je suis à New-York, ses sirènes, ses taxis jaunes, ses gratte-ciels et me je dirige vers le bus de Jersey City qui sera mon port d’attache pour quelques jours, j’étais en Amérique.
Les voyages vers l’inconnu nous aident à maîtriser nos peurs ; j’en suis convaincu.

De Brigitte

A la veille de l’examen, pétrie d’angoisses et craignant de rater le réveil, Alice ne trouva pas le sommeil. Peut-être un très léger assoupissement sur le matin… et encore… Elle prit une douche très chaude afin de se requinquer, vérifia les vêtements choisis la veille pour affronter le jury : une tenue simple, souple dans laquelle elle serait à l’aise. Elle se força à avaler son thé et manger une tartine beurrée, mais sa gorge était trop nouée. La radio fonctionnait comme chaque matin, mais elle ne percevait qu’un brouhaha, son esprit tout occupé à passer en boucle les éventuelles questions que le jury serait susceptible de lui poser … dans une heure. Elle savait que “l’épreuve” (le mot n’est pas trop fort!) durerait 1/2 heure et que la délibération du jury aurait lieu à la fin de la journée . Elle sera fixée dès le soir même si elle pouvait intégrer – ou non – cette formation qui lui tenait tant à cœur.
Son stress était à la mesure de ses espérances… C’est peu dire ! Elle avait brillamment réussi les tests sur “table”. L’écrit en général, cela ne lui posait jamais de difficulté … s’exposer devant un jury était une autre paire de manche! Malgré de multiples vérifications, elle doutait encore – tout en s’en voulant – que le thème du mémoire rendu il y a trois mois était pertinent. Elle était si peu sure d’elle et sa très grande timidité l’avait desservie plus d’une fois. Elle fut prise d’une diarrhée fulgurante avant de quitter son appartement. Elle ferma la porte en tremblant, faillit s’étaler dans les escaliers, se dirigea comme un zombie jusqu’à la station de métro, bouscula un vieux monsieur, se confondit en excuses… ce qui la ramena brutalement à la réalité. Elle eut la chance de trouver une place assise, et, confortablement installée, elle effectua les petits exercices que son ami sophrologue lui avait recommandé. Son esprit se libéra peu à peu, les battements de son cœur s’apaisèrent et, étrangement, malgré la nuit blanche, elle ne ressentait aucune fatigue. Elle remercia intérieurement son ami. Arrivée sur les lieux du centre de formation, une dizaine de candidats, aux mines figées et sourires crispés, attendaient dans un silence pesant. Quel ne fut pas son soulagement quand une personne surgie du couloir l’appela la première… Ouf, l’attente tant redoutée était écourtée. Arrivée devant “la PORTE” qui allait sceller son destin, elle sentit monter le rouge aux joues et eut l’impression que ses jambes se dérobaient. Qui allait-elle avoir en face d’elle ? Elle se concentra sur sa respiration, se tint droite et tenta de paraitre détendue. Elle découvrit un jury composé de trois personnes : une petite femme habillée strict en bleu marine à l’air revêche, un homme au visage accueillant et une grosse dame aux cheveux en pétard qui daigna à peine lever le nez de son agenda.
Quelques (autres) petites astuces ? – Se dire que ces trois-là étaient probablement autant flippés qu’elle !
Il lui apparut rapidement et nettement qu’ils ne s’étaient pas concertés. Ne pas tripoter nerveusement son stylo, ne pas regarder ses chaussures, dégager ses épaules, se concentrer sur la respiration .. .
“Petite dame bleue marine” avait l’exemplaire de son mémoire sur le bureau, truffé de post- it et “attaquait” sur la forme de l’écrit: la police et la couleur de caractère, la qualité du papier ne lui convenaient pas … C’était tellement incongru que les deux autres personnes semblaient dubitatives. Alice décida en son for intérieur de ne pas se laisser déstabiliser. C’est alors que «Monsieur bonne mine” visiblement agacé par ces remarques intervint, non sans lui couper la parole. Il félicita Alice pour le thème choisi et la pertinence de son propos : un échange spontané et passionné s’engagea entre eux. Alice oublia presque qu’elle se trouvait devant un jury… Ses mains n’étaient plus moites, sa respiration paisible, no stress… elle fit preuve d’une assurance sans faille et s’en étonna elle-même. Elle développa dans ce franc échange ses hypothèses.
Quant à “Madame cheveux en pétard”, elle déclara ” c’est parfait pour moi, tout a été dit”, avant de se replonger illico dans son agenda! A sa décharge, le temps imparti était largement dépassé… La discussion entre “Monsieur bonne mine” et Alice avait duré au moins bien 3/4 heures.
En attendant les résultats, Alice fit connaissance avec quelques candidats autour d’un bon café, chacun se demandant s’ils auraient la chance de se revoir dans 3 mois et se promettant le meilleur ! Quand enfin LA PORTE s’ouvrit, le verdict tomba : C’est “Madame cheveux en pétard” qui lui annonça avec un grand sourire sa réussite.
Sur le chemin du retour, Alice était sur un nuage, souriait béatement, avait envie d’embrasser la terre entière. Elle fut transportée dans un futur plein de promesses, grisée par les nouveaux horizons qui s’ouvraient à elle ! Outre la joie de s’initier à de nouveaux apprentissages, elle allait faire de nouvelles rencontres et savait qu’au bout du chemin, elle redonnerait sens à ce qui l’habite au plus profond d’elle même!

D’Elie

L’examen du baccalauréat de la session juin 2006 ouvrait ses portes à tous les candidats de tous les horizons du pays. Et Viviane était comptée parmi les candidats qui devraient affronter les différentes épreuves, qui donnaient droit à l’entrée dans les universités. Elle était de nature ambitieuse, mais caractérisée par une susceptibilité qui pouvait l’enfoncer dans des troubles émotionnels. Le jour de l’examen arriva. Les parents des candidats accourraient avec leurs enfants de peur d’arriver en retard. Le domicile de Viviane était proche du lycée Bêhanzin, où elle devrait composer. Je pris volontiers la décision de l’accompagner au centre d’examen jusqu’à la fin. Ma petite sœur Viviane me suivit pour le lycée ce matin-là. Les classes du lycée étaient d’une architecture imposante et peintes en couleur rougeâtre. Elles étaient spacieuses et laissaient circuler l’air pur pour la bonne santé. Viviane venait de composer la première épreuve du Baccalauréat où elle avait fait de grosses erreurs sur l’épreuve du français.
Pendant que je l’attendais à l‘ombre des manguiers de la cour du lycée, je vis ma sœur Viviane venir en criant puis s’échouant par terre. Troublé, je me demandais ce qui lui était arrivé. La première réaction immédiate était de conduire ma sœur Viviane aux urgences. Car le tableau de la crise de Viviane était bien inquiétant. L’un des examinateurs, Monsieur Rigobert alerta les autorités du centre. Le chef du centre fit venir une ambulance de l’hôpital de Zone de Porto-Novo pour conduire ViViane aux urgences.
A treize heures, notre grand-frère Paulin arriva à l’hôpital pour s’enquérir des causes d’une telle crise.
– Que s’est-il passé au juste ? demanda mon frère Paulin.
Je lui répondis que je n’avais pas les arguments scientifiques pour expliquer la condition de notre sœur. Mon frère interrogea le docteur Siméon, l’un des médecins qui parlait dans les termes que voici:
-Mademoiselle Viviane a eu ce que l’on appelle le syndrome de la peur de l’échec. Cet état de chose lui aurait causé de fortes angoisses et du stress. Elle a eu cette émotion qui l’a conduite à rater l’épreuve du matin. Viviane n’a pas pu surmonter le danger de la peur.
-Merci Docteur, pour les explications qui apportent un plus à notre champ de connaissance.
Mon frère demanda si Viviane pourrait passer l’examen à 15heures 30 minutes.
Le Docteur répondit qu’il ne serait sage de faire ainsi.
-Nous la préparerons pour la session des malades.
Pendant, que le Docteur parlait, Viviane se réveilla et comprit qu’elle était aux urgences. Elle reçut assez de bain d’affection qui était pour elle des grosses bouffées d’oxygène qui la ramenèrent à la vie. Le Directeur de l’Ecole et un de ses professeurs, informés de la situation, accoururent à l’hôpital. Ils étaient heureux de la retrouver lucide. Et le Directeur s’adressant à Viviane dit :
-Bonsoir ma chérie Viviane.
Bonsoir mon Directeur.
-Viviane, comprends que la peur à l’échec t’a dominé et a causé en toi des angoisses et des stress. C’est cet état de chose qui t’a rendue vulnérable en ce jour. Aussi, tu dois rester positive, et voir en chaque chose une occasion d’apprendre de nouvelles leçons pour la vie.
-Je suis heureuse de vous voir autour de moi. Par vos conseils et votre encadrement, je sortirai vainqueur du baccalauréat.
La session des malades arriva et Viviane alla composer dans la quiétude et la confiance en soi. Elle réussit au baccalauréat avec la mention Bien. La vie nous offre des épreuves et ses succès. L’attitude souhaité de tous est d’avoir confiance en soi et de bien travailler. Et s’il advenait des échecs ou des calamités il faut dominer et maîtriser les circonstances offensives.

De Pascale

La boule au ventre

Seul, allongé dans la pénombre de sa chambre tout juste enluminée par la veilleuse dont il n’a jamais pu se passer, il ne réalise pas. La boule au ventre, vieille comparse avec laquelle il compose depuis l’enfance, lui endolorit l’abdomen. Comme toujours, ses émotions le submergent, tel un raz de marée, tandis que dans sa tête, les souvenirs se bousculent… Tant de chemin parcouru, tant d’obstacles à franchir, tant de douleurs à encaisser !
Il y a tout d’abord eu cette petite enfance, où les mots entendus n’évoquaient que des images incertaines, où sa famille ne décodait pas ce déchaînement de colère lorsqu’il ne parvenait à répondre à leurs sollicitations. Puis retentit l’heure de l’entrée à l’école, l’assaut du bruit, le contact des autres, les non-sens du langage, ses mains qui ne parvenaient
pas, malgré toute sa bonne volonté, à tracer sur des chemins bien définis les contours attendus. Tous ses repères bousculés lui insufflaient une insécurité qui réveillait la boule au ventre, provoquant la suffocation, jusqu’à déclencher son agressivité.
Ses parents, très vite alertés par la machine infernale qu’est l’Education Nationale, l’ont alors conduit de médecins en spécialistes, de rééducateurs en thérapeutes. L’étiquette et le verdict furent posés : « Votre enfant, aux vues de son handicap et de son attitude ne peut plus être scolarisé au sein de notre établissement. »
Désarroi parental, délivrance pour lui !
S’en suivirent deux années où, peu à peu, la sensation d’une sécurité rétablie rendait la vie plus douce, plus confortable. Au sein du foyer bienveillant, le temps s’écoulait au rythme régulier des prises en charge thérapeutiques, des rituels quotidiens, du repos réparateur, d’un sommeil toujours très perturbé. De cette période, il ne sait plus quand et comment la lecture et les nombres ont insidieusement rejoint son univers. Ce qu’il sait, c’est qu’ils lui ont ouvert les portes d’un imaginaire qu’il croyait impossible, d’une passion pour les chiffres et leur infinité.
C’est plus apaisé, qu’il a ensuite retenté l’expérience de la scolarité, lentement, progressivement, au sein d’une classe spécialisée. La boule au ventre l’accompagnait chaque journée, mais au fil de l’épreuve, les tsunamis attachés à ses émotions se sont espacés tandis que de belles rencontres se sont invitées : Rencontre avec cette enseignante qui a su instaurer la confiance, écouter son trouble, ordonner les apprentissages. Rencontre avec ses pairs, leurs multiples différences, leurs boules au ventre, leurs échecs et réussites qui lui ont fait réaliser qu’il n’était pas seul. Rencontre avec ce merveilleux outil informatique qui lui a autorisé l’accès à l’écrit. Et surtout rencontre avec un avenir possible au sein d’un système scolaire où la différence occupe si peu place !
Il sait que s’il est là, ce soir, s’autorisant à croire que l’invraisemblable est sa réalité, c’est en grande partie grâce à cet espace-temps de rencontres improbables !
Il sent les larmes humidifier son visage. De nouveau, les émotions l’assaillent au souvenir des années collège, accueilli au sein d’une classe à faible effectif, risée de nombreux ados intolérants, plus bêtes que méchants. Ses souffrances remontent, l’envahissent, sa colère est incontenable. Il crie, frappe sa tête contre l’oreiller, se lève, fait la toupie, trépigne avant de s’allonger sur le sol, épuisé. L’ouragan intérieur s’est calmé, les souvenirs se sont estompés.
Sa grand – mère, présente pour fêter l’événement, ouvre doucement la porte de sa chambre. Elle le serre tout contre elle, tendrement, le berçant comme un tout petit. D’elle, il accepte ce contact fusionnel, ce parfum qu’il connaît par cœur le rassure.
« Tu as dû gérer beaucoup d’émotions mon grand aujourd’hui ! Accueille-les, n’aie pas peur. Je suis si fière de toi mon Asperger préféré. Viens maintenant, rejoignons les autres, il est l’heure de fêter ta réussite au baccalauréat ! »


De Marie-Josée

Le permis de conduire

Martine roulait tranquillement en fredonnant l’air de la chanson qu’elle avait entendue au restaurant. Elle profitait des derniers rayons du soleil couchant quand elle fut alertée par les appels de phare d’un automobiliste en face. Elle ralentit instinctivement et aperçut des gendarmes au loin. Elle savait que les contrôles de vitesse étaient fréquents sur ce tronçon et un rapide coup d’œil au compteur lui confirma qu’elle n’était pas en infraction. Elle avança sereinement et lorsqu’elle arriva à leur hauteur, un gendarme lui fit signe de s’arrêter et de se garer sur le bas-côté. Décidément, se dit-elle, ils n’ont rien d’autre à faire que d’embêter les braves gens. Elle éteignit l’autoradio, baissa la vitre et celui-ci dit laconiquement :
6Bonsoir Mademoiselle, Gendarmerie Nationale, contrôle d’alcoolémie.
À ces mots, Martine devint blême. Sa sérénité se transforma en panique, elle risquait de perdre le permis de conduire.
Elle habitait la campagne et la voiture était devenue le moyen de locomotion indispensable. Passer le permis était une évidence, quasi une obligation. Martine n’était pas très emballée et le jour de ses 20 ans, ce sujet fut abordé inévitablement. Ses parents lui avaient offert l’argent pour la première leçon, afin de la motiver, mais bien entendu, c’est elle qui devrait payer la totalité des frais. Elle avait d’autres projets pour investir son argent, mais la perspective de devenir plus autonome contribua à la convaincre, il ne restait plus qu’à choisir l’école. Elle se renseigna à gauche et à droite et l’une de ses copines lui conseilla vivement de s’inscrire chez Pierrot, le propriétaire de ‘‘L’As du Volant’’.
6Tu verras, il est super sympa, lui dit Paulette. Je l’ai passé chez lui et je l’ai obtenu du premier coup.
Paulette n’était pas franchement une lumière, si elle l’avait obtenu du premier coup, cela ne devait pas être très compliqué. Elle alla donc s’inscrire et fit la connaissance du fameux Pierrot. Il lui remit un livret du code de la route et ils mirent en place un calendrier pour les trois mois à venir. Pierrot était effectivement sympa, un peu trop à son goût. Elle le remit en place au bout de la cinquième leçon et leur relation resta néanmoins cordiale et devint même amicale. Elle se présenta désinvolte à l’examen du code et échoua. Elle n’avait pas envisagé cette possibilité et ne comprenait pas. Pierrot tenta de la rassurer en lui disant :
-Ne t’en fais pas, ça arrive aux meilleurs, la prochaine fois, sera la bonne.
Elle potassa à contre cœur le fascicule après le deuxième échec et finit par réussir à la troisième tentative. Les leçons de conduite se passaient bien même si les manœuvres n’étaient pas sa spécialité, c’est le moins qu’on puisse dire. Elle suait à grosses gouttes quand il s’agissait de faire des créneaux, réussissait un démarrage en côte une fois sur deux et les marches arrière étaient plus qu’approximatives. Lors de la vingtième leçon, Pierrot lui annonça qu’elle passerait l’examen la semaine prochaine. Elle le regarda éberluée en s’exclamant :
-Déjà la semaine prochaine, mais je ne suis pas prête.
-Bien sûr que si. Avec un peu de chance, ça passera.
À la fin de la leçon, elle échangea quelques mots avec un autre élève qui l’avait déjà passé une première fois et ses propos ne la rassurèrent guère. La perspective de cet examen occupait toutes ses pensées. Échaudée par l’expérience du code, la peur de l’échec commençait à l’envahir. Elle avait beau essayé de relativiser, une boule au ventre s’était formée et elle savait qu’elle ne la quitterait plus jusqu’à ce qu’elle obtienne ce fichu permis.
Son pressentiment se révéla exact, elle a été recalée à la première tentative, ensuite à la deuxième puis à la troisième et également à la quatrième. Son entourage commençait à s’énerver, là, on ne plaisantait plus, il fallait faire quelque chose.
Son père estimait que Pierrot était incompétent et décida de prendre les choses en main, cela n’avait que trop duré. Il emmena sa fille dans sa vieille 2CV et lui fit faire des manœuvres dans des chemins champêtres. Les relations père-fille n’étaient pas au beau fixe et cette initiative tourna à la catastrophe. Après une dispute mémorable, Martine était convaincue d’avoir à tout jamais perdu l’estime paternelle. Il était chauffeur routier et avoir une fille aussi nulle dépassait son entendement. Il avait sûrement raison, même Pierrot commençait à se poser des questions. Échouer quatre fois, ce n’était pas bon pour ses affaires, lui qui se vantait d’avoir plus de réussites que ses concurrents.
Le moral de Martine avait atteint les abysses quand elle croisa Paulette. Les deux amies échangèrent des nouvelles et Martine lui confia qu’elle devait passer l’épreuve de conduite le lendemain et qu’elle était paniquée à l’idée de la rater une cinquième fois.
-Tu sais, continua-t-elle, j’étais épatée quand tu m’as dit que tu l’avais eu du premier coup. Quel est ton secret ?
-C’est pas compliqué, lui répondit Paulette, pour le code, il suffisait de cocher des cases, il faut croire que c’étaient les bonnes et pour la conduite, j’avais appris à manœuvrer des engins agricoles, alors pour moi, une voiture c’était un joujou. Ne t’en fais pas, tu vas y arriver, moi, je sais manier les voitures et toi, les crayons et les stylos. Le permis, ce n’est qu’un bout de papier, j’ai obtenu facilement celui-ci et toi les autres.
Martine prit conscience à ce moment-là du calvaire qu’avait dû endurer Paulette pendant sa scolarité. Elle était toujours la dernière de la classe et avait abandonné l’idée d’obtenir le bac après l’avoir raté à deux reprises, mais n’avait pas perdu sa bonne humeur pour autant et continuait à croire en sa bonne étoile. Elles passèrent la soirée à papoter de tout et de rien. Martine riait de bon cœur aux blagues que Paulette savait raconter comme nulle autre et en oublia même le permis. Le lendemain, elle alla à l’épreuve le cœur léger, Paulette avait raison, cela ne valait pas la peine de se rendre malade et ça ne serait certainement pas la fin du monde si elle échouait une cinquième fois. Elle fit un beau sourire à l’examinateur quand elle prit le volant et démarra. Elle exécuta le trajet sans réfléchir aux conséquences et n’en croyait pas ses yeux quand il lui remit le permis provisoire à la fin de l’examen.
-Soufflez plus fort, lui ordonna le gendarme.
Elle s’exécuta et lui tendit l’éthylotest avec appréhension.
Il l’examina et lui demanda :
-Qu’est-ce que vous avez bu ?
-Je ne sais pas exactement, répondit-elle. J’étais au restaurant avec ma copine Paulette et nous avons commandé un apéritif et un quart de rosé. Elle m’avait proposé de rester chez elle pour dormir, mais comme j’ai un rendez-vous important demain matin et que je dois y être de bonne heure, j’ai refusé.
Un silence interminable suivi. La boule au ventre était revenue. C’était sûr, il allait lui confisquer le permis.
-C’est bon pour cette fois, dit-il. Si vous refaites une soirée au resto, acceptez la proposition de votre amie. Bonne soirée.
-Je n’y manquerai pas. Merci monsieur, bredouilla-t-elle.
La nuit commençait à tomber. Soulagée, elle remit le moteur en marche, alluma les phares et fit le reste du trajet en contemplant le ciel. Paulette avait raison, il faut croire en sa bonne étoile.

De vos textes, ressortent la peur de l’échec et du jugement de l’autre. C’est difficile de se débarrasser de ces sentiments, même à l’âge adulte!

Je le vois bien avec mes lycéens: ils passent leur temps à stresser, au lieu de se poser et de préparer tranquillement leurs épreuves. L’énergie que l’on met dans ce genre d’angoisses est perdue pour autre chose!

Je vous souhaite une belle semaine créative. Vous allez avoir du temps, car en France, la pluie a fait un retour miraculeux!

Portez-vous et prenez soin de vous!

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

Suivez-Moi sur les réseaux

{"email":"Email address invalid","url":"Website address invalid","required":"Required field missing"}
>