J’ai franchement adoré vos textes pour la proposition d’écriture N° 163, emprunts d’émotion et de respect vis-à-vis de cette vieille grand-tante, qui cachait bien des secrets.

Je suis ravie de vous avoir donné cette proposition! j’ai été bien inspirée!

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Jean-Claude

Il était une fois une vieille maison délabrée qui avait appartenu à mon arrière-grand-tante. Elle m’avait légué la propriété après sa mort, et j’ai décidé de la rénover pour en faire ma maison de vacances.
Pendant les travaux de rénovation, j’ai découvert une pièce secrète cachée derrière un mur. Elle avait été scellée depuis des décennies, et personne n’avait jamais soupçonné son existence.
Une fois que j’ai réussi à entrer dans la pièce, j’ai été époustouflé par ce que j’ai vu. C’était comme si j’avais découvert un trésor oublié depuis longtemps. Il y avait des étagères pleines de livres anciens, des parchemins poussiéreux, des artefacts antiques et des bijoux en or et en argent. Mais ce n’était pas tout. Au milieu de la pièce se trouvait un grand globe terrestre en cristal, qui semblait briller de l’intérieur. J’ai touché la surface du globe et j’ai été transporté dans une autre dimension. J’ai voyagé dans des mondes fantastiques et j’ai rencontré des créatures incroyables que je n’aurais jamais cru possibles.
J’ai finalement atterri sur une île mystérieuse, où j’ai trouvé un coffre en bois massif. À l’intérieur, j’ai découvert un rouleau de parchemin sur lequel était écrit un message en lettres d’or. Le message disait que le globe était une porte vers d’autres mondes, et que le coffre contenait une clé pour ouvrir la prochaine porte.
Je suis rentré chez moi, avec le globe et le coffre, rempli d’émerveillement et d’excitation. J’ai décidé de garder le trésor pour moi, plutôt que de le vendre ou de le montrer manifestement. Je voulais continuer à explorer les mondes fantastiques que j’avais découverts, et peut-être trouver d’autres portes vers des aventures encore plus incroyables.
Ainsi, j’ai gardé le trésor dans ma maison de vacances, qui est devenu mon refuge secret pour les voyages interdimensionnels. Chaque fois que j’ai besoin d’une évasion du monde réel, je me transporte à travers le globe et je suis transporté dans un autre univers. Je suis reconnaissant pour l’héritage de mon arrière-grand-tante et pour le trésor extraordinaire qu’elle m’a légué, qui m’a permis de découvrir des merveilles au-delà de mes rêves les plus fous.

De Catherine M

Les deux cousines étaient arrivées tôt ce matin de Paris. C’est que nous avions de quoi nous occuper toutes les trois pour au moins deux jours ! D’ailleurs, ce soir, elles dormiraient chez moi. La tâche qui nous réunissait était, à mes yeux, tellement triste qu’elle ne me permettait pas d’éprouver de la joie en les retrouvant.
Notre arrière grande tante, Christiane, venait de nous quitter, brutalement. Elle n’était pourtant pas très âgée, mais un arrêt cardiaque l’avait terrassée et sans souffrir, sans nous dire au revoir, elle avait rejoint le ciel auquel elle croyait tant. Christiane vivait seule … depuis toujours. En fait, elle avait six ans quand elle avait été touchée par le virus de la poliomyélite. Mal soignée, elle était restée handicapée, se déplaçait difficilement, mais elle était autonome dans la vie quotidienne. Il faut dire qu’elle était bien entourée. Ses aides ménagères venaient tous les jours dans sa petite maison, de plain-pied, fonctionnelle. Et moi, je passais un maximum de temps avec elle : on parlait de tout et de rien, on riait, on se moquait des autres aussi. Il n’y avait pas de tabou … enfin, c’est ce que je croyais jusqu’à aujourd’hui !
Une petite maison de ville, pareille à celle de gauche, pareille à celle de droite, pareille à toutes les maisons de la rue, mais c’était sa maison, celle où elle était née et où elle avait vécu avec sa mère. Une maison en briques rouges avec un jardin minuscule, juste de quoi y déposer une petite table métallique ronde et deux chaises recouvertes de coussins confortables, où elle pouvait écouter la radio, son principal plaisir, ou prendre son thé en regardant passer les voisins qui allaient faire leurs courses et qui, immanquablement, lui adressaient un petit mot gentil. Tout le monde la connaissait dans le quartier et ils étaient tous prêts à lui rendre service.
Cette petite maison, aujourd’hui, il allait falloir la vider de ses meubles et de ses souvenirs. Nous aurions un peu de travail pour la rénover, ce qui nous laissait le temps de réfléchir à ce que nous en ferions plus tard. La garderions-nous après les travaux ?
C’est malgré tout dans une bonne ambiance que nous avons commencé à répertorier le contenu des armoires et buffets où s’accumulaient des objets de valeur, des objets « souvenirs », des objets qu’on garde « au cas où » comme chez tout un chacun.
Nous nous sommes concentrées sur la première pièce : la cuisine, rustique mais fonctionnelle. Elle n’était pas de première jeunesse, mais elle était étincelante. Tout d’ailleurs, dans la maison, était d’une propreté incroyable. Puis, ce fut au tour du séjour et enfin, de la chambre. Un lit d’une personne, un petit chevet, et un secrétaire qui devait contenir tous ses documents administratifs, relevés de comptes et factures diverses, sans surprise ! Vous croyez ? Le premier constat fut qu’il était fermé à clés. Nous nous sommes donc mises à la recherche du sésame et après une fouille ordonnée, avons mis la main sur celle qui nous permettrait d’aller à la découverte du contenu de ce meuble simple mais mystérieux. A ce moment-là, nous étions à la fois impatientes et inquiètes. Après avoir rabattu le plateau qui servait de bureau, nous avons sorti et lu des dizaines de cartes postales reçues pendant des années. Nous avons d’ailleurs, avec un petit pincement au cœur, retrouvé celles que nous lui avions adressées au cours de nos différentes vacances. Il y avait aussi des dessins que nos enfants, petits, lui avaient offerts. Derrière les cartes se trouvaient effectivement tous ses documents, parfaitement classés ainsi que du matériel pour écrire et faire ses comptes.
Un petit tiroir sur le côté droit, de la largeur d’une feuille, nous intriguait. Et c’est là, en tirant sur la poignée, que nous avons eu l’émotion la plus forte de la journée. S’y trouvait toute la panoplie du parfait élève de CP en apprentissage de lecture et surtout, d’écriture ! Des manuels scolaires, des cahiers d’écolier, un crayon, une gomme. Sur les cahiers, nous avons découvert des lignes entières de lettres, de mots, écrits de façon parfois malhabile, mais avec application et toujours répétés, répétés ….
Notre tante bienaimée apprenait, dans le plus grand secret, à écrire !
Evidemment, elle n’avait jamais pu aller à l’école et elle savait à peine lire et écrire. Mais, jamais elle ne s’en plaignait. Pas une fois, nous ne l’avions entendue se lamenter. Alors, naïvement, nous avions cru qu’elle se satisfaisait de son état. Et surtout, à son âge, nous n’avions jamais envisagé qu’elle faisait autant d’efforts pour apprendre ce que la maladie lui avait refusé autrefois.
De l’imaginer seule, dans cette toute petite chambre, alignant ces mots nous a submergé d’émotion et nous avons fondu en larmes, bouleversées.
Nous avions trouvé un véritable trésor, inestimable. A aucun moment, nous est venue l’idée de s’en débarrasser. Il faillait le conserver, le mettre au grand jour, l’expliquer à nos proches, le valoriser. Nous n’avons pas cru bon, non plus, de le partager entre nous : il fallait garder le tout en l’état, dans son entièreté. Je fus chargée, avec le plus grand bonheur, de cette mission.
Aujourd’hui encore, cette merveille me fascine. Ce trésor bien conservé dans une belle boîte achetée pour cet usage, me suit dans mes déménagements. Mes enfants le savent : jamais il ne faudra s’en séparer. C’est une preuve de souffrance, mais également d’efforts et de persévérance.
Depuis, mais est-ce un hasard, je collectionne les manuels scolaires d’apprentissage de la lecture. J’en ai maintenant environ 200 que je bichonne et feuillète avec beaucoup d’émotion en repensant à cette vieille tante, bien entourée, mais tellement seule au fond !

De Françoise V

C’était le début du printemps. Armelle, mon arrière grande tante, a quitté notre monde. Je suis l’héritière unique de sa vieille maison au-dessus du pays d’Ornans. Il faut bien que je rénove cette vieille bâtisse. Avec courage et persuasion, je m’y rends tous les week-ends pour travailler.
C’est le printemps et je défriche, je jardine, j’arrache pour nettoyer les plates-bandes. En tirant sur une longue racine d’une herbe inconnue pleine de piquants, une motte de terre se décroche. Je tire très fort mais elle résiste la rebelle ! Un bloc de terre et de cailloux se détachent, un trou se forme obligatoirement. Quelque chose de blanchâtre apparaît au fond de ce trou béant. Je gratte, je pioche plus profondément et je découvre ce qui peut ressembler à … un os de phalange. En l’observant, je trouve une ressemblance avec un auriculaire. Étonnement, questionnement. Je gratte encore ce trou et avec ma serpette je sors une chevalière de terre. Mais qu’est-ce que cela peut bien signifier ? La chevalière paraît être en or. Je l’emmène sous le robinet et une fois bien lavée et brossée, je découvre les initiales EJE, un poinçon et une inscription à l’intérieure de l’anneau : « A mon bien aimé ». Oh, mais qu’est-ce que cela fait dans ce jardin… et cette phalange ? Je fais de même, je la lave. Observation. Cette phalange est sûrement d’origine humaine si je fais la relation avec la chevalière. Comme cette terre de jardin est sibylline !
Qui est mon arrière-grand-tante ? Que s’est-il passé dans ce jardin, là à cet endroit précis ? J’espère qu’il n’y a pas de cadavre plus loin. Je ne creuserai pas plus, cela m’épouvante. Simplement, je garde précieusement ce trésor inexpliqué pour le moment, il est fort étonnant, voire alarmant. Je trouve un linge propre et j’enveloppe ce mystère. Surtout ne pas prévenir la police, même si c’est un os humain, je ne tiens pas à avoir des ennuis. Il faut que je trouve par moi-même une explication dans les papiers, les tiroirs d’Armelle. Il doit bien y avoir une trace d’un amour caché, d’une séparation, d’une violence. Du coup, je cesse de jardiner et je me dirige vers le bureau d’Armelle. Je fouille son secrétaire, ses tiroirs, les commodes. Sous ses chaussettes, je retrouve une taie d’oreiller soigneusement pliée dans laquelle je découvre un paquet de lettres liées par un ruban. J’ouvre délicatement… je saisis le premier courrier du paquet. C’est une lettre d’amour, un adieu forcé et c’est signé : Edouard-Jean Empain. Le baron ? Les initiales ! Ce sont ses initiales ! Incroyable, Armelle était donc la maîtresse du baron enlevé en janvier 1978. Cette lettre explique son départ aux Etats-Unis après sa libération en mars. Il la quitte contraint et forcé et lui envoie la caissette avec son doigt et la chevalière qu’elle lui avait offert en signe d’attachement. Cruauté, pensais-je… pour la chevalière, je suis d’accord qu’il la lui remette, mais pour l’auriculaire, tout de même, ce n’est pas délicat ! Donc, j’essaie de résumer, de comprendre : Armelle aurait reçu de son amant ce que les ravisseurs ont envoyé à l’épouse d’Edouard-Jean pendant sa détention ? Mais pourquoi donc ? Quelle histoire ! Ce trésor est un mystère, je vais bien le garder…. La chevalière va parler si je retrouve le bijoutier. Il faut que je lise toutes les lettres d’Edouard, que je fouille encore plus les tiroirs. Il y a matière à raconter une histoire avec tout ça. Laurence doit être impatiente de découvrir La vérité ! A suivre ….

De Pierre

Je n’ai jamais eu le bonheur de connaître mes grands-parents, morts avant ma naissance et je le déplore car il manque sans doute un lien dans mes origines.
L’histoire que je vais conter est véridique ainsi que les lieux décrits et certains personnages, mais je ne l’ai pas vécue personnellement. L’événement narré, j’en ai eu connaissance par la presse locale, aussi, il m’a semblé bon de faire partager les faits, en y introduisant une petite dose de fiction.
A la fin des années soixante-dix, mon épouse et moi avions fait l’acquisition d’une petite maison secondaire dans le département de la Somme, à une trentaine de kilomètres au sud d’Amiens. C’était une maison dans le style de la région avec beaucoup de briques rouges ; un beau terrain de mille-deux cents mètres carrés y attenait. Au premier étage se trouvait un vaste grenier composé de deux pièces aménageables. On y accédait par une sorte d’échelle de meunier.
Quelques temps après avoir emménagé, nous décidâmes de monter au grenier afin de dresser un premier inventaire des choses qui s’y trouvaient. Il y avait là beaucoup de poussière, de multiples objets disparates, un lit hors d’usage, de vieilles chaises branlantes, un placard brinquebalant, des journaux et magazines datant d’une autre époque et au milieu d’une des deux pièces se trouvait un grand coffre fermé, plein de poussière lui aussi. Intrigués, nous décidâmes d’ouvrir le coffre et d’enclencher les deux volets d’ouverture très rouillés, mais avec un peu d’huile et beaucoup de force, j’y parvins dans un grincement assourdissant. Ma femme à mes côtés suivait mes gestes.
En voyant ce qu’il y avait à l’intérieur, nous poussâmes un cri d’horreur et je refermai aussitôt le coffre.
-Ecoute, lui dis-je inquiet, nous n’avons rien vu ; nous chargeons le coffre dans la voiture et essayons de nous en débarrasser au plus vite.
-Non, allons jusqu’au bout de notre recherche, me dit ma femme ; tu sais je suis curieuse de nature !
-Bon ! dis-je, allons-y, on ouvre une seconde fois mais attention aux ennuis qui se profilent.
Le coffre, de nouveau ouvert, offrit le spectacle d’un homme de taille moyenne, en bon état de conservation comme s’il avait été embaumé selon la technique des Egyptiens. Il était vêtu d’un uniforme de l’armée allemande datant de la Première Guerre mondiale ; c’était sans doute un sous-officier. Je refermai le coffre après avoir pris quelques photos. Ma femme me dit de prévenir les autorités et les gendarmes.
-Et les « emmerdes » qui vont avec, lui dis-je ; on ne va pas garder ce coffre ici tu es d’accord ? Revendons la maison telle qu’elle est avec son histoire et nous allons ailleurs !
-Non, me dit ma femme, la maison me plait, les enfants ont besoin d’air et il y a de l’espace, ici.
A l’époque, le téléphone portable n’existait pas et le poste fixe n’était pas encore branché dans la maison. Je ne pouvais donc prévenir personne, sinon me rendre à la gendarmerie la plus proche.
-Allons voir le voisin dans la maison d’en face, peut-être pourra-t-il nous aider, dis-je à ma femme, ça sera l’occasion de se présenter.
Le voisin en question, la soixantaine bien sonnante, l’œil malicieux, était clerc de notaire ; il semblait connaître beaucoup de monde dans la région. Il nous accueillit avec chaleur, nous souhaita la bienvenue dans un coin qui avait besoin de jeunes. Il nous offrit un verre et nous écouta attentivement lui raconter notre histoire, sans nous interrompre un instant.
Louis, il s’appelait, me demanda si j’avais prévenu les autorités.
-Je peux appeler le rédacteur en chef du journal local, que je connais bien, si vous voulez. Oui, j’ai bien connu celui qui habitait cette maison. Elle est longtemps restée inhabitée après sa mort. Il ne sortait jamais, ne parlait pas, c’était un taciturne asocial, n’avait pas d’héritier ou de proche famille, à part un très lointain neveu, celui qui a conclu la vente par l’intermédiaire de notre étude. Vous devriez essayer de le contacter ; vous avez ses coordonnées dans l’acte. Par ailleurs, sachez que durant la Première Guerre, il y a eu énormément de combats dans le secteur en 1916 et des traces sont encore visibles.
Le petit neveu put être contacté téléphoniquement, mais vivant à l’autre bout de la France, il ne pouvait se déplacer.
-Je vous propose, me dit-il, de vous envoyer au plus vite un témoignage sur ce qui m’a été dit et rapporté il y a longtemps par mes grands-parents.
-D’accord, mais en attendant, nous prévenons la gendarmerie, lui dis-je ; je pense qu’ils vous appelleront.
Un véhicule de la gendarmerie arriva très rapidement ; il était suivi d’une voiture conduite par le médecin légiste. Après les vérifications d’usage et l’appel d’une ambulance, le corps fut transféré à Amiens pour examens scientifiques et autopsie. Etant donné la situation, il nous fut demandé de rester sur place et d’attendre les consignes…
Dès le lendemain, notre voisin nous fit signe de venir au téléphone car la gendarmerie voulait me parler.
-Bonjour, me dit le brigadier-chef, je vous tiens rapidement au courant du résultat des analyses effectuées. Le personnage en question était bien un sujet allemand, sous-officier détaché pendant la bataille de la Somme. Nous avons son identité, mais ce qui nous trouble, c’est qu’il n’est pas mort de mort naturelle : il a été tué par balle. L’arme du crime est aussi d’un autre âge et sa mort remonte sans doute à juillet / aout 1916… Nous allons prévenir l’ambassade d’Allemagne et ensuite, je contacte le seul témoin vivant de la famille afin qu’il vienne faire sa déposition à la gendarmerie la plus proche de son domicile.
Le journaliste du Courrier Picard, le quotidien de la région, vint nous voir ; lui aussi nous écouta attentivement et ensuite prit la parole :
-Je ne suis pas étonné par ce que vous me racontez. Des histoires similaires se sont bien produites dans la région. Les gens parlent peu ici et tout ça, c’est du passé…la guerre, la Première a laissé beaucoup de séquelles dans les familles.
A l’autre bout du pays, le petit neveu fit sa déposition auprès de la gendarmerie locale et d’une voix monocorde, il ressassa ses souvenirs de famille :
-Oui, il y a eu un secret de famille bien gardé. Le sous-officier allemand, le boche comme ils disaient à l’époque, était l’amant de mon arrière grande tante. Un jour, le mari, mon arrière-grand-oncle, les surprit en train de folâtrer…. Fou de rage, il prit son arme, tira à bout portant et le tua. Ensuite, craignant les représailles, les Allemands occupant le secteur, le mari trompé appela un taxidermiste de ses amis, également maréchal-ferrant, un personnage farfelu qui ne rêvait que de pratiquer sa science sur les humains. L’occasion lui en étant offerte, il accepta sans hésitation et se mit au travail, un très beau travail. Ensuite, le cadavre fut déposé dans un gros coffre où il devait y rester en attendant la fin de la guerre ; mais, il y resta soixante ans, ce qui n’était pas prévu, pas même la mort de mon arrière-grand-oncle quelques jours avant l’armistice ! Voilà ce que je sais de cette affaire de famille, dit le petit neveu. J’oubliais, la maison, je n’y ai jamais mis les pieds, même si j’en ai hérité.
Deux mois plus tard, l’affaire était close ; les honneurs militaires furent rendus dans un des nombreux cimetières militaires allemands de la région afin de donner au « leutnant », son grade, une sépulture définitive digne de son rang.
Cette histoire confirme qu’il faut savoir bien ranger ses affaires et les archiver ! Quelle qu’en soit leur nature.

De Pierre (proposition d’écriture N° 162)

Je n’aurais jamais cru que les cinq objets sur cette table aient un point commun mais la vie est ainsi faite ; elle est le fait de hasards. Aussi différents soient-ils, les objets exposés ont une signification particulière, dans notre imaginaire.
En premier lieu, le calendrier, tradition postale depuis des décennies, existent toujours en cette ère numérique, mais sa forme n’est plus la même avec l’apparition des nouvelles technologies. Nous le retrouvons sur nos tablettes, nos ordinateurs et bien sûr, sur nos montres. Il rythme le temps qui passe, qui s’égrène, il est le repère indissociable de nos existences.
La rose en chocolat, souvent visible en grande distribution, sur le rayon des gourmandises, ou bien sur les pages du Web, permet aux grands fabricants de chocolat d’être présents et de se battre pour accrocher le consommateur et gagner des parts de marché. Cela dit, « sous les courbes de ses pétales, se cache un chocolat noir aux arômes puissants. Succombez au plaisir de la gourmandise avec cette rose en chocolat décorée ». Voilà un bon argument de vente pour accrocher les consommateurs que nous sommes.
Les boîtes de céréales, aujourd’hui produits de consommation courante, n’existaient quasiment pas en France avant les années soixante. Cette habitude alimentaire nous est venue bien sûr d’Amérique du Nord. Chocolat et céréales : quel lien ? A priori aucun, sinon que l’un et l’autre attisent la gourmandise et nous rendent parfois dépendants.
Le pinceau, quant à lui, est à usage multiple. Il faut l’utiliser lors de travaux de peinture ou de finition en complément du rouleau. Pour l’artiste que je ne suis pas, le pinceau permet de faire vivre son imaginaire par le dessin et la peinture, comme d’autres s’expriment par l’écriture ou même par la photo.
Le bilboquet, jouet très ancien tombé en désuétude, requiert beaucoup d’adresse, ce que je n’ai pas ! Ce jouet, en général en bois, nous le retrouvons encore chez les marchands de jouets pour une somme généralement modique. Il peut amuser petits et grands et surtout extraire les plus jeunes de leurs écrans, en leur apportant le plaisir d’un jouet simple et aussi un peu d’habilité et d’adresse.
Je manque sans doute d’imagination certes, mais je sors d’un sommeil profond durant lequel les objets précités m’invitèrent, en me chuchotant à l’oreille d’en faire bon usage pour mon seul et unique plaisir ! Il faut savoir être un peu égoïste, parfois.

De Francis

Merci

J’ai découvert un grimoire dans la bibliothèque de la maison que m’a léguée mon arrière-grand-tante, Sidonie. Ce livre ancien, recouvert d’une couverture en cuir de veau de couleur ocre rouge avec une rosace en filets d’or au centre, mesure 40 cm sur 25 cm et a une tranche dorée. Le papier de bonne qualité a jauni avec le temps, certains feuillets présentent des traces d’usure et des expressions dans une langue inconnue sont présentes.
Cette découverte m’impressionne, je me demande si ma tante avait une arrière-pensée en me léguant cette maison et ce grimoire. En triant la bibliothèque, j’ai trouvé ce paquet entouré de papier de soie. À l’intérieur se trouve un étui contenant ce grimoire intitulé “Secrets du Berry”.
J’ai ressenti une émotion particulière en ouvrant ce livre et en découvrant ses enseignements ésotériques. Prières, rituels, pentagrammes… Tout y est. Cependant, j’ai été interrompu dans mes recherches, car j’ai été pris de peur en pensant à ce que je venais de découvrir.
Après mûre réflexion, j’ai décidé de garder ce trésor et de l’étudier pour découvrir des connaissances et des secrets qui ont été cachés pendant des siècles. Je vais me faire aider par des experts en magie antique pour essayer de traduire le livre. Si j’arrive à comprendre son contenu mystique, je pourrais peut-être aider les autres grâce à ces sorts. Qui sait, peut-être vais-je même découvrir l’existence de trésors cachés dans le monde ?
Je suis impatient de commencer cette aventure incroyable et de découvrir les secrets que renferme ce livre magique. Je remercie ma tante de m’avoir légué cette maison et ce grimoire. Je regrette de l’avoir négligée pendant si longtemps, mais je promets de faire un bon usage de son livre et de perpétuer son héritage.


De Catherine T

LE SECRET

Ma mère Louise et sa petite cousine Vivian sont là pour m’aider et trier ce qui doit être gardé ou pas avant la rénovation du manoir. Vivian est la petite fille de celle qui m’a légué ce bien, situé dans le Perche, dont je me serais bien passé. Mais pas question de refuser car Vivian, qui est pour ma mère comme une sœur, c’est ma deuxième maman, depuis ma naissance. Alors, quand le notaire nous a fait part des dernières volontés de sa grand ma’ Elisabeth, elle a donné son accord plutôt deux fois qu’une.
Louise, ma mère, a d’emblée partagé le choix de sa cousine. Elisabeth avait acheté cet endroit majestueux, entouré d’un magnifique parc avec ses gains de violoniste internationale. Je ne connaissais pas grand-chose de cette femme. Je comptais bien me mettre à la généalogie de cette famille pour comprendre, comme me le demandait mon mari, pourquoi cet édifice me revenait à moi.
Direction le grenier, tout est bien rangé, nous trouvons de multiples souvenirs de différents pays. Nous décidons de donner la plupart de ceux-ci car l’intérêt que nous leur portons est très limité.
Lorsque nous ouvrons les malles de voyage, nous découvrons des instruments de musique, que le temps, heureusement n’a pas abimé. Des partitions s’amoncellent ainsi que divers objets ayant trait à la musique. Il y a également des vêtements de l’arrière- grand tante née en 1860. Magnifiques tenues de grands couturiers faites pour une vie publique, mais pas n’importe laquelle. C’est une splendeur qui s’étale devant nous. Eblouies, nous les descendons dans des lieux moins poussiéreux. Tenues de scène, robes de bal, vêtements pour la pratique de sports de gens aisés. Une merveille de tissu soyeux et nobles.
De retour dans le grenier, Louise, ma mère fait une découverte. A l’intérieur de l’une des malles, cachées sous des crinolines, elle voit un magnifique et long coffret en bois de rose, sur lequel figure une inscription dans une langue étrangère, enlacée par deux colombes dont les contours semblent être ornés de diamants.
Nous emportons ce coffre dans la lumineuse véranda. Il contient des enveloppes jaunies par les ans. Combien d’enveloppes ? Un millier ou plus ? Attachées par des rubans de soie. Un paquet par année. Plus d’une lettre par semaine.
Regards interrogateurs : doit-on ou pas violer cette correspondance ? Nous décidons, sans parler, de délester ce courrier des liens les unissant. Toutes les enveloppes sont adressées à la même femme, l’arrière-grand-tante Elisabeth. L’écriture est un peu maladroite, quoique très belle. Pas de nom au dos. Vingt-deux liens à défaire, contenant plus d’une centaine de lettres. Ma mère tend à Vivian la première des lettres ; ce secret lui revient de droit :
Chère Demoiselle,
Je veux espérer que ce message ne vous paraîtra pas indécent. Depuis ce jour où nos regards se sont rencontrés, je ne cesse de penser à vous. Je vous revois, altière, souriante, détendue pendant que vous ôtiez votre violon de son étui. Vos gestes doux et précis à la fois m’ont charmé. J’ai craint à cet instant de ne pouvoir faire cesser les battements de mon cœur et de ne pouvoir donner le meilleur de moi-même. Et pourtant ce fut le contraire, j’ai joué comme jamais, pour atteindre votre âme. L’avez-vous ressenti ?
Recevez, chère demoiselle, ce message comme un hommage à votre beauté et votre talent.
Signé E G le 1er février 1885
L’émotion nous étreint. Nous décidons de continuer au hasard dans les paquets en prenant soin de garder le beau classement qui a été fait par la tantine. Nous ne pouvons tout lire, c’est énorme. Nous savons implicitement que ce que nous allons découvrir va nous bouleverser. Chaque lettre est une ode à l’amour ; un amour incroyable, magnifique. L’évolution de la relation évolue et au fil des semaines, le ton change. Il est clair que l’expéditeur est d’origine étrangère, son écriture est parfois hésitante. Mais toujours chargée d’un amour fort, inconditionnel.
Celui qui signe E. G. est un musicien de renommée internationale. Mais qui est donc cet E.G. qui a tant aimé Elisabeth ? Qu’il appelle désormais Elsa. Le mystère demeure. Leur relation a débuté, au moins platoniquement, en 1885 ; tantine, célibataire, avait vingt-cinq ans. Et lui ? Pour l’instant, nous l’ignorons. Ce que nous avons compris, c’est qu’il est originaire d’un pays scandinave. En avançant dans notre lecture, nous découvrons qu’ils se retrouvaient dans différents pays lors de concerts. E.G. est marié, il a un enfant. Il respecte sa femme, mais l’amour qu’il porte à la violoniste lui apporte un élan qui le transcende.
« Mon Elsa, ce fut un bonheur de t’entendre jouer pour mon ami Franz. Sais-tu que Piotr souhaite te rencontrer au plus vite. Ton talent est désormais mondial et mes chers amis compositeurs, comme Brahms, Dvorak écrivent pour toi. Mon cœur explose, ma vie se lie à la tienne. Pour toujours. E.G. le 30 janvier 1886 ».
En 1898, il met sur pied un festival de musique norvégienne. ‘Elsa‘ en sera la reine, devant un parterre de royaux.
« Ma Mie, mon Cœur, ma Vie, je t’attends à Oslo ce 10 décembre 1901 pour la remise du premier prix Nobel de la paix à deux de tes compatriotes. Ton corps me manque, ton rire me manque, tout me manque en toi. E.G. le 25 juin 1901 ».
Toutes les lettres sont aussi touchantes, troublantes, émouvantes, parfois très érotiques, mais toujours respectueuses. L’une d’elle attire plus particulièrement notre attention. Nous restons sans voix ! Il parle de Brita « cette étoile qui vient de nous être envoyée en ce 1er juillet par la nature, par notre amour, et qui nous lie à jamais. E.G. 1885 ».
Stupeur ! Brita ? Maman interpelle Vivian (sans e, comme elle dit toujours) :
-Nous avons toujours dit Brigitte en parlant à ta mère ! Regarde ce document, en fait, elle s’appelait Birgitte ; elle est la fille de cet homme !
-Et toi, tu es sa petite fille, voilà pourquoi Vivian sans e, à la scandinave. Tu te rends compte, tu es la descendante d’un musicien très célèbre qui a eu une vie extraordinaire ; tout comme ta grand-mère, dont tu sembles avoir hérité du talent de musicienne.
Quelques feuillets volants accompagnent les paquets de lettres. Ceux-ci sont couverts de l’écriture d’Elisabeth. L’un d’eux nous émeut profondément :
« Mon Amour, ton cœur si pur t’a abandonné en cette année 1907, tu seras toujours près de moi et de notre Birgitte qui est devenue une magnifique jeune femme, grâce à toi mon aimé pour la vie. D’où tu es protège nous. Je t’aime. Ton Elsa ».
Nous décidons de ne plus lire ces courriers. Un tel amour est indescriptible et combien de femmes aimeraient vivre une telle passion, recevoir de telles lettres ? Nous allons replacer cet émouvant trésor dans son écrin où il restera, dans son manoir, pour toujours, comme son amour.

De Magali

Les événements s’étaient enchaînés à une allure folle. Sans même avoir eu le temps de digérer la disparition de mon arrière-grand-tante Gustavie, je me retrouvais héritière de sa maison, contre toute attente.
Clef en mains, je pénétrais quelques jours après dans cette demeure bucolique dans laquelle j’avais passé tant d’heures à écouter les récits de « Tatan ». Je crois que cela barbait considérablement les autres. Moi, pas. Le passé m’intéresse et m’interpelle, il nous ramène à notre présent, et si l’on y prête cas, il peut être d’un grand enseignement et libération intérieure. Patrice, mon compagnon, et moi avions décidé de faire quelques travaux et d’y créer notre petit nid. Lui aussi était tombé sous le charme de cette petite maison. Mais pour cela, il nous fallait procéder à un tri, et cela nous prit des semaines. Parfois, mélancolique, j’ouvrais des tiroirs au hasard, y trouvais tout un tas de choses, souvent inutiles. Il me fallait prendre des décisions, garder, jeter, recycler, donner…
Et, un jour, je tombais sur une trouvaille qui n’avait aucune valeur marchande, mais une énorme sur le plan affectif pour l’incorrigible sentimentale que je suis. Mon compagnon, intrigué, me trouva un après-midi les yeux mouillés, couverte de poussière dans la cave, assise sur une chaise antédiluvienne qui acceptait de me porter, mais par quel miracle. Je lui tendis alors un paquet de lettres, qu’il prit en haussant les sourcils, l’air interrogateur. Il s’assit alors et lut à son tour.
Il s’agissait de la correspondance entre les parents de Gustavie, Mathurine et Julien, entre lesquels le mot ‘amour’ n’était pas qu’un mot, mais un accomplissement à l’œuvre de toute une vie. Elle qui ne m’avait jamais raconté leur rencontre, j’appris là leur histoire au fil de ces missives. Elle avait commencé dans le sang, l’horreur de la Première Guerre, la douleur aussi. Mathurine était infirmière. Julien avait été hospitalisé pour une très grave blessure dont il allait porter les conséquences toute sa vie. En partie défiguré, il allait rejoindre les quelques 15000 Gueules Cassées en France qui porteraient à jamais en eux les conséquences de la Der des Der. Un passage dans une lettre de Julien m’avait particulièrement émue.
« Je ne me souviens de rien. Un trou noir complet, comme celui que je semble avoir sur la figure. Que m’est-il arrivé ? Je souffre comme jamais. J’ai perdu toute dignité. Nu sous les draps, incapable de bouger, de manger, de parler, je suis devenu un objet, inutile, inerte.
Très tôt ce matin-là, je dors et rêve encore. Je revois le champ de bataille, les balles voler partout, les cris, le sang, l’angoisse, la peur, la mort. Pétrifié, je vois arriver un obus énorme non loin de moi. Je m’entends hurler et me réveille d’un trait. Et là, succédant à cette vision d’horreur, persuadé d’être alors en enfer, je me crus au Paradis en l’espace d’une seconde. Quelle félicité, quelle vision enchanteresse… une créature vêtue de blanc se tenait là, me parlait doucement, passant délicatement un linge frais et humide sur mes mains, mes bras, mon torse, et mon cou trempés de sueur. « Un ange », me dis-je, la distinguant par l’unique trou consenti par l’épais bandage… « Dieu m’a accueilli dans son Paradis, je peux mourir en paix. » Sauf que j’étais toujours sur terre, et que cet ange était une toute jeune femme, une infirmière nouvellement arrivée, dont le visage et la voix m’ont ensorcelé ce jour-là. Je sus aussitôt que c’était elle, et personne d’autre. Mais comment, elle, si angélique et jolie, accepterait-elle d’épouser un homme qui n’en était plus un, mais l’ombre d’un être humain, un Quasimodo de carnaval… ? ».
J’avais là, sous les yeux, la naissance de leur histoire d’amour, qui allait durer plus de 55 ans. Resté des années à l’hôpital, changé de service à plusieurs reprises, Julien, à la plume d’or, avait su séduire Mathurine et rester en contact avec elle malgré tous les obstacles. Il disait, non sans humour et autodérision, qu’elle l’avait épousé, non pas pour le meilleur mais pour le pire uniquement, et il lui en avait été reconnaissant jusqu’à son dernier souffle.
Mon compagnon, aussi sensible que moi, termina sa lecture, et je vis l’émotion sur son visage.
– C’est très beau, me dit-il doucement.
– Oui, répondis-je, sur le même ton.
– Pourquoi cela t’émeut autant ?
J’essuyais mes larmes, pris le temps d’une brève réflexion, et répondis :
– Parce qu’aujourd’hui l’amour, ou sa pâle représentation, est dépendant de bien des choses, qu’il peut être éphémère, sujet à conditions, et souvent à conditions matérielles ou intéressées. Faisant contraste à cela, je vois à travers cet échange la naissance d’un véritable amour, qui n’a pas dépendu de considérations esthétiques ou superficielles. Le pauvre Julien a eu une partie du visage arraché par un éclat d’obus. Plus d’une aurait fui, et Mathurine l’a soigné avec dévouement, a respecté sa dignité, jusqu’à s’attacher à lui et l’aimer, malgré tout. Dis-moi s’il existe une preuve d’amour plus flagrante chez un être humain ?
– Difficile, en effet, de trouver une démonstration aussi forte, quoique de nos jours, cela doit se voir aussi, même s’il faut la chercher à la loupe.
Patrice observa un moment de silence, et me demanda :
– Que vas-tu faire de cela ?
– M’imaginer que la destinataire de ces lettres était moi-même, car cela n’existe plus aujourd’hui. Si à l’heure actuelle les réseaux sociaux ont remplacé les lettres écrites à la plume, je pense qu’il y a encore des gens sensibles à cela. Je crois que je vais compiler le tout en un livre, raconter aux gens que l’amour surmonte tout, dépasse tout, même l’horreur, la laideur, la haine. Que tout est possible quand on aime et qu’on est aimé. Montrer aux plus jeunes que j’espère atteindre ce que les anciennes générations ont à nous apprendre…
Mon compagnon sourit alors, et ajouta :
– Je crois que c’est le plus bel hommage que tu puisses faire, à Mathurine et Julien, ainsi qu’à Gustavie, le fruit de leur amour… sans compter le devoir de mémoire. Et avec un message pareil, cela ne pourra qu’avoir de la portée… Je te fais confiance.
Je lui rendis son sourire. Pour moi, je savais que c’était en lui que je pouvais avoir confiance. L’amour commence par là, non ?


De Catherine G

Très chère Taty,

Bien sûr, tu ne recevras pas cette lettre, puisque tu n’es plus, mais je ne peux m’empêcher de m’adresser à toi qui me manques tant.
J’ai été tellement touchée du fait que tu m’aies légué ta maison. Je vais en prendre grand soin et projette de m’y installer. Bien sûr, je vais la mettre à mon goût, mais j’ai envie d’y laisser de belles traces de toi…
Je ne te savais pas si cachottière, dis donc ! En nettoyant à fond la remise, j’ai fait une découverte surprenante. Derrière l’étagère à bocaux, j’ai trouvé ton secret bien dissimulé dans une petite boîte en fer blanc : des lettres d’amour poignantes signées Riccardo. On est bien d’accord que Riccardo ne peut être la traduction italienne de Francis ! Tu sais… Francis, le seul mari que je t’ai connu ? Donc, Riccardo fut un de tes grands amours, si j’en crois mes lectures émouvantes ! Je ne connaîtrai jamais la vraie histoire de votre relation, mais j’aime à imaginer, à travers ses mots, un bel italien séduisant et si épris de toi. Alors, quid du père Francis ? Ça me plaît beaucoup, cette histoire parallèle dans ta vie parce que moi, ton Francis, je ne l’ai jamais apprécié. Du coup, j’ai beaucoup de plaisir à penser que tu as vécu une belle relation avec ce mystérieux inconnu que j’aurai aimé appeler tonton. Et ce petit chat en jade qui accompagnait les lettres, que symbolisait-il entre vous ? Je craque littéralement pour la finesse et la couleur de cette délicate miniature. J’aime surtout le secret éternel dont elle est porteuse. Je n’en aurai jamais la clé, mais j’ai plaisir à l’imaginer au grand jour tout en lui gardant sa part de mystère.
Aussi, ma Taty, je vais faire monter le petit chat en pendentif et le porterai jour après jour, comme témoignage d’une belle histoire d’amour qui fut, sans jamais aboutir… C’est ma manière de valider cet amour perdu et de le faire vivre après toi.
Que cette lettre te soit un baume au cœur et t’assure de mon affection inconditionnelle pour toi qui n’es plus.

De Saxof

LOUISE

Hortense, mon arrière grand tante est décédée la semaine dernière.
Nous avons toujours été proches, et bien plus depuis la mort de maman d’un cancer il y a 8 ans, de mamie, sa seule sœur, il y a longtemps, et de son fils Jean, il y a 5 ans, au cours d’un accident de voiture. Je reste la seule de ce côté familial.
Je me suis occupée de ses funérailles qu’elle avait bien préparées. Son notaire m’a annoncé que je pouvais ou non accepter le legs de sa maison, que je devrais vendre pour payer les impôts. La somme associée au legs ne permettait pas de la garder.
Avant la mise en vente, j’avais quelques semaines pour nettoyer, trier. Elle gardait tant de choses. Comme j’étais curieuse et aimais les brocantes, je me suis empressée de fouiller.
Tant de sacs à jeter, d’autres à donner et quelques caisses à garder. Je ne voulais pas trop m’encombrer.
J’ai découvert des courriers d’amour entre elle et son mari, des pièces qui ont traversé les âges, beaucoup de livres dont certains très intéressants. Le matin du dimanche de la deuxième semaine, j’ai sorti d’un coin de l’armoire du grenier un tube en carton. Je l’ai ouvert avec délicatesse pour sortir une peinture sur toile. Mon coeur s’est emballé puisque je faisais des études d’art.
Est apparue une scène quotidienne rurale, une jeune femme devant son ouvrage de couture et signé L.Delachaux. Un mot était joint « Louise au travail – en remerciement à Joseph, mon ami, pour son aide sincère. 1897 – Léon Emile Delachaux ».
Ce nom ne me disait rien, mais le travail était sublime. Un cadeau à mon arrière-arrière-grand-père. Je me sentais chavirer de plaisir. J’emportais mon trésor dans ma petite maison de ville. Je me jetais sur mes livres d’art et y trouvais quelques tableaux de l’artiste peu connu, mais pas celui de la toile. C’était donc une oeuvre unique !
J’ai aussi trouvé que Louise était la femme de Joseph. Donc mon arrière-arrière-grand-mère. Qu’elle était jolie, Louise !
Le lendemain, mon rouleau bloqué sous mon bras je me suis dirigée vers le commissaire-priseur de ma connaissance qui m’a certifié l’authenticité de cette toile et m’a annoncé son prix astronomique, de base, si je voulais la vendre.
Je décidais de l’embellir par un ami encadreur, en qui j’avais une entière confiance et j’ai installé le tableau dans ma chambre, avec le mot à son ami, bien attaché au dos.
Comme Léon Delachaux avait fait son autoportrait, j’ai pu voir à quoi ressemblait celui qui m’avait rendu si heureuse. A pas de loup, un étranger était entré dans ma vie par la beauté de son travail et m’avait reliée profondément à toute ma famille maternelle.

D’Isabelle

Les Magnans

Le notaire avait lu le testament d’Angèle et toute la famille était restée bouche-bée, quand celui-ci m’avait désignée comme seule héritière du domaine de Sauve. Evidemment c’était déconcertant ! Ma Grand-tante, Angèle, était une personne aussi espiègle que surprenante. Elle n’avait jamais eu peur du scandale et faisait fi de toute morale qui l’aurait freinée dans la poursuite de ses aspirations.
Aussi, la surprise passée, chacun reprenant peu à peu ses esprits, avait fini par acquiescer que cette décision lui ressemblait. Personne n’aurait osé la contrarier de son vivant et il était impensable d’émettre la moindre protestation, trois jours après son enterrement. Chacun devait admettre que c’était sans doute mieux ainsi et c’est avec le sourire que l’on m’a remis les clefs. J’avais du mal à réaliser ce qui venait de se produire, mais je mesurais la charge et l’importance de ce legs. J’étais très liée avec Angèle, mais j’avais du mal à comprendre son geste. J’étais également étonnée de l’insistance du notaire, pour que je me rende au plus vite aux Magnans.
Encore hébétée, je décidais de prendre la route immédiatement, comptant sur la conduite et le paysage pour me nettoyer l’esprit. Car, il faut bien le dire, j’étais abasourdie.
Angèle avait vécu sa vie à contre-courant de son époque. Elle avait cru en ses rêves et avait bravé toutes les difficultés pour les réaliser. Contre l’avis de tous, elle s’était entêtée à développer l’affaire, à moderniser le domaine, à relancer la production malgré la grande épizootie, les délocalisations et la décroissance du marché. Lorsque les employés ont préféré rejoindre l’industrie chimique, Angèle a recruté des ouvriers italiens, japonais et chinois. Tous avaient acquis un savoir-faire artisanal, qui relevait de l’orfèvrerie. Ils avaient des techniques originales et était habitués à maintenir les rendements, malgré les aléas de la production. L’entreprise a prospéré jusqu’à la grande crise économique. Mais Angèle n’a pas été découragée pour autant. Elle a diversifié l’activité, en transformant d’anciens bâtiments techniques en gîtes d’étape. Elle a embauché un cuisinier et elle a organisé des séjours gastronomiques et pédagogiques, avec visites guidées et vente directe. Cela a sauvé l’entreprise pour quelques temps encore. Mais la mondialisation a eu raison de la production locale et Angèle s’est résigné à abandonner la partie fabrication pour ne garder que les gîtes et l’événementiel.
J’étais bien loin de posséder la combattivité d’Angèle et j’avais du mal à me projeter en tant que gérante de gîtes et encore moins en happiness manager de séminaires d’entreprise. Je ne voyais pas comment abandonner mon travail, mes amis, mon appartement et toutes ces choses qui font ma vie à Paris…
Loin de m’apaiser, le trajet n’avait fait qu’amplifier l’appréhension de ce qui m’attendrait à l’arrivée. Aussi, je décidais de m’arrêter chez José, le gardien, avant d’entrer aux Magnans. José habitait un mas au toit de chaume, non loin de la rivière. Il avait vécu plus au sud à St-Gilles et il élevait des chevaux. Il avait la peau tannée des hommes qui ont vécu dans les salins et le regard droit des personnes loyales, ses yeux brillaient comme des éclats de sel. Par sa présence et ses conseils, il avait accompagné chaque étape de mon enfance. C’est lui qui avait enlevé la seconde roulette de mon vélo et qui m’a tenu la main, lors de mes essais en patins à roulettes. Il m’a appris à monter les camarguais sans selle… Il m’a évité toutes sortes de gamelles !
En sortant de la voiture, je l’ai vu assis devant son porche, comme à son habitude. Il ne semblait pas surpris de ma visite et me fit signe de venir m’assoir sur la balancelle de bois. Je n’ai pas eu besoin de lui expliquer quoi que ce soit. Il s’est contenté de dire : -Vas, petite, maintenant, ne tarde pas, il n’y a que toi qui puisse le faire et je serai là. Je sais que tu auras la force, elle n’a jamais rien fait au hasard. Va, maintenant !
Le ton de sa voix était ferme mais rassurant. Depuis la séance chez le notaire, j’avais bien compris que je n’avais pas le choix et José venait enfoncer le clou. Je me décidais à emprunter l’escalier de pierre qui relie le jardin de José au domaine, et je passais la porte.
Contre toute attente, l’angoisse qui m’avait accompagnée durant le voyage se dissipait pour laisser la place à une douce sensation d’insouciance et de joie. Je balayais du regard le jardin et les bâtisses pour scruter d’imperceptibles changements, mais je n’en trouvais aucun. Tout était absolument identique, tellement identique qu’on aurait pu croire qu’Angèle allait sortir sur le patio.
J’allais m’asseoir sur le banc de pierre situé sous le platane pour humer toutes ces odeurs familières avant de faire le tour des bâtiments. Le platane, le banc et le puits occupaient une place centrale dans la cour domaine. C’était la place où l’on aimait se rassembler pour diner, parler, chanter, jouer et rire ! Je repensais à tous ces moments heureux et au bonheur d’Angèle, lorsque la famille et les ouvriers étaient réunis.
Je me dirigeais machinalement vers le puits, comme je l’avais fait mainte fois, je tirais la sonde pour connaître le volume de la nappe. Elle indiquait un niveau plus que correct pour la saison. Cela m’a rassuré de penser que si je n’avais aucune idée en matière de gérance, je pourrais au moins arroser les fleurs ! J’ai actionné la pompe à main, puis la crémaillère car je voulais me rafraîchir le visage et les idées. J’ai trouvé la crémaillère anormalement difficile à manier. Je tournais péniblement la roue, quand enfin j’ai vu le seau pointer. Je l’attrapais des deux mains pour le disposer sur la margelle du puits. Il devait y avoir de l’or dans cette eau pour qu’elle soit si lourde, pensais-je. Je regardais dans le seau mais je ne vis que de l’eau. Intriguée, et quelque peu effrayée, je plongeais les deux mains dans le seau pour examiner le fond. Mes mains entrèrent en contact avec une surface lisse que j’ai reconnue. C’était du verre. Rassurée, je retirais du seau quatre bocaux à conserve. Je compris immédiatement ce qu’il y avait dedans.
Je n’ai pu retenir un sanglot et partagée entre l’honneur d’avoir été l’élue et la peur de faillir, j’étais sur le point de m’évanouir. Mais, José était là, près de moi et me soutenait. Il m’entraîna sur le banc, et me dit : Le coeur d’Angèle s’est arrêté de battre il y a des années, quand elle a arrêté la production, quand les ouvriers ont pris leur retraite, quand les métiers ont été offerts au musée, quand les mûriers ont repris le cycle de foliation naturelle. Elle n’est pas morte samedi, elle est morte il y a bien longtemps. Mais elle nous a quitté sereine, dit-il, parce qu’elle savait que toi, tu réussirais.
Angèle aimait la soie par-dessus tout. C’est cette passion qui lui a donné la force d’entreprendre et qui l’a animée sa vie durant. Elle a su me transmettre cet amour et depuis mon plus jeune âge, je connais les techniques de l’élevage et de la filature. J’étais en train de réaliser, en écoutant José, à quel point, moi-aussi, j’aimais cela ! Bien plus que ma vie parisienne, bien plus que tout… Je regardais avec tendresse le contenu des bocaux. L’un d’eux contenait des magnans qui semblaient vigoureux, deux autres contenaient le nécessaire pour les élever et le quatrième contenait une missive sur laquelle on pouvait lire : Ma chérie, hâte-toi de nourrir ces petits et de les installer. Ils m’ont été envoyés du Japon par Monsieur Tanaka et sont réputés pour résister à tout. José saura te guider, je sais que tu réussiras ! Ta Grand-Tante, Angèle.
J’avais moi aussi, du sang de Manhana dans les veines. Je décidais de rouvrir la magnanerie et de relancer une production de soie, bio et locale.

De Françoise B

Héritage

Tout ce que mon arrière-grand-tante a pu me léguer, je l’ai perdu en une nuit.
J’adorais mon aïeule. Quand je lui rendais visite, j’embrassais ses joues ridées, parfumées à la poudre de riz. C’était une vieille femme raffinée, délicieusement démodée. Son allure me fascinait. Elle cachait ses cheveux blancs sous un turban, portait une cascade de longs colliers sur des robes vagues et sombres en soie sauvage ou en velours lisse. Petite et mince, elle se déplaçait avec vivacité, dans des senteurs de violette.
Elle vivait seule dans une grande maison à étage où elle se cantonnait à un rez-de-chaussée confortable, prolongé par un minuscule jardin foisonnant d’arbustes odorants.
A chacune de mes visites, elle me laissait explorer sa maison. Je me souviens d’un petit salon composé d’un divan, de quatre fauteuils et d’une table de style belle époque. Je me souviens de bronzes élégants. J’entrais dans des chambres obscures avec cheminée et meubles lourds.
J’ouvrais des armoires débordantes de manteaux amples, de robes chatoyantes. Devant des psychés au tain terni, j’essayais des cols de fourrures, de drôles de petits chapeaux à voilette, des sacs à chaine, des fourre-tout matelassés. Des merveilles témoins d’un luxe désuet.
Mes expéditions s’arrêtaient invariablement à la porte du grenier fermée à double tour. Ma parente à qui je demandais la clé se détournait en riant, m’entrainant vers le jardin ou quelque autre endroit, sous un motif futile. De son vivant, je ne pus jamais visiter le grenier.
Puis vint le temps du chagrin, la conscience d’une perte irrémédiable, de moments joyeux convertis à jamais en souvenirs.
Le notaire me plongea dans la réalité dure et froide du droit des successions. Mon arrière- grand-tante me léguait sa maison. Sidérée, je ne savais que penser, que faire. Louer ? Vendre? Y habiter ? Y habiter bien sûr !
Je me décidai à consulter ma banque, puis à m’engager pour deux décennies de prélèvements mensuels intransigeants, contre l’assurance de pouvoir disposer d’un budget à peine suffisant pour une restauration à minima.
Un expert autoritaire m’imposa la réfection du toit, à réaliser sans délai, pour parer le risque évident d’une catastrophe climatique imminente. Ces travaux allaient engloutir la quasi-totalité de mes nouvelles liquidités bancaires, m’obligeant à vivre, comme mon aïeule, au seul rez-de-chaussée de cette immense demeure. Peut-être cette idée me séduit-elle ? Je signai sur-le-champ.
Le démarrage des travaux exigeait un préambule : vider le grenier. Munie de la clé, émue par le souvenir des refus diplomatiques de ma parente, je pénétrai enfin dans les combles, comme une enfant en quête d’aventure.
Je fus un peu déçue. Dans le clair-obscur d’un œil de bœuf embué de poussière, je ne vis qu’amoncellement de vieux cartons, de chaises cassées, de malles en osier éventrées, de cadres brisés. Tout un bric-à-brac recouvert de toiles d’araignée. La pénombre empêchait une exploration minutieuse. Aucune possibilité d’éclairage ne s’offrait à moi, l’électricité n’avait jamais été installée ici.
Quelques jours plus tard, je revins sur les lieux avec une lampe tempête. Je marchai avec précaution dans un entrelacs d’objets hétéroclites difficilement identifiables. Je parvins enfin devant une coiffeuse ancienne dressée sur quatre pieds délicatement ouvragés. Malgré la poussière, la finesse du meuble me ravit. La tablette de marbre supportait un miroir ovale entouré de minuscules sculptures florales. Divers flacons et objets de toilette s’étalaient devant la glace. Nul doute, il ne pouvait s’agir que de cristal, d’ébène et d’ivoire.
Emerveillée je m’approchai et vis, parmi tout ce désordre sophistiqué, un coffret recouvert de cuir vieilli. Intriguée, je me saisis de l’écrin et l’ouvris.
Je distinguai, nichées dans un capiton de velours cramoisi, une dizaine de fioles pleines d’un liquide noirâtre. Sur chaque flacon, une étiquette mitée portait un nom : ambre, musc, santal, patchouli, ylang-ylang, tiaré, myrrhe… et d’autres que je ne connaissais pas. Je compris que j’avais devant moi une série de composants pour parfum, rares et précieux.
Intriguée, j’ouvris la première des petites bouteilles, je la portai à mon nez. L’odeur me surprit. Musquée, elle me transporta dans des sous-bois mystérieux et ensorcelés.
Puis, je débouchai une seconde fiole qui, par ses notes ambrées, me plongea dans un monde oriental et sensuel. Je continuai, humant des fragrances plus suaves encore.
Je fus, très vite, complètement envoutée. La chaleur opulente, dégagée par ces notes olfactives, m’enveloppait comme des bras trop affectueux. Je compris que j’étais ivre et voulus me dégager de l’emprise de ces extraits capiteux. Je me reculai vivement. Je tentai de fuir. Sous mes pas désordonnés, la lampe tempête projetait, sur les murs lépreux de la soupente, des ombres fantasmagoriques. Tout se brouilla. Je lâchai la lanterne qui répandit son liquide enflammé sur de vieilles étoffes abandonnées. Le feu se propagea subitement.
Dans le brouillard de fumée qui maintenant envahissait tout l’espace, je tentai de regagner la porte du grenier. Asphyxiée, je trébuchai et tombai sur le seuil. Ma dernière vision fut celle d’un brasier dévorant tout. Je perdis connaissance.
Je me réveillai sur un lit d’hôpital, soignée pour brûlures sur tout le corps. Par chance, les pompiers appelés par le voisinage m’avaient sortie in extrémis. On m’apprit que la charpente dévorée par le feu avait, en s’écroulant, entraîné la chute du toit. Tous les étages ainsi que le rez-de-chaussée avaient brûlé. Il ne restait de la maison qu’une ruine carbonisée.
Je repensais à l’interdiction faite par mon aïeule de pénétrer dans le grenier. Etait-ce pour m’éviter de trouver le précieux coffret aux parfums ? Je ne pouvais m’empêcher, sans frissonner, d’attribuer à ce trésor un pouvoir maléfique. Son emprise m’avait conduite à ce désastre.
Quand je fus autorisée à sortir, on m’expliqua que l’édifice était voué à la destruction. Je signai chez le notaire l’acte de vente du terrain. Je réglai mes comptes avec la banque et quittai la région.

De Marie-Josée

Chinoiseries

J’étais assise sur une caisse en attendant l’arrivée de Gilles qui devait rénover et rendre opérationnelle la cheminée ouverte qui m’avait séduite d’emblée. Ma joie d’avoir hérité d’une vieille maison de l’arrière-grand-tante Sophie, dont j’ignorais l’existence jusqu’au jour où j’ai reçu une lettre d’un notaire, s’était un peu émoussée lors de la première visite. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle était vieille, très vieille même. Tante Sophie l’avait elle-même héritée et n’y avait jamais habité. Le lierre et les ronces avaient envahi ce qui devait être un jardin autrefois et l’ensemble n’était pas très engageant, en tout cas loin de la maison que j’avais imaginée.
Elle était constituée de deux pièces au rez-de-chaussée, de deux chambres à l’étage, d’une cave, d’un grenier et d’une dépendance. C’était un capharnaüm. Un ramassis de bric et de broc s’entassait pêle-mêle. Des draps recouvraient des meubles disparates que les générations précédentes semblaient avoir abandonnés là et qui provoquaient des salves d’éternuements dès qu’on les soulevait. J’avais l’impression de me trouver dans un de ces hangars de dépôt-vente où j’allais flâner de temps en temps. Devant l’ampleur de la tâche pour la rendre habitable, une petite voix me susurrait :
-Laisse tomber, plus vite tu t’en débarrasseras, mieux ce sera.
Je ne l’ai pas écoutée, j’ai retroussé mes manches et j’ai passé le plus clair de mon temps à gratter, poncer, peindre et cirer. Elle commençait à avoir de la gueule. Au fil des jours, je m’y étais attachée et je n’envisageais plus un seul instant de la vendre.
J’étais en train de déguster un café, quand une odeur de fumée ou de tabac froid me chatouillait les narines, pourtant il n’y avait pas la moindre trace d’un feu. J’ouvris la fenêtre mais elle persistait. Elle semblait se propager à partir de la cheminée. La suie qui recouvrait les pierres était tenace, j’ai donc attribué ce phénomène à l’humidité de cette journée d’automne.
A l’arrivée de Gilles, nous nous sommes immédiatement attelés à la tâche et une fois les vieilles pierres enlevées, nous avons découvert une trappe. Après quelques efforts, nous avons réussi à l’ouvrir et l’avons vidée de son contenu. Soigneusement emballés dans des chiffons : des vases, des statuettes, de la vaisselle, des estampes qui semblaient provenir de Chine ou du Japon se dévoilaient sous nos yeux ébahis. Comment s’étaient-ils trouvés là et qui avait bien pu les y mettre ? Si leur ancien propriétaire s’était donné tellement de mal pour les cacher, ils avaient sûrement de la valeur à son époque mais était-ce encore le cas aujourd’hui ?
Je n’y connaissais rien en « chinoiseries » et le meilleur moyen de savoir était de les faire expertiser. Certaines avait de la valeur, d’autres pas, mais au fond cela n’était pas vraiment important. Chaque objet était une invitation au voyage. Les vases avaient peut-être décoré des palais. Les statuettes provenaient peut-être d’un temple ou d’un monastère, des mandarins avaient peut-être dégusté du thé dans les tasses en porcelaine.
J’ai partagé le trésor avec Gilles qui était littéralement tombé amoureux d’une figurine d’une geisha. Quant à moi, j’ai gardé la vaisselle et les autres objets ont trouvé une place dans la maison transformée en gîte et baptisé « Les Flibustiers ». Théophile, un cousin éloigné de tante Sophie était celui qui avait caché le trésor. Capitaine ou pirate, peut-être les deux, il avait navigué sur une grande partie des mers du monde comme en attestaient les nombreuses cartes maritimes soigneusement rangées dans un coffre.
Six mois plus tard, le premier feu réchauffait la vieille bâtisse devenue un endroit chaleureux qui faisait le plein en toutes saisons. Les vacanciers ne tarissaient pas d’éloges même si certains ont signalé des phénomènes étranges comme des courants d’air, des bruits et des odeurs bizarres. L’un d’eux a même cru voir l’ombre d’un marin, sabre à la main, se dessiner sur le manteau de la cheminée une nuit de pleine lune.

De Zouhair

La maison était en ruine. C’était un vieux corps de ferme abandonné depuis quarante-cinq ans. Personne n’était jamais venu vérifier l’état des lieux. Pourtant, plusieurs neveux de la grande tante Agathe avaient hérité de ce bien. Ils étaient tous trop occupés avec leur travail dans les grandes villes du pays. Tony aussi travaillait dans une grande ville, mais lui, chaque fois qu’il le pouvait, s’accordait des escapades à la campagne avec son amie.
L’envie d’aller visiter cette vieille ferme abandonnée lui effleurait souvent l’esprit mais il ne se décidait pas. Il faut reconnaître que les cent soixante-dix kilomètres qu’il lui fallait parcourir pour y arriver le décourageaient d’avance.
Tante Agathe était une excentrique. Elle avait fui la ville au milieu du siècle dernier pour s’isoler dans cette ferme où elle vivait du lait de ses chèvres, des œufs de ses poules et des légumes à profusion qu’elle faisait pousser dans son jardin.
Tony aimait bien cette tante qui avait su affirmer ses besoins et ses désirs dans une famille très « bien comme il faut » où il ne fallait pas sortir des voies toutes tracées.
Lorsque, enfant, il lui rendait visite avec ses parents, elle le prenait sur ses genoux et lui disait :
-Alors, raconte-moi, qu’est-ce que tu as fait comme bêtise cette semaine ?
Et de rigoler lorsque Tony lui confiait qu’il piquait dans la boîte où ses parents planquaient les sous pour aller s’acheter des bonbons.
Elle l’emmenait ensuite dire bonjour à ses biquettes adorées et à sa « polaille », comme elle disait. Lorsque la nuit commençait à tomber, ils rentraient et Tony se régalait de cette tarte aux framboises cueillies dans son jardin. Il se rappelait en particulier la pâte sablée grossière qui s’effritait lorsqu’il mordait dedans et que le jus de framboise coulait sur son pull.
Mais, ce que Tony appréciait le plus, c’étaient ces longues séances de dessin et de peinture à la gouache que lui offrait la grande tante. C’est ce qui l’avait conduit, adolescent, à s’inscrire à l’école des beaux-arts de son quartier. Une fois chez lui, il reprenait les modèles ébauchés à l’école et passait de longs moments à peindre. Cela lui apportait une paix immense. Malheureusement, une fois adulte, Tony délaissa cet art pour lequel il avait de bonnes dispositions.
En ce long week-end de Pâques, Tony et Mireille s’étaient enfin décidés à retourner visiter cette ferme. Ils se sont dit que même s’ils ne pouvaient pas dormir à l’intérieur de la maison, ils pourraient toujours planter leur tente dans le jardin. Tony se rappelait qu’au printemps, une merveilleuse prairie se peignait de fleurs de toutes les couleurs.
La clé de la maison, une grosse clé noire toute rouillée, était rangée chez les parents de Tony, dans un tiroir de commode et n’importe quel neveu ou petit neveu pouvait venir la prendre quand il voulait. Lorsque Tony mit la clé dans la serrure, son dos fut parcouru par un frisson.
Quels fantômes allait-il retrouver dans cette vieille bâtisse ? Quels souvenirs lui reviendraient ?
Dès le couloir d’entrée, une odeur de moisi et de salpêtre les saisit. Les toiles d’araignées, immenses, formaient des voiles jusqu’au sol et des araignées géantes, dérangées dans leur longue tranquillité, se déplaçaient, faisant onduler les haillons grisâtres.
Ils s’avancèrent jusqu’au centre de la maison où se trouvait le séjour. La cheminée avait été obstruée pour éviter les écoulements d’eau ou l’entrée d’animaux. La table, encore recouverte de la toile cirée jaune ornée de fleurs, était telle que Tony l’avait connue enfant. Les draps blancs qui protégeaient le canapé et les fauteuils étaient devenus gris et, mangés par les mites, se sont piqués de petits trous plus ou moins larges.
L’atmosphère était pesante. Tony se sentait transporté cinquante ans en arrière mais sans cette joie de vivre et ce soleil resplendissant qui entrait par les fenêtres lorsque la grande tante les recevait.
Il entreprit avec Mireille d’aller visiter les chambres. Rien n’avait changé, sauf, peut-être le papier peint aux motifs géométriques très en vogue dans les années soixante qui se déchirait en raison de l’humidité et tombait en lambeaux. Enfin, ils se rendirent au grenier auquel on accédait par une étroite échelle de meunier. Les marches en bois craquaient et gémissaient à chacun de leurs pas. Une fois arrivés sur le palier, Tony se rappela que tante Agathe cachait la clé de la porte du grenier dans une petite trappe au sol qui ne s’ouvrait que si l’on appuyait à un endroit précis de la planche. Tony se souvenait bien de cet emplacement et c’est rempli d’émotion qu’il s’accroupit pour se saisir du sésame.
Il s’attendait, comme Mireille d’ailleurs, à trouver tout un bric à brac d’objets hétéroclites, comme on en trouve classiquement dans les greniers. Au lieu de cela, c’est une vraie galerie de peinture qui s’offrit à leurs yeux ! Il y avait là des natures mortes, des paysages champêtres, des peintures d’animaux de ferme et des portraits. Certains étaient peints à l’huile, d’autres à l’acrylique et enfin quelques-uns étaient des aquarelles.
Tony ne se serait jamais douté que tante Agathe était peintre. Certes, elle lui avait appris quelques rudiments de dessin quand il était petit et dont il s’était beaucoup servi, mais de là à ce qu’elle soit une peintre confirmée, il en restait tout ébaubi. C’était un véritable trésor dont personne dans la famille ne soupçonnait l’existence !
Qu’allait-on en faire maintenant ? Pour sûr, cela vaudrait de l’argent ! Mais si l’on voulait respecter la mémoire de tante Agathe qui méprisait la matérialité, il ne fallait sûrement pas les vendre. Cela justifiait largement un conseil de famille. Celui-ci fut tenu rapidement et à son issue, on décida d’offrir ces œuvres au musée paysan de la grosse bourgade du département.
Suite à cela et pour rester fidèle à l’esprit de tante Agathe, Tony se remit à la peinture et réussit des œuvres magnifiques, se vendant aujourd’hui à prix d’or.
Ils décidèrent aussi, avec Mireille, de rénover la vieille maison et d’y habiter.

D’Elie (proposition d’écriture N° 162)

Paulette à l’atelier de son art

Je n’aurais jamais cru que dans la famille de Paulette, l‘intelligence des arts est devenue un acquis pour la plupart des hommes et femmes. Est-ce donc un héritage qui se transmet de père en fils ? J’ai eu un exemple palpable de l’une des filles de la famille. C’est Paulette, issue de la lignée des Hountondji d’Abomey, dans la cité royale. La jeune fille Paulette possède en elle la rigueur et les soins méticuleux qui dénotent quelques-unes des caractéristiques du génie de l’art.
Par une des occasions qui me sont offertes, j’ai eu le privilège de me rendre dans l’atelier des arts de Paulette. Le bonheur m’est échu de constater qu’elle possède un calendrier élaboré, à longueur des périodes sur lesquelles sont étalées les activités créatives de son choix pour l’année.
Paulette avait l’habitude de rechercher une atmosphère qui lui permettrait de demeurer constamment sous l’onction de la créativité. Ces moments, une fois retrouvés, la plongent dans les flots d’idées et les images qui coulent par les bouts de ses pinceaux quand elle est en activité. Le moment pathétique s’est annoncé pour accoucher les prémices de la créativité de son art.
A présent, Paulette va poster un tableau d’art, préalablement apprêté, sur un support de quatre-vingts degrés. C’est sur cette machine qu’un bilboquet a imposé l’équilibre à la feuille d’or qui devrait permettre aux hommes et aux femmes, de tous les horizons, de savourer le génie de l’art de Paulette.
Pour commencer, elle se rassure que les dispositifs de toutes les couleurs de peinture pour engager la manœuvre de sa créativité, sont apprêtés. Dès ce moment, Paulette s’engagea avec la main de maître et saisit l’un des pinceaux de la caisse à outils. Ainsi, après avoir capturé les images qu’elle désirait étaler sur sa toile, Paulette essayait de donner forme et sens aux messages que véhicule la rose chocolat qui s’impose à l’attention de quiconque côtoie les habitations de l’artiste.
Elle a reproduit sur le tableau de deux mètres carrés une rose chocolat par le génie de l’art qui a secrété de ses idées, les plus belles images et les plus parlantes à la conscience humaine. Devant le superbe dessin, je suis frappé d’admiration et comblé d’inspiration. De cette rencontre avec la jeune fille, Paulette, la pensée d’identifier le dépôt qui est le mien est devenue la priorité de ma vie. Identifier le talent de Dieu en soi, c’est l’idéal mais le cultiver pour soi et les voisins est le pas qui conduit vers le véritable humanisme recherché

De Khadija

Du haut des collines de Jura face à la beauté du Mont Blanc, j’apercevais les toitures d’un grand chalet vieilli par le temps et les intempéries. Il s’agissait auparavant d’une grande bâtisse tout en pierres. Il faut dire que mes grands parents et mes aïeux ont toujours été très émerveillés par ces lieux…Il s’agissait du plus unique, du plus ancien et du plus mystérieux chalet du coin. Il paraît même qu’il avait appartenu à une dynastie de noblesse au 18ème siècle !
Mes grands parents, ayant vécu des années de guerres et de pénuries de toutes sortes, ils ont gardé cet esprit de solidarité avec tous ceux qui leur réclamaient un peu d’écoute ou d’aide. Leur maison était source de bonheur pour tous les indigents qui passaient par leur village, et ne se lassaient jamais de parler aux gens des actes et de ces étranges sons, qui se produisaient dans ce chalet pendant la saison hivernale et surtout les veillées de Noël. Ils entendaient des sons magiques et mystérieux, qui résonnaient partout dans le vieux chalet… produisant ainsi un sentiment de légèreté et de joie dans le cœur de ces derniers.
Ces sons énigmatiques avaient la capacité d’embellir les lieux et les esprits… Ils avaient la capacité d’endormir les chiens de garde… les bébés dans leurs berceaux … les vergers et surtout les pommiers qui entouraient le chalet dont les pommes étaient parmi les plus belles et les plus croquantes de tout le canton !
Des années plus tard, ces derniers s’éteignirent sans jamais avoir compris ni voulu résoudre l’origine de ces vibrations étranges !!
À présent, il fallait absolument tout renouveler. Mais avant tout, il fallait vider et dépoussiérer le grenier qui se trouvait au sous sol.
Avec l’aide de nos amis, on commença le titanesque travail ! On déballa de grands coffres qui représentaient le trousseau de la mariée… d’anciens grands meubles …des coffrets de cadeaux … des beaux tableaux …dont ma grand-mère n’avait jamais voulu se séparer… on n’y trouvait aussi de grosses cuvettes en métal… toute sorte de vieille vaisselle en cuivre … d’autres instruments de musique comme des harpes, des lyres !
Et parmi ces coffrets, il y en avait un qui était en bois vernis ; et quoique couvert d’une épaisse couche de poussière, il était particulièrement bien préservé.
Que ne fut pas notre surprise lorsque on aperçut un violon ! Nos cœurs palpitaient de joie, et d’émotion ! On le fit sortir de son étui, l’instrument reprit vie ! Et vibrait presque sous nos doigts !
Il était dans un état exceptionnel ! Il avait gardé son montage d’origine ! Et pour en savoir plus et connaître la signature de cet instrument, nous fîmes appel à un expert.
Le lendemain, toute la maison était excitée; on n’osait pas se l’avouer, mais quelque chose d’exceptionnel allait se produire ! Le lendemain, un petit homme chauve d’une soixantaine d’années se présenta à la maison. Il s’agissait de l’expert Mr Bernard de la vieillerie. L’expert nous dévisagea tout en examinant l’outil et lança d’un air gentiment moqueur :

-Il ne faut pas croire au père Noël ! De nos jours, il n’existe pratiquement plus d’instrument rare, mais comme convenu, je vais quand-même jeter un coup d’œil !

D’un air méfiant, le petit bonhomme scruta l’instrument, réajusta ses petites lunettes, tourna l’instrument de tous les côtés, brandit une grosse loupe pour mieux examiner l’outil. On s’était tous rassemblés autour de ce monsieur, nos yeux suspendus à ses lèvres, on attendait le fameux verdict ! A vrai dire, dès le début, nous avions senti en cet instrument quelque chose d’inhabituel … son odeur, on aurait dit celle du genévrier … son bois… sa forme…l’écho de ses vibrations… ses cordes !
Tout d’un coup, les yeux de l’expert brillaient, et s’embuèrent doucement de larmes, des larmes de gratitude… la gratitude de pouvoir encore vivre des moments merveilleux et inédits ! Il balbutia quelques mot à peine audibles, retint son souffle.

-Mon Dieu est ce possible !!

La bouche sèche, le petit bonhomme avala sa salive. Agité, il s’assit sur une chaise, se releva et vociféra d’un coup :
-Un Stradivarius !!! ???
Émerveillés, une grande émotion illumina nos visages. Notre sang ne fit qu’un tour lorsqu’il nous annonça encore une fois, mais cette fois ci d’un ton à peine audible que c’était réellement un Stradivarius !
Un instrument d’une extrême rareté ! C’était pour nous la découverte du Saint Graal !

Ce mois de mai est bien capricieux: il alterne entre soleil généreux, pluie et averses, orages et fraîcheur. On ne sait pas à quel saint se vouer quand on se promène! 

Un long weekdn -encore!- se profile à l’horizon.

Je vous rappelle qu’il n’y a pas d’atelier d’écriture la semaine prochaine. En effet, nous allons célébrer les 90 ans de ma belle-mère en famille. 

Et c’est précisément samedi. Il nous faut quelques heures pour nous rendre sur place et quand je pars, je n’emporte jamais mon ordinateur portable. J’en profite pour me déconnecter et visiter le coin et randonner.

Je vous souhaite un merveilleux weekend et vous donne dans 2 semaines pour lire vos textes avec une envie toujours aussi forte.

Portez-vous bien et prenez soin de vous!

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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