Vos personnages se sont raconté de sacrées histoires pour la proposition d’écriture N° 174. Parfois cancans sur les bords, parfois pessimistes, mais très observateurs, de conversations anodines en sujets polémiques, il y en a pour tous les goûts.
Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
De Louisiane
Anatomie d’une chute
J’attends le bus pour aller au cinéma MK2 Quai de Seine à la première séance de 10 heures.
J’aime commencer ma journée par un bon film. Je me suis mise au soleil de l’automne naissant. Je préfère les arrière-saisons plutôt que l’hiver ou l’été, plus dur plus cru. Des feuilles jaunes sèches et craquantes jonchent le sol, elles seront ramassées dans la journée. J’écoute d’une oreille deux vieilles biques assises sur le banc qui parlent de leurs maux. Cela m’agace.
Je m’éloigne de la lumière et de la chaleur que dispense le soleil de ce début d’automne. Le bus arrive enfin. Je file au fond pour trouver une place. Pas de chance, les deux vieilles me suivent, arrimées à leurs caddys et s’assoient face à face. Et ça continue, les genoux, le dos, les mains, l’arthrose, les médocs, le docteur machin et blablabla et blablabla … Je soupire.
A la station d’après, un homme d’environ mon âge s’assied. Je rentre un peu mes genoux. Va-t-il se mêler de leur conversation ? Le bus longe les Buttes-Chaumont dont on aperçoit la cime des arbres. Du rouge, du jaune, du vert, du pourpre se mêlent. Je ne m’en lasse pas. J’ai le souvenir de cet été où la verdure se mêlait au jaune paille des pelouses grillées par le soleil.
Mes voisines ne voient rien et continuent leur discours. « Admirez le paysage Mesdames, vous n’en avez plus pour longtemps ! » dit l’homme en souriant. Elles sont surprises un tout petit instant et reprennent de plus belle haussant les épaules. « Vous me l’avez enlevé de la bouche ! » m’adressant à lui.
Avec un large sourire il me dit : « Désolé, mais ce discours m’assomme, elles ne s’écoutent même pas ! ».
-Exactement ! Cela fait plus de vingt minutes que je les supporte. Heureusement, je descends à la prochaine !!
Ah, vous me quittez déjà ?
Je vais au cinéma.
MK2 ?
Oui, MK2 quai de Seine.
Puis-je vous accompagner ?
Si vous voulez, je vais voir « L’anatomie d’une chute ».
C’est d’actualité !
Vous parlez des feuilles n’est-ce pas … ? Il sourit.
De l’arrêt du bus au cinéma, il y a environ dix minutes de marche. Et de concert, nous badinons. J’avais déjà remarqué que je lui plaisais. Lui est bel homme. J’envie ses cheveux blancs épais et bouclés de père Noël. Il sent bon, Jickie ou Habit rouge, du Guerlain sûrement. Et ses yeux pétillants bleu délavé me plaisent. Légèrement vouté, il marche d’un pas léger, les mains dans les poches de son imperméable. Le soleil nous éblouit. Il est à l’aise et moi aussi.
Oui je vais souvent à ces deux cinémas, Quai de Seine et Quai de Loire. Et vous ?
J’habite à Gambetta près du Père-Lachaise, il y a aussi un MK2, mais les fauteuils sont plus confortables ici. J’y vais surtout quand il pleut.
Alors cet été, vous n’avez pas raté grand-chose !
Non, en effet. J’étais en randonnée dans le Vercors.
Moi, je suis restée à Paris pour affaire. Vous ne trouvez pas que le titre du film est une curieuse coïncidence ?
La chute des feuilles, vous voulez dire ?
Oui ! Je vous l’ai déjà dit.
Après le film de presque trois heures, nous avons pris un verre en terrasse au café d’à côté, et parlé du film que nous avons trouvé excellent, c’était obligé. « Ecrit dans le marbre » a –t-il dit.
Que faites-vous d’autre dans la vie ?
Des tas de choses. Je sors, je vois des amis, je vais au cinéma souvent, je lis, j’écris, je joue au tarot. Voulez-vous faire partie de mon groupe ?
Oui, pourquoi pas.
Je lui explique. « Alors à vendredi, métro Jourdain ».
Il n’est pas venu. Nostalgie.
D’Annie (proposition d’écriture N° 173)
Pépé Henri
Il jouait de l’accordéon
Et il faisait danser les foules
Surtout au moment des moissons
Quand on chante le blé qui coule
Au grenier. La joie anime
Tous les cœurs quand vient l’été.
Il jouait de l’accordéon
Et les mots tendres, chuchotés,
S’envolaient comme des soupirs.
Mon grand-père dans son sourire
Portait les espoirs de chacun
Qu’il écrivait avec des notes.
Il était célèbre mon grand-père
Il savait apporter la joie.
Il animait toutes les fêtes
Dans le village et alentours
Plusieurs kilomètres à la ronde
Bien sûr on ne voulait que lui
Pépé Henri
De Catherine M
Conversations badines
Ce que lui raconte avec force détails son amie, Anne n’en a cure.
Ce qui l’intéresse, la captive, là tout de suite, ce sont les bribes de vie ramenées vers leur table en terrasse par le vent d’automne.
Il pleut des mouettes sur la Seine.
Tiens, ce monsieur qui s’avance vers elles sans les voir, plié en trois comme un S fatigué :
– A ce soir, ma chérie, chuchote-t-il au téléphone.
L’amour durerait-il toujours ?
Et ce grand escogriffe, sorte de Y ambulant, encore en bras de chemise pour faire durer l’été, flanqué d’une mini brunette rondelette, tel un O rassasié :
– Tu ne vas pas me croire ?
– Allez, crache le morceau !
Les potins du quotidien auraient-ils encore droit de cité sur les trottoirs parisiens ?
Et ce monsieur, un B ventripotent, qui éructe en passant :
– Ta gueule, ferme-là, j’te dis !
Les silhouettes bonhommes cacheraient-elles si bien leur jeu ?
Et ce couple de quinquas courts sur pattes, un m et un n aux visages tournés ostensiblement à l’opposé l’un de l’autre, que disent-ils ? Rien. Absolument rien. Mais leur silence est tellement bruyant qu’Anne a le réflexe de se boucher les oreilles.
Son amie s’en offusque :
– Mais en fait, tu ne m’écoutes pas !
– Quoi, tu disais ?
De Roselyne
Blandin est un petit homme, disons un peu rondouillard, mais plein d’énergie. Il aime sortir tous les jours, faire sa petite balade en bord d’océan. Son plaisir s’est de remonter la promenade de la plage de La Concurrence jusqu’au Parc Franc Delmas et plus loin, encore si l’envie lui en prenait.
Mais, comme toutes les habitudes, il s’assied sur le même banc, où déjà les compagnons sont installés et qui dans le temps sont devenus plus ou moins fraternels. Ils circulent dans le petit groupe les potins du quartier. Chacun, y va de bon cœur.
Blandin, lui, finit par se détacher de la bande. Son plaisir, c’est d’observer ce qui se passe autour de lui, de capter les regards. Sont-ils tristes, heureux, bienveillants, rieurs ? Il y a, dans tout ce petit monde, les mêmes personnes qui passent avec des rituels bien à eux. Telle cette dame, qui tous les jours s’arrête au même endroit, se tourne vers le large, met ses mains en visière, et reste ainsi à scruter l’horizon. Espère-t-elle le retour du marin de son cœur ? Communie-t-elle avec un esprit connu d’elle seule ? Blandin, aime la regarder. Elle est élégante, chaque jour elle opère un changement au niveau de sa tenue vestimentaire.
Puis, il y a les improbables, comme ce jour. Ce grand énergumène qui arrive et sort de nulle part. Il marche à grandes enjambées, il a son casque vissé sur les oreilles et il chante à tue-tête une chanson de Johnny. Sa tenue vestimentaire est des plus burlesques, on dirait un clown, mais visiblement peu lui importe, il n’a pas l’air de s’occuper de ce qui se passe autour de lui.
Blandin sourit, ce grand dégingandé met de la vie et de la couleur dans le parc.
Les enfants, en cette fin de semaine, sont nombreux. Les petits trottinent auprès de leurs parents. Ils sont attirés par une feuille, un insecte. Oh, un « cagot », il me fait des guiliguilis. Oh une « cinelle ».
D’autres s’amusent avec leur skate.
Ils s’interpellent : « allez Lucas, ramène-toi à grand vitesse, fais attention à ne pas prendre un gadin ! »
Une petite fille virevolte comme une danseuse, elle est joyeuse. « Maman regarde, ce que je fais » et la petite se déploie et fait la roue comme un paon, elle éclate de rire.
Il y a les adorables bambins qui chancellent, les premiers pas sont difficiles. Ils tombent, quelques pleurs, mais ils se relèvent et recommencent.
Des ados, filles et garçons, se mêlent à la foule. Ils sont insouciants comme leur jeunesse. Ils parlent fort, ils rient ou ils sont absorbés par leur IPhone.
Blandin adore toute cette vie, cela lui fait chaud au cœur, lui amène sa joie de vivre. Il se satisfait de ces moments de nonchalance, de vie simple, peut-être de spiritualité, de ce vague à l’âme qui font le monde d’un instant. C’est sa bouffée d’air pur et de plaisir.
Blandin peut rentrer chez lui, il reviendra demain pour écouter la vie.
De Françoise V
BAVARDAGE et PAPOTAGE.
Au café de la place, Lucie est assise juste à côté d’un petit groupe d’écrivains amateurs. Elle tend l’oreille. Cette conversation n’est pas courante. Ce sont sûrement des personnes dans un atelier écriture en déplacement, pense-t-elle. Celui qui semble être le chef des quatre personnes qui l’accompagnent exprime son ressenti à la suite d’une visite au musée, juste en face du bistro. Ils ont l’air cultivé et manifestement gardent leur sérieux.
« Cette exposition sur l’Age d’Or, est véritablement une utopie du moment. L’Age d’Or est derrière nous. » Approbation générale de l’auditoire autour de la table.
« Moi, cela ne m’a pas vraiment inspiré, répond une d’entre elles. Mais je vais essayer de rédiger quelque chose. »
« Vous avez remarqué, dit une des femmes, toutes les peintures représentent des femmes nues, c’est une manière d’effacer les classes sociales, de mélanger les cultures, de mettre tout le monde au même niveau. Léon Frédéric a peint un tableau appelé « Le Soir » où deux vieillards sont habillés. Il a voulu les distinguer, les respecter, n’est-ce pas ? Il les a mis en scène tels des protecteurs, des transmetteurs. C’est une belle représentation d’une société utopiste ! Je me demande si les jeunes écoutent ceux qui ont de l’expérience, ceux qui ont quelque chose à transmettre ?
« J’ai été attirée par cette toile car la peinture est belle, délicate, contrastée et pleine de couleurs chaudes…et puis c’est interrogatif, toutes ces personnes nues et ces deux vieillards habillés. Ce tableau éclaire la pièce de la salle d’exposition. On ne peut pas rester indifférent devant une telle oeuvre. »
– « Oui, je pense comme toi. C’est vraiment une utopie, cette scène… cela nous interroge sur l’idéal d’une société… » répond, la femme en face d’elle.
Puis un silence s’installe, et chaque personne se penche sur sa feuille blanche pour rédiger quelque chose. Puis, chacun lit ses écrits discrètement.
Lucie n’entend pas tout, le bruit de la rue masque le son de leur voix. Elle relâche son attention auditive et continue à les observer discrètement. Leur lecture est terminée.
Puis une des personnes change la conversation en répondant à celui qui lui demande « On ne te voit plus guère en ce moment, toujours partie sur les quatre chemins ? »
« Ah ! sourit-elle, je randonne beaucoup et je travaille à la Croix Rouge dorénavant. Je suis bénévole, je me suis impliquée sur des tâches administratives. »
Surpris, le chef de groupe réagit. Il ouvre de grands yeux en posant ses avant-bras sur la table comme pour se rapprocher d’elle.
« Non, c’est pas vrai ! Mais t’es toujours partie quelque part ? »
« Eh oui, il faut que je rencontre du monde, beaucoup de monde pour maintenir mon moral. Tu sais, je n’ai pas de famille sur place… et mes enfants… je ne les vois presque plus. »
« Ah, et pourquoi ? » Silence de plomb. La femme n’arrive pas à sortir ses mots apparemment. Elle met un certain temps à répondre.
« Mon mari est en désaccord avec sa belle-fille et son fils. Il n’arrive pas à transmettre son savoir et à se faire comprendre. Quelle génération ! Tu vois, c’est l’opposé de ce qui transparaît à travers le tableau de Léon Frédéric au XIX siècle. Les vieux ne peuvent plus transmettre, ce sont les jeunes qui veulent tout inventer, sans s’occuper du passé de leurs parents. Du coup, je ne vois plus personne et les liens sont tendus. J’en subis les conséquences. C’est très lourd pour moi. Pour surmonter mon chagrin, je deviens hyperactive et je recherche la compagnie.
« Du coup, tu ne prends plus le temps d’écrire ? »
« En effet, c’est compliqué, mais je continue à écrire quelques poèmes… tout cela va s’équilibrer un jour… cependant ma plume me démange… et j’écris la nuit de temps en temps ».
Au même moment, un chien sort du café avec son maître. En passant à côté de cette femme chagrinée, il vient se blottir contre elle …
Lucie doit quitter le bistrot car elle a un rendez-vous. Elle aurait bien aimé connaître la suite de cette histoire de famille… Cette femme l’a émue, et le chien aussi.
De Claudine
Confidences
Comme chaque midi, Manon se dirige vers le Jardin des Plantes pour y manger le repas qu’elle a préparé dans son petit studio. Les restos sont trop chers pour sa bourse d’étudiante et en plus, elle aime ce lieu où elle côtoie petits et grands, de loin. Elle s’assoit toujours sur le banc proche du plan d’eau, celui où les canards et les cygnes glissent harmonieusement. L’été, de grands arbres feuillus lui apportent la fraîcheur bienvenue.
A cette heure, il y a peu de monde, elle est tranquille ; ça la change du bruissement de la fac.
Ce jour-là, une personne âgée est assise sur le banc très proche du sien.
Elle regarde, elle aussi, les volatiles et leur lance des petits morceaux de pain. Est-elle heureuse ? Difficile à dire, son visage est marqué par les ans, avec des rides qui la rendent sympathique. Mais qui dénotent une certaine tristesse.
Manon, occupée par son repas et pensant à ses cours de l’après-midi, ne voit pas arriver une autre femme, presqu’aussi âgée.
-Josette, quelle surprise ! Je croyais que tu n’habitais plus Angers.
-Je suis revenue récemment pour me rapprocher de mes enfants.
-Que deviens-tu depuis tout ce temps ? lui demande celle qui se prénomme Jeanne.
-Et toi, toujours aussi occupée ?
-Moins désormais. Mais j’essaie de garder le cap.
-Tout comme moi dit Josette. Je m’occupe de mes petits-enfants pour ne pas sombrer.
-Raconte, lui demande sa copine de banc.
-C’est tout une histoire, une belle histoire. Après le décès de Jean que tu as bien connu, je me suis retrouvée seule avec mes trois enfants. Ils sont bien vite partis du nid, chacun faisant sa vie, c’est normal. A la retraite, j’ai fait une petite dépression et mon médecin m’a conseillé de sortir à nouveau. Seule, ce n’était pas mon habitude, alors l’une de mes filles m’a suggéré de m’inscrire sur un site de rencontres.
Toi sur un site de rencontres ? dit Jeanne en haussant le ton de surprise.
Manon, à cet instant, se tourne vers les deux amies ; pas par curiosité, non, mais pas intérêt, elle prépare psycho et l’humain est son quotidien.
-Oui, répond Josette
-Dis-moi, si tu le veux bien !
-Nous avons correspondu quelques temps par internet, Georges et moi. Et un jour, nous nous sommes donné rendez-vous dans un square à Paris. Dès qu’il a poussé la petite porte en métal, j’ai su que c’était lui. Il avait, comme convenu, une rose rouge ; oui, je sais, ça fait un peu cul cul, mais il y tenait pour me l’offrir ensuite. Comme il faisait froid, nous sommes allés dans un café. Le courant est passé naturellement entre nous ; nous avions des points communs qui nous rapprochaient. Nous sommes sortis plusieurs fois ensemble, au grand plaisir de nos enfants respectifs. Je suis tombée amoureuse, lui aussi. Si tu savais le bien fou que ça fait. Nous en riions ensemble en nous disant qu’à nos âges, c’était un don du ciel. Nous étions comme deux ados qui découvrent la vie. Tu te rends compte à 68 et 70 ans ? Un jour, il m’a demandé en mariage, ce qui m’a surprise. Mais il y tenait, pour que je sois à l’abri du besoin, s’il lui arrivait quelque chose, disait-il. Six mois après, nous étions mariés. Notre amour a duré sept ans. Sept ans d’un bonheur sans nuage. A nos âges, il n’était pas question de querelles, de brouilles, la vie est trop courte pour des chamailleries.
La maladie vient de nous séparer, j’ai à présent 75 ans et lui venait d’en avoir 77. Il n’y a pas d’âge pour l’amour et il restera mon étoile, ma lumière.
Un grand silence suit le récit de Josette ; l’émotion est palpable et Manon ressent ces instants avec respect.
-Et toi ma Jeanne, qu’as-tu fait depuis que tu as quitté la France pendant quelques années ?
-Mon parcours est un peu différent du tien, mais j’ai aussi rencontré l’amour. Mon histoire est aussi très triste. Je vais avoir 72 ans. Jusqu’à 65 ans, j’étais belle et je ne faisais pas mon âge. Comme tu le sais, mon mari était officier de marine, donc très souvent absent. J’ai un jour rencontré un homme de 15 ans de moins que moi. Ce fut une évidence, un coup de foudre, comme l’on dit. Cela a été féérique et nous avons passé six mois merveilleux, nous retrouvant le plus souvent possible. Il était tendre et affectueux, tout le contraire de Jean Pierre. Je revivais, tout en étant réaliste. Mes enfants ne savaient rien de mon histoire. De toute façon, elle m’appartenait, elle nous appartenait. Et puis un jour, il a dû repartir définitivement dans son pays, l’Espagne où il est médecin. Moi, j’ai rejoint Jean-Pierre à l’étranger. Je savais dès le départ que c’était un amour impossible. Nous le savions tous les deux, mais nous avons décidé de vivre notre amour en totale harmonie. La séparation a été un déchirement. J’ai fait une dépression moi aussi, j’ai perdu 8 kilos, j’ai perdu ma joie de vivre. Mon chagrin est toujours vivace 5 ans après. J’ai vieilli de 10 ans, j’essaie de rebondir en me remettant à l’écriture, à la peinture. Mais la tristesse est là. C’est terrible de penser qu’il n’est plus là, qu’il est en vie, mais il n’est plus là. Continuer ma vie sans lui. Comme pour toi, c’est un deuil ; un deuil secret.
-Tu pourrais le revoir, lui dit Josette.
-A quoi bon, il a dû faire sa vie et surtout, je ne veux pas qu’il me voit moins belle.
Manon se lève de son banc, c’est l’heure de retourner à ses cours. Elle fait un grand sourire à Jeanne et Josette. Elle est chamboulée par ce qu’elle vient t’entendre. Elle ne verra plus jamais les personnes dites âgées de la même façon. Oui, pense t’elle, il n’y a pas d’âge pour aimer. Et pour souffrir ! Elle est bien déterminée à réussir ce que le destin mettra sur son chemin.
De Lisa
Inspiré de la chanson de « Les Bleus du lendemain » de C.Jerôme
Assis sur un banc de la gare
Il attend tout simplement le départ
Du monde qui quitte son chemin pour le travail
Il ne reste après plus rien
Juste cette place et le souvenirs des passages
Devenus son oxygène pour éviter de quitter la Terre
Avec son saxophone pour le blues
Ses heures de jazz pour mettre l’ambiance
Il ne veut pas qu’à son départ d’une statue à sa mémoire
Il veut partir comme une poussière
Et pas être une gêne pour la société infidèle
Mais qu’est-ce que le futur lui propose ?
Juste le sourire des autres
Des matins un peu chaude
Après des nuits dans les doutes
Pas de besoin du social des autres
Faut juste lui parler quelques instants
Pour lui redonner le souffle
Pour oublier les tristes moments
Pour éviter de tomber dans l’obscurité
Il écoute les conversations des gens passés
Il les observe pour avoir l’impression d’une famille
Et que le temps passe plus vite
Alors il ne veut pas pleurer le départ de sa femme
Il veut conjuguer le verbe aimer tous les soirs
Il veut encore y croire à leur flamme
Aucune place pour d’autres âmes
Il ne veut pas qu’à son départ d’une statue à sa mémoire
Il veut partir comme une poussière
Et pas être une gêne pour la société infidèle
Mais qu’est-ce que le futur lui propose ?
Juste le sourire des autres
Des matins un peu chaude
Après des nuits dans les doutes
Pas de besoin du social des autres
Faut juste lui parler quelques instants
Pour lui redonner le souffle
Pour oublier les tristes moments
De Francis
Papotages
Très souvent, le lundi après-midi, John assiste à une séance de cinéma. Citoyen lambda, la solitude lui pèse. Pour la contrer, il est devenu plus observateur, plus à l’écoute, plus sensible au monde qui l’entoure.
Ce jour-là, lorsqu’il arrive, la salle est vide. Il choisit un fauteuil bien au centre. Petit à petit, les spectateurs arrivent seuls ou en groupes et voici quatre femmes (un quarteron, si……..le Général l’a dit cf. avril 1961) qui vient s’installer derrière lui. Ces femmes semblent être d’anciennes amies qui ne se sont pas vues depuis longtemps. Elles sont complètement absorbées par leur discussion. John commence à craindre que leur bavardage ne perturbe la séance. Il prévoit un plan de repli. Il décide de tuer le temps en écoutant discrètement leur conversation et en essayant de deviner qui parle.
Il n’a pas pu entendre le début de la conversation mais il comprend qu’il s’agit des petits-enfants qui ne quittent jamais leur portable. Hier soir à table, il a fallu l’intervention de leur père pour que l’un d’eux participe au repas. Aujourd’hui, il faut qu’ils soient connectés sinon ils n’existent plus. C’est la dame aux cheveux blonds cendrés qui parle mais comment en être sûr ?
Enchaînement direct sur les réseaux sociaux par une des quatre copines. Les jeunes y sont devenus addictifs. C’est une catastrophe, ces réseaux sociaux, les parents ne savent plus quoi faire. Ce qui me fait rire c’est le mot « sociaux », compte tenu de ce qui s’y dit et la nature négative de l’utilisation du terme. Ils se disent tout et n’importe quoi et pas que des gentillesses. Où se trouve le social dans ces réseaux ? ajoute l’une d’elle. Quand on voit l’importance qu’a pris le harcèlement scolaire et les conséquences sur la jeunesse ! De notre temps, le harcèlement existait aussi, je me rappelle Sophie, une petite rousse, la petite Sophie, pleine de taches de rousseur, la pauvre, qu’est-ce qu’elle a pris, mais ce n’était rien si l’on en croit les sujets d’aujourd’hui : sexe, taille, poids et j’en passe. Il serait temps que les Responsables de nos jeunes trouvent une solution. John voit, dans cette réflexion, sa voisine de derrière qui porte des lunettes d’écailles.
J’ai envie d’un chou à la crème, un gros gâteau plein de crème, on pourrait passer à la pâtisserie après la séance. Dites oui. On fera le régime de la publicité de la télévision, s’il le faut. Ça, c’est la dame qui semble n’avoir aucun complexe sur son allure. Elle est en robe d’été avec une veste rose. Je suis sûr de ne pas me tromper, pense John.
Il y en a une qui renchérit en parlant des programmes de télé. C’est de pire en pire, déprimant. La guerre, la politique, le dérèglement climatique j’en suis saturée, j’en avais plus que marre que l’on parle du COVID, fatiguée de voir et d’écouter le discours de l’élite de la science médicale qui est venu nous dire tous le jours qu’ils savaient ou qu’ils ne savaient pas.
Ils ne peuvent s’empêcher de parler des mœurs actuels. Pourquoi est-il nécessaire de mentionner ces sujets en permanence ? Pas un jour où l’on ne voit pas un couple d’homosexuels s’exhiber sur l’écran, sans oublier les LGBT les BIS, les TRANS, j’en passe et des meilleurs. On a beau essayer de se mettre au goût du jour, d’évoluer dans nos mentalités, mais c’est lassant, si cela doit être normal, pourquoi en faire mention à tout moment ? Ça me fatigue autant que la publicité omniprésente. Il n’y a plus rien d’intéressant et je ne vous parle pas des rediffusions.
John n’en croit pas ses oreilles. Il capitule pour savoir qui a parlé. En tout cas, il y a approbation générale.
Et ça continue.
Vous savez, les copines qu’il existe un très bon cours de remise en forme, j’aimerais essayer. Qui pourrait être intéressée ? Cette proposition n’a pas un grand succès. La motivation n’y est pas, rappel d’expériences avortées mais aussi de remarques de mauvaise foi. Pourquoi succomber à la mode d’autant plus que pour en revenir à la télé les émissions nous rebattent les oreilles sur le paraître ?
La lumière de la salle s’éteint, le ton des conversation faiblit, John a bon espoir de regarder le film dans le silence. Ça se confirme, tout est calme et silencieux, quelques rires diffus, rien de plus.
Politique, bien-être, réseaux sociaux, réchauffement climatique, beaucoup de sujets ont été abordés par ces dames. Ils auraient plus être plus nombreux, mais le temps a manqué.
John rentrera chez lui seul. La compagnie extérieure ne lui est pas indifférente, mais depuis le départ de son épouse, il a pris le parti de vivre dans le silence, avec ses souvenirs.
De Jean-Claude
-Tiens, quelle rencontre, toi Henri ! qui traversait le parc pour aller à l’atelier.
-Que fais-tu là, mon ami ? lui demandai je, m’inquiétant de l’état dans lequel je le trouvais. Assis sur un banc délabré dans ce parc, le visage blême, une cigarette éteinte pendouillant à ses lèvres, il avait l’air d’avoir traversé une tempête intérieure en plein été.
Il tourna lentement la tête vers moi, ses yeux semblant refléter toute la détresse du monde. Dans la prononciation de chaque mot, je percevais une profonde tristesse.
-C’était inévitable, murmura-t-il à peine avec des mots tout juste audibles. Elle m’a quitté cette garce de femme, elle en a eu assez de moi, à m’entendre gueuler dans la maison, et de mon affreux penchant pour l’alcool qu’est le pastis, le pinard, qui sont devenus mes meilleurs copains. Toi Jacques, qui n’a jamais bu, tu dois comprendre que j’essaie de l’oublier, de noyer ma vie terne et insignifiante dans l’alcool.
Je m’assis à côté de lui, le regardant avec compassion. J’avais toujours su que la relation entre lui et son addiction était compliquée, mais je n’avais jamais imaginé que cela pourrait le mener à agir ainsi. Je commençai doucement à lui parler.
-Henri, il est temps de prendre un nouveau départ. L’alcool ne peut pas remplir le vide laissé par cette rupture. Il est temps de te redécouvrir, de trouver ce qui te rend heureux sans avoir besoin de la bouteille.
Il baissa les yeux, fixant le sol de ses yeux vitreux.
-Mais que puis-je faire ? Ma vie semble si fade, si dénuée d’intérêt.
Je posai ma main sur son épaule, lui faisant sentir ma présence.
-Il y a tant de choses que tu peux découvrir, tant de passions à explorer, tant d’amis à rencontrer. Tu as le potentiel de changer ta vie en mieux. Mais, cela commence par l’acceptation de ton problème, par le rejet de l’alcool comme béquille. Nous sommes là pour t’aider, mon ami, pour te soutenir dans ce voyage vers la sobriété et le renouveau. Entends-tu les propos des uns, des autres dans ce parc quand ils te voient dans cette condition ! Sinon, au moins entends-tu les oiseaux ?
Il baissa la tête, comme si le poids des regards et des jugements était tangible.
-Oui, souffla-t-il. J’entends les chuchotements, les murmures empreints de pitié ou de dégoût. Je suis conscient que je suis devenu une sorte de spectacle pour les autres, une représentation triste d’un homme en lutte contre lui-même.
Il leva les yeux vers moi, une lueur d’espoir commençant à briller dans ses yeux fatigués. -Peut-être as-tu raison, dit-il timidement. Peut-être est-il temps de dire au revoir à cette vieille habitude destructrice et de chercher quelque chose de plus dans la vie.
-Voilà, une bonne résolution.
Nous nous levâmes du banc ensemble, prêts à affronter l’avenir. La route serait difficile, mais avec de l’amitié, du soutien et la volonté de changer, il avait toutes les chances de trouver un chemin vers une vie plus épanouissante, loin de l’alcool et de la tristesse qui l’avaient tourmenté.
Je pris une profonde inspiration, voulant lui offrir un peu de réconfort.
-Mais tu sais, même dans ce parc, même dans cette situation, il y a des petits moments de beauté. Les oiseaux qui chantent, par exemple. Ils n’ont pas de jugement sur nous, ils chantent simplement leur chanson, insouciants du reste du monde. Peut-être, à travers eux, on peut trouver un peu de paix, un peu d’inspiration.
Il releva les yeux, cherchant quelque chose d’apaisant dans mon regard.
-Peut-être as-tu raison, dit-il doucement. Peut-être devrais-je écouter les oiseaux, attendre ces petits moments de calme et d’harmonie.
Nous nous assîmes de nouveau.
-Restons amis, lui dis-je ! Observons les passants, écoutons les chants mélodieux des oiseaux qui animent le parc.
Un doux sourire apparut sur le visage de mon ami, et pour la première fois depuis longtemps, je vis un peu d’espoir dans ses yeux. J’étais certain que ma présence à ses côtés ne pouvait qu’être bénéfique pour lui. Il allait vers une guérison et un renouveau.
D’Isabelle
Louise la fouine
La vieillesse, certes, à de nombreux inconvénients mais elle présente aussi de nombreux avantages. Comme, par exemple, celui de pouvoir se mouvoir dans l’espace public sans jamais être remarqué, être à l’affut des conversations des gens, sans jamais paraître indiscret.
Louise était la « petite vieille » parfaite, habillée de noir, légèrement voutée, coiffée d’un vieux Bibi prune, à la voilette limée. Elle aimait jouer de ce personnage ! Elle se savait invisible et cela lui permettait bien des importunités. Ce qu’elle aimait par-dessus tout, était les après-midi au parc. Posée sur un banc, fondue dans le paysage, elle délectait les tranches de vies furtives des passants. Elle attrapait au vol les paroles et compatissait, se passionnait pour la chute ou bien se moquait !
-Mais Mamaaaan ! Regarde ! Ma-man, Ma-man, Ma-man, pim-pon, pim-pon…
-Bon, okay, j’te laisse, Marius s’impatiente, oui, oui au parc, bah non, c’est mercredi ! Voilà…Merci, à dem… Oui la conf-call est à 16 heures…Oui, 16h00, bon il faut vraiment que je te laisse…Oui, allez tcho ! Bravo mon chéri, tu es… Attends, il faut que je réponde mais je te regarde en même temps ! Oui, allo ! Oui ! Je t’entends… Non mais c’est le PDG himself qui l’a déplacée à 16h00… J’en sais rien, ça devait l’arranger ! La propal ? Bin, tu devais t’en occuper! Ah, oui, je comprends mais heu…Non, je travaille pas le mercredi ! Je suis au parc avec mon fils là, et si toute la boîte m’appelle, il sert à quoi mon temps partiel ? Bin, je sais pas moi, vois avec Flo, okay ! Tcho, à demain. Pfuu ! Casse-pieds celui-là ! Non, pas toi mon chéri ! Allez viens, on va goûter !
-Non, au début ça allait bien et puis ça a commencé à changer à la naissance de Jade…
-Oui, ç’arrive souvent et vous avez essayé de…
-Bon, les filles là, on fait quoi ?
-Quoicoubeh !
-Non, mais t’es sérieuse, là ? On dirait une 2010 !
-Héhé, je reste jeune, moi ! C’est ça, la secla !
-Non, mais elle a trop pris la confiance, elle ! Allez, on bouge ! Y’a que des vieux, des chiens et des gosses ici, c’est limite malaisant…
-Eh oui ! C’est mercredi et ce soir… C’est #raviolis !
-Hahaha ! T’es trop nulle meuf, Allez ! Mais bouge ton boule !
Okay, okay mais on va où ?
Ouganda, Ouzbékistan, Oural… Oulalalala elle râle…
-WAF ! WAF! WAF !
-Coyote ! J’ai dit aux pieds ! Pardon, Madame… Non de non ! Mais viens ici !
-Mesdames et Messieurs, nous arrivons sur la place centrale du parc, la roseraie est à droite de cette allée et les chênes centenaires forment naturellement cette clairière où nous sommes, approchez ! Approchez ! La statue que vous voyez-là, est une statue originale d’Antoine-Louis Braye, elle a été entièrement rénovée en 1992, nous allons maintenant prendre l’allée des hortensias, juste là, suivez-moi…
-Comment ça, t’as pas pris du pain ?! Bah, tu avais dit que… Bon d’accord…
Le problème en France c’est les charges, ils l’ont dit à la télé !
Hou, bin si y’avais que les charges encore ! Mais main’nan avec leur réchauffement, là… Pfuu
Le réchauffement, c’est bon pour l’arthrose mais pas pour le palpitant ! Remarque, au moins, on crèvera tous en même temps !
Ça fera un bel enterrement, tiens ! Mais tu crèveras avant moi, j’irai à tes obsèques !
-T’as toujours été un fanfaron ! C’est moi qui jetterai des fleurs sur ton cercueil ! Enfin, si je suis bien lunée…
-T’as vu ? N’empêche MBappé, il n’aurait jamais raté le péno, non mais c’est nimp maintenant…
-Ouais mais bon, c’est le PSG, quoi ! What do you expect ?!
-Moi, mon papa il est plus fort que les pompiers !
Eh, bin, non, d’abord c’est le mien pasqu’il est plus fort que les gendarmes !
-Eh, bin mon papy il a un fusil et même qu’il peut …
-Oh mais j’adooore le cinéma asiatique, d’ailleurs le Lion d’Or cette année… Non, la Palme d’Or c’est à Cannes, oui une femme, oui, mais je te parle de la Mostra, c’est quand même un cran au-dessus ! Tu viendras à la première du dernier Miyazaki ? Oui, je passerai prendre Marie-Charlotte aussi…
Le soleil passait derrière la colline et Louise se décidait à rentrer. Elle en avait assez entendu pour la journée !
Jean l’attendait dans la cuisine. Il aimait le regard malicieux de fouine que Louise arborait après une bonne journée. Comme chaque soir, il vint aux nouvelles :
-Alors, quoi de neuf ?
-Rien, c’est mercredi, toujours les mêmes histoires… La guide s’est encore plantée sur Barye! Elle n’y arrivera jamais, c’est pourtant simple… Ha ! Si un nouveau truc !
-Quoi ?
-Quoicoubeh !
De Dominique
Toujours l’amour
Assis sur un banc, Laurent regardait les gens passer. Il poussait parfois de longs soupirs. Le bonheur lui paraissait si loin. Elle l’avait quitté en lui disant qu’elle avait « apprécié », oui, « apprécié » ces moments passés auprès de lui ». Ne l’avait-elle donc jamais aimé ? ».
Il regardait les enfants courir et rire aux côtés de leurs parents ; les couples enlacés qui marchaient du même pas ; les chiens allaient à la même allure que leur maître. Parfois, il levait le regard, apercevant un écureuil qui jouait à cache-cache dans les arbres. Il appréciait la douceur du printemps mais sentait les larmes piquer ses yeux et son nez.
« Il avait trente ans, que diable ! ». Il avait encore de beaux jours devant lui, mais elle, partie, sa vie lui semblait fade et assis là, il lui semblait que le monde, indifférent à son chagrin, l’avait aussi abandonné et qu’il était comme ces arbres sans feuille, qui ne donnent plus aucun fruit, qui font partie du paysage et que personne ne voit plus. Mais heureusement, la vie n’est pas toujours aussi cruelle qu’on pourrait le croire. Une jeune fille s’approcha du banc où il était. Elle était fort chargée d’un gros paquet de livres. Laurent se leva, et, en homme galant, aida Mathilda (oui maintenant il connaissait son prénom) à poser les ouvrages sur la banquette …. Il la regarda, intimidé.
Depuis, chaque matin, Laurent et Mathilda se retrouvent sur LEUR banc. Mathilda emmène un Thermos et des petits gâteaux et ils refont le monde avant de repartir au travail.
De Saxof
A croquer
08h45, c’est l’heure, se dit Maximilien. Le temps est doux, il prend sa veste sous le bras, sa sacoche avec ses papiers, un crayon et son carnet habituel.
Maximilien aime se rendre sur la terrasse de son café favori, là où les serveurs et le patron sont devenus presque des amis depuis si longtemps qu’ils se côtoient. Il y passe toute la matinée de chaque vendredi et samedi. Il adore croquer, de son crayons gris gras, les attitudes et les expressions des gens qui défilent pour s’asseoir de quelques minutes à une 1/2 heure, devant un café-croissant, ou autre liquide chaud tels chocolat ou thé. Certains commencent le matin avec une bière, Maximilien préfère son capuccino accompagné d’une 1/2 baguette beurrée.
Des rires fusent, des signes de la main s’agitent. Il se dit que c’est un vrai bonheur de se plonger dans un morceau du cycle de la vie des autres. Il se sent bien. Alors qu’il dessine, une dame dans la cinquantaine, assise sur sa droite, explique à une amie ce qui lui est arrivé la vieille.
-J’ai failli cliquer sur un lien concernant une majoration d’amende qu’il me semble ne jamais avoir reçue. Ouf, j’ai été guidée pour ne pas répondre à cette arnaque.
– Oui, il faut être très vigilant aujourd’hui, répondit l’autre dame. Moi, c’était pour des soi-disant remboursements d’impôts. Une jolie somme, mais je devais confirmer mes coordonnées et mon numéro de carte bancaire au complet. Heureusement, mon fils me prévient toujours sur le fonctionnement de ces truands. Il paraît que maintenant ils mettent de faux PV sur les pare-brise avec paiement immédiat par code barre. Il faut vraiment rester sur ses gardes.
Les oreilles de Maximilien se sont ensuite tournées vers un couple qui réfléchissait sur le choix de leur destination pour le weekend prochain. Il semblerait que le weekend libre en commun ne se présente pas souvent et qu’ils doivent jongler pour passer du temps de plaisir ensemble. Ils voudraient visiter Prague.
Une voix autoritaire très jeune interpelle Maximilien. C’est une petite fille de 8/9 ans, qui a du mal à reprendre son souffle tant elle parle vite et avec une colère passion. Elle raconte à sa mamie que sa maîtresse est malade et qu’elle est triste parce qu’elle ne verra pas Gabriel pendant quatre jours.
-Tu te rends compte, pas avant mardi, mais c’est mon amoureux, mamie, il est tellement gentil. Il m’aide pour l’arithmétique, il me défend contre ceux qui m’agacent. Il va me manquer.
Devant le regard aimant de sa grand-mère, Maximilien la trouve si jolie cette enfant avec ses boucles dorées et ses yeux bleus, il ne peut que la dessiner en prévision d’une peinture.
Une discussion animée se déroule devant lui. Un homme n’est pas d’accord sur la monnaie que lui tend le garçon en noir et blanc qui l’avait servi quelques minutes plus tôt. Le ton s’envenime jusqu’à ce que le serveur finisse par lui tendre un billet de 10€ supplémentaire d’un œil courroucé, pour clore le débat houleux, avec ce regard d’avoir été pris pour un pigeon.
Les yeux de l’artiste se tourne vers un couple très sexy qui marche dans sa direction, en se donnant la main et en se dévorant des yeux entre deux baisers. Il se parlent à demi-mots sans que l’on comprenne.
Il regarde sa montre, paye et file car Gustavio arrivera dans trente minutes pour partir à la pêche et il n’a encore rien préparé. Nous allons encore raconter des blagues et des histoires people tous les deux, pense Maximilien en souriant.
De Sandra
Venez-vous assoir, cher ami !
Mon banc est très invitant, propre, toujours prêt à vous accueillir.
Étant donné que je suis un ancien siège de Cadillac, qui est rattaché à un cabanon, c’est plutôt remarquable.
D’autant plus que j’attire le regard des gens par mes dorures ornées et ma couleur rouge.
Il y a toutes sortes de gens qui viennent jaser sur moi.
Pour certains, c’est le silence, respirer le bon air, évacuer le stress accumulé en admirant le décor et les couleurs de la saison, en d’autres mots faire le plein d’énergie.
Les plus fréquents sont des itinérants, des vagabonds. Parfois, ce sont des gens bien, mais d’autres fois, ils font la fête jusqu’au petit matin.
Mes préférés sont les amoureux et ils sont nombreux à s’enlacer sur mon banc.
En affirmant leurs amours avec de petits mots doux, tout en prenant bien soin de les emballer dans de la soie.
Malheureusement, les histoires d’amour ne finissent pas toujours bien.
Il y a des cœurs brisés ainsi que des familles déchirées.
Des cris, des pleurs, des découragements qui sont très durs à vivre.
De Laura
C’était une de ces chaudes après-midi d’été. La ville était désertée de ses habitants et cela lui plaisait. Au retour de son travail, Philippe alla s’installer à la terrasse inhabituellement peu fréquentée de son troquet préféré. Il aimait y siroter un Perrier tranche tout en regardant les passants : il aimait s’imaginer la vie des gens. A l’occasion, il entamait une conversation avec d’autres clients, de parfaits inconnus. Autour d’une bière, les langues se délient, autour d’un café, on se raconte. Lieu de brassage, se côtoient étudiants, cadres, ouvriers, chômeurs, retraités…
Il s’installa à une table, non loin d’une jeune fille assise seule. Son regard croisa le sien car il se sentait observé. Elle allait se lever de son siège tout en le dévisageant, l’air inquiet. Il y détecta un regard interrogateur. Elle se rassit en baissant les yeux. Peut-être attendait-elle quelqu’un et s’était-elle trompée ? Ses cheveux longs et roux réverbéraient la lumière du soleil. Il lui donnait entre 20 et 25 ans, de jolis yeux verts en amande mis en valeur par un trait d’eyeliner discret. Elle alluma une cigarette, sans doute pour étouffer un stress qu’il sentait palpable.
Un homme d’une cinquantaine d’années s’approcha de la terrasse, hésita, scruta les clients comme s’il recherchait quelqu’un et se dirigea vers ma voisine qui se leva brusquement, faisant presque tomber sa chaise. Les cheveux bouclés, poivre et sel, la silhouette svelte, grand, c’était encore un très bel homme.
– Bonjour, tu es Sarah, n’est-ce pas ? dit-il.
– Oui. Bonjour, Pierre ? répondit-elle
– Oui, c’est bien moi… dit-il avec un large sourire. Enchanté de faire ta connaissance. On s’assoit ?
– D’accord.
Je pensai immédiatement que ces deux-là s’étaient connus sur une application de rencontre. L’été était propice à ce genre de rendez-vous et ce n’était pas là première fois qu’il était témoin de ces premières rencontres. Cela expliquait aussi la nervosité de la jeune femme. Ça l’amusait beaucoup d’observer les ravissements ou déceptions, les jeux de séduction qui s’opéraient. Mais cette fois, il eut une pensée désagréable en remarquant la grande différence d’âge qui les séparait.
– Qu’est-ce que tu veux commander ? lui demanda-t-il.
– Je prendrai un café.
– Au fait, ça ne te dérange pas si je te tutoie ?
– Non, ça va, répondit-elle.
– Bon, engagea-t-il. Je suis très heureux que tu m’aies contacté, tu sais. Pour être honnête, je ne m’y attendais pas du tout.
– …
– Je suis prêt à répondre à toutes tes questions tu sais. Et j’aimerais beaucoup apprendre à te connaître aussi. Merci de m’avoir invité sur Facebook. Ça m’a permis de te découvrir un peu, même si ça ne remplace pas de vraies rencontres… Tu fais de très belles photos. Tu t’intéresses à la photo, moi aussi tu sais. Je fais de l’argentique. Des portraits, des paysages… J’ai beaucoup aimé ta série sur les bateaux, celle que tu as prise au festival des vieux Gréements de Paimpol, tu as un œil aiguisé ! Je vois aussi que tu as beaucoup d’amis, tu sembles avoir une vie sociale riche, n’est-ce pas ?
– Pourquoi tu n’as jamais essayé de me retrouver ? lança-t-elle sur un ton sec, qui tranchait avec la jovialité de son compagnon de table.
– Et bien… tu sais, la vie n’est pas si simple… dit-il en se raclant la gorge. Mais elle ne le laissa pas finir.
– Oui, ne me la fais pas à moi s’il te plaît ! ‘La vie n’est pas facile, et c’est pas de ma faute, et patati et patata…’ C’est jamais de votre faute à vous de toute façon ! s’emporta-t-elle.
Philippe fut saisi par ce changement de tournure. Ça tournait au vinaigre cette histoire et il n’était plus aussi certain de la teneur de leur relation. Etait-ce plutôt un ex qui l’aurait lâchement quitté quelques années auparavant ?
– Tu as entièrement raison, Sarah, reprit-il après une pause.
Elle ralluma une cigarette nerveusement et happa une grande bouffée. L’homme avait maintenant quitté le dossier de sa chaise et avait les avant-bras qui reposaient maintenant sur la table, la tête dans les épaules, tenant sa tasse qu’il fixait entre ses deux mains.
– Je suis sincèrement très heureux que tu m’aies contacté, je me répète.
– Pourquoi t’es parti ? Pourquoi tu n’as jamais essayé de me retrouver ? Je ne comptais donc pour rien à tes yeux ? Tu t’en fichais complètement de moi ?
– Je ne suis pas parti de mon plein gré, tu sais. C’est ta mère qui l’a décidé.
Philippe ressentit presque de la gêne d’être témoin de cette conversation, soudainement honteux de sa curiosité. Il aurait voulu leur laisser ce moment d’intimité. Lui qui pensait se changer les idées en attrapant au vol des bribes de conversations légères, ne s’attendait pas à être spectateur de retrouvailles entre un père et sa fille de 20 ans. Ils poursuivirent leur conversation comme si rien ni personne n’existait autour d’eux, ne prêtant surtout pas attention à Philippe. Il ne put s’empêcher de leur jeter un regard, cette fois empli de compassion.
-Elle ne te l’as pas dit ? Apparemment, non… Quand elle a su qu’elle t’attendait, elle a décidé de m’effacer de sa vie. J’ai voulu faire valoir mes droits, te reconnaître, avoir un droit de visite, même si ç’avait été peu, mais sache que je voulais tenir une place dans ta vie. Mais tu sais ô combien ta mère est déterminée et…redoutable… Elle a tout mis en œuvre pour m’éloigner, jusqu’à faire de fausses déclarations à la police, dit-il en marquant un silence.
Sarah ralluma une cigarette.
-Alors, après ta naissance, ma seule chance de te voir, c’était en cachette ! J’attendais en bas de l’immeuble, celui de la rue Cacault, que ta mère descende avec toi dans la poussette. Elle t’emmenait au parc et tu jouais là, dans le bac à sable… je me souviens, tu étais la plus mignonne des petites filles, avec tes boucles rousses… Toujours souriante, pleine d’entrain, un vrai soleil…le temps était suspendu quand je te voyais, se remémorait-il avec un sourire attendri en regardant la table, plongé dans ses souvenirs, les épaules courbées. Je t’épiais, caché, à distance. C’est comme ça que je t’ai vu grandir jusqu’à tes 4 ans. Malheureusement, je n’ai pas eu la chance de te parler, de te prendre dans mes bras, de te faire rire ou te pousser sur la balançoire jusqu’à te faire toucher les nuages… Je vivais mon amour pour toi par procuration. Puis, vous avez déménagé et j’ai perdu votre trace, continua-t-il en levant son regard vers Sarah, l’air assombri.
Sarah regardait le sol, elle contenait ses larmes, émue par ce qu’elle venait d’entendre. Sa voix était maintenant cassée, presque inaudible :
– Pourquoi elle ne voulait pas que je te connaisse ? Tu lui as fait du mal ?
– Jamais ! C’est pas simple, tu sais, ta mère a eu une histoire douloureuse avant de me connaître, mais ce que je peux dire, c’est qu’elle voulait un bébé toute seule. Et que j’ai été privé de la joie de te connaître.
Un long silence suivit tandis que Sarah ne put retenir ses larmes plus longtemps. Pierre posa sa main sur la sienne, d’un geste tendre et paternel.
-La vie nous donne une chance de nous connaître enfin. On ne peut pas rattraper le temps perdu, mais j’espère que tu voudras bien me donner la chance de faire partie de ta vie, dit-il la voix serrée.
Sarah reprit son souffle et acquiesça de la tête. La promesse de ce moment où le temps est suspendu décida Philippe à quitter la terrasse discrètement, pour leur laisser ce moment, lui-même bouleversé. Il hâta son pas, pressé de retrouver et de serrer dans ses bras sa fille Camille et sa femme.
De Catherine G
Bavardages
C’est Lapin, le célèbre cornettiste, qui m’a appris ça : dessiner dans la rue en ouvrant bien ses yeux (pour dessiner, c’est quand même mieux), mais aussi ses oreilles !
Pour un carnet de voyage vivant, dessiner ce que l’on voit, chacun dans son style, et noter dans des bulles venant de l’extérieur du carnet ce que l’on entend : les bruits ambiants, et aussi les propos des gens. Des gens que ton activité interpelle ou qui passent et parlent de toute autre chose, mais dont les paroles fixent le temps sur le papier.
Les bruits ambiants se gèrent à grand renfort d’onomatopées ou de symboles, mais pour les paroles, les mots s’enchaînent sans que les bulles aient des rapports entre elles.
— Tu as vu, Baptiste, les dames dessinent… comme toi tout-à-l ’heure !
— Vous faites partie d’un cours ou c’est pour votre plaisir ?
— J’vais acheter des chocolats chez Jovi pour mamie. Elle adore ça !
— On s’éprend un café chez Totor ?
— C’est beau ce que vous faites. Ça m’rappelle à l’école quand on faisait le dessin de récitation …
— J’te jure qu’il m’a bien énervé avec ses réflexions à la con…
— Moi aussi, j‘dessine, mais je travaille au carreau. Du coup, c’est plus précis…
—… et après il me dit qu’on pourrait aller…
— Dites donc, j’avais pas remarqué l’épi de faîtage. C’est grâce à votre dessin que je l’ai vu !
— Avant, c’était un magasin de vêtements depuis quatre générations. Ma mère habite encore au-dessus du magasin…
— Vous mettez du violet pour les ombres ? Moi j’aurais mis du noir…
— Avant, j’dessinais, mais j’ai plus envie. Avec l’âge, on s’lasse !
— C’est quand que tu as les clés de ton appart ?
— T’as vu comme ils ont augmenté les impôts ? J’te garantis qu’ils y sont pas allés de main morte !
J’en passe et des meilleures. Ainsi, avec la technique des petites bulles style BD dans notre carnet, il grouille de vie et est plus dynamique. Un livre de cancans, une bande son relatée à l’écrit. Le témoin à un instant T, à un endroit donné, avec des acteurs anonymes qui déroulent leur vie sans en avoir l’air et sans savoir qu’ils sont immortalisés dans un carnet.
De Marie-Josée
Voyage en train
La tête confortablement calée, je regardais par la fenêtre du train le paysage que je distinguais à peine. De temps à autre, des lumières au loin laissaient deviner un village ou un hameau.
Je fermais les yeux, mais le grincement des roues sur les rails et les conversations alentour n’étaient pas vraiment propices au sommeil.
Sur la banquette derrière mon siège, une maman n’arrêtait pas de réprimander sa petite fille un peu trop remuante :
– Non, Emma, tu ne grimpes pas sur le siège.
-Mais maman, je veux juste chercher le livre dans ma valise.
-Ce n’est plus la peine, on arrive bientôt.
-Dans combien de temps ?
-Dans un quart d’heure
-C’est long, je m’ennuie et en plus, j’ai soif.
-Il reste encore un peu d’eau dans la bouteille, tu peux la finir.
-Je n’ai pas envie d’eau, je veux un coca, on peut aller en acheter un ?
-Hors de question, tu en boiras un chez mamie.
-Et si elle a oublié d’en acheter ?
-Tu sais bien qu’elle n’a jamais oublié.
-Oui, mais ça peut arriver.
-Emma, arrête de remuer tout le temps.
-ll faut que j’aille aux toilettes.
-Tu ne peux pas attendre ?
-Non, c’est urgent.
-Emma, arrête ton cirque, tu y étais il y a un quart d’heure.
– Oui, mais il faut que j’y aille à nouveau.
De guerre lasse, la maman se leva et l’emmena à l’autre bout du wagon. Les deux dames âgées en face de moi, ne se privèrent pas de commentaires quant à la façon d’éduquer les enfants. À leur époque, ils ne se conduisaient pas de la sorte, on ne cédait pas à tous leurs caprices. Ah les enfants rois de nos jours, quelle plaie, heureusement qu’elles vont descendre au prochain arrêt. En les voyant revenir, elles changèrent rapidement de sujet et ce fut le gouvernement qui passa à la moulinette. Au bout de quelques minutes, le sujet fut épuisé et elles se plongèrent, à mon grand soulagement, dans la lecture de magazines.
Le train entra en gare, Emma et sa maman étaient arrivées à destination et leurs places furent occupées par un couple d’Allemands. Je comprenais l’allemand et bientôt, leur vie n’eut plus de secrets pour moi. C’était la première fois qu’ils allaient à Paris, un voyage que leur avaient offert leurs enfants pour leurs noces d’or. L’homme dit tout excité :
– Schatzi, tu te rends compte, cela fait cinquante ans que nous vivons ensemble. Bien sûr, il y a eu des hauts et des bas, mais nous avons tenu le coup.
-Et nous le tiendrons encore, ce n’est , hélas plus le cas aujourd’hui , soupira sa femme. Jamais je n’aurais pensé que Christa allait divorcer. Elle formait un couple tellement fusionnel avec Klaus. Les trois autres, c’était prévisible, mais elle, je n’en reviens pas. En plus, elle nous a annoncé ça le jour où nous avons fêté nos noces d’or, tu parles d’un cadeau.
-Arrête de te prendre la tête avec ça, ce n’est pas la fin du monde.
-Et le petit, tu as pensé au petit ? Ils ont galéré cinq ans pour l’avoir et maintenant, ils se séparent ! C’est un comble.
-Tu ne vas nous gâcher le voyage en rabâchant ça tout le temps, ils sont grands, ça les regarde, ça ne nous concerne pas.
-Ah bon ? Je vois que tu as la mémoire courte. Quand les trois autres ont divorcé, on a quand même été impactés.
-Exact, mais cette fois, on ne s’impliquera pas. Comme tu l’as si bien dit, on a assez donné. Maintenant, on pense à nous et je te propose de ne plus en parler durant ce voyage.
J’entendis un léger reniflement et l’arrivée du contrôleur mit fin à leur conversation. Le brouhaha ambiant céda la place à des injections qui fusaient de toute part : du style, où sont les billets ? Ce n’est pas moi qui les ai, c’est toi ! Tu es sûr ? C’est toujours toi qui les as. Tu les as téléchargés sur ton téléphone. Zut, batterie faible, il ne manquait plus que ça ! Après quelques minutes d’effervescence, le calme revint et les conversations reprirent de plus belle. Sur la banquette à ma droite, on commenta les services de la SNCF, les applications qui ne fonctionnent pas, les retards fréquents, les destinations mal desservies, j’en passe et des meilleures.
Les deux dames en face de moi échangèrent leurs magazines tout en me demandant mon avis quant à la tendance actuelle de la mode. Les mannequins anorexiques, les collections plus folles les unes que les autres, même les sacs-poubelles y ont fait irruption. Je leur répondis poliment que ce n’était pas vraiment ma tasse de thé et je me suis plongé dans un livre, histoire de leur signifier que je n’avais pas franchement envie de faire la causette.
Les conversations se firent plus rares, certains somnolaient, mais la majorité jouait avec le téléphone, écouteurs dans les oreilles. Un rire étouffé, quelques bribes de phrases me parvenaient çà et là, mais je n’y prêtais plus attention. Absorbée par ma lecture, je revins à la réalité que lorsque le train entra en gare de Paris Est.
D’Inès
Soudain au milieu d’un brouillard dense et sombre, apparut un bus élégant, d’une couleur noire, raffinée. La machine monstrueuse, majestueuse, s’arrêta, le bus était bondé. Quelques rares rayons de soleil qui tremblaient se réfléchissaient sur son pare-brise ; ce dernier était si imposant, si grand qu’il touchait presque le sol. Arrivé à l’arrêt du Hameau de Montcalmès, il s’arrêta quelques minutes pour prendre des passagers.
A part quelques familles de paysans éparses par-ci par-là, Rosetta vivait seule au hameau de Montcalmès. Pour fuir la solitude hivernale, elle avait décidé de faire une petite promenade dans les villes voisines. À la station de bus, de jeunes enfants assis sur les trottoirs, le nez dans leurs iPhone, attendaient passionnément leur tour pour s’y introduire. Soudain, l’un d’entre eux montra du doigts l’avant de l’autocar :
-On dirait un gigantesque écran IPhone ! Haha ha !
– Non ! Un gigantesque écran Tic Toc ! Haha ha ! disait un autre.
Rosetta, qui avait un certain âge, ne comprenait pas grand-chose de ce qu’insinuaient les enfants. Certes, elle connaissait les rudiments d’internet, et ne se souciait guère d’en avoir chez elle. Elle passa son chemin et s’introduisit dans le bus, s’enfonça, s’engloutit et disparut au milieu de la bande d’étudiants et de gens, qui parlaient à haute voix.
À sa droite, des jeunes filles racisées, en survêtements blancs, avec des ongles longs et stylés, les cheveux noirs tressés, chuchotaient tristement :
-Il paraît que l’on va rallonger le temps des études, et que l’on n’aura plus que le mois d’août et quelques deux petites semaines pour les vacances. C’est bien dommage, car on en profitait pour faire des voyages, et des sorties nocturnes.
L’une d’entre elles rajouta :
-Il paraît que l’on est contaminé de partout par les punaises de lit ! Dans les gares, métros, trains, les maisons… vraiment de partout. Moi dorénavant, je m’assiérai plus dans les transports en commun. J’en ai la chair de poule d’autant plus, je n’ai pas du tout envie d’en ramener chez moi !
Rosetta écoutait avec frayeur les plaintes de ces jeunes filles. Une forte émotion l’étreignit et tous les poils de ses bras se redressèrent. Instinctivement, elle se passa la main sur sa nuque, et commença à transpirer ; elle sentait à présent des fourmillements dans son dos. Subitement, elle se leva, préférant s’agripper aux barrières du bus.
Des ouvriers agricoles un peut barjots, avec leurs chapeaux de paille pestaient :
– Il semble qu’une nouvelle compagne anti-Covid débute cette semaine. Il faut dorénavant s’attendre à un rappel chaque année, afin d’augmenter notre immunité ; mais nous, qui restons sous un soleil torride, et qui nous pénètre jusqu’à la moelle pendant toute l’année, on n’est bien immunisés entre temps ! La nôtre, c’est du béton !
L’un d’entre eux ne pouvait s’empêcher de vociférer :
-He ! vous oubliez le coût de la nourriture. Combien de temps devrons-nous encore nous serrer la ceinture ? Il paraît que l’inflation n’est pas prête à être à la baisse !
À sa gauche, non loin du fauteuil sur lequel Rosetta était assise, deux femmes parlaient à bâton rompu.
-La pauvre petite Sandra, la fille de ma voisine, quelque peu introvertie, et quoique solitaire, était une fille studieuse, et très aimable. Eh bien, elle était si persécutée par ses copines de classe qu’elle s’était suicidée dans les toilettes de son collège ! Les jeunes aujourd’hui sont inconscients du mal qu’ils peuvent commettre aux autres. Il faut dire que nous vivons un sacré temps ; des enfants qui se suicident de plus en plus jeunes ! C’est le monde à l’envers.
L’engin continuait à transpercer le long couloir des ténèbres, des arbres, telles des ombres, longeaient les bordures de la route. Un paysage terne, éteint et désolant défilait sous les yeux de Rosetta qui continuait à écouter les passagers avec sérénité et tristesse.
Une autre voix rauque et tremblante s’éleva au fin fond du bus, comme si elle eut voulu primer sur toutes les autres :
– Et Parlons un peu de ces enfants qui deviennent de plus en plus lobotomisés … et sont en train de perdre tout contact humain à cause de leurs addictions aux écrans !
Brusquement, Rosetta, l’esprit confus par tant d’idées funestes et néfastes, décida de faire demi-tour, et de rentrer chez elle. Sur le petit sentier abandonné qui menait vers le hameau, un rayon de soleil vint caresser le visage fatigué et déprimé de Rosetta. À la vue de ces lieux enchanteurs et des quelques petites fleurs de géranium vivaces et d’aster posés sur les rebords de la piste enneigée, ses petites yeux s’égayèrent et s’illuminèrent, contente de retrouver son havre de paix.
De tout temps l’être humain – se disait elle – n’était-il pas un être pessimiste, acariâtre , hargneux, ingrat envers lui-même, à l’opposé des autres et de la nature … C’est dire si ceci ne faisait pas partie de son essence, de sa nature même.
Rosetta continua son chemin et songea avec nostalgie à son mari. Elle prit la direction cette fois ci d’une petite piste qui menait vers le petit cimetière du hameau. Arrivée au grand portail de ce dernier, elle franchit le pas et découvrit un monde… Le monde du mystère. Elle s’assit au pied du tombeau de son mari, le caressa, et l’embrassa. Face à elle, une ombre se leva, doucement s’approcha d’elle, et déposa un léger baiser sur son front et s’éloigna pour disparaître loin dans l’horizon. Rosetta, le cœur joyeux et apaisé, reconnut son mari, et s’endormit. Petit à petit de légers flocons de neige tombèrent délicatement sur le corps de Rosetta et la couvrit d’un grand voile blanc scintillant.
D’Aline
Jeanne venait de faire trois tours complets du jardin municipal. Son médecin avait dit qu’elle devait marcher. Elle en profitait pour venir admirer les arbres superbes : les tilleuls immenses et odorants au printemps, les platanes grandioses et les cèdres du Liban centenaires. Jeanne aimait aussi humer le parfum des roses : les jaunes, les rouges et surtout les blanches dans toute leur pureté.
Après une bonne heure de marche, Jeanne se sentit fatiguée. Elle s’assit sur un banc, au soleil.
Peu de temps après, deux jeunes femmes vinrent s’asseoir sur le banc d’à côté, accompagnées chacune de leur chien tenu en laisse.
Leur conversation était banale. Elles parlaient du temps : il faisait beau. De leurs maris : ils n’en foutaient pas une à la maison, au prétexte qu’elles ne travaillaient pas. Des enfants qui rechignaient chaque soir, au moment de se mettre aux devoirs. Ils étaient tout le temps sur leur téléphone ! C’était infernal.
Jusqu’au moment où l’une des deux dit :
-Bon, c’est pas tout. On va y aller parce qu’autrement, on va faire la queue pendant des heures.
-Oui, tu as raison et ce ne sera pas une partie de plaisir ! Les chiens vont aboyer. On ne pourra plus s’entendre.
-Tant qu’ils ne sautent pas dessus !
-On va devoir les tenir fermement pour qu’ils ne se battent pas et qu’ils ne se mordent pas.
-Tais-toi ! Quelle affaire cette histoire de fichier.
-Moi, je trouve ça bien. Que chacun soit responsable de son animal.
-Non, mais on va où là ? Il n’y a que notre maire pour avoir une idée pareille. Tu verras : dans quelques temps, on va devoir payer une taxe parce qu’on a un chien.
-Ça je ne crois pas, mais ce qui est sûr c’est que l’amende, elle n’est pas donnée ! 120 € ! Mais au moins on ne marchera plus dans les merdes de chien.
-Si chacun avait le civisme de ramasser ce qui lui appartient et respectait les autres, on ne serait pas obligés d’en arriver là.
-Eh bien moi, je trouve que c’est bien. Les gens s’en foutent des autres.
-Non mais tu te rends compte ?… Si tu n’acceptes pas de te soumettre à sa loi, tu ne pourras plus te promener avec ton chien dans la ville !
-C’est bien pour ça que je trouve ça intelligent, ce passeport génétique des chiens. Je ne vois pas d’autre moyen de régler le problème des déjections canines. Surtout que ce n’est pas douloureux : c’est comme pour la Covid. Ils prélèvent un peu de salive dans la bouche avec un coton tige.
-Moi je te dis qu’on est tombé sur la tête : un fichier ADN des chiens. Bientôt ce sera notre tour tu verras.
-N’importe quoi. Je ne comprends pas en quoi ça te gêne. En plus, c’est gratuit.
-Ce n’est pas çà le problème : mon mari me dit que c’est liberticide. Et il a raison.
-Oh ! Toi, toujours les grands mots. Après tout, si tu n’es pas d’accord, pourquoi tu le fais ? Personne ne t’oblige.
-Ah bon ! Tu trouves ? Je ne suis pas obligée mais si je ne me soumets pas, je ne pourrai plus sortir mon chien. Même la poche à la main, pour ramasser.
-Mais, il y a ceux qui ne ramassent pas.
-Ceux-là, ils auront une amende.
-Sauf, sauf… qu’il n’y a pas un gendarme derrière chaque chien.
-Tu répètes les arguments du maire là !
-Oui, parce que je trouve qu’il a raison. Et mon mari aussi.
-Je n’en reviens pas : vous gobez tout… vous acceptez tout. C’est incroyable.
-Heu…
-Non, mais tu te rends compte : un passeport génétique pour nos chiens sous peine d’amende. Tu ne crois pas que c’est abuser ?
-Mais en quoi c’est gênant de prélever l’ADN des chiens pour retrouver le propriétaire ?
-Tu penses aux employés qui font faire les prélèvements des crottes qui n’auront pas été ramassées ? Tu penses au fric qui va être dépensé pour identifier les propriétaires dans les laboratoires d’analyses ?
-C’est vrai. Mais quand même, moi je trouve que c’est bien. J’aime que notre ville soit propre.
-Oui et il faut des imbéciles comme nous pour se prêter au jeu. Mais tu te rends compte jusqu’où va notre aliénation ?
-Je ne vois pas comment faire pour ne pas se conformer à cet arrêté municipal. Pendant deux mois, le prélèvement de salive est gratuit. Après tu devras payer.
-Écoute-moi bien : je n’ai pas envie de me promener avec un justificatif d’identification génétique dans la poche, pour promener mon chien. Mais on va où là ?
-Le prélèvement salivaire ne prend que cinq minutes. En quoi ça te gêne ?
-Je ne comprends même pas comment l’Etat peut cautionner un tel arrêté municipal. On devient fous, c’est pas possible. Moi, je suis révoltée. 38 € si on n’a pas le papier en question ! Tu trouves que c’est juste ? Non, on perd notre libre arbitre.
-Tu peux ne pas le faire, mais tu sais à quoi tu t’exposes. C’est dommage de toucher au porte-monnaie des gens, mais il n’y a que ça qui marche en France. Il faut essayer.
-Ah bon ! Il faut essayer ? Il faut, il faut… et pourquoi il faut ?
-Ben…
-C’est bon. Tu sais quoi ? Va avec tous les béni-oui-oui de ton style. Moi je rentre. Et je ne veux plus te voir, toi et ton affreux bâtard.
Jeanne est restée pantoise sur son banc. Je ne comprends pas les gens. Est-ce qu’on ne pourrait pas accepter d’être en désaccord sans se fâcher ? Quel gâchis.
Si vous voulez mon avis cette histoire d’ADN des chiens… c’est quand même du n’importe quoi. Et il y a des gens pour obéir à la moindre stupidité. C’est peut-être ça le problème.
De Pierre
Elie, un vieil homme, toujours assis sur le même banc dans un jardin public du 15ème arrondissement de Paris, attend sa vieille amie Simone. Nous sommes à la fin de l’hiver, température humide, propice aux rhumes et aux grippes. Si le temps est clément, Elie passe là ses après-midi, un livre à la main, regardant les gens aller et venir, essayant de deviner d’où ils viennent, ce qu’ils font et aussi d’écouter ce qu’ils se disent malgré ses « faibles » oreilles.
Âgé de 95 ans, Elie avait 14 ans lorsqu’il fut raflé avec ses parents par la police française aux ordres de l’occupant. Les trois années qui suivirent cette rafle furent pour lui l’enfer sur Terre. Il put en survivre, mais malheureusement ses parents disparurent dans les usines de la mort. Plus tard, il reprit ses études, se maria, fonda une famille, eut deux enfants mais quelque part au tréfond de lui-même, subsistait cette tâche indélébile, la trace de ces années en enfer…
Sur le plan professionnel, Elie embrassa la carrière d’enseignant, qui fut un moyen pour lui d’enseigner « les humanités » comme on disait autrefois et aussi et surtout le moyen de partager avec les jeunes sur la vie, la tolérance, le respect de l’autre. Après la guerre, il partit quelques temps en Israël qui venait d’être créée, mais il revint vite à Paris car la France, son pays, lui manquait.
Aujourd’hui, Elie vit seul dans son appartement depuis le décès de son épouse. Sur son banc, Elie attend la visite de Simone, un peu plus jeune que lui, ayant eu à peu près le même parcours de vie. Elle et lui se connaissent depuis une cinquantaine d’années.
-Bonjour Simone, comment vas-tu ? Tu ne me sembles pas très en forme, aussi allons boire un café dans notre bar préféré et nous mettre au chaud.
-Oui, je suis un peu fatiguée, signe de vieillesse ! D’accord Elie, allons au bar, nous pourrons y discuter plus aisément.
Bruno, le patron du bar tabac « le Balto », situé au coin de la rue avoisinante, les connaissait bien et savait ce qu’ils prendraient. Simone et Elie s’installèrent à leur place habituelle d’où ils pouvaient voir les clients venir et sortir du bar. Près du comptoir, ils pouvaient capter les conversations et parfois y prendre part. Le « Balto » était le rendez-vous des « vieux » habitués du quartier, ceux qui ne voulaient pas rejoindre les EHPAD ou autres structures d’accueil ; tous se connaissaient de longue date. Il y avait aussi bien sûr, ouvriers et employés travaillant dans les ateliers et les entreprises du secteur. Pour les vieux, le « Balto » était un lieu de rencontre, un refuge, l’endroit on l’on se sentait bien à l’abri et bien au chaud, l’hiver. Ce jour-là était un jour particulier, nous étions le lendemain d’une consultation électorale de première importance et les commentaires allaient « bon train ».
-Tu vois, dit Bébert en s’adressant à un vieux copain, la France val très mal, il faut de l’ordre dans ce pays.
Bébert, un ancien militaire à la retraite, avait le « look » semblable à celui de Noël Roquevert, un comédien français des années quarante/cinquante, mort depuis longtemps et qui jouait souvent des rôles de militaires à l’ancienne.
-Je te rappelle, dit Bébert, quand je commandais mon bataillon, en Algérie, ça filait doux, les irréductibles, on les matait !
-Oui, dit Mimile, son vieux copain, un ancien commerçant, tu as raison, il faut faire le ménage et éliminer tous ces parasites qui détruisent le pays. Demandons à Elie ce qu’il en pense.
-Oh moi, répondit Elie, je n’ai pas beaucoup d’avis sur la question ou plutôt je ne cherche pas à approfondir ces questions politiques qui me dépassent ; je fais confiance en nos institutions.
-Tu parles comme ces politicards qui nous bassinent à longueur de journée à la radio ou à la télé, réagit Bébert.
Elie ne répondit pas ; il proposa à Simone qui ne disait rien de sortir du bar et d’aller faire une petite marche avec elle. Dehors, en direction du parc, ils se tenaient par le bras et marchaient d’un pas décidé.
-Tu vois Simone, dit Elie, la politique, ça m’ennuie, que ce soit la gauche ou la droite, ils me fatiguent. Qu’en penses-tu ?
-Je ne pense rien, ce qui m’importe, c’est que mes enfants et petits-enfants soient heureux et que ma petite retraite me permette de vivre, même chichement.
-Tu as raison Simone, je te propose de déjeuner avec moi, j’ai tout ce qu’il faut à la maison.
-Avec plaisir, allons-y, répondit Simone.
Simone, petite bonne femme un peu voutée, vivait seule avec son chat dans son petit appartement. Dans son enfance, elle eut plus de chance qu’Elie. Dissimulée dans un placard au moment de la rafle, elle fut sauvée par une voisine qui l’hébergea quelques temps avant de la faire conduire en zone « non occupée ». Quant à ses parents, eux aussi disparurent dans les brouillards mortels de l’Est.
Il est quatorze heures, tout est calme dans le bar, les vieux font la sieste avant de retrouver leurs copains à partir de dix-sept heures et les plus jeunes vaquent à leurs occupations professionnelles. Le poste de télévision diffuse en continu les mêmes informations catastrophiques. Dans un coin du bar, assises dans la pénombre, une mémé somnole devant son journal et sa tasse de thé. Bruno la connait bien, c’est une habituée de la maison. Soudainement, une femme, la quarantaine environ, entre comme une furie dans le bar et se dirige tout droit vers la grand-mère.
-Mamy, ça fait deux heures que l’on attend pour déjeuner ! Tu as oublié ?
-Oui j’ai oublié, j’étais bien là dans mes rêves de ciel bleu et de mer, je voudrais y retourner.
-Mamy, tu oublies trop souvent, il faut aller voir un spécialiste. En attendant, viens, on t’attend pour déjeuner.
La petite fille aida sa grand-mère à se lever de sa chaise et toutes les deux quittèrent le bar.
Profitant du moment de calme, Bruno méditait sur son sort : il était heureux de vivre avec des gens qu’il aimait bien. Ce café était pour lui non seulement son salaire mais aussi le moyen de refaire sa vie car lui aussi avait vécu son enfer.
A la télévision, « Flash spécial » :
-La fusée Européenne, emportant une vingtaine de savants et de volontaires en direction du Cosmos, vient d’exploser en vol. Le président de la République demande à tous les Français une minute de silence et de recueillement.
« Le Balto » vivait également au gré des nouvelles de l’instant, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. La rencontre, en ce lieu, de vieux copains, avait quelque chose de rassurant pour eux et leur donnait l’occasion de disserter sur les misères et grandeurs de l’humanité, de reconstruire le monde à leur image… Ainsi va la vie.
De Nicole
Dans le quartier d’Outremeuse
Je m’appelle Georges, je suis assis sur un banc de pierre bleue.
Un costume, un chapeau, une main tendue sur le dossier, comme une invite aux quidams
de s’asseoir à mes côtés.
Je suis tout de bronze revêtu, une statue donc.
En face de moi, l’église Saint-Pholien lieu d’un de mes romans.
Sur le côté gauche de la place, le célèbre café « Le Randaxhe ».
Parfois, un compagnon de banc me parle à l’oreille, me confie ses secrets pas piqués des vers.
Un autre, régulier, apporte du vieux pain pour les pigeons.
S’ensuit un ballet d’ailes déployées, des roucoulements et des cris perçants, ils se disputent le bout de gras.
A la terrasse du « Randaxhe », les fêtards m’empêchent de m’assoupir.
Fin d’été, la danse des étourneaux assombrit le ciel. Bon voyage à vous.
Tous ces bruits, ces conversations, un magnifique terreau pour un roman.
Hélas, je ne puis écrire, ma main est si lourde.
Et si le quartier de ma jeunesse me fait honneur, il y a même un hôtel qui porte mon nom, je suis bien mort et Maigret aussi…
Concernant la proposition d’écriture N° 175 avec la photo extraite du film “Titanic”, vous devez l’insérer dans votre histoire. A vous de voir ce qu’elle vous inspire, comment elle peut s’inscrire dans votre intrigue.
La photo est un moment de votre histoire.
Inutile de la décrire, ni de résumer le film en question.
Vous inventez un contexte et des personnages.
Vu la météo qui joue gravement les prolongations estivales, je vais retourner en bord de mer ce weekend et faire trempette. On va encore avoir 30° en Charente-Maritime. Du rarement vu!
Les arbres sont encore bien verts, et les feuilles tombent à cause de la sécheresse, et non pas à cause des températures qui baissent. Ce temps estival n’incite pas au travail. Il incite plutôt à l’indolence.
Il est certaines semaines où les choses vont mal et se détraquent et où on ferait mieux de rester couchés: ma débrouissailleuse a décidé de lâcher au moment où on a le plus besoin d’elle. Une branche de mes lunettes de soleil est restée dans mes mains en les ajustant. Une clé s’est cassée dans une serrure. Et le clou du spectacle: la voiture de mon conjoint nous a démontré son talent: un grand nombre de voyants se sont allumés, y compris le fatidique STOP, telle une guirlande du sapin de Noël.
La révision était prévue, on le savait. On a déjà pris le rendez-vous. Mais qu’essaie-t-elle de nous dire? Que c’est la fête? Ce ne sera pas le cas avec la facture! Qu’elle en a marre? Alors, je l’enverrai à la casse bien volontiers!
Bien sûr, tout ça sont de petits incidents du quotidien, mais c’est enquiquinant.
Je vous souhaite une belle semaine créative.
Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour de nouveaux textes.
Je vous rappelle que l’atelier d’écriture ferme ses portes du 22 octobre au 2 novembre 2023.
Le blog, lui, ne ferme jamais ses portes, tant que la rédactrice est en forme. Vous pourrez continuer à lire les articles du mardi.
Portez-vous bien et prenez soin de vous!
Créativement vôtre,
Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE