Je n’aurais pas cru lire de si beaux textes pour la proposition d’écriture N° 162. Quel délice de lire vos oeuvres à l’approche du weekend!

Ce weekend prolongé a bien commencé.

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Lisa (proposition d’écriture N° 161)

Inspiré de la chanson « Champs-Elysées » de Joe Dassin

Il se balade dans la rue, le coeur joyeux
En se rappelant son enfance tout simplement

Il est en face de la maison de ses parents
Tout à coup, il respire l’odeur des roses

C’est la ruelle de notre enfance
C’est la ruelle de notre enfance
Au soleil présent, rappelant la simplicité
Des beaux moments à profiter

Il s’assoit sur un muret où un petit chat est installé
Le caressant, le fait rappeler le sien « tigré »

Il ne voit plus les pommes qui dégustaient
Il entend en revanche les oiseaux chantaient

C’est la ruelle de notre enfance
C’est la ruelle de notre enfance
Au soleil présent, rappelant la simplicité
Des beaux moments à profiter


D’Annie

Le concours de Laurence

Je n’aurais jamais cru, Madame, que votre imagination débordante allait nous proposer un pareil tour de force ! Croyez-vous vraiment que votre calendrier puisse nous imposer, à nous, simples compagnons en apprentissage, de fabriquer de magnifiques roses en chocolat avec le contenu d’une boîte de céréales ? De simples pétales en vrac comme les mots qui se bousculent dans nos mini-cerveaux pour créer des petites merveilles ?
Bien sûr la saison s’y prête. On rêve de déguster les délices sucrés ou les douceurs poétiques alors que le pinceau du printemps habille la nature qui revit telle une peinture de Monet ou une poésie de Lucie Delarue-Mardrus.
Mais Madame, votre ambition (ou votre tyrannie), en organisant ce concours pour vos pauvres élèves qui ont payé si cher (Ah ! Ah !) le droit de suivre vos cours, me dérange et je proteste énergiquement, la rose à la main ! Dans ma protestation, Madame, j’ai posé ma rose sur un bilboquet pour vous rappeler la publicité (mensongère ?) avec laquelle vous nous attirez dans vos cours :
« Bousculez vos calendriers
Rangez vos doudounes
Passez votre week-end avec Laurence
Venez jouer avec les mots
Venez écrire pour votre plaisir. »


D’Anne

Madame Mère

Je n’aurais jamais cru qu’un week-end chez ma belle-mère puisse devenir un tel désastre !
Je me croyais pourtant aguerrie par mes expériences passées (peu nombreuses à vrai dire). Le plus souvent, sous des prétextes divers, je laissais Julien y aller seul. Mais le calendrier faisant loi, je ne pouvais me dérober pour les 70 ans de Madame.
Les préparatifs furent intenses. Pas de pantalon trop moulant, ni de jupe trop courte (« vulgaire »), pas de robe longue non plus (« bohémienne »), pas de tenue habillée (« prétentieuse »), ni trop décontractée (« ta femme s’habille comme un fagot »).
Devinant mon anxiété, Julien s’exclama :
-Mais enfin Louise, ma mère n’est quand-même pas un monstre !
Je ne jugeai pas utile de lui répondre.
Julien avait prévu de lui offrir un châle en soie. De mon côté, j’avais acheté une boite de roses en chocolat dans une boutique de luxe.
Je quittai à regret mes crayons, encres et pinceaux. Je précise que je suis graphiste et maquettiste. Encore un sujet de discorde avec ma belle-mère, qui considère que « ce n’est pas un métier pour une femme ». Elle enrage surtout de me savoir bien rémunérée.
A l’arrivée, aucune surprise. Je me suis habituée à ce haussement de sourcils, à ce pincement des lèvres, à ce regard inquisiteur (comme si j’étais une chose étrange et indésirable, brusquement tombée dans son jardin).
Elle accepta la boite de chocolats d’un air dédaigneux, un peu comme si je lui avais offert une boite de céréales. Par chance, elle ne l’ouvrit pas ce soir-là, car après quatre heures de voyage dans une voiture à la climatisation défaillante, j’avais de sérieux doutes sur la pérennité de l’œuvre du Maître-artisan.
Après le repas du soir (pénible), Julien et sa mère sortirent les albums photos. Je m’ennuyais ferme.
Mon mari m’agaçait, avec son air de chiot quémandant des récompenses. Pour passer le temps, je me levai discrètement et me mis à passer en revue le contenu des étagères. Un amoncellement d’objets collectés au fil des voyages par le Père (disparu). Je tombai sur un bilboquet finement ouvragé, et je fis machinalement quelques essais. C’est alors que j’entendis un cri assourdissant, et que je vis Madame mère fondre sur moi, lançant des anathèmes. La stupeur me fit lâcher le lourd bilboquet, qui échoua sur ses orteils. Les cris redoublèrent. A partir de là, c’est le trou noir. Je pense que je me suis échappée dans une sorte de monde spatio-temporel parallèle (je n’y croyais pas jusqu’ici, maintenant si…).
Je revois très vaguement Julien rassembler nos bagages. J’ai repris un peu conscience dans la voiture. Il me regardait d’un air indéfinissable, un peu lointain.
Sa mère a eu le pied droit écrasé. Métatarse et trois orteils cassés.
-M’en fiche, lui dis-je.
-Ce bilboquet du XVIIe siècle lui a été offert par mon père pour ses 30 ans.
-Et alors ?…
-Eh bien… Il faut la comprendre… Un souvenir, c’est sacré…
-….
Il ne fut pas utile de poser cette question classique : « C’est elle ou moi ».
La question était dans l’air, entre nous. La réponse était criante.
Notre mariage aura duré moins de deux ans. Je me sens libérée. Madame mère jubile. Elle attend une nouvelle proie…

De Sylvie

Je n’aurai jamais cru retrouver un jouet appartenant à mon cher papa disparu ! Rendez-vous compte, son bilboquet ! Quand mon oncle me l’a remis, j’en ai eu les larmes aux yeux, d’autant plus quand il me raconta quelques anecdotes piquantes à son sujet. C’est avec beaucoup de gratitude que je l’ai remercié. Ce précieux trésor trône sur mon buffet maintenant, et lorsque mes yeux se portent dessus aujourd’hui, j’envoie automatiquement un petit message de tendresse à mon cher papa.
Ce n’est pas à ce seul moment que j’ai une petite pensée pour lui. Chaque fois que je fais quelque chose qu’il aimait faire ou que je mange quelque chose dont il aimait également se délecter, ça me ramène à lui. Comme par exemple en ce moment, voyez-vous, je suis en train de déguster un bon café accompagné de sa sucrerie. Mais pas n’importe laquelle !! En effet, c’est une belle rose ciselée dans du chocolat noir, miam ! Quel délice ! Sachant que je craque facilement pour le chocolat noir, mon ami n’a pas hésité, lors de son dernier déplacement professionnel, en passant devant un chocolatier, à s’arrêter quelques instants, pour prendre le temps d’en quérir et venir me les offrir à son retour. Que c’est aimable de sa part ! Ça fait toujours chaud au cœur de recevoir un petit présent, juste comme ça, parce qu’il y a derrière cette intention, le plaisir de faire plaisir, c’est beau n’est-ce pas ? En tout cas, j’aime beaucoup cette idée.
Tout en sirotant mon café, mes yeux se portent sur ma petite table de travail. J’y ai entassé dans un carton de quoi créer sur des petits carrés de papier canson. J’essaie de créer un petit carré de dessin tous les jours, histoire de me faire un plaisir quotidien pour garder cet élan créateur. Eh oui ! Figurez-vous que, comme le corps avec le sport, la création ça s’entretient. Et, je sais de quoi je parle ! Si vous reléguez dans un coin tout ce que vous aimez faire, alors petit à petit, vous allez vous éteindre, vous perdre dans le quotidien, dans le « métro-boulot-télé-dodo » et votre esprit va s’assombrir… Rien de tel que d’entretenir ce qu’on aime faire, mais cela peut aussi être dans le plaisir de dresser une table, dans le plaisir de jardiner etc. Moi, c’est avec un pinceau que je suis le mieux. J’adore les couleurs vives, elles donnent du peps à la monotonie de la vie, elles attirent le regard, en vous demandant de prendre le temps d’y goûter, de les observer davantage… Mais aussi de continuer à les mêler sur votre toile, à leur donner vie. Oh, ne croyez-pas que je suis une artiste avec un grand « A ». Pas du tout, seulement une personne qui aime leurs odeurs, les voir couler y mettre les doigts à l’occasion…
Mon regard se porte maintenant sur mon stock de feuilles canson que j’ai découpées et posées un peu en vrac sur la table. Si je les laisse ainsi, elles vont s’abîmer c’est certain. Qu’est-ce que je pourrais bien trouver pour les ranger ? Quelque chose qui ne soit pas trop grand, ni trop encombrant. Je n’ai rien de cette taille qui corresponde dans mes affaires de papeterie. Du coup, je commence à me vilipender parce que j’aurais dû les découper dans une taille standard pour trouver le rangement adéquat. Je fais le tour de mon stock de cartons dans mon placard bazar. Là encore, rien qui ne soit à la bonne taille. Quand soudain je pense à la boîte de céréales jetée ce matin. Je m’empresse de la récupérer dans le sac jaune pour vérifier ses dimensions. Bingo, ça colle ! Qu’il en soit ainsi, je vais prendre quelques instants pour la décorer et lui fabriquer une fermeture adéquate. Vous voyez, être créatif et créer c’est facile, alors… A vous de jouer !

De Brigitte (proposition d’écriture N° 161)

– La rue de mon enfance a le gout de la liberté !
Nous habitons une maison dans un petit village, dans la rue principale de ce village. La liberté commence dès que je franchis le portail.
– la rue de mon enfance sent bon la camaraderie :
Mes copains habitent la même rue. Au nombre de cinq, nous jouons dans la cour de la ferme ” d’en face”, taquinant les poules affolées gloussantes, nous roulant dans les ballots de paille qui piquent méchamment les mollets laissant de méchantes traces de griffure – sensation désagréable mais qui ne gâche en rien le plaisir – nous balançant des heures durant sur le grand portique … sensations fortes au creux de l’estomac ; rires et fous rires…. L’après-midi est entrecoupé d’un délicieux gouter composé de pain beurré avec du cacao au milieu et d’une grenadine à l’eau : un vrai délice !
– La rue de mon enfance respire l’aventure : celle-ci commence chez l’épicière où les merveilles de bonbons ravissent le regard et les papilles. C’est une toute petite boutique, la porte couine quand on l’ouvre et une clochette rouillée et enrouée annonce notre arrivée. Je n’y vais jamais seule mais toujours avec maman. Non seulement, je n’y suis pas autorisée mais ma timidité ne me le permet pas non plus! Des étagères jusqu’au plafond proposent victuailles, boites d’allumettes, bougies, enveloppes et papier à lettre, aiguilles, bobines de fil …. Sur un étroit comptoir derrière lequel la plantureuse épicière règne, il y a une balance avec ses poids et une caisse enregistreuse grinçante. On dirait qu’elle nous gronde ! Sous ce même comptoir, des cagettes de fruits et de légumes aux couleurs chatoyantes et aux odeurs subtiles sont disposées à hauteur de mes yeux. Les effluves suaves des pommes chatouillent mes narines.
L’aventure se poursuit le soir : je suis chargée d’une mission importante que je prends très au sérieux du haut de mes sept ans : aller chercher le lait à la ferme. A cette époque, nous, les enfants circulent librement dans le village, pas d’inquiétude chez nos parents, peu de circulation et toujours des voisins affables avec lesquels échanger un bonjour ou un petit mot ! Avec mon pot de lait en aluminium que je balance joyeusement d’une main et dans l’autre main la pièce de 1 franc que je tiens fermement, je me dirige joyeusement à la ferme située à un kilomètre. La salle de traite sent bon le fourrage et le lait fumant sortant du pi des vaches. Il se dégage une chaleur agréable de leurs naseaux. Parfois, je me hasarde à me faire lécher la main par leur grosse langue rugueuse : chatouille. J’y retrouve mon amie Sonia, la fille de la ferme, à coté de laquelle je suis assise en classe. Le lait est un aliment incontournable de notre alimentation. Je me régale des gâteaux que maman confectionne avec sa peau, je me délecte chaque matin de cette même peau flottant sur mon bol de chocolat chaud !
– La rue de mon enfance a la saveur de l’audace : au bout du jardin, un petit portillon donnant sur un chemin bordé de buissons d’aubépine rose délicatement odorante, de troènes dont les petites grappes de fleurs blanches dégagent un parfum entêtant, bourdonnant d’abeilles … Multitudes de senteurs printanières où les violettes semblent le remporter ! C’est là que je cueille mes plus beaux bouquets de coucous que j’offre à maman, sans manquer de gouter avec ravissement le sucre des étamines. C’est probablement là que j’apprends à contempler le ciel et ses nuages qui révèlent personnages et animaux, à écouter le chant de la fauvette et du merle, à surprendre sauterelles et papillons… et tant d’autres choses !
– La rue de mon enfance c’est aussi des saisons : l’hiver blanc silencieux et piquant et lèvres gercées, été chaud, sonore et flamboyant et coups de soleil….
Je quitte cette rue là à l’âge de 8 ans et prolonge mon enfance dans d’autres rues au gré des déménagements. Toutes les rues de mon enfance habitent secrètement ma mémoire. “La rue” ou l’accès au monde…beauté de la nature… joies… camaraderies… insouciance et légèreté.

De Françoise V

Je n’aurais jamais cru qu’elle était capable de fabriquer une rose en chocolat avec des dizaines de roses posées les unes à côté des autres. Tout ce travail délicat était pour décorer la table des fêtes de Noël.
Elle avait noté, sur le calendrier posé sur la table, qu’elle recevait tout son petit monde. Elle voulait faire plaisir, les épater, leur montrer combien elle était heureuse de les recevoir. Maman adorait se faire remarquer avec son talent de pâtissière.
C’est avec une boîte de céréales qu’elle avait confectionné ces décorations goûteuses chocolatées. Des pétales de maïs étaient trempés dans du chocolat chaud, coulant et fondu délicatement disposé sur une feuille de pâte d’amande alternée en vert et rose. Avec un pinceau et du colorant, elle avait formé les veines de la feuille. Le tout était disposé en coeur sur l’assiette. Une dextérité admirée. Et voilà, le tour était joué ! Quel effet, quel désign ! Toutes les couleurs se mélangeaient harmonieusement sur le plan de travail en formica.
– Ah, mais tu es douée Maman ! C’est beau ce que tu as fait ! Lui dis-je, d’un ton enjoué. Je n’aurai jamais cru que cela aurait tant d’effet sur la table. On dirait une roseraie miniature.
Nicolas arriva en courant dans la cuisine. Mon petit frère de 7 ans exerçait son adresse et exprimait son dynamisme, sa vitalité en jouant avec un bilboquet. Un coup en avant, un coup en arrière, un coup sur la tête…
– Nicolas, fait attention s’il te plaît, lui criais-je.
– Va jouer ailleurs, tu vas renverser quelque chose… lui ordonna Zoé, notre grande sœur.
En se cognant contre l’angle de la table, Nicolas dévia sa trajectoire, lâcha son jouet en bois de buis vernis. Sur la table garnie du dernier plateau de friandises, la boule lourde de près de 200 grammes tomba sur la table, rebondit juste à côté de l’assiette des roses brunes, ne touchant aucune composition. Grand cri de peur et en chœur: Nicolas!!

De Claudine

-Je n’aurais jamais cru mourir au combat à côté d’un elfe !
– Et que pensez-vous de mourir aux côtés d’un ami ?
-Ah oui, ça je peux le faire.
-Juju, tu ne pourrais pas cesser de nous déclamer, chaque matin, ton texte pendant le petit déjeuner ?
-Mais Mamie, je répète pour la fête de l’école ! je sais, tu n’aimes pas Tolkien, mais franchement, ce sont des paroles de sagesse qui prouvent que même des êtres différents peuvent être amis.
-D’accord mon Juju, mais tu pourrais répéter dans ta chambre. Le soir par exemple !
-Oh là là, on ne peut rien faire dans cette maison. Mamie tu deviens aussi rasoir que les parents.
-Hé l’avorton, c’est quoi ce bidule que tu as mis sur la table ?
-C’est un…répond Maxime la voix pleine de larmes.
-Lolotte, je te prie de parler sur un autre ton à ton frère ! et on ne dit pas « c’est quoi », mais « qu’est-ce que c’est ». Mon Maxou, ne pleure pas, ta sœur ne l’a pas dit pour être méchante.
-Merci Mamie, c’est l’animatrice de l’école qui me l’a prêté, elle veut que nous fassions un concours de bilboquet le jour de la fête de l’école. Mais je ne connais pas bien ce jeu.
-C’est un jeu d’adresse qui existe depuis bien longtemps ; il parait que c’était le jeu préféré d’Henri III ; regarde sur internet pour avoir des explications plus complètes, regarde aussi où nous pouvons en acheter un qui t’appartiendra.
-D’accord, je vais sur l’ordi tout de suite !
-Non, lui dit sa sœur Charlotte ; mange d’abord tes céréales, nous allons être en retard à l’école. Mamie, ça date ton jeu, c’est de ton époque ?
-Oh toi, la pimbêche grossière, lui dit son grand frère, tu ferais mieux de te regarder dans une glace, tu as l’air d’un clown ; ton pinceau, qui n’a rien à faire sur cette table, a dérapé.
Maxime en profite pour demander à Anne-Marie si elle peut lui faire son costume pour le rôle de Légolas qu’il doit jouer fin juin.
-D’accord Juju, lui répond sa grand-mère. Tu me donnes un croquis du vêtement et je vais m’occuper du tissu.
-Merci Mamie, je t’adore.
-Oh ce Julien, quel fayot, lui balance sa sœur sur un ton mi-figue-mi-raisin. Mamie, tu vas t’amuser en cousant ce costume ; prévois du temps et pas mal de tissu. Toi qui aimes tant Tolkien, ça va te plaire.
Cette fois-ci, elle rit vraiment, très moqueuse.
-Lolotte soit plus sympa avec tes frères ! Et plus correcte avec moi, s’il te plait.
-Mamie, j’en ai marre de ce surnom, Lolotte, ça fait poisson qui en plus est très moche.
-Charlotte, ça fait patate lui dit son petit frère.
-Hé toi, tu la fermes et tu manges ta soupe, tu ressembles au nain de ce Légolas.
-Charlotte, ça suffit et c’est injuste ce que tu dis à Maxou, il a cinq ans de moins que toi. Je te rappelle qu’à son âge, tu étais plus petite que lui.
-Tu ferais bien de lire Tolkien, lui suggère Julien. La sagesse et la gentillesse ne sont pas ton fort, ma pauv’ fille.
Une petite voix s’élève, c’est Roseline, la petite dernière, qui s’adresse à sa grand-mère.
-Mamie, tu n’as pas lu la date sur le calendrier ? c’est mon anniversaire dans vingt-huit jours; j’ai invité mes copines, papa et maman sont d’accord. Ils veulent faire une belle fête.
-Tu as décidé quoi ? hurle Charlotte ; moi aussi, je veux inviter mes copines pour la fin juin.
-ça suffit, tonne la grand-mère, je suis lasse de vos chicaneries ridicules. Vous en profitez, car vous pensez que Mamie doit tout tolérer.
C’est le moment où la porte du bureau professionnel de leur mère s’ouvre brutalement.
-Mamie a raison, il y en a marre de vos querelles, crie leur mère qui semble excédée par tous les mots désagréables qu’elle perçoit derrière la porte de son cabinet. Vous n’avez pas honte ? Vous avez la chance de bien vivre, mais non, c’est toujours pareil, aucun respect pour les autres. Vous, les trois grands, vous ne montrez pas l’exemple à notre petite Roseline.
Un bref soubresaut sur chaque chaise, cinq paires d’yeux se posent sur une Carole totalement énervée. Le silence s’installe sur le champ.
-Dépêchez-vous, je veux que vous soyez partis dans dix minutes.
Elle se retourne et claque la porte de son bureau.
-Ma parole, elle fait un burn-out, dit Julien en ricanant plutôt jaune.
-Moi je crois qu’elle a ses règles, susurre Charlotte qui attend ce moment pour elle avec impatience.
La grand-mère regarde ses galopins chéris ; elle ne souhaite pas ajouter de mots à ce que vient de dire sa fille. Mais, elle les incite à se préparer au plus vite. Ce qu’ils font sans se faire prier. Elle nettoie la table du petit déjeuner, range le bilboquet en essayant ce jouet de son enfance, sourit en rangeant la trousse de maquillage de sa grande ado, retire le calendrier que sa petite Rose a mis bien en évidence.
-Ma chérie, tu crois que nous avons besoin d’un calendrier pour nous rappeler que tu as quatre ans dans un mois ?
-Tu sais, j’aimerais bien que tu me fasses ton gâteau magique au chocolat sans beurre, avec de la courgette ; c’est vraiment trop bon et si tu veux bien m’apprendre à faire une belle rose en chocolat, ce serait trop beau mis dessus, tu ne crois pas ? ça fait mon nom. Et il restera de la place pour les bougies.
-Oui, ma puce, nous allons tout préparer ensemble. Nous passerons de la ganache avec la maryse et avec le pinceau de cuisine jaune que tu vois ici. Il m’a servi pour faire briller les croissants. Tu as vu ?
-Chouette, et je veux aussi plein de Smarties autour. Beaucoup de Smarties, pour plein de couleurs ça fera très joyeux.
-Oui, mon cœur
Et la grand-mère de penser : « je n’aurais jamais cru que le bonheur d’avoir ces quatre chères têtes blondes était un aussi grand casse-tête ».

De Catherine M

Revirement

Je n’aurais jamais cru en être capable !
Au collège, au lycée, les cours de dessin étaient un véritable cauchemar. Les notions de perspective et de proportions me donnaient des boutons. Utiliser un crayon gras ou pastel relevait de l’exploit. Tenir un pinceau pendant cinq minutes s’avérait plus compliqué que de maîtriser un bilboquet pendant une heure !
Dès la porte du cours de Monsieur Silot franchie, les nausées se frayaient un chemin jusqu’à ma gorge et le bol de céréales avalé en vitesse le matin même était bien souvent en équilibre très instable dans la poche de mon estomac.
A la fin de l’été, déjà mes nuits étaient agitées. Je me souviens d’un rêve effrayant où je nageais en eau profonde avec Monsieur Silot lorsqu’un requin, surgi de nulle part, menaçait de nous avaler tout crus ! La perspective d’être enfermé avec lui me terrifiait encore plus que celui d’être dévoré par le requin. « Phobie scolaire singulière », avait diagnostiqué le psychologue. Cela lui passera.
En attendant, au moment des achats scolaires de rentrée, j’évitais les rayons dédiés aux activités artistiques. Je me concentrais sur les cahiers, classeurs, répertoires, et autres calendriers afin de repérer tout de suite les périodes de vacances qui m’éloigneraient de Monsieur Silot …
Et puis un jour, Monsieur Silot fut remplacé par une sorte de sirène à la crinière blonde qui aurait pu faire craquer tous les requins de toutes les mers du monde. Et la prédiction du psychologue se révéla juste. Ma phobie s’est envolée comme une nuée de papillons. Plus de cauchemars, plus de nausées.
Je me souviens précisément de mon tout premier dessin, une rose au feutre noir, comme si elle était en chocolat, prête à être dévorée. Très vite, j’ai osé le pinceau, l’ai trempé dans le jaune, le rouge, le vert, le bleu, je me suis noyé dans une explosion de couleurs…
Dorénavant quand j’expose mes toiles, je ne manque jamais de citer le nom de ma chère professeure : Mademoiselle Dupin. Retenez-le …


D’Aline

Je n’aurais jamais cru que Laurence puisse m’offrir autant de cadeaux.
Hier, nous étions le jeudi 27 avril, je découvre stupéfaite différents objets très éclectiques, posés en vrac sur mon bureau.
Ça alors !… Mais que veut-elle que je fasse de ce bazar ? Et pourquoi chez moi ? Peut-être un message caché ? Que dois-je comprendre ? Vraiment, je ne vois pas.
Je commence à travailler et j’essaie d’oublier la surprise étonnante signée Laurence.
Mais, ces objets s’imposent successivement à moi : je revois les images étonnantes qui défilent en désordre dans ma pensée.
Bon, arrête de te poser des questions. Travaille, lâche prise et tu comprendras plus tard.
Ce n’est pas facile. Pourtant j’ai réussi… tant bien que mal !
Cette nuit, j’ai rêvé d’une guirlande rouge avec des sachets et des chaussettes, accrochés tout le long avec des pinces à linge. Bizarre, bizarre. Ce matin, au réveil, une idée s’est imposée dans mon esprit et je dois dire que je l’ai trouvée plutôt amusante. J’ai finalement remercié Laurence pour sa fantaisie.
J’ai du temps devant moi. Nous sommes seulement le 28 avril. Je ferai un calendrier de l’Avent pour mes petits-enfants. Cette tradition, chrétienne à l’origine, est aujourd’hui totalement païenne. Je vois déjà ma guirlande. J’écrirai les dates du 1er au 25 décembre, sur des cartons de couleurs différentes, en les épinglant tout au le long de la guirlande. Ce sera gai !
Déjà, il faudra que je prévoie les quatre bougies traditionnelles que je mettrai dans une chaussette : une à une, nous les allumerons chaque dimanche précédant Noël. C’est lourd une bougie : il faudra deux pinces à linge.
Je n’ai plus qu’à glaner, ici ou là, des petites choses à mettre dans les sachets et les chaussettes : petits jouets, chocolats, fruits secs, bonbons… sans oublier le turrón, une tradition de Noël en Espagne.
J’aimerais que ce soit ludique, une fête pour Manon, Léo, Inès et Jade. Ils ont entre 4 et 10 ans. Un garçon pour trois filles et je me dois d’écrire « ils ». Enfin, ceci est une autre histoire.
Est-ce que les parents auront aussi le droit de mette la main dans les sachets, à la recherche de chocolats ? Je ne sais pas encore. Je verrai ! Je déciderai sur le moment en fonction de mes trouvailles.
Dans la première chaussette, l’un d’entre eux trouvera une petite boîte d’aquarelles avec un pinceau. Les enfants aiment peinturlurer.
Parmi les objets trouvés sur mon bureau, je vois un bilboquet. Je pense qu’il plairait à Manon ou à Léo. Je n’aurai pas mon mot à dire : c’est le hasard qui décidera. Là aussi 2 épingles à linge pour tenir la chaussette.
Le 24 décembre, dans un sachet, je mettrai non pas une rose en chocolat, mais quatre roses en chocolat. Je n’ai pas envie que les enfants se disputent. Je ne trouverai sûrement pas la même que celle offerte par Laurence. Alors, celle-là… chut !.. Je vais la déguster aujourd’hui même d’ailleurs, parce qu’avec l’été, elle aurait fondue.
Je choisirai quatre roses en chocolat chez le meilleur artisan de ma ville : « au désir noir ».
Bon, il reste la boîte de céréales. Là, ce n’est pas facile !
Mais oui ! Voilà : je vais la mettre dans le dernier sachet, celui du 25 décembre pour le petit déjeuner du Père Noël. Je n’oublierai pas l’étiquette « Pour le Père Noël. Ne pas toucher. ». Il sera bien fatigué après sa grande tournée de la nuit. Je poserai sur la table une bouteille de lait frais et je suis sûre qu’il sera content que nous ayons pensé à lui.
Si j’ai bien compté, huit jours sont pourvus. Il me faudra de l’imagination pour la suite ! Je ne m’inquiète pas : j’ai du temps et les magasins de manquent pas de tentations.
Je suis heureuse de mon idée. En plus d’être ludique, elle est aussi pédagogique : apprendre aux enfants les quatre temps de l’Avent. Dans ce monde qui va vite, leur faire faire l’expérience de l’attente. Le temps du désir demande de la patience et de la vigilance, pour renoncer à vouloir ouvrir tous les sachets et toute les chaussettes le premier jour. Laisser le temps s’écouler tranquillement, jour après jour, du 1er décembre jusqu’à Noël, en découvrant la surprise du jour.
C’est chouette, non ? Merci Laurence pour les mots-cadeaux.


De Lisa

« Je n’aurais jamais cru que Mamy avait gardé ce carton près du radiateur. Un signe du destin ! Et pourquoi pas ! Je vois que je trouve énormément de souvenirs de notre venue… pendant les vacances scolaires. Je vais les poser sur la table. Je commence…
J’ai trouvé un vieux pinceau, qui permettait à mon frangin de faire de jolis paysages de notre village fleuri.
Tiens ! Un bilboquet ! Je connais l’objet mais je n’en ai jamais vu en vrai. La patience n’est pas mon truc. Mais je vois qu’avec le temps, il est comme neuf.
Ensuite, un calendrier de notre naissance avec notre photo de Bébé.
Comme c’est étrange ! Dans une boîte en métal. ! Une rose en chocolat !
Je n’ose pas la toucher mais depuis tout ce temps, je n’aurais pas cru qu’elle serait intacte comme au premier jour.
Je sais que Mamy adorait les Roses que Papy lui offrait à chaque anniversaire. Mais, cette fleur vient d’une sculpture connue aux Pays-Bas, près d’Amsterdam, offert à leurs noces.
Papy savait vibrer le cœur de sa Belle.
Aujourd’hui, ils fêteront leurs noces de diamants au Paradis.


De Patricia

Je n’aurais jamais cru qu’un calendrier commanderait ma vie. Chaque jour, je tourne les pages de mon agenda et j’ai des devoirs à accomplir, des tâches à fournir, tel un peintre qui ne devrait pas lâcher son pinceau et sans cesse créer des tableaux, qu’il en est envie ou pas, une obligation en somme.
Pourtant, lorsque ma petite fille réclama une boîte de céréales à corps et à cris, je ne pus que différer mes engagements. Ses caprices je les connaissais et si je ne m’y soumettais pas, un drame s’ensuivait. Un jour, elle s’en était pris à mon bilboquet que je conservais soigneusement en souvenir de mon enfance. Celui-ci fit carrément un vol plané par la fenêtre de ma chambre atterrissant sur le macadam en dessous. Heureusement, il n’y eut aucun passant à ce moment précis.
Je laissais tout en plan et partis chez l’épicier du coin, accompagnée de ma petite coquine. Alors que je passais à la caisse pour régler ma course, quelle ne fut pas ma surprise ! Ma petite fille avait mis sur le tapis de la caissière une rose en chocolat. Certes, elle ne pouvait pas la régler car elle n’avait pas d’argent, mais l’intention y était car elle me dit « c’est pour toi Mamie, pour te remercier parce que tu es si gentille ; en rentrant je prendrai les sous dans ma tirelire pour te rembourser ».


De Catherine G

Ce cher Freud

— Je vous écoute, Melle Cruchot…
— Oh docteur ! J’ai fait un rêve qui me hante. Je n’aurai jamais cru qu’on pouvait rêver pareille bêtise ! Ça se passait chez moi : j’en suis sûre parce qu’il y avait tous mes meubles. Donc, je rentrais chez moi, et sur la table du salon, il y avait une rose en chocolat noire. Elle était magnifiquement fardée de chocolat blanc, délicatement apposé au pinceau fin sur le rebord de ses pétales…
— Mmmm mmmm…
— Elle se déhanchait comme une malade face à un bilboquet impassible, raide comme la justice. Ah, ça, elle se démenait, la pauvresse ! Et que je t’ondule de la tige… et que je me tortille… Tout ça pour attirer l’attention de l’autre qui restait toujours de marbre…
— Mmmm mmmm…
— Je ne vous ai pas tout dit : à l’autre bout de la table, une boîte de céréales dansait la samba et faisait tintinnabuler ses corn-flakes en rythme, ce fameux rythme qui mettait la rose en chocolat dans une telle transe que ses pétales commençaient à s’amollir et à perler quelques gouttes chocolatées…
— Mmmm mmmm…
— Et, accroché au mur, un calendrier, indiquant la date du 24 novembre, scandait : « Plus qu’un jour…plus qu’un jour… plus qu’un jour… ! » Et moi, je regardais tout ça ! Le stress montait jusqu’à devenir insupportable, et pas moyen de les arrêter ! Et le plus énervant, c’était l’immobilisme de ce p…… de bilboquet qui, vraiment, n’en avait rien à faire !
— Mmmm mmmm… Intéressant tout ça !
— Quoi, intéressant ? Ce n’est pas vous qui vous êtes réveillés épuisée et déconfite ! Et puis, ça veut dire quoi, intéressant ?
— Voyons, à votre avis, qui peut être cette rose ? Et ce bilboquet ?
— ???
— Cette situation de l’un qui fait tout pour attirer le regard de l’autre, tandis que l’autre ne semble pas du tout intéressé… ça ne vous rappelle rien ?
— Non… Si… Mais non, enfin !… Vous voulez dire que la rose, c’est moi ? Et le bilboquet, alors ?
— …
— C’est Gunter ? Non, vous croyez !?
— Ce n’est pas moi qui le dis, c’est vous.
— Donc, c’est moi qui veux séduire Gunter qui ne veut pas de moi, ou n’entend pas, ou ne voit rien, ou qui pense à quelqu’un d’autre…
— Mmmm mmmm…
— Et le calendrier qui parle, on est bien d’accord que ça n’a pas de sens ?
— Vous en êtes sûre ? Rappelez-vous la date…
— Je ne comprends pas. C’est quoi, cette histoire de 24 novembre ?
— Ce n’est pas ce jour-là qui importe, dans votre rêve, mais le lendemain.
— 25 novembre ? C’est la Sainte Catherine, je crois… et aussi c’est là que les jeunes filles non casées doivent porter ce ridicule chapeau…
— Mmmm mmmm…
— Vous voulez dire que, toujours dans mon rêve, je danse pour séduire Gunter… pour ne pas coiffer Sainte Catherine ?
— Qu’en pensez-vous ?
— Je dis que c’est n’importe quoi ! C’est ridicule !
— Qu’est-ce qui est ridicule ? Votre rêve ou votre situation ?
— Ça suffit, docteur ! On arrête la séance, j’ai oublié que j’avais un autre rendez-vous…

De Catherine Ma

Je n’aurais jamais cru qu’un jour je pourrais en sourire ….
Elle était ma vie, un second « moi », ma sœur …. Elle était belle, joyeuse, aimée, aimante ….
J’étais son ombre, sombre, discrète, effacée.
Je ne l’ai jamais jalousée, je l’admirais. J’aurais tant voulu lui ressembler. Parfois, seule dans ma chambre, je m’entraînais. Je prenais ses airs de femme bien dans son corps, bien dans son époque, je prenais sa voix et ses intonations, sa posture élégante. Je me plaçais devant la psyché et je l’imitais. Enfin, je n’arrivais jamais vraiment à devenir « elle », c’était toujours une pâle copie, mais je tentais de progresser. J’observais ses attitudes et je les copiais. J’écoutais ses remarques fines et toujours pertinentes et je tentais de les replacer dans les conversations. J’étais sa cadette de deux ans seulement mais nous avions l’air de jumelles, inséparables, toujours par paire, partout ensemble. Cela avait toujours été. A la maison, à l’école, avec les amis …. Jamais elle ne m’oubliait. Elle pensait toujours à me mettre en valeur vis-à-vis des autres. Elle était bienveillante.
Elle m’aidait à me rendre désirable. Elle feuilletait avec moi les magazines à la mode et ensemble, nous étudiions les coiffures branchées, puis elle m’entraînait chez son coiffeur. Nous choisissions sur catalogue toutes les robes que nous imaginions porter et qui, bien souvent, ne restaient qu’un rêve inaccessible mais nous permettait de nous retrouver autour d’une même envie.
Et puis un jour, elle est partie. Elle m’a laissé seule, démunie. Le chagrin ne m’a plus quittée et j’ai souvent pensé que ma vie également s’était arrêtée.
Cette date, inutile de la noter sur un calendrier, elle était gravée dans un recoin très sombre de ma mémoire. Je ne l’oublierai jamais et les larmes ne pourront jamais l’effacer ni atténuer la douleur encore présente bien des années après sa disparition. Penser à elle est toujours une souffrance.
Pour me retrouver, j’ai tenté maintes occupations, solitaires bien souvent. La peinture est l’unique activité qui m’apaise. Seule, dans mon atelier, mon pinceau à la main, je laisse trainer mon imagination et je rêve, je rêve ….
Sur la table, près de mon chevalet il y a toujours ce bilboquet qui nous amusait des heures durant, ma sœur et moi, à qui réussirait la première. Nous en avons passé des moments joyeux où la boule finissait inlassablement sur nos doigts, laissant échapper de petits cris de douleurs.
Mais aujourd’hui, mon esprit s’évade et m’entraîne vers des souvenirs heureux.
C’était quelques jours avant Noël. Nous aurions des invités et il fallait les recevoir avec élégance et classe. Aussi, nous avions prévu de confectionner des roses des sables, ces jolies fleurs enrobées de chocolat, ces roses en chocolat ! Le paquet de céréales était déjà sur le plan de travail, la matière grasse et le chocolat fondaient doucement. L’odeur envahissait la cuisine et l’humeur était joyeuse. Cuisiner avec ma sœur était toujours un plaisir. Nous inventions souvent des détails innovants pour nos recettes classiques et le résultat était parfois, disons étonnant !
C’est elle qui a commencé …. Du chocolat fondu plein les doigts, elle m’a imprimé son empreinte sur la joue droite. Et elle a ri, ri, ri ….. de son rire communicatif qui m’a donné envie de répliquer et, à mon tour, de lui imprimer une trace brunâtre sur le visage. Et ainsi, chacune à notre tour, dans un joyeux tintamarre, nous avons tatoué nos corps respectifs au cacao ! Pas de miroir dans la cuisine, mais de voir l’autre nous donnait une idée de ce à quoi nous ressemblions. Comment stopper la folie quand elle nous prend ? Cette scène n’avait sûrement pas duré très longtemps, mais dans mon esprit elle s’éternisait et la joie qui en émanait la rendait encore plus belle et plus drôle.
Nos invités n’eurent pas droit à des friandises « maison « cette année-là, la matière première ayant été égarée sur notre peau jeune et gourmande. Et la douche qui a suivi n’en fut pas moins folle. Les éclaboussures, les jets d’eaux, eurent raison du chocolat dégoulinant et qui embaumait la salle d’eau.
Un rêve, un souvenir, furtif il est vrai, mais qui laisse à cet instant sur mon visage une expression presque heureuse et un sourire que je ne pensais plus pouvoir exprimer.

De Christine

Je n’aurais jamais cru que cet anniversaire aurait autant marqué ma vie. Pour mes dix ans, ma mère avait accepté d’organiser un goûter à la maison avec tous mes camarades de classe. A condition que je l’aide à préparer ! Le jour J, coché sur le petit calendrier posé au coin du plan de travail de la cuisine, je m’étais levée de bonne heure, contrairement à mon habitude. Cette année, mon anniversaire tombait un mercredi, donc pas d’école. En arrivant dans la cuisine, je repérai tout de suite le petit paquet enveloppé dans du papier doré, mais je n’osai rien dire. Maman était déjà revenue de la boulangerie du coin de la rue. La table avec les bols de chocolat chaud, le pain frais, la confiture et la boîte de céréales étaient dressées pour le petit déjeuner. En plus, elle avait rapporté deux petits pains au chocolat tout chauds pour fêter ce jour particulier. « Bon anniversaire ma puce, te voilà une grande fille ! Dépêche-toi de déjeuner, et de te préparer pour qu’on se mette à l’ouvrage ».
Je ne me fis pas prier pour dévorer un petit pain, puis j’allai m’habiller en vitesse et je rejoignis ma mère assise à la table de la cuisine. Elle était plongée dans son livre de recettes. Je guettai ce qu’elle cherchait par-dessus son épaule : un fraisier, c’était mon gâteau préféré ! Elle commença par peser le sucre puis à le mélanger avec les œufs.
-Tiens remue la pâte pendant que je bats les blancs en neige, et surtout tourne toujours le fouet dans le sens des aiguilles d’une montre, me dit-elle.
Quand elle eut terminé, nous ajoutâmes la farine puis mélangeâmes délicatement les deux préparations :
-Tu vois, il faut mélanger doucement pour ne pas casser les blancs et que le gâteau monte. J’attendais surtout qu’elle ait fini de remplir le moule pour pouvoir lécher le fond de pâte restant dans le saladier.
-Voilà, une demi-heure de cuisson sans ouvrir le four surtout.
Pendant ce temps, elle prépara une crème pâtissière onctueuse à la vanille, et moi je lavai et équeutai les fraises cueillies par mon père dans le jardin avant d’aller au bureau. Je les goûtai un peu aussi.
-Tu en laisseras pour le gâteau ! me dit-elle en rigolant.
Le gâteau sorti du four était magnifique, doré à point et moelleux à souhait. Elle le coupa en deux une fois qu’il fût refroidi et j’eus la mission de le garnir de crème et de fraises. Pendant ce temps, ma mère commença à faire fondre du chocolat.
-Qu’est-ce que tu vas préparer avec le chocolat, un autre gâteau ?
-Non, tu verras ».
Elle commença à verser le chocolat fondu sur une feuille plastique qu’elle avait calée dans un tube coupé en deux. Elle fit des petits tas comme des larmes qu’elle aplatit. Puis, elle plaça le tout au frigo.
-Mais enfin, qu’est-ce que tu fais ?
-Attends, tu vas bien voir ! Quelle impatiente ! Pendant ce temps, tu vas aller chercher un pot de confiture de fraises à la cave et en étaler sur le dessus du gâteau avec un pinceau.
Ce que je fis, tout en me demandant ce qu’il y avait dans le paquet cadeau. D’habitude, j’avais ma surprise en me levant. Quelques minutes plus tard, ma mère sortit ses larmes de chocolat et commença à les assembler avec un peu de chocolat fondu. Et là, je vis petit à petit se former une jolie rose, qu’elle déposa ensuite au centre du gâteau.
-Magnifique, maman tu es la plus forte ! m’écriais-je.
-Oui, je crois qu’on a bien travaillé, on peut peut-être ouvrir ce paquet qui attend depuis un moment.
Il ne me fallait pas me le dire deux fois, je me précipitai, arrachai le papier et découvris un joli bilboquet japonais multicolore. Cela faisait quelques semaines que je l’avais repéré dans le bazar de Mr Thomas dans la rue des Lilas, mais je n’avais pas assez d’économies pour l’acheter. -Ça s’appelle un kendama, me dit ma mère. Toi qui aimes tout ce qui vient du Japon, ça devrait te plaire. Et ce soir, il devrait y avoir une autre surprise quand papa sera rentré mais c’est top secret.
Il était magnifique, joliment décoré de cercles multicolores jaunes, rouges et bleus. Je lui répondis par un grand merci et un sourire, et me sauvai en courant pour aller l’essayer.
-Je savais bien qu’il ne fallait pas te le donner avant d’avoir cuisiné, mais n’oublie pas qu’il faut encore préparer les boissons, les assiettes de bonbons et gonfler les ballons, me cria ma mère. -Ne t’inquiète pas, je reviens. Il faut aussi penser aux bougies ! Et pour ce soir, je crois avoir une idée : est-ce que cela ne commencerait pas par k et finirait par o?, m’écriais-je, ce qui la fit rigoler.
Peut-être que c’est ce jour particulier qui m’encouragea plus tard à m’imprégner de la culture japonaise et à devenir professeur de japonais.

De Francoise B

Conte en chocolat

« Je n’aurais jamais cru que ça se termine comme ça … » se désola l’éducateur social en regardant son petit protégé.
Grâce à Thomas, Lucas était en apprentissage, depuis l’âge de seize ans, chez un chocolatier réputé. Orphelin, Lucas vivait avec sa grand-mère dans la cité des Marguerites. Le peu de salaire qu’il rapportait de son apprentissage lui évitait d’être à la charge totale de son aïeule qui peinait à survivre. Aujourd’hui à dix-huit ans, son rêve venait de s’écrouler.
Les manifestations de protestation contre la réforme en cours s’étaient terminées la veille dans un désordre ahurissant. Les commerces n’avaient pas résisté à l’assaut de groupes armés et cagoulés, venus en découdre avec les forces de l’ordre. Ne pouvant faire face au saccage de son magasin, le chocolatier, désespéré, avait renoncé à poursuivre son activité, laissant sans emploi tout son personnel.
-Reviens me voir dans trois jours, nous aviserons, reprit Thomas.
Lucas retrouva dans la cour de son immeuble les jeunes de la cité tout autant désœuvrés que lui. La bande lui proposa de faire des affaires fort lucratives. Tenté par de l’argent facile tombé à point nommé, Lucas s’engagea. Trois jours après, Thomas se rendit chez la grand-mère de Lucas. La pauvre femme pleurait sans retenue. Lucas venait d’être arrêté et placé en garde à vue.
Dans le bureau du magistrat, Thomas plaida en faveur du jeune homme. Considérant le parcours de Lucas, le juge fit preuve d’indulgence sous condition d’encadrement social. Il fut très clair. Il n’y aurait pas de deuxième chance. Lucas rentra chez lui.
Le lendemain Thomas s’entretint longuement avec Lucas et son aïeule :
-Tu devrais accepter, c’est une belle opportunité. D’autant plus que, aux dires de ton ancien patron, tu as un talent rare pour le chocolat. Il est prêt à t’appuyer si tu te décides. Mais c’est maintenant. Le concours est dans deux jours. Tu dois partir demain et te présenter après-demain.
Résigné, Lucas opina de la tête en regardant le calendrier des postes placé sur le buffet du salon. L’été et ses perspectives de plaisirs étaient encore loin. Le jour suivant, le jeune homme dit adieu à sa grand- mère. La brave femme donna à son petit-fils, pour son voyage, une bouteille de lait et une boite de céréales. Il savait qu’elle ne pouvait lui donner plus. Il la serra dans ses bras à l’étouffer. Il se dirigea vers la gare. Au guichet, il présenta le billet que Thomas lui avait procuré la veille. L’employé montra froidement le panneau d’affichage des départs :
-Pas de train aujourd’hui, grève des cheminots.
Lucas se retrouva dans la rue, plus désemparé que jamais. Il quitta le quartier de la gare, prêt à marcher jusqu’au lendemain, s’il le fallait. C’est alors qu’il vit au bord de la route, une voiture arrêtée. Une femme tentait de changer une roue crevée. Il s’approcha et proposa son aide. La femme, jeune et très belle, portait d’étranges vêtements en soie chamarrée. Elle accepta aimablement. La réparation terminée, la conductrice annonça à Thomas que pour le remercier, elle le conduirait où il le désirerait. Pendant le trajet, Lucas raconta à l’inconnue sa vie et ses projets. A l’entrée de la ville, elle arrêta la voiture.
-Je te laisse continuer tout seul. Mais avant cela, je veux te faire un cadeau.
Elle farfouilla dans le coffre de la voiture, ouvrant des malles remplies d’objets plus insolites les uns que les autres.
-Je suis antiquaire, spécialiste des jouets anciens, s’amusa-t-elle, sous le regard ébahi de Lucas.
Elle extirpa un bilboquet en bois doré, finement décoré.
-Il est vieux et précieux, prends-en le plus grand soin. Si par malheur il devait tomber, tu le perdrais à jamais.
Lucas fourra le jouet dans son sac à dos et reprit son chemin, à nouveau seul.
Dans le soir qui tombait, il traversa une banlieue pavillonnaire, des quartiers tristes et déserts. Soudain, dans une ruelle sombre, une bande de louches individus le provoquèrent violemment. Ils lui tombèrent dessus brutalement. Lucas fut roué de coups et laissé sur la chaussée, évanoui, le visage ensanglanté et le corps meurtri. Son sac à dos tomba et s’ouvrit, répandant son contenu sur le sol. Le bilboquet doré roula, heurta le trottoir et dans un bruit sec, se brisa net.
Une légère vapeur s’échappa des débris du jouet, s’éleva en une haute colonne évanescente, puis se matérialisa en un géant débonnaire. Le colosse regarda autour de lui, comme après un long sommeil. Il examina Lucas inconscient. Il sortit de sa poche un pinceau à longs poils de crinière d’âne. Il frotta lentement le pinceau sur les plaies du jeune homme.
« Une fois pour le sang, deux fois pour la chair, trois fois pour la peau » répétait-il en incantation. Toute la nuit, il passa le pinceau sur le visage et le corps de Lucas. Au petit matin, Lucas dormait, apaisé et guéri. Il n’avait plus aucune trace de ses plaies. Le géant ramassa les débris du bilboquet, et disparut au coin de la rue.
Lucas se réveilla, vit son sac à dos éventré, la bouteille de lait cassée, les céréales éparpillées. Il pleura sur la perte du bilboquet en se souvenant des propos de l’antiquaire. Il ramassa ce qui pouvait l’être et continua tristement vers la salle des congrès où l’attendait le concours du salon du chocolat.
Sur les lieux, il fut accueilli amicalement, chaudement recommandé par son ancien employeur. Il pensa à Thomas et à sa grand-mère qu’il ne devait pas décevoir.
Il mit toutes ses forces et sa passion dans l’exécution de ce qui fut le chef d’œuvre du jour : une admirable rose en chocolat, si belle et si réaliste que l’on pouvait s’y méprendre. Thomas remporta le concours. Il intégra la brigade du plus grand chocolatier du pays.
Par la suite, ses créations furent copiées dans le monde entier. Il savoura son succès. Mais au fond de son cœur, il n’oublia jamais ce qu’il avait été.

De Marie-josée

Jour de cauchemar

Je n’aurais jamais cru que faire les courses deviendrait un chemin de croix. J’en suis à mon deuxième tour du supermarché et mon caddie est toujours vide. Et si je prenais des céréales, histoire de changer mes habitudes ! Je tends la main vers le paquet et voilà qu’une voix dans ma tête me crie :
-Malheureuse, as-tu vu ce qu’il contient ? Touche pas, veux-tu ruiner ta santé ?
Je tente de la faire taire en lisant ce qui est écrit au dos, ce qui se révèle être mission impossible malgré les lunettes. Au bénéfice du doute, je le repose illico et change de rayon.
Assez de temps perdu, procédons par ordre.
L’injonction’’ manger 5 fruits et légumes par jour’’ m’emmène à l’autre bout du magasin. Les étals sont bien remplis et regorgent d’une grande variété. Je passe, stoïque, devant les bananes et les ananas, adepte du principe manger local et des produits de saison même si j’y fais des entorses quelquefois. Les fraises par contre me font de l’œil, j’examine soigneusement la barquette, mais vu le prix exorbitant, je la remets à sa place, tant pis, j’attendrai celles de mon jardin. Cette année, elles n’ont pas respecté le calendrier, elles commencent à peine à fleurir, mais je les apprécierai encore davantage le moment venu. L’étal bio est également décevant, des carottes sous emballage plastique, des courgettes dans des filets, des salades aux feuilles flétries. Les pommes trouvent grâce à mes yeux, les poireaux étiquetés ‘’ Produit en France également ainsi qu’un chou-fleur. J’ai un vrai coup de cœur pour des artichauts de Bretagne et pour des radis roses. Je m’arrêterai ‘’ A la ferme de ‘’Suezel’’ pour prendre des asperges, de la rhubarbe et des œufs tout à l’heure.
Il est bien loin le temps où les oranges se dégustaient à Noël, où les fraises n’étaient pas importées d’Espagne, où l’on ne trouvait que des tomates, pêches et melons en été, les mangues, papayes, litchis ou goyaves inconnus au bataillon.
La queue à la boucherie m’a découragée et j’ai décidé de me passer de viande la semaine à venir, quitte à me faire taquiner et taxer de ‘bobo ‘; je pourrais toujours puiser dans mon congélateur si le besoin s’en faisait sentir.
Il ne me reste plus qu’à prendre de la farine, de l’huile, du beurre, du fromage, et je serai au bout de mes peines. Des lampes rouges se mettent à clignoter : le gras est synonyme de cholestérol, les laitages sont du poison pour les articulations et le gluten n’en parlons pas. J’ai passé outre et mon chariot commençait à se remplir. En me dirigeant vers la caisse, je me suis rendu compte que j’ai oublié le café. J’ai immédiatement fait demi-tour et j’ai pris comme d’habitude un paquet avec la mention ‘’commerce équitable ‘’ pour me donner bonne conscience même, si je pense au fond de moi, que c’est une arnaque de plus.
Que vais-je leur apporter?. Des fleurs pour Annie ? Pas très original, mais ça passe toujours. Une bouteille de vin pour Romain ? J’ai ce qu’il faut dans ma cave. Et la petite, que vais-je bien pouvoir offrir à la petite ? Je file au rayon des jouets désespérément en quête de quelque chose qu’elle n’a pas encore. Je sais que les cahiers de coloriage, crayons de couleurs, pinceau ou jeux éducatifs ne lui feraient pas plaisir. J’allais me rabattre sur des friandises quand j’ai aperçu un bilboquet. Comment cet objet désuet s’est-il trouvé là ? Peu importe, je me suis empressée de le mettre dans mon caddie, fière de ma trouvaille. Il ne reste plus qu’à aller chez la fleuriste et le tour est joué.
En passant devant la boulangerie, un gâteau décoré d’une rose en chocolat attire mon attention. Et si je ramenais un dessert à la place des fleurs ? J’ai étouffé dans l’œuf la pensée que ce n’était pas très raisonnable, que le sucre est devenu l’ennemi numéro un ainsi que les kilos en trop. Je méditerai à ce sujet plus tard, pour l’instant, la priorité était d’arriver au bout de cette fichue corvée des courses. Dernier obstacle à franchir, le passage à la caisse. J’ai toujours l’impression de choisir la mauvaise file, celle où un produit bloque, où le client a oublié son code bancaire ou demande l’impression d’une facture. Quelle idée aussi d’y aller le samedi matin aux heures de pointe comme si je n’avais pas le temps d’y aller aux heures et aux jours creux. Un profond sentiment de culpabilité m’envahit en pensant que je fais partie de ces retraités écervelés qui prennent les créneaux de ceux qui travaillent. Heureusement, il n’y a pas trop de monde et je m’en sors bien. Chaque semaine, je prends la résolution qu’on ne m’y reprendra plus, que je m’organiserai, que je ferai les menus à l’avance et la liste en conséquence. Chaque semaine, je me retrouve invariablement à déambuler dans les allées, cherchant l’inspiration et espérant qu’une bonne fée me souffle à l’oreille ce que je pourrais bien faire à manger.
De retour à la maison, une fois les courses rangées, mon conjoint me pose naïvement la question qui fâche :
-Qu’est-ce qu’on mange à midi ?
N’ayant pas encore pas la moindre idée à ce moment-là, je réponds imperturbable :
-La surprise du chef !

De Saxof

EVOLUTION

Je n’aurais jamais cru qu’en acceptant cette rose au chocolat tellement magnifique, ma vie allait changer.
Cet homme au sourire rayonnant s’est avancé vers moi, la fleur à la main en me disant
– Aline, je vous ai choisie parce que votre coeur est bon et vos yeux sont d’un bleu océan. Vous allez me prendre pour un fou, mais je suis venue de ma planète pour faire une expérience sur terre, et de là-haut vous étiez la plus lumineuse pour mon cheminement.
Je ne comprenais rien à ce qu’il me racontait, mais je me sentais remplie d’une nouvelle énergie. Je n’ai réussi qu’à sourire.
-Nous allons travailler ensemble si vous l’acceptez.
-Oui je le veux.
Bizarrement, je disais ces mots que l’on offre le jour du mariage, pour un engagement profond. Serai-je devenue folle ??
-Je m’appelle Michaël, me dit-il en me tendant la main.
Il serra la mienne d’une façon qui me permit de ressentir une vague de tendresse et de force. Secouée, vraiment, je l’étais !
-Aline, je sais que vous travaillez selon un calendrier, mais pour moi, le temps n’existe pas. Vous allez dormir deux heures à partir de maintenant et je vais vous guider dans votre sommeil.
Il me regarda comme s’il voulait me percer à jour, alors que je savais intuitivement qu’il me connaissait parfaitement. Je me sentis très fatiguée tout à coup et je m’allongeais sur la banquette de la salle de réception de mon hôtel.
Un rêve merveilleux m’embarqua vers des terres lointaines, paradisiaques, lumineuses, rien à voir avec les plages du pacifique, c’était un monde inconnu et rempli d’amour, de paix et de joie. Michaël y était avec moi et me fit monter dans son bolide, un vaisseau qui traversa toute la terre en quelques secondes, alors que j’ai pu en ressenti et voir tous les abords, les contrées, les habitants et tout ce qui devait y être changé, transformé, embelli, dans tous les domaines possibles.
Deux heures plus tard, j’ai été réveillée par un bruit sourd et vu Michaël qui essayait le bilboquet, avec beaucoup de dextérité.
-C’est drôle cet engin, et j’aime constater que mon adresse ne me fait pas défaut.
Alors que ses yeux rencontraient les miens. Je sus alors que tout avait changé en moi. J’entendais, sans le son extérieur, je voyais, en grande dimension, chacune de mes pensées et..Heu..aussi toutes les pensées de Michaël. En un instant, je rougis de me sentir si vulnérable.
Il s’avança vers moi et me tendit un papier et un crayon et me demanda d’écrire ce à quoi j’allais renoncer dans un premier temps. Spontanément, je vis ma boite de céréales du matin sur la table, en murmurant « je sais que ce n’est pas bon pour ma santé comme… ». Je noircis quatre pages de choses et actions qui ne me convenaient plus. Je devenais une autre personne.
Alors que je finissais le dernier mot, Michaël me sourit en me posant cette question
-Quel est votre passe-temps favori, Aline ?
-Peindre, répondis-je sans réfléchir.
-Pour sauver l’humanité, il faut lui montrer ce qu’il faut faire, et vous allez peindre ce à quoi votre planète doit ressembler. Un seul pinceau suffira, en me montrant celui qui était apparu à coté de mon crayon, avec une grande quantité de couleurs. Il vous sera facile de souffler sur les poils pour le rendre neuf dès que vous en aurez besoin. Je vais vous faire livrer régulièrement des toiles à peindre et récupérer votre travail dès que j’entendrai votre appel télépathique. Je me charge de les distribuer dans le monde entier. N’oubliez pas que chaque phase de vos sommeils sera une bénédiction pour vous et pour nous tous.
Il me disait ce que je savais déjà. J’étais une nouvelle naissance d’amour, positive et ouverte au portail d’évolution. Tout ce qui me pesait, m’étouffait, me bloquait, hier, avait complètement disparu. Il me prit chaleureusement dans ses bras pour un au-revoir proche et je sentis tout le potentiel réveillé en moi dans cette créativité déjà débordante.
J’ai ressenti que d’autres personnes choisies délivreraient d’autres facultés, pour la création de notre nouveau monde.
Je devenais une étincelle, une étoile guidante.

De Nicole

Mystère au village de Meyras

Je n ‘aurais jamais cru qu’en rendant visite à Madeleine ce samedi-là, j’ouvrais la porte à une énigme. Madeleine est mon amie d’enfance depuis la maternelle.
Elle a pris sa retraite l’année dernière, elle était l’institutrice du village depuis plus de quarante ans. Célibataire sans enfant, elle aimait tous ses petits écoliers.
Un beau fiancé, Louis, jamais revenu de la guerre d’Indochine.
Je suis partie faire mes études en Angleterre, me suis mariée, deux beaux enfants sont nés de cette union heureuse. Veuve et retraitée, je suis revenue vivre au village de Meyras et plus précisément dans la maison de famille à Neyrac-Les-Bains.
Ce matin-là, donc, en entrant chez Madeleine, j’ai trouvé la maison vide.
Sur la table de la cuisine, un calendrier avec la date du 8 Avril entourée de rouge, une rose en chocolat, son péché mignon, non entamée, une boite de céréales pour le canari, qui d’ailleurs s’agitait dans sa cage, un pinceau de cuisine, et plus insolite le bilboquet de notre enfance. Il nous servait à prendre nos décisions de jeu.
Le désordre sur la table est inhabituel, Madeleine est une maîtresse de maison chez qui rien ne traînaille. Le policier du village va mener son enquête et un avis de disparition paraîtra dans la gazette de Meyras. Ce calendrier avec sa date entourée me paraissait être la clef de l’énigme.
Pourquoi le 8 avril ?
Je fouillai les tiroirs, factures, publicités, vieux tickets de caisse, une lettre sur papier administratif venant de Hanoï au Nord Vietnam. Son fiancé, Louis, n’était pas mort, amnésique, fait prisonnier par le Vietminh après la bataille de Diên-Biên-Phu.
Il fut déporté dans la région montagneuse de Mu Cang Chai, puis recueilli par une famille Hmong. Il travailla dans les rizières en terrasse.
Il était aimé des enfants à qui il apprenait le français et soignait les malades, anciens souvenirs de son métier d’infirmier. Récemment, suite à un accident, une chute sans gravité, il avait recouvré la mémoire. Via l’ambassade de France de Hanoï, Madeleine fut contactée.
Emoi, joie, crainte de l’avenir, comment se retrouveraient-ils après tout ce temps ?
Renseignements pris, je compris que la date du 8 Avril était le jour de son départ pour Hanoï, afin de revoir et revenir en France avec son beau fiancé.
Peur de la déception, du futur, elle n’avait prévenu personne.
Partie précipitamment pour ce rendez-vous en terre inconnue.
Trois jours plus tard, Madeleine téléphona pour annoncer leur retour pour la mi-Mai.
Toute une vieillesse d’amour à passer ensemble…

De Marie-Laure (proposition d’écriture N° 161)

La rue du bloc

C’était un petit village d’environ 350 âmes, un de ces petits villages lorrains où toutes les maisons sont blotties les unes contre les autres le long de la rue principale. Il y avait en son centre l’église, dont le parvis accueillait le monument aux morts et un peu plus loin la mairie où était à l’occasion hissé le drapeau tricolore. Cet anachronisme animait parfois les conversations familiales ; un oncle ayant des velléités communistes, on se sentait parachuté dans un Don Camillo !
A une extrémité de la rue principale il y avait l’usine, une laiterie, qui jouxtait la voie ferrée et la gare. A son autre extrémité, il y avait la rue du bloc, immeuble HLM construit pour loger les ouvriers de l’usine.
Voilà c’était ma rue, nous étions les « jeunes du bloc », étiquette assez péjorative dans la bouche des anciens du village !
Si vous avez un petit peu de temps devant vous, car il faut marcher, c’est vraiment à l’écart du village, je vous invite à me suivre à la découverte de mon univers !
Allons – y, vous apercevez le panneau stop, là- bas en bas de la côte, sa ligne blanche au sol pose là une limite, presque une frontière qui va nous conduire dans un autre univers. Reprenez votre souffle, nous allons gravir ensemble cette côte, tranquillement, prenez le temps de bien respirer. Sentez l’air frais qui entre dans vos narines, l’endroit est plutôt venteux.
A mi-chemin dans la rue, sur votre gauche, vous apercevez quatre baraques accolées, c’est comme un îlot à part. Ici habitent des ouvriers célibataires, étrangers sans famille ou intérimaires de passage. Vous sentez les effluves de bortsch par cette fenêtre ouverte ?
C’est assez bruyant autour des baraques, les transistors crachent leur musique et ça chante à tue-tête, chacun dans sa langue maternelle. C’est une joyeuse cacophonie parfois et à d’autres moments, ça se bouscule, ça se chamaille avec des noms d’oiseaux que nous autres enfants avons plaisir à retenir, des fois que ça pourrait nous servir ! Dans la deuxième baraque habite Blazej, c’est le roi du cerf-volant, il nous aide à les fabriquer et nous montre toutes ses astuces pour bien les faire voler !
Poursuivons notre montée, sur votre droite deux rangées de garages avec leur parking devant, seuls espaces plats de toute la rue et donc terrains colonisés par les enfants pour le foot, la marelle, le vélo, les patins à roulettes et j’en passe. Laissez-vous happer par toute cette horde de bambins qui jouent en tous sens. Ici pas de voiture qui circule, pas de danger et les pères ne négligent pas de rentrer leur automobile dans le garage, car ici c’est le royaume des enfants !
Encore une trentaine de mètres à monter, mais vous l’apercevez déjà trônant magistral et fier au sommet de la côte, c’est mon bloc !
Ici vivent douze familles et plus d’une vingtaine d’enfants. Du plus jeune au plus grand, il n’y a pas plus de dix ans d’écart et tous fréquentent l’école du village, où il n’y a que trois classes du CP jusqu’aux grands du Certificat d’études. Autant vous dire qu’il y a de l’animation dans la grande rue, lorsque la cloche de l’école retentit et que la meute du bloc remonte.
Voilà, nous sommes arrivés au bout de ma rue. Admirez ce paysage, large, ouvert, nous sommes encerclés de jardins et de vergers, mais il n’y a pas de clôture, nous pouvons courir où bon nous semble. Vous sentez l’odeur des foins coupés dans le grand pré juste là, c’est aussi notre terrain de jeu. En hiver, c’est notre piste de luge, car les adultes ne veulent plus qu’on glisse sur la route, des fois qu’on louperait le stop en bas, brutal retour à la civilisation motorisée.
Vous apercevez ce pommier où est accroché une balançoire ? C’est notre lieu de rendez- vous pour démarrer chaque jeudi après-midi une nouvelle aventure, tantôt explorateurs, tantôt apaches.
Laissez vos yeux se promener encore, pas loin du pommier, vous voyez ce tas de pierres ? Ce n’est pas un amas quelconque, c’est nous qui avons organisé cet endroit pour faire du feu et des pommes de terre à la braise, les plus grosses pierres alentour nous servent d’assise lors de nos dégustations. Pas de danger, nous sommes pile en face des fenêtres des cuisines et il y a toujours une mère pour jeter de loin un œil sur nous. Autant vous dire que lorsque nous rentrons, nos habits sont souillés et nous sentons la fumée à plein tube. Pas grave car nous avons des habits dits « habits de jardin », à contrario de nos habits d’école qui restent beaux et propres.
A trois ou quatre mètres de là, vous avez l’impression d’un simple taillis mais observez bien et vous verrez une multitude de passages secrets !
Je ne peux vous inviter à poursuivre la visite dans ces dédales, les passages sont étroits et peut être dangereux pour les adultes que vous êtes devenus. Là – bas, plus loin encore vers la forêt, se poursuit la rue des enfants du bloc. Non, ce n’est pas une rue imaginaire et ce qui s’y vit n’est pas fiction, cela ouvre vers un monde de jeux et de liberté où les enfants sont rois.


De Zouhair

Je n’aurais jamais cru qu’un jour je me servirais de ce pinceau posé là sur ma table. Pour moi, les pinceaux étaient réservés aux peintres, comme les plumes aux écrivains. Certes, je me suis servi de pinceaux pour lasurer une façade ou repeindre un mur, mais jamais pour représenter un objet, un paysage ou faire un portrait.
Ce jour-là, l’enseignante en peinture proposait de dessiner et de peindre un objet en perspective. C’était une boîte de céréales, de la marque Killer. Il fallait dessiner aussi bien la boîte que l’inscription en lettres rouges sur fond jaune : CEREALES KILLER (Le slogan publicitaire était : « Goûtez-les, c’est une vraie tuerie » !).
Donc, point de fuite où les lignes des côtés se rejoignent mais où les lignes vues de face sont verticales…De même pour les lettres. Ensuite, il fallait peindre tout cela.
C’est sûr, le sujet du jour était dans le calendrier de l’école mais les élèves n’étaient pas enthousiasmés par ce thème. Il est en effet très difficile de satisfaire tout le monde dans une classe. Statistiquement, il y a autant de chance de proposer un sujet qui fait l’unanimité que d’aligner exactement la boule d’un bilboquet avec sa pointe !
Il aurait été plus intéressant de reproduire les pétales ourlés d’une rose. Tiens, cela me fait penser à la rose au chocolat qui se trouvait sur le gâteau d’anniversaire de ma fille, la semaine dernière. Je l’aurais bien dessinée celle-là.


De Pierre (proposition d’écriture N° 161)

J’avais trois ans en ce début de juillet mil-neuf-cent-quarante-quatre. J’étais confortablement assis, dans l’herbe à l’ombre d’un arbre, un petit chapeau de paille sur la tête ; j’étais enfoui dans de la végétation qui était luxuriante, en cette époque.
Je passais mon temps à cueillir de petites fleurs pour donner à ma maman à notre retour pendant que mon papa jardinait tout près de moi. Cultiver son jardin était plus qu’un passe-temps pour lui, c’était une nécessité économique en ces temps de restriction alimentaire, la guerre n’était pas encore terminée.
Nous étions en plein après-midi, le soleil donnait sans limite et il faisait chaud. Le terrain où nous étions surplombait la vallée de la Seine et d’où j’étais assis, je pouvais voir les méandres du fleuve.
Soudain, j’aperçus dans le ciel bleu azur, sans nuage, un avion américain avec son étoile à son flanc ; l’avion volait très bas au-dessus de la Seine. Quelques secondes plus tard, deux bombes furent larguées sur le pont du Pecq. Mon père accourut et même si nous étions en sécurité, il me prit dans ses bras et nous partîmes rejoindre la gare de Marly Le Roi pour rentrer à la maison.
Ce que j’écris est véridique et me fut confirmé par la suite. L’endroit où nous étions s’appelait les « Grandes Terres », très beau, très champêtre, loin des bruits de la ville mais cet endroit fut bétonné une dizaine d’années plus tard avec la construction d’immeubles d’habitation hideux, mais Il fallait loger les gens.
Après presque trois heures de voyage, soit deux heures de plus qu’à l’accoutumée, nous pûmes rejoindre notre logis à Courbevoie. Le voyage fut jalonné d’incidents plus ou moins graves ; le tunnel ferroviaire reliant l’ouest à St Cloud vers Paris, creusé dans la colline, nous servit d’abri le temps d’une alerte prolongée.
Courage, ténacité, résilience, c’était le lot de tous en ces temps de guerre et c’était aussi ma guerre à trois ans.

De Jacqueline

Je n’aurais jamais cru être capable de réaliser cette rose en chocolat. Ce matin, en prenant la boîte de céréales sur la table pour en verser dans mon bol, je la regarde et je suis assez fière de moi. Tout en buvant mon thé, je joue au bilboquet, je réfléchis et me demande comment je pourrais la décorer pour la rendre encore plus belle. Soudain, il me vient une idée : avec un pinceau et de la peinture alimentaire dorée, je trace de très fins traits le long du bord des pétales afin de leur donner du relief. Le résultat est magnifique !
Sur le calendrier, j’avais inscrit : « à faire pour la Fête des Mères », je peux à présent noter : « fait «, c’est demain. »
Je pense que maman sera heureuse de recevoir ce cadeau fait de mes mains et avec amour.

D’Inès

Je n’aurais jamais su qu’un jour j’allais me retrouver avec quelques petits objets qui paraissaient aussi insignifiants et dérisoires auparavant et qui s’avéreraient par la suite des objets aussi conséquents et précieux.
J’étais incarcéré pour quelques mois pour infraction à l’ordre public.
Dans ma cellule, sur une table, on y trouvait un calendrier avec des photos personnelle de toutes ma famille.
Chaque jour, je prenais un immense plaisir à cocher et à noircir une petite case … à compter et à recompter les jours et mois qui me séparaient de la fin de ma détention ; et juste à côté de mon fameux calendrie,r j’avais une jolie rose en chocolat offerte par ma femme …je me gardais de la consommer, faisant fi de la citation d’Oscar Wilde : « La meilleure façon de résister à la tentation, c’est d’y céder ! »
Ne symbolise-t-elle pas pour nous deux la rose éternelle, l’attachement la tendresse et la douceur !!
Sur ma table, il y avait aussi des céréales, ce mets aussi banal soit-il, connu et apprécié par les petits et les anciens et qui apparaît sous différentes formes sucrées ou salées ; connu depuis la nuit des temps, ce mets irremplaçable continue à perdurer et à traverser les temps et les époques.
Juste à côté de mes céréales, il y avait un pinceau qui avait l’air si ordinaire, si commun que l’on passerait des dizaines de fois à côté sans que personne ne s’en aperçoive, mais en raison du bilboquet qui m’a appris la dextérité l’élégance du geste, le pinceau devint pour moi le bâton magique par lequel repeindre une situation ou un environnement était devenu chose facile et aisée.

J’espère que ces textes vous ont plu. Je suis toujours épatée, sans m’en lasser, des chemins insoupçonnés que peut prendre une consigne d’écriture. Les méandres de votre créativité sont fascinantes! 

C’est la raison pour laquelle je me suis prise de passion, toute petite, pour la lecture en priorité et pour l’écriture, en fait, pour les histoires en général. 

Depuis 4 ans que l’atelier d’écriture a été créé, je suis comme une gamine devant des histoires que je lis le vendredi. Je sais que je vais passer un bon moment. 

Merci à vous toutes et tous qui osez écrire et faire vivre l’atelier d’écriture. 

Je vous souhaite un beau weekend et je vous donnez rendez-vous la semaine prochaine.

Portez-vous bien et prenez soin de vous!

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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