Cette proposition d’écriture N° 18 proposait d’écrire autour du parcours d’une puce sur un corps humain.
Trois textes ont été reçus, tous plus drôles les uns que les autres. J’ai ajouté trois fables, anciennes ou plus récentes, autour de ce petit insecte, considéré comme nuisible, pour agrémenter le tout.
Je vous souhaite une bonne lecture.
De Lucette de France
Moi, la puce…
Je suis une puce toute « riquiqui » comparée à un éléphant, et pourtant tout le monde se souvient de moi un jour ou l’autre. J’adore me cacher dans les plumes d’une poule, bien au chaud je ponds mes œufs, moi si petite, j’en ponds 50 en 4 jours, et la poule combien en pond-elle hein? Moi, je raffole des chats, des chiens, des oiseaux, des hérissons, partout ou je suis cachée au chaud, je suis dans mon élément. Et vous, vous raffolez des œufs des poules, après vous la dégusterez sans remords avec une sauce poulette… Et moi et moi et moi, tout le monde m’en veut, pourtant je veux juste un peu de sang, trois fois rien, et vous en faites tout un plat…
Dans les années 1900, j’étais fière, un grand marché aujourd’hui mondialement connu porte mon nom « Marché aux puces » près de Paris à Saint Ouen. A l’époque c’étaient les plus pauvres, les chiffonniers, les gitans et leurs roulottes. Ah elles ne braillaient pas d’or, mais plutôt de crasse. Ils venaient y vendre des loques, des oripeaux, pour faire vivre leurs familles. Eux mangeaient le pot-au feu des pauvres, on pouvait même y voir sauter quelques sœurs téméraires, attirées par l’odeur alléchée, croyant se régaler, et se sont-elles qui ont régalé l’assemblée… Cet endroit n’était pas bien reluisant à l’époque, alors qu’aujourd’hui, à la même adresse, les plus riches chinent la pièce rare, venue du bout du monde, vendue à prix d’or…
Du coup, ça m’a mis la puce à l’oreille, à la veille de la Sainte Luce, où les jours croissent d’un saut de puce, j’ai décidé qu’on parlerait de moi non pas en maugréant, mais dans la joie, enfin plutôt dans l’ironie !!! Avouez que comparée à un pou, j’ai la classe, je suis fine il faut bien me chercher pour me trouver. Alors que lui, il est laid comme un pou, il se laisse attraper comme un balourd.
Ah ! J’ai bien rit, je me suis invitée à un mariage, c’était à mourir de rire. Le marié avec sa redingote et sa lavallière, guindée devant son assiette en argent, se trémoussait de droite à gauche, il n’osait pas se gratter, ça la foutrais mal devant tout ce beau monde. Pique ! Pique ! Pique ! J’en ai bien profité, un délice dans ses poignées d’amour, jusqu’aux endroits les plus intimes…
Le soir, sa jeune femme lui dit « ma puce » tu n’as pas l’air dans ton assiette, que t’arrive-t-il ? Il n’osait pas se déshabiller, je l’ai décoré de jolis boutons rouges bien enflammés, sur tout le corps. Il se gratte, et il se gratte, et moi je me bidonne toujours plus, il ne m’a pas trouvée. Ce soir pas de « tralala » pour la nuit de noce. Lui, m’a cherchée une bonne partie de la nuit, et elle boudait dans son coin…. Ah ! Super soirée. !!! Le lendemain matin, les invités les attendaient avec un air condescendant, sourire aux lèvres, et quand le couple arriva, c’était la Bérézina. Les sous entendus, les interrogations, mais que s’est-il passé cette nuit ? Les critiques sont comme les puces qui vont toujours sauter sur le linge blanc, mais aime aussi la dentelle. Pas de différence, moi, je ne suis pas raciste, j’aime tout le monde…
Mais arriva ce qui devait arriver, son exaspération était au zénith, je me prélassais dans de beaux bourrelets, et « Aïe » il m’a eue. Ce tueur n’a eu aucune pitié, j’ai agonisé quelques secondes, et adieu la vie…
P.S : Foi de puce, il se souviendra de sa nuit de noce, grâce à moi…
De Nicole de Belgique
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De Laurence Smits de France
Une puce se promène sur un corps humain, celui de Sébastien Chabal. Elle est arrivée là par hasard ; elle avait faim, elle a sauté. En général, ce que la puce aime faire, c’est piquer, sucer le sang de sa victime, qui finit par se gratter, encore et encore. Et ça, ça la fait jouir, comme personne ne peut imaginer.
Mais, chez Sébastien Chabal, c’est une autre paire de manche. Elle est d’abord arrivée sur une jambe solide, musclée et poilue à faire pâlir les imberbes. Hyper dur à piquer là-dedans, les muscles sont toujours tendus. La jambe de Chabal paraît aussi longue que l’Autoroute du Soleil pour cette pauvre puce. Elle se perd entre tous les méandres de ces poils drus et pas rasés. C’est une vraie jungle ! Elle a la fâcheuse impression de ne plus pouvoir remplir son rôle et d’avoir besoin d’un GPS pour se repérer. Quelle galère ! Dans quel pétrin s’est-elle engouffrée !
Elle continue son chemin, bon an mal an, vers une zone plus propice à son appétit. Elle arrive vers le torse de Chabal ; et là, la situation se corse encore plus. C’est couvert de poils, une toison laineuse ; elle ne sait plus par où aller. Elle est complètement perdue et s’étouffe, hagarde, incapable de poursuivre son chemin, et encore moins, de trouver sa pitance.
Elle se fatigue à vouloir piquer. Elle active son dard, tel un marteau piqueur, encore et encore. Et Chabal, d’un geste rageur, balaye son torse d’un revers de la main ; elle a bien failli être éjectée de cette forêt amazonienne. Que lui prend-il à celui-là ?
Comme la situation devient dangereuse, la puce se réfugie sous une des aisselles de notre hôte. Et là, quelle odeur ! Elle ne peut pas se nourrir dans cette zone, impossible ! Ca pue la sueur par-dessus une odeur de produit chimique qui lui donne la nausée. Elle peut s’évanouir d’un instant à l’autre ; elle n’a rien pour se protéger. Sa journée se transforme en parcours du combattant, à un soldat assailli dans la jungle tropicale en pleine guerre du Vietnam.
Quelle idée a-t-elle eue de sauter sur ce corps, qui paraissant alléchant vu d’en bas, fort, grand. Ce corps si puissant l’a appâtée, la puce regrette sa décision dorénavant. Comment partir de cette zone à risque ? Ce type est tellement haut, comme un séquoia. Ca devient dangereux !
Elle s’éloigne rapidement de la zone humide pour descendre sur le bras. ? Elle y va prudemment, à rebrousse-poil pour se frayer un chemin. Pas possible, toujours aussi velu, de l’épaule à chaque doigt de la main. C’est pire que dans un labyrinthe. La zone pour piquer est plus que limitée. Elle ne va pas grossir beaucoup aujourd’hui, la pauvre puce. Tous ces poils partout, ce n’est pas un bon garde-manger. Elle aurait du essayer plutôt un corps juvénile ou bien un corps de femme, épilé de partout!
La puce a perdu sa journée, et en plus, elle s’épuise à arpenter ce corps charpenté au système pileux abondant. Chaque zone de ce corps correspond à une crinière. C’est bouclé, dur et cela ne sent pas la rose, vu que Chabal remue sans cesse à longueur de journée. Il bouge tout le temps, la puce n’arrive pas à sucer son sang à sa guise.
Tout est velu chez ce mâle, les jambes, les doigts, les oreilles, la poitrine, les bras, le torse, sans parler de la tête, où la puce n’ira s’aventurer sous aucun prétexte sous peine d’un anéantissement immédiat. Chaque parcelle de la peau de Chabal est couverte de poils, de toisons diverses et variées, qui rendent l’exploration de la puce plus ardue que d’affronter l’Himalaya. Cet homme-là ressemble à un ours pour cette pauvre puce, ceux qui vivent dans les montagnes, voire à un yéti, de la vision d’une puce.
Foi de puce : rien ne sert de vouloir découvrir de nouveaux territoires, raison il faut savoir garder !
Jean de La Fontaine