Comme j’ai bien ri à la lecture de vos textes suite à la proposition d’écriture N° 177, où il fallait préparer un menu avec les restrictions alimentaires des uns et des autres.
Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
De Hamza (proposition d’écriture sur une personne toxique)
Très tard dans la nuit, le voilà qui arrive à plein gaz. Conduisant dans un état second sa voiture de marque Renault R9 délabrée et en ferraille, il freine de façon brusque et y descend complètement défait. Telle une ombre, il marque d’abord un temps d’arrêt et observe la rue déserte et mal éclairée. Il regarde à droite, puis à gauche. Pas âme qui vive, il est seul et malgré cela, il marmonne quelques phrases incompréhensibles.
Puis il se traîne vers la porte de sa cambuse vers une grande porte en fer forgé. Titubant, il fixe maladroitement l’accès de sa demeure, puis à l’aide d’un objet métallique, il tape fortement sur la tôle. Un bruit infernal tendant à réveiller un mort se fait entendre à plusieurs lieues à la ronde.
Tous les voisins endormis se réveillent, se tournent, se mettent sur leur saillant, se rassurent puis se rendorment. De la demeure du somnambule, des pas furtifs se font discrètement entendre, puis sans bruit, le portail s’ouvre et la compagne de l’ivrogne apparaît. Une Dame proche de la quarantaine malheureuse, miséreuse qui tente bon gré mal gré d’assurer le gîte et un brin de sécurité à ses trois enfants dont le père mène une vie de noctambule.
De Danielle B
Pas de ça chez moi !
Franchement Michel, on ne m’y reprendra plus ! En quarante ans de mariage, c’est la première fois que ça m’arrive ! Je pense que ce n’est pas du tout une bonne idée d’avoir invité à dîner tes nouveaux amis de ton club de pétanque. Je sens que je vais me retrouver complètement coincée dans ma cuisine. Oui, coincée, tu m’entends ? Et bien sûr, tu ne mettras surtout pas la main à la pâte. Tu vas encore te vautrer dans le canapé avec ta bière en attendant de te mettre les pieds sous la table. J’en peux plus ! J’en peux plus !
Non mais Michel, tu te rends compte ? Je vais leur faire quoi à manger à ces gens ? Je ne les connais même pas en plus ! Mais déjà, je peux te dire qu’il ne faudra pas compter sur moi pour leur faire des ronds de jambes et des sourires, hors de question !!!! Je te laisserai leur ouvrir la porte et leur faire choisir leurs places ? Ah oui pour les places ? Il leur faut des chaises spéciales ? Parce que c’est la vraie chaise à bascule cette histoire ! Il leur faudra des petits coussins pour leurs petites fesses peut-être ? Oh Michel, Michellllllllllllllllllll !!!!!!!!!!!!!!!!!!
– Mais enfin ma chérie, calme-toi, tout va bien se passer ?
– Me calmer ? on voit bien que tu es complètement déconnecté de la réalité mon pauvre! Déjà, je ne vais jamais dans les magasins bio pour faire les courses, c’est pas demain la veille que ça va commencer. Mais je vais leur faire quoi moi à ces gens ?
Il n’y a pas assez de problèmes dans la vie pour que les gens ne veulent plus manger ni viande, ni poisson, ni fromage, ni beurre, ni œufs ? Ils sont très mal éduqués tes amis, car ils m ‘imposent, chez moi, leurs menus. Non mais, Michel, tu vois bien que ça tourne pas très rond dans leurs têtes à tes copains, pffff – Des végans chez moi maintenant.
C’est ça, quitte la pièce en te bouchant les oreilles maintenant, Michellllllllllllll ?
Qu’est-ce qu’il m’agace, je ne le supporte plus avec ses simagrées, pour sûr qu’il a dû leur dire que je pouvais m’adapter à tout, que j’étais tellement gentille. Oh oui, ben en attendant, gentil n’a qu’un œil et je suis dans une sacrée panade moi !
Et puis, en plus de la végan, v’là l’autre qui voudra sa viande bien saignante mais surtout pas de légumes, il lui faudra juste du riz, des pates ou des patates. Non mais je rêve !!! Cette soirée va être d’enfer, je le sens ! Ah, je pressens qu’ils doivent être très drôles, ses amis, avec le petit doigt sur la couture du pantalon, leurs allergies au gluten, on aura tout vu !!! De mon temps, on mangeait ce qu’on trouvait dans l’assiette, un point c’est tout. Il n’y avait pas autant de manières. Non mais franchement, on va où là ? Il est hors de question que je mette les pieds dans un magasin qui ne fait que les produits bios et locaux.
Rien que d’y penser, ça me rend dingue !!! Je crois que je vais péter un câble en cuisine et que je vais me mettre en grève, oui, c’est ça, je vais me mettre en grève.
Parce qu’en plus de la Végan, de l’autre qui ne mange aucun légume, de l’allergique qui a certainement plein de poils sous les bras, de celle qui ne mange que des produits bio et locaux, il y a aussi une cétogène qui doit être sortie directement de la caverne.
Michel ? Michel ?
Tu m’entends Michel ?
Bon, il a dû partir prendre l’air.
Je vais sortir moi aussi, ras le bol de ce repas, et rien que l’idée ne me va pas du tout, mais alors pas du tout du tout. Quand Michel sera de retour, je lui dirai ce que je viens de décider. Oui, c’est bien décidé et bien clair dans ma tête, ce soir-là, je serai de sortie, toute seule, complètement seule. Je le laisserai se débrouiller avec ses amis, et je savoure déjà ma vengeance, ça va lui en boucher un coin à Michel. J’irai voir “Complètement cramé”, au cinéma. J’avais adoré le livre, je suis sûre que le film doit être génial.
De Gérard
Une réception ratée
La réception des voisins a tourné court.
J’avais pourtant mis les petits plats dans les grands, préparé un couscous généreux, plein de viandes et de légumes, épicé à souhait au ras el-hanout. Pour qu’il y en ait pour tout le monde, m’étais dis-je. Le couscous n’était-il pas le plat préféré des Français ?
Oui mais voilà : Christine, végan intégriste, ne supportait pas la cohabitation indécente des légumes et du poulet.
Jean-Claude ne mangeait que la viande, et encore, pas l’agneau.
Kévin le locavore s’abstenait parce que tout n’était pas bio.
Suzanne, ne supportant pas les glucides, refusait de faire une entorse à son cétogène de régime.
Caroline avait apporté ses propres graines et fruits secs pour combler son appétit de moineau.
Résultat : je suis retourné à la cuisine avec mes plats pleins, et à ce moment précis, j’ai brutalement pété les plombs. Je les ai tous fichus dehors en hurlant que chez moi, ce n’était pas restaurant à la carte, et qu’ils aillent tous se faire voir avec leurs phobies et leurs certitudes… (en réalité, ce n’est pas exactement les termes que j’ai employés, mais d’autres beaucoup plus fleuris…).
Puis, j’ai couru dans ma chambre m’effondrer sur le lit, ai pleuré un grand coup, et fini par me calmer en me persuadant que, de toute façon, cet incident ne changeait pas grand-chose puisqu’avant on ne se parlait déjà pas entre voisins.
Et je me suis souvenu : à l’étrange époque de mon enfance – nous étions au début des années soixante – nous vivions ensemble, solidairement, sans en avoir conscience.
Nous habitions la même région, les enfants ne s’éloignant guère de leurs parents une fois mariés, et nous accueillions les anciens dans la maison quand le grand âge ne leur permettait plus de rester autonomes chez eux. La maison de retraite était une exception.
Nous regardions les mêmes émissions de télévision – il n’y avait qu’une chaine ! – ce qui nous permettait d’avoir une culture commune, et d’en discuter. Nous avions le choix entre trois stations de radio : Paris Inter (devenue France Inter), Europe N°1, et Radio Luxembourg, future RTL. Aussi partagions-nous actualités, émissions de variétés, de jeux, culturelles, rencontres sportives.
Les horaires de travail étaient grosso modo identiques pour tout le monde, les périodes de vacances (trois puis quatre semaines) également. Les églises encore pleines, beaucoup d’entre nous s’y retrouvaient le dimanche matin sur le parvis, en tous cas presque tous les enfants jusqu’à leur communion solennelle. Nous nous retrouvions chez les commerçants qui nous connaissaient, le libre-service n’était pas encore la règle. Nous mangions la même chose, la mère de famille ne faisait jamais de plats spéciaux pour les « difficiles ».
Aujourd’hui, chacun est dans Sa boîte. Dans Son téléphone, Son réseau social préféré, écoute Sa radio, Sa musique, sous Son casque, regarde la toile sur Son ordinateur, habite loin de la famille nucléaire, mange Sa nourriture, regarde à la télévision la chaîne qui transmet uniquement ce qui l’intéresse, en replay au besoin, travaille avec Ses propres horaires, parfois de Sa propre maison, ne rencontre plus ses collègues, part en vacances quasiment à la carte.
On ne partage plus grand-chose. L’individualisme règne en maître absolu. Comment s’étonner de ne plus nous comprendre et de constater que le vivre ensemble est devenu bien difficile ?
Je n’inviterai plus Mes voisins, ils n’aiment pas Ma cuisine.
De Françoise V
UN DINER PRESQUE PARFAIT
Quand j’invite du monde, je m’applique à réunir des personnes aux goûts communs. La vie est assez compliquée comme ça. Mais je suis confrontée à une situation particulière : ce sont des amis d’enfance qui ne se sont pas revus depuis des années et qui m’ont sollicitée pour se réunir avec moi. Ils ont évolué tous différemment, évidemment, y compris moi-même. Je suis donc confrontée à une situation de gestion de partage.
Pour mes invités aux régimes alimentaires si différents, pour le respect de chacun, pour que tout se passe dans le meilleur des mondes et que tous se sentent à l’aise au cours de cette soirée exceptionnelle, je préconise une troisième solution. Celle que chacun amène son plat préféré et qu’un partage puisse se faire dans la mesure du possible avec la santé et le choix de chacun.
Je m’occuperai de faire une belle table. Ce sera ce dont je serai le plus capable :
Décoration assurée,
Avec nappe fleurie ou brodée.
Plusieurs fours à disposition
Pour faire mijoter les compositions.
J’installerai plusieurs tablées
Pour rapprocher les affinités.
Du vin, il y en aura, et des boissons non alcoolisées pour toute l’assemblée
Personne ne refusera de boire à sa santé.
Chacun amènera son repas à réchauffer.
Je profiterai de l’occasion moi aussi, pour goûter à des mets nouveaux
Et je me préparerai un petit plat chaud.
Nous partagerons non pas un repas
Mais plusieurs à la fois,
Qui seront illustrés par nos conversations arrosées
Avec la joie de se retrouver.
Après tout, l’essentiel est de se revoir
De raconter nos vies, nos histoires
De prendre des nouvelles de chacun
Pour prolonger notre rencontre, renouer nos relations dans notre quotidien
Chacun y trouvera son compte
J’espère simplement, que chacun se comportera avec politesse
Sans cris et gare, mais en s’exprimant avec délicatesse…
Mais là, je redoute les tempéraments emportés
Les mauvais caractères, ceux qui ne supportent aucune contrariété.
Par contre, si tout se passe bien, nous renouvellerons cette table ronde.
Allez ! Ces retrouvailles devraient être de l’amitié.
Ça ne devrait pas être compliqué.
De Catherine M
UN DINER PRESQUE PARFAIT
Mais qu’est-ce qui m’avait pris d’inviter tout le monde pour ce réveillon de Noël ? Chaque année, on se retrouvait à six pour une soirée douce, calme, sympa et sans embrouille. Et cette année, ce sera tout à fait différent car nous serions 26 dont la moitié que je ne connaissais que très peu, voire pas du tout.
En fait, tout s’était organisé de façon un peu particulière. Comme dans chaque grande famille, le moment où on rencontre le plus de membres, c’est au cours des inhumations. Et justement fin novembre une arrière-grand-tante, âgée de 96 ans, était décédée. Et là, à la sortie de l’église, nous avions retrouvé les oncles, les tantes, les cousins et cousines et bien plus encore. Pour certains, cela faisait une éternité que nous ne nous étions pas vus … pensez, ils ne connaissaient même pas mes grands enfants ! Pour d’autres, même si je n’ignorais pas leur existence, je ne les avais jamais croisés.
Dans pareille situation, on entend toujours les mêmes remarques et réflexions : « Mais comment a-ton pu rester si longtemps sans se voir ? » « Mais pourquoi on ne s’appelle même plus ? Plus le temps ? » Et enfin, la question fatale « Et pourquoi on n’organiserait pas une grande réunion de famille pour tous se retrouver ? ». La réponse a fusé à l’unisson « Mais ouiiiii, c’est bientôt Noël, retrouvons-nous ! ».
Tout le monde semblait d’accord sur le principe, mais question logistique, ce n’était pas simple. Après avoir récapitulé, nous arrivions à 26 … rien que des adultes et adolescents, aucun enfant. Évidemment, il faut une grande table, donc une grande pièce pour accueillir cette grande table, et une grande maison pour garder à coucher ceux qui habitent trop loin. Alors devinez, eh bien oui, j’étais la seule à réunir tous ces critères ! Alors, pourquoi pas, ce serait sûrement plaisant après tout et nous pourrions enfin parler de nos vies, savoir ce que chacun devenait et créer des liens plus intimes pour l’avenir.
C’était donc d’accord, JE recevrais tout ce monde. On s’est tout de suite mis d’accord : JE préparais et ON partageait les frais. Cela semblait un bon compromis et me convenait. Nous avons alors échangé numéros de téléphone et adresses mails, et nous avons créé un groupe sur WhatsApp pour discuter de tout ça et organiser une magnifique soirée.
C’est quelques jours plus tard que les premiers messages ont commencé à arriver sur le réseau social. Aline prévenait que depuis quelques années elle était végan, c’est-à-dire qu’elle ne consommait aucun produit provenant des animaux. Bon, ce n’était pas embêtant après tout, on pouvait oublier le foie gras de prévoir autre chose de plus sain. Pour une fois, ce serait même drôle d’organiser un repas différent. Tout de suite, les idées affluent : un velouté de courge aux châtaignes, tagliatelles aux pignons, raisins secs et trévise, et en dessert une bûche chocolat amande, sans œufs évidemment ! Voilà, c’est parfait et simple à réaliser.
Tiens, une nouvelle notification : c’est Hervé qui précise qu’il est d’accord à condition que les produits soient tous bios et locaux. Bien sûr Hervé, c’est toujours comme ça chez nous, aucun problème !
Véronique, à son tour, me prévient qu’elle est allergique au gluten. Je reprends donc toutes mes recettes. Ouf, il suffira de remplacer les tagliatelles de blé par des tagliatelles aux tomates ou aux épinards et le tour est joué. Rien ne m’arrête. Je suis même très enjouée à l’idée de ces quelques contraintes. Quand on cuisine, c’est bien d’avoir quelques impératifs après tout.
C’est à la fin de la semaine que les complications s’annoncèrent. Denis, qui vient de se remarier, m’indique que son épouse suit un régime cétocène … céto … quoi ? Vite un coup d’œil sur internet m’en apprend un peu plus sur cette méthode. Quels aliments sont compatibles ? Légumes verts : la courge est-elle un légume vert ? Chez le maraîcher, j’en ai bien vu des vertes et je pense que cela conviendra. Visiblement, les pâtes ne font pas partie de la liste des ingrédients autorisés. Mais au fait, j’ai décidé de prendre des tagliatelles aux épinards. Epinards égal légumes verts, donc ça colle ! J’ai beau chercher sur les sites internet dédiés, je ne trouve pas mention du chocolat. Si ce n’est pas indiqué, c’est sûrement autorisé. D’ailleurs, les amandes, c’est bien précisé, on peut !
Mon repas s’organisait plutôt bien, mais c’était sans compter les deux derniers messages arrivés il y a quelques minutes. Le cousin David n’aime que les pommes de terre, le riz et les pâtes, ainsi que la viande saignante. Eh bien pour une fois, il n’aura pas de viande et pour les pâtes, je ne dirai rien quant à l’absence de blé dans leur composition et il n’y verra que du feu. Jusque-là c’était assez amusant, mais là ça commence à m’irriter … Comment des gens qui semblent simples en apparence peuvent être aussi tordus quand il s’agit de leur assiette ? Chez nous, on ne se prend pas la tête comme ça. C’est dans notre éducation et nos parents disaient : « tu manges ce que tu as dans ton assiette et tu te tais ! ». Nous avons été imprégnés de ces réflexions et c’est sans doute pour ça que nous ne rechignons devant aucun plat et que nous avons inculqué la même éducation à nos enfants.
Mais, je ne vous ai pas parlé du second message. Celui-là c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : Hélène ne consomme que des graines et fruits ! Mais il n’y a rien de tout ça dans mon menu …. Ce dîner vire vraiment au casse-tête. Le plaisir initial s’est transformé en colère. Mais pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi je n’ai pas décliné l’idée de se retrouver tous pour Noël, ce serait tellement plus simple en petit comité. Je ne sais vraiment plus où j’en suis, prête à jeter l’éponge, à inventer une maladie hyper contagieuse, qui m’obligerait à garder le lit ….
C’est ce moment que ma fille aînée choisit pour m’appeler. D’entendre le son de sa voix m’apaise instantanément. Elle est si douce, si attentionnée. Nous parlons quelques minutes de choses et d’autres, de petits problèmes que seules une mère et une fille peuvent résoudre … et puis soudain, elle m’annonce qu’elle ne sera pas seule à Noël : elle a un nouvel ami. Je suis très contente pour elle et j’ai sincèrement hâte de rencontrer l’heureux élu. Elle m’en parle avec tendresse, avec amour, ça fait plaisir … et puis, elle prononce son prénom : Salah. Ah, Salah ? « Oui maman, il est marocain et j’ai oublié de te dire : il ne mange pas de porc ».
Je crois que le téléphone est tombé de mes mains, que je suis tombée sur ma chaise, que ma chaise a basculé sur le sol … et c’est dans cette posture que mon mari m’a trouvée en rentrant du travail. Je lui ai alors fièrement annoncé : « tu sais quoi ? Cette année, pour Noël, j’ai réservé une table dans un excellent restaurant, rien que tous les deux, c’est une bonne idée non ? »
De Saxof
PREPARATION CULINAIRE COMPLIQUEE
La semaine prochaine, La famille arrive pour un dimanche endiablé, c’est l’anniversaire de ma sœur. Je reçois 15 personnes. Cela ne me fait pas peur, mais il va falloir que je me creuse la tête pour réduire la quantité de plats devant les exigences de certains.
Ma filleule, la fille de ma sœur et allergique au gluten, raison de santé. Son fils de 16 ans a décidé d’être végan, raison philosophique. La majorité des petits ne mangent pas de légumes, et raffolent de pâtes, riz, pomme de terre et de viande saignante, comme mon fils. Mon autre neveu suit un régime cétogène pour ses intestins. Je n’achète que des produits locaux qui me sont livrés chaque vendredi, cela va rassurer ma fille, plutôt bio locale. Et pour finir il reste mon beau-frère crudivore. Cela sera un peu plus compliqué.
Je pense en souriant, à mon beau-père qui aurait dit « 8 jours sous une benne et ils mangeraient n’importe quoi ». Il est vrai qu’internet a multiplié les intolérances et créé des inflexibilités, pour la plupart provoquées par la culpabilité des programmes anti-gluten, anti-glucides, anti-gras, mais pas anti-conneries.
Je ne veux pas entamer une discussion sans fin là-dessus. Les discussions débats attaquent l’estomac et le plexus solaire, faisant bien plus de dégâts que la nourriture. Je préfère en rire. Je mange ce que je veux sans aucune autopunition. Il n’y a rien de meilleur qu’un repas partagé dans l’amour.
Je veux leur faire plaisir, donc, après avoir listé les diverses exigences, je m’attelle à la créativité, un gros travail ! Pour le dessert ce sera plus facile avec un gâteau au chocolat à la poudre d’amande. Tout le monde sera content…Ah mais non il y a des œufs pour le végan, et le crudivore. De plus, nous sommes des petites gueules sucrées qui ne se satisferont pas de peu…
“Bouh j’ai la tête qui éclate, je vais m’endormir seule, m’étendre sur l’asphalte et me laisser…” NON, non, je ne vais pas me laisser quoique ce soit, je vais m’activer et réussir.
Je me suis installée pour compulser longuement mes différents livres de cuisine afin de voir si je peux modifier mes recettes de base. Puis j’ai fouillé internet pendant tout un après-midi. Bon, c’est décidé je vais faire deux entrées, deux plats principaux et trois desserts.
J’ai commandé mes légumes chez mon maraîcher et prévu un drive au magasin bio « coeur de village » pour ce qui me manque. L’inquiétude a disparu !
ENTREES :
– Salade Thaï au quinoa, à la sauce aux cacahuètes.
– Un taboulé de chou-fleur 100% légumes crus, accompagné de diverses graines.
– Et aussi quelques œufs mimosa, auxquels j’ai ajouté quelques tranches de jambon cru, pour ceux qui mangent de tout, pour les jeunes qui ne mangent pas de légumes et pour le régime cétone.
PLAT PRINCIPAL :
– Paupiettes de veau aux pommes grenailles, cuites au four, à l’huile.
– Dhal de lentilles à la patate douce et épinards.
DESSERTS :
– Gâteau au chocolat composé uniquement de 6 pommes cuites, broyées et de 400g de chocolat bio fondu, le tout refroidit au frigo.
– Un tiramisu avec une base de biscuit maison, sans gluten
– Une salade de fruits exotiques (banane, mangue, papaye, pomme, grenade, noix de coco râpée et morceau de chocolat)
Tout est prêt, chacun y trouvera son compte. Comme je ne mange pas de viande rouge, j’ai fait l’impasse sur le saignant qu’ils dégusteront chez eux. J’entends les voitures qui arrivent doucement dans l’allée. Les verres à apéro sont sortis à côté des noix de cajou, et des baies de goji, et le houmous entouré des tranches de pain maison, aux graines , sans oublier les beignets de crevettes, bien qu’achetés en sachet !!!!
– Entrez vite vous mettre au chaud…
– Bienvenue ma famille compliquée qui m’a fait transpirer, m’écriais-je en serrant tout à tour dans mes bras les visages hilares qui bavardent ardemment, heureux d’être réunis.
De Lisa
Inspiré de la chanson de « La recette » de Slimane
Tu sais tout le monde vient, entre cousins
Un repas très sympa en tenons compte, des allergènes
Et même si dans ce clan, tous, on est divers
Rien ne changera à notre sang paternel
Comme Laura qui est végan. Les haricots et une part de gâteau seront son régal
Ça crie à devenir fou dans la maison
Pourtant, on a l’habitude de ce rendez-vous
Et maintenant, posons les cartes sur la table
On va être au calme !
Dans la tête, y’a qu’toi et ça
La recette, c’est toi et ça
On l’sait déjà
On se calme !
A la fête, tout se passera bien
La recette, on la retrouvera
Ne t’arrête pas !
Ne t’arrête pas !
Edric qui aime que le bio, tout simplement
Franck qui ne mange que des fruits, place au sorbet au kiwi
Marylise qui n’aime que les spaghettis
Aymerik qui est allergique au gluten, merci pour la quiche lorraine
Célia qui n’aime pas les gâteaux, bon ! sorbet!
Ça crie à devenir fou dans la maison
Pourtant, on a l’habitude de ce rendez-vous
Et maintenant, posons les cartes sur la table
On va être au calme !
Dans la tête, y’a qu’toi et ça
La recette, c’est toi et ça
On l’sait déjà
On se calme !
A la fête, tout se passera bien
La recette, on la retrouvera
Ne t’arrête pas !
Ne t’arrête pas !
D’Annie
Sept à table
Il y a là Sylvaine la végan, Lucien le carnivore, Ronan le glutenophobe, Caro la biorégionaliste engagée, David le Monsieur Kéto, Apolline la frugivore et moi qui vient de terminer le Voyage de ma vie. J’ai fait le tour de la planète ! Finalement elle n’est guère plus grande qu’une envolée d’oies sauvages.
– Alors ce voyage ? Ton tour de planète a changé ta vision du monde ?
– Ah oui. Je suis revenue transformée.
– Tant mieux. Parce que tu en as brulé du carburant ! Tu te rends compte des trous que tu as faits dans la couche d’ozone ? Tu as calculé ton empreinte carbone ?
– J’ai pas regardé en haut. En bas ça suffit.
– Si tout le monde fait comme toi, la planète a du souci à se faire !
– La planète va très bien. Elle tourne. Par contre, les habitants… Je m’interroge. J’ai vu l’ours qui mangeait le phoque. Le phoque qui gobait le poisson. Le poisson qui happait les plus petits. J’ai vu le lion qui dévorait la gazelle et la gazelle qui broutait l’herbe de la savane. J’ai vu surtout l’homme qui mangeait l’ours et le phoque et le poisson et le chevreuil et la vache et encore et encore… Après j’ai vu la vache qui broutait l’herbe du pré. Partout, je n’ai entendu que des cris de souffrance.
– Tu exagères un peu, non ? Tu as entendu l’herbe en train de crier ?
– Qu’est-ce que tu en sais ? L’herbe est vivante. Le beurre des kétos et des autres humains suinte les larmes douces du brin d’herbe disparu.
– Ah ! Tu es revenue poète !
– Poète pour faire entendre ma voix. Même la graine qui craque sous la dent crie : « Au secours ! Il faut me semer pour que je vive ! ». La farine qui a donné le pain a détruit des millions de grains de blé avec ou sans gluten. Le poussin ne pourra plus naître puisque l’œuf est mangé. La vie se nourrit de la vie. Pour survivre il faut tuer l’autre. La vie n’est qu’un cycle infernal.
– Eh ben dis donc ! Les voyages, c’est pas toujours des vacances ! Ça prend la tête parfois !
-Allez ouvrons la bouteille de Beaujolais nouveau pour mettre tout le monde d’accord. Tu n’entends quand même pas la plainte du raisin écrasé dans le pressoir ?
Rires.
-Tu as raison. Au diable les idéologies qui ne sont que des prétextes de guerres. D’ailleurs pour gommer toutes nos différences, j’ai une proposition pour ce soir : Jeûnons ! »
De Catherine G
Basta !
Cela fait quinze jours que je planche sur ce satané menu, et je n’ai toujours rien sorti de bon. En fait, si ! C’est toujours bon, ce que je propose, mais pas pour mes convives de demain ! Quelle idée j’ai eu d’inviter mon club de tricot.
Entre Louise qui est végan, Juliette qui ne jure que par le riz, les pâtes et les patates, Vanessa, allergique au gluten, Géraldine qui n’avale que du bio, et l’autre, Séverine, qui adore le gras, je suis en pleine déroute. Dès que j’ai une bonne idée, les visages des récalcitrantes s’impriment dans mon cerveau pour me faire les gros yeux.
Quand je pense que c’est moi qui ai fait cette brillante suggestion d’une rencontre mensuelle en alternance chez l’une ou l’autre pour un repas convivial ! On a fait un calendrier et j’ai proposé d’organiser chez moi le premier rendez-vous. Ça partait d’une bonne intention, sauf qu’une fois engagée, les sms se sont mis à pleuvoir, chacune y allant de ses réserves quant à son alimentation. Et me voilà dans de beau draps ! Je peux remballer la raclette, la choucroute, le couscous, et tout ce qui était facile à préparer sans se prendre la tête.
A part des pommes de terre, je ne vois rien d’autre pour faire l’unanimité. Et encore !… Cuites à l’eau, sans beurre ni fioritures. En entrée : patates râpées au tofu et desséchées au four, sans une once de gras ou de douceur crémeuse. En plat, patates à l’eau servies sans la noix de beurre qui leur donnerait de l’intérêt. En dessert gâteau de patates sans œufs ni crème, à la maïzena et yaourt au soja…De quoi vous dégoûter des pommes de terre jusqu’à la fin de vos jours ! Et pour celle qui suit un régime cétogène, je poserai la bouteille d’huile à côté de son assiette. Pour Adèle, qui ne mange que des graines et des fruits, elle se contentera d’un panier garni.
Ça m’énerve, tous ces chichis alimentaires, ces régimes de mémères bobos qui ne savent pas quoi faire pour se rendre intéressantes. L’autre, la végan, elle ne se souvient pas avoir, bébé, tété sa mammifère de mère ? La Géraldine, avec son bio, elle se laisserait crever de faim si le bio n’existait pas ? Et l’autre, avec ses graines, elle se prend pour une poule ou un pigeon ? Zut, à la fin ! Moi, je suis facile à inviter. Tout me va ! Je suis curieuse et gourmande, la convive idéale, quoi ! Je me battrais d’avoir initié ce rituel. Je ne sais pas comment m’en sortir, car je ne vois aucune solution à l’équation.
Si je m’écoutais… Si je m’écoutais…
Allez, tant pis, je le fais : un sms sur Whatsapp et tout sera réglé. « Bonsoir les filles ! Désolée pour demain. Je suis obligée d’annuler : j’ai le Covid ! Impossible d’assurer le repas et de vous contaminer. Bises à toutes. »
Et voilà, mon tour est passé ! Je verrai le mois prochain comment s’en sortira la suivante sur le calendrier, avec cette belle équation à résoudre !
De Francis
Billet d’humeur
On choisit pas ses parents on choisit pas……. (M. Le Forestier) mais on choisit ses amis.
Qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu pour mériter cela ! Parmi mes amis, j’ai découvert que certains ont eu l’idée de suivre un régime alimentaire très à la mode actuellement et j’en suis marri.
Faut-il croire dans le bien fondé des différents régimes ? Certains reposent sur des contraintes médicales, je respecte, mais la plupart ne sont qu’une façon de se distinguer.
J’aimerais faire preuve de tolérance, mais je n’y arrive pas, pardon pour ce manque de respect, une exception cependant pour ceux qui le suivent pour raison médicale, cette monomanie de se nourrir exclusivement d’un seul aliment ou d’une classe d’aliments, selon moi, recouvre très souvent une notion de snobisme, de faiblesse de la personnalité, d’une incompréhension médicale, d’une publicité malsaine ou d’une extrême sensibilité politique destructrice.
Loin de moi l’idée d’organiser une repas pour vous les végans, les mangeurs de graines, ceux qui mangent exclusivement bio et autres et qui vont sauver la planète. Je ne veux pas même me plier à ces exigences. Nous avons la chance de pouvoir manger à notre faim, d’avoir à notre disposition de bons produits. Pourquoi se priver ? Le monde est ainsi fait depuis la nuit des temps. Pourquoi vouloir toujours tout remettre en question ? Il suffit de faire preuve d’un peu de bon sens et de modération. Cette façon de se distinguer par la nourriture me déplaît vraiment, vraiment.
Non, messieurs-dames je n ‘accéderai jamais à votre caprice et je ne vous réunirai jamais pour partager le plaisir d’un bon repas. Désolé, messieurs-dames, je n’arrive pas à faire l’effort nécessaire pour vivre avec une contrainte alimentaire inutile. Il m’a fallu attendre la venue des Américains dans les années 40 pour goûter au poulet ”en boite”, et par la suite apprécier la gastronomie française. J’ai eu cette chance. Vous vous privez d’un des plaisirs essentiel de la vie. Je renonce à vous entendre défendre les bienfaits de votre régime. Nous avons tant d’autres beaux sujets de discussion. Cependant, je souhaite que vous viviez selon vos goûts et que vous soyez heureux.
Contentons-nous de nous nourrir de notre amitié et de vivre en paix.
De Roselyne
Les repas fous
Me voici bien empêtrée, j’ai invité une bande d’amis pour un repas, mais c’était sans compter que chacun d’entre eux mange différemment. Prise par mon propre piège, je n’ai plus qu’à assumer cette invitation absurde, je vais donc me lancer un défi et me torturer et triturer les méninges.
Il y a Sylvain Le Végan, Charlotte féculents et viande saignante, Albert allergique au gluten, Véronique la bio locale, Patrick le cétocène et Louise la mangeuse de graines.
Les choses sont posées il faut donc penser menus.
Sylvain Le Végan, je lui préparerai une gaufre de pomme de terre au lait végétal, une petite poêlée de champignons persillée (persil du jardin, bien entendu) et une jolie grappe de raisin tirée de la treille. Cela me semble pas mal. Pourquoi, Sylvain s’est-t-il converti à cette alimentation ? C’est sûr, il était bien enveloppé, a-t-il tout simplement voulu se refaire une petite santé en ne mangeant que des légumes ? Puis, je me dis que nous sommes tous plus ou moins végan, car il arrive fréquemment que nous ne mangions que des légumes sans penser forcément régime.
Pour Charlotte, ce sera plus facile, je lui ferai un petit nid de pâtes comme entrée aromatisée à l’huile de noix, puis sa viande saignante avec des pommes de terre au four et en dessert, un riz cuit à l’eau parfumé au jus d’orange. Charlotte adore la viande, ne mange que des féculents et elle est plate comme un sprat.
Albert, à part le gluten, il aime à peu près tout. Bien sûr, un pain sans gluten. Une jolie entrée de crudités, une sole fraîche provenant du marché avec une poêlée de courgettes, aubergines, petites carottes, le tout parsemé de quinoa d’Angers. Pour les papilles, un petit cake aux amandes à la fécule de maïs.
Véronique se verra servir une mosaïque de petits légumes composée de la couleur jaune de la carotte, du rouge des petites betteraves, du vert croquant du chou kale saupoudré d’un râpé de la pomme clochard. Pour son plat, un émincé de filet de canard servi d’une purée maison (au moulin manuel) de courge, pommes de terre, une pointe de fleur de sel de l’Ile de Ré et une noisette de beurre de Surgères, bien sûr. Pour terminer, une compotée de figues avec un filet de jus de grenade.
Patrick le cétocène, son régime m’est totalement inconnu, mais internet va sauver la mise. Pour finir, il mange à peu près tout. Il aura un œuf mimosa posé sur des lamelles d’avocat, un filet de poulet avec feuilles de laitue, choux rouge râpé huile de coco et jus de citron, puis un assortiment de fromages comté, emmenthal, cantal avec quelques olives.
Louise, qui ne mange que des graines, tu parles d’un régime… elle est longiligne à souhait, pas un gramme de graisse. Elle aura droit à une « auge » comme on aurait dit mon père de graines grillées variées, courge, lin, sésame, chia, pignon de pin avec un cocktail de fruits de saison, pommes, poires, bananes, kiwi, jus d’orange le tout parsemé d’amandes, noix raisins secs.
Pour les amis, que ne ferait-on pas ? Il va sans dire que tous les ingrédients proviennent de la ferme où du jardin. En boisson, c’est la saison des grenades. Je presserai les graines d’où sortira un jus rosé velouté que j’agrémenterai d’une banane pressée dans le jus qui adoucira l’acidité de la grenade.
Tous ces régimes se ressemblent un peu, il est possible de ne faire qu’un seul repas pour tous. Par exemple, en faisant un chemin central de table avec crudités, riz, pâtes, petits légumes, graines, fruits, pain sans gluten, œufs durs, dés de poissons fumés (saumon, hareng, etc.) Seule la viande serait à passer à la poêle aller/retour. Le poulet peut être cuit d’avance et déguster froid. A la limite, tout peut-être imaginer et mis en scène.
Je suis toujours à me demander pourquoi une partie de la population fait un régime. Si c’est d’ordre médical, aucun problème. Mais, je peux constater, souvent que c’est une question de mode, c’est dans l’air, alors pourquoi ne pas essayer. Il y a tous ceux qui font très, très attention à leur ligne, ne pas dépasser le nombre de kilos voulus. Ceux qui font un jeûne de 12 à 16 heures entre le soir et le matin. Autant dire, qu’ils dînent comme les poules. Tous ceux qui ne se contentent que d’un yaourt, d’une pomme. Tous ces régimes sont conscients ou inconscients subordonnés à une éthique de vie voulue par la personne ou imposée par un dictat quelconque. Pour certains régimes, il faut un moral d’acier et une rigueur de vie sans commune mesure.
Nous ne sommes pas des ascètes ! Un repas partagé, sans qu’il soit pantagruélique ou orgie est tout de même bien agréable. N’est-il pas?
De Marie-Josée
Repas d’anniversaire
Cela faisait des lustres qu’on fêtait l’anniversaire de maman le 15 août et voilà que lors d’un repas dominical où nous étions tous réunis, elle nous annonça qu’elle n’avait pas l’intention de le fêter cette année. Le premier moment de sidération passé, les pourquoi fusaient de toutes parts et ses réponses étaient plus bidon les unes que les autres. Inutile d’insister, elle avait pris sa décision et ne changerait pas d’avis.
Offusqué, mon frère s’exclama :
-Voyons maman, quatre-vingts ans, ça se fête quand même ! Tu ne nous cacherais pas quelque chose par hasard ?
Agacée, elle répondit :
-Je ne cache rien du tout, j’ai bien le droit de ne pas fêter mon anniversaire.
-Soit, mais je suis sûr que tu vas le regretter.
Cette altercation avait plombé l’ambiance et tout le monde trouva un prétexte pour partir après le dessert.
Le soir même, le téléphona sonna sans interruption. Nous étions tous du même avis, on ne pouvait pas la laisser faire ça, il fallait marquer le coup. Nous décidâmes de lui organiser une fête d’anniversaire surprise et après délibération, cette lourde tâche me fut attribuée. Un simple repas en famille n’était pas à la hauteur de cet événement, autant faire les choses en grand.
La liste des invités s’allongea de jour en jour, tant et si bien que je me suis retrouvée avec une cinquantaine de personnes. L’idée d’aller au restaurant fut vite abandonnée, soit ils étaient complets à cette date, soit ils n’avaient pas un local adapté et de toute façon, les enfants ne tiendraient pas en place. Il restait l’option traiteur, mais aucun de nous avait de la place pour accueillir autant de monde.
Après un mois de recherche, l’endroit idéal fut trouvé : un grand chalet avec possibilité d’hébergement, situé à proximité d’un lac, d’une aire de jeux et de sentiers de randonnée de quoi satisfaire tout le monde après le repas.
J’ai donc réservé cet endroit, il ne restait plus qu’à contacter les traiteurs alentour et choisir le menu. C’est là que le bât blessait. Aucune proposition ne convenait.
Agathe était allergique aux champignons et si elle en ingérait, ne serait-ce que le jus, c’était direction l’hôpital donc il fallait pouvoir faire confiance à 100 % au traiteur.
-Tu n’as qu’à ne pas l’inviter et le problème est réglé, suggéra mon conjoint.
-Impossible, c’est la meilleure amie de maman, il va falloir trouver un menu où il n’y a pas la moindre trace de champignon.
-Tu te rappelles que tante Annie est allergique au gluten ?
-Depuis quand ? Je ne savais pas !
-Comment ça, tu ne savais pas ? Ta maman l’a dit au repas de Noël, tu étais dans la lune comme d’habitude !
-Ou à la cuisine en train de faire la vaisselle, un endroit que certains ont la fâcheuse tendance à éviter.
-Calme-toi, maintenant, tu le sais, il faudra aussi un menu spécial pour elle.
-Sans compter que Sylvie est végétarienne, bon, elle au moins ne fait pas d’histoires, elle ne mangera que les légumes et le dessert.
-Ah, elle ne fait pas d’histoires ! Tu es bien naïve. A Pâques, elle a tiré une de ses tronches quand elle a vu le gigot d’agneau, sans compter qu’elle a essayé de convertir tout le monde au végétarisme.
-N’exagère pas, elle est sensible à la souffrance animale.
-Et les enfants, tu y as pensé ?
-Bien sûr, je sais que Kevin ne mange que des frites et Sophie que des pâtes, il faudra prévoir les deux en accompagnement.
-Bon courage pour trouver un traiteur qui se pliera à tous ces caprices!
-Oiseau de mauvais augure !
– Et les boissons, tu y as pensé ?
-Au moins là, pas de problèmes, par chance l’oncle Roger est viticulteur.
-Ma pauvre, entre Pierre qui ne boit que du vin biologique, Yves qui ne boit pas de vin vieilli en fût de chêne, Liliane qui nous fait une dissertation sur l’eau en bouteilles plastique et Sabine une conférence sur les dangers du sucre dans les sodas, tu n’es pas sortie de l’auberge.
-C’est simple, de la bière pour les adultes et on pourrait prendre l’eau du lac, il suffit de la filtrer, ce serait écologique et on contribuera à sauver la planète, qu’est-ce que tu penses ?
-A condition qu’elle soit artisanale et que le houblon soit cultivé de façon biologique et l’eau utilisée sans nitrates.
On éclata de rire tous les deux ! Sans être passéiste, il m’arrive de regretter le temps où tout le monde mangeait et buvait sans se poser trente-six mille questions.
J’ai failli baisser les bras, après tout, le plus simple serait d’annuler surtout que maman ne souhaitait pas de fête, mais je ne pouvais pas m’y résoudre. Après quelques nuits d’insomnies, la solution me parut évidente, jouons la surprise jusqu’au bout.
C’est avec un large sourire que j’ai envoyé les cartons d’invitation.
‘’ On n’a pas quatre-vingts ans tous les jours.’’
Fête d’anniversaire surprise. Je vous invite à nous rejoindre au Chalet ‘’ Les Myrtilles.’’ Je compte sur vous pour la réussite de cette journée. Chacun apportera sa bonne humeur ainsi qu’à boire et à manger. Votre participation sera le plus beau des cadeaux.
Le jour J, les tables croulaient sous les victuailles, les barbecues tournaient à plein régime et il y avait encore de quoi se régaler le lendemain.
De Nicole
Inspiré de ” L’orgue de barbarie” de Jacques Prévert
– Une personne végan (qui ne mange aucun produit issu des animaux, y compris les œufs, le fromage ou le beurre)
Elle parlait, parlait…
– Une personne qui ne mange que des pâtes, du riz ou des pommes de terre en guise de légumes, avec de la viande bien saignante.
Elle parlait, parlait…
– Une personne allergique au gluten
Elle parlait, parlait…
– Une personne qui ne mange que des produits bios et locaux
Elle parlait, parlait…
– Une personne qui suit le régime cétocène (régime riche en lipides, mais pauvre en glucides).
Elle parlait, parlait, parlait…
– Une personne qui ne mange que des graines et des fruits.
Elle parlait, parlait…
Tous ces bavardages empêchaient le cuisinier et son marmiton de cuisiner.
Toute cette intolérance le blessait énormément lui qui aimait tant son métier.
Et vous, qui êtes-vous, demandèrent-t-elles ?
Je suis le cuisinier au grand couteau.
Je joue du couteau et il tua tous ces gâte-métier.
Le marmiton voulu jouer du couteau aussi.
Ils partirent de par le monde et tuèrent le plus d’intolérants possible.
Puis ils ouvrirent un restaurant.
Mais parmi les clients :
– une personne végan (qui ne mange aucun produit issu des animaux, y compris les œufs, le fromage ou le beurre)
Elle parlait, parlait.
– une personne qui ne mange que des pâtes, du riz ou des pommes de terre en guise de légumes, avec de la viande bien saignante.
Elle parlait, parlait…
– une personne allergique au gluten
Elle parlait, parlait…
– une personne qui ne mange que des produits bios et locaux
Elle parlait, parlait…
– une personne qui suit le régme cétocène (régime riche en lipides, mais pauvre en glucides).
Elle parlait, parlait, parlait…
– une personne qui ne mange que des graines et des fruits.
Elle parlait, parlait…
Et tout fut à recommencer…
D’Inès
Ce jour-là dans la matinée du samedi, une grosse camionnette blanche s’arrêta devant un grand portail. Le traiteur Georges sonna à la porte de Geraldine.
– J’espère, madame, être à l’heure, et ainsi pouvoir satisfaire les volontés de tous vos invités.
-Mais bien sûr que oui, Georges, je vous fais totalement confiance, comme d’habitude. Votre maison a toujours honoré mes invités avec ses plats savoureux et exquis.
Geraldine déposa les différents plats à part dans la cuisine, et commença à servir un par un, ses invités.
-Sylvie, si je me rappelle bien, tu consommes Végan. Je sais que tu vas te régaler !
– Oui Geraldine, j’ai toujours mangé végan depuis toute petite. Je n’aime pas trop la viande. Aussi j’ai la conscience tranquille, et mon amour pour les animaux est sans limite. Je ne supporte plus du tout qu’on leur fasse du mal. Mon docteur m’a souvent fait comprendre que j’aurais des problèmes d’anémie, des carences en vitamine B12, D, calcium, zinc, fer. Mais je reste quand même vigilante en consommant des repas équilibrés.
-Par contre toi Enzo, si je me rappelle bien, tu sembles aimer une viande bien saignante, accompagné de riz, de pâtes, ou de pommes de terre.
-Oh qu’est-ce que tu es vraiment charmante, ma Geraldine, exactement ce que j’adore mais je pense que de la viande aux pommes de terre fera l’affaire ! N’est-ce pas Sylvie ?
-Franchement Enzo, je ne me vois pas trop avoir d’appétit en trempant mon pain dans une chair saignante ! Je ne comprends pas pourquoi vous ne foutez pas la paix à nos animaux ! Et dire que tout ceci est établi pour bourrer les caisses des industries de viande.
-Et nous voilà avec un menu Bio et local, j’estime qu’il est destiné à mademoiselle Océane.
-Géraldine, tu es un ange, ma chérie, aujourd’hui je vais vraiment me régaler, mon assiette a de la classe ! Car manger bio et local c’est manger sain ! Et dire que tous nos aliments sont bourrés de pesticides, de poisons, et de produits cancérigènes qui nous proviennent de tous les coins du monde ! Non merci, jamais plus. Et manger local, c’est acheter chez des producteurs, car ça me permet de manger de saison et c’est souvent moins cher.
-He voici ton plat préféré, Geremy, le régime cétogene !
-Ho ! oui ! Geraldine je vais m’en lécher les babines, c’est souvent un régal d’adopter cette diète ! La vie est trop courte, pourquoi ne pas profiter de ce que la vie nous offre de bon … j’estime que j’ai la plus belle et la plus riche des assiettes. Ça ressemble un peu au régime méditerranéen. Il y a presque un peu de tout ! du fromage, du poisson, des épinards, des œufs, steak haché bien juteux, avocat. Juste ce qu’il faut pour garder une santé équilibrée et bien saine. Elle n’est pas belle la vie ?
-Et maintenant, c’est le tour de notre amie Agathe qui adore raffoler de graines et de fruits.
-Ha c’est super ! Geraldine ! Ma douce ! Je suis très touchée par ton geste, car j’ai réellement une prédilection pour ce plat. J’ai l’impression d’être unique, loin de ressembler au commun des mortels. Ne manger que des graines et fruits, c’est ressembler à un ange, dans les paradis des immortels. C’est une cure de jouvence qui m’aide à garder la forme, la ligne, et une peau bien sublime… Oui … oui … on m’a souvent prévenue que mon régime est dangereux car avec le temps, il provoque de la fatigue, et des carences alimentaires qui peuvent entraîner une faiblesse du système humanitaire. Mais pour l’instant, je me sens si bien dans ma peau, que pour rien au monde je ne changerai mes habitudes.
-Et enfin nous voilà avec le régime sans gluten pour notre ami Leonardo !
-Eh ! Oui je reconnais sans culpabilité que je vis un énorme changement de paradigme vu que la culture culinaire italienne dont je suis issu, est basée sur la fameuse « pastasciuta » et ses dérivés. Aujourd’hui le régime sans gluten me convient parfaitement, même si ça me rend un peu frustré de ne plus pouvoir manger de la bolognaise au parmesan, des pâtes à la ricotta ou à la carbonara … etc.
Sans mot dire, Geraldine se rendit dans sa cuisine et rapporta une petite marmite en poterie, souleva le couvercle. Une agréable odeur de sauce aux cèpes et poulet fermier se répandit. Les yeux de Geraldine brillèrent d’émerveillement comme une petite fille face à un gros sapin de Noël.
-Moi, les amis je concocte mes recettes selon les saisons, nous sommes maintenant en hiver, j’aurais aussi pu me concocter une bonne petite raclette aux croûtons, pommes de terre cuites à la vapeur accompagnées de lamelles de viande fumée, ou un bon bœuf bourguignon ! ah quel régal, le tout accompagné d’un bon pain campagnard, croustillant au graines de pavot.
Voyant les visages rêveurs et pensifs de ses amis, Geraldine lança d’un ton enjoué :
-Mes amis, c’est toujours avec un grand plaisir que je vous accueille chez moi. Tout en vous souhaitant un bon appétit, je vous signale que je respecte le régime de chacun de vous, que je ne vous impose rien. Mais en mon humble avis … parfois on s’enlise dans des idées arrêtées, des discours à ne plus en finir, transmis par des gourous des régimes alimentaires, asiatiques, américains, ou européens et qui n’ont pas toujours du recul sur les conséquences de tel régime ou autre. J’estime que dans la vie et comme dans toutes les autres choses d’ailleurs, on se doit de garder une ligne médiane. Mes aïeux étaient d’illustres chasseurs de gibiers, ils étaient des amis de la nature et des animaux, mes grands-parents confectionnaient si admirablement toutes sortes de fromages et particulièrement de l’emmental. Cela dit, les menus végan, on n’en connait pas. Mais maintenant, si l’on abuse continuellement de menus festifs, ceci peut entraîner la maladie des rois. Aussi, tant que l’on est en bonne santé, je ne vois pas du tout l’importance d’une détox ou d’une diète, à moins que l’on ait des maladies chroniques, et qu’il est impossible de faire autrement.
De Pierre
La cuisine…
Aussi spécifiques que nous le sommes, la cuisine est à la fois une nécessité et un art qui reflète notre manière de vivre et nos origines, sans oublier les modes qui surgissent ici et là, invitant tout un chacun à consommer ce que les publicitaires et redistributeurs recommandent. La mondialisation avec une uniformatisation de la cuisine tient aussi une très large place dans les habitudes de consommation, que l’on veuille ou non.
Un art dis-je, je me souviens d’une émission fétiche à la télévision française, il y a une soixantaine d’années, qui s’intitulait « art et magie de la cuisine » : elle était très suivie par le grand public, tout au moins par ceux qui avait un poste de télé. Elle était animée par Raymond Oliver, cuisinier réputé à Paris et Catherine Langeais, une des deux speakerines de la chaîne.
J‘ai des Souvenirs de repas aussi diversifiés que possible, sortant de l’ordinaire, tels des repas entièrement composés de pâtisserie, ou de fromages, qui se terminaient par des ruées sur les steaks après deux heures de sucrerie ou de crème. Oui, je l’ai vécu et nous voulions épater nos amis.
Les cuisines asiatiques ou italiennes (à mon humble avis) sont très appréciées en France, par tous et elles ont le mérite de mettre tout le monde d’accord hormis pour le porc, pour ceux qui n‘en mangent pas. Pour la qualité et la richesse de la cuisine, il est clair que la France est du bon côté de la planète.
La cuisine, je la mange, mais je ne sais pas la faire, d’autres le font très bien pour moi. J’apprécie la bonne « bouffe », je ne suis pas sectaire, j’ai aussi mes interdits, tel le cheval que je refuse de manger (souvenirs de jeunesse).
Revenons à « nos moutons » ! La préparation d’un repas pour recevoir amis et familles est en elle-même un acte courageux qui demande de l’organisation et de l’imagination dans le choix des plats qui seront proposés aux convives, mais faire un repas tenant compte des préférences, des contraintes médicales ou des interdits alimentaires de chacun est inenvisageable et cauchemardesque, compte tenu des moyens à disposition et du temps de préparation à déployer. Comme en témoigne, avec les quelques lignes qui suivent, la solution à ce dilemme, qui fut trouvée :
C’est une fin de l’année, période propice aux repas en famille ou avec des amis. Ce soir-là, nous devions recevoir six personnes, des amis et un cousin de mon épouse. Nous savions qu’il y aurait quelques difficultés à satisfaire tout ce petit monde dont certains avait des besoins spécifiques en matière culinaire et de plus, nous n’avions matériellement pas le temps de nous livrer à de multiples préparations de repas. Nous décidâmes alors de contacter nos six amis au téléphone et de leur proposer le repas qui serait servi. Pour celles ou ceux ayant des interdits ou des préférences alimentaires, nous leur avons proposé soit de préparer leur repas et de venir avec, soit de le préparer eux-mêmes sur place, soit d’accepter le menu qui était proposé sinon, libre à eux de décliner l’invitation.
Sur les six personnes invitées, deux déclinèrent l’invitation, les autres apprécièrent le repas et firent honneur aux plats préparés. Nous étions tous heureux de nous retrouver entre amis même s’il en manquait deux.
D’Elie
Les jours se succèdent et sont soit porteurs d’événements heureux comme malheureux. À la veille de la rentrée scolaire 2016- 2017, des nuées de gloire ont fait irruption sur notre famille. Un jour heureux pour nous.
Mon fils GANDONOU Amos venait de réussir avec brio sa thèse d’ingénieur en génie mathématiques. Ma femme et moi avions décidé de célébrer l’événement. À la table de décisions pour les préparatifs, on pouvait compter sur l’oncle Adebo, les tantes Jacqueline, et Conforte. Tous, y compris mon épouse, Viviane, sont des organisateurs éprouvés dont les expériences et les compétences culinaires ne sont plus à démontrer.
L’oncle Adebo, se plaisant dans sa tenue de sport le blanc sur le bleu, prit la direction de l’entretien et des préparatifs quand il dit :
– Avant toute analyse, je voudrais que nous ayons une connaissance sur la nature et les classes de nos hôtes pour la célébration de la thèse d’ingénieur.
À la préoccupation de l’oncle, je répondis :
– Mes hôtes sont connus et j’informe que ce sont des amis depuis la lune des temps. Ils sont une dizaine de personnalités dont certains font la fine bouche. Autrement dire, ils sont difficiles mais aussi magnifiques. Et j’avoue que d’autres sont au régime alimentaire absolu mais ne savent pas naviguer dans la tolérance qu’exige la vie communautaire.
La franchise de mes propos sur nos hôtes a troublé l’humeur de mon épouse, Viviane. J’ai discerné que son amour avait reçu des coups. Elle arrangea avec délicatesse son pagne débordé par le bas.
Viviane dit :
-Je ne désire plus l’invitation des hôtes qui se donneront le plaisir de dénaturer l’atmosphère festive de la réussite de mon fils au concours du cycle d’ingénieur.
Comment certains hôtes sur qui nous voulons verser des huiles d’honneur s’imposeront-ils à nos offres ? Il est vrai que nous aurons un regard essentiel sur le volet santé. Mais les intolérants n’auront pas de place ici. D’ailleurs, voici le régime que je propose à l’honneur du bien-être de tous nos hôtes :
Un aliment moins riche en amidon et en lipides.
Un aliment composé de légumes, de fruits, de riz, et de pommes.
Une sauce aux viandes séchées et des boissons à la volonté de chacun.
La tante Jacqueline poussa un profond soupir et dit :
– Nous avons le devoir de faire appel à l’intelligence et de bien gérer nos corps usés des tares de l’ignorance. Enfin, Conforte a annoncé que la commande du repas de nos hôtes est faite conformément aux normes diététiciennes.
Dix minutes seulement s’écoulèrent après l’installation des tables prêtes pour les réceptions de nos convives. Les hôtes défilèrent, puis prirent places sur la table initialement ornée de toiles cirées en or. Ensuite vint Amos en chef de file avec ses frères et les parents. L’atmosphère festive était gaie et riche de couleurs. La célébration de l’action de grâces donna lieu à la naissance de nouvelles relations entre toutes les personnes invitées pour la circonstance. Au total, nous retenons que la vie n’est pas suave pour les intolérants. Elle donne de l’envie et du bien-être aux hommes qui savent naviguer dans les tempêtes d’incompréhension et des épreuves.
De Magali
J’étais heureuse ce soir de réunir quelques amis chez moi. Mon compagnon semblait apprécier ce moment convivial, d’autant plus qu’il avait besoin, lui aussi, de voir et d’entendre autre chose que la routine du quotidien. Nous ne pensions pas que les circonstances allaient dépasser nos espérances…
Je m’apprêtais à servir l’apéritif, quand je réclamais alors l’attention de mes hôtes.
– Fabrice et moi devons vous dire une chose. Nous avons l’intention de tous vous réunir dans un proche avenir pour un repas. Nous conviendrons d’une date qui vous arrange tous. Je crois que nous avons besoin de nous retrouver. La fin de l’année approche, je suis certaine que cela nous fera du bien à tous. Vous me connaissez, j’adore cuisiner, et je vous promets un repas aux petits oignons… Parmi mes plats favoris et que je réussis le mieux, il y a aura de la gardiane de taureau, accompagnée de polenta faite comme en Italie, regorgeant de parmigiano, pardon de parmesan… Vous m’en direz des nouvelles… Et d’autres surprises, sans compter un dessert succulent… Je ne vous en dis pas plus…
Satisfaite de ma petite entrée, je me tournais vers mon compagnon, qui souriait de toutes ses dents, heureux de me voir heureuse, comme toujours. Un être adorable que cet homme, merci la vie de me l’avoir posté sur ma route…
Seulement, quand je me tournais vers mes amis, je ne vis que des mines atterrées et consternées. Mon sourire s’effaça instantanément.
– Eh bien, que vous arrive-t-il ? demandais-je. Vous en faites, une tête ?! Léane, que t’arrive-t-il, tu es blanche à faire peur ?
Mon amie d’enfance, effectivement, semblait avoir vu un fantôme. Visiblement mal à l’aise, elle répondit :
– Ambre, je suis certaine que ton plat sera fabuleux, ta réputation de cordon-bleu n’est plus à faire. Sauf que… je suis végane.
– Tu es végane ? Ah bon ? Depuis quand ?
– Depuis deux mois…
– Effectivement, ma gardiane de taureau ne t’ira pas. Eh bien, je te ferai du poisson, pas de problème…
– Euh… je suis désolée, Ambre, mais être végane n’est pas être végétarienne. Cela inclut aucun produit d’origine animale.
Anéantie, je demandais :
– Alors quoi ? Si je comprends bien, pas de viande, poisson, œufs ? Et puis on a fait le tour ?
– Non… Il faut ajouter à cette liste le fromage, le lait, le beurre, le miel… et dérivés…
Je tâchais de faire bonne figure, mais je reçus la nouvelle avec un certain malaise. Mais je n’étais pas au bout de mes peines.
– Ambre, intervint alors mon ami Franck. Tu sais que je ne mange que des pâtes, du riz ou des pommes de terre en guise de légumes, avec de la viande bien saignante. Je pourrais faire éventuellement honneur à ta gardiane, mais c’est un plat mijoté, je crois, et pas saignant… Quant à la polenta, désolé… Et je crois que Lorraine aurait… un souci aussi…
Lorraine, en effet, était gênée comme jamais.
– Lorraine est allergique au gluten, oui, mais il n’y en a pas, je crois, dans la polenta ?
Mon amie intervint alors :
– C’est le cas, en effet, mais je fais partie de ces rares personnes qui réagissent au maïs de la même façon que le gluten de blé. Je suis désolée, Ambre…
– Je vois, fis-je, sentant mon enthousiasme initial se réduire comme peau de chagrin.
Je me tournais vers les autres, qui n’en menaient pas large.
– Alex, il y a un problème ? demandais-je.
– Je crains que oui, Ambre. J’ai récemment banni de mon alimentation tout ce qui n’était pas bio ni local. Je ne veux pas t’imposer cela…
– Bien, fis-je, tâchant de respirer calmement. Puisqu’on en est aux confidences, poursuivons. Mais j’y songe, Francesca, tu suis un régime cétogène, je crois ?
– Oui, c’est cela, répondit-elle. Je pourrais faire honneur à ta gardiane, mais à rien d’autre, pas de céréales, ni de dessert. Et quant à ma fille, Ambre, j’en rajoute une couche, elle s’est absolument mis en tête qu’elle doit maigrir, elle ne mange que des graines et des fruits…
Je sentis un abîme s’ouvrir sous mes pieds, et une douche glacée baigner mon enthousiasme. Je m’efforçais de respirer calmement, ne sachant si je devais rire ou pleurer. Mon compagnon ne souriait plus, et me considérait avec inquiétude. Comment j’allais réagir, c’était sa crainte, je lisais en lui comme un livre ouvert. Mon désarroi dut se lire sur mon visage, car certains de mes convives commencèrent à dire :
– Ambre, on est désolés, mais ne t’inquiète pas, on va trouver une solution…
Trouver une solution ? Et comment, dans ces conditions ? Cuisiner trente plats différents ? Mais après tout, n’était-ce pas à eux à se plier, pour une fois, alors qu’on leur offre l’hospitalité ? Intolérants ? Qui l’était, en fait ? Eux ou moi ? Faire un extra, pour une fois était donc si compliqué ?
Je sentis une bouffée de colère m’envahir, alors que je suis en fait quelqu’un d’assez tolérant et d’ouvert ; mais là, c’en était trop. Je respirais un bon coup et lâchais alors les vannes. Je m’entendis glapir plutôt que parler :
– Vous savez quoi ? Je peux parfaitement comprendre qu’il y ait des restrictions alimentaires dès lors qu’il y a un problème de santé, comme toi, Lorraine. Mais franchement, vous autres, vous me scotchez avec vos choix qui sont certes les vôtres, mais qui sont selon moi reflet de votre fantaisie, de votre caprice et de la mode du moment. Je crois plutôt qu’on a trop le choix dans nos contrées, et que si vous viviez en Afrique ou autre, vous ne feriez pas tant les difficiles.
– Ambre, tenta de s’interposer Fabrice…
J’ignorais son intervention et poursuivais :
– Vous voulez que je vous dise ? À la cantine, sur mon lieu de travail, il y a toujours ceux qui se plaignent que ce n’est pas bon, trop ceci, et pas assez cela. Un jour, mon collègue Stéphane en a eu assez. Lui qui ne parlait jamais pour ne rien dire a eu ces mots : « Dans les tranchées en 1914, ils en auraient bien volontiers mangé. » Cela a jeté un froid autour de la table, chacun a baissé les yeux sur son repas, et a avalé sans plus rien dire. Alors, je vous dis la même chose, pensez à eux qui crevaient la dalle pour défendre la nation, à ceux aujourd’hui qui n’ont rien à se mettre sous la dent, et vous reverrez votre façon de penser !
Je vis des paires d’yeux exorbités fixés sur moi, et un silence lourd s’était fait.
Fabrice, mon sauveur, vient vers moi, effleura mon front de ses lèvres, et posa sa main sur mon bras.
– Je suis désolé, les amis. Je crois que nous allons revoir nos projets. Et si nous faisions simplement un apéritif dînatoire, je crois que ce serait plus simple, non, quitte à porter vos spécialités ? Ce sera plus facile à composer, et nous serons ensemble quand même…
Je souris à mon compagnon, cet être avait vraiment le don de détendre l’atmosphère la plus lourde. Je vis le visage de mes convives se détendre alors quelque peu après ce coup de gueule qu’ils n’avaient d’ailleurs pas volé, mais ils semblèrent vouloir rapidement passer à autre chose, et approuvèrent chaleureusement Fabrice.
Je n’étais pas vraiment fière de moi, mais en y réfléchissant… oui : j’avais posé les limites, MES limites et mon champ d’action.
Ma thérapeute serait fière de moi.
Et moi aussi, par la même occasion, au final…
Et fière de mon compagnon, qui a su transformer la situation avec autant de doigté…
En ce samedi 11 novembre, je voudrais avoir une pensée émue pour tous les soldats de la Première Guerre mondiale, quel que soit le pays belligérant, qui sont tombés sous les balles, à cause de la folie des hommes de 1914 à 1918.
C’est le moment de leur rendre hommage, de ne surtout pas les oublier, pour honorer le sacrifice qu’ils ont fait pour que nous, leurs descendants, puissions rester libres.
J’ai une pensée particlièrement émue pour mon amie Magali, qui s’est montrée tenace et a réussi à réhabiliter son grand-oncle, un oublié de la Grande Guerre, dont le nom ne figurait pas sur le Monument Aux Morts de sa ville. Il a donné sa vie pour la France!
Pour avoir visité quelques sites de cette période dernièrement dans l’Oise, aussi bien du côté allemand que français, je peux vous garantir que ça prend aux tripes, de voir toutes ces croix blanches érigées dans des allées rectilignes, de voir les photos de la terre détruite, des maisons rasées, de mettre mes pieds là où les soldats allemands étaient cantonnés.
J’avais déjà visité le site de Verdun et j’en étais revenue traumatisée. Je n’ose même pas imaginer l’enfer que nos Poilus ont dû vivre pendant ces 4 longues années. Comment peut-on accepter cela? Au nom de quoi?
Et quand je pense que lors du premier Noël de la guerre, les soldats Allemands et les Français ont fraternisé, au péril de leur vie. Quel beau geste d’humanité, vite réprimé par des représailles pour en faire un exemple!
Il n’y a que le folie des hommes qui permet ça… et ça continue toujours!
Je vous souhaite une belle semaine créative.Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour de nouvelles aventures plumesques sur le blog
LA PLUME DE LAURENCE.
Portez-vous bien, prenez soin de vous et gardez le moral!
Créativement vôtre,
Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE