Vous avez été nombreuses et nombreux à écrire pour cette proposition d’écriture N° 183, la dernière de 2023. Merci à vous, sincèrement du fond du coeur.
Cela fut un ravissement de vous lire au cours de ces derniers mois. J’ai pu lire et découvrir de sacrées histoires, dans lesquelles vous laissez de la place à votre imagination et à votre créativité.
Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
De Jean-Michel
NOËL ET LE PETIT JÉSUS
Noël était un enfant bien sage. Mais il était tout triste, car il avait perdu son papa qui, un jour, était parti sans crier gare, prenant le train pour une destination inconnue… Aux dernières nouvelles il serait en Laponie…. Ainsi, Noël s’était retrouvé avec sa mère qui avait bien du mal à tenir les rênes de la famille entre son travail comme auxiliaire puéricultrice dans une crèche et l’éducation de son enfant. Lui-même n’en pouvait plus des railleries de ses camarades à l’école. Chaque fois qu’ils le voyaient, ils n’avaient de cesse de l’interpeller : « Tiens, voilà le Père Noël ! Encore un à qui on ne fera pas de cadeaux ! » Et les moqueries, les vexations de tout genre pleuvaient sur lui…
Noël avait le cœur gros. De même, en tant que fils unique, il se sentait bien seul… Il aurait tellement voulu avoir une sœur… Mais, depuis que son père les avait laissés sur la paille, un 24 décembre, comme par hasard, il ne s’en était jamais remis. De temps en temps, quand le désespoir le submergeait, il entrait dans une église et là, se mettait au premier rang, criant vers le Bon Dieu… Mais personne ne répondait.
Or, une année, il devait avoir 7 ans…, un 8 décembre… il entra, une fois de plus, se disant : « Cette fois, c’est la dernière ! Jésus, si tu ne réponds pas à mon appel, je laisse tout tomber : le catéchisme, la préparation à la Première Communion… ». Or là, il entendit, au fond de lui-même une douce voix : « Mon enfant, sais-tu que n’es pas seul ? Va devant la crèche et regarde… Il y a une place qui est encore vide… ». Aussitôt, l’enfant, bouleversé par ce qu’il venait d’entendre, se leva et, en titubant, se dirigea vers la crèche. Effectivement, entre deux personnages à genoux, un petit couffin d’osier se présentait à lui, semblant attendre quelqu’un…
La voix reprit : « Mon enfant, cette place, c’est la tienne. Je suis Marie, la mère de Jésus : je te propose de devenir ta maman et tu auras pour papa Joseph.
-Oui, mais… reprit Noël, mais j’ai déjà une maman… et d’ailleurs un papa aussi, mais il est hélas parti, snif !
-Oui, tu as une magnifique maman, mais moi, je veux être ta maman du ciel qui t’apprendra à aimer, à pardonner. Et Joseph sera ton papa, afin de t’apprendre à être un vrai homme et un père.
-Et Jésus ?
-Si tu es sage et patient, mon fils va venir vers toi dans quelques jours. De même, je te promets qu’avant un an ton papa va revenir et tu auras une petite sœur. Me promets-tu d’être sage ?
-Oh oui, Madame! Je vous le promets !
-Je te demande aussi de ne raconter à personne ce que je viens de te dire avant que ce ne soit réalisé.
-Oui, oui, je saurai me taire ! »
Tout excité, Noël sortit de l’église. Il aurait voulu raconter à tout le monde ce qui venait de lui arriver, mais il avait promis de se taire… Alors, il ne dit rien, mais son cœur battait encore très fort et il avait du mal à se contenir.
Le soir, en rentrant, sa maman lui demanda : « Alors Noël, tu as passé une bonne journée ? » Il aurait bien voulu tout dévoiler, mais il se contenta de dire : « Oui, rien de particulier… Vivement Noël ! »
La Belle Dame, Marie, avait promis que son fils viendrait lui rendre visite à Noël quelques jours plus tard. De fait, le 25 décembre, quand il revint à l’église, après la messe, il alla devant la crèche, découvrit un magnifique bébé qui semblait lui sourire. Et il entendit dans son cœur : « Je suis Jésus et je suis venu pour toi. Je sais que ton cœur est triste et que tu te sens seul. Mais aujourd’hui, je veux te faire un beau cadeau : je veux te donner la joie. Non pas une petite joie toute passagère, mais la joie de ma présence en toi, à jamais ! »
Et c’est alors que Noël fut rempli d’une véritable joie, comme si son cœur était comblé. Il se mit à sourire au point que tout le monde, autour de lui, se demandait ce qu’il se passait. Désormais, plus jamais il ne fut triste car il savait qu’il y avait quelqu’un, au-dedans de lui qui était là, qui l’aimait et lui donnait la force pour avancer. À la rentrée, même ses camarades n’en revenaient pas. Ils ne reconnaissaient pas celui qui, quelques semaines auparavant, était encore renfrogné, devenu la « bête noire » de la classe. Il était épanoui, et personne n’aurait plus osé lui faire une quelconque remarque.
Les beaux jours arrivèrent et, un dimanche matin, il entra à nouveau dans l’église. Mais cette fois, c’était pour faire sa Première Communion, à laquelle il s’était bien préparé. Juste avant la messe… la porte de l’église s’ouvrit et… une tête apparut qu’il reconnut aussitôt : c’était son papa qui était revenu ! Marie et Jésus ne l’avaient donc pas oublié !
Et, comme pour parachever le tout, quelques mois plus tard, ses parents lui annoncèrent qu’il allait bientôt avoir un petit frère ou une petite sœur… De fait, peu de temps après, Églantine vint agrandir la famille.
Ainsi, Noël put raconter ce qu’il s’était passé et tout le monde s’extasia devant cette incroyable histoire. Lui n’oublia jamais et toute sa vie, il ne cessa de remercier Jésus et Marie pour ce merveilleux cadeau.
De Françoise V
UNE DRÔLE DE FIN …
Il était une fois un fermier heureux et satisfait d’avoir la plus belle basse-cour du village. Un jour, il décida d’ouvrir son poulailler et de laisser en liberté le poulet, et les trois poulettes : il y avait la première, une jaunette, la deuxième une roussette et la troisième une brunette. Le poulet était attiré par celles qui lui tournaient autour, l’admirant, le flattant. Sa fierté, son égo étaient mis valeur. Le gros inconvénient est qu’il voulait garder son indépendance.
Le fermier, ravi de constater cette belle équipe au grand jour, chantonnait en les voyant sortir dans la campagne :
« Quand trois poules s’en vont au champ, la première passe par devant. La deuxième suit la première en caquetant bec en l’air. La troisième ferme les rangs, à l’écart et loin derrière. »
Le poulet en tête, toujours en tête, se fit rejoindre par la jaunette qui ne voyait l’avenir que par lui, en lui attribuant toutes les qualités, en lui réservant les meilleures graines possibles, et en se rendant indispensable dans cet univers de basse-cour. Elle se débrouilla pour attirer son cher poulet à se dandiner tout près de lui durant la promenade, toujours en le flattant, en bavardant, en lui montrant la vie du bon côté, en lui donnant toutes les recettes d’une vie réussie. Le poulet était absolument ravi d’avoir la reconnaissance, le regard, l’empathie et tout et tout, mais il la trouvait trop « collante » à son goût. Il se positionnait comme son petit frère de poulailler. Sa grande sœur la protégeait.
La deuxième, la roussette, leur emboîtait le pas gentiment. Quand le poulet se retournait pour s’assurer qu’elle le suivait, elle lui roulait ses yeux admiratifs en levant le cou. Le poulet frémissait de cette douceur. Il était tout ragaillardi ! Il n’en pouvait plus de cette séduction, tout retourné d’avoir attiré autant d’attention. Mais il ne voulait pas d’attache, pas de relation sérieuse, juste « papillonner » un peu. Cependant, à force d’avoir le bec en l’air, la roussette se prit la patte dans une racine, et se cassa le cou. Plus de roussette, plus de regard, adieu l’aventure qui pouvait se profiler dans un futur proche. Adieu les rencontres derrière le buisson doré, au « bois du Breuil », adieu la jeunesse qui s’était envolée en un rien de temps dans un autre monde.
Le retour au poulailler ne pouvait plus se faire qu’avec les deux autres poulettes. Jaunette en fut perturbée, roussette était sa copine préférée, ou mieux encore sa deuxième mère. Une vraie mère poule ! Elle s’attrista de ce mauvais sort et se rapprocha encore plus de son poulet préféré.
Il restait la brunette, celle qui marchait loin derrière, aux pas lourds et fatiguée de porter dans son ventre trois œufs d’or. Le poulet l’avait bien vu… mais de loin, et ne s’en préoccupait pas vraiment, pourvu qu’elle avance ! Il savait qu’elle allait pondre des œufs d’or, c’est tout ce qui l’intéressait. La jaunette guettait la ponte pour s’attribuer le trésor qui en sortirait. Mais, la vie n’étant pas un long fleuve tranquille, un imprévisible événement arriva. La brunette glissa sur une pierre de Chailluz dans une pente. La chute fit accélérer la ponte. Les œufs arrivèrent prématurément. Ils roulèrent et glissèrent, se fracassèrent laissant échapper le liquide doré et brillant, illuminant le sol de la forêt entière. Brunette fut emportée par le terrain gluant et fut tuée sur le coup. Le produit des richesses fut anéanti. Une nébuleuse se forma au-dessus d’elle. La jaunette abandonna son poulet en voyant se perdre le trésor qu’elle convoitait. Plus de jaunette, plus de roussette, plus de brunette.
Maître poulet se retrouva à vivre chichement devant un avenir qui se profilait à la fois solitaire, mais libre et indépendant.
D’Emmanuel
Les silences de Noël
À peine garée, Isabelle claqua la portière de son Audi et fonça vers la porte d’entrée en hurlant : « Franck, Franck ! ». Derrière la clôture, Claude, son voisin, leva le nez de sa haie et tourna la tête dans tous les sens pour voir ce qui se passait.
« C’est toujours pareil avec eux » rumina-t-il, indigné, avant, cisaille en main, de se remettre au travail.
Dans la cuisine, personne. Isabelle se rua dans le salon, qui, à sa grande déception, était lui aussi, désespérément vide. Elle s’engagea alors dans le couloir avant de s’arrêter net. « Ah mais oui ! » répéta-t-elle à plusieurs reprises, levant les yeux au ciel.
Elle ressortit de la maison et se dirigea, au pas de course, vers la remise, adressant au passage un clin d’œil complice à Claude, lequel, penaud, ôta son chapeau pour la saluer en retour. Elle gloussa en constatant que le rouge lui montait aux joues. Elle aimait voir l’effet qu’elle produisait encore sur les hommes. Une petite victoire sur le temps qui passait…
-Tu étais là ? demanda-t-elle en cherchant Franck dont elle devinait la silhouette recroquevillée devant un monceau de planches.
-Bien sûr, où veux-tu que je sois ! plaisanta-t-il en se dégageant péniblement. Il s’essuya le front du dos de la main.
-J’ai remarqué que l’orage avait endommagé le plancher de la cabane. Je ne voudrais pas que Rémi se casse une jambe !
Elle s’approcha et fit claquer sur sa joue un baiser, comme pour le remercier de son attention. Alors qu’il passait déjà sa tête sous l’établi pour ramasser une planche, elle leva la main comme pour le retenir.
-Attends, il faut que je te parle. Tu ne veux pas faire une petite pause ?
Il grommela mais accepta la proposition. Les rides qui creusaient son front témoignaient de sa fatigue mais, fier de nature, il ne se plaignait jamais. Il n’avait pas quitté son poste depuis une heure qu’il était déjà à bricoler. Il ne comprenait pas, d’ailleurs, ces gens qui, une fois chez eux, se métamorphosent en zombie et se vautrent allègrement sur le canapé pour ne plus en bouger avant l’heure du repas.
Isabelle se servit une tasse de café et rejoignit Franck qui sirotait déjà un grand verre de jus de pomme, assis à la table de la cuisine.
-J’ai une idée pour Noël ! déclara-t-elle à brûle-pourpoint, un sourire jusqu’aux oreilles.
Comme il ne répondait pas, s’en souciait-elle vraiment, tant elle était subjuguée par ce qu’elle se disposait à lui révéler, elle continua sur sa lancée :
-C’est en discutant avec Corinne, la cliente chez qui je travaille actuellement…
Tout en l’écoutant, Franck fonça les sourcils et fit une moue. Non, vraiment, ce prénom ne lui disait rien. Et puis, il ne supportait plus cette manie d’appeler les clients par leur prénom. Les clients sont des clients, pas des amis, bon sang, fulminait-il à l’intérieur. Pourtant, à la surface de sa peau, rien ne transperçait.
-Pour donner un peu de piment à ces fêtes de fin d’année, poursuivit-elle, Corinne a décidé de faire un Noël différent chaque année. Génial non ? Parfois c’est le lieu qui change, d’autres fois, ce sont les gens ou encore la façon dont se déroule la soirée. C’est vrai, après tout, ce n’est pas parce que c’est Noël, qu’on est obligé de se contenter de manger et de s’offrir des cadeaux ! On peut faire autrement ! Le fait est que tout ça m’a donné des idées. Alors, je ne sais pas encore quoi ni comment mais ce qui est sûr, c’est que j’ai vraiment envie d’innover cette année. Je me sens tout excitée à l’idée de préparer un Noël gran-diose ! conclut-elle, triomphante.
Extatique, Isabelle peinait à retrouver une respiration paisible, tant ses propres propos l’avaient émoustillée.
-Ça tombe mal, dit Franck, frappant la table de son poing comme pour donner plus de poids à ses idées. J’ai plus envie de faire semblant.
-De faire semblant de quoi ? Je ne comprends pas bien… , reprit-elle, interloquée.
Cette bulle de joie, qui l’enveloppait depuis qu’elle avait quitté Corinne, venait subitement d’éclater.
-Tout ça ! Noël ! Ce besoin d’aller dépenser tout son argent !
Chaque mot, chaque phrase semblaient jaillir de ses mains qu’il lançait furieusement en l’air.
-Tu veux que je te dise, tout ça m’horripile ! protesta-t-il, dégoûté par ce monde consumériste.
Fermant les yeux, il entendit dans un coin de sa tête, la voix de ce bon vieux Georges lui fredonner : auprès de mon arbre, je vivais heureux…
-C’est fou cette façon de toujours voir le mauvais côté des choses ! Moi, tu veux savoir, à chaque fois que Noël approche, j’ai l’impression de retomber en enfance. C’est un peu comme si je ne posais plus le même regard sur ce qui m’entoure. L’espace de quelques semaines, je retrouve mon âme d’enfant. Du matin au soir, je nage en plein rêve : ces maisons illuminées, ces sapins phosphorescents, cette odeur de marrons grillés, ces boutiques qui regorgent de cadeaux…
-Tu vois, l’interrompit-il, même toi, tu le dis. Noël ne se résume qu’à une seule chose au bout du compte : acheter.
Consternée, elle se leva, posa sa tasse vide sur le plan de travail et plongea ses mains dans l’eau savonneuse. Faire la vaisselle avait le don de la calmer. Franck se redressa à son tour et s’approcha d’Isabelle. Posant sa main sur son épaule, d’une voix douce, il lui glissa au creux de l’oreille :
-Et puis, ce serait l’occasion de se retrouver tous les trois. Tu veux qu’on change ? Eh bien cette année, ne faisons rien ! Restons tous les trois pour une fois.
-T’as pensé à Rémi ? dit-elle en se retournant brusquement, brandissant un verre tout auréolé de mousse.
Il recula pour ne pas être éclaboussé par cette saute d’humeur soudaine.
-Justement… je pense d’abord à lui.
-C’est faux ! rugit-elle, c’est à toi que tu penses. La réalité, c’est que tu n’as envie de voir personne et que ça t’arrange bien d’accuser la société tout entière. Ah ! La belle excuse…
Silence, entrecoupé du clapotement de l’eau, des frottements de l’éponge sur les assiettes sales. Elle sentit un souffle dans son dos. Par-dessus son épaule, elle aperçut Franck, qui, muni d’un torchon, essuyait à présent la vaisselle s’amoncelant dangereusement sur l’égouttoir.
-Tu sais, dit-il d’une voix rassurante, je ne pense pas que Rémi se réjouisse à l’idée de passer un repas à nous écouter discuter. Enfin, écouter… c’est un grand mot, disons qu’il fera acte de présence. Lui, tant qu’il a son smartphone…
Il se réjouit un peu vite, pensant à tort, avoir trouver un sujet d’entente, de quoi raviver leur connivence.
-Figure-toi que Rémi est très heureux de voir ses grands-parents, ses oncles et tantes et ses cousins, cousines, rectifia Isabelle d’un ton péremptoire.
-Pour nous faire plaisir, oui ! Mais dans le fond, il préfèrerait qu’on regarde, tous les trois, un bon film en se goinfrant de pizzas !
-Des pizzas ? Un soir de Noël ? On aura tout vu… »
Outrée, elle frappa son front de sa main gantée, y déposant au passage quelques bulles de savon, ce qui arracha un sourire à Franck.
-Et arrête de te servir de Rémi comme faire-valoir ! s’écria-t-elle, excédée.
-Et si ce n’était que lui…
Franck laissa volontairement sa dernière phrase inachevée. Imperturbable, Isabelle le toisa. Les spasmes qui agitaient ses cuisses trahissaient son impatience. Finalement, n’y tenant plus, elle le somma de s’expliquer.
-Je me souviens juste d’une discussion, avec tes parents, où ils me disaient clairement qu’ils n’en pouvaient plus de ces repas. Si on continue à se réunir chaque année, c’est par habitude, par tradition. Dans le fond, tout le monde s’en fout. On est comme ces chrétiens qui pratiquent sans y croire, juste au cas où…
Isabelle s’écroula sur sa chaise. Elle était écœurée par tout ce qu’elle venait d’entendre.
Elle qui se faisait une joie de recevoir sa famille. Elle qui trépignait à l’idée de chiner dans les marchés, à la recherche de la perle rare. Elle qui salivait déjà en imaginant des recettes exotiques grâce auxquelles elle épaterait ses convives. Elle qui rêvait enfin, d’utiliser ses talents de décoratrice pour transformer sa maison en un château enchanté, digne des contes de fées, où la petite fille qu’elle avait été demeurait encore. Elle se demanda, l’éclair d’un instant, si, tout compte fait, Franck n’avait pas raison. Était-ce pour satisfaire son égo ou pour faire plaisir aux autres qu’elle souhaitait tant fêter Noël ?
Coupant court à ces réflexions ridicules, elle se leva et, serrant les poings, remonta sur le ring qui occupait pour l’occasion tout le linoléum de leur cuisine. Elle n’avait pas dit son dernier mot. Revigorée, elle était prête à en découdre.
-Tu es tellement méfiant, tu vois tellement le mal partout que tu déformes les propos, tu les exagères. Bien sûr que c’est contraignant de faire la route. Bien sûr que faire plaisir, ça a un coût. Mais une fois sur place, les gens sont heureux de se retrouver car c’est dans ces moments-là qu’ils réalisent qu’ils ont laissé passer trop de temps sans se voir…
À bout de forces, elle s’adossa au mur et se tut. Elle avait besoin de reprendre son souffle, de laisser respirer ses idées.
-Et quand bien même tu aurais raison, ajouta-t-elle d’une voix tremblante, tu ne pourrais pas avoir envie de me faire plaisir ? Juste envie de me soutenir… ? Pour une fois…
Elle baissa la tête, vaincue, désarmée, le corps secoué de larmes. Elle se retourna, ne souhaitant pas que Franck voie sur son visage les ravages que ses mots avaient laissés. Des balafres d’indifférence. Il comprit alors, en observant le corps endolori de la femme qu’il aimait, que l’important n’est pas tant ce qu’on dit, mais ce qui se cache derrière le voile de nos paroles. Tous ces aveux que nos mots taisent, que nos gestes trahissent, que nos regards révèlent. Alors, subrepticement, il se glissa derrière elle et passant ses bras autour de sa taille, il lui susurra :
-Tu as raison. C’est moi qui suis trop con ! Si ça te va, ça me va aussi.
Le silence les avait réunis. Ils s’y lovaient, s’en imprégnaient. Doux parfum de paix et d’amour. Soudain, elle fit volte-face et plongeant ses yeux humides dans les siens, elle l’embrassa. Dans ce mélange de tristesse et de joie, se lisait son infinie reconnaissance.
De Manuela (proposition d’écriture N° 181)
Aujourd’hui est un grand jour. Je prends l’avion à Roissy Charles de Gaulle pour me rendre au Benin – aéroport de Cotonou – durée de vol huit heures. Le rendez-vous avec mes deux collègues qui doivent partager les quatre semaines à venir est fixé à six heures du matin devant les comptoirs d’enregistrement d’Air France. Mon conjoint m’accompagne, nous n’avons jamais été séparé si longtemps.
Les retrouvailles sont joyeuses, nous nous sommes en effet rencontrés à la formation de la Croix Rouge. Nous n’avons que très peu de bagages avec nous, car le matériel professionnel, pédagogique et personnel a été expédié par container, il y a un mois. Le camion nous attendra à la sortie de l’aéroport de Cotonou pour nous emmener au centre de la Croix Rouge de Kerou -au nord du Benin (partie la plus pauvre du pays).
Un petit café, une viennoiserie et un jus de fruit pour détendre l’atmosphère. Appel pour l’embarquement… un voile d’inquiétude plane sur moi. Le vol devrait durer huit heures. Je m’endors… je me réveille au moment de l’atterrissage. Sortie de l’aéroport direction le camion et le container qui nous attendent au loin sur le parking. Yanis, le chauffeur avec qui nous allons partager les douze heures qui suivent (minimum), nous invite à monter dans la cabine – spacieuse mais vieillotte, le bruit du moteur est assourdissant et l’odeur du gas-oil, entêtant. Malgré cela, je parviens à m’assoupir une nouvelle fois. Il fait nuit quand nous franchissons l’enceinte du centre où nous allons résider. Des Béninois nous accompagnent à nos cases. Prise de contact avec l’espace de la toute petite habitation et surtout du lit pour une courte nuit.
Rendez-vous pris au lever du soleil (à quelle heure exactement ? Il faudra s’habituer à parler avec les heures solaires : le lever, le coucher…) pour les présentations d’une partie des habitants du village.
Autour de l’arbre du conseil, se trouvent : Omoloto, le chef du village (à qui on doit le respect), Latifou, le docteur et l’infirmière Ylana, Claire, la nouvelle institutrice que je dois former, Kawo, le gérant local des stocks (médicaments, fournitures scolaires, nourritures, et produis de toilette).
Puis, Omoloto, se retourne et nous donne la parole : Hubert, le dentiste, âgé d’environ 50 ans. Les habitants du village le connaissent bien car il vient deux fois par an – depuis six ans.
Marcel, un épicier à la retraite. Sa mission est d’organiser et de trier tous les articles restant des années précédentes et surtout, toutes les nouveautés du container. Il est convenu avec tous les membres de l’assemblée d’effectuer cette tâche supervisée par le chef Omoloto et Marcel, dès la fin de la réunion.
Et moi, Sidonie, toute jeune diplômée de l’Education nationale française. Vais-je être à la hauteur de ma mission ? Former une jeune institutrice sans diplôme ? Il y a dans le village de plus en plus d’enfants, une nouvelle classe était donc nécessaire. L’année dernière, une nouvelle case a été construite en terre cuite avec son toit en chaume et son sol en sable, un bel ensemble dans les tons ocre/jaune.
La vie au village est basée sur la coopération : pour construire la classe supplémentaire, les hommes sont à la construction, les femmes à la réalisation des uniformes des élèves avec des pagnes de couleur bleue et de magnifiques motifs africains, les adolescents à la création des bureaux et des divers meubles de rangement.
La pause de midi est la bienvenue, repas composé de pâte de manioc (comme presque tous les repas) et aujourd’hui de viande de poule (la viande n’est pas au menu tous les jours – la région est pauvre et n’élève pas beaucoup d’animaux). Les repas se prendront à l’ombre du célèbre Iroko. A la fin du repas, les enfants nous rejoignent pour vider, avec les adultes, le container. Il faut faire vite car le camion doit repartir demain très tôt pour un nouveau voyage. La journée est longue mais la mission est parfaitement accomplie. Encore une bonne nuit en perspective.
La double case à côté de la mienne est occupée par le médecin, l’infirmière et l’autre, adjacente, réservée pour le dentiste. Tout le matériel d’Hubert reste sur place à chaque mission. Il effectue les réparations nécessaires, les extractions si besoin mais surtout un bilan tous les six mois de contrôle de tous les habitants du village et des alentours. Chacun repart avec une nouvelle brosse et un tube de dentifrice.
Les deux cases suivantes sont les classes. Nous, les institutrices, avons insisté pour que les niveaux soient mixtes (une maternelle et une pour le primaire – dans le village pas de collège).
Il règne, dans cet espace, une joie de vivre, des nuées d’enfants joyeux et vifs. Le travail avance bien, les journées sont longues et productives. Je leur apprends les maths, le français. L’autre institutrice, la géographie, l’histoire et les sciences. Les élèves, quant à eux, m’enseignent les musiques locales, ainsi que les instruments de la région et les chants locaux. Mes collègues m’ont beaucoup aidée pendant le séjour. Je suis jeune et encore inexpérimentée. Des fous rires, de nombreux repas joyeux seront pour moi des souvenirs inoubliables. Des larmes ont coulé sur mes joues, mais aussi sur celles des élèves lors de l’annonce de notre départ. Nous nous sommes promis de nous écrire ; c’est avec joie qu’ils ont écouté mon discours d’au revoir et pas d’adieu. J’ai bien insisté que l’année prochaine, si tout va bien, je serais de retour avec Hubert et Marcel – dit le trio infernal – s’ils acceptent leur mission.
De Michel
Vices et versatiles
Il était une fois dans un lointain royaume, une cité où régnait un marquis dont la méchanceté n’égalait que la cupidité. Il était connu pour organiser dans son château des fêtes somptueuses où il invitait de simples paysannes parmi les plus jolies de son domaine. Lors de ses festivités, lui qui avait fait ajouter sur son blason l’image d’une taupe, l’un des symboles de l’avarice, demandait à ses cuisiniers de préparer pour l’occasion les plats les plus succulents sans regarder à la dépense. Des vins liquoreux coloraient d’or les verres de cristal. Des troubadours venaient clamer leurs plus beaux poèmes sur des musiques célestes. Les jeunes ingénues se laissaient griser par tant d’attention. Comment résister à l’envie de goûter ces mets qu’elles n’avaient pas même rêvé dans leurs fantasmes les plus fous ? Pourquoi n’auraient-elles pas le droit de profiter avec gourmandise de tout ce qui leur était si gracieusement offert ?
Pourtant, elles auraient dû se méfier. La population racontait à mots couverts que, lors de ces agapes, les jeunes filles couraient de graves dangers. Avaient-elles entendu ces rumeurs ? Voulaient-elles les ignorer, persuadées que pour elles ce serait différent ? Le maître des lieux regardait avec concupiscence les jeunes corps dont il pourrait jouir lorsqu’il les soumettrait à tous ses désirs. Il savourait d’avance les plaisirs charnels qui venaient en fin de festin. Les jeunes donzelles, étourdies dans les vapeurs d’alcool, se retrouvaient invariablement alanguies, allongées sur des sofas recouverts de soies précieuses. Quelques vassaux, amis du marquis, venaient alors accompagner leur suzerain pour s’offrir les délices de la luxure. C’était le moment où la musique se faisait plus suave pour étouffer les cris et soupirs qui s’échappaient des corps entre-mêlés.
A la lisière de la forêt qui entourait le château du marquis, vivait dans une chaumière une pauvre famille. Le père, charbonnier, avait bien du mal à nourrir sa famille composée de six garçons. Son épouse, malgré ses nombreuses couches, gardait une ligne de jeune fille, ce qui faisait l’orgueil de son époux. Quand sa femme mit au monde leur septième enfant, la tristesse fut à peine atténuée par la naissance d’une fille. Le père se lamentait. Comment nourrir une bouche supplémentaire ? Pourtant, nulle paresse en lui, il ne ménageait pas sa peine, mais le marquis lui payait de plus en plus chichement le charbon de bois qu’il s’échinait à lui produire. Depuis des lustres, son épouse le suppliait de la laisser se présenter comme domestique au château. Mais, le charbonnier refusait toujours cette possibilité. Rien que de penser que les mains de cet ignoble individu puissent souiller le corps de sa bien-aimée le mettait dans une colère folle. Il dut cependant se résoudre à accepter avec l’arrivée de sa petite fille.
Ce qui arriva alors, personne n’aurait pu l’imaginer. Quand la femme du charbonnier entra dans la grande salle du château, le marquis fut frappé de stupeur. La beauté de cette femme qui se tenait devant lui semblait auréolée d’une lumière divine. Il tomba à genoux et tel le pêcheur qu’il était devant l’éternel, courba la tête en signe de pénitence.
La suite fut encore plus incroyable, le peuple eut beaucoup de mal à croire ce qui arriva. Plus de bacchanales au château comme au temps passé, mais le marquis décida d’inviter tous ses sujets le 15 août jour de la fête de Marie. On murmure que ce fut en l’honneur de la femme du charbonnier qui portait ce prénom. Évidemment, quelques esprits chafouins murmurèrent dans son dos que c’était une sorcière qui avait envoûté leur maître. Mais ces ignominies cessèrent assez vite car tous purent apprécier le changement.
Le marquis distribua à chaque famille un terrain suffisant pour cultiver un jardin. Martin, le charbonnier, fut nommé régisseur de la propriété avec des gages bien supérieurs à ceux de ses anciennes fonctions, ce qui permit à Marie de s’occuper essentiellement de ses enfants. Le prêtre de la petite église vit avec bonheur venir le dimanche matin à l’office celui qu’il croyait définitivement perdu pour son troupeau de fidèles.
Un dernier geste symbolique vint couronner cette histoire. Le marquis prit conscience que son animal totem, la taupe, représentait certes son avarice passée mais également sa myopie face aux misères de ses sujets qu’il avait contribué à aggraver. Alors, il fit faire un nouveau blason sur lequel il fit peindre un ours, pour symbole de la force de sa foi et de la sagesse.
De Gérard
Conte de Noël
Les réseaux du confrère
-Atchoum !
Depuis le lever de ce jour 23 décembre, la toux du Père Noël ne s’arrêtait pas.
-Atchoum!
La Mère Noël, énervée parce qu’inquiète, le questionna
-Qu’as-tu encore fabriqué hier ? Tu es sorti toute la journée…
-Je sais, c’est hier après-midi que cela m’a pris…
-Étais-tu encore chez ce vieux coquin de Père Fouettard, à y boire un verre comme d’habitude ?
-Nous n’avons bu que quelques bières et tout d’un coup, je me suis rendu compte que j’avais perdu le goût !
-Perdu le goût, qu’est-ce que cela veut dire ?
-J’ai perdu le goût, ressenti de la fièvre, et me suis mis à tousser.
-As-tu au moins été voir le médecin ?
-Oh oui, bien sûr, je suis allé voir Panoramix, le druide, qui n’a rien pu faire et n’a pas su quoi me donner face à cette étrange et nouvelle affection.
-Et Fouettard, comment allait-il ?
-Il toussait comme moi, et Panoramix également quand je l’ai quitté.
-Diable ! C’est sacrément contagieux ton affection, et…
-Tu ne vas pas pouvoir faire ta tournée demain !
-Je vais quand même essayer
-Pour aller refiler ton virus à tous les humains, c’est hors de question !
-Mais alors comment faire ? Je n’ai jamais failli à ma mission, les enfants de la Terre ne vont rien comprendre.
La Mère Noël plissa son front, et s’assit en soupirant :
-Laisse-moi réfléchir, bougre d’âne !
-Atchoum !
-Écoute-moi bien, Père Noël, il ne te reste plus qu’une chose à faire.
-Atchoum ! Laquelle ?
-Il faut appeler d’urgence Saint Nicolas !
-Saint Nicolas! Mais il ne m’écoutera jamais, il me traite chaque fois d’usurpateur !
-Saint Nicolas, oui, parfaitement. Parce que, lui, il a des réseaux sur Terre, alors que toi tu t’obstines encore à travailler en solo.
-Atchoum ! Saint Nicolas, je ne peux m’y résoudre.
-Tu n’as plus le choix ! Reste au chaud sous ta couette, je vais l’appeler, moi, il va nous sortir de là.
Ainsi fût dit
Ainsi fût fait.
Saint Nicolas était incapable de dire Non à la Mère Noël. Il contacta le Pape qui, face à l’urgence, activa immédiatement ses réseaux et les autres. Après le Vatican, il contacta l’église réformée, les patriarches orthodoxes, quelques imams qui firent marcher le téléphone arabe, le dalaï-lama, les prêtres shinto, les grands rabbins, quelques gourous, les adventistes du septième jour, les témoins de Jéhovah, les scientologues, et même les libres penseurs. Tout ce joli monde se mit en branle pour alerter fidèles et ouailles. Il fallait agir vite pour remplacer de toute urgence le Père Noël avant le 25 décembre au petit matin.
La réussite fût éclatante.
Les petits terriens n’y virent que du feu, si ce n’est quelques épluchures de mandarine dans une soucoupe près de leurs souliers, preuve irréfutable du passage du bienveillant vieil homme. Et c’est depuis ce fameux jour, que les parents de la terre entière ont pris l’habitude de se substituer au Père Noël le 25 décembre. Car, bien entendu, ce dernier a sauté sur l’occasion pour ne plus reprendre du service :
-Regarde, Mère Noël, ils n’ont même plus besoin de moi. Cela marche très bien, je vais enfin pouvoir me reposer
Désormais, chaque année, Père et Mère Noël réveillonnent avec leurs amis. Saint Nicolas apporte pains d’épices et chocolats, Panoramix de juteux cuissots de sanglier, et Fouettard quelques jolis Bourgognes.
Ça va guincher !
De Nicole
ADRIENNE EN CONTRE-JOUR
Il y a quelque temps, dans un pays aux hivers venteux et pluvieux, aux étés radieux, au bord d’un lac, vivait Adrienne du Plessis, jeune fille de la riche bourgeoisie, étudiante en droit international.
Un père aimant, dans les affaires et surtout peu présent. Une mère qui cherche à ce qu’elle évolue avec succès dans le monde guindé et décadent des bals et des rallyes mondains et d’y trouver un mari fortuné.
Depuis son enfance, il y a Miss Mary, la gouvernante, la seule à qui elle confie ses projets d’avenir. Adrienne a reçu en cadeau une merveille allemande, un Leica reflex nouvelle génération et depuis se rêve photographe de rue. Ses modèles sont Gerda Toro, Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Willy Ronis et d’autres encore. Et surtout la méconnue Vivian Maier.
Lors d’un retour de voyage de son père, se posa la question de son avenir. Il se rangea aux vues de sa femme. Adrienne leur fit part de ses désirs d’indépendance. Elle fit face à un mur.
-Si tu pars, tu devras t’assumer financièrement, fut le message.
Fière et pas découragée, elle quitta maison et confort.
Au début, elle connut des galères, elle dormit sur des bancs, sur des cartons dans la rue, elle connut la promiscuité des squats.
Puis, elle reçut l’aide de Miss Mary et vécut chez elle un moment.
Elle commença à photographier les gens dans la rue, hommes, femmes, enfants, les paysages urbains, les parcs et aussi les taudis, la misère. Pour l’argent de la pellicule, elle travailla comme servante, comme gouvernante d’enfants pour des familles qui ressemblaient tant à la sienne. Téméraire, elle se trouvait parfois dans des situations précaires, déstabilisantes. Chaque fois Miss Mary soutenait ses arrières, elle était sa base, son refuge, son ange-gardien.
Lui vint l’idée de faire des nouvelles avec les portraits et les interviews récoltés. Dépeindre les habitants des villes avec un portrait et une citation. Chaque photo racontait une histoire.
Adrienne rencontra un photographe d’une agence connue et ses photos aux qualités qu’il qualifia « d’audace du point de vue », lui plurent. Il l’aida et elle exposa dans une galerie, ce fut un franc succès.
Après elle voyagea de pays en pays, toujours dans des villes, toujours des portraits insolites.
D’exposition en exposition, sa célébrité grandit, la reconnaissance de son art et de sa manière furent encensés. Et un jour, ô surprise lors d’un vernissage, elle reçut la visite de son père admiratif et fier d’elle… Un baume à l’âme, une tendresse nouvelle, de nouveaux horizons…
En hommage à Gerda Toro (1910/1937)
Robert Capa (1913/1954)
Henri Cartier-Bresson (1908/2004)
Robert Doisneau (1912/1994)
Willy Ronis (1910/2009)
Brandon Stanton (né en 1984)
Et surtout la méconnue Vivian Maier (1926/2009)
Sans oublier René Robert (1936/2022) mort dans la rue
Et Martine Renard (1967/2004)
De Pierre (proposition d’écriture N° 182)
Noël J-10 chez les Martin où l’ambiance n’est pas au beau fixe…
Paul Martin, cadre dans une entreprise d’informatique, se trouve confronté à de sérieux problèmes de réorganisation dans sa « boite », problèmes qui le touchent directement et qui mettent en péril son devenir professionnel.
Paul, la cinquantaine, doté depuis toujours d’un mental « fragile », ce qu’il pressent là n’est pas fait pour lui faciliter l’existence. Il n’est pas quelqu’un de facile à vivre, râlant en permanence, voyant toujours le mauvais côté des choses de la vie. Pourtant, Paul est un gentil garçon, quelqu’un d’humaniste à l’écoute des autres mais aujourd’hui, à l’approche des fêtes de fin d’année, une angoisse terrible le saisit. Il se voit bien caché dans un petit trou de souris jusqu’au mois de janvier.
Nicole, sa femme, la maîtresse de maison, a la charge des problèmes domestiques du foyer, son mari, absorbé par ses problèmes de travail ne l’aidant pas beaucoup. A la différence de Paul, Nicole, d’un naturel positif, cherche toujours à faire plaisir, à rendre la vie de ses proches sous un meilleur jour, quels que soient les événements qui surgissent. Ils ont deux enfants, mariés tous les deux, et deux petits-enfants en bas âge. Tout ce petit monde devrait être présent pour le réveillon de Noël et Nicole, heureuse de cette perspective, se doit de préparer cette belle fête de famille, mais elle se rendit compte que son époux est « ailleurs ».
-Paul, il faut que nous parlions tous les deux. Je vois que tu n’es pas dans ton assiette en ce moment, nous approchons des fêtes de fin d’année et tu es absent, l’esprit ailleurs. Si tu es malade, va voir notre médecin de famille. Si tu as de problèmes de travail, cela me concerne aussi, parle-moi-en.
-Nicole, j’ai de gros soucis au travail. Je pense que je suis sur la sellette pour la prochaine « charrette ».
-Paul tu es intelligent, travailleur, demande à voir un conseiller d’orientation. Tu es capable de changer ta vie professionnelle.
-Merci Nicole, mais je n’y crois plus. Je suis un nul, il y a quelque chose de cassé en moi.
-Bon Paul, en attendant, il faut bien accueillir les enfants et fêter Noël, comme cela se doit et ne pas les perturber avec tes problèmes de boulot. C’est Noël, c’est la trêve des confiseurs comme on dit, chaque chose en son temps. Bon, dans l’ordre des choses, nous allons dresser une liste de tout ce dont nous avons besoin pour le repas du réveillon et du jour de Noël et ensuite aller faire les courses.
-Tu feras les courses toi-même, je n’en ai pas envie, je ne veux rien faire, tu n’as qu’à les inviter au restaurant ou commander les repas chez un traiteur, en général c’est très bien !
-Paul, ce n’est pas gentil, tu « déconnes » avec ce que tu dis, il faut t’impliquer aussi, tu as une famille, des enfants et deux petits-enfants, je te rappelle.
-Nicole, pourquoi ne partirions-nous pas quelque part, loin, maintenant, afin de mettre de la distance avec notre « ronron » quotidien ?
-Tu es fou, où veux-tu aller en ce moment et nos enfants, qu’est-ce que tu en fais ??
-Les enfants n’ont pas besoin de nous, on les verra au Jour de l’An. Partons maintenant, s’il te plait, je dois sortir du quotidien et toi aussi, je pense.
-C’est dingue ce que tu dis. Si tu y tiens vraiment, je vais en parler aux enfants.
Nicole contacte très rapidement les enfants, qui, à sa grande surprise, approuvent l’idée d’une petite escapade au long cours, sachant qu’ils ne sont pas partis en vacances depuis plusieurs années. Ils conviennent de passer Noël entre eux, entre jeunes… Le lendemain matin, elle dit à son mari :
-Paul, tu as gagné. Il te faudra casser ta tirelire et me promettre de nous faire passer des fêtes dans de bonnes conditions. Mais au fait, où et quand partons-nous ?
Paul, ravi de cette bonne nouvelle, remercie son épouse, l’embrasse tendrement et lui promet d’oublier ses problèmes, le temps des fêtes. Un jour plus tard, tout est bouclé et ils partent une semaine aux Antilles. Ils sont revenus tous les deux, heureux de cet interlude dans leur existence.
A leur retour, Paul promet à sa femme de mettre la main à la pâte pour la préparation du réveillon du Jour de l’An qui aurait lieu chez eux, avec leur petite famille. Tout est bien qui finit bien, dans notre existence, rien d’immuable.
De Catherine M
Conte idé-al
Quelle drôle de contrée
Que celle des idées
On en voit de toutes les couleurs
Du malheur au bonheur
Des idées folles
Qui ont inventé l’école
Et puis celles qui s’envolent
Tout là-haut, là-haut
Flirter avec les oiseaux
Les idées de génie
Qui bousculent la vie
Les idées providentielles
Que ferait-on sans elles
Les idées scabreuses
Jalouses des idées lumineuses
Elles battent le fer
Pour s’envoyer soit en enfer
Soit au paradis
Et puis, et puis
Moulées dans les soucis
Les idées noires
Celles qui flanquent le cafard
Celles qu’on voue aux gémonies
Qu’elles aillent au diable
Que diable !
Qu’elles changent de pays
Qu’elles aillent voir ailleurs si j’y suis
On leur préfère les farfelues
Voire même les tordues !
Pour les idées noires c’est fichu
Un p’tit verre de ciguë
Et la cause est entendue.
De Manuela (hors proposition d’écriture)
Une nuit, il y a quelques temps, j’ai fait un cauchemar, un drôle de cauchemar. L’écriture manuscrite avait disparu. Tous s’écrivaient en lettres typographiques.
Quelle horreur.
Dans les rues, les magasins, les écoles que des téléphones portables, des tablettes, des ordinateurs eux aussi soient disant portables. Mon entourage me disait : fais tes listes sur ton téléphone ; fais tes écritures sur ta tablette.
Téléphone, tablette, ordinateur et encore téléphone, tablette…
Rien que ces mots à la bouche.
Un peu… d’accord mais point n’en faut.
Je revois au loin mon écriture manuscrite. Personnellement, je la trouve belle, bien ronde. Je m’amuse quand j’ai le temps à attacher toutes les lettres. C’est ma joie. Ecrire me fait oublier une grande partie de mes ennuis.
Après ce cauchemar, il m’a fallu prendre une décision importante : écrire, écrire. D’où mes inscriptions à des ateliers d’écriture. J’ai appris pleins de choses, j’ai écrit, j’ai écouté avec attention les textes de mes amis. J’ai ri et comme diraient mes petites filles, « je me suis bien marrée ». Deux fois par semaine, le mardi et le vendredi, je me suis rendu dans les locaux des écritures. Je n’ai pas raté beaucoup de séances. Je m’y rendais à vélo (quand le temps le permettait), à pied et en voiture.
Depuis, l’écriture est revenue. Je me force, je m’applique. J’écris au crayon de bois (3B), je gomme, je taille mon crayon, je lis, je relis. Mes écrits sont généralement assez propres et si ce n’est pas le cas, je recommence au début.
De Christine
Ma mère m’avait enseigné que pour vivre heureux, il fallait vivre caché. Je vivais donc au fond des bois avec ma famille afin que nous soyons tranquilles. Mais un jour, alors que c’était mon tour de nettoyer notre antre (les enfants, qu’est-ce que ça salit) et que ma femme était partie apprendre à chasser aux enfants, j’entendis des pas approcher et une petite voix chantonner. Je sortis à pas de loup et me cachai derrière un arbre pour observer la scène. Je vis une petite fille d’une dizaine d’années, habillée d’un manteau rouge et blanc avec un capuchon qui venait dans ma direction. Je restai un moment à la guetter et pensant qu’elle était perdue, je sortis de ma cachette pour lui demander où elle allait.
Pas du tout effarouchée, elle me dit qu’elle allait chez sa grand-mère malade pour lui apporter du miel et des galettes que sa mère avait confectionnées spécialement et que je n’avais pas à me mêler de ses affaires, elle n’avait peur de rien. Quelle effrontée ! Elle me parut bien téméraire pour une enfant de cet âge, et il me sembla curieux que sa mère la laisse s’aventurer seule dans la forêt. Elle pouvait rencontrer toutes sorte d’individus plus ou moins recommandables. En tout cas, je ne laisserais pas mes enfants vagabonder sans surveillance.
Je la laissai poursuivre son chemin et comme je connaissais bien sa grand-mère, je pris un raccourci pour la devancer et arriver en premier chez son aïeule. J’expliquai à la vieille dame ce qui m’amenait et nous convînmes de lui donner une bonne leçon.
La grand-mère se cacha dans la cuisine et je m’installai dans son lit après avoir enfilé ses vêtements. La fillette arriva quelques instants plus tard et quand elle frappa, j’imitai la voix de la grand-mère pour l’inviter à rentrer. A peine arrivée dans la chambre, elle commença à critiquer mes grandes oreilles. Comme ce n’était pas la première fois que l’on s’en moquait, je lui dis que c’était pour mieux entendre, comme ça, je n’avais pas besoin de sonotone. Puis elle trouva que mes yeux étaient bien grands. Elle commençait à m’agacer avec ses remarques. Je les trouvais très beaux, mes grands yeux noirs. Il faisait craquer toutes les louves de ma meute. Je lui expliquai calmement que c’était pour mieux la voir, comme ça, je n’avais pas besoin de lunettes. Mais elle continua en raillant mes grandes dents. Cette réflexion fut la moquerie de trop. Je me sentis insulté. Je sais que j’aurais dû me contrôler, mais je sautai hors du lit et lui dit en grognant de toutes mes forces qu’elles allaient me servir à mieux la manger.
Plaisanterie mise à part : tout le monde sait qu’aucun loup ne mangerait jamais une petite fille. Mais celle-ci commença à courir partout dans la maison et à crier comme une folle tandis que j’essayais de la rattraper pour la rassurer. Et lorsque je retirai les vêtements de grand-mère, ce fut pire ! Celle-ci, affolée, essaya de la calmer et de lui expliquer que c’était une plaisanterie. Peine perdue.
Soudain, la porte s’ouvrit et un garde-chasse, armé d’une énorme hache, fit son apparition. Le regardant dans les yeux, je compris vite que je m’étais mis dans de sales draps et je m’enfuis par une fenêtre restée ouverte.
Depuis ce temps, la petite fille raconte partout que je suis un grand méchant loup et tout le monde me considère comme dangereux et infréquentable. Les humains racontent plein d’histoires de loups méchants et idiots. La grand-mère a bien essayé de me défendre en rétablissant la vérité, mais personne ne voulut l’écouter. Mais peu importe, je reste au plus profond des bois avec ma louve et mes louveteaux, pas très loin de la maison de la grand-mère, comme ça je peux la surveiller et la défendre des loups à deux pattes. De temps en temps, je lui apporte un lièvre et en retour, elle nous donne du miel et plein de délicieuses galettes.
Voilà ce qui s’appelle vivre en symbiose.
De Francis
Sophia
Sofia, gagnante de la Star Académie
Snobant ses petits camarades
Partit seule chanter dans tous les galas de l’été.
N’écoutant que les sirènes de la popularité,
Elle alla par monts et par vaux
Chanter à tous les échos.
Mais son public finit par lui dire tchao.
Elle se trouva alors fort dépourvue
Quand les impôts réclamèrent leur dû.
Pas un seul petit euro
Son compte chèque affichait zéro, zéro.
J’ai du talent, je chanterai, je chanterai,
Le public ne peut m’oublier.
Elle alla crier famine chez son producteur
Sollicitant son bon cœur.
Mais celui-ci n’est pas prêteur.
Un homme d’affaires ne laisse jamais parler son cœur.
Vous chantiez jusqu’à présent sans vous soucier de votre avenir,
Dommage, je ne souhaite pas investir.
Sophia repartie, déçue.
Jurant que l’on ne l’y reprendrait plus.
Heureusement, un professionnel de la chanson la prit sous son aile
Et devint son compagnon fidèle.
Sophia, jeune chrysalide,
Est aujourd’hui est en haut de la pyramide.
De Roselyne
Maître Loup,
Maître Loup, nonchalamment assis sur un tronc d’arbre, baye aux corneilles. Il attend, il ne sait quoi.
L’hiver, lui aussi est nonchalant.
Il doit s’installer, mais le soleil brille toujours. Il en reste coi.
Les géants de la forêt, fièrement, droits comme des I élèvent vers l’azur leur couronne verte. Au pied de ces géants, gravite la faune des grands et petits avec une activité des plus secrète.
Maître Loup, nonchalamment assis sur un tronc d’arbre baye aux corneilles. Il attend, il ne sait quoi.
Sur le chemin, il voit une perruche qui sautille.
Bizarre, une perruche en ces lieux incertains.
Celle-ci est suivit d’un loriot, mais que fait-il ?
Il tient dans son bec une plume, comme un écrivain.
Une grenouille aux yeux tout ronds, fait des sauts de sauterelle, comme c’est rigolo et plaisant.
La sauterelle, derrière elle, s’en amuse, prend son élan, de ses grandes pattes fait un bond de géant.
Maître Loup, nonchalamment assis sur un tronc d’arbre baye aux corneilles. Il attend, il ne sait quoi.
Un hérisson, son museau en avant, ses yeux rapprochés fouille le sol, mais que cherche –t-il ?
Un jeune faon caracole, il s’émerveille de tout et de rien. Il sourit au monde et ses yeux brillent.
Un lapin montre le bout de son nez, apeuré par l’animation qui règne aujourd’hui dans la forêt.
Sous la mousse, la multitude d’insectes forment une procession, comme pour aller au cabaret.
Maître Loup, nonchalamment assis sur un tronc d’arbre baye aux corneilles. Il attend il ne sait quoi.
Petit à petit, des dizaines d’animaux convergent vers l’arbre où Maître Loup rêvasse à son repas.
Il sursaute, il se voit assailli par tous les habitants de la sylve. Il se redresse et s’avance pas à pas.
Mais enfin, que se passe-t-il ? Le feu se serait-il réveillé ? Non, alors, pourquoi êtes-vous joyeux ?
Mais, Maître Loup s’exclame en même temps le peuple de la forêt, nous sommes tous heureux !
Maître Loup, Maître Loup ne connais-tu la date de ce jour, as-tu oublié que ce jour est jour de fête
Maître Loup est désarmé, sa somnolence, sa rêvasserie lui auraient-elles fait perdre la tête ?
Autour de lui, tout s’agite. Soudain, une énorme boule d’où éclate une lueur étrange.
Lentement, lentement, un ballon nacelle descend, une créature magnifique, comme un ange
Apparaît devant les yeux ébahis du petit peuple, Maître Loup, comme lui, est sans pareil.
Une fée, tout de blanc vêtue comme la neige, un diadème posé sur sa chevelure groseille.
Elle sourit. Des milliers d’étoiles scintillent, virevoltent, s’envolent dans la forêt étonnée.
Un coup de trompette jaillit du chemin. Sur le dos d’une tortue, un bonhomme renommé.
Le bonhomme est habillé de rouge, sur son dos une hotte. A tue-tête, il souffle dans sa trompette
Il chante Noël, le petit peuple entonne à sa suite, la jolie fée tourbillonne et la magie de sa baguette
Donne à chacun du bonheur. Ainsi, la perruche se voit parée d’une jolie pierre brillante.
Le loriot arbore un superbe liséré doré autour de ses ailes, quelle fortune ! Fête excitante.
La sauterelle se voit peinte de traits de couleurs bariolés. On dirait un zèbre.
Madame la grenouille se voit attribuer une mosaïque sur le dos, elle deviendra célèbre.
La fée se joint au bonhomme, qui distribue à tour de bras, des merveilles de friandises.
Des noisettes, des noix, des glands, des baies blanches, jaunes, rouges comme des cerises.
Le lapin, ravi de cette ambiance, croque à belles dents des carottes. Quelle aubaine !
L’écureuil, tout étourdi, lui qui a perdu sa récolte de l’année s’empiffre de faines.
La joie, le bonheur, la bonne humeur, la musique, les rires résonnent dans la clairière.
Tout le petit peuple s’amuse énormément, les insectes multiples avancent comme une rivière.
Tout ce petit monde forme une immense farandole autour de la fée et du bonhomme facétieux
Mais où est Maître Loup, se serait-il assoupi ? Plus aucun ne l’a aperçu ni vu, comme c’est curieux.
Maître Loup, Maître Loup où es-tu ? Que fais-tu ? Cours-tu dans la forêt vers le gibier ?
Maître Loup, tu sais c’est la fête de Noël, tu ne dois pas chasser, mais faire le chocolatier.
D’un coup, un carrosse, fait de coques de noix, surgit à toute allure de la sente fleurie.
Sur le banc, assis Maître Loup, vêtu d’une superbe livrée argentée sourit à la foule ahurie
Une ribambelle de lutins s’agitent et sautent du carrosse en lançant des milliers de papillotes.
Un brouhaha, une ruée vers le trésor s’effectue, mais dans le fourré, cachée la gibelotte,
La première picore un grain de chocolat. Quel régal ! Jamais, dans la forêt une telle gourmandise !
Le petit peuple en tombe à la renverse, la panse il se remplit, dans l’extase, il est sous l’emprise.
Maître Loup, nonchalamment assis sur un tronc d’arbre baye aux corneilles. Il attend, il ne sait quoi.
Il était une fois… une jolie petite fille blottie sous sa couette qui, dans la nuit de Noël
Rêvait au petit peuple de la forêt. Le petit faon et le hérisson, lui disent doucement à l’oreille,
Joyeux Noël, petite Louise du monde des humains, tout le petit peuple de la forêt
Te chante Noël, Maître Loup se joint à lui, veux-tu venir, avec nous danser au cabaret ?
Dans son rêve, elle dit oui, mais avec mon petit frère François.
Il était une fois …
De Lisa
Voici la suite de la Belle et la bête revisitée
Retour de la première partie : c’est l’histoire d’un marchand riche, qui vit dans un village en Écosse, près d’un château célèbre. Il élève seul sa fille, Maryabella, qui est belle comme de la porcelaine. Cette demoiselle est douce, gentille et honnête. Elle privilégie sa famille et surtout elle n’oublie pas sa maman, décédée brutalement. Un jour, il découvre qu’il ne se sent pas bien et se rend compte que son âge n’arrange pas les affaires. Alors, en trouvant une excuse, il décide d’aller à ce fameux domaine perdu dans ce « désert » de verdure. Il arrive à l’entrée, et des chiens de chasse se mettent à aboyer comme des fous. Il s’avance près de l’escalier principal où il dépose par terre une lettre écrite de ses mains. Le message précise qu’il va mourir et que sa fille ne le sait pas. Il souhaite que le propriétaire de ce lieu l’épouse car elle a une beauté intérieure qu’aucun homme ne peut refuser. Il termine en précisant qu’un abri serait la bienvenue.
Soudain, un chien lui saute dessus et là, une bête venant de nulle part, demande de partir avant qu’un malheur lui tombe. Avant de partir, le vieillard précise sa venue et le « Monstre » veut bien un échange à condition qu’elle se condamne à vivre à côté de lui. Le Monsieur lui demande le pardon, mais le Maître des lieux déteste les flatteries, mais il aime les gens qui disent leurs pensées claires et nettes. Il promet de tenir sa promesse de condamnation. Il se rend compte qu’il a fait pire que mieux et qu’il punit sa petite fleur à ce monstre pour toujours. Arrivé chez lui, il pleure et explique toute l’histoire. Maryabella ne montre rien aux apparences et accepte la proposition.
Elle part au château et arrive à l’entrée où la porte s’ouvre et s’installe à la table principale où la nourriture est la Reine de la soirée. Tout à coup, la Bête arrive et demande si la demoiselle est venue de son plein gré. Toute tremblante, elle répond que son cœur lui fait comprendre de privilégier la famille et le respect. Il précise qu’elle est gentille, maline et intelligente. Sa première nuit, à sa surprise, elle la passe dans un appartement où son nom est inscrit à la porte.
Tout à coup, elle fait un drôle de rêve, celui d’un ange qui lui parle et lui confirme qu’elle a bien les qualités que le Maître des lieux a dit. Elle rajoute qu’elle doit être courageuse pour se préparer à la mort de son père. Le lendemain matin, devant le miroir, elle voit l’enterrement de son paternel sous la neige et pleure. Eh oui ! Le pauvre est sous terre en hiver, le jour de Noël. Elle sort de la chambre et se dirige vers la porte en face. Elle découvre une grande bibliothèque remplie de romans et en prend un au hasard, là où le monstre lui avait écrit qu’elle était sa princesse et que son cœur respirait le bonheur qui « danse » de joie. Elle reprend ses esprits et, comme tous les jours, se dirige vers la grande salle où le repas est servi. La bête s’installe au bout de table et comme à leur habitude, ils discutent de tout et de rien. Maryabella en profite pour parler de son rêve et du message sur le livre.
Il explique qu’il croit aux anges et confirme le rêve. Il ne comprend pas, en revanche le message car il n’en est pas l’auteur. Tous les deux se regardent et sans se parler, comprennent que l’ange n’est pas là par hasard. Il profite à son tour de poser une question sur sa beauté. A son franc parler, elle lui précise qu’à la seconde où elle a posé ses yeux sur lui, son cœur a failli exploser et elle rajoute qu’il a de la bonté et de la gentillesse. Elle précise, sans oublier, qu’aucun homme, n’arrive à sa hauteur car ils n’ont aucun respect avec eux-mêmes et leur entourage. La bête ne montre rien en apparence, mais confirme au fond de lui-même qu’elle est son âme-sœur. Mais, il met cartes sur table en précisant qu’il est fou d’elle. Elle lui répond qu’elle est sincère et le mensonge ne fait pas partie de son quotidien. Elle l’aime comme il l’imagine, mais veut aller à petit pas.
Tout à coup, un des chiens « serviteurs » entend toute la conversation. Et quelques instants plus tard, une Dame laide (qui n’est pas l’ange) comme un pou apparaît en se présentant être la princesse des lieux. Afin de partir rejoindre sa demeure, elle décide de laisser cette bête comme son objet de propriété. Elle lui rajoute qu’il est son homme avant d’être ce monstre. En le transformant en cette chose, elle serait sûre que sa jalousie, sa colère, ses coups de canne ne refassent plus surface. Grâce à la présence de la Belle, il sera condamné à mourir à petits feux d’humiliations, de coups, d’isolement avec l’extérieur, de famine. Il devra être soumis à ses pieds, comme toute princesse qui se respecte. Elle termine, en lui précisant qu’elle lui laisse un quart d’heure pour lui faire ses adieux et disparaît. Maryabella pleure car elle l’aime, mais la bête lui tourne le dos et lui demande de quitter les lieux car il est condamné à mourir dans les griffes de cette sorcière. Il pense que le chien « serviteur » n’est autre que leur fils qu’ils ont eu avant qu’il soit son prince, beau comme le soleil. Maryabella quitte le château en courant et n’y met plus les pieds. Elle continue sa vie tout en faisant le deuil de son père. Quelques temps plus tard, elle apprend que son « prince » souffre de maltraitance, comme l’a promis la sorcière.
La suite de la proposition 183 :
Un jour, par hasard, Maryabella va dans le village et apprend, d’après le cordonnier, que la « bête » est dans un sale état, mais toujours vivant. La bonne nouvelle, d’après le marchand, c’est que la sorcière est décédée grâce à ses chiens serviteurs, qui ont réussi à se venger et à faire des prières pour que cette Belle épouse leur chef.
Elle court chez elle et prend le cheval pour le voir. Elle se fait une promesse que cette fois-ci, personne ne l’arrête. Le cheval la dépose devant le château comme au premier jour. Elle ouvre la porte, monte l’escalier qui ressemble à celui du Titanic et va dans la chambre du propriétaire. Elle le voit tout maigre, énervé, même agressif.
Elle l’appelle du genre « bonjour » et là, il se retourne avec le sourire et les yeux qui pétillent. Il se lève tout joyeux et à la seconde, il comprend qu’elle est amoureuse de son cœur et pas de son apparence. Il l’embrasse comme un amant.
Voilà ! Une fin heureuse ! Merci la sorcière car tout compte-fait, ils vont se marier et se réunir pour l’éternité.
Ah ! Oui ! J’ai oublié car à travers cette carapace de « monstre » se cache un cœur et l’âme d’un homme, SON HOMME POUR TOUJOURS.
De Claudine
IL ETAIT UNE FOIS
J’ai une maman qui m’aime beaucoup, un peu trop parfois surtout lorsqu’elle se met à sortir les aiguilles et la laine. Elle adore la couleur rouge et comme elle aime aussi les DIY, elle a repéré une superbe veste de cette couleur qu’elle a envie de tricoter.
Superbe, c’est beaucoup dire, car c’est moi qui vais faire les frais de sa frénésie du point à l’endroit et du point à l’envers.
J’ai aussi une grand-mère, comme tout le monde. Je l’adore ma grand-mère et je vais la voir souvent, elle m’apprend beaucoup de choses et m’aide dans mes devoirs. Malgré son âge, elle adore rire et c’est un vrai bonheur de passer du temps chez elle. Sauf qu’elle ne rit pas trop quand elle me voit accoutré avec les vêtements que sa fille me fait porter.
-Bonjour mamie, je viens te voir cet après-midi.
Je l’appelle Mamie car mère-grand franchement, c’est ringard ; il n’y a que dans les contes que l’on appelle ainsi les Mamies.
C’est le jour où je vais lui porter son pain de mie, plus facile à mastiquer quand l’on porte un dentier et une boite de margarine bio car elle est intolérante au lactose. J’attrape ma patinette et je pars joyeuse en traversant le bois de Vincennes. Arrivée au pied de son immeuble, je vois un chien. Il est aussi ridicule que moi, avec son poil hérissé, de ceux qui n’ont pas vu depuis longtemps une brosse. Il est peu agréable à regarder et ça nous fait un point commun, je me dis. J’aime les chiens et je m’arrête pour le caresser.
Il me remercie. Je réponds
-De rien
Je réalise soudain que le chien est doué de la parole, stupéfaite je lui demande :
-Quoi, tu parles ?
-Ben oui ; où vas-tu comme ça avec ton sac à dos et ton vêtement ridicule ?
-Je vais chez ma Mamie, elle habite au cinquième étage.
-Elle est sympa ta mère-grand me demande-t-il ?
-Oui, elle est très gentille, elle rit beaucoup, elle est très douce et très tendre.
-Je veux la connaitre.
-Pourquoi ?
-Parce que j’aime les personnes très tendres.
C’est drôle un chien qui parle ; c’est le premier que je rencontre. Alors quand il me propose un jeu j’accepte tout de suite.
-Je monte dans l’ascenseur et toi tu montes par l’escalier. Donne-moi ton sac, ce sera plus facile pour toi.
-D’accord.
En commençant à monter, je me dis qu’il me prend pour une idiote, mais comme c’est le premier chien parlant que je rencontre, je rigole. Je pense que Jean de la Fontaine que Mamie m’a lu depuis que je suis petite a certainement rencontré des animaux qui parlent vraiment pour si bien raconter leur vie. Le chien n’est pas très grand, il ne pourra pas sonner à la porte de Mamie, donc nous arriverons chez elle ensemble. Mais oh surprise, en atteignant le palier je vois la porte entrouverte ; mon cœur se met à battre très fort. Je me souviens de Perrette et son pot de lait, que la maitresse nous a fait apprendre récemment. Le petit chaperon rouge lui, je l’avais oublié. Et pourtant ma Mamie me dit toujours
-J’espère que tu ne croiseras pas de loup à deux pattes. Ne parle à personne et méfie-toi.
Ce que je ne comprends pas trop. Un comble vous me direz-vous ! Je pense tout à coup que le loup dans le conte était un peut être un chien ?
Le silence règne dans l’appartement. J’avance doucement et je vois deux jambes raides dépasser du fauteuil de Mamie. Mon inquiétude monte car quelque chose me parait inhabituel. Je ne le connais pas ce chien après tout ; je lui ai fait confiance car il parle et il avait l’air sympa avec sa mine de chien battu. Et si ce n’était pas un vrai gentil ? S’il était méchant, s’il avait de mauvaises intentions ? J’ai lu suffisamment de contes et de fables pour savoir qu’il faut être méfiant avec ces animaux bizarres. Oui, mais ça c’est lorsque l’on est enfoui dans son lit avec une petite lumière qui éclaire à peine de façon à se faire peur. Qu’est-ce que je vais dire à maman ? Que c’est moi qui ai fait entrer le loup dans la bergerie ? Enfin dans le deux-pièces de sa mère.
J’en tremble, les mains moites et le souffle court. J’attrape mon téléphone portable pour appeler le 18 ou le 17, je ne sais plus bien. A ce moment-là, j’entends un rire ; c’est le rire de qui ? du chien ? tout heureux de m’avoir fait une grosse blague à moi dans ma veste ridicule ? Mais non, c’est le rire de Mamie, auquel répond un aboiement. Le téléphone en tombe sur mes pieds.
En avançant, je vois ma Mamie à moi qui joue avec « Loup » comme elle l’appelle, qui lui lèche le visage et frétille de la queue. Loup, de son nouveau nom, tout heureux me dit :
-Merci mon petit chaperon rouge (il fait exprès de me taquiner) de m’avoir prêté ta mère-grand. Tu as raison, elle est gentille. Ça me change des humains qui me rejettent à coups de pied.
Depuis ce jour, Mamie, Lou et moi sommes les meilleurs amis du monde et elle l’a adopté ; il ne parle qu’en ma présence et celle de Mamie, histoire de ne pas nous faire remarquer. Nous nous baladons dans les bois, loin des oreilles suspicieuses et ainsi, Lou peut nous raconter sa vie de chenils en errance. Il vit désormais heureux et ne manque de rien.
-Ma choupinette, tu peux être rassurée pour ta mamie, je veille sur elle.
Je lui ai demandé de ne plus dire mère-grand, pour une mamie de soixante-dix ans, ça ne le fait pas dans la vraie vie. Il a dit oui. Et cerise sur le gâteau, ma maman se passionne désormais pour l’écriture. Et c’est avec Mamie que je vais dans les magasins pour m’habiller, pas en rouge.
De Marie-Josée
Flocon et le traîneau du Père Noël
Linotte fit une dernière fois le tour du traîneau et vérifia les sangles, surtout ne pas perdre un paquet en route. Ce serait non seulement un désastre pour l’enfant qui ne recevrait pas son cadeau mais aussi pour lui, il risquerait de perdre la confiance du Père Noël si durement acquise. Absorbé par les préparatifs avant le départ, Il ne vit son ami Flocon, le bébé phoque qu’il avait secouru lors d’une bagarre avec ses congénères, que lorsqu’il s’apprêtait à rentrer.
-Qu’est-ce que tu fais encore ici ? Il est déjà tard et tu sais bien que je pars demain très tôt.
-C’est bien pour cela que je suis venu, j’aimerais tellement t’accompagner et distribuer des cadeaux aux enfants de la Terre !
-C’est quoi cette idée farfelue, tu sais bien que le Père Noël ne serait pas d’accord et de toute façon, tu ne survivrais pas sans eau.
-Tu ne lui as même pas demandé. Tu ne veux pas m’emmener et moi qui croyais que tu étais mon ami, tu me déçois beaucoup. Je te souhaite un bon voyage et ce n’est pas sûr que tu me trouveras encore à ton retour.
Flocon glissa sur le sol gelé et s ‘éloigna en direction de la banquise.
-Flocon, attend, j’aimerais bien t’emmener, mais ce n’est juste pas possible, sois raisonnable. Sans compter que tu alourdirais la charge à tirer des rennes Comète et Blitz.
Le Père Noël entendit ces mots et s’approcha de Linotte :
-Tu as un problème Linotte ? Ton traîneau est trop lourd ?
-Non pas du tout, c’est juste que Flocon aimerait m’accompagner et son rêve serait de distribuer les cadeaux aux enfants.
-Un bébé phoque dans le convoi du Père Noël ? Une idée saugrenue mais pourquoi pas. N’oublie pas de donner à manger aux rennes et va te coucher, le voyage sera long et fatiguant.
Encore une blague de Linotte, il parvient toujours à m’étonner celui-là, dit-il en partant.
Les rennes piaffaient d’impatience, ils salivaient déjà à l’idée des carottes savoureuses qu’ils dégusteraient tout à l’heure et quand Linotte les conduisit à l’écurie, Comète lui dit :
-C’est une super idée d’emmener Flocon, on ne s’ennuie jamais avec lui.
-Hors de question, il faudrait ajouter une bassine avec de l’eau pour lui et le traîneau serait bien trop lourd.
-Tu nous prends pour des mauviettes, répondit Blitz, nous sommes assez costauds, ce n’est pas un problème pour nous, va lui dire qu’on l’emmène, le Père Noël a dit qu’il était d’accord.
-Vous êtes sûrs, je n’en suis pas convaincu mais vous avez sans doute raison, répondit-il.
Comme chaque soir, la chouette Houppette vint se poser sur l’épaule de Linotte et confirma les dires des rennes. Elle lui proposa même d’aller annoncer la bonne nouvelle à Flocon et sans attendre la réponse, elle s’envola vers la banquise.
-Me voilà dans de beaux draps, il ne me reste plus qu’à refaire le chargement en conséquence, dit Linotte.
Le lendemain matin, Flocon, confortablement installé dans une bassine d’eau recouverte d’une couverture était à l’abri des regards. Houppette, perchée sur l’épaule de Linotte, avait décidé de les accompagner jusqu’au lever du jour et les rennes, solidement harnachés, n’attendaient que le signal du départ. Le traineau de Linotte était le dernier du convoi et lorsque le Père Noël lança un tonitruant Ho, Ho, Ho, ils se mirent en branle dans un joyeux tintamarre. Leur bonne humeur fut de courte durée, des gros nuages noirs s’étaient amoncelés et les flocons de neige se transformèrent en lames aiguisées qui leur fouettaient le visage. Ils furent soulevés, Linotte eut juste le temps de crier : « accrochez-vous », quand ils furent aspirés par un trou d’air.
Gonflée par les assauts du vent, la couverture transforma le traîneau en montgolfière en perdition. Ils virevoltaient au gré des rafales et quand ce tohu-bohu cessa, ils finirent cette folle équipée dans la mer. Surpris par la température de l’eau, les rennes ramenèrent le traîneau, qui s’était transformé en radeau, jusqu’au rivage.Flocon ondula avec délice dans cette eau cristalline au milieu des dauphins et des poissons de toutes les couleurs. Ce n’est qu’en voyant flotter un bonnet rouge qu’il se rendit compte que Linotte avait disparu. Désemparés, les rescapés se réunirent sur la plage et organisèrent les recherches. Houppette survola les alentours, les rennes longèrent la plage et Flocon explora la côte rocheuse avec l’aide des dauphins. Soulagé, Flocon vit enfin quelqu’un s’agiter au sommet d’un immense rocher. C’était bien Linotte. Il le fit monter sur le dos d’un dauphin qui le ramena sain et sauf sur la plage. Il fut accueilli avec soulagement, mais à peine les pieds posés sur la terre ferme, ils entendirent une musique inconnue et virent au loin un cortège qui avançait dans leur direction. Inquiets, ne sachant pas où ils étaient et qui pouvaient bien être les habitants de cet endroit inconnu, ils se cachèrent tous sous la couverture du traîneau et attendirent, le coeur battant, l’arrivée des autochtones.
Leur cachette de fortune fut vite découverte et ils se retrouvèrent nez à nez avec des petits bonhommes vêtus de pagnes et de colliers de fleurs. Ils leur expliquèrent que c’était le début de trois jours de festivités et les invitèrent à se joindre à eux. Linotte parvint à obtenir quelques renseignements : ils étaient tombés dans une faille spatio-temporelle. Ils se trouvaient sur une île au milieu d’un océan qui ne figurait sur aucune carte et le seul moyen d’en repartir était d’activer l’émeraude magique.
L’espoir revint, mais ils déchantèrent vite, l’émeraude avait été volée par le géant Tuato, qui habitait sur un immense rocher au milieu de l’océan et qui terrorisait tous les habitants. Le chef de la tribu avait perdu son pouvoir et sans l’émeraude, il était à sa merci. Ils n’avaient plus le coeur à faire la fête, leur seule chance de repartir était cette émeraude et il fallait qu’ils la récupèrent à tout prix. Il suffisait de neutraliser le géant, lui reprendre l’émeraude, la remettre au chef de la tribu qui retrouverait son pouvoir et en l’actionnant, il pourrait leur permettre de retrouver leur ligne temporelle et le convoi du Père Noël. Tous se réunirent et Linotte échafauda un plan.
Ils allaient réunir leurs forces et ils attaqueraient par la mer avec Flocon et les dauphins ; le traîneau tiré par les rennes servirait d’embarcation à Linotte et aux habitants de l’île. Ils mirent leur plan à exécution après minuit. Le géant dormait à poings fermés, il ne se méfiait pas, il pensait que tous faisaient la fête et qu’ils avaient bien trop peur pour s’approcher de son rocher. Ils se faufilèrent en silence dans sa grotte et repérèrent vite l’émeraude qui scintillait dans son écrin, éclairée par un rayon de lune. Ils s’en emparèrent et réussirent à quitter le rocher sans même livrer bataille.
Le chef de tribu n’en croyait pas ses yeux, Linotte fut acclamé en héros et en guise de remerciement, il lui remit un fragment de la pierre magique. Ils firent leurs adieux et quittèrent à contrecœur ce lieu paradisiaque, mais ils ne pouvaient pas s’attarder davantage, ils avaient une mission à accomplir. Le chef de tribu prononça une formule incompréhensible et en un clin d’oeil, ils retrouvèrent le convoi.
La tempête s’était calmée, personne ne s’était aperçu de leur disparition. La neige était tombée et le traîneau s’immobilisa sans faire le moindre bruit dans le village endormi. La distribution des cadeaux pouvait commencer. Flocon s’en donnait à coeur joie, il glissait dans les cheminées comme sur un toboggan, déposait les cadeaux sous les sapins illuminés et au lever du soleil, le traîneau était vide.
Le Père Noël remercia tout le monde pour le travail accompli, les rennes avec des carottes bien juteuses, les lutins avec des friandises et quand il arriva à la hauteur de Linotte, un poisson tomba de sa hotte et il lui dit
-Linotte, ton équipage était particulièrement efficace, je pense que le destinataire de ce poisson se reconnaîtra.
Il continua sa distribution avec un sourire malicieux aux lèvres et dès qu’il se fut éloigné,
Flocon sauta de sa bassine, dévora la poisson et déclara :
-C’est le meilleur poisson qu’il m’ait été donné de manger! Normal, c’est celui du Père Noël .
Incrédule, Linotte le regarda et constata avec horreur qu’il était tout noir.
-Mon pauvre Flocon, dit-il, il en faudra de l’huile de coude pour que tu redeviennes blanc, mais pas de panique, nous avons tout le temps jusqu’à notre retour.
Flocon plongea dans la bassine et Linotte se mit à le frotter jusqu’à presque lui écorcher la peau mais rien n’y fit, sa belle couleur blanche avait disparu.
-Ce n’est pas grave ,dit Flocon, en rentrant , je me roulerai dans la neige et mon pelage redeviendra comme avant.
Au retour, il s’empressa d’aller sur la banquise mais il resta gris. Une demoiselle phoque s’approcha de lui et lui demanda à quoi rimait toutes ces acrobaties. Il lui raconta son périple et sa mésaventure sur les toboggans noirs de suie. Elle éclata de rire et lui expliqua qu’il avait beau faire, il ne sera plus jamais blanc, il n’était plus un bébé phoque, il avait tout simplement grandi.
Les deux amis se retrouvaient souvent près du lac pour pêcher et évoquer leur voyage mouvementé et, qui sait , peut-être l’année suivante , le Père Noël les choisirait à nouveau pour faire partie du convoi .
De Magali
La guerre est omniprésente. Il suffisait à Yohiro de regarder autour de lui, et pas uniquement dans son pays du Soleil levant. Télévision, réseaux sociaux, X ex-Twitter, Whatsapp… il ne se passait pas une heure sans que le thème ne revienne, encore et encore. Pas assez de cela, il fallait que les plus grands conflits soient étudiés en cours en ce moment précis. Sans compter les guerres intestines qui divisent les familles, des membres jusqu’alors unis, qui ne pouvaient plus se souffrir…
Yohiro était désabusé. Il était un jeune adulte et, déjà, n’avait plus aucune illusion sur la nature humaine. Triste, silencieux, renfermé, il apparaissait fermé aux humains sans espoir de changement.
Une observatrice avertie, dotée de pouvoirs magiques, se pencha sur son cas, émue par son extrême détresse et sa sensibilité. Elle estima que cela avait assez duré, et qu’il fallait donner un coup de pouce à ce jeune homme, tendre au fond. Elle alla le trouver, lui offrit ce marché : il aurait la possibilité de se transformer tantôt en arbre, tantôt en humain, pourvu qu’il puisse éprouver au final toute la gamme des émotions et sentiments qu’il était possible d’éprouver en ce monde, et de prouver que la vie valait la peine d’être vécue. Il lui serait offert un délai de vingt années, au terme desquelles il mourrait, à moins qu’il ne trouve enfin ce qui lui redonnerait le goût et l’envie de vivre, et que, partant, il ne fleurisse. Mais Yohiro n’était pas motivé, loin s’en faut, songeant que ce laps de temps était trop long, et que son dégoût et apathie avait peu de chances d’être entamés par quoi que ce soit de positif. Il accepta néanmoins de devenir un arbre, mais eut tellement peur de finir sous la hache, tronçonneuse, témoin du peu de respect qu’avaient les humains pour la nature, qu’il finit par redevenir un homme, toujours aussi désabusé.
Un jour, cependant, il prit le parti de reprendre figure d’arbre. Il faisait chaud, ce jour-là, un beau jour d’été. C’est alors qu’une jeune fille au physique attrayant s’assit à l’ombre de ses branches pour souffler un peu, se connecter à Internet, avant de lire et de chanter, pour finir allongée et offrir ainsi nettement son joli visage au regard interloqué de Yohiro, qui tombait de minute en minute sous son charme. Un coup au cœur, car la jeune femme rassembla au bout d’une heure ses affaires pour reprendre le chemin du retour.
N’y tenant plus, Yohiro usa du pouvoir qu’il avait pour devenir un homme, et aborda la jeune fille qui accepta d’être accompagnée. La discussion jaillit naturellement, et ils ne tardèrent pas à se rendre compte qu’ils partageaient nombre de vues sur les choses, les concepts sur la vie, la guerre, la paix. Ils échangèrent leur 06, se promettant de rester en contact, charmés l’un comme l’autre.
– Je m’appelle Yohiro, dit-il. Mon nom signifie « Espoir ».
– Et moi, Sakura, répondit-elle.
Ils mirent un point d’honneur à se voir régulièrement, sans compter l’aide des réseaux sociaux, si bien qu’ils ne purent se passer l’un de l’autre en peu de temps. Ils abordaient tous les sujets, ravis de constater que leurs valeurs, aspirations et goûts se rejoignaient majoritairement. Yohiro se sentait renaître de ses cendres, ne vivait plus que pour cet amour naissant. Un jour, il finit par avouer ses sentiments à Sakura, et lui expliquer son contexte particulier. Mais pour une raison inconnue, la jeune fille resta silencieuse. Dès lors, persuadé que son amour n’était pas partagé, malheureux comme jamais, Yohiro retourna dans la forêt, reprit sa forme d’arbre, et attendit, résigné, la fin de la période des vingt années, se sachant trop malheureux pour refleurir un jour, et que cela n’en valait pas la peine.
C’était sans compter la persévérance de Sakura qui finit par retrouver Yohiro, qui, tendrement, enlaça le tronc et lui avoua, à son tour, son amour. Elle ne souhaitait en aucun cas qu’il ne meure, et voulait rester à tout jamais à ses côtés. C’est alors que reparut la fée, rappelant que le délai était alors atteint, constatant à la fois l’absence de fleurs de l’arbre, mais… que l’amour était au rendez-vous… Elle laissa alors le choix à Sakura de garder forme humaine ou paraître sous forme d’arbre, comme son aimé. Allant jusqu’au bout, la jeune fille choisit de rester en tant qu’arbre près de Yohiro : elle voulait être avec lui le plus longtemps possible, comme les arbres ont une longévité bien plus grande que les humains.
Émue par le pouvoir de l’amour, et voulant récompenser les deux amoureux, la fée prit une décision : ils ne feraient qu’un, et leur amour prendrait la forme d’un cerisier merveilleux dont la floraison délicate et parfumée égaierait chaque printemps, là-bas, au Japon. L’histoire nous dit ceci : « À jamais réunis, ne faisant désormais plus qu’un, ils symbolisent ensemble le renouveau du Printemps qu’ils annoncent, et avec lui l’espoir d’un avenir meilleur. C’est aussi l’histoire d’un amour durable, fidèle et délicat, où les différences de nature n’empêchent pas d’avoir les mêmes idées, et de s’aimer profondément ».
Tiré de la légende de Yohiro et Sakura : légende japonaise sur la fleur de cerisier (laplumeceremonielaique.com)
De Manuela
Le petit garçon, Boubam, rentre de sa nuit. Avec son ami le petit singe sur son épaule, il franchit le passage d’accès qui mène directement au centre du village. Le chef (son père), le sage, trône déjà sous l’arbre du conseil. En face de lui, un plus petit siège, un plus petit trône. Il sait que c’est sa place mais ne doit pas s’y installer sans autorisation. Le Sage lui fait signe de s’assoir. Boubam prend place et ne dit rien. Il attend le top départ pour commencer son récit. Son père lève le bras… Boubam peut commencer :
Le petit garçon qui veut devenir grand, tremble, balbutie et bégaie. Tous les habitants du village sont là autour du trône. Il prend son courage à deux mains et commence son histoire.
« Vous m’avez envoyé hier soir, seul, rejoindre le baobab d’initiation avec sous le bras, le gros tamtam du village ainsi qu’une musette contenant le repas du soir et une boisson. La nuit est vite tombée. Je n’ai même pas suivi votre consigne, et j’ai frappé de toutes mes forces cet instrument de musique, l’emblème de notre pays, pour faire fuir le féroce Lion, le fourbe Chacal et le rusé Serpent. Soudain, quelque chose ou quelqu’un me gratte le cou, je sursaute, me retourne. C’est mon ami le petit Singe qui me fait des blagues. On rit, on gesticule. Mais il faut passer aux choses sérieuses : attirer le Lion, le Chacal et le Serpent.
Maintenant, on est deux, on se sent plus fort. Je commence à frapper le tamtam, une lente mélodie se fait entendre, la mélodie qui appelle le féroce lion de la savane qui fait peur à tous les enfants baboum… baboum… baboum… Dans la pénombre, un lion surgit au pied du baobab. Il aperçoit le tamtam, celui qui l’effraie quand il l’entend la nuit et il le veut. « C’est mon droit, dit-il, de la savane je suis le roi ».
Que dois-je faire ? Je suis seul – non, je suis avec petit singe. Je suis jeune et inexpérimenté, je n’ai jamais pris de responsabilités. Le courage revient lorsqu’une caresse me chatouille le cou. Je frappe à nouveau doucement, sur le tamtam tant convoité.
Baboum… baboum… baboum …
Ce son appelle le fourbe chacal qui, lui aussi, fait peur aux enfants. Il sort de sa tanière avec prudence, juste à côté du lion. Il se moque de lui, lui le « roi de la jungle ». Le Lion se saisit d’un bâton et se précipite sur le fourbe Chacal, qui rentre aussitôt dans sa tanière et ressort de l’autre côté par une sortie cachée. Il contourne le baobab et se glisse derrière le Lion. Le Lion, surpris, s’affole tombe et s’enfuie. Le petit singe et moi, restons cachés dans les hautes herbes. Je vois que le fourbe Chacal se rapproche de nous. Je joue la douce mélodie sur le tamtam.
Baboum… baboum… baboum…
Il me dit d’un ton menaçant, je suis maintenant le roi de la jungle, alors ce tamtam m’appartient. La peur est revenue. Je frappe encore et encore sur le tamtam du village.
Baboum… baboum… baboum…
Cette mélodie attire le rusé Serpent avec les gros yeux rouges qui font peur aux enfants. Il descend lentement du baobab, bien enroulé autour des branches. C’est toi le fourbe chacal, qui se prétend roi de la savane ! Le fourbe Chacal est furieux et commence à attaquer le rusé Serpent qui avec sa queue entoure les pattes arrière du fourbe Chacal. Un tour puis deux, le chacal est prisonnier de la queue du serpent. Toujours cachés derrière notre buisson de hautes herbes, petit singe et moi, sourions. La situation est amusante. Le rusé Serpent libère le fourbe Chacal essoufflé, asphyxié. Il disparait à l’horizon furieux, on ne le reverra plus. J’entends ce fameux père siffleur me dire, d’un ton menaçant :
« Je suis maintenant, le roi de la savane. Maintenant ce tam-tam m’appartient ».
Au fur et à mesure des épreuves, j’ai moins peur. Je frappe lentement sur mon tamtam. Petit singe commence à sauter, à danser. Le rusé Serpent voudrait bien l’attraper, mais les mouvements de mon ami sont rapides et précis. Il fait de nombreux tours et détours autour de la queue de l’animal rusé, pas si rusé que ça en fait. Le long corps du serpent finit par faire une boule, une grosse boule de tout son long, inextricable.
Le jour s’est levé, je vais rentrer au village. Je suis fier d’avoir maitrisé le Lion, le Chacal et le Serpent. Je n’ai même pas frappé très fort sur le tamtam pour les faire fuir. Je suis devenu grand, devenu un homme. La force n’est pas uniquement pour les grands, pour les féroces, pour les fourbes et pour les rusés. Elle appartient aussi aux petits enfants futés et astucieux.
Poème de Ghyslaine Leloup, « La joie, c’est ta bohême », 2004 (en dehors de la proposition d’écriture et proposé par Françoise T)
La joie c’est ta bohème
À vagabonder au plus près de l’écorce
Tu hausses les épaules à l’ordinaire des jours
Nulle cage pour elle
Nulle barrière
Les sens guident mieux que des preuves
Une miette de lumière
Un frémissement de feuilles quand le vent est ailleurs
Un reflet furtif sur une vitre
Reflux des voiles au fond de nos geôles
Grains d’éternité dans le mécanisme des heures
Un chant s’élève de la mer
L’élan dans ton plexus l’ange entrevu
C’est toujours le début du monde
Et tu hausses les épaules
Ton rire auréolé d’écume
Poème de Neolila Yanitka, « Il est un groupe sanguin commun – l’Ukraine », 2023 (en dehors de la proposition d’écriture et proposé par Françoise T)
Tout sera fini – après la guerre.
Quand ? Quand ? Je le voulais, pour demain…
Fermer les vitres brisées de la fenêtre,
Jouer les dernières notes
De la marche cosaque avec le soleil en timbale.
Tout sera fini – le corbeau va mourir,
La mémoire veillera sur les ruines,
L’âme ne sera plus poignardée dans les chaumes,
Qui était à côté – pour toujours sera la famille,
Il est un groupe sanguin commun – l’Ukraine.
Tout sera fini – la neige emportera la douleur,
Les pluies nettoieront, les fleurs tapisseront le temple –
Signe éternel que les dettes sont payées,
Que les êtres chers sont libérés dans le ciel,
Qu’ils sont, des larmes de sel.
(Neonila Yanitka – (1966 – ) : Poète ukrainienne. Membre de l’Union nationale des écrivains d’Ukraine et de l’Union nationale des journalistes d’Ukraine. Née dans le village de Zhenyshkivtsi du district de Vinkovets, région de Khmelnytskyi (Ouest de l’Ukraine). Diplômé de l’Université d’État de Lviv. Elle travaille dans la presse.)
Cette fois, ça y est: Noël est à nos portes. Je vous souhaite le meilleur des Noëls, même si vous êtes peu nombreux ou seules-seuls chez vous.
On peut trouver du réconfort en restant seul. C’est mon cas. Pour la première fois de ma vie, je fête Noël sans aucun de mes fils.
Je fais des sorties pour me changer les idées, mais l’esprit de Noël s’est envolé. C’est comme ça cette année!
Je vous rappelle que le blog continue à publier pendant les vacances et que tous les articles publiés depuis sa création il y a plus de 5 ans sont en accès libre et gratuit, si vous avez envie d’en relire certains.
L’atelier d’écriture est donc fermé à partir de ce jour et rouvrira ses portes début janvier. Je vous enverrai un mail pour vous le signifier.
N’hésitez pas à écrire en dehors de toute proposition d’écriture. Laissez votre plume aller à sa guise et vous constaterez que vous êtes parfaitement capable d’écrire de belles histoires…Croyez en vos forces d’écriture…
Alors, au plaisir de vous lire à nouveau en janvier 2024!
D’ici là, portez-vous bien, prenez soin de vous surtout, avant les autres!
Créativement vôtre,
Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE