J’en ai lu des personnes toxiques pour la proposition d’écriture N° 172. On en a toutes et tous dans notre entourage. J’ai l’impression que ces personnes prolifèrent à la vitesse des insectes.

Vous me pardonnerez cette expression, mais ayant souffert moi-même de plusieurs personnes toxiques, je sais de quoi je parle. 

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Sandra (proposition d’écriture N° 171)

AH! LA FAMEUSE RENTRÉE

Je déjeune me brosse les dents
M’habille, un jean et un t-shirt
Je suis très nerveuse
Alors pas de chi chi

Hou-là là, 8 heures déjà
Je prends mon sac à dos et mon lunch
Voilà, le bus scolaire en avant de chez-moi
Je viens, j’arrive, me voici

Tout effrayée
Après quelques kilomètres, on est arrivés à l’école
Je débarque du bus
Petite dans mes culottes

L’insécurité me traverse le corps
Les enseignants sont là pour accueillir et te diriger
Pleins de beaux graffitis colorés longent le corridor

La bibliothèque est au bout du corridor
On sent l’odeur des livres
Les tableaux sont garnis de messages

Tout être humain mérite la réussite
L’apprentissage ne s’arrête pas là
C’est dans la vie de tous les jours

De Fabrice

Frank était cette putain de toxine qui avait réussi à s’infiltrer dans ma vie depuis bien trop longtemps. Un mec qui puait l’ennui, l’alcool et la misère. Il était là, tel un parasite, se nourrissant de mon énergie vitale comme un vampire émotionnel.
Ça a commencé avec quelques verres, comme ça commence toujours. Une bière après le boulot, puis deux, puis trois, jusqu’à ce que nos soirées ne soient qu’un brouillard éthylique. Il aimait jouer au grand philosophe, parler de tout et de rien, mais surtout de rien qui avait le moindre sens. Ses discours étaient aussi vides que ses yeux, noyés dans l’alcool.
Il savait comment me faire douter de moi-même, comment me pousser dans mes retranchements, me faire sentir comme un déchet humain.
Et puis il y avait les putains de coups bas, les commentaires sarcastiques qui sortaient de sa gueule comme des flèches empoisonnées. Il avait cette façon bien à lui de vous larder avec des mots tranchants comme des lames de rasoir. Pas de pitié, pas de remords, juste cette saloperie de cruauté qui jaillissait de lui comme une fontaine de merde. Les critiques constantes, c’était son sport préféré. Il pouvait trouver la faille dans n’importe quoi, dans chaque petite parcelle de mon existence. Le boulot, mon apparence, mes relations, tout y passait. Il me réduisait en miettes, jusqu’à ce que je ne sois plus qu’un foutu puzzle incomplet.
Il savait me faire douter de moi-même, me faire questionner chaque décision, chaque choix de vie. Il me martelait le crâne avec ses doutes, ses insécurités, et je me retrouvais à errer dans le brouillard de mes propres pensées, incapable de trouver un sens à tout ça. Il se nourrissait de ma misère, comme un vautour se régale d’une carcasse pourrie au bord de la route. Plus j’étais bas, plus il jouissait. Plus je souffrais, plus il se sentait puissant. C’était un connard toxique de la pire espèce, et j’avais été assez conne pour le laisser faire pendant bien trop longtemps.
Pendant des années, j’ai toléré ce mec. Parce qu’on avait partagé de bons moments autrefois, parce que je pensais que je pouvais le sauver, parce que je croyais en cette intimité qui s’était transformée en chaîne. J’étais devenue son punching-ball.
Mais un jour, j’ai atteint ma limite. J’ai eu ce déclic. J’ai réalisé que la vie était trop courte pour laisser un connard comme Frank la ruiner, que je méritais mieux que cette descente aux enfers. J’ai compris que j’avais le droit d’être heureuse, que je ne devais pas laisser ce salopard me détruire.
J’ai fixé ses yeux embués d’alcool, j’ai regardé droit dans cette gueule de con qui avait réussi à me pourrir pendant si longtemps, et je lui ai craché la vérité en pleine tronche. “T’es qu’un putain de poids mort, Frank. Un fardeau que je ne peux plus supporter. Je mérite mieux que ça, putain, bien mieux.”
Alors je l’ai viré de ma vie, comme on jette un sac poubelle plein de merde. Tout mon être a crié “assez !” en même temps. Je ne tolérais plus sa présence dans ma vie. Je méritais mieux que ça. Il a hurlé, il a pleuré, il a juré, il a proféré des menaces, il a essayé de me faire culpabiliser, de me faire douter de ma décision. Mais je m’en foutais. Je l’ai saisi par le col de sa chemise et je l’ai foutu à la porte de ma vie avec une force que je ne me connaissais pas. Je l’ai foutu à la porte, et j’ai verrouillé cette porte à double tour. J’ai laissé ses appels et ses messages pourrir dans le néant. J’étais enfin libre et je n’allais plus laisser ce connard me traîner dans sa chute infernale.

De Louisiane

La fête des voisins

J’habite un immeuble tranquille qui abrite douze locataires depuis 21 ans. Nous avons emménagé tous ensemble le même jour dans ce petit immeuble flambant neuf, nous cognant joyeusement dans l’escalier ou attendant patiemment l’ascenseur.
21 ans plus tard, nous nous connaissons tous ; pas intimement, mais le fil du temps nous a permis de découvrir nos affinités. Un double de mes clés est en sécurité chez ma voisine du 4ème, Elisabeth B., en qui j’ai toute confiance, les siennes, de même, chez moi. Nous sortons ensemble le dimanche tôt à la découverte de Paris, elle à la recherche de photos insolites, moi pour noter des scènes dont je me sers pour nourrir les nouvelles que j’écris.
J’habite au 3ème ; mon voisin mitoyen M. Herry, est un mystère. Personne ne sait ce qu’il fait de sa vie. Il ne reçoit personne, ni homme, ni femme, ni enfant, part tôt le matin, rentre tard le soir. Nous ne le rencontrons jamais au Monoprix, pas plus qu’au marché. Du 1er au 4ème, nous nous rendons des services ; garde de chats, arrosage de plantes, échange de clés lors d’un passage d’un technicien. Chez nous, la fête des voisins est impromptue et ne se passe pas qu’une fois par an. Bref, nous sommes heureux de notre sort dans cet immeuble.
Depuis un an, le locataire du dessus de chez moi, Alain S., employé de banque, avec qui je partageais de bons rapports, a déménagé. Il a été remplacé par Candice R., infirmière de son état. Candice R. me pourrit la vie depuis le jour de son installation qui s’est faite au son d’une musique black métal, sa porte grande ouverte. Nous en avons tous profité ; étant tolérante, nous ne lui avons rien dit. Compte tenu de sa profession qui lui impose un horaire spécial, j’accepte sa musique punk électro, hardcore ou black métal, jusqu’à 11h du soir, mais pas à 4 heures du matin, heure de son lever. J’accepte ses talons enfilés dès son réveil dans la journée, mais ce martèlement la nuit, non. J’accepte que sa chatte Grosminette vienne miauler sur mon paillasson tandis que ma chienne Polka jappe et aboie pour jouer avec elle. Oui, ma chienne aime les chats. Mais pas tous les jours ni la nuit. Je vous épargne les bolosses tatoués, biturés, de passage, qui cognent de leur poing à sa porte, puis ahanent avec elle quel que soit l’heure du jour ou de la nuit. Je retrouve mes petits mots d’exaspération polie déposés dans sa boîte à lettres, chiffonnés dans la poubelle du hall d’entrée.
Lors d’une fête organisée chez Agnès L. au 2ème, je lui en ai touché deux mots. Chez Agnès L. règne Benito, un vieux chat gris-bleu qui roule des mécaniques ; pas méchant pour un sou, juste très indépendant. Avec un grand sourire et Grosminette sous le bras se débattant pour retrouver Benito, Candice me prie de l’excuser, et m’assure que cela ne se reproduira plus. Le soir-même, aussitôt remontée, talons, sono trash métal à fond, un macho hurlant en rythme avec Candice me cueillent chez moi. C’en était trop ! Je suis montée ulcérée enfonçant un index vengeur dans sa sonnette jusqu’à ce qu’elle ouvre. Elisabeth a même ouvert sa porte, curieuse d’entendre cette longue sonnerie. Candice, cheveux en bataille, une chemise d’homme à peine fermée sur le dos, sa canette de bière à la main, a ouvert grand sa porte d’où s’est échappée une forte odeur de shit, l’a refermée aussitôt me criant « Va te faire foutre ! ». J’en ai été estourbie.
« Comment faire face à ce sentiment d’impuissance et d’irrespect ? » dis-je à ma chienne Polka. J’ai bien vu qu’elle n’avait pas plus d’idée que moi ; j’ai décidé qu’à partir de cette minute-là, j’allais aussi lui pourrir la vie et mettre définitivement fin à sa toxicité.
Je me suis mise à l’afficher, scotchant des remarques blessantes dans l’ascenseur, dans le hall, près des boîtes à lettres. Un week-end Métal hurlant s’est entendu en boucle depuis le 4ème jusqu’au rez-de-chaussée durant 48h. Grosminette se baladait dans l’escalier, miaulant à chaque porte, quémandant à manger. Elle était partie oubliant d’éteindre sa sono ! Le clac-clac de ses talons me narguait de plus belle. Une succession de gros bras tatoués cognait à sa porte bramant « Candice ouvre ! ». Une pulsion de testostérone m’est montée au cerveau. Comment pouvait-elle exercer son métier d’infirmière dans cet état ?
La Fête des Voisins, décrétée officiellement, aurait lieu dans quelques jours. J’ai affiché dans le hall une invitation pour tous, qui se passerait chez moi. J’ai proposé à Candice de faire la paix, qu’elle a acceptée se riant de moi. J’ai attrapé Grosminette, lui ai collé un coton imbibé d’éther sous le nez, et en fit 12 brochettes parfumées de thym et de romarin. ! Je tenais ma vengeance, un plat qui se mange froid !
Candice en a mangé cinq ou six, sans s’occuper des autres, et m’a demandé la recette. Elle pouvait toujours attendre ! « Tu sais, la tradition des bonnes recettes de cuisine ne se passent que de mère en fille !! ».
Deux ou trois jours plus tard, Elisabeth me dit que Candice était mutée en province et cherchait partout sa chatte.

De Nicole D

Une proie idéale

Il l’appelait plusieurs fois par jour, tôt le matin et jusque tard dans la nuit. Durant deux, trois, jusqu’à six heures cumulées dans une journée…. Elle a commencé à attendre avec impatience ces moments partagés, 18 mois durant lesquels les sentiments amoureux se sont installés…. Elle pensait que c’était réciproque, c’était lui qui l’appelait, elle n’aurait pas osé être à l’initiative, trop timide, trop complexée, plus âgée….
Depuis de longs mois, ils entretiennent une relation téléphonique, très agréable, la découverte l’un de l’autre, forcément positive en tous sens, la découverte des activités de l’un et de l’autre. Rien que du bon. Tout à coup, à sa grande surprise, il a orienté l’échange, toujours téléphonique vers une relation intime, après quelques secondes d’hésitation, elle a accepté.
Il lui courait après sur le parking, préférant délaisser ses confrères qui l’attendaient pour dîner, il venait tout contre elle en public, elle l’a compris plus tard, pour marquer « sa propriété ».
Elle est prise au piège, il a ferré sa proie, elle est amoureuse.
Pourtant, ces petits signes qui l’alertaient sur sa misogynie « les femmes vous êtes … », ses déclarations sur la peine de mort, des idées non partagées, des reproches sur sa personnalité à elle, alors que tout était parfait jusque-là…, mais elle n’a pas voulu s’y arrêter, cela ne l’arrangeait pas !
Elle doit partir pendant trois semaines.
Elle lui propose son appartement durant son absence, « pour éviter de faire des kilomètres », pour lui rendre service, mais il faut bien l’avouer, pour avoir un lien.
Il est donc venu chez elle, content de disposer d’un appartement confortable, spacieux à proximité de ses activités, disposer de sa voiture, plus commode à utiliser que son fourgon toujours chargé de son matériel professionnel ! Mais elle est revenue… et il est resté.
« Je n’expose pas ma vie privée en public ! » Cela signifie que cette relation doit rester non pas discrète mais secrète, cela signifie que personne ne doit savoir, que nous ne ferons jamais rien ensemble, à l’extérieur…. Mais à l’intérieur non plus !
Resté et parti fâché dès qu’elle s’affirme, revenu à la moindre occasion, c’est elle qui tend la perche à chaque fois, il revient aussitôt, et ne repart pas…. Jusqu’à la prochaine colère.
Elle invite des amis à dîner, il s’enferme dans « sa » chambre, jusqu’à leur départ à 2h1/2 du matin : bien sûr, il a faim ! Elle le sert…
Après une tentative de relation sexuelle très décevante et contrariante pour elle, il n’y en n’avait que pour lui, sado-maso « parce qu’elle aime ça », décrète-t-il, elle qui n’aspire qu’à de l’amour et de la tendresse ! Il s’est approprié la chambre d’amis, à l’aise, a envahi l’espace, et elle a, pour lui, fait les courses, préparé de bons petits plats qu’il apprécie, certes, mais il lui fait bien sentir que c’est lui qui mène la barque, lorsqu’il reste au téléphone au moment du repas, durant 2 heures. Elle l’attend, jusqu’à 22 heures, 22 heures 30, le repas refroidit, elle comprend enfin qu’il veut bien lui signifier que c’est lui qui décide, qu’elle est son objet et qu’il fait ce qu’il veut, mais il mange quand même, et de bon appétit, quand il l’a décrété !
Ce mardi, il dort toute l’après-midi. Il sort de « sa » chambre vers 20 heures, ne sait pas où il en est, matin ? soir ? Comédie ou pas, elle l’accueille, et commence la préparation du repas. Il ouvre le réfrigérateur pour se servir un coca « il n’y a plus de coca, je vais en chercher ». « Je suis surpris, tu as fait les courses, et tu n’as pas acheté de coca ».
Deux heures plus tard, il n’est toujours pas allé chercher le coca qui lui est indispensable. Il téléphone toujours. Elle l’attend pour mettre la dernière touche au repas, que ce soit bon ! Méprisant et ignorant ses rappels « va chercher le coca » (les stations-services restent ouvertes toute la nuit).
A 22 heures 30, sans un mot, calmement, elle met un film alimentaire sur ses préparations, lave les casseroles et mange une grappe de raisin. Alors, là, enfin il comprend que quelque chose ne va pas, et stoppe net ses « impératifs » téléphoniques. Elle lui fait part de son manque de respect « quand tu n’es pas là, je ne cuisine pas, ce n’est que pour te faire plaisir ! ».
Et hop, il repart, sans manger, « je meurs de faim ! » dit-il.
Cette fois, c’est la dernière (elle l’espère), elle ne l’accompagne pas comme habituellement, elle ferme la porte derrière en lui lançant « va te chercher une autre proie ». Ce terme fait tilt, il veut répliquer mais elle ne lui en laisse pas l’occasion « Stop ! pars ».
Trois semaines se sont écoulées, elle tient mais il lui manque, ou plutôt cette impression de ne pas être seule. Elle n’avait pas oublié le coca, elle l’avait laissé à la cave !

De Lisa

Sa fille … une personne toxique…prête à tout…pour ses fins.

Je vais vous mettre l’eau à la bouche…façon de dire… (petit conseil : prenez l’air avant la lecture car on est loin des romans à l’eau de rose)
2023…C’est l’histoire d’un ingénieur en retraite, fils et petit-fils de mineur, âgé de 80 ans et veuf, vivant dans un petit village, connu en France pour son chevalement.
Depuis peu, il apprend qu’il est atteint de la maladie de la silicose malgré son métier, s’enfonce dans l’alcool, qui est devenu sa meilleure amie, car en plus, son frère lui manque comme sa femme, partie trop tôt.
Le lendemain, il décide de faire un testament et va le donner au notaire de famille.
Il souhaite inscrire son frère, perdu de vue, et tous les gens qu’il aime sur le faire-part (sauf sa fille !) Il veut une messe, entouré de ses copains « mineurs », l’harmonie municipale avec sa chorale, Monsieur le Maire et son conseil seront aussi de la partie.
Comme il est apprécié dans le village, il sait que sa sœur de cœur, qui fait partie de la mairie, lui rendra hommage en parlant de sa biographie et le discours poignant qu’il a écrit avec tant de courage. Sa filleule, qui est aussi sa « nièce », fille de son frangin, qu’il considère comme son propre enfant, reprendra l’urne pour le placer sur la tombe de ses parents avec son épouse, dans le bourg natal. Pour finir, comme il adore le jazz, il souhaite une dizaine de saxophonistes pour interpréter les plus beaux morceaux dans l’autel.
Et voilà ! Dans le cœur du sujet. Pourquoi sa fille ne figure pas dans le fait-part ?
En public, elle se fait passer pour une victime, une charmeuse, une aimable, prête à tout pour vous « retourner le cerveau », va se plaindre auprès de ses amis pour arriver à ses fins et fait passer la vraie victime pour un salopard….
Quelques mois plus tard, il décède brutalement dans sa maison, devant la télévision. La police arrive à la suite d’un coup de fil. La conclusion est que la maladie l’a emporté et non pas l’alcool.
L’enterrement a lieu dans de bonnes conditions et à la lettre.
Quelque temps plus tard, sa fille unique et toxique est convoquée chez le notaire, qui lui lit la lettre. Elle apprend que seul l’argent l’intéresse, est absente de leurs rendez-vous familiaux, rabaisse sa maman en public comme dans le privé, si gentille et si charmante, ne connaissant pas sa cousine depuis l’enfance.
Comme la loi l’oblige à donner le minimum vu qu’elle est la légitime, le reste de l’argent ira à son propre frère, vu que sa femme est « orpheline » de son côté car il a beaucoup pleuré de leur dispute banale.


De Roselyne

Camille est confortablement installée dans son fauteuil. Elle savoure sa tasse de thé, les yeux perdus vers les cimes des Pyrénées dont elle est tombée amoureuse.
C’est en rencontrant Gilles, sur l’une des pistes enneigées qu’elle a été happée par la beauté, la pureté des lieux. Mais, peut-être l’amour inconsidéré qu’elle porte à Gilles lui a donné l’occasion de conforter son idée de tout lâcher et de se projeter dans un autre univers, plus ouvert, plus vrai, tourné vers la nature.
De son métier, où elle était Directrice des Ressources Humaines, elle ne garde pas que des bons souvenirs. Dans son équipe, des femmes et des hommes qu’elle doit manager avec courage, respect et fermeté. Elle emploie toute son énergie, afin que l’équipe tourne et que les résultats soient à la clé.
Durant ces années, elle a eu à maîtriser Fabien, une personne peu conciliante, qui mettait en doute chacune de ses paroles. Tous ses actes étaient passés au crible. Les propos de Fabien étaient intolérables, tout prenait une dimension exagérée. L’ambiance était envenimée rien que par sa présence. Il se plaisait à invectiver ses collègues. Camille, elle-même, recevait des mails très peu académiques.
L’équipe se plaignait, certains membres essayaient de rester calmes, de ne pas trop relever les sarcasmes de Fabien. Quant à Camille, elle se sentait observée par son équipe. Elle se posait un nombre incalculable de questions, comment Fabien en était-il arrivé à la détester de cette façon ? Elle avait tout fait, lui semblait-il pour que celui-ci s’intègre dans l’équipe. Mais, avait-elle laissé échapper quelque chose ? Il fallait que cesse cette animosité, ce besoin impérieux d’être en conflit avec la terre entière.
Camille tournait et retournait dans sa tête la façon dont elle allait devoir se séparer de Fabien, qui, par son comportement et ses réactions toxiques, avait mis à mal son équipe qui le lui faisait comprendre.
Camille avait perdu sa sérénité, il lui fallait absolument trouver au plus vite une solution, sinon elle mettait en péril son service. Elle réunit ses plus proches collaborateurs et exposa son plan. Celui-ci était très simple : « nous allons, au fil des jours, laisser Fabien continuer à débiter ses railleries sans sourciller. Nous continuons notre travail comme si de rien n’était. Cela sera pesant, au début, mais vous verrez qu’il perdra pied et que de lui-même il partira. »
Camille, par son action douce mais terriblement blessante, contrariante, insupportable et inconfortable pour Fabien qu’au bout de quelques semaines, il prit ses cliques et ses claques et quitta l’entreprise.
Camille, en se remémorant cet épisode, se dit que le licenciement aurait été plus radical, plus judicieux mais … il faut refermer le tiroir des scrupules.
Après cet épisode, Camille a fait le grand saut avec Gilles, elle est heureuse, loin des grandes villes. Tous les deux, ils emmènent les passionnés de montagne faire de la randonnée. Jamais, elle n’aurait imaginé que ce changement radical de travail lui aurait donné autant de bonheur. Qu’il est loin le temps des Ressources Humaines!!!

De Monique

Il faut faire vite


« Un cadeau » avait pensé Miléna, en rencontrant cet homme. Il cochait toutes les cases: une chevelure bouclée, des yeux bleus , bel homme en vérité. Et puis, charmant, bonne situation, un accent un peu traînant qui ajoutait une note délicieuse à ce portrait auquel il ne manquait rien. En tous les cas pour Miléna.
Il avait un cabinet d’assurances devant lequel elle passait tous les soirs en sortant de son travail. C’était son trajet habituel. Elle-même avait assuré sa voiture dans ce cabinet, mais à l’époque, c’était un monsieur plus très jeune qui officiait. Elle avait bien reçu un courrier indiquant le changement d’assureur. Mais, elle n’y avait prêté que peu d’attention. Son assurance était directement prélevée sur son compte bancaire et comme elle n’avait rencontré aucun problème, elle n’avait aucune raison d’entrer dans ce bureau.
Un jour en fin d’après-midi, elle poussa la porte en verre de l’agence. L’échange se fit naturellement puis qu’elle possédait déjà un dossier. Il lui demanda où elle était assurée pour sa maison et lui conseilla de rester dans sa banque car sa compagnie n’était pas mieux placée pour proposer un meilleur tarif. Et honnête avec cela !! Elle avait apprécié! Cependant, il lui proposa un rendez-vous un samedi matin pour étudier les offres, les placements qui conviendraient dans sa situation. Le samedi en question était deux jours plus tard. Aucun des deux n’était dupe. L’attrait était réciproque. Bien sûr, ce jour-là, elle avait prêté plus d’attention à sa tenue, à son maquillage, tout en restant assez naturelle. Le genre sophistiqué, ce n’était pas elle. Et il fallait qu’elle se sente à l’aise.
Et elle l’était. La conversation ne porta pas sur les assurances bien entendu. Elle prit rapidement une tournure intime : elle était célibataire, lui avait une compagne qu’il songeait à quitter… une petite lumière s’était allumée dans son cerveau. Mais, elle l’avait vite mise en veilleuse.
Elle était déjà amoureuse de cet homme, elle le savait… Elle avait besoin d’attentions, de tendresse. Sa solitude s’envolait. Ses amis lui avaient dit de lâcher prise… Et pourquoi pas ? Faire confiance à nouveau …Elle était bercée par ses paroles douces, les projets qu’il formulait, l’amour qu’elle ressentait.
Les événements s’enchaînèrent : il quitta sa compagne, vint s’installer chez elle. Tout allait vite… Trop vite. Là aussi, à nouveau la petite lumière dans son cerveau se ralluma. Et une fois encore, elle l’avait ignorée.
Il lui avait présenté ses amis, sa famille. Il parlait même de mariage, de construction d’un chalet dont il avait déjà les plans. Miléna découvrira plus tard que c’était un projet formulé avec son épouse dont il était divorcé.
Le couple, certes, passait des moments agréables mais petit à petit, des inquiétudes vinrent miner un peu la quiétude de Miléna. Il partait très tôt à son travail et il lui téléphonait tous les matins, à la même heure, vers sept heures pour lui dire bonjour, lui souhaiter une belle journée. Malgré ses paroles bienveillantes, Miléna sentait un malaise qu’elle n’arrivait pas à identifier. Le midi, à l’heure du déjeuner, il l’appelait sur son portable pour lui dire qu’il allait manger à tel endroit avec un client. Elle n’avait aucune raison de ne pas le croire, mais tout de même. Et un jour, Miléna reçut un appel téléphonique sur son lieu de travail : la personne s’était présentée à l’accueil comment étant une de ses amies. Cela lui parut bizarre car cela n’arrivait jamais. Elle ne mélangeait pas vie professionnelle et vie privée. Elle avait un portable personnel pour ces appels-là. Et puis ses amies ne l’appelaient guère depuis quelque temps.
Quelle ne fut pas sa surprise quand la personne au bout du fil lui fit part des allées et venues de son compagnon, avec une voix désagréable, emplie d’amertume et de colère. Elle racontait avec précision à quelle heure il l’appelait le matin, dix minutes avant midi, pourquoi il rentrait tard le soir. Elle savait où ils étaient partis en vacances puisqu’il lui téléphonait tous les jours. Elle déroulait la vie de Mélina en différé. Elle était au courant de tout, jusqu’aux détails les plus intimes. Tout correspondait. Il n’avait jamais réellement quitté sa compagne précédente. Il n’avait jamais cessé d’entretenir des relations avec cette femme. Et il lui racontait leur vie, toute leur vie. Mais pourquoi ?
La petite lumière qu’elle faisait taire si souvent était devenue un phare qui apportait un éclairage cruel sur ce qu’elle vivait. Il mentait sans arrêt, elle le savait, l’avait pris sur le fait, mais à chaque fois, il niait tout. Ses excuses étaient en béton. Alors Miléna y croyait encore. Elle l’aimait.
Mais cette fois-ci, après l’humiliation qu’elle avait subie, elle lui fit part calmement de la séparation qu’elle souhaitait. Elle n’évoqua rien d’autre. Il se mit dans une colère noire, se mit à casser tout ce qui lui tombait sous la main. Elle prit peur et voulut sortir de la maison mais il s’y opposa violemment, ferma la porte à clé. Ses beaux yeux qu’elle aimait reflétaient la folie. Elle ne sentait plus en sécurité. Mais que faire : aucune famille sur place chez qui se réfugier. Ses amies, elle ne les voyait plus beaucoup depuis qu’elle était en couple avec lui. Elles lui avoueraient plus tard que la présence de son compagnon les mettaient mal à l’aise. Elle se sentait plus que jamais seule.
Les jours passèrent et lui devenait de plus en plus infâme. Il la traitait de « vieille » (elle avait quelques années de plus que lui). Il la surveillait constamment, rentrait sur le temps de midi pour savoir où elle était, lui arrachait les pages de son agenda quand il apercevait des noms d’homme sur ses rendez-vous, la dérangeait sans cesse sur son lieu de travail par téléphone ou physiquement. Cette situation la mettait très mal à l’aise, ses collègues la regardaient d’un air réprobateur. Bien sûr, elles avaient totalement raison. L’homme prévenant avait fait place à un homme jaloux, excessif. Elle pensait sans arrêt à des solutions pour sortir de cette cage dorée. Mais à qui faire appel ?
Il se mit à proférer des menaces de mort qui n’étaient pas à prendre à la légère, en tous les cas, elle en avait peur. Elle le pensait capable du pire. Elle eut un peu de répit quand il séduisit une autre femme. Oui du répit. Il allait la voir régulièrement. Quand il revenait de ses virées, il avait l’audace de lui parler de sa conquête, de lui montrer des photos. Elle ne faisait aucun commentaire qui aurait pu le mettre en colère. Elle faisait semblant d’adhérer à la situation afin d’éviter le pire. Et un dimanche soir, alors qu’il était rentré tard de celle qui maintenant partageait sa vie, il lui demanda de préparer quelques affaires car il retournait chez elle. Elle eut le cran de lui dire ” non, je ne le ferais pas”. Là c’était la limite pour elle. Malgré la peur quand elle osa dire « non », elle éprouva un sentiment de jalousie, mêlé à la honte de subir cette situation. Elle ne laissa rien paraître. Lui ne dit rien mais avant de la quitter, il la prit dans ses bras tendrement en lui disant qu’il l’aimait. ” Il ne la quitterait « pas lui affirma- t-il. Ces paroles ne visaient pas à la rassurer, mais en réalité, c’était une menace. Elle le vivait ainsi, mais c’est ainsi qu’il le pensait.
Elle avait espéré cela, malgré sa souffrance, qu’il partirait avec cette femme et que tout se termine entre eux. Là elle comprit que c’était à elle désormais d’organiser son départ. C’est elle qui devait s’enfuir. Sa famille, mise dans le secret, comprit l’urgence de la situation et mit en place un plan de repli. Miléna choisit un jour où il devait partir en conférence à Paris. Il s’était absenté toute la nuit et revint au petit matin pour prendre ses affaires. Il avait un train qui partait très tôt. Encore une fois, il la serra tendrement dans ses bras. Elle avait envie de pleurer. Elle savait que c’était fini. Bien que soulagée, elle avait mal.
Dès son départ, elle appela sans tarder ses « sauveurs » qui attendaient son signal. Deux heures et demie après, ils étaient là avec un camion de déménagement, et une voiture. Ils étaient venus à six. La quasi-totalité du mobilier appartenait à Miléna. Ils furent d’une efficacité redoutable, une fourmilière où chacun avait son rôle. Le temps n’était plus à la réflexion mais à l’action. En l’espace de quatre heures, tout avait été emballé, déposé dans le camion. Il fallait presque trois heures de trajet pour que Mélina soit hors d’atteinte.
La fuite, il n’y avait que la fuite qui pouvait l’éloigner de cet homme toxique. Elle savait que cet acte aurait des répercussions sur sa vie personnelle, professionnelle. Elle avait tout quitté. Elle assumerait.
Malgré tout ce qui l’attendait, elle avait fait le bon choix, celui de la liberté.

De Francis

Amitié tronquée


Après avoir refermé le livre, Gabriel resta pensif pendant quelques temps. Une amie lui avait recommandé cette lecture. Avait-elle voulu attirer son attention ?
Il eut un doute. Il se posa la question et si ce qu’il venait de lire, c’était ce qu’il vivait avec son ami Pierre ? Il se mit à réfléchir et s’aperçut que depuis quelques temps déjà, il s’interrogeait sur sa relation avec son ami d’enfance. Ils ont fait les quatre cents coups ensemble. Il est vrai que ce dernier avait un certain ascendant sur lui. Il en faut un pour entraîner l’autre, mais il ne faut pas tout mélanger, amitié, positivité et toxicité. C’est sur cette dernière pensée que Gabriel s’endormit.
Les nuits portent conseil et le temps passant, Gabriel prit la résolution d’analyser sa relation future avec Pierre, car au fond de lui quelque chose lui disait que ça n’était pas normal qu’il se sente diminué, qu’il soit sans cesse ramené à un rang inférieur, alors que selon lui, il avait des avis, des pensées, des réactions normales aux événements pour un jeune homme de son âge. Pourquoi alors minimiser ses faits et gestes par des remarques désobligeantes et en vertu de quoi il devrait l’accepter, être triste, mal à l’aise. Il avait le sentiment d’être vampirisé et d’être toujours le sollicité sans retour. Pourquoi ses goûts musicaux, ses lectures étaient toujours critiqués ?
Petit à petit, sa vigilance en éveil, il fut plus attentif et constata qu’il était aveuglé par son amitié. Pierre se voulait toujours être au centre de l’attention, admiré, être celui qui a des sujets de conversation intéressants, les meilleures idées et lui il n’était qu’un pion, un faire-valoir à ses yeux, celui dont on a besoin les lumières pour mieux briller. Émotions, sentiments, froideur, le tout enveloppé subtilement dans un flot continu de belles paroles. Leur relation était faussée.
Gabriel souffrait en silence, mais pourquoi acceptait-il cette situation ? Il n’était pas faible. Il avait une personnalité. Il devait être lui. Cette relation lui pesait un peu plus chaque jour. Son amitié avec Pierre avait un impact négatif sur sa vie. Ça ne pouvait plus durer, quoi qu’il en coûte, il devait mettre fin à cette amitié. Elle était toxique. Toxique, le mot était lâché.
Il se documenta, prit conseil et en faisant le point, il arriva à la conclusion qu’il était normal et qu’il méritait d’avoir des amis qui le soutiennent, le respectent, l’encouragent. Il espaça leurs rencontres et se retira lentement, progressivement de l’influence de Pierre. Sa vie devint plus douce, insouciante. Il savait que c’était nécessaire pour sa propre santé mentale et émotionnelle. Au début, il souffrit de ne plus voir son ami. Il lui fallut du temps pour prendre de la distance et petit à petit il commença à se reconstruire, à regagner confiance en lui.
Un soir, au dîner, son père annonça une grande nouvelle, il était muté en province. Gabriel accusa le coup. Il était heureux et malheureux en même temps, Il serait difficile de se faire une nouvelle vie, mais à toute chose malheur est bon, il allait avoir une bonne raison de couper définitivement les ponts avec Pierre et se libérer de sa relation malsaine.
Gabriel était cependant marqué par ces années sous influence. Il lui fallut beaucoup de temps et une aide extérieure pour effacer les traces de cette relation, qui aurait pu le marquer à vie.
Il est devenu un homme équilibré, épanoui dans son travail. Il a su choisir ses relations. Il mène une vie de famille heureuse qu’il protège. Il a fait part à ses enfants de l’expérience qu’il avait vécue dans sa jeunesse et se réjouit de la chance qu’il a eue car tout le monde n’a pas un ange gardien qui vous tire du mauvais pas où les hasards de la vie vous ont conduit.

De Jean-Claude


Arsène, dans son milieu familial, était constamment en train de critiquer son cousin Julien. L’accusant de ne jamais faire assez bien, de ne pas réussir autant que lui ou d’être insuffisamment ambitieux. Il critique aussi le choix de vie de Julien, cherchant à le faire douter de ses décisions et de ses objectifs. Il ne manquait jamais une occasion de le rabaisser devant les autres membres de la famille.
Lors des réunions familiales, Arsène faisait en sorte d’être le centre de l’attention en racontant des histoires exagérées sur ses exploits, minimisant les succès de Julien et mettant en lumière les moindres erreurs que son cousin avait pu faire par le passé. Il créa ainsi un climat d’hostilité et de compétition malsaine.
Julien avait longtemps toléré ces comportements, espérant que les choses s’amélioreraient ou que Arsène changerait. Mais un jour, après une énième humiliation publique orchestrée par Arsène, Julien prit conscience qu’il devait mettre un terme à cette relation toxique. Avec du recul et après avoir réfléchi à la nocivité de la présence d’Arsène, et de l’impact négatif que cela avait sur son bien-être émotionnel et mental.
Une décision courageuse de mettre fin à la relation avec Arsène. Julien prit un rendez-vous pour une conversation sérieuse et honnête. Il exprima ses sentiments, expliqua comment les actions de son cousin Arsène l’avait blessé et comment il était fatigué de subir son comportement toxique.
Celui-ci tenta de minimiser les choses et de rejeter la faute, en évoquant qu’il n’était pas à la hauteur de comprendre les débats. Julien resta ferme dans sa décision. Il lui dit qu’il méritait d’être entouré de personnes qui le soutenaient et le respectaient, et que lui le râleur infini ne remplissait pas ce critère. Julien mit fin à la conversation en affirmant qu’il ne souhaitait plus entretenir de relation avec lui.
Évidemment, c’était une étape difficile d’en arriver là, mais Julien savait que c’était nécessaire pour sa santé mentale et émotionnelle. Il s’entoura ensuite de personnes bienveillantes et positives, construisant des relations plus saines et épanouissantes.
C’était le début d’une nouvelle phase de sa vie, débarrassée de l’influence toxique d’Arsène.

D’Inès

Dans la grande salle, de l’académie des sciences infirmières, les jurys annoncèrent le nom d’Émily, avec solennité. Tous les élèves se levèrent pour applaudir la lauréate de l’année. Les yeux brillants, cette dernière rayonnait de bonheur, un avenir plein de promesses s’annonçait devant elle.
D’un pas nonchalant, et avec un grand sourire, le directeur de l’école, Monsieur Castellane, s’approcha du groupe d’Émily, salua chaleureusement Félicie, la meilleure amie de la lauréate ; une jolie jeune fille, souriante, joyeuse et pleine de candeur. Soudain, Émily, le visage trouble et blême, retint sa colère, et se précipita vers la cour pour s’enfermer dans les toilettes. Quelques minutes après, elle retrouva son calme, s’approcha de Félicie en affectant une sérénité profonde, une douceur inébranlable, et susurra dans l’oreille de cette dernière :
-Je ne sais pas pourquoi mais tu as l’air bien maigre ces derniers temps, ton visage semble bien noirci et chétif, je trouve aussi ton petit ami Rafaël un peu trop effacé, et il manque de charisme, tu ferais mieux d’en trouver un autre, au lieu de rester avec cette crotte de nez.
-“Émily, aujourd’hui c’est ton plus beau jour, tu nous a prouvé à nous tous, que tu étais une élite, peut-être même le gratin incontournable de toutes les universités de Paris ! Je veux que tu vives pleinement ces moments, ce n’est pas le moment d’émettre des critiques !
Emily jeta un regard noir, sur son amie Félicie.
-Vraiment Félicie, je ne te croyais pas aussi débile et malade… bien sûr que je suis heureuse, euphorique même !
Avec des yeux malicieux, elle continua en matraquant comme une machine :
-Je me sens imbattable, la souveraine, la Déesse du cénacle aujourd’hui !
Le regard d’Émily tomba sur les formes généreuses de Sylvie ; une camarade de classe qui avait le mérite d’être une personne pleine d’empathie, de gentillesse envers tous ses collègues.
-Pfff, elle se croit splendide avec sa longue robe bleu pauvre fille ! Sans parler de notre professeur de chirurgie plastique, avec sa silhouette élancée telle une perche télescopique, et vient nous parler d’anatomie !
-Vraiment Émily, tu me déçois !
-C’est toi qui me déçois ! Après avoir tout fait pour toi afin que tu réussisses ! Pendant plus d’un an, j’ai parcouru toutes les bibliothèques de Paris pour te répertorier tous les meilleurs sites Web de santé qui existent, pour venir à ton secours, et t’aider à réussir tous tes examens, tu es vraiment une personne ingrate !
D’un pas ferme, Émily s’en alla vers le microphone pupitre pour l’amphithéâtre.
-Bonjour, mes amis, je voulais simplement vous dire qu’aujourd’hui est un grand jour pour moi. Et ma réussite et la vôtre aussi… Elle est notre victoire à nous tous ! Et justement en l’honneur de ce grand événement, je propose à tous les membres de cet établissement que l’on fasse une cagnotte pour venir au secours des plus démunis qui ont subi des inondations ces derniers jours, dans le sud de la France, sans oublier bien sûr les sinistrés du tremblement de terre de la population du Maroc.
Des cris d’admiration s’élevèrent, encore une fois dans l’hémicycle un tonnerre d’applaudissements et des sifflements fusèrent de tous les côtés.
Malgré tous ces élans d’extase, Félicie ressentait une atmosphère d’inimitié et de lourdeur au sein de la communauté.
Émily se dirigea vers la cafetière de l’établissement, commanda un petit espresso, s’assit seule à proximité d’une fenêtre. Elle paraissait froide et distante. Félicie s’approcha d’elle, tout en applaudissant d’une façon sarcastique et chuchota dans son oreille :
-Vraiment Émily, tu ne finiras jamais de m’épater, quel beau rôle tu as joué à l’instant ! Tu te rappelles lorsque l’on a effectué ensemble un stage dans chez l’un des pédiatres de la ville et que l’on devait accomplir les gardes de nuit. Ça ne te dérangeait point de faire fi de tous les bébés qui pleuraient pendant des heures. Tu ne t’es pas demandé, ne serait-ce qu’une seule seconde peut-être, qu’ils souffraient ? Peut-être avaient-ils encore une petite faim, ou tout simplement avait-ils besoin d’un petit câlin pour se rendormir. Non ! Tu t’enfermais égoïstement et machiavéliquement dans ton bureau, feignant ne rien entendre. Elle était où, ton empathie envers tous ces innocents ? Sans parler des multiples bavures similaires que tu as commises tout au long d’autres stages précédents, et ceci d’une façon si sournoise et si insinuante que personne ne pouvait deviner ton stratagème. Franchement, je ne te reconnais plus ! Ou plutôt j’ai l’impression ne t‘avoir jamais connue ! Une personne qui m’est totalement étrangère. Une personne qui joue plusieurs rôles à la fois ! Pour moi, tu ne peux être qu’une démoniaque, un monstre !
-Franchement Félicie, tu me fais pitié, tu es trop simple et pauvre d’esprit pour comprendre ce monde. Tu manques de séduction, de charme et tu es incapable d’être charismatique, voilà pourquoi tu me jalouses. Tu me fatigues, car tu ne te rends pas compte que c’est toi le problème, et pas moi.
Emily se leva, jeta un regard narquois envers son amie Félicie, prit son sac, le lança au-dessus de son épaule, et marcha droit vers le portail de l’établissement.
Un sentiment de frayeur submergea Félicie … les larmes aux yeux, les doigts tremblants, elle se recroquevilla sur elle-même, les mains sur son visage. Perdue dans ses pensées, elle se demandait comment elle avait pu fréquenter pendant tant d’années une telle perverse, comment elle avait pu se laisser manipuler, écraser et mépriser ainsi.
Un moment après, elle reprit ses esprits, regarda la silhouette d’Emily s’éloigner petit à petit dans l’horizon, telle une tâche noire, sombre qui se dissipait petit à petit pour laisser place à la lumière, à la sérénité, et à la paix. Soudain et comme par enchantement, une petite brise fraîche passa au-dessus de tout l’établissement, ramenant une touche de légèreté, d’enthousiasme dans les cœurs des étudiants. On entendait des éclats de rire par-ci par-là. Félicie se retourna et remarqua un petit groupe. Elle s’approcha de Sylvie, une camarade de classe dont elle ne connaissait pas beaucoup de choses, mais elle, avait le mérite d’être une personne naturelle et authentique.

De Christine

Dès son plus jeune âge, mon frère Daniel avait besoin d’une attention et d’une reconnaissance excessives. Petit dernier d’une fratrie de cinq, avec une dizaine d’années d’écart avec moi l’aînée, il a toujours été le petit chouchou de nos parents. Hissé sur un piédestal quoi qu’il fasse, ils ont toujours loué sa réussite et l’ont privilégié au détriment de leurs autres enfants. C’est normal, me direz-vous. C’était le petit dernier. Ils sont toujours plus gâtés que les grands.
Sauf que cela ne s’arrête pas là. Au fur et à mesure qu’il a grandi, il est devenu suffisant et méprisant vis à vis de nous, ses frères et sœurs. Mes parents l’encensaient en permanence alors qu’ils se désintéressaient de nos vies respectives. Ils l’ont rendu narcissique et plus le temps passe, pire c’est.
Une fois adulte, je me suis éloignée de lui car je n’avais pas du tout envie de fréquenter quelqu’un aussi égocentrique. Toujours besoin de se mettre en avant et de vanter ses succès, même si j’ai su ensuite qu’une bonne part relève de la mythomanie. Il racontait à qui voulait bien l’écouter, qu’il avait été recruté dans sa boîte parmi deux mille candidats, qu’il avait été élu meilleur commercial de l’année. Tous les ans, il nous rabattait les oreilles avec ses vacances à l’étranger. Mais jamais aucune empathie pour nous. Aucun intérêt pour notre vie familiale ou professionnelle.
Chaque fois qu’il venait chez mes parents, il les inondait de cadeaux pour montrer qu’il était le plus gentil des cinq. Combien de fois ai-je entendu cela de la bouche de ma mère ? Quand il apportait des chocolats, c’était ceux du meilleur chocolatier du monde. Un sac à main de luxe à ma mère dont il s’empressait de donner le prix et de nous faire remarquer que c’était lui qui offrait les cadeaux les plus chers. C’était devenu un jeu entre nous de deviner ce qu’il allait apporter et combien de temps il allait tenir avant de nous dévoiler le prix.
Quand sa fille est née, il l’a mise tellement en avant que mes parents en ont oublié aussi leurs autres petits enfants. Il les gavait de photos et de dessins. Sa fille était la plus belle, la plus intelligente. Un jour que je me baladais dans la maison familiale, je me suis amusée à compter les photos d’elle, exposées. Il y en avait vingt-cinq exactement. Je me souviens du nombre encore maintenant car de mes enfants, il n’y en avait aucune. Etonnant non ?
J’ai donc construit ma famille en ayant garde de ne pas reproduire les erreurs de mes parents, évitant le plus possible de le rencontrer. J’habite à quatre cents kilomètres de lui, cela facilite le maintien à distance.
Mais, tout a basculé lors de la maladie puis du décès de ma mère. Elle était atteinte de démence avancée et avait besoin d’être admise dans une maison spécialisée et médicalisée ayant par ailleurs de gros soucis de santé. Pendant plusieurs mois, en attendant une place, nous nous sommes relayés pour la garder à la maison, sauf lui. Il n’a jamais pris son tour mais donnait ses ordres depuis son bureau en bon petit tyran qu’il est. Pas facile de s’occuper d’une personne qui n’a plus toute sa tête, mais en plus d’avoir un monsieur ‘je sais tout sur le dos’, c’était irrespirable.
Quand je reçus l’accord d’une maison proche de mon village, tout le monde était soulagé. Sauf lui bien sûr. Il avait décidé que cet établissement était trop bas de gamme. C’était l’époque du scandale ORPEA… Lui, il avait trouvé une maison de retraite de luxe où ma mère aurait, je cite, son petit nid douillet. Sauf que le plus proche des enfants était à une heure et demie de route et que la maison n’était pas médicalisée. Mais, il l’a fait admettre malgré nos objections, toujours aussi pédant.
Là, j’ai explosé en lui disant qu’il la condamnait, qu’elle ne tiendrait pas huit jours sans soins et sans visite. Il m’a répondu qu’il avait honte de moi et qu’il attendait plutôt que je lui dise merci. Je ne faisais plus partie de la famille. Le pire, c’est qu’il a réussi à entraîner dans ses délires deux de mes sœurs.
Hélas, la vie m’a donné raison puisqu’elle décédait dix jours plus tard, seule, loin de son mari et de ses enfants. Il m’a reproché ensuite de ne pas être allée la voir alors que j’ai été prévenue bien trop tard que son état se dégradait. A deux heures et demie de route, je ne pouvais pas m’y rendre facilement, j’avais mon travail. Mais, il fallait qu’il rejette ses erreurs sur moi. Il recommence son show avec mon père, mais je ne m’y laisse plus prendre. J’ignore totalement ses ordres et ses demandes. Et j’agis comme bon me semble. Il a décidé de me léser dans le partage des biens, mais je n’en ai cure. Pourvu que je ne l’entende plus.
J’ai coupé les ponts, Je ne veux plus côtoyer un être aussi toxique. Le pire c’est qu’il a reproduit le même schéma dans sa propre famille. Sa femme et sa fille sont en thérapie permanente. C’est un minimum quand on vit avec un pervers narcissique.
C’est triste mais c’est ainsi, je ne peux rien pour eux. On ne choisit pas sa famille. Et j’ai assez souffert. Je me tourne vers l’avenir, mes enfants et petits-enfants.

De Marie-Josée


Un acte héroïque

Gilles a toujours rêvé de faire partie des amis de Jordan. De nature introvertie, il admirait son aisance à communiquer avec les autres, surtout avec les filles. Il n’avait qu’un seul ami, Thomas, et pas de copines, à tel point que ses parents se posaient des questions. Il évitait le sujet et se renfermait de plus en plus. Il passait le plus clair de son temps le nez dans les bouquins, surtout techniques, car il était passionné par l’informatique et de tout ce qui y touchait de près ou de loin.
À sa grande surprise, à quelques jours de Noël, il reçut un sms de Jordan.
« Salut vieux ! Il paraît que tu es un as en informatique. Merci de passer chez moi ce soir vers 18 heures, j’ai un problème d’ordi que je n’arrive pas à résoudre ».
Gilles n’en revenait pas. Le Père Noël existait bel et bien, il considérait ce sms comme le plus beau cadeau qu’il ait jamais reçu : Jordan avait besoin de lui.
Les mains moites, il sonna chez lui à 18 heures précises. L’interphone grésilla et une voix féminine demanda laconiquement :
-Oui ? C’est qui ?
Il bredouilla :
-C’est Gilles, Jordan m’a demandé de passer et…
-Ah oui, c’est vrai, le réparateur d’ordi, c’est bon j’ouvre, 2ème étage, à droite.
Il entendit un clic et poussa la porte. Il monta les escaliers quatre à quatre et arriva tout essoufflé sur le palier. Il y avait quatre portes dont l’une était entrouverte. Il se dirigea vers celle-ci et la même voix lui dit :
-Entre, j’arrive tout de suite, le temps de passer un peignoir.
Il se trouva dans un couloir étroit et sombre qui desservait plusieurs pièces. Une jeune fille en peignoir blanc en train de frotter ses cheveux mouillés avec une serviette s’avança vers lui :
-Salut, je suis Anaïs, la petite amie de Jordan. Excuse-moi, je viens de la salle de sport et Jordan n’est pas encore rentré. L’ordinateur est dans sa chambre, tu peux y jeter un coup d’œil en attendant, il ne devrait plus tarder à arriver.
Elle lui ouvrit l’une des portes et disparut. D’après la déco, il semblait être un fan de foot et plutôt bordélique. Il posa les vêtements qui étaient entassés sur la chaise du bureau sur le lit et se mit au travail. Au bout d’une demi-heure, il avait résolu le problème et Jordan n’était toujours pas arrivé. Anaïs l’interpella :
-Tu t’en sors ?
-Oui, pas de soucis. L’ordinateur fonctionne à nouveau.
Elle le rejoignit dans la chambre et fouilla dans les papiers du bureau en disant :
-Super ! Je ne sais pas où est passé Jordan, je te raccompagne ?
-Euh, oui, bafouilla-t-il.
-Salut, merci d’être venu.
La porte claqua derrière lui et il se retrouva sur le palier. Abasourdi, il entama le chemin du retour. Il ne s’était pas attendu à ça. Il en parla à Thomas qui lui avait dit qu’il ferait mieux d’éviter de fréquenter cet égocentrique. Il trouva le jugement de Thomas bien sévère, après tout, il ne le connaissait pas vraiment et il n’accordait pas de crédit aux rumeurs. Quelques jours plus tard, un nouveau sms « Désolé de t’avoir raté l’autre jour. Je t’invite à la méga teuf que j’organise le 15 janvier pour mon anniv. A+ Jordan. »
Il décida de lui accorder une seconde chance et se rendit à la fête. Contrairement à la première fois, il fut très bien reçu, Jordan ne tarissait pas d’éloges à son égard et lui présenta toute la clique. Il avait obtenu ce qu’il voulait, il était admis dans le cercle. Jordan lui envoya des sms de plus en plus souvent, dès qu’il avait besoin de lui. Il lui arrivait de l’appeler en pleine nuit pour venir le chercher dans un bar lorsqu’il avait trop bu ou l’envoyait chez ses connaissances pour régler des pannes informatiques. Parfois, il ne donnait plus de ses nouvelles pendant des jours, parfois, il venait chez lui, parler des heures de ses conquêtes féminines et des tracas que cela lui causait.
-Et toi ? Tu en es où ? J’ai bien essayé de brancher l’une ou l’autre copine, et même si tu t’épuises en faisant du jogging, rien n’y fait. Surtout, ne désespère pas, tôt ou tard, il y en a bien une qui va mordre à l’hameçon. Tu sais vieux, au fond, tu as de la chance de ne pas plaire aux filles, tous ces déboires te sont épargnés.
Sans attendre la réponse, il enchaînait en jurant ses grands dieux qu’il était son meilleur ami, le plus fidèle et que les autres profitaient uniquement de sa notoriété de star du club local de foot. Si par malheur, Gilles n’assistait pas à un de ses matchs, il lui reprochait de préférer la compagnie d’autres personnes, d’ailleurs, il voyait d’un très mauvais œil son amitié avec Thomas. Il ne ratait pas une occasion pour le dénigrer, tant et si bien que Gilles le voyait de moins en moins pour éviter des discussions épuisantes.
Un jour, en faisant son jogging, il fut témoin d’une agression. Une jeune fille, qui était assise sur un banc en train de lire, se fit arracher son sac à main. Sans réfléchir, il piqua un sprint, réussit à rattraper le voleur, à le neutraliser en attendant la venue des gendarmes que des passants avaient appelés. La jeune fille le remercia chaleureusement et lorsqu’il lui rendit son sac, il s’était rendu compte qu’il la connaissait : c’était Anaïs. Une fois les formalités réglées, ils se rendirent dans un bar pour se remettre de leurs émotions. Ils bavardèrent de choses et d’autres et à un moment, la conversation tourna inévitablement autour de Jordan.
Anaïs en brossa un portrait plutôt sombre et lui conseilla vivement de prendre ses distances.
-Tu sais, je le connais bien, c’est un manipulateur, J’ai réussi à le quitter avant qu’il fasse de moi son paillasson. Ce type est un malade, il devrait se faire soigner. Tu ferais mieux de prendre tes distances avant qu’il ne te détruise.
Ils se quittèrent en échangeant leurs numéros de téléphone et convinrent de se revoir prochainement. Sur le chemin du retour, il songea aux paroles d’Anaïs et il se dit qu’elle exagérait. Elle était dépitée parce que leur histoire avait mal tourné, Jordan avait certes des défauts, comme tout le monde, mais de là à le traiter de malade, elle y allait un peu fort.
Le lendemain, Gilles était en première page du journal local. Son acte héroïque fit le tour de la ville et son nom était sur toutes les lèvres. Thomas lui envoya un message de félicitations même si par la même occasion, il regrettait son attitude distante depuis quelque temps. Jordan, quant à lui, envoya un sms incendiaire dans lequel il lui reprochait de ne pas avoir assisté au match de sa vie et de lui avoir volé la vedette.
Et si Anaïs et Thomas avaient raison ? Non seulement, Jordan ne lui avait pas adressé un mot de félicitations, mais une jalousie morbide émanait de son texto. Gilles prit enfin conscience que Jordan n’était pas son ami mais que c’était une personne toxique. Il lui répondit qu’il mettait un terme à leur relation, raya son nom de la liste de ses contacts et ajouta celui d’Anaïs.

De Marie-Laure

Toute une vie sous emprise

Elle était jeune et belle, deux enfants, un mari au physique sportif et ayant une très belle situation professionnelle. Le modèle de réussite sociale dans toute sa splendeur, car sans avoir le bac, elle avait réussi à gravir les échelons dans son entreprise. Elle affichait toujours le même sourire, un peu figé, nous mettions cela sur le compte de son rang hiérarchique. Elle ne se livrait jamais, alors qu’à la pause nous évoquions souvent nos enfants et nos époux, qui bien sûr régulièrement nous énervaient un peu, classique quoi ! En pause nous parlions aussi fringues ou coupe de cheveux, félicitant l’une ou l’autre pour son dernier achat ou son nouveau look.
« Super chouette ton pull ! Oui, c’est JB qui me l’a choisi. »
« Je me demande si je ne vais pas changer de look et me couper les cheveux tout courts ? Moi, je sais que JB n’aime que les cheveux longs ! »
« Cet été, j’ai craqué pour des sandales à semelles compensées, c’est hyper confortable ! JB a horreur de ça ! »
« Bientôt Noël, je sais pas encore ce que je vais faire à manger ? Moi, JB a déjà choisi tout le menu, les recettes ont l’air un peu compliquées, en plus je bosse jusqu’au 24 va falloir que je m’organise, comme d’habitude ! »
Autant de petites réflexions, où nous autres, un peu militantes MLF, trouvions qu’elle était bien soumise à son JB. Nous rétorquions alors, sur le ton de la plaisanterie, qu’il était temps qu’elle fasse sa révolution. Mais cela n’allait pas plus loin.
Lors d’un repas de service, alors qu’ elle n’avait pas guetté l’heure car elle s’ amusait, d’un coup son visage a changé, s’est crispé. Il fallait vite qu’elle rentre, JB partait le lendemain en déplacement et elle n’avait pas fait sa valise. Nous n’avons même pas eu le temps de lui dire au revoir, qu’elle avait déjà tourné les talons. Le lendemain, elle avait les traits tirés et bizarrement elle se rongeait beaucoup les ongles. A notre « ça va ?», il n’y a pas eu de réponse. Elle se montrait fuyante et avait toujours un dossier sous le coude qui l’empêchait de faire la pause avec nous.
Un jour, elle nous a confié vouloir reprendre des études de management en cours du soir, car son mari trouvait qu’elle stagnait dans cette entreprise, elle n’y avait plus guère de possibilité d’évolution. C’était super, il la boostait carrément, il avait de l’ambition pour deux, nous confiait – elle ! Nous nous demandions comment elle faisait pour assumer son emploi, les enfants, les cours du soir ! Toujours est – il qu’elle a encore gravit les échelons, elle nous impressionnait !
Elle a changé de service et a gagné du galon dans la hiérarchie. Elle nous disait être contente, et JB aussi, mais il ne fallait pas qu’elle s’endorme sur ses lauriers pour autant !
Nous autres, ses plus proches collègues, étions bel et bien interpellées, mais nous n’osions pas aborder avec elle sa vie privée. Elle n’a jamais eu de bleus, juste elle était toujours sur le qui-vive, ajoutant que c’était son tempérament d’être stressée.
Des mois, des années plus tard, elle nous a annoncé que son mari la trompait mais elle n’osait pas demander le divorce, ses parents n’auraient pas compris. Petit à petit, sa langue se déliait, non, son époux n’avait jamais été violent avec elle, il avait juste beaucoup d’exigences. Elle s’est tue, elle a encaissé toute cette emprise psychologique pendant des années, jusqu’ à ce que ce soit son mari qui demande le divorce. Ce serait une étape compliquée, certes, mais enfin elle allait pouvoir se retrouver et oser être vraiment elle. Nous étions à ses côtés, bien plus proches maintenant. Jusqu’à ce qu’un ami d’enfance ne pointe le bout de son nez.
Elle avait retrouvé le sourire, elle se mettait du vernis à ongles, elle avait passé le permis moto car son compagnon était motard. Elle nous disait combien il l’avait soutenue pour son divorce, lui suggérant d’évoquer tel ou tel point avec son avocat.
Elle était tiraillée par sa hiérarchie, on lui pressait le citron comme pas. Heureusement, son compagnon l’avait soutenue pour faire une démarche aux prud’hommes. Il fallait juste qu’elle suive bien à la lettre tout ce qu’il lui avait dit de répondre.
Il lui disait qu’elle avait tout pour être heureuse maintenant, mais que quand même, il la trouvait déprimée. Elle devrait peut-être aller voir un médecin et prendre un traitement, mais pas suivre une psychothérapie, car c’est bien connu les psys ne servent à rien. Il savait ce qui était bon pour elle !


De Catherine G

Incroyable ! Je n’en crois pas mes oreilles ! Elle m’a bien dit : « Moi, je veux des amis qui m’apportent de la sérénité et qui ne m’envahissent pas avec leurs soucis ! ». Elle s’était fait de nouveaux amis géniaux et s’éclatait avec eux…
Nous étions au restaurant, à la pause de midi, et j’avais besoin de parler de mes problèmes, de quelqu’un qui m’écoute, pour une fois, et me renvoie du positif. Vu ce que j’avais donné depuis des années pour elle, je me disais qu’elle me comprendrait et m’aiderait. J’avais juste besoin de mots bienveillants. Au lieu de cela, une fin de non-recevoir ! Je suis restée sans voix, estomaquée de sa réaction si égoïste. Mais n’est pas le propre d’une personne toxique d’envahir les autres et de se mettre au centre de tout ? Il m’a fallu ces propos pour comprendre tout ce qui s’était passé avant, la vraie teneur de notre relation.
Nous faisions le même métier, au même endroit, mais je la trouvais tellement plus brillante que moi que je me sentais honorée qu’elle me manifeste tant d’intérêt. Et puis, elle avait tant de malheurs, elle était tellement victime de tout, que la grosse empathique que je suis a plongé à corps perdu dans cette relation, sans percevoir qu’elle était à sens unique.
Certes, elle était au centre du monde, mais je l’en excusais au vu de ses antécédents de souffrance : enfance, famille, vie professionnelle, amours… Elle a tissé sa toile autour de moi, qui sortais d’un divorce qui m’avait laissée bien seule, en araignée experte et subtile, envahissant mon espace vital avec ma bénédiction, me téléphonant jusqu’à minuit certains soirs pour s’épancher sur ses délires amoureux et les souffrances qui en découlaient, avec des descriptions très osées de relations telles que je n’en aurais jamais. La pauvre avait tant besoin qu’on l’écoute ! Mais j’ai aussi prêté de l’argent à fonds perdu pour payer sa facture de gaz, l’ai invitée à s’immiscer dans mes vacances avec ma copine parce qu’elle n’avait pas les moyens…
Si ça a duré si longtemps, c’est sans doute que j’y ai trouvé mon compte, à tout le moins illusoirement. Toujours mon besoin d’aider les autres, de chercher l’estime de moi à travers celle des autres, besoin d’être aimée aussi. Alors oui, j’ai donné, donné, donné, sans rien attendre en retour, jusqu’à ce fameux jour où j’ai eu besoin d’un modeste retour d’ascenseur… Et elle a verbalisé sa fin de non-recevoir… Et le rideau s’est déchiré, et j’ai vu clair, enfin ! Je n’ai rien pu exprimer sur le fait : trop surprise ! Nous nous sommes quittées comme si de rien n’était pour retourner au travail. Je n’ai plus jamais décroché mon téléphone à ses appels et n’ai plus eu de contact avec elle. Mais je sais qu’elle dit encore ne pas comprendre pourquoi. Il ne manquerait plus qu’elle se sente coupable de quoi que ce soit ! En tous cas, je remercie ses nouveaux amis d’exister et d’ainsi m’avoir permis de me libérer.
J’ai beaucoup appris de cette histoire, sur moi et sur les autres. Est-ce que ce sera suffisant pour me protéger de la toxicité de certaines personnes ? La perversité peut prendre tellement de visages que ma naïveté me désigne comme une proie rêvée pour ces individus. J’ose croire que j’ai un peu plus affûté mes perceptions avec cette expérience douloureuse.

De Sylvie

Tout commença lors de la première récréation du jour de ma rentrée en cours élémentaire. Lorsque la cloche sonna, Martine Desroche, nouvelle recrue que la maîtresse venait de recommander à notre bienveillance, se plaça à côté de moi dans le rang. Ses regards latéraux furtifs ne tardèrent pas à me dévisager, puis, prenant du recul, ils détaillèrent ma tenue, scrutèrent ma silhouette, évaluèrent mon attitude. Tournant brutalement la tête d’un quart de tour, je fis face à Martine. Ses yeux très clairs, à fleur de tête, me fixèrent intensément. Les coins de ses lèvres se détendirent et se relevèrent lentement dans un sourire mécanique. Je l’entendis me demander d’une voix douce :
– Veux-tu être mon amie ?
Interloquée, j’articulai un « oui » poli alors que le soubresaut instinctif de tout mon être criait « non, une telle question ne se pose pas, à priori ».
Comme elle n’aimait pas être seule, c’est côte-à-côte que nous déambulions dans la cour. Comme elle avait manœuvré pour être assise à côté de moi en classe, nous occupions chacune un côté du même double pupitre, un peu à la façon des galériens. Comme elle aimait à commenter les événements et tenait à m’en faire profiter, elle me susurrait ses remarques à l’oreille ou me faisait passer des petits morceaux de papier quadrillé entièrement noircis d’annotations personnelles. J’en arrivais à parfaitement mémoriser les observations de ma voisine, alors que l’essentiel de la leçon m’échappait de plus en plus et que les réprimandes de la maîtresse augmentaient d’autant.
A la récréation suivante, je tentai une diversion en participant à un jeu collectif de ballon dans lequel je savais qu’elle serait reléguée dans l’équipe adverse. Le soulagement que me procura cet éloignement fut une révélation. Je déclarai tout-de-go à Martine que je n’étais plus sa copine. Ce à quoi elle répondit qu’elle en avertirait sa mère. Je me souvenais d’avoir aperçu une grande et sombre silhouette féminine claudicante accompagner Martine un soir d’hiver. Peut-être était-elle une sorcière ? Je tergiversai. La vie avait brutalement perdu tout son charme. Que faire ? Je me sentais très seule. Comment et à qui expliquer mon malaise ?
C’est lors d’une prochaine récréation qu’eut lieu l’accident. Martine décida que nous jouerions au chevalier et m’enjoignit de monter sur son dos. J’eus beau lui faire remarquer qu’elle n’était pas épaisse et que, bien que fluette j’étais toutefois assez dense. J’ajoutai que je n’avais d’ailleurs pas envie de monter sur son dos. Rien ne put la faire changer d’avis. Dès que mes pieds quittèrent le banc servant de piédestal, je sentis ma monture s’effondrer sous moi. Elle eut le bras cassé. Cet épisode dramatique me stupéfia. Allait-on ouvrir le journal télévisé du soir sur l’annonce que, dans une école d’un quartier périphérique réputé calme, une petite fille avait sauvagement brisé le bras d’une camarade en lui sautant dessus ? Les parents de Martine allaient-ils me couvrir de honte ?
Il n’en fut rien. Martine revint le lendemain avec le bras gauche plâtré. En tant que témoin, la maîtresse me fit remplir une déclaration d’accident pour les assurances. J’évitai dorénavant soigneusement Martine et me concentrai sur les leçons. La maîtresse annonça un grand changement de places dans la classe. J’étais maintenant assise à côté de Marie-Christine. Elle devint ma nouvelle amie.

De Pierre

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, c’est ainsi que Maxime percevait les contacts humains jusqu’au jour où il rencontra René, homosexuel comme lui. Leur relation dura un peu plus de deux ans. Elle fut dans un premier temps une véritable relation d’amour à la limite du fusionnel, mais elle devint rapidement insoutenable pour Maxime qui ne supportait plus le comportement égoïste et néfaste de son ami, ainsi que l’absence de partage véritable qui est la base de toute relation humaine.
Beau parleur, René savait influencer et manipuler son auditoire. Je l’avais rencontré à plusieurs reprises et à chaque fois, j’éprouvais un sentiment de gêne à son contact. J’avais prévenu mon ami Maxime qu’il y avait quelque chose de malsain chez René, quelque chose qui risquait de nuire à leur relation mais surtout à Maxime ; un peu innocent, toujours très positif, « bon public », Maxime ne voyait pas le danger venir.
Je m’appelle Paul. Maxime et moi, nous nous connaissions depuis l’adolescence et notre amitié était franche et sincère même si je n’étais pas « gay » comme lui. Maxime, comme moi, avait franchi la quarantaine, lui comme moi travaillions dans le même secteur informatique. Je connaissais bien sa famille, des gens sympathiques avec qui il était agréable de dialoguer, mais ils avaient beaucoup de mal à comprendre la relation de leur fils avec René.
Un jour, un an après le début de leur relation, Maxime et René m’invitèrent à une soirée chez des amis communs possédant une belle maison en Normandie. Beaucoup de monde, ambiance bourgeoise, la plupart des invités étaient des cadres supérieurs… Je me sentais mal à l’aise ne connaissant personne, j’étais perdu dans un milieu un peu surfait qui n’était pas le mien. René, au contraire, était comme un poisson dans l’eau cherchant à être le point focal de la soirée, faisant montre de son intelligence, de son parcours universitaire et de son MBA aux USA, à la différence de Maxime « self man made » comme j’étais moi-même, Maxime, plus à l’aise que moi mais portant un regard critique sur les uns et les autres.
A la fin du repas, René se mit à parler économie pour faire état de son intérêt pour la chose auprès de cet aéropage en vantant les mérites du néo-libéralisme, alors que la semaine précédente il se sentait pris d’amitié pour les gens de gauche et le dirigisme socialiste. Malentendant, j’avais du mal à capter les conversations qui fusaient ici et là mais j’étais, du fait de mon infirmité, sans doute protégé de la pauvreté de leurs échanges.
Six mois plus tard, soignant toujours son « ego », René se détachait progressivement de Maxime. Il rencontra un triste personnage nommé Jérémie, plus pervers et plus manipulateur que lui, qui lui proposa de vivre avec lui, de prendre la place de Maxime voire de l’éliminer physiquement. Maxime s’en rendit compte et prit peu à peu de la distance prétextant des déplacements professionnels.
Pour expliquer en partie l’attitude de René, il faut remonter à sa tendre jeunesse avec la perte de ses parents, morts dans un accident d’avion et de l’humiliation qu’il dut subir du fait de son homosexualité. Pris en charge par un oncle fortuné, René put faire des études universitaires en France et aux Etats Unis, malgré tout et trouver un emploi bien rémunéré dans une agence de communication, mais il était toujours marqué par ces blessures de jeunesse. Toujours insatisfait de lui-même, il détestait les gens et en voulait à la société. Pourquoi a-t-il pu cacher ces comportements destructeurs à Maxime, qui aurait pu lui apporter le soutien nécessaire lui qui était d’un naturel calme, « bien dans ses godasses » comme on dit ?
Plusieurs semaines plus tard, je revis pour la dernière fois Maxime et René lors d’un diner chez eux. La dégradation de la situation était évidente. L’un et l’autre devaient jeter l’éponge. Le lendemain de ce repas, j’appelai Maxime en lui faisant part de mon sentiment et en le mettant en garde face à René, manifestement toxique, capable de tout. Maxime reconnut que j’avais raison et me fit part de son acceptation d’une mission professionnelle en Afrique à la demande de son employeur ; cette opportunité tombait à pic. Maxime devait partir dans la semaine qui suivait. Je lui ai proposé de l’héberger chez moi, jusqu’à son départ en Côte d’Ivoire, car il serait plus en sécurité et il accepta.
Un accident de la route, entraînant la mort de René et de son nouveau compagnon Jérémie, mit fin à leur projet funeste d’éliminer Maxime.
Maxime revint en France une fois sa mission accomplie. Il refit sa vie avec Jonathan, un garçon comme lui, calme et gentil, aimant la vie et les gens. Ils purent adopter un petit laotien prénommé « Gladi » à qui ils purent prodiguer leur amour.
On croit bien connaître les personnes avec qui l’on vit mais chacun a son jardin secret. Ainsi se termine cette histoire en partie véridique

De Hamza

Il s’appelle ROCKY. C’est un animal errant qui a lié amitié avec un dénommé SADE. Et ce, depuis fort longtemps. Les deux amis se sont habitués à se rencontrer tous les jours sur les lieux de travail où Sade exerce le métier d’écrivain public itinérant. Pour ce faire, il a installé un petit bureau et deux chaises sur la voie publique.
C’est là que nos deux amis se rencontrent quotidiennement les matins dès 8 heures.
Rocky est le premier à arriver sur les lieux. Il est là, s’approche de son ami, explore les lieux, l’observe en le fixant et en s’approchant d’avantage. Là, Sade comprend les intentions de son chat. En effet, il a besoin d’un câlin que lui offre silencieusement Sade en le caressant. Ce qui encourage notre animal à bondir et à s’étaler sur le petit bureau. Cherchant surtout la paix et la tranquillité. Choses qu’il trouve chez son ami, avec en plus un petit repas et un verre d’eau. Il est heureux et on le sent. A tel point que tous les gens de passage en cet endroit sont fortement surpris.
Mais voilà qu’un jour notre chat était étalé de tout son long sur la table, les yeux fermés, jouissant de ce moment de repos et de paix, alors qu’un sale individu apparut. Il était gros, gras et sentait une odeur nauséabonde. Il semble infame, violent et probablement atteint de démence.
Il s’approcha du chat et dans un cri de folie, ôta sa sale casquette avec laquelle il porta un violent coup au pauvre chat, qui n’arrivait plus à croire ce qui lui arrivait. Là, hors de lui, Sade se leva, intervint et hurla à la face du malfamé en lui attribuant tous les qualificatifs.
Le pauvre chat se sauva, croyant certainement que le coup venait de son ami. Alors que dire du comportement de certains gens louches interlopes et toxiques.
Depuis lors, notre chat se méfie de tout être humain en prenant ses distances.

Tous les auteurs et toutes les autrices de cette proposition d’écriture ont supporté des personnes toxiques, du moins, leurs personnages, si ce n’est pas la réalité.

Mais, je sais que pour certaines et certains, il y a une part de vrai dans leur histoire. 

Les questions que je me pose sont: qu’est-ce qui fait que ces gens deviennent toxiques pour les autres? A quel moment ça bascule dans leur cerveau? Que s’est-il passé dans leur enfance pour qu’ils se transforment en bourreaux? 

Malheureusement, il n’y a pas assez de psychiatres pour aider ces gens-là. Ils font tellement de dégâts autour d’eux qu’on devrait les enfermer!

Bien sûr, il y a des gens plus ou moins toxiques, mais ça peut aller très loin. Cela peut être grave même pour la santé mentale des personnes de leur entourage. 

Il faut beaucoup de force pour se dégager de l’emprise de ces gens-là. Je mesure le courage qu’il m’a fallu pour me départird e cet environnement toxique et m’en sortir, tout en gardant un esprit sain … enfin, du moins, je l’espère!!!

Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine sur le blog LA PLUME DE LAURENCE pour lire de nouveaux textes tout aussi savoureux.

Je vous souhaite une belle semaine créative.

Portez-vous bien et prenez soin de vous!

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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