J’ai beaucoup aimé vos textes pour la proposition d’écriture N° 179.
Certains étaient franchement émouvants. Je suis toujours fascinée de constater les directions dans lesquelles vous partez à partir d’une simple proposition, ici juste une phrase.
Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
De M
Ils me regardaient tous étrangement. Assis sur l’herbe verte parsemée de pâquerettes en ce mois de juin, ils se régalaient de gâteaux, de boissons fraîches. Haute comme trois pommes, je fus attirée comme par un aimant. Leurs rires, leur joie de vivre m’ont réveillée, sortie brusquement de mon monde de petit enfant curieux. J’avance sur mes petites jambes potelées, mes belles boucles brunes tombent sur mes épaules, j’ai l’impression de voir et d’entendre pour la toute première fois.
Je n’ai absolument pas peur de cet inconnu, ne me pose même pas la question. Je rentre dans la vie avec naturel, simplicité, curiosité, avidité. J’arrive à petits pas, sûre de moi. Dès qu’ils m’aperçoivent, le silence s’installe. Plus de cris, plus de rires, plus de son. Le temps est suspendu et je vois devant moi une vingtaine de paires d’yeux, d’abord étonnés, puis rieurs. On m’observe, me scrute et on ne me parle pas. Je constate avec une certaine violence que j’étais à deux doigts de franchir une frontière et que je n’ai pas l’autorisation.
Je stoppe net. Je sens, je vois la désapprobation dans les yeux de tous ces enfants, leur maîtresse me regarde également et ne me dit rien. Je découvre la cruauté dans son regard. Personne pour m’accueillir, m’inviter, me rassurer, m’expliquer. Pour la première fois de ma vie, j’éprouve une angoisse indescriptible.
Brusquement, cette scène figée s’anime. J’entends des rires, ils rient … se rient de moi, comme s’ils venaient de découvrir un être étrange venu d’un autre monde et dont ils ne veulent pas. Je me sens tout à coup rejetée, vulnérable, abandonnée, raillée. Certains me jettent du pain, des bouts de gâteau, pas un mot Rien. Ils rient tout simplement. Oh combien je me suis sentie humiliée, je crois que j’ai pleuré, j’étais tétanisée et je suis incapable de dire ce que j’ai fait à ce moment-là. Me suis-je sauvée ? M’a-t-on ramenée chez moi ? C’était trop insupportable. Mon cerveau a arrêté de fonctionner comme pour abréger mes souffrances…. Stop !
Jamais je n’oublierai cet avant, qui tel un scalpel, a marqué à jamais mon âme de petit enfant à l’aube de ses trois petites années de vie. Un traumatisme sur un petit cerveau est si facile à s’inscrire. Personne ne voulait, tout le monde l’a fait. C’est si facile de blesser…
De Françoise V
Ils me regardaient étrangement, les mains sur les hanches, l’air autoritaire, la bouche pincée et le regard fixe. J’étais debout sur le tabouret du piano face à la pendulette posée dessus, j’avais 5 ans !
Dans cette salle à manger, un piano imposait sa présence. Une pendulette qui dit oui, qui dit non, vivait sa vie, la vie d’un temps présent. Cet objet m’avait toujours intrigué, tout comme le piano qu’il m’était interdit de toucher. Mais personne ne m’avait interdit l’accès à la pendulette. Logiquement, pour moi, je pouvais m’en occuper à ma façon … voire même la déshabiller de sa cloche en verre très fragile.
Sitôt seule dans la pièce, sachant mes parents occupés chacun de leur côté, l’idée de changer le temps effleura mon esprit. Mais, il fallait d’abord grimper pour me retrouver à bonne hauteur de cette « marqueuse du temps. » Ce qui fut fait.
Debout, et fière de l’être, c’est avec délicatesse que j‘entrepris de soulever la cloche qui protégeait le cadran, le balancier et tous les éclats dorés qui rayonnaient. Un petit bijou se découvrit à moi ! Un trésor ! Une fascination ! Je n’avais rien cassé.
Mes petits doigts potelés commencèrent à faire tourner les aiguilles dans tous les sens. Un amusement récréatif qui me mettait en tête du commandement du temps. Quel honneur pour moi… et personne pour me surveiller ! Faire courir les aiguilles dorées l’une derrière l’autre me ravissait. Un jeu d’enfant qui m’occupa jusqu’à ce que je remette avec délicatesse et prudence le globe en verre sur la pendulette. Je venais juste de reposer l’objet fragile quand j’entendis un bruit derrière moi… un raclement de gorge, un petit toussotement qui me fit tourner la tête.
Mes parents étaient en train de m’observer en silence, surpris par mon habilité à ne rien casser. « Ils me regardaient étrangement, les mains sur les hanches, l’air autoritaire, la bouche pincée et le regard fixe ». Je ne fus pas punie, seulement réprimandée.
De Catherine M
Un projet fou
Ils me regardent étrangement … comme si j’étais une extraterrestre ! Il faut dire que le coup que je viens de leur asséner est plutôt dur à avaler.
– Benjamin et moi, on part faire le tour du monde
Ils me regardent bouche bée …
Silence dans les rangs.
– Tu, tu, tu, vous, vous …
C’est Camille qui bégaie.
– Le tour du monde, mais pour quoi faire ?
C’est Arthur qui s’étrangle.
– Comme ça, sans rien dire ?
C’est Patrick qui boude.
– Bah non, puisque je viens de vous le dire.
Ben n’est pas venu, il ne voulait pas affronter la bande. Courageux Ben …
La bande du 19ème ! On traîne ensemble depuis la maternelle. Notre territoire s’étend des Buttes Chaumont au rond-point Jaurès en passant par l’avenue Secrétan qui, malgré son nom, n’a aucun secret pour nous. Unis comme les doigts de la main envers et contre tout. On sait tout sur tous et sur chacun.
Sauf que.
Ben et moi, on veut découvrir le monde, rire et pleurer avec d’autres gens, grandir sous d’autres cieux, découvrir de nouveaux plats, dormir sur plein de matelas, tester l’ailleurs et l’autrement, vérifier la couleur de l’herbe en dehors du 19ème arrondissement.
Alors, c’est vrai, quand je leur annonce la nouvelle, ils me regardent dubitativement …
De Lisa
Ils me regardaient étrangement …
C’est l’histoire d’un fils d’un brigadier-chef en cuisine, dans un restaurant réputé dans la capitale du hareng.
2023…Ce jeune homme est assis tout simplement face à son père, ne sachant pas répondre à ses questions. Âgé à peine de 19 ans, il vient de se rendre compte qu’il a commis un délit, ou je devrais dire une faute professionnelle. Son paternel lui précise qu’il a volé de la nourriture dans le coffre de sa camionnette pour raison personnelle, n’osant pas donner la vraie raison par pudeur. Comme le lieu a une très bonne réputation, il invite son petit à se rendre devant tout son personnel pour leur dire la vérité. Son adjoint va essayer d’étouffer l’affaire en allant voir leur avocat.
Il explique à la Cour les absences de son père, la raison de ses bêtises pour avoir quelques minutes de présence comme ce face à face à son bureau. Quelque temps plus tard, il ne sera pas licencié mais sera dans l’obligation de faire des heures d’intérêt général dans son institution pendant un certain temps, suite au verdict du juge.
Le « papa » s’est arrangé pour ses sottises de jeunesse, pour ce ça lui serve de leçon, en lui demandant de faire une cure et de longues études. Professionnellement, ce jeune pourra revenir pour être proche de son tuteur et évoluer pour faire des plats qui sortent de l’ordinaire.
De Saxof
REGARDS INSISTANTS
– Papa, pourquoi ils me regardent comme ça, les gens là-bas ??
– Parce que tu es jolie ma chérie
– Mais je trouve cette insistance, vraiment étrange.
– Ce n’est rien, Maïa, me répond mon père en me caressant la joue
J’ai 13 ans et nous sommes au restaurant pour fêter l’anniversaire de grand-ma, la mère de maman qui nous a quittés il y a presque 2 ans. Je suis une grande fille aux yeux verts et à la tignasse bouclée d’un joli roux-acajou clair. J’aime m’habiller dans un dress code aux antipodes de la mode. Aujourd’hui, j’ai une jupe écossaise avec un chemisier blanc et un gilet court marine sans manche, des chaussures noires vernies et des chaussettes dépareillées, une blanche et une verte. J’ai fait une queue de cheval haute, ce qui semble être un énorme palmier sur le dessus du crâne, fermée avec un gros chouchou fleur blanc et des franges blanches qui flottent dans mes bouches dorées.
Je suis une jeune fille indépendante, bien que très proche de mon père et complice avec ma grand-mère. Ils me font confiance, mais je suis responsable. J’assume mes différences, mais ceux-là qui me scrutent me mettent mal à l’aise. Pourtant ils ne peuvent pas voir mes chaussettes, alors qu’est-ce qui les dérangent ? C’est un couple assez jeune, très chic moderne extérieurement.
Voilà qu’ils me sourient ! Je pique le nez dans mon assiette pour terminer mon fondant au chocolat. J’aime trop pour me laisser déstabiliser par des regards insupportables. Je termine la dernière bouchée lorsque je vois la dame près de notre table. Je glisse ma main dans celle de mon père sous la table, tout en plongeant mon regard dans celui de la femme pour lui faire comprendre combien elle me dérange. Mais celle-ci continue sa démarche vers nous.
– Bonjour monsieur, dame, mademoiselle. Excusez-moi pour mon insistance, mais je suis directrice de casting et pour le film que nous démarrons, nous sommes intéressés par votre look mademoiselle. Mademoiselle ?
– Maïa, répondis-je !!
– Bonjour Maïa. Serais-tu intéressée pour un essai ??
Je ne réponds pas, en regardant tour à tour, mon père qui ouvre des yeux ronds, et ma grand-mère qui me sourit malicieusement et demande
– Pour quel genre de film ?
– Rassurez-vous c’est une comédie familiale, et Maïa pourrait correspondre à l’imagination que nous nous faisons du rôle principal. Je vous laisse ma carte et j’attends votre appel cette semaine, dit-elle tout sourire en s’éloignant et nous laissant silencieux et interrogatifs.
Au bout de quelques minutes,
– On a fini de manger, on va y aller et on discutera de tout ça à la maison, dit papa, qui semble contrarié, en se levant de table, et nous entrainant vers la sortie.
De Francis
L’autre côté de la barrière
Ils me regardaient étrangement.
J’ai peur. J’éprouve une sensation bizarre. L’atmosphère est étrange, mon esprit est en ébullition, mon sang bat sur mes tempes. Je suis tétanisé, je suis devant le juge et ses assesseurs. La salle d’audience est remplie, pas un mot, pas un souffle, un silence angoissant.
J’aperçois sur ma droite celui que je considérais comme un ami. Il a les mains pleines de cadeaux. Il esquisse un sourire mais je ne suis pas dupe. Je le connais mieux qu’il ne se connaît. Nous avons passé ensemble notre enfance, notre adolescence, notre jeunesse, en totale complicité. C’était un confident, un frère. Mais, c’est un Judas. Il m’a trahi. Il a volé de l’argent. J’ai été en prison à sa place.
-Accusé, levez-vous !
Lecture de l’acte d’accusation : « vous êtes accusé d’avoir agressé et porter des coups violents à Monsieur X… ici présent. »
Durant la lecture, il est arrivé devant moi. « Je crie : rends l’argent ! »
Il murmure : « Il n’y avait que 10 euros. Comment oses-tu ? ».
Il baisse la tête, avance de quelques pas. Il s’agenouille, gémit, veut demander pardon.
Ah non, ce serait trop simple.
Je prends la hache bien en main, mon bras se lève. Le tranchant entaille profondément son crâne. Du sang gicle partout, sur les murs, le carrelage, tout est rouge. C’est horrible.
Je suis mal, je souffle, je voudrais que ça finisse et pourtant, aveuglé, ivre de rage, je relève à nouveau le bras vengeur, mais je le stoppe net, je réalise ce que je viens de faire.
Merde ! je vais en prendre pour 20 ans !
La voix du Président raisonne « vous êtes coupable, je vous condamne à 20 ans de prison ». La tête me fait mal, tout s’efface.
Anéanti, tétanisé, paralysé, pas le temps de réaliser, d’aller plus loin, j’entends : « Oh Marie si tu savais., tout le mal que……… ». C’est Johnny, le radio réveil vient de se déclencher.
J’ouvre les yeux. Je suis dans mon lit. Mon épouse est à côté de moi. Elle dort paisiblement.
Oups !!! Je réalise que je viens de faire un cauchemar. Je reprends mes esprits.
Dorénavant, je vais faire attention à la charge émotionnelle journalière et dîner plus légèrement. Cérémonial du matin, je me dépêche, j’ai une audience à 8 heures. Je suis juge à la Cour d’Assises.
Cette nuit, je suis passé de l’autre côté de la barrière.
De Christine
Ils me regardaient étrangement quand je suis arrivée à l’école en ce jour de rentrée mille neuf cent soixante-treize. J’avais dû changer d’établissement à cause de mon accident et je ne connaissais personne et personne ne me connaissait. Je devais les impressionner avec mon fauteuil roulant.
Je m’avançai jusqu’au groupe le plus proche et tendis la main au garçon roux à côté de moi, avec un sourire timide, espérant ainsi briser la glace, mais tous ont reculé comme si j’étais une pestiférée. J’ai retiré ma main, déconcertée.
– Je m’appelle Andréa et j’habite à Saint-Ferréol, leur dis-je pleine d’espoir, mais je voyais bien que cela ne changeait rien, ils me fixaient toujours sans un mot, sans un sourire.
– Vous savez je n’ai pas toujours été en fauteuil, j’ai chuté d’un arbre il y a quelques mois. Avant, j’étais un vrai chimpanzé, comme dirait ma mère, je grimpais aux arbres, je jouais au foot avec mes frères et je faisais des ravages dans un club de basket. Un vrai garçon manqué.
Je sentis que le malaise commençait à se dissiper chez certains. Mais, la majorité me regardait toujours avec défiance, me tournant le dos comme s’ils étaient gênés par mon handicap.
– Arrêtez de me regarder comme ça, je ne suis pas une bête de foire et je n’ai pas besoin de votre pitié, leur criai-je exaspérée. Je suis une fille comme les autres, même si mes jambes ne m’obéissent plus.
Le plus grand des garçons finit par s’approcher timidement en me tendant la main. C’était un blondinet filiforme aux yeux bleus et rieurs.
– Salut, moi c’est Rémi. Je joue aussi au basket. Tu as un sacré tempérament, toi, dis donc. Tu joues à quel poste ?
– Meneuse, comme Alain Gilles, mon joueur préféré. J’ai un énorme poster de lui dans ma chambre. Et toi ? Quel poste ?
– Pivot, un jour, je serai à la place de Bonato en équipe de France. On pourra travailler nos shoots ensemble si tu veux.
– OK, avec plaisir. J’ai bien l’intention de participer en handisport aux Jeux Olympiques de 1984.
Rémi sourit de toutes ses dents. Je savais que c’était gagné. J’appréciais sa façon de me traiter sans marquer ma différence. Les autres écoutaient de loin, mais je sentais que la glace commençait à fondre, même si certaines filles me lançaient des regards de jalousie. Elles devaient en pincer pour Rémi en secret. La plupart d’entre eux, finirent par s’approcher, heureux de se présenter et de me serrer la main. Ils se battaient presque pour pousser mon fauteuil. A quoi ça tient les relations humaines.
– Ah, je vois que vous avez fait connaissance avec Andréa. Je vous demande de lui faire un accueil chaleureux et de l’aider si nécessaire, s’exclama notre institutrice à son arrivée.
Rémi se fit un honneur de pousser mon fauteuil sur la rampe installée spécialement pour moi et m’installa derrière le bureau juste à côté de lui.
De ce jour, on ne se quitta plus. Nous sommes mariés depuis quarante ans. Nous n’avons pas été en équipe de France, ni l’un ni l’autre mais nous avons réussi une belle famille, élevée dans la tolérance et le respect des autres et pour nous, c’est le plus important.
De Catherine G (proposition d’écriture N° 178)
A cœur vaillant…
Jessica regarde par la fenêtre le déluge qui s’abat sur le jardin, presque sans discontinuer depuis plusieurs jours. Et ça ne risquait pas de s’arranger. Si elle ne veut pas que son moral parte au fil de l’eau qui ruisselle, il lui faut absolument trouver de quoi satisfaire son besoin irrépressible d’agir pour ne pas sombrer. Comme il pleut, cela la prive définitivement de toute tentative en extérieur. Mais elle pense ne pas être la seule en attente de quelque chose qui lui mettrait un peu de soleil au cœur.
Soudain, ça lui paraît une évidence : la pluie nous embête, tirons parti d’elle. Les gens doivent se réfugier à l’abri dans les cafés, salons de thé ou autres lieux de convivialité, le temps d’un réconfort entre amis ou en famille. La voilà, l’idée ! Un carnet de pluie ! Dessiner les gens qui passent devant la vitrine du café, le parapluie affrontant le vent de face ou se retournant sous l’effet violent d’un souffle belliqueux, ceux en protection sous une porte cochère, ou ceux qui sirotent bien à l’abri un bon chocolat, en attendant l’accalmie. Il y avait là matière à croquer des personnages hauts en couleurs.
Rien de tel que de faire ça avec les copines. Elle va les appeler pour leur présenter ce projet qu’elles ne pourront qu’apprécier, l’enjeu étant de se sortir du marasme de la mélancolie. Elles sortiront tous les après-midis, pour un rendez-vous à renouveler quotidiennement tant que la météo se montrera hostile et sournoise, en changeant de lieu à chaque fois. Depuis le temps qu’elles repoussaient l’idée de dessiner des gens, leur préférant les bâtisses immobiles de la ville, l’occasion ne pouvait être plus belle d’oser enfin affronter ce défi. La devise de Bourges, « A cœur vaillant riens impossible », passera de Jacques Cœur à son petit groupe d’amies. A elles les croquis qui ne manqueront pas de les faire rire par leurs maladresses, et les bonnes tasses d’un breuvage chocolaté réconfortant et régressif.
Nul doute que le plaisir sera à la clé, et peut-être regretteront-elles le retour d’un temps meilleur pour les sorties ! Pourvu qu’il pleuve assez longtemps pour qu’elles puissent remplir leur carnet !
De Catherine G
Aventure matinale
Ils me regardaient étrangement, comme fascinés, les yeux écarquillés et comme empreints d’une certaine crainte. Pourtant, c’était un jour comme les autres, à l’heure du petit déjeuner. Je m’étais levée la dernière, avait enfilé ma robe de chambre qui avait passé la nuit sur le parquet près du lit. La seule différence, mais de taille par rapport à d’habitude, c’est que je l’avais mise sans allumer la lumière, me guidant à celle du couloir, et surtout, j’avais solidement arrimé la ceinture autour de la taille parce qu’il ne faisait pas chaud ce matin-là.
Je m’étais donc présentée, toute drapée et saucissonnée de rose, à la porte de la cuisine, où ils étaient attablés autour de ce repas matinal que j’avais hâte de partager. Sauf que leurs regards, rivés inhabituellement sur moi, m’avaient figée sur place, ne comprenant pas où était le problème du jour.
Soudain, je perçus une énorme masse sombre se mouvoir au niveau de ma poitrine et l’horreur se fit jour. Ma phobie m’attaquait : une énorme mygale m’attaquait ! Je sais que j’exagère en parlant de mygale, mais je vous assure qu’elle était énorme ! Et c’est là que la ceinture a joué un rôle important dans l’aventure parce que j’avais fait un nœud tellement serré que je n’arrivais pas à la dénouer. Et personne ne bougeait pour m’aider, comme envoûté par cette scène improbable. Alors, je n’eus plus que la solution de me jeter poitrine en avant sur les murs pour écraser l’araignée avant qu’elle n’atteigne mon cou et mon visage, tout ça en hurlant à pleins poumons, avec un acharnement hystérique qui ne m’avait à aucun moment fait envisager de balayer le monstre d’un revers de main pour le faire tomber.
Qu’advint-il de la bête ? Était-elle morte ou s’était-elle échappée ? Je ne puis le dire. Mais je suis sortie de cette bataille épuisée, éreintée, bouleversée, avec des émotions contradictoires, entre rancœur de n’avoir reçu aucune aide, honte d’avoir livré un tel spectacle, soulagement que ce soit terminé et envie de pleurer pour libérer les tensions accumulées. Et pour couronner le tout, j’avais la gorge en feu d’avoir tant crié. Bref, une aventure pas facile à assumer !
De Manuela
Le châtaignier et les fruitiers
Ils me regardaient étrangement,
Ils me scrutaient patiemment,
Ils m’observaient intensément,
C’était étonnant.
Une rangée de pruniers alignés,
Quelques abricotiers encore étiquetés,
Entourés de pommiers un peu abimés,
Je suis étonné.
Pourquoi tous ces fruitiers
Me regardaient-ils si étonnés,
Pourquoi tous ces frêles fruitiers
M’entouraient-ils sans jamais rien oublier.
Cette scène se déroule
Dans un champ où la crume coule.
Dans le pré de mon enfance
Moi, le châtaignier sans méfiance.
Charlot vient de me transplanter.
Je ne sais pas quand mes racines
Arriveront à rejoindre les profondeurs de Pidet
Je suis en parfaite santé avec sur mon tronc, la protectrice feutrine.
Les mois passent.
Certains fruitiers, avec la chaleur et le manque d’eau, trépassent.
Moi, le petit châtaignier, je survis,
A la nature, j’obéis.
D’Elie
Ils me regardaient étrangement, ces amis d’enfance que j’avais laissés depuis dix ans à Gnitin, mon village. Je les avais laissés pour aller poursuivre mes études secondaires dans la ville de Porto-Novo auprès de mon oncle Dandjinou.
Durant toute cette période, j’avais réussi à mes études et je suis aujourd’hui un ingénieur des sciences de mathématiques. La joie de nos retrouvailles au village était manifeste et la curiosité de partager nos souvenirs et intimités se sont établies sans complaisance et ni par l’hypocrisie.
Certains se sont arrêtés dès la classe de seconde et première et d’autres retenus par leurs échecs au brevet d’étude du premier cycle. J’étais particulièrement complexé pour les déséquilibres de niveau social de mes amis. Je retiens en ma mémoire certains amis comme Pascal, Jean et Norbert. Un jeudi soir, j’ai invité mes amis autour d’un repas où nous pourrions avoir des partages fraternels et conviviaux.
Norbert exprima sa joie de me retrouver et se mit à relater ses peines pour sortir la tête de l’eau sur le plan social. Il poussa un profond soupir, puis commença à narrer quelques épisodes de sa vie.
« Mes chers amis, la vie est un livre. Et je vous ouvre le contenu du mien, au cours de ces dix dernières années de mon existence. Je n’ai connu, ces années-ci, que des moments de nuit noire. Les échecs aux examens et deux accidents mortels qui ont réduit mes élans à la prise en charge de soi. Je suis bien perdu. Perdu puisque tous mes efforts pour réussir la vie se sont soldés par des échecs. J’ai espéré le bonheur, mais la nature m’a comblé du pain de l’affliction. »
Touché par les propos de Norbert, Jean exposera ses sentiments à l’assise.
“La vie n’offre pas seulement des moments de souffrances et de désastre. Mais il existe aussi des temps de joie et des havres de paix. La paix et bonheur sont sur le chemin de celui qui cherche et qui brave les circonstances. Seulement, l’homme cherchera à se découvrir et connaître ses aptitudes qui lui permettront de se donner une position dans la société. » Suite aux idées avancées par Jean, Norbert écarquilla les yeux. Il semblait avoir reçu un jet de lumière qui éclaira sa conscience. Il remercia Jean et lui exprima sa reconnaissance. Pascal, un homme très expressif sur la question, ne manqua pas de mettre ses idées à contribution dans ce débat d’actualité. Il commença son entretien dans des termes qui suscitèrent l’intérêt.
« Savez-vous, une parole de sagesse biblique dit : « … deux valent plus qu’un. » Deux ou trois personnes en qui se trouvent l’intelligence des sciences et la sagesse valent plus qu’une armée de dix mille soldats qui sont remplis d’égoïsme et de violence. Mon cousin Norbert possède effectivement une intelligence des arts, qui ne se trouve en aucun d’entre nous et chez les promotionnaires de notre arrondissement. Il a cette capacité de reproduire la photo d’une tierce personne. Il ne l’a apprise nulle part. C’est une grâce spéciale qu’il a reçue de Dieu, le Donateur de toutes les grâces. Il lui suffirait, pour ce qui le concerne, d’avoir quelques tableaux, des pinceaux, des boîtes de peinture, des crayons, afin de reproduire des photos biographiques et bien d’autres reproductions selon son inspiration. Le génie de l’art est en lui. »
Norbert, à l’audition de ce débat, eut le cœur vivement touché. Il formula ses sentiments de reconnaissance à l’endroit de tous ses amis d’enfance. Mais, il souleva un problème à côté de toutes ces belles idées : le problème de l’amour du prochain. Sans cet amour, il nous sera difficile d’émerger car notre société est remplie de jalousie et d’égoïsme. À ces idées de Norbert, je lui répondis :
« Mon frère, Norbert tu dis une vérité. Il est indispensable que nous nous aimions. L’amour est la source de la vie. C’est aussi l’un des ingrédients pour bâtir une cité. Mais je souligne, dans un sens, qu’un marigot qui ne coule pas, engendre des larves et devient l’asile des reptiles les plus nuisibles à la vie. Je voudrais que chacun de nous s’examine et recherche les opportunités qui sont disponibles pour lui. Ensuite, donnons-nous les mains d’association pour sortir de la misère pour atteindre l’autonomie financière. »
Quelques mois plus tard, Norbert s’illustra par ses œuvres d’art qui ont commencé par faire leurs chemins. Dans l’intervalle de huit ans, Norbert vit sa condition sociale s’améliorer. Il obtint une opportunité qui lui permit de se perfectionner dans une école d’arts plastiques. Dès lors, nous sommes demeurés toujours dans l’entraide et la vision de l’aide humanitaire pour le développement des populations pauvres.
Quand la condition de l’homme est très peu désirable, ce n’est pas encore une fatalité. Nous pouvons bien changer les choses en leur donnant un nouveau visage. L’unité pour une bonne cause, la sagesse, et l’amour au quotidien, voici les meilleures clés pour une vie prospère et épanouie.
De Pierre
La très courte nouvelle qui suit, un flash de vie, je l’ai en partie vécue il y a longtemps, très longtemps ….
Ce matin-là, j’entrais en classe de 5ème accompagné de ma maman et du professeur principal du collège. J’avais 13 ans et je sortais d’une longue maladie qui m’avait en partie défiguré le visage. Je faisais peur à voir. De plus, j’étais malentendant, appareillé, ce qui était peu commun en ces temps reculés et enfin, j’étais d’apparence chétif, de très petite taille. Cependant, d’un excellent niveau, j’avais pu rattraper les retards accumulés au cours de ma maladie, ce qui me permit de rejoindre cette classe de 5eme dans un collège de banlieue, dans un quartier difficile, comme on les appelait déjà à cette époque.
Pour me faire accepter avec tous ces handicaps physiques, je me devais d’être parmi les meilleurs élèves de la classe, voire le meilleur.
Ce matin-là, donc, toute la classe me scrutait. Ils me regardaient étrangement. J’étais très mal à l’aise. Installé au premier rang, un peu à l’écart, je commençais toutefois à mémoriser tous les visages derrière moi. Mon voisin de table, ne voulant pas être proche de moi, demanda à reculer de deux rangs. Il y avait au fond de la classe un groupe de trois garçons de forte taille, des forts en gueule. Je les avais appelés le gang des sauvages ; ils étaient là pour semer le trouble, voire pour casser. L’établissement n’avait pu les mettre dehors, compte tenu de pressions exercées.
Le premier jour se passa sans trop de problème, hormis sarcasmes et grimaces à mon égard, sans oublier un croche-pied à la sortie de la classe. Mes parents me demandèrent si tout allait bien. Je répondis dans l’affirmative, mais au fond de moi-même, je m’interrogeais sur mon avenir dans ce collège et leur reprochait de ne pas m’avoir inscrit dans un établissement privé.
Le second jour, un des trois du gang des sauvages arracha mon appareil auditif et se promena avec dans la classe. Il fut réprimandé par le professeur du jour, mais beaucoup trop mollement. Je ne réagis pas.
Le troisième jour à la fin de la journée, profitant de l’absence du professeur ou du surveillant, les trois sauvages me prirent à parti, c’était le début de la fin. Deux des énergumènes me collèrent au mur, m’empêchant le moindre mouvement de repli. Le troisième, le plus sauvage d’entre tous, s’acharna à me donner des coups de poings dans le ventre. Je hurlais de douleur. Soudainement, apercevant une chaise près de moi, je pus la prendre et la jeter au visage de ce fou furieux qui s’effondra, le visage en sang.
Convoqué par le proviseur le lendemain matin, je fus immédiatement mis à pied. Quant aux trois sauvages, ils furent immédiatement renvoyés de l’établissement. Mon séjour dans ce collège public prit donc fin le 4eme jour et le surlendemain, je pus entrer dans une institution privée pour une scolarité normale, dans un univers acceptant mes handicaps.
Cette histoire un peu banale se passe dans les années cinquante, au début du Rock’n’roll. Le film américain « Blackboard Jungle » en Français « Graine de violence » dépeint très bien cette violence en milieu scolaire.
De Dominique
Mon ami Gudule.
Ils me regardaient étrangement comme une bête curieuse. Je traversais la rue sur le chemin de l’école et ils me regardaient étrangement. Tous les écoliers me toisaient, riaient et se moquaient de moi. Ils me regardaient étrangement parce que je me parlais à moi-même, enfin c’est ce qu’ils pensaient.
Un jour, j’ai entendu l’un d’eux dire à ses amis :
— Regardez-le celui-là, il parle tout seul.
Et un autre :
— Il n’a pas d’ami, il se parle à lui-même.
Alors, je suis devenu le petit garçon bizarre que l’on regarde d’un drôle d’œil, en riant.
Au moment de cette histoire, j’étais le second d’une famille de trois garçons. Albert était le plus âgé, né quatre ans avant moi. Mes parents n’avaient d’yeux que pour lui, il était le centre de leur attention et le resterait toujours un peu. Puis je suis arrivé. Oh, je n’ai pas manqué d’amour et mes parents ont fait ce qu’il fallait pour s’occuper de moi mais, c’est Albert qui avait été le premier. À peine un an après ma naissance, Luc est né et j’ai existé moins. Il y avait tellement à faire à la maison.
Le soir dans ma chambre, je me parlais à moi-même et puis il est venu. Il s’est assis sur le lit et on a causé jusque très tard dans la nuit. Nous avons partagé nos jouets et j’ai demandé :
— Comment t’appelles-tu ?
Il n’avait pas de nom, alors je l’ai nommé « Gudule ».
— J’aime bien ce prénom, je le trouve original, m’a-t-il répondu.
— Tu veux bien devenir mon ami « Gudule » ?
J’aime bien mon nounours mais lui, il ne me répond jamais. Alors il m’a dit oui. Et puis à six ans, on a l’âge d’avoir des amis. Un jour, je l’ai emmené à l’école avec moi. Tout au long du chemin, nous avons fait la conversation, je me sentais bien avec mon nouveau copain.
Dans la classe, le maître d’école a dit que je perturbais la classe avec mes conversations intempestives et il m’a demandé de me taire.
— À qui parles-tu donc comme ça Jean, on n’entend que toi ?
— Désolé monsieur mais j’explique à « Gudule » la leçon.
– Gudule ! Mais il ne me semble pas avoir d’élèves de ce nom-là ! Je te prierai donc de bien vouloir le laisser en dehors de l’école !
Les élèves de la classe ont bien rigolé, ce qui a énervé le maître.
— Jean, tu me feras cinquante lignes pour demain, Je ne dois pas faire rire les élèves, demande à ton « Gudule » de les faire avec toi !
À la récréation, ils m’ont tous regardé étrangement, comme une bête curieuse. Quand je suis dans la rue, je parle à « Gudule ». À la maison, c’est « Gudule » qui écoute mes peines et mes petits chagrins de gosse. L’autre jour, en allant chercher du pain pour maman, j’ai croisé un enfant de ma classe. Il tenait la main de sa mère et je les ai vus se tourner vers moi en riant. Puis, plus loin, c’est un grand de la classe des cours moyens qui m’a dit :
— Alors grand dadais, où as-tu caché ton « Gudule » aujourd’hui ?
Je me suis mis très en colère et nous nous sommes battus. Il était plus grand et plus fort que moi et il m’a fait tomber par terre. Mon pantalon s’est troué et maman m’a grondé. Heureusement que « Gudule », assis sur mon épaule comme « Jiminy le Criket », l’ami de Pinocchio, a tout vu. Le soir il m’a consolé.
Par un bel après-midi, je me promenais avec maman et elle a surpris des gens qui se retournaient sur nous. Elle s’est posée beaucoup de questions. Après le dîner, elle est venue me voir dans mon lit et nous avons discuté très longtemps. Nous avons parlé de tout, de mes batailles avec les élèves, de mes punitions régulières, de mes craintes d’aller à l’école, des amis que je n’avais pas, à part mon petit camarade « Gudule ».
Alors, soir après soir, elle est venue me border et nous avons beaucoup parlé de « Gudule ».
Sans se fâcher, elle m’a donné un gros baiser sur la joue et je lui ai dit :— Maman, « Gudule » m’a dit tout à l’heure qu’il partait. Il te laisse sa place dans mon cœur.
Depuis ce jour béni, on ne me regarde plus étrangement, ni dans la rue, ni à l’école.
D’Estelle
Ils me regardaient étrangement depuis de longues minutes, assis bien au fond du canapé. L’attente de leur réponse m’angoissait. Je m’attendais à tout sauf à un silence. Ils n’avaient pas dit un mot depuis que je leur avais annoncé la nouvelle, ils se contentaient de me fixer. J’aurais encore préféré qu’ils me désapprouvent ou me critiquent plutôt que de rester là, immobiles, sans rien dire.
Pourtant, il ne s’agissait pas d’un projet fou, irréaliste ou risqué, j’avais tout planifié et anticipé. Je savais que je rencontrerais d’autres difficultés imprévues mais j’étais préparée et je savais que je pourrais y faire face. Ils le savaient aussi. Et s’ils ne le savaient pas, il auraient dû.
J’attendais encore plusieurs minutes, mal à l’aise, me tortillant dans mon fauteuil, ne sachant comment réagir à ces regards lourds et impénétrables. J’avais besoin de leur avis, je désirais profondément connaitre leur point de vue avant de me lancer. Qu’attendaient-ils pour le partager avec moi ? Combien de temps faudrait-il pour qu’ils retrouvent la parole ?
Et moi, combien de temps allais-je attendre ? Et s’ils n’avaient pas envie de me livrer leurs sentiments ? Et s’ils ne disaient jamais rien ? Mon projet verrait-il le jour s’ils ne parlaient pas ? Je me rendis alors compte que j’étais venue chercher leur approbation. Il était nécessaire pour moi qu’ils valident mon projet. Qu’ils me valident, moi !
Ils continuaient de me regarder étrangement, toujours silencieux. Je décidai alors de me lever, tourner les talons et m’en aller, sans un mot moi non plus. Il n’était pas question qu’ils mettent en péril mon projet. Finalement, ils n’avait pas leur mot à dire. Ils s’étaient peut-être tus à desseins. J’étais décidée et rien ne pourrait m’arrêter. Pas même eux.
Lorsque je suis passée à l’action, ils se sont réjouis pour moi.
Le froid arrive ce weekend en France. J’ai ressorti tous mes gros blousons d’hiver, mes gants, mes bonnets, mes châles pour les différentes pièces, ma couverture polaire, avec laquelle je travaille toujours. Je la pose sur mes jambes et je me sens bien.
Enfin, la pluie a cessé et de loin, je préfère le froid à cette eau continuelle qui s’est déversée sous forme de déluge.
Dimanche, pour affronter l’hiver qui arrive, ce sera une raclette au programme. Tant pis pour les calories, il faut bien se faire plaisir.
Je me réserve le weekend pour commencer la saison 6 de la série The Crown, que j’apprécie tout particulièrement. J’aime beaucoup le jeu des actrices et des acteurs. Je prends un grand plaisir à l’écouter en anglais, un anglais typiquement britannique, ce qui nous change de l’accent américain, si commun dans les films et séries qu’on nous propose sur les plateformes de streaming!
Dans un mois, c’est Noël…DEJA!! Et ce sera bientôt 2024! Connaissez-vous un truc pour ralentir le temps ou carrément l’arrêter pour un moment? Je suis preneuse si vous avez un truc magique …
Je vous souhaite à toutes et tous un bon weekend. Portez-vous bien, prenez soin de vous et gardez le moral!
Créativement vôtre,
Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE