Les bruits d’orage vous ont terrifiés petits. Moi aussi. Les animaux qui se déplacent la nuit, ça fait peur. Les bruits insolites, ceux d’une vie quotidienne depuis longtemps perdue, les bruits effrayants de la natur, les bruits énervants des voisins, vous allez entendre toute une gamme de bruits dans votre lecture.

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Danielle

L’orage

J’ai huit ans à peine.
En ce mois de juillet, je profite des grandes vacances d’été. Dans l’insouciance de l’enfance, je joue avec mes petites copines dans le quartier. Le ciel est bleu, nos cœurs sont légers et je me sens en sécurité sur notre place de jeux qui se trouve juste devant la maison natale. Tandis que nous éclaboussons ce lieu de notre joie d’enfants, je vois des feuilles qui commencent à bouger. Un vent chaud s’est levé. Peu à peu, de gros nuages gris viennent se promener dans le ciel. En écho à nos voix, j’entends comme des roulements de tambour. Je n’ai que huit ans, mais une étrange sensation m’envahit, comme s’il me semblait ouvrir un livre d’histoires sur une terre sans âge.
Alors que le ciel devient de plus en plus sombre, mes petites voisines et moi poursuivons nos jeux. Une goutte vient de tomber, elle a frôlé ma main. Je l’ai bien sentie, comme une larme échappée d’un nuage. Et puis, d’autres gouttes plus rapides et moins douces s’échappent du ciel, éclaboussant les trottoirs et claquant de leurs talons aiguilles les pavés et les rigoles. Bientôt, les roulements de tambour se font plus proches.
Je ne sais rien ni du tonnerre ni de la foudre, c’est mon premier grand spectacle sur l’écran de mon enfance.
Un peu plus âgé que moi, un voisin arrive. Il s’appelle Jacky et il aime bien me taquiner « les bruits que tu entends sont ceux du diable. Ce soir et toute la nuit prochaine, il viendra déverser sa rage sur la terre. Et comme tu n’as pas été très sage, il viendra te chercher ». Ses mots me glacent, je suis effrayée, soudain prisonnière d’un vertige insensé qui me fige sur place. Le regard implorant, je lui demande d’arrêter, de me dire que ce n’est pas vrai, mais il continue son histoire d’enfants pris dans l’étau de l’enfer.
Soudain, un éclair zèbre le ciel. Je me dis que c’est bien vrai, c’est le diable qui se réveille et qui sera bientôt là. Tandis qu’une frayeur inouïe et incontrôlable s’abat sur mon petit univers, mon voisin rit aux éclats. Oui, c’est bien la terreur de l’orage qui vient de s’ancrer au plus profond de moi.
Ma tête tourne de plus en plus. J’ai du mal à retrouver ma respiration. Tandis que les roulements de tambour semblent se rapprocher, un instinct de survie me fait courir comme une folle vers la maison. A peine ai-je ouvert la porte, que d’autres éclairs arrivent. Ils sont de plus en plus nombreux et semblent vouloir tout déchirer sur leur passage. Comment puis-je faire ? Je me sens terriblement seule. Le diable est à mes trousses et personne ne pourra me sauver.
Sur le seuil de ce que je pense être mon refuge, d’autres éclairs me poursuivent encore. Je viens de perdre toute notion du temps. Avec beaucoup de peine, je suis quand même parvenue à rentrer dans la maison. Le vacarme est là, chez moi, il pénètre le moindre espace. Je me dis que le diable est vraiment fâché. Il me semble que, de ce fracas immense, c’est tout le ciel qui va tomber et que c’est la vie qui va s’arrêter.
Je me sens terriblement seule, complètement désemparée, sans personne à qui parler de ma peur. Dans la pièce principale, mes parents vaquent à leurs occupations sans trop se soucier de moi. Ils ont l’air très occupés dans leur vie de grandes personnes. Si je leur parle du diable et de sa colère, ils voudront peut-être se débarrasser de moi. J’ai froid, je sens que je vais m’évanouir tandis que la colère du maître des enfers cherche maintenant à faire écrouler les murs de la maison.
Je ne sais plus tellement où je suis, absorbée par la saccade affolée des éclairs et par les bruits de ce que je pensais être des roulements de tambour mais qui ne sont que ceux d’un violent orage. Comme des notes dansant sur le clavier d’un piano, peu à peu les bruits s’éloignent et disparaissent tandis que le silence revient et dans sa douceur, apaise mon esprit.

De Louisiane

A marée basse

Cela s’est passé durant mes grandes vacances sur une plage de galets en Haute-Normandie.
Je devais avoir huit ou dix ans. Mon enfance était très heureuse là-bas, où j’étais loin de Paris, de ma mère et de ses cris.
Mes grands-parents avaient acquis en 1936 une chaumière avec dépendances au plus haut de la falaise dans le hameau de Mesnil en Caux où deux fermes et quatre maisons y étaient déjà installées. Ils avaient fait installer l’eau courante, le téléphone, et le confort auquel ils étaient habitués à Paris. Dès qu’il y avait des vacances scolaires, nous filions là-bas été comme hiver, ratant un ou deux jours d’école.
Grand-Mère s’occupait du potager et Grand-Père des fleurs, aidé d’un jardinier. Les habitants, adultes comme enfants, nous traitaient de « Parigots tête de veau ». Mes grands-parents, qui m’élevaient, le savaient, et me disaient de ne pas y prêter attention. Ils étaient simplement jaloux, je ne devais pas leur répondre. Grand-Mère rajoutait qu’ils étaient bien contents de trouver le téléphone chez les Parigots lorsque l’urgence du Dr Plic ou du vétérinaire s’imposait. Mais parfois, je retenais mes larmes devant les enfants avec qui je jouais.
Lorsque j’allais à la mer, l’été, c’était avec la colonie de vacances du village d’à côté, très rarement avec les enfants du hameau. Nous avions tous un interdit dans nos allées et venues. Ne jamais entrer dans le blockhaus tombé droit de la falaise qui s’était écroulée à environ 500 mètres de la plage où nous nous installions. La source d’eau douce n’avait pas été touchée. Son poids avait creusé un tel trou qu’à marée haute on pouvait à peine en distinguer le toit.
L’interdiction était acquise, d’autant que Jeannot, un fils de Titine, avait perdu un bras et une main en dégoupillant une grenade qui fonctionnait encore malgré le nombre des marées passées dessus.
A l’époque donc, j’avais un béguin pour Jean-Louis, un autre fils de Titine, qui était partagé. Il m’avait appris à siffler avec un brin d’herbe entre les mains, à monter aux arbres, à transformer mon vélo en mobylette avec un morceau de carton et une pince à linge. J’adorais ce bruit lorsque je pédalais à perdre haleine, à faire un chewing-gum avec des grains de blé, à manger les pommes à cidre sans attraper la colique, à jouer au foot avec les autres garçons.
Un jour où il faisait très chaud, la marée était basse et étale, avec Jean-Louis et trois autres, nous étions descendus à la plage, deux cents marches creusées dans la marne, pour ramasser bulots, coques et couteaux qui feraient leur souper. Je ne me souviens plus qui a proposé d’aller boire à la source, mais Jean-Louis a dit qu’on n’aurait pas assez de temps pour faire l’aller-retour à cause de la mer qui maintenant remontait. Et moi, j’ai ajouté qu’on n’avait pas le droit de s’en approcher. Jean-Louis m’a regardée un moment puis a dit « T’es cap de courir ? ». Un petit oui est sorti de ma bouche.
Les garçons ont déposé leur panier de pêche au bas des marches. On a marché très vite. Je regardais souvent vers la mer. J’avais l’impression qu’elle ne bougeait pas. La source en vue, il nous est poussé des ailes et nous avons couru. En buvant dans nos mains jusqu’à plus soif, nous avons ri comme des fous.
Puis Jean-Louis a dit « On va voir jusqu’au blockhaus les gars ? ». Il fallait que je comprenne que j’étais incluse dans ce les gars. J’ai quand même redit qu’on n’avait pas le droit. Jean-Louis avait changé de ton pour me dire « Bah, reste là ! ». J’avais plus peur de rester seule que de braver l’interdit. J’ai suivi Jean-Louis qui m’avait prise par la main. Dans le blockhaus, ça sentait mauvais. De l’eau de mer stagnait. Des moules poussaient par endroit. On entendait comme un bruissement et Jean-Louis a dit « Les gars on touche à rien, on dira rien à Jeannot, d’ac ? Jurez-le ». On a juré en crachant par terre. J’ai dit en claquant des dents « C’est quoi ce bruit … Jean-Louis … »
« C’est rien ça ! C’est les chauves-souris. Elles grincent ! T’en veux une ? ». Alors les garçons ont crié, tapé dans leurs mains, rien que pour leur faire peur. Et elles, affolées, se sont mises à voleter dans tous les sens. Je ne sais plus si c’est l’une de ces bêtes ou l’un des garçons qui m’a touché la tête, mais j’ai cherché la sortie en hurlant, tombant, me relevant, éblouie par le soleil, et ce bruit angoissant encore dans les oreilles.
La mer léchait les premiers galets. Je me suis mise à courir, courir, courir tant bien que mal, mes méduses se tordant sur les gros galets, ne sentant le point de côté que lorsque je ralentissais. Arrivée aux premières marches, traversée de mille sentiments, je les ai vus au loin marchant d’un bon pas. J’ai renversé leur panier, je me suis assise et je les ai attendus … Sûr de sûr que je ne raconterai rien à personne …

De Louisiane (proposition d’écriture N° 175)

Stella

Je l’ai remarquée lorsque je me suis assis dans le bus face à elle, seule place assise restante. Elle détonnait parmi les autres passagers.
D’abord, sa robe rouge à pois, décolletée d’une épaule à l’autre, une robe trop habillée pour un dimanche après-midi. Ce rouge géranium faisait ressortir la blancheur de sa peau et la noirceur de ses cheveux remontés en un chignon tourné à la va-vite. Ses yeux éteints, sans couleur définie, étaient-ils noirs, étaient-ils gris, aveugles comme ceux des portraits de femmes de Modigliani, ne regardaient nulle part mais papillonnaient sans se poser.
Elle croisait et décroisait sans cesse ses mains aux ongles rouges et longs, effet que je déteste chez une femme, et ne portait pas de sac. J’ai eu l’impression de pouvoir, en la fixant, lire dans ses pensées. Etait-elle perdue, triste, malade, dérangée d’esprit, voire folle ? Cherchait-elle la fin de son existence ? Ouh ! là, j’exagère. Mais quand même, j’y ai pensé. Elle m’intriguait et me plaisait à la fois. Comment l’aborder ? La drague n’a jamais été mon fort. Et je ne voulais pas rater ma séance de cinéma. La chance a été de mon côté. Elle s’est levée avant moi pour descendre au même arrêt. Je l’ai suivie laissant un bon mètre entre nous. J’ai remarqué tout de suite ses jolies jambes et sa démarche chaloupée, sa robe se balançait sur un air de « suivez-moi-jeune-homme ». Elle s’est dirigée vers le canal de l’Ourcq. Je la suivais toujours. Allait-elle voir un film, avait-elle rendez-vous ?
-Bonjour, ai-je dit arrivé à sa hauteur, vous allez au cinéma ?
Elle a tourné la tête d’un air méprisant que j’ai pris pour un « J’en ai l’air ? ».
J’ai insisté : « Ça vous dirait de prendre un verre en terrasse au soleil ou à l’ombre ? »
-Non …
Elle avait aussi une jolie et douce voix. Elle suivait le bord du canal comme si elle marchait sur un fil, un pied nu devant l’autre, ses souliers blancs à la main, les bras en équilibre. J’ai pensé qu’elle avait l’air saoul.
-Vous ne voulez pas vous asseoir … Je m’appelle Vincent … je suis peintre … et vous ?
-Moi … ? Laissez-moi … vous m’ennuyez, vous me gênez même …
-Je peux vous appeler Stella … Ça vous irait bien Stella … Qu’en pensez-vous ? Ça vous plait ? Vous ne voulez vraiment pas boire quelque chose ? On passerait un bon moment …Stella …
Elle m’attirait vraiment et je m’étonnais de mon aisance avec elle. J’ai pensé qu’elle avait besoin que je reste avec elle. Ma séance commençait, j’allais voir « Titanic » dont tout mon entourage m’avait parlé. Tant pis, j’irai plus tard ou un autre jour. J’ai continué de la suivre à sa hauteur cherchant ce que je pourrais dire. Je me suis demandé à quel moment elle s’arrêterait. L’émotion me donnait soif.
Ma question l’a-t-elle atteinte ? A ce moment précis, elle m’a tourné le dos les mains croisées, et elle a dit :
-A trois je saute !
Elle a sauté.
Sa robe et son chignon ont flotté quelques secondes comme un coquelicot géant. C’était très beau. J’ai fermé les yeux pour garder l’image. Je n’ai pas sauté. Je ne sais pas nager.

De Francis

Boum !


L’orage est au-dessus de la maison. Il pleut des cordes, ça claque sur les vitres, un bruit épouvantable sur les tuiles, le ciel est noir. Un grand éclair, une deux trois secondes, un bruit assourdissant, la foudre est tombée tout près. J’ai peur, et pourtant j’éprouve au fond de moi un certain plaisir. Je suis heureux, je ne suis pas normal, un peu masochiste peut être.
C’est ma revanche sur la vie. J’aime ces atmosphères aux sensations désagréables, ces mélodies discordantes qui résonnent dans mes oreilles. J’aime me trouver en mer quand ça secoue, ça claque, ça craque de partout une symphonie chaotique qui me ramène à l’essence de mon passé.
Pas besoin d’une analyse qui durera des années. Je suis convaincu que cela vient de ma venue dans ce monde. Ma mère implorait le ciel, cachée sous les escaliers, alors que j’étais dans son ventre et que les bombes tombaient autour de la maison, faisant trembler les murs et créant un vacarme assourdissant.
Je suis arrivé au monde, la guerre commençait et il a fallu s’adapter.
Dans la journée nous essayions de mener une vie normale entre les alertes. Le jour, soir, la nuit, la sirène nous prévenait de son son strident, nous devions alors descendre dans l’abri creusé par papa et les voisins. Les avions passent, les bombes explosent dans un bruit infernal tout près de notre refuge. Même enfant, il est difficile de s’habituer au bruit des bombes.
A la maternelle, dès qu’il y a une alerte, on rejoint le local recouvert de rondins de bois et de terre. La maîtresse nous fait chanter pour couvrir le vacarme assourdissant des explosions. Ça ne suffit pas, nos chants ne couvrent pas les sifflements stridents, le rugissement des moteurs d’avion.
Aujourd’hui, mes poils se hérissent lorsqu’il m’arrive d’entendre un stuka alors que je regarde un film de guerre à la télé. Sa sinistre sirène hurlante me ramène instantanément à ces moments terrifiants. Il m’est impossible de l’oublier, elle me faisait tellement peur.
J’ai connu le bruit sourd et puissant d’une explosion atomique souterraine, mais cela ne peut rivaliser avec les bruits terrifiants que je ne souhaite plus jamais connaître. Ceux provoqués par un tremblement de terre, un grondement sourd et insidieux qui surgit des entrailles de la terre, qui vous prend aux tripes, une sensation d’impuissance totale où tout échappe à votre emprise où vous n’avez plus rien pour vous raccrocher.
Très souvent, je me surprends à rechercher le silence. J’apprécie le calme et les bruits apaisants de la nature, mais je garderai toujours enfoui au plus profond de moi ce traumatisme causé par les bruits effrayants de la guerre.

De Jacques

Mots à maux

À mi-mot
Du malheur des gros mots
Sur la violence naissante
Et la folie cuisante

Au sortir de sa vie
« Sort de ma vie »
En transe tempête
À coup de comète

Rapide parcours
Véhémence encours
Sans émoi, sans méandre
Comme malandre

À la mort
Privée de remords, s’endort
Nullement effrayée
Par le contrôle d’humeur remblayée

Dans sa tombe a pleuré
Comme bénite l’eau a coulé
L’autre, froide de coeur
Sentiments en pointe-de-coeur

Hors de mots
Finis les maux
Et de loin en loin
Ça ne nous va loin

Parfois ce loin surgit
Parfois ce temps resurgit
Pas longtemps
Juste ce qu’il faut de temps
Pour y perdre son temps


De Catherine M

Souvenir bruyant

Trois. Elles sont trois sœurs. Une blondinette, une brunette et une châtain. On l’appelle Châtaigne, comme le chat de la maison.
Alors, quand on l’appelle, le chat bondit et quand c’est lui qu’on appelle, c’est elle qui hurle «quoi encore ? ». C’est la rebelle de la maison, mauvais caractère, plutôt solitaire, toujours plongée dans ses mangas.
Elles habitent dans une cité HLM, immeuble champagne, escalier C. Les jeudis s’éternisent à tous les étages, y compris au 10ème, porte 27. Chez elles.
Comme partout, l’ennui suinte jusqu’au palier.
Alors, quand les devoirs sont faits ainsi que le tour des bêtises et des chamailleries, elles sont autorisées, voire vivement encouragées à « aller voir ailleurs ». Et pour elles, l’ailleurs, ce sont toutes les coursives du rez-de-chaussée entre les portes des caves et des locaux à vélos, le défi étant de réussir un gymkhana complet en patins à roulettes. Le Top. Entre 16 et 17 heures, les escaliers de tous les bâtiments sont dévalés à la hâte par tous les patineurs amateurs. Quelques-uns prennent l’ascenseur, les patins déjà chaussés pour être les premiers au départ du chrono.
Ce jour-là, Blondinette et Brunette empruntent l’ascenseur. 10, 9, 8,7, 6, 5, 4, 3, 2,1, rez-de-chaussée, elles s’apprêtent à pousser la lourde porte… quand celle-ci s’ouvre toute seule dans un silence qui les cloue sur place. Seul le plafonnier grésille et ne délivre que des lambeaux de lumière blafarde.
Qui donc est derrière cette porte ?
Elles attendent un peu, les cœurs s’emballent, elles se regardent, se donnent la main, prennent leur élan …
Bouh !
Châtaigne, la benjamine, surgit comme un diablotin monté sur ressort et s’engouffre à son tour dans la cabine, se précipite sur le bouton n°10 pour échapper à la colère de ses sœurs.
Mon petit doigt me dit qu’elles ne vont pas en rester là. Pendant longtemps le grésillement du plafonnier résonnera dans leurs oreilles.


De Françoise V

C’était un lundi 23 février 2004. En cette fin de journée, j’étais dans ma cuisine. Je remuais mes casseroles pour préparer le repas du soir pendant que deux de mes louveteaux étaient occupés à un jeu de société, et que le benjamin était en réunion sur un site culturel en ville. Penchée au-dessus de mon évier, en regardant évasivement l’eau couler en tourbillon dans le siphon, mes pensées s’échappaient après une journée très fatigante : beaucoup de public à m’occuper pour les entrées à l’hôpital, un retour dans une circulation infernale avec des travaux sur les voies à n’en plus finir. Les images défilaient dans ma tête, et j’évacuais le stress journalier. A l’étage, mes deux fils discutaient fort en jouant. L’animation allait bon train, mes pensées s’évadaient petit à petit en fixant l’eau qui coulait du robinet, c’était ma façon de me détendre.
Soudain, un grand bruit à l’étage.
– Vous faites quoi là-haut ? Calmez-vous !
– On fait rien, maman !
– Qu’est-ce c’est que ce bruit ? Vous avez cogné quelque chose ?
– Non, pas du tout. On a cru que c’était toi qui rangeais quelque chose dans la cuisine.
On aurait cru à un déménagement plus exactement. Ce mouvement latéral de l’escalier était inhabituel.
La radio émettait en sourdine les informations locales. J’entendis quelques mots qui m’interpelèrent. Je tournais le bouton du volume. Ce fut de cette manière que j’appris qu’il venait d’y avoir un tremblement de terre local. On annonçait un séisme dans un contexte de faible déformation liée au mouvement de la plaque africaine.
Aussitôt, j’ai pensé à mon fils en réunion en ville à quatre kilomètres de notre domicile. Je n’ai pas attendu plus longtemps pour partir le chercher car il est injoignable au téléphone.
J’étais arrivée sur les lieux de la maison des jeunes, et tout me parut calme. Je me suis rapprochée du bureau de réunion et derrière la vitre, l’équipe m’a semblé très concentrée sur leur projet. J’ai osé frapper à la porte pour annoncer le séisme.
On m’accueillit avec des sourires me signifiant que tout allait très bien… avec un petit air moqueur car personne n’était au courant de l’événement qui leur semblait être plutôt une blague de ma part. J’étais désolée et confuse de les avoir dérangés ! Je me suis confondue en excuses devant cette panique peu justifiée.

De Gérard

Après cinq années, les locataires de l’étage au-dessus de mon appartement ont décidé de déménager à la campagne, c’est la nouvelle lubie des bobos, ça leur passera sans doute dans quelque temps. Je rencontre le nouveau voisin dans l’ascenseur : c’est une voisine ! Très chic, très stricte. Je l’imagine secrétaire de direction, ou cadre aux ressources humaines…
TAC TAC TAC ! Quel est donc ce bruit qui résonne désormais tous les soirs au-dessus de ma tête ? Lorsque je la croise à nouveau dans l’ascenseur ce matin, je comprends : ce sont ses chaussures à talon qui résonnent sur mon plafond. TAC TAC TAC ! Elle ne pourrait pas mettre des chaussons quand elle rentre chez elle comme tout le monde ? Un peu de respect pour les autres, s’il vous plait !
TAC TAC TAC ! Cela devient agaçant et à vrai dire insupportable, demain je lui mets un mot dans sa boite aux lettres. TAC TAC TAC ! Elle n’a pas lu mon mot ou quoi ? Ou alors elle s’en contrefiche ? Attention cela ne va pas se passer comme ça !
TAC TAC TAC ! Je lui glisse un prospectus avec des chaussons sous son palier, et en prime une publicité pour les tapis SAINT-MACLOU, évidemment. J’espère qu’elle va enfin comprendre.
TAC TAC TAC ! Avec ce message explicite punaisé en grand sur sa porte « Entre 22 h et 7 h le lendemain, il n’est pas permis de troubler la quiétude d’autrui en émettant des bruits excessifs ».
Je rêve de passer une soirée tranquille, bien que je commence sérieusement à désespérer. TAC TAC TAC ! En la croisant ce soir en rentrant, elle me jette un regard noir, et me déclare tout net qu’elle vient de se plaindre au syndic pour harcèlement de ma part ! Je rêve ou quoi ? TAC TAC TAC ! TAC TAC TAC !
Arrêtez, ce bruit me rend dingue. TAC TAC TAC ! Même les boules Quiès n’y font rien. TAC TAC TAC ! Je ne dors plus, pire, j’en rêve la nuit : TAC TAC TAC !
Quand elle me croise, elle ne me salue même plus ! TAC TAC TAC ! Ma pauvre tête, jamais au repos…TAC TAC TAC ! TAC TAC TAC ! Demain, je prends une décision radicale, elle l’aura voulu !
BLING BLING ! Plusieurs fois par jour, ce son me rend maboul. BLING BLING ! BLING BLING !
Il n’arrêtera donc jamais, le tintement du trousseau de clefs des matons quand ils ouvrent les portes de ma cellule de sécurité capitonnée.
BLING BLING ! Au secours, je vais finir par devenir un danger pour la société, arrêtez, je vous en conjure ! BLING BLING ! TAC TAC TAC ! Y’a de quoi vous rendre maboul…

De Christine

Après avoir voyagé toute la journée sous un soleil de plomb, nous avions enfin posé nos valises dans le petit mas provençal niché sous un majestueux chêne. Deux semaines loin de la ville, des bouchons et des klaxons. Le calme absolu dans ce petit coin de paradis entre la Drôme et les Hautes Alpes. Juste le bruit cristallin des cascades au pied des rochers qui surplombaient le village où nous nous étions invités.
Le soir venu, nous profitâmes de la fraîcheur de cette fin d’été pour faire une balade le long de la rivière et repérer les départs des sentiers de randonnée qui serpentent dans la forêt de Saoû. Puis, fatigués par les kilomètres, nous allâmes nous coucher après un dîner léger.
Les lits étaient moelleux, les draps sentaient bon la lavande. La lune toute ronde éclairait la pièce comme en plein jour mais cela ne nous gênait pas. Nous avions laissé la fenêtre et les volets ouverts pour que les effluves de la nuit pénètrent dans la chambre.
Le sommeil m’emporta rapidement vers des rêves agréables. Tout à coup, au milieu de la nuit, je me réveillai en sursaut. Un peu déboussolée, je mis quelques minutes à réaliser dans quel endroit je me trouvais. J’écoutai les bruits du dehors, mais je n’entendis que le chant des cigales et le hululement lointain d’un hibou. Qu’est-ce qui m’avait réveillée?
Je tentai de me rendormir quand j’entendis cette fois, distinctement, des pas sur le toit. Effrayée, je n’osai pas réveiller mon mari et je restai éveillée aux aguets.
Puis plus rien. Après de nombreuses minutes, je me persuadai que j’avais rêvé et me rendormis. Le lendemain matin, je n’y pensais plus.
Ce jour-là, nous fîmes notre première grande randonnée pour découvrir cette forêt magique tellement préservée et riche de biodiversité. Nous eûmes la chance de voir un aigle royal plané dans les airs et des marmottes siffleuses. On se serait cru au pays des Hobbits. C’était magique.
Arrivés au sommet du petit Pommerol, nous nous installâmes pour un pique-nique face à la vallée et aux falaises environnantes. Le saucisson et la salade de pommes de terre étaient les bienvenus.
Nous redescendîmes tranquillement en longeant la Druise qui cascadait entre les rochers en attendant de se jeter dans la Drôme. Au crépuscule, heureux de nous poser sur la terrasse de la maisonnette après cette journée riche en découverte, la propriétaire vint nous proposer un petit verre de boisson de sa confection à base de thym citronné. C’était délicieusement rafraîchissant.
A vingt-deux heures, nous étions déjà au lit et nous n’avons pas eu besoin de berceuse pour tomber dans les bras de Morphée. Mais vers deux heures du matin, le bruit sur les tuiles me réveilla à nouveau. Cette fois-ci, je secouai mon mari. Mais il grommela que ce n’était rien qu’un oiseau qui marchait sur les tuiles. Un oiseau, n’importe quoi, on aurait plutôt dit un humain.
J’eus toutes les peines du monde à me rendormir après cette épisode. J’avais fermé la fenêtre de peur de voir un cambrioleur s’introduire dans la chambre, mais je guettais chaque bruit suspect. Le lendemain matin, j’allai voir notre charmante loueuse et lui racontai notre mésaventure. Cela la fit bien rigoler.
« Ne vous inquiétez pas, c’était une fouine, m’expliqua-t-elle, la nuit, elles courent sur les toits et essaient de trouver un trou pour rentrer dans le grenier. Vous ne risquez rien ».
Rassurée, je racontai l’histoire à mon mari qui se moqua de moi.
« Tu vois ton cambrioleur à quatre pattes n’était pas bien dangereux. »
N’empêche que cela me donnait la chair de poule d’y penser et je ne dormis plus la fenêtre ouverte.


De Lisa

Inspiré de la chanson de « Sans bruit » de Patrick Bruel

Le bruit de l’arrivée de la voiture
Lui rappelle tant de souvenirs
Les larmes coulent sur les joues
Le bruit des tourterelles lui rappelle les jours éphémères

Ce bruit, elle le trahira
Ce bruit, elle s’en ira
Partir vers d’autres horizons
Partir sans contrefaçon
De cette famille qui fait semblant

Le bruit des éclats de rire l’a fait trembler
Le bruit des discours inutiles l’a fait déprimer
Les larmes coulent sur les joues
Partir c’est décider !

Ce bruit, elle le trahira
Ce bruit, elle s’en ira
Partir vers d’autres horizons
Partir sans contrefaçon
De cette famille qui fait semblant


De Claude


Juste un bruit doux

Je sais, vous allez me trouver un brin provocateur, mais le bruit que je préfère, c’est le silence. Je ne vous épate pas en vous rappelant qu’Anouilh disait déjà : « Quelle musique, le silence!». Et puis, j’aime l’oxymore. Moins cependant que la confiture de groseilles.
Mais ne parle-t-on pas de silence éloquent ou même assourdissant ? Sans lui, comment apprécier le clapotis des vagues sur une plage déserte, le mugissement du vent dans les arbres, le frémissement du feuillage dans la forêt, la douceur onctueuse du désert – pourquoi se priver de désert ? – ou le chant mélodieux des oiseaux ?
Il est la condition sine qua non à l’accès à tant de jolis bruits. Il est si précieux qu’on l’observe, et qu’on cherche parfois à le garder, voire à l’acheter.
Ecouter le silence, méditer, s’extraire du tumulte de la ville et de sa pollution atmosphérique et sonore, cela me semble, à titre indicatif, impératif. C’est un kit de survie pour éviter le chaos, OK ?
Je suis pourtant loin d’être un contemplatif (tout dépend à quel bout on prend le mot) : je ne chercherai pas à vivre en ermite, loin des cieux, loin du chœur, pas plus qu’à me dire : fini de papauté.
En revanche, je pense que s’éloigner du tapage médiatique et aussi de toutes ces machines à bruits que sont aspirateurs ou robots ménagers est déjà, en soi, une véritable bénédiction. Si télé nôtre bon plaisir, bien sûr !
Je serais même prêt à m’imposer un jeûne, mais un jeûne sonore, à la manière de Johnny, l’idole des jeunes. C’est cela le culte de la personne Halliday. Lui pourtant, ne se privait pas de sons, et avec, il se faisait du blé.
Après avoir enduré pendant de longues années la sonnerie atroce d’un réveille-matin qui me réveillait – et mon épouse avec – en sursaut, nous laissant haletants pendant de longues minutes (Ah ! le temps !), j’ai la joie de vous faire part du décès de ce même réveil ce jour, à l’âge de 10 ans et 5 heures trente, pulvérisé dans une furieuse collision avec un mur.
Il est vrai que je dors peu et vous savez que ne pas dormir nuit.
Un souvenir me revient : une conversation sans paroles avec mon épouse.
Se regarder en silence (une épreuve pour elle !). Rendre tout mot inutile. Oui, je suis persuadé qu’une cure de silence, c’est une cure de jouvence. Mais je comprends Jules Renard qui disait : « Si l’homme a été créé avant la femme, c’était pour lui permettre de placer quelques mots !».
Je vous quitte donc sur la pointe des pieds, sans bruit.

De Sandra

Lors d’une belle journée chaude, nous voici tous assis autour de la table de ma grand-mère à la campagne. Nous célébrons tous le retour de ma tante Cécile, une célibataire, sans enfant aussi. Elle a travaillé trente-cinq ans pour la marine Canadienne, une carrière qu’elle a adorée. En plus, c’était sa retraite qu’elle attendait avec impatiemment. Cécile a décidé de rester avec ma grand-mère à cause de ses problème de cœur. D’autant plus qu’elle aime la liberté que la campagne apporte.
Soudainement, nous entendons un bruit du côté du cabanon. C’est on ours avec ses deux petits oursons, qui fouillent dans la poubelle. Ils sont aussi surpris que nous de nous voir là. Ils ont eu peur et ils sont enfuis dans les bois en arrière.
Bref, nous sommes tous contents de leur départ, pour pouvoir continuer notre petite fête.

De Pierre

Les petites histoires qui suivent, autour des bruits, je les ai vécues à des périodes différentes de mon existence.
Nous sommes en été dans les années 80. Je sors un soir très tard de mon bureau, situé près de la gare de Lyon à Paris et je me dirige vers une station de métro. Peu de monde sur le quai en cette heure tardive. La rame vient d’arriver, je monte dedans. Quelques secondes passent, la rame ne repart pas, étrange…soudainement, un bruit énorme, assourdissant, amplifié par la caisse de résonance de la station provient de la dernière voiture. Panique, tout le monde se sauve en courant sur le quai. Tous, nous étions persuadés qu’une autre rame avait percuté la rame à quai. Par peur, je me réfugie, allongé à même le sol sous une banquette positionnée sur le quai. Quelques minutes plus tard. Le bruit cesse, le calme revient et chacun reprend ses esprits. Plus de peur que de mal, hormis des vêtements salis dans le mouvement de panique. La RATP nous confirme qu’un dysfonctionnement électrique sérieux sur la dernière voiture est à l’origine de l’incident.

La seconde histoire je l’ai vécue en montagne. Il y a une quinzaine d’années, lors d’une promenade en groupe, en Isère, sur les hauteurs, lorsque nous sommes
Soudainement surpris par un orage très violent entraînant un bruit assourdissant. En montagne, ça résonne, et par la foudre qui s’abat ici et là. A cet instant, Je pensais ma dernière heure arrivée car j’ai toujours eu, depuis ma tendre enfance et encore aujourd’hui, une peur atroce des orages qui sont pour moi des éléments incontrôlés ou incontrôlables qui me paralysent. L’ami près de moi me dit de me coucher à même le sol, dans la boue sous la pluie battante et de ne plus bouger, ce que je fis. J’étais mort de peur attendant que l’orage s’éloigne avant de rejoindre les autres amis du groupe, qui avaient pu se réfugier dans une grange toute proche.
Moins catastrophique était le bruit caractéristique des vieux autobus parisiens à plate-forme, surtout lorsque le bus était à pleine puissance et à pleine charge. Il se dégageait alors un bruit comme .. pom pom..à la sortie du pot d’échappement. C’était les années cinquante.
Plus tard à New York, le bruit des sirènes de police et de pompiers m’impressionnait, il était très particulier, rien à voir avec notre bruit ..pin pon..typiquement français


D’Inès

Des grincements, des bruits surgissaient chaque soir, tard dans la nuit. Ces bruits provenaient aux alentours d’une petite ferme où habitait le petit Pierre.
L’enfant avait été adopté par un couple qui avait deux petites filles, qui languissait d’avoir un petit garçon. C’est ainsi que Pierre évolua dans une petite ferme tranquille, non loin des petits villages de Provence-Alpes-Côte d’Azur. La nuit venue, la mère Sofia avait besoin de faire une petite omelette pour le diner :
-Pierre, tu veux bien me chercher le reste de lait, ainsi que les quelques oeufs qui se trouvent dans la grange ?
Malgré sa trouille, Pierre acquiesça. Il ne fallait pas montrer sa peur aux deux fillettes de sa belle-mère, Cathie et Alicia. Les coups de tonnerre grondaient, la pluie battait son plein. Il sortit de la maison, tout en se retournant à droite et à gauche, ses vêtements étaient tout trempés. Les deux fillettes, espiègles, le suivirent de près. Pierre s’introduisit dans la grange, et en tatillonnant il essaya tant bien que mal d’allumer les lumières. Soudain, ses vêtements s’accrochèrent à quelque chose comme un clou …. Il sursauta, tomba, et cria de terreur. Les deux fillettes éclatèrent de rire et allumèrent les lampes du grenier.
-Pierre! ah ah ah ! On ne savait pas que tu pouvais être un grand trouillard !
Déçu de s’être exposé à la risée des deux fillettes :
-Vraiment, ce n’est pas marrant. Vous n’allez pas me croire mais j’entends souvent du bruit la nuit, et je suis curieux de connaître son origine.
Pierre récupéra les commandes de sa belle-mère, et les trois enfants tout mouillés rentrèrent en courant au foyer de leurs parents.
Le souper du soir fut servi dans la grande salle. Sofia avait souvent entendu des bruits, mais elle ne s’en souciait guère. Elle se disait que ça ne devait provenir de la ferme voisine.
Sofia se leva, fit la vaisselle en compagnie de ses filles et monta se coucher. Mais, Pierre décida de percer le mystère, une fois pour toutes.
-Vous les filles, vous resterez là, pas question que vous veniez avec moi, il se peut que les lieux soient dangereux …
Alerté, par ces paroles, la mère Sofia descendit en courant :
-Pierre mon fils, je refuse que tu t’aventures en plein nuit dehors ! Tu es trop jeune ! Les lieux ne sont pas assez sécurisés, vu qu’on n’a pas assez de lampadaires, ni de routes balisées…
Pierre entendit le mot ‘fils’, et des torrents de larmes mouillèrent son petit visage. Sofia se précipita vers lui, le prit dans ses bras, le berça, l’embrassa. Les larmes du petit se mêlèrent à celui de sa maman.
-J’ai tellement attendu ce moment, le moment où tu me dirais – mon petit fils. A chaque moment, je voulais prouver à tout le monde que j’étais digne d’être aimé… digne d’être chouchouté comme tout autre enfant …
Émues, Cathie et Alicia se joignirent au petit groupe et entourèrent tendrement de leurs petits bras leur maman et leur frère.
-Allez les enfants, nous allons tous partir à la découverte de ce bruit qui n’a que trop duré… On dirait des ultras son à intervalles réguliers, ce qui empêche le voisinage, et même nos animaux, de se reposer. N’oubliez pas de porter des bottes, manteaux et chapeaux. Munissons-nous aussi de lampes, d’une boussole et de produits de premiers soins, au cas où on en aurait besoin. Peut-être que ces grincements proviennent d’une source bien plus lointaine qu’on ne le pense.
Le petit groupe se dirigea vers une forêt, il faisait noir et un froid vif s’était installé sur les lieux. Les fillettes avaient surtout peur de rencontrer des sangliers. Illuminés par leurs torches, c’était à peine s’ils pouvaient apercevoir un petit sentier qui se traçait devant eux. Ils arrivèrent à la lisière du grand ravin. Pierre trébucha et faillit tomber dedans. Au bout de quelques minutes, les fameux bruits devinrent de plus en plus forts, stridents et insupportables. Les fillettes se bouchèrent les oreilles avec leurs petites doigts.
Ils s’approchèrent d’une grotte et s’aventurèrent dedans. Soudain, des centaines de chauves-souris dérangées s’abattirent sur le groupe, voulant à tout prix fuir les lieux. Sonia et ses enfants s’allongèrent à plat ventre et protégèrent leurs têtes avec leurs mains. Les petits criaient à tu tête
-Maman ! Maman ! Des chauves-souris !
-Restez allongés les enfants ! Restez allongés ! Surtout ne bougez pas, elles sont affolées, c’est tout.
Tout à coup, une jeep tout terrain s’approcha et s’arrêta à proximité de la grotte. Ses phares éclairèrent d’une lumière très vive l’entrée de la grotte. Un homme de forte corpulence descendit :
-Bonsoir Madame ! Que faites-vous ici, ne savez-vous pas que c’est un site protégé, et qu’il est strictement interdit de s’y introduire ?
-Bonsoir Monsieur, depuis quelques temps, des bruits stridents envahissent nos nuits. Et nous avons eu la curiosité de savoir ce que c’était. On ne s’imaginait pas que ça pouvait être des chauves-souris.
-Je salue votre courage à tous, vous avez dû traverser des chemins et des forêts périlleux et ceci en plein nuit. Si vous le souhaitez, je me ferai un plaisir de vous raccompagner jusqu’à votre ferme, il fait mauvais temps et vous serez plus en sécurité avec moi.

De Nicole

La perte d’humanité

Je n’y étais pas, je n’y suis pas, je n’irai pas.
7 octobre 2023, perte d’humanité.
Des images me hantent et me hanteront longtemps.
J’entends le bruit des armes automatiques qui déchirent les corps.
Le bruit des lames, des bébés, enfants, femmes, hommes que l’on égorge.
Les cris, les pleurs, les supplications.
Le bruit des flammes des personnes que l’on brûle vives.
Le bruit des pas dans leurs courses éperdues.
Les cris de joie.
Et maintenant les paroles de haine.
Une haine qui fera du bruit encore sur plusieurs générations des deux côtés.


De Dominique

Souvenirs de jeunesse.

Oh ma jeunesse, combien de beaux souvenirs m’as-tu laissé en mémoire et combien de pages innocentes furent noircies dans mon journal d’adolescent ?
Souvenirs émus de ces camps de vacances à l’étranger. Nos sacs à dos bien remplis, de la joie au cœur et va pour l’aventure. Je prenais le train pour la première fois de ma jeune vie, en route pour la forêt noire allemande. Le séjour avait pour but de découvrir les villages typiques du pays et de traverser sa forêt dense. Le programme était simple ; une marche d’une vingtaine de kilomètres et le soir un bivouac improvisé là où on voulait bien nous laisser poser nos sacs. Les découvertes de la nature nous émerveillaient, ses couleurs changeantes, nos premières prises de conscience du respect de la nature et de l’écologie. La forêt des frères Grimm était touchée par ce qu’ils appelaient « les pluies acides ». Par endroits, les pins perdaient leurs belles aiguilles vertes brûlées par l’eau traversant les nuages de pollution.
Jour après jour, de Fribourg au lac de Constance vers Schaffhouse pour visiter les chutes du Rhin, nous avons usé nos godasses sur les chemins pierreux des massifs montagneux ou en suivant les itinéraires incertains d’un parcours en forêt.
Le soir venu, rompus et exténués, nous dressions nos tentes à la hâte pour un repos bien mérité. Une petite clairière accueillante nous invitait à partager, pour une soirée, son havre de paix.
Après la corvée du ramassage de bois, un feu de camp nous réchauffait l’âme et le corps pour la veillée du soir. Chacun racontait sa petite histoire, sa rencontre avec un animal sauvage, la découverte des plantes régionales, pendant que d’autres juraient leurs grands Dieux qu’ils avaient croisé le loup. Un autre parlait du « Dahu » que les hommes chassaient ici en terrain montagneux et boisé. Des battues étaient, paraît-il, organisées dans les villages que nous traversions. Soir après soir, la « psychose » s’installait dans le groupe et influait sur le sommeil des jeunes garçons de quinze ans que nous étions.
Et si, au cours de la nuit, le loup venait nous mordre, s’il venait s’abreuver de notre sang ? S’il venait nous tirer par le pied pour nous emmener dans sa tanière ?
Le calme revenu et bien au chaud dans mon duvet, je ne voulais surtout pas me laisser influencer par ces histoires de mômes. Le silence, au lieu de me rassurer, devenait de plus en plus pesant, voire angoissant dans ce milieu qui me paraissait tout à coup hostile.
La nuit s’était installée et tout le monde dormait à poings fermés. Au moment même où un chien hurlait dans le lointain, un bruit métallique me réveilla, la toile de tente s’était soulevée, j’en étais sûr. Un intrus était dans les lieux.
Blotti dans mon duvet, me faisant le plus discret possible, tous mes sens étaient en éveil.
Autour de moi, mes amis étaient dans leurs rêves, certains d’entre eux ronflaient à qui mieux mieux. La tente dans laquelle nos accompagnateurs adultes s’étaient installés, semblait, elle aussi, tout à fait sereine.
– J’ai dû me faire des idées, rendors-toi vite imbécile, ton imagination te joue des tours.
Par acquis de conscience et, juste pour me rassurer, je pris ma lampe de poche. Il faut que je m’approche au plus près de la source de ce bruit de fer qui s’entrechoque.
– Et pourquoi un loup ferait-il un bruit pareil ?
Petit à petit, j’ouvris la fermeture éclair et je balayais de mon rayon lumineux l’espace autour de moi. Tout était calme, il n’y avait pas une âme qui vive, ni loup ou autres bestioles toutes aussi sympathiques.
– Retourne te coucher idiot. Si les copains venaient à se réveiller, je deviendrais demain la risée de toute la bande. Avec tout le raffut que tu viens de faire, c’est une chance que personne ne se soit réveillé.
Je fermai les yeux et je ne voulais plus penser à rien. Et si ça n’était pas un loup mais un sanglier ou alors un renard malade de la rage ?
– Ah non, tu ne vas pas recommencer, rendors-toi, me dit la petite voix de la raison, celle qui est souvent en conflit avec l’autre, la méfiante qui me dit : prépare-toi à foutre le camp…
Mais non, je n’ai pas rêvé, ce bruit métallique est bien là !
Les copains sont toujours dans les bras de Morphée. Que dois-je faire ? Sonner l’alarme, investiguer tout seul malgré les risques encourus ! Il fallait en avoir le cœur net. Il se passait quelque chose de bizarre sous cette toile.
C’était un bruit métallique, pas de doute, je ne rêvais pas, j’étais parfaitement éveillé. Mon cœur battait la chamade, ma respiration s’accélérait. Je regardais autour de moi et envisageais une possibilité de fuite mais, j’étais bel et bien coincé sous cette toile. Que faire ?
Je réveillai mon copain Pierrot. A deux, on serait plus forts si un animal nous sautait dessus.
– Pierrot, Pierrot, arrête de dormir et viens m’aider !
– Hein, quoi… Tu es fou de me réveiller à deux heures du matin !
– J’entends un bruit bizarre et il faut que tu viennes vérifier avec moi !
« Boum, cling, clic » quel chambardement ! Puis j’entendis un souffle, comme un ronronnement. Pierrot, en un bond, se leva et fila au bout de la tente ! Courage fuyons.
– C’était quoi ce bruit ?
– Pas d’autres solutions que d’aller voir, lui dis-je avec effroi.
Pierrot n’était pas très vaillant mais, au moins il donnerait l’alerte si la « bête » me sautait dessus.
Armé de la lampe et de la hanse du drapeau bleu blanc rouge que nous arborions fièrement sur nos sacs à dos, j’ouvris la fermeture éclair qui séparait la chambre de l’espace cuisine.
Le coupable était là. C’était un inoffensif hérisson qui explorait nos assiettes en fer-blanc, laissées à même le sol en attendant la vaisselle de demain. L’érinaceidé, tout en m’observant avec attention, poussa son petit grognement et, sans se paniquer, s’éloigna avec en bouche un reste de la saucisse de Francfort qui n’avait pas été consommée.
– C’est bon Pierrot, tu peux retourner te coucher, il n’y a pas de loup-garou ni même de Dahu taquin, c’est juste un hérisson qui avait une petite faim !
Oh ma jeunesse, que de souvenirs tu m’as laissé…


De Catherine G


Un bruit suspectC’était incroyable ! Je m’asseyais au bureau pour travailler à l’ordinateur, et depuis plusieurs semaines, il se passait toujours la même chose : j’entendais un bruit de grignotage dans mon dos.
Au début, j’ai cru que je me faisais des idées, mais au fil du temps, je m’étais persuadée qu’il y avait bien une bête qui grignotait quelque chose. Je m’étais alors souvenue que, avant de quitter la maison pour s’installer ailleurs, mon plus jeune fils avait eu un nouveau « copain » dans un aquarium : un petit dragon, sorte de gros lézard aux yeux globuleux, qu’il nourrissait avec des grillons vivants. Donc, ce pouvait être un échappé ou son descendant. Mais depuis tout ce temps, quand même, c’était improbable !
Et toujours ce bruit, aussi agaçant que des gouttes d’eau qui s’échapperaient l’une après l’autre d’un robinet aux joints défectueux. Un petit supplice de Tantale d’autant plus énervant que, dès que je tournais la tête pour identifier la provenance exacte du bruit, cela s’arrêtait instantanément, comme s’il était relié à mes cervicales, ou que la bête prenait un malin plaisir à me faire devenir chèvre.
Je pouvais situer la provenance dans le secteur du placard mural, porte de gauche. Mais de multiples inspections n’avaient rien donné. Et le grignotage semblait s’amplifier. Alors, un jour pas comme les autres, n’y tenant plus, je décidai de passer à l’acte. Porte du placard démontée et portée à l’extérieur. Faite de lambris cloués sur panneau de bois, elle ne présentait en apparence aucun signe d’habitant, ni d’intrusion. Mais j’avais la certitude de cerner le problème et employai donc les grands moyens pour dépenailler ladite porte qui finit par me livrer le coupable : un gros ver blanc affamé qui grignotait à qui mieux mieux le bois, à s’en faire exploser la panse. Gros comme une larve de hanneton ou de courtilière, dodu comme les gros vers blancs qui squattaient les bois pourris de mon tas de bois. Ni une ni deux, la porte finit au bûcher, après avoir mis à mort l’intrus, la paix n’ayant pas de prix.
Depuis, plus de grignotage pour titiller mes oreilles, mais mon placard attend inlassablement que je remplace la porte dont il est amputé.


De Claudine

Le cri

Samedi 17 juin, c’est le jour choisi par Michel et Pascale pour organiser leur nouveau déménagement. Une fois encore, nous sommes six à avoir répondu présents à leur invitation. C’est notre cinquième rendez-vous en six ans. Ils ont la bougeotte nos copains, c’est le moins que l’on puisse dire. Ils n’en sont pas encore à avoir fait tous les arrondissements de Paris, mais, quand même, un quart de ceux-ci sont déjà à leur palmarès.
Leur frénésie du changement pourrait être amusante, s’ils n’avaient pas l’idée saugrenue de ne choisir que des appartements dans des immeubles anciens, forts agréables certes, mais à chaque fois dépourvus d’ascenseur.
Ce sont des amis sympas, c’est pourquoi nous sommes fidèles au poste malgré la promesse d’une journée très sportive et harassante. Pascale, en maniaque qu’elle est, ne supporte pas de voir son appartement sens dessus dessous. Ce qui nécessite que nous réaménagions leur nouveau lieu de vie dans sa totalité dès que tout est sur place. Lorsque nous arrivons dans l’appartement à vider, tout est préparé, numéroté et dédié. Chacun a une tâche bien précise. Pas de place à l’improvisation, rien n’est laissé au hasard. Elle tient à chacun de ses objets comme à la prunelle de ses yeux. Il faut dire qu’elle et Michel sont pourvus en meuble et vaisselle de prix ; la plupart venant de la famille de l’un ou l’autre.
Les hommes, au nombre de quatre, sont affectés au portage du mobilier et des cartons contenant l’ensemble de leur bibliothèque. Les femmes, au nombre de trois, dont je fais partie, sont préposées à la descente et à la montée des cartons de linge, vaisselle et autres divers objets, dont les jouets des enfants. Ha les enfants ! il y en a presqu’autant que de déménagements. C’est la raison pour laquelle il faut toujours une pièce en plus, donc un appartement plus grand.
Pascale s’occupe de l’intendance et du bon déroulement des opérations. Heureusement nous prenons les choses avec humour. Ce qui ne m’empêche pas de penser que si elle était aussi dynamique et présente à l’hôpital, ce serait une bien bonne chose.
Depuis cinq ans nous connaissons la musique.
-Catherine, fais attention aux cartons numéro deux et trois, ils contiennent le service de verre de Saint Louis.
-Sonia, tu t’occupes des cartons qui contiennent la vaisselle ; dans le quatre, le cinq et le six, il y a le service de Limoges offert par Mamie.
-Dans le un, j’ai mis le service à café qui est très fragile. Alors, Clo, tu le manipules avec précaution.
-Dans tous les autres cartons, il y a le linge de maison et les ustensiles de cuisine ainsi que les jouets des enfants.
Et des cartons il y en a une kyrielle ; autant dire de nombreuses marches à monter et descendre.
-Les gars, vous porterez les housses de vêtements, qui sont à mettre dans ma voiture bien à plat.
Voilà, nous avons notre carnet de route, il ne reste qu’à démarrer la journée, non sans avoir eu droit à un bon café qui attend dans la thermos, servi dans des gobelets en carton accompagné de croissants. On sait recevoir chez notre amie.
C’est avec bonne humeur que nous débutons. Après tout, personne ne nous contraint à être là. Et nous savons que nous terminerons la journée, harassés mais devant un bon repas préparé par la mère de Michel qui garde Mathieu ; et chaque année suivante un bambin supplémentaire.
Tout se passe au mieux, en général, surtout si le couple a pris soin de réserver une place de stationnement devant l’entrée de l’immeuble. Sinon, c’est la galère. Les « petites mains », c’est-à-dire nous, arrivons par facilité par le métro. Une autre galère.
Ça y est, l’appartement nouveau, doté d’une pièce supplémentaire, est presque rangé. Rien ne traîne, c’est un miracle. Dommage, que je n’ai pas le même sens de l’organisation, mais je déménage moins souvent.
Le frère de Michel est à chaque fois chargé de vérifier que tous les meubles sont bien stabilisés avant d’être ré-emplis. Que les tableaux sont posés droits. Et Pascale, forcément, que chaque objet est bien dans la bonne pièce et le bon meuble.
Nous nous installons dans la belle cuisine dont la fenêtre donne sur le dôme des Invalides. Magnifique vue ! Qui en fait n’est pas notre but essentiel en cette soirée. Nous asseoir autour de la table bien achalandée pour enfin souffler et papoter, voilà notre objectif.
Nous terminons l’apéritif, lorsque nous entendons un énorme bruit.
Silence général.
Pascale et Michel se précipitent dans la pièce d’à côté, d’où vient le bruit. Ce sont les enfants qui s’amusent dans leur nouvelle chambre, dit laconiquement la grand-mère.
Quand un cri déchirant nous parvient ; nous fonçons dans la salle à manger. Pour découvrir notre amie en larmes. Et surtout, le meuble, contenant la verrerie en cristal de Saint Louis et les Daum inestimables, couché sur l’avant. La corniche effondrée sur le bord de la table et les portes grandes ouvertes qui ont laissé s’échapper leur précieux trésor.
Silence général.


Cet après-midi, dans mon sud Charente-Maritime, le vent a soufflé fort, presque en tempête, avec de sacrées averses. Vendredi dernier, on était en short et en tee-shirt encore avec 28° affichés au thermomètre, et on est passés directement en automne, sans transition. Quel choc! On a réussi à charger la voiture pendant une accalmie ensoleillée. 
On sait qu’on va rouler sous la pluie. Nous ne sommes pas pressés, nous prenons toujours notre temps pour partir en vacances. Nous nous arrêtons tous les 90 minutes ou toutes les 2 heures, pour nous dégourdir les jambes et laisser au chien le temps de faire une pause pipi et de marquer son territoire sur les aires de repos. Nous fuyons autant que possible les autoroutes.
Nous emmenons notre zoo ambulant, car nos 2 chats nous accompagnent aussi. Avec tout leur bardas, il leur faut presque la voiture à eux tous seuls. Je ne vous raconte pas le concert de miaulements plaintifs qu’on va entendre demain.
Un des chats, plus vieux, est habitué à voyager, car avant, j’allais rendre visite à mon fils aîné qui habitait Melun. Mais, le deuxième chat n’a jamais fait de longs voyages en voiture. D’habitude, on laisse les chats chez une personne de confiance. Mais, on a décidé de les prendre avec nous, car le plus vieux des deux s’est trop ennuyé en juillet quand on est partis en Corse. Au moins, ils nous verront le soir. 
Les journées seront consacrées aux visites de châteaux principalement et des lieux liés à la Première Guerre Mondiale. 

Je vous retrouverai avec plaisir dans 2 semaines pour de nouvelles aventures plumesques de l’atelier d’écriture du blog LA PLUME DE LAURENCE. 

Je vous souhaite une belle Toussaint, même si cette période est plus propice au recueillement. 

Portez-vous bien et prenez soin de vous. 

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE
 

Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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