Pour une reprise, ce fut l’apothéose pour la proposition d’écriture N° 184. J’ai reçu en tout 46 pages de textes. Alors, un grand BRAVO et un grand MERCI à vous toutes et tous qui avez participé.
Je note que vous avez aimé énvoyé vos textes en écriture libre.
Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
De Annie Sonnet : A ma fille Promeneur ébloui sur le bord du chemin,Regarde la nature et toutes les idylles Qui embellissent l’aube puis éclosent subtiles, Faisant rêver chacun à de nouveaux destins. C’est ainsi qu’un bourgeon gonfle dans son écrin Et explose soudain au joli mois d’avril, Promesse de bonheur, jeune pousse fragile.Petites feuilles tendres puis fleurs au mois de juin. Elle a poussé ainsi dans un cocon bien chaud Discrète et bien cachée, promesse de cadeau. Elle n’en finissait plus de soigner sa sortie. Et puis un jour d’avril, surprise, elle est venue Tout étonnée d’entendre qu’elle était attendue. Pour dire oui à la vie, elle a poussé un cri. De Anne-Marie Avoir soixante ans et des souvenirs à la pelle, Avec des douleurs grinçant comme les vieilles portes rebelles Avec des ombres sous les yeux même quand le soleil ne brille pas Avec de l’indulgence qui coule comme de l’eau pure à chacun de nos pas. Avoir soixante ans et savourer chaque jour sans détourLe dos usé, les rides creusées, sillons de vie, amourLes formes plus souples, le rythme plus lentL’envie d’accepter ce qui vient comme un cadeau, délicatement. Je veux avoir soixante ans et me retourner en souriantSur les branches du passé même si elles tremblent dans le ventArracher les malheurs et planter la douceurAimer jusqu’à mourir celui qui réchauffe mon cœur. Avoir soixante ans et effacer les regrets du tableau blanc de la vieDans le soleil automnal croquer dans chaque journée, avec envieSavourer la tendresse, l’amour et l’amitiéMe perdre dans les labyrinthes d’espoir d’un quotidien apaisé. Avoir soixante ans et laisser mes pensées s’envoler, en sourire, M’envelopper dans la chaleur moelleuse de mes souvenirsSourire de ma chance d’être en vie, de humer chaque jour avec liesseEmue de voir fleurir dans l’été de la vie les nouvelles fleurs de jeunesse. De Catherine M Conte planqué Parfai est très inquiet. Il a perdu son tCe qui le rend bien imparfaitIl commence alors à douterVais-je pouvoir continuer à évoluerDans le Cercle très fermé des privilégiésCeux à qui tout réussitTout sourit Le monde du nec plus ultraTutti quanti et tout le tra la la Où donc est-il passé ce t ? Perdu dans une lointaine galaxieNoyé dans une mer en furieBlessé ou pris à partieFâché avec son voisin le iUne querelle de voisinageEnvie de tourner la pageDe partir en voyageEn attendantNotre parfai est bel et bien mis au banDe la Société des Mots ExemplairesCeux qui ont tout pour plaireEt rien à se reprocherTous ces mots bien orthographiésCes mots chicsQui snobent les dyslexiquesEt n’ont aucune pitié Mais où donc est passé ce t ? Peut-être tout simplement lasséD’appartenir à un motZéro défautUne envie de fantaisieTiens, de poésieAlors il s’est fait tout petitEt s’est planqué à jamaisAu fin fond de l’alphabet. De Sylvie Des nouvelles de Monsieur de La Pérouse ? Sitôt que l’homme eut posé le pied sur le pont, il se retrouva immédiatement dans la peau du marin… Tentant de maîtriser la peur atroce qui lui tordait les tripes, lui broyait le cœur, Fanch retint son souffle et la sueur coula en rigoles sur ses longs favoris. Son instinct lui ordonnait de fuir ou de combattre, mais aucune des deux injonctions n’était envisageable.L’humidité, la chaleur étouffante de ce réduit nauséabond, lui soulevaient le cœur et la température de son corps fourbu augmentait de minute en minute. Le branle-bas de l’aube au couchant était ordonné par le Commandant, malgré les tâches harassantes et l’épuisement des hommes. Depuis que la faim, la promiscuité, la maladie décimaient gabiers, timoniers et matelots, tous attendaient avec avidité l’avitaillement sur une des îles de l’archipel des Salomon.Fanch tenta de retenir les plantes rares, les flacons précieux, prélevés tout au long de l’expédition scientifique mais le terrible gîte de babord l’en empêcha. Au-dessus de sa tête, les hurlements, les ordres aboyés par l’officier-chef au timonier, le déluge glacé traversant les caillebotis, ajoutaient à l’épouvante de ces nuits de tempête…Craquant de toute part, menacé d’eau malgré les calfats oeuvrant sans relâche, le fier trois mâts de la Marine Royale, parti de Brest trois ans auparavant oscillait babord, tribord, voiles serrées depuis la levée du vent hurlant. Fanch, pétrifié de terreur, observa au travers des sabords, l’océan furieux crêté de poussière d’écume, qui courait en abîmes continus, violents et implacables. Au loin, la terre tant convoitée, incertaine, nimbée de brume bleue semblait pourtant à portée de canot. Fanch s’entendit claquer des dents. – Mon Dieu, on est perdus !- Le bateau ne tiendra jamais !-Barre à babord !-Evacuez le pont !- On a touché ! On a touché !L’ordre ultime arriva aux oreilles de l’aide canonnier :- Lâchez l’ancre, vite… Soudain, le ciel noir d’encre à donner des frissons devint violacé, s’assombrit encore.On entendit les clameurs de l’équipage en panique au milieu de la tempête qui s’installait, zébrant les cieux de traits de feu zigzagants. Un grondement assourdissant couvrit les mugissements de l’océan. Puis un terrible craquement se fit entendre et le mât de misaine céda tout à coup en proie au vent cyclonique. La proue venait d’être touchée. Le château arrière se fracassa. Le vaisseau chavira lentement et commença à s’enfoncer dans l’abîme.La dernière vision de Fanch fut celle d’un tunnel de lumière s’ouvrant devant ses yeux de très jeune homme retraçant sa vie passée : Brest, l’austère ville bien-aimée, son noviciat à la Compagnie des apprentis sous l’exigeante férule de Maistre Jean, la fierté de l’engagement sur La Boussole … Le vaisseau Royal, saigné par les récifs coralliens de la barrière de Vanikoro, s’ouvrit tel une coque de noix qu’on écrase entre les doigts.L’homme s’ébroua, reprit ses esprits, et se dirigea vers la clarté aveuglante…« Par ici Monsieur, le prochain spectacle commence dans dix minutes … » De Claudine Un hâvre de paix « Dis papa, pourquoi moi je n’ai pas une maison dans la campagne comme celle de marraine ? C’est-pas juste. En plus, vous aviez dit que lorsque nous aurions un chien, il faudrait qu’il coure dans les champs ? D’un geste brusque, elle empoigne notre jeune dalmatien pour le rendre témoin de notre manque de parole. C’est sûr, il sera son allié dans cette affaire. Nous lui expliquons que nous en reparlerons demain, quand elle se sera reposée et calmée. Elle y croit à moitié.Cette petite scène imprévue nous incite à reparler de ce projet que nous avons à cœur depuis quelques temps. Nous avons déjà effectué des visites dans les environs de Paris. Notre choix se porte sur un bien dit atypique qui a une âme, un vécu. Si possible à réinventer totalement. Entre la visite de la gare désaffectée, pas vraiment à vendre ; le moulin à eau avec trop d’eau ; le château d’eau amusant mais invivable, l’école désaffectée que le maire refuse de vendre, nous en avons fait des découvertes. Nous ne nous avouons pas vaincus. La région nous plaît, nous continuons les recherches. Nous nous posons le week-end suivant, dans la petite auberge du village. Et nous engageons la conversation avec la patronne prénommée Germaine. Très disserte, elle nous parle des autres biens à vendre dans le coin, de la grange en ruine, à la ferme de 400 mètres carrés entourée d’hectares de près, et même d’une forge, « en l’état » et d’un moulin à vent. Notre désir de réaliser un logis à notre façon, à nos gouts et nos attentes ne cesse de se renforcer. Un peu déçus par les visites effectuées, nous revenons à l’auberge. Quand tout à coup, Germaine a une illumination.« A un kilomètre du village, il y aurait bien quelque chose de particulier qui pourrait vous intéresser, mais qui a besoin d’un bon coup de rafraichissement pour l’habiter. Il faudrait aller voir monsieur le curé, nous dit-elle, il connait tout ici ».Nous voilà partis au presbytère. Il est là, dans sa soutane noire, affable. Trop heureux de parler, il se propose de nous montrer ce petit bijou comme il dit. Il enfourche, ni une ni deux, sa moto et nous demande de le suivre. Quelques centaines de mètres plus loin, nous apercevons une ruine. De belle taille, mais plus que partiellement démolie. Si c’est ça le bijou ! Monsieur le curé arrive vers nous et voit nos mines désappointées.« Ce que vous voyez, ce sont les murs de l’ancien couvent en ruine. Suivez-moi et vous verrez ». Il est alerte notre capelan, malgré sa soutane. D’après lui, le jeu en vaut la chandelle.Pour de l’atypique, c’est de l’atypique. Une merveilleuse petite chapelle posée dans un pré avec de beaux arbres, envahie par les ronces. Nous nous frayons un chemin et forts de la présence du prêtre, nous entrons à l’intérieur. Cet édifice répond parfaitement à nos attentes en offrant une belle surface au sol correspondant à nos souhaits, ainsi qu’une hauteur sous plafond raisonnable. L’intérieur est vide de tout rappel au culte. C’est le rêve qui s’offre à nous. L’espace de terrain autour laisse présager un beau jardin en devenir.Fermée depuis quelques années, elle a servi de lieu de stockage de livres. Ce qui prouve qu’elle est saine.”Ce lieu est totalement désaffectée depuis plusieurs années. Il ne sert plus au culte et est désacralisé, nous dit le père Mickaël ; l’évêché, qui en est propriétaire, ne souhaite ni restaurant ni débit de boissons à l’intérieur de cette chapelle. Les personnes prioritaires, aux yeux de l’évêque, seront celles qui veulent en faire un lieu d’habitation en respectant la réhabilitation conforme à une certaine idée de son affectation d’origine ». Il nous fait un petit rappel des marchands du Temple. Sourire ! Michel demande ce que veut dire « affectation d’origine ».« L’affectation d’origine ? c’est ne pas supprimer certains vitraux et de garder l’architecture extérieure intacte. Portail d’entrée en priorité. »« Ce n’est que cela ? « « Oui, et il sera possible de l’agrandir à l’arrière, en respectant les contraintes des matériaux et de l’architecture. La façade et les côtés de la bâtisse doivent garder son caractère originel ».Ce qui nous convient très bien, car c’est ce cachet vu en arrivant qui nous a séduit. Cette porte cernée de pierres, ces fenêtres en ogives pas très hautes, son campenart (vide) rappelant la fonction de la chapelle. Tout nous touche.Il est sympathique ce père, d’origine belge. Il connait les règles de l’architecture. Et pour cause, ce fut son premier métier avant que la foi ne vienne frapper à sa porte. Bienheureux hasard qui nous rendra de grands services, car même si Michel envisage d’être l’architecte et le maitre d’œuvre, un deuxième regard nous sera utile.En rentrant vers la capitale, ce n’est que projections de nos rêves. Nous n’avions pas envisagé un tel lieu, mais désormais il emplit nos têtes. Lorsque l’on débute un chantier de réhabilitation d’un tel site, il faut être conscient que l’on ne maitrise pas grand-chose ; pour ne pas dire rien du tout. Il faut en passer par les règles en vigueur pour la transformation d’un tel édifice, même minime. L’avantage, c’est que ce que nous considérons comme notre futur home, a déjà reçu l’autorisation d’affectation en habitation. Autre chance, elle n’est pas classée. Une galère de moins au tableau. Car on n’achète pas une chapelle comme on achète un pavillon de banlieue. On ne l’aménage pas non plus sans tenir compte de son passé, récent certes, mais qui a eu une vie spirituelle.La transaction avance, les projets fusent toujours et nos discussions sont désormais centrées en priorité sur ce lieu. Notre bureau est toujours encombré de croquis. Comme dit toujours mon mari paraphrasant Napoléon : « un bon croquis vaut mieux qu’un long discours ». Et heureusement, car des idées, il en a cinquante par heure dès que nous nous posons sur les planches.Le grand jour de la signature chez le notaire arrive. Quelle émotion ! Et quel chantier à venir ! Tout est à faire. Le lieu qui ne comporte qu’un seul grand espace, n’est pas habitable sinon par des matelas pneumatiques pour y passer les nuits avant de reprendre l’ouvrage. Germaine, qui nous a adoptés, nous accueille souvent à sa table. Désormais, les heures ne seront plus comptées. Entre la course aux achats de première nécessité, comme la cuisine, la salle de bains, les toilettes et les matériaux de construction intérieure, c’est le temps qui s’envole. Heureusement, l’originalité du projet nous a amenés des petites mains bien utiles pour avancer dans la mise aux normes d’un habitat que nous souhaitons confortable. La seule et unique pièce se transforme petit à petit, avec pour règle de respecter une certaine ambiance. Pas question de refaire le style culturel précédent, mais nous nous donnons pour obligation de garder la sobriété d’un bâtiment ayant eu un vécu particulier. Pour l’intérieur, mais aussi pour les quelques extensions, « dans les règles » que nous avons envisagées de construire. Ce n’est pas une mince affaire que de rajouter ces pièces supplémentaires et nécessaires. Ne pas dénaturer les lieux est notre leitmotiv ; véritable casse-tête chinois. Il faut être sur tous les fronts en même temps. Une vraie gageure. Les pierres et les dalles en bon état de la ruine viennent trouver une seconde vie à l’arrière de la chapelle. Des sept fenêtres illuminant l’édifice, nous obtenons l’autorisation de déposer les vitraux de quatre d’entre elles ; c’est une nécessité pour avoir la clarté et la lumière du jour. Et pour avoir un regard sur le jardin qui prend petit à petit une allure de petit parc soigné. Nous avons à charge de réintégrer les vitraux dans leurs dimensions initiales, dans ce qui sera les chambres et les pièces utilitaires. Une façon comme une autre de faire entrer un soleil très coloré. Et, ce qui n’est pas négligeable, d’admirer des œuvres de toute beauté. Nous nous demandons parfois si nous avons bien pris la mesure de la tâche à accomplir. Pas question de reculer, d’autant que nous sommes toujours sous le charme.Parallèlement, nous faisons le jardin qui va enclore notre cocon. C’est mon domaine. Et pendant que le chantier continue, je sillonne les pépinières pour trouver les plantations compatibles avec la réhabilitation de la friche monacale. Les nombreuses pierres encore disponibles vont servir à recréer un enclos protecteur autour de ce qui sera notre jardin de curé, bordé par les arbres séculaires libérés de l’emprise des lianes et des ronciers.Les visites sont fréquentes. Ces Parisiens qui triment dur pour remettre en état « leur » chapelle, c’est pain béni pour certains habitants. Ce qui nous permet de connaitre l’histoire de notre désormais chapelle à nous : des mariages et baptêmes aux fêtes votives, chacune et chacun a une anecdote amusante à raconter. Les autres cérémonies, se passant en l’église, ce qui n’était pas plus mal. J’aurais eu du mal à imaginer un cercueil à la place de ma table de salle à manger.Nous recevons toutes ces charmantes personnes, curieuses ou pas, dans le pigeonnier. Car il y a un pigeonnier, qui fera l’objet, plus tard, d’une rénovation. Pour l’instant, après un grand nettoyage effectué par des autochtones, il sert de salon d’été les jours où il ne pleut pas. Sa toiture a été un peu endommagée. Encore du travail en perspective.Trois ans plus tard après des travaux titanesques, entre la démolition de la ruine monacale, la réhabilitation ou construction de notre œuvre avec les pierres récupérées, nous avons enfin pu utiliser le beau jardin remanié de toutes pièces par nous, paré de ces arbres et arbustes aux couleurs tendres et douces, pour festoyer jusqu’à plus d’heure en compagnie de tous ces gens, qui pour certains n’avaient pas donné cher de l’aventure.Quelle ne fut pas notre surprise et notre joie émue, en découvrant le merveilleux cadeau offert par toutes ces personnes : une cloche ; celle qui laissait un grand vide dans le campenard. Nous avons été priés de rester en retrait, pour une fois, pendant que le Père Mickaël, toujours en soutane, et des habitants du village, avec le maire en tête, hissaient celle que nous avons baptisée « Anne ». Du nom de la chapelle au temps de son règne religieux.Cette chapelle a retrouvé une seconde jeunesse, et est aujourd’hui aménagée en maison familiale. Couleurs, mobilier sobre et moulures d’origine se rencontrent dans cet endroit unique. Baigné de lumière. Les quelques vitraux d’époque donnent un caractère divin au lieu. La chapelle « sainte Anne » a été patiemment transformée par Michel et moi-même, (dans une moindre mesure). Elle est devenue un cocon familial confortable et chaleureux.Un sacré chantier qui ne manque pas de surprendre : la transformation est spectaculaire. D’abord réticents, voire hostiles au projet pour certains, les habitants du village ont finalement applaudi à la métamorphose des lieux. Architecte, c’est un beau métier, ce n’est pas le nôtre. Mais, lorsque l’on est passionné c’est une belle aventure. Et de beaux moments à partager. Notre fille ne me démentira pas. De Louisiane TRAJET Paris octobre 1980 : Emma, trente ans, styliste photos, divorcée, deux enfants, part, seule.Destination New York. Joindre travail et visite, voire shopping si possible. Les journées passent, de l’hôtel au studio, du studio à l’hôtel, efficaces, précises, incisives, utiles, rentables. « Save your money ! » écrit partout, entendu partout. Emma se moque in petto, ils n’ont que ce mot à la bouche, ces Américains.Même pas le temps de penser, juste savoir que les enfants vont bien, alors les visites … ! J’y reviendrai avec eux, se dit-elle.A deux jours de la fin du tournage, des amis de passage invitent Emma à les rejoindre dans un club de jazz, puis dans un restaurant français huppé de l’East Side. Le terme de son contrat approche, le client est satisfait, le réalisateur aussi. L’idée de se séparer un soir de l’équipe ne lui déplait pas. Elle pourra enfin quitter son jean et son t-shirt et porter sa petite robe noire, habillée, prévue pour un « au-cas-où », qui serait restée au fond de sa valise s’il n’y avait eu cette invitation. Légère et féminine, elle s’en rend vraiment compte en traversant le hall de l’hôtel cosmopolite et bon marché sur Washington Square, près des studios. Les miroirs et les regards d’envie des hommes, comme ceux jaloux des femmes, le lui confirment.L’air est doux, humide pour cette fin d’automne. Le portier de l’hôtel lui confirme que c’est l’été indien. Veut-elle un taxi ? Non, merci. Elle décide de marcher un moment avant d’en trouver un. Sur Time Square, les klaxons incessants des voitures, mêlés aux cris des mouettes rieuses, des paroles qu’elle ne maîtrise pas toujours, lui donnent un sentiment de liberté fragile, ou plus exactement de ne faire partie de rien. Ses pieds serrés dans ses souliers pointus à petits talons, se rappellent à elle. Elle est heureuse de partir retrouver ses amis et de passer une soirée prometteuse.Emma hèle un taxi, donne l’adresse du club, le chauffeur connait. « Yep Ma’am ! You like music Ma’am ». Emma, souriant, fait un signe de la tête. Ce chauffeur a l’air plutôt cool. Un Jamaïcain d’une quarantaine d’années, coiffé afro, qui rythme des mains un reggae sur son volant gainé de fausse fourrure panthère, sa radio crachant parasites et musiques. La nuit n’est pas encore tombée, mais les lumières de la ville défilent et se superposent en couleur criardes ou fluos. Pourquoi pense-t-elle à des fils à scoubidous ? Elle sourit. Ne pas oublier de rapporter quelque chose aux enfants. En aura-t-elle le temps ? Elle le trouvera, ne serait-ce qu’à Kennedy Airport.Détendue, elle savoure déjà le plaisir de revoir ses amis, parler et manger français. En y pensant, elle se promet de ne pas trop boire de vin afin d’être efficace le lendemain matin aux studios. Il lui faudra encore une fois repousser les avances du chef électricien. A gauche, à droite, des voitures, des taxis, des bus, des gens pressés, tout un monde grouillant, bruyamment, dont elle se sent épargnée. Quelle différence avec Paris ! Mais New York est fabuleuse aussi ! Chaque pays a sa propre culture.A Broadway, au lieu de tourner à droite, le chauffeur continue tout droit. Tout en ne comprenant pas, elle entend le chchlac du verrouillage des portes et voit la vitre intérieure remonter. Elle connait la route ! Il y a erreur, le chauffeur n’a pas compris, elle frappe la vitre, elle lui demande ce qu’il fait, pourquoi ? Elle frappe toujours, mais pourquoi donc ne s’arrête-t-il pas ? Le chauffeur accélère et zigzague entre les autres voitures.Une panique glacée envahit Emma. Ses yeux se brouillent. Elle se met à transpirer dans sa jolie petite robe noire, regarde bêtement ses mignons escarpins à talons vernis. Dans son petit sac matelassé noir, rien que son passeport, des dollars pour la course et de quoi se repoudrer. Futilité. Folie. Fureur. Personne ne sait qu’elle est dans ce taxi ! Elle martèle de ses poings la vitre, mais lui, devant, tout puissant, fredonnant « Just for the fun. Just for the fun… just for the fun …» (1).Comme une litanie, sur son rythme reggae … Dans un sursaut quasi animal, d’une voix pâteuse, et un anglais devenu économique et mou, Emma s’entend lui dire que ses amis l’attendent … qu’ils vont s’inquiéter … que d’ailleurs ils connaissent l’immatriculation du taxi … la police aussi … qu’elle doit partir … elle a deux enfants qui l’attendent … là-bas à Paris …oui à Paris France … qu’ils ont besoin d’elle … qu’elle aime beaucoup les States … en particulier New York … et la musique reggae bien sûr … Bob Marley est aussi son idole …L’homme stoppe brutalement, Emma se heurte violemment contre la vitre intérieure qu’il baisse lentement, et se tournant vers elle, hilare, lui sort un massif et nauséabond « You’ve got a nerve mam ?? » (2) Emma comprend seulement qu’il y va de sa vie … « Please sir …let me go down … now ». (3)Elle vient de gagner un galon en assurance … les mains tremblantes, elle sort deux billets de 50 dollars de son sac qu’elle trouve trop petit et ridicule, difficile à ouvrir. Insiste d’un français ferme « Ici … maintenant … s’il vous plait » en lui tendant l’argent. Une éternité passe tandis que deux regards se jaugent …Deux regards, deux continents, dirait plus tard Emma. 1 – juste pour rigoler … juste pour rigoler …2 – T’as pas la trouille ?3 – S’il vous plaît monsieur …laissez-moi descendre … maintenant. De Françoise V LA LETTRE Whise-les-bains. Suisse. C’est tout au fond de la propriété des grands-parents, Colette et Jeannot, dans le jardin rocailleux recouvert des pervenches aux généreux feuillages que Noah, le petit fils, découvrit une petite boîte en fer aux côtés légèrement rouillés. Sous les effets du soleil, elle laissait quelques éclats de brillance s’échapper au milieu des plantes vivaces. C’est pour cela qu’il l’avait remarquée. La boîte l’intrigua. Il la tira d’un coup sec pour la sortir de l’espace réduit. Le couvercle lâcha, Noah se coupa. Du sang coula le long des grosses pierres de Chailluz. Noah récupéra la boîte ouverte et une enveloppe tomba, un autre papier resta collé au fond. Son sang coulait, il dût trouver un pansement pour ne pas salir les documents écrits à l’encre bleue.L’enveloppe était adressée à Colette, sa grand-mère. Elle datait du 1er septembre 2021, envoyée par un certain Gastoni. Le second papier, non daté, était écrit par Colette. Il ouvrit d’abord l’enveloppe et lut à haute voix pour se rassurer tant son coeur battait fort. L’émotion était là. Colette, mon amie, Je ne peux ni ne veux partager ma vie avec toi. Nous avons passé de bons et beaux moments ensemble. Tu as bien compris pourquoi ce n’est pas possible de vivre une autre vie. Restons amis, tout simplement. L’amitié va beaucoup plus loin que l’amour. Ma famille est tout ce que j’ai de plus cher au monde et je n’ai pas envie de l’abandonner. Tout ce que j’ai construit me rend heureux. Je n’ai pas non plus envie de trahir ceux que j’aime. Je préfère vivre sereinement sur un chemin en paix.Je t’embrasse. Gastoni. L’autre papier plié en quatre était coincé sous l’enveloppe bien calée au fond de la boîte. Il la tira et la déplia délicatement. Mon cher Gastoni, Tes mots sont durs à lire. Tu m’avais parlé d’un déménagement à Lausanne. Vais-je pouvoir survivre à cette déclaration ? Je ne sais pas encore. Mais saches bien que tu m’as rendue heureuse quelques mois seulement et j’ai cru que tout était possible avec toi. Je me suis trompée. J’avais tant envie de changer de vie, de fuir celui qui a toujours un contrôle sur moi et qui n’a plus de sentiments pour moi. Je garde des souvenirs inoubliables tout au fond de moi et une amitié indéfectible. Je t’embrasse. Colette Noah comprit que sa grand-mère n’avait pas envoyé sa lettre. Elle était là en attente d’un envoi sans doute. Mais pourquoi avait-elle caché la lettre reçue dans une boîte au fond du jardin ? En voulant la conserver, elle transmettait un échantillon de sa vie à la personne qui trouverait ce courrier reçu et l’autre non envoyé. Elle voulait qu’on sache qu’elle était malheureuse avec son mari et qu’elle entretenait une relation amoureuse avec un autre homme. Elle n’a pas eu le temps d’envoyer sa lettre car elle décéda le 5 décembre 2021 d’un accident vasculaire cérébral. De Hugues Inexorablement le temps qui passeNous amène vers le fond de l’impasseDes souvenirs remontent à la surfaceIls s’entrechoquent et nous brassentSauf tous ceux que le temps effaceNe regardons pas en arrière nos tracesMais encore et plutôt l’avenir en faceAttention aux raidillons et crevassesContinuons le chemin avec audaceN’imaginons pas toutes les menacesQui viendront de toute façon, hélas !Au pessimisme, faisons la grimaceLa vie n’est-elle pas trop fugace ?Installé sur le bord de la terrasseLà, je me laisse aller et je rêvasseMais je veux garder l’esprit vivaceEt si d’écrire, jamais je ne me lasseCe poème, pour vous je dédicace. De Christine E coute les arbres tomber. Sept heures trente. Il est déjà sept heures trente et Léo n’est pas arrivé ! La vieille pendule à balancier du salon égrène les minutes. Paul ronge son frein. Cela ne ressemble pas à Victor d’arriver en retard. Ce ne serait pas un drame un autre jour que celui-ci, mais pas aujourd’hui. Dix fois qu’il l’appelle sur son portable et qu’il entend sa messagerie. Alice ne dit rien, elle s’affaire dans la cuisine à laver les bols du petit-déjeuner. Au loin, elle entend un moteur de deux-roues.-Je crois qu’il arrive, s’écrie-t-elle soulagée. Pas trop tôt, il va m’entendre. Calme-toi, cela ne sert à rien de t’énerver comme ça, c’est pas bon pour ton cœur.Le phare du scooter balaie la cour de la maison et s’arrête sous l’auvent. Fébrile, Victor retire son casque et se précipite vers la porte d’entrée. Il arrive tout essoufflé, ses boucles blondes en bataille et ses yeux bleus un peu craintifs. En deux enjambées, Paul est déjà sur le perron et s’apprête à lui rappeler les bons usages dans son entreprise. Mais Victor le devance.-Bonjour Paul, désolé pour le retard, mais j’avais un pneu crevé ce matin. J’ai dû emprunter le scooter d’un copain.-Tu aurais pu me prévenir, je serais allé te chercher.-Je n’y ai pas pensé. Ce pneu crevé, ça m’a énervé, surtout, que c’est quelqu’un qui a planté un couteau dedans.-Un coup de couteau ? Mais quel est l’idiot qui s’amuse à ça ? Quelqu’un t’en veut ?-Pas que je sache.-Il faudra tirer cette affaire au clair. Peut-être en parler aux gendarmes, pour voir s’ils ont eu d’autres plaintes. En attendant, il faut qu’on y aille. On est juste au niveau du timing. Ils sautent dans la fourgonnette et Paul démarre sur les chapeaux de roue en faisant gicler le gravier. Aujourd’hui, il a prévu de participer à une vente aux enchères de bois dans la forêt domaniale du village voisin. Ils devraient être tout juste dans les temps. Après avoir traversé les prairies jaunies par le gel, la vieille Renault commence à gravir les lacets serrés pour accéder au petit village de moyenne montagne. Les forêts sont de plus en plus denses et le paysage accidenté. Paul est concentré sur sa route car les virages se succèdent. Il ralentit, le parking pour accéder au chemin forestier est juste à gauche. Ils y laissent leur carrosse et s’enfoncent dans la pénombre des sapins. Le jour commence à peine à se lever, le ciel vire du gris clair au bleu pâle.-Pas encore aujourd’hui qu’il va neiger, remarque Victor. On va pouvoir revendre les skis, si ça continue.-Tu as raison, moi qui atteins bientôt le demi-siècle dans cette région, je n’avais jamais vu quatre hivers de suite sans un flocon.Il se mit à évoquer les congères de plus d’un mètre dans les villages, les igloos construits dans la cour de l’école en décembre qui fondaient seulement début mars.Tout en palabrant, Paul repère les lots avec le GPS de son smartphone. Ils en font le tour : magnifiques chênes et hêtres, quelques conifères qui ne l’intéressent pas. Au total, ils en sélectionnent six qui pourront alimenter la scierie et la menuiserie.-Regarde un peu ces beautés, bien droits, pas de déchets, Si on pouvait acheter ces six-là, on serait tranquilles pour un bon moment, observe Paul.-Oui, ils sont magnifiques, c’est dommage de les couper.-Et qu’est-ce qu’on ferait de nos commandes, bougre d’âne ?Paul sourit, il reconnaît bien là son petit apprenti. Passionné de bois et de forêts, il sait bien pourquoi il l’a attendu ce matin. Il pense déjà à lui pour la relève. Il l’aime bien ce gamin, il lui rappelle tellement son fils Arnaud.Maintenant qu’ils ont repéré les lots intéressants, Paul peut faire une enchère sur le site. Ça se passe comme ça maintenant, plus d’enchères à la bougie dans la salle des fêtes. Heureusement que Victor est là pour lui expliquer comment faire, parce que les nouvelles technologies et lui, ça fait deux.-Voilà, j’ai pu valider juste dans les délais. Que le meilleur gagne ! s’exclame Paul.Allez, on rentre.Chemin faisant, ils profitent des premiers rayons de soleil qui filtrent entre les branches et font luire les perles de rosée comme des diamants. Le printemps sera bientôt là, les premiers perces neige commencent à fleurir.Soudain, à la lisière d’une clairière, un magnifique cerf de douze bois s’est immobilisé, aux abois. Il hume l’air pour repérer le danger. Les deux hommes s’accroupissent derrière une souche. Victor n’en perd pas une miette et mitraille avec son portable.-Arrête avec ce portable, savoure ce moment. Ecoute le coucou, sens les feuilles mortes qui dégagent cette bonne odeur d’humus, admire les jonquilles en bouton. La nature s’éveille, ça c’est la vraie vie.-Oui, c’est magique, dit Victor. Mais écoute aussi ces craquements de toutes parts, la forêt gémit. Regarde tous ces arbres déracinés, ces troncs enchevêtrés. Il y a du bois par terre pour chauffer tout le village pendant dix ans. Depuis chez moi, on entend tous les jours des arbres qui tombent.-Tu as raison, les arbres sont de bons baromètres. Ils souffrent du manque d’eau et des trop grosses chaleurs. Plus d’hiver pour qu’ils se reposent. Les essences que tu vois auront sûrement disparu de nos forêts dans vingt ou trente ans. Il va falloir s’adapter, anticiper. Le monde va mal, Victor. Il faut des petits gars comme toi qui relèvent le défi de l’aimer et de le protéger.-On va faire de notre mieux, il y a du boulot. Mais comme dit papy Pierrot, malgré la bêtise humaine, je reste optimiste, des gens finissent toujours par trouver des solutions. En attendant, si on rentrait manger la bonne tarte aux pommes d’Alice ? De Luc Nous volions à bord d’un avion militaire de Téhéran vers un aéroport au Pakistan mais, du fait d’un retard dû à une panne, la nuit venant et l’aéroport de destination ne pouvant nous accueillir, nous avons opté pour un atterrissage en Afghanistan. Branle-bas de combat, d’abord refus, puis après discussion avec l’ambassade de France, autorisation. Il s’agissait d’un terrain militaire encombré d’une multitude de vieux appareils soviétiques.Sitôt au sol, on nous prévient que dès le lever du jour, nous devrons repartir et trois options nous sont proposées pour passer la nuit : l’avion, un bâtiment ou une petite pelouse à quelque distance de l’aéronef. Trois groupes sont rapidement constitués. Nous sommes un petit nombre à opter pour la pelouse. Nous nous installons. A chacun des quatre coins de notre carré d’herbe, une sentinelle, équipée d’un superbe fusil surmonté d’une baïonnette, se positionne. La nuit arrive, le paysage qui nous entoure prend une beauté sauvage que je n’ai jamais vue ailleurs. Une succession de chaînes de montagnes dans un monde minéral s’allument au rythme de la pénombre qui se répand. Elles prennent une multitude de couleurs des plus vives aux plus sombres avec une prédominance des mauves. Je suis resté comme hypnotisé jusqu’à ce que la nuit soit totale. J’ai éprouvé pendant ce coucher de soleil dans ce monde figé une des plus fortes émotions de ma vie.Enfin, vient le moment de s’endormir. Sporadiquement, les sentinelles, pourtant proches les unes des autres, s’appelaient, ce qui ne favorisait pas le sommeil. A un moment de la nuit, il me vient un besoin naturel, heureusement pas le plus important. Je me lève avec précaution. Immédiatement un garde me met en joue. Je m’immobilise en attendant qu’il soit sur moi et essaie de lui expliquer par gestes mon problème. Il finit par comprendre et me fait signe de me diriger vers le bord de la pelouse et me demande de stopper au plus près. Il se positionne juste derrière moi, juste pour me mettre son fusil dans le dos. L’effet fut pour le moins inhibiteur, donc logiquement les choses ont commencé à prendre du temps. L’impatience le gagnant, mon charmant garde a commencé à élever la voix et comme ça ne suffisait pas à me débloquer, il m’a donné des petits coups de baïonnette dans les reins. J’ai protesté, il s’est un peu reculé, puis enfin j’ai pu regagner mon coin d’herbe et replonger dans les bras de Morphée. Le lendemain matin, je me suis réveillé au bruit des moteurs de notre avion qui démarrait. J’ai sauté dedans et rapidement nous sommes partis. Je me suis collé au hublot pour profiter une dernière fois de ce spectacle de montagnes sauvages, qui restera dans ma mémoire comme un rêve magnifique.Morale de cette histoire, une panne peut permettre de vivre un moment formidable. Nous étions restés à Téhéran à l’ombre, sous l’aile de notre avion qui nous protégeait d’un soleil agressif, le temps que les mécaniciens réparent l’un des moteurs défaillants. De Michel Zébra Au port Alain Gerbault, la cérémonie se prépare. Les premières torches sont allumées de chaque côté de la jetée. Ibrahim et Jacques, les « vénérables anciens » regardent avec bienveillance les jeunes venus se regrouper autour d’eux. La tradition ne doit pas se perdre, ils sont les gardiens de la mémoire des temps anciens. Ce 24 décembre 2098, ceux « d’avant », une fois encore, vont présider la cérémonie, qui cette année, s’annonce d’une importance exceptionnelle.Les deux survivants d’une époque révolue se tiennent côte à côte face à la mer, les mains posées sur l’ancien mur d’enceinte du jardin qui dominait la ville aujourd’hui disparue. Malgré la « grande tempête », le donjon de l’ancien château émerge encore devant leurs yeux. Cinq décennies auparavant, impuissants et médusés, ils avaient assisté à la catastrophe pourtant annoncée depuis longtemps. Comment oublier ce 1er janvier 2048 ? La fête battait son plein dans le jardin de la Perrine. Ibrahim et Jacques avaient rassemblé autour d’eux quelques dizaines de jeunes étudiants. Tous férus de musique et de poésie, ils avaient accepté de s’affronter en duel pacifique sous forme de slam sur le thème « La poésie ne sauvera pas le monde mais elle le rendra plus beau ».Le ciel comme ce soir était étoilé. La lune d’un jaune blafard s’était progressivement obscurcie pour se parer d’une étrange couleur orangée. Les arbres figés dans une immobilité statique furent d’abord pris de tremblements, puis soudainement se plièrent sous l’effet de vents violents. Le plus vieux cèdre tomba le premier, arraché du sol comme un vulgaire arbrisseau. Du fond de la nuit, un grondement terrible se fit entendre alors, toutes les lumières de la ville disparurent brusquement. Hébétés, tous tombèrent à genoux. La plupart des arbres à bout de résistance cédèrent devant la poussée irrésistible des bourrasques de plus en plus violentes, puis tout cessa progressivement.A la liesse de la fête succéda un long silence angoissant. Ibrahim se releva le premier, suivi de Jacques. Un à un, tous se redressèrent pour se rapprocher du mur d’où jaillissait un liquide froid au goût de sel. Interdits, ils virent une eau sombre s’agiter à quelques mètres en contrebas. Il fallut se rendre à l’évidence : la ville de Laval était entièrement engloutie. Au premier matin qui suivit, ne subsistait de la cité que ce bout de terre, point le plus élevé de la ville.La plupart des jeunes restaient prostrés devant le spectacle de désolation qui s’étendait devant eux. Tous gardaient l’espoir de voir apparaître des signes de vie à la surface de cette eau boueuse chargée de détritus. Au bout de quelques heures, le désespoir et les pleurs sonnaient le tocsin d’une vaine espérance. Personne dans la ville n’avait survécu au cataclysme.-Tu te souviens Ibrahim ?-Oui, je me souviens. Soyons fiers de notre communauté, demain devra être le point d’orgue de nos efforts.La fête à venir n’avait rien de commun avec celles que les anciens avaient connues. Les jeunes qui s’étaient rassemblés le jour de la « grande désolation » avaient une richesse inestimable, celle de leurs différences. Tous animés d’une passion artistique commune, ils étaient pourtant bien distincts par leurs origines ethniques ou sociales, leurs croyances ou leurs couleurs de peau. Les deux aînés surent les guider pour inventer une société nouvelle, faite de partage et de bienveillance. Ils conservèrent une seule fête du monde ancien : le jour de Noël.Cette nouvelle veillée débuta par l’anniversaire du jeune couple, Josepe et Myriam unis depuis le Noël dernier. Lui, grand gaillard brun à la peau claire et au regard sombre, elle magnifique femme aux yeux bleus et à la peau d’ébène. Ils offriront cette nuit de Noël 2098 à la communauté le premier enfant de la quatrième génération, les premières douleurs de la future mère venaient de commencer.Puis, comme tous les ans, Ibrahim et Jacques invitèrent les jeunes de vingt ans à venir slamer sur le thème « la poésie nous a sauvé » Seuls ou à plusieurs, ils déclamèrent leurs textes autour des feux allumés pour cette occasion. Tous n’avaient pas le même talent, mais tendaient vers le même but : l’écoute et le respect de l’autre. Les deux vieux sages les encourageaient dans leurs envolées poétiques.Ils savaient qu’ils avaient atteint leur but mais aussi que leur long chemin s’achèverait bientôt. Qui pourrait leur succéder pour continuer la voie qu’ils avaient si bien tracée ?Leur interrogation fut interrompue par Jabril, qui arriva précipitamment en criant :-Il est né, venez ! Les trois hommes se dirigèrent vers la yourte où s’était installé le jeune couple. Josepe les attendait, son bébé dans les bras et s’exclama :-C’est un garçon ! Le père confia son fils à Ibrahim qui le souleva au-dessus de sa tête et dit :-Tu avais raison Jabril, il est enfin parmi nous celui que tu annonçais. Jabril fut le premier né de la première génération. Très tôt, il eut des visions. Il prédisait la naissance d’un enfant qui aurait toutes les caractéristiques de la communauté et rassemblerait les diverses colonies ayant survécu.L’enfant avait la peau blanche, mais une fine bande noire d’un demi-centimètre de large traversait son visage du haut de l’oreille gauche à la base du cou, en passant par le bout du nez. Tout son corps était strié de bandes identiques, séparées d’une dizaine de centimètres.Se tournant vers Jabril, Jacques dit :-Quand nous ne serons plus là, Ibrahim et moi, tu aideras les parents pour son enseignement.-Je ferai tout pour être à la hauteur de cette tâche, répondit Jabril-L’enfant est bien celui qu’on attendait, c’est lui qui dirigera le monde nouveau, ajouta Ibrahim-On l’appellera Zébra, suggéra MyriamA cet instant, trois étrangers arrivèrent les bras chargés de cadeaux. Ils s’avancèrent vers l’enfant, l’un d’eux s’adressa à Ibrahim :-Nous sommes venus jusqu’ici portés par le courant pour célébrer le nouveau-né. De Catherine G La dame pipi Elle s’appelait Berthe et était « Dame pipi » dans les précieuses toilettes du Parc de Vittel, ville d’eau très prisée à cette époque, où elle tenait la vedette et où personne ne se serait avisé de sa commission dans sa petite soucoupe.Elle s’appelait Berthe, mais pour ma mère et sa famille, c’était la « Tante Berthe », que toute petite, je n’avais pas manqué de rebaptiser « Tante Verte ».Elle s’appelait Berthe, veuve Thiriot, et régnait en maître sur les toilettes rutilantes, visitées régulièrement par ces messieurs-dames de « La Haute ».C’était un vrai phénomène que cette femme. Toute de noir vêtue, jusqu’au chapeau enrubanné d’un long voile noir, comme il seyait à son statut de veuve, elle se mettait souvent en scène pour avoir gain de cause ou gain tout court.Si, au détour d’une rue, elle s’apprêtait à croiser un couple de ses clients, argentés de réputation, elle s’employait à attirer leur pitié, faisant semblant de ne pas les avoir remarqués, et se baissant dans la rue pour ramasser une malheureuse feuille de poireau, malencontreusement échappée d’un panier.« Oh ! Ma pauvre Madame Thiriot, non, ne faites pas ça ! Nous allons vous faire porter un gros panier de légumes cet après-midi ! » Et voilà, le tour était joué et ses repas de la semaine bien assurés.Elle portait culotte fendue, et, toute dame pipi qu’elle était, n’avait point besoin d’user de son outil de travail. Une envie pressante dans la rue ? Il lui suffisait d’écarter les jambes cachées sous ses longs cotillons noirs, bien debout au-dessus du caniveau et de laisser faire la nature, sans gêne aucune, n’ayant cure de quiconque se trouvait à passer là.Quand elle venait chez ma grand-mère, sa belle-sœur, elle apportait toujours, dans sa grande bonté, un petit cadeau pour ma mère, sa nièce toute jeune enfant, en parfaite dame soucieuse des convenances et du bien d’autrui. Elle passait là la journée, et, en rangeant ses affaires pour repartir, s’arrangeait toujours pour remettre ledit cadeau au fond de son panier. Mais ma grand-mère avait depuis belle lurette compris ses stratagèmes et ne manquait jamais de la reprendre : « Dis donc, Berthe, ce n’était pas pour Marie-Thérèse, ce cadeau ? ». Et immanquablement, la roublarde répondait : « Oh, j’ai pas fait attention ! Tiens, ma petite, prends ton cadeau ! »Une figure que cette femme que j’aurai aimé connaître : futée, joviale, comédienne à souhait, roublarde… Je la verrais bien sortie d’un roman de Zola ou de Maupassant… Une Madame Sans-Gêne, forte et fragile à la fois, aussi attendrissante qu’agaçante, aussi volubile et extravagante que triste et déprimée… Un personnage haut en couleurs qui n’aurait pas laissé Feydeau de marbre s’il avait pris les eaux à Vittel à cette époque. De Francis Fabuleux destin Le téléphone s’affole chez le cardiologue. Dring ! Dring ! Driiiiiing !« – Allô ! je vous écoute- Venez vite docteur, mon mari est en train de faire un infarctus- C’est que je suis occupé, madame.- Venez vite docteur, il va mourir.-Où habitez-vous ?-Au cœur de la forêt de Tronçais.-La forêt de Tronçais ? Mais où ?-Au cœur de la forêt, à droite après le rond-point de l’allée royale. Rendu sur place, le praticien cherche âme qui vive. Il ne voit que de superbes bouquets d’arbres d’âge respectable. Encore un plaisantin qui m’a fait déplacer inutilement, mais en observant mieux, il aperçoit deux chênes qui se courbent au point de se toucher. L’un d’eux semble soutenir l’autre. A les voir, on a la certitude que ces deux-là vivent côte à côte depuis de très nombreuses années et ont fini par beaucoup s’aimer, deux vieux amants en quelque sorte. En les voyant, ils inspirent immédiatement le respect. Le praticien a un présentement, il s’approche et entend une petite voix lui susurrer, « c’est moi docteur qui viens de vous appeler. Non, vous ne rêvez pas, n’ayez pas peur, à force de les côtoyer, j’ai appris le langage des humains. Le médecin est stupéfait, il est ému. Il se ressaisit bien vite et s’approche du chêne qui l’interpelle.« Voyez docteur, comme mon mari est triste, son écorce est grise, ses feuilles sont pâles, sa ramure tombe lamentablement. S’il vous plaît, occupez-vous de lui, sinon il va mourir. Il n’a que 300 ans et il a encore quelques belles années à vivre. Nous avons passé toute notre vie ensemble, pris soin l’un de l’autre lorsqu’il a fallu se défendre des maladies, des prédateurs, des vandales. Nous avons tout affronté ensemble, les tempêtes, les guerres. Nous avons eu peur chaque fois que l’on venait mesurer notre tronc, que l’on nous observait avec beaucoup d’attention. Nos racines se rapprochent un peu plus chaque année, s’enlacent, se caressent. Nous pompons la même eau, les mêmes nutriments, nos sèves se mélangent, nous avons produit des milliers et des millers de glands qui ont fait le bonheur de la forêt et de ses habitants. Nous avons rendu heureux les oiseaux, les écureuils, les insectes, tous ceux qui avaient besoin d’un abri et de repos. Il est impensable docteur après tant d’années passées ensemble, il est impossible de se séparer, nous avons encore beaucoup à partager, notre amour ne peut pas mourir. »Le médecin est surpris. Il pense aux contes de son enfance où on lui parlait des forêts peuplées d’êtres mystiques. Il reste songeur. Il a vu tant de choses, entendu tant de plaintes, vécu tant de scènes pénibles dans sa carrière. Jamais il n’aurait pu imaginer se trouver dans une telle situation. Il reprend ses esprits. Il sort son stéthoscope, l’applique sur l’écorce et entend un râle, un léger battement, un souffle de vie.Que faire ? Une saignée, certainement pas, un massage cardiaque mais où et avec quoi ?Il est désemparé, triste, malheureux, démuni. Il s’enfonce dans ses pensées et déclare :« Je suis désolé madame, le cas de votre compagnon dépasse mes compétences, je suis pris au dépourvu et je vais prendre conseil auprès d’un collègue plus compétent que moi qui a déjà accompli des soins extraordinaires. Il a réalisé la première greffe cardiaque en France. Ce professeur, qui a toujours le sourire aux lèvres, est un homme de grand cœur, je suis sûr qu’il va répondre favorablement. »Cet éminent spécialiste se rend au chevet du chêne centenaire. Il s’approche de lui avec beaucoup de respect malgré son immense notoriété, sa grande taille, il paraît bien petit à côté de ce colosse de la forêt. Il pose son oreille contre le tronc, la sève circule bien faiblement. Au passage, il remarque tous les témoignages d’amour qui ont été gravés dans l’écorce. Ce couple de chêne mérite que je m’occupe de lui et je dois faire le maximum. Il recule lentement et déclare : « Madame, votre mari est gravement malade. Une transfusion de sève pourrait l’aider, mais la saison ne s’y prête pas, nous sommes en automne. Je vais vous faire une recommandation auprès de l’Office National des Forêts pour qu’ils prennent soin de lui. Ils délégueront une équipe de spécialistes. Eux seuls établiront un diagnostic fiable. S’ils le jugent nécessaire, ils feront intervenir une équipe qui va bien s’occuper de votre compagnon. Nous allons rester positifs et espérer qu’il se rétablisse d’ici le printemps ».Malgré les soins prodigués, notre vénérable chêne, roi de la forêt de Tronçais, est parti.Avec beaucoup de respect, son tronc a été traité et honoré comme il se doit. Il a eu l ‘honneur d’être choisi pour la nouvelle flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Fabuleux destin pour celui qui au départ était destiné à devenir un fût pour grand cru.Requiem pour un chêne. De Jasmine Le tintement de la cloche d’entrée de la porte de la librairie se fait entendre. Un léger courant d’air laisse pénétrer une senteur de rose et de bergamote. Les effluves de parfum parviennent jusqu’aux narines d’une jeune auteure cachée derrière une pile de livres. Elle lève distraitement les yeux… son regard accroche celui d’une jeune femme blonde habillée d’un ensemble gris clair qu’égayait une écharpe de soie bleue, la main glissée dans celle d’une petite fille de quatre ans. Elle a comme un instant de surprise, troublée par le sourire de l’inconnue. Marie se retourne vers sa secrétaire en lui présentant Anne et lui demande une pause dans la signature de son ouvrage, tout en tendant le dernier à un vieux monsieur à la moustache délicate qui a le bon goût de la remercier d’un signe de la tête en ôtant son chapeau. Marie se dirige vers la jeune femme blonde et l’embrasse avec fougue. Elles se reculent et s’observent attentivement tout en éclatant de rire ensemble. Le passé vient de ressurgir en un instant. -Anne, il y a si longtemps et pourtant j’ai l’impression que c’était hier. -C’était il y a cinq ans. Et, présentant la petite fille, voici Isoline ma fille. -Ta fille ? comme elle te ressemble. Les yeux aussi graves que les tiens la première fois où nous nous sommes rencontrées. -Notre rencontre m’a beaucoup aidée, vois-tu, c’est Hadrien, il m’a ouvert les yeux. J’ai toujours envié votre complicité. Comment va-t-il ? -Tu n’as pas oublié Hadrien ! Il a grandi comme tu vas le voir, Hadrien, peux-tu venir un instant s’il te plaît ? Un jeune homme d’une quinzaine d’années arrive et interroge sa mère du même regard sombre que le sien. -Te rappelles-tu d’Anne mon chéri ? -Oui bien entendu, et s’inclinant légèrement sur la main d’Anne, comment allez-vous ? -Très bien, merci. Comme te voilà devenu grand, et tes études où en sont-elles ? Tu disais vouloir étudier la musique et la littérature. – Je suis en terminale littéraire à Saint Joseph. Ma préférence se porte sur les écrits du Moyen-âge. Quant à la musique, j’étudie le piano et la guitare. Il se baisse au niveau de la petite fille et lui sourit. -Puis-je m’occuper d’Isoline pendant que vous bavardez toutes les deux ?Sa mère acquiesce d’un sourire. -Comme il a grandi, tu dois en être fière. -Je le suis, crois-moi, avec Jason c’est toute ma joie. -Pardonne-moi, comment va ton mari ? -Tu connais sa passion pour la cuisine, et bien figure-toi qu’il s’est mis dans la tête de créer des plats où se conjuguent son amour du goût et de la couleur. Il partage ses créations autour de notre table d’hôtes. -Félicitations ! Et tu as su garder ta ligne malgré tout ! -Et ton travail ? Toujours la norme Iso ?-Non, à la mort d’Edgar, j’ai démissionné. Je m’occupe d’une association de femmes battues. Cela a permis à beaucoup d’entre elles de retrouver une certaine dignité, un travail et un logement. Je suis enfin moi-même dans cette fonction. Tandis que la petite fille se laisse guider par ce grand garçon qui l’impressionne un peu, Marie et Anne font une pause, puis reprennent le cours de leur conversation, tout en se posant mille questions, comme pour faire rejaillir les heures trop brèves du passé. C’était une vieille histoire à l’époque où Marie était encore inconnue dans le monde littéraire, où Anne partageait sa vie entre son travail et un mari violent. Avant de revivre cette histoire sur le ton de la confidence, elles l’ont laissée défiler très lentement dans leur mémoire. Le soir vient de tomber sur Terrasse/A, petit village du centre de la France. Anne entre dans la coopérative par la grande grille toujours ouverte, bien que l’heure soit déjà tardive. Elle passe par les bureaux encore ouverts, mais vides de présence humaine, semble-t-il. Cependant, une conversation se fait entendre, elle suit le murmure de la voix. Celle-ci provient du dernier bureau où un homme est assis, le téléphone accroché à son oreille. La saluant d’un sourire, il la fait asseoir d’un geste de la main, tout en terminant sa conversation. -Bonsoir et pardonnez-moi cet accueil si peu conventionnel, je suis Jason PHILIPPE, et vous êtes… -Anne DEREMI, votre spécialiste en norme ISO. Je remplace Corinne qui est en congé parental. -Il se fait tard, avez-vous dîner ? Nous commencerons demain. -Non, mais je ne voudrais pas vous déranger, vous et votre famille. -Ne vous faites pas de soucis, vous serez la bienvenue à la maison. Ils se dirigent vers la maison située juste derrière la coopérative, cachée par un rideau d’arbres d’ornements aux couleurs automnales. Dès l’entrée, les épices se font sentir comme une invitation à dîner. Jason embrasse chaleureusement une jeune femme occupée dans la cuisine. -Voici Anne, elle est notre nouveau contact à la norme Iso, je l’ai invitée à dîner. Voici Marie, mon rayon de soleil. -Merci de ce compliment, tu as bien fait mon chéri, soyez la bienvenue Anne, mettez-vous à l’aise. Je vous rejoins au salon. Marie ajoute un couvert et retrouve son invitée et son mari dans le salon où ladélicate «Petite musique de nuit » de Mozart les enveloppe d’une douce torpeur. Anne éprouve un moment de gêne, mais Jason et Marie savent la mettre à l’aise. C’est un couple cultivé et la jeune femme est captivée par leur conversation. Ils devisent gaiement sur bien des sujets. Il est très agréable de parler avec Anne et Marie, toutes deux passionnées de musique, peinture et littérature. Jason est heureux de voir une amitié se nouer entre les deux jeunes femmes, d’autant que Marie a si peu d’amies. Le dîner se passe très agréablement, entre les convives une cordiale sympathie s’est nouée. De Ghislaine Dimanche tapant ! Grand père Gaby a toujours eu le don de piquer la curiosité des gens de passage ! Ceux qui, le plus souvent le dimanche, osaient pousser la porte du café afin de se rafraîchir ou faire une mini pause, avant de se lancer à l’assaut des Monts d’Arbois. Chaque dimanche, hiver, printemps, été, automne, selon la météo, c’était un rituel bien rôdé : un bon repas arrosé du petit vin de sa vigne, une petite sieste et grand père enfilait costume, chemise blanche, bretelles et cravate, puis partait sur sa pétrolette pétaradante afin de rejoindre ses copains Henri, Bébert, Louis, Fredo, et Gégé. C’est que l’heure était grave ! En fonction des résultats du dimanche précédent, il devait prendre sa revanche ou confirmer sa domination aux boules (on ne disait pas encore pétanque !). Devant son auditoire, soit il ronchonnait, remettant en cause la victoire de l’équipe adverse, déroulant à nouveau chaque point gagné, soit il paradait devant un auditoire qui ne savait pas trop comment se comporter avec ce grand père qui malgré les ans, se tenait bien droit et fier et envahissait l’espace de sa carrure encombrante ! Les cinq compères étaient tous de mèche et jouaient d’expressions imagées, le verbe haut, n’hésitant pas interpeller avec malice les quidams présents pour mieux les impressionner « ces gens de la ville » et il va sans dire qu’ils réussissaient à chaque fois ! Un petit coup pour se mettre en jambes, le premier nuage de gnôle sortie de derrière les fagots, ils enlevaient leur veste, remontaient les manches de chemise, bretelles bienveillantes de chaque côté de la bedaine, prenaient les boules dans la boîte en bois, celle-ci toujours rangée au même endroit sous le comptoir, et la cérémonie pouvait commencer derrière le café : vérifier l’état du terrain, passer le râteau qui avait déjà bien vécu, scruter le positionnement des planches qui arrêtaient les boules à chaque bout du terrain, (Gégé un ancien de la marine, une casquette avec l’ancre dorée toujours vissée sur son crâne, disait rivage « nord – sud » ou « est – ouest », selon l’heure et le nombre de doses de gnôle préalablement avalées ! encore à ce jour, j’ignore s’il a vraiment mis les pieds sur un bateau quelconque, mais personne n’aurait contester ses références !! ). Il fallait ensuite tirer au sort les équipes, ce qui déjà donnait lieu à quelques vifs échanges remettant en cause les performances de celui-ci ou de celui-là dans telle partie, tel jour, avec tel partenaire, tel score, etc. Tout juste si on n’avait pas l’heure de ce moment mémorable ! …… Allez un autre petit coup et les chevaliers partaient en croisade ! Chaque partie était un spectacle son et lumière complet ! Jambes et genoux bien campés sur la ligne, dans une posture que l’on aurait pu croire travaillée quotidiennement devant un miroir,et à leurs yeux indéniablement efficace, le premier lancer ne déclenchait pas encore le flot de mots colorés, d’épithètes pittoresques, de réparties plus ou moins humoristiques, d’échanges verbaux qui n’auraient rien de romantique, ou d’élégant. Tout cela ne manquait pas d’allure et les spectateurs, amusés par ce spectacle gratuit, digne d’un roman de Pagnol, en oubliaient souvent de partir ! Il suffisait pourtant de peu de temps avant que les esprits ne s’échauffent, avant qu’une boule litigieuse ou un pas de trop dans l’élan, ne déclenche une rivière d’arguments contraires et imagés autour du cochonnet. Un mètre, totalement artisanal mais reconnu par tous, tentait de les mettre d’accord ! Quiconque passait par là par hasard, aurait pu penser au déclenchement d’un conflit local, d’une tragédie, devant la mine défaite de certains, la moue narquoise d’autres et l’œil rigolard de l’équipe qui avait marqué le point ! C’était un règlement de compte noyé dans la mauvaise foi, le délire verbal, la gestuelle passionnée, les bretelles frémissantes, la raillerie et les boutades qui s’inscrivaient sur les visages en fonction du score des équipes ! Les spectateurs, n’avaient pas intérêt à se mêler à cette joute verbale, et la discrétion était de mise, car de toute manière les compères n’auraient pas accepté l’avis « d’étrangers » ! Paulette, mue par une intuition de tenancière bien rôdée vis-à-vis de ses vieux de la vieille, arrivait sur ces entrefaites, et six petits verres de goutte circulaient pour apaiser les esprits, il fallait bien que la buvette tourne ! Le calme exigé pour cette dégustation opportune, détournait l’attention des protagonistes et un semblant d’ordre reprenait ses droits. En revanche, comme chaque partie était écrite selon le même scénario, chaque dimanche après – midi, une bouteille de goutte venant s’ajouter à la précédente, à la nuit tombée, grand-mère me disait « allez, va le chercher ». Grand père Gaby, tout comme ses copains, n’était guère en état de rentrer sur sa pétrolette, laissée au chaud chez Paulette jusqu’au lendemain ! Alors, bras dessus, bras dessous, nous rentrions tous les deux, tentant de rester tant bien que mal sur la route goudronnée ! Grand père repassait encore en boucle l’acte I, II, III, IV des parties qui l’avaient vu perdre ou gagner, les coups terribles, le Gégé « qu’à plus l’âge », Bébert « qu’en met pas une », Louis « qu’a appris à jouer dans les livres », Fredo « qui joue intello », Henri « le fada du midi » ! Chaque dimanche, quand j’étais en vacances, c’était le même refrain, et les habitants du village n’en perdaient pas une et en rajoutaient, jouant sur l’ironie du ton « alors, Gaby, t’as perdu ta pétrolette, la soupe va encore être froide, dimanche prochain la petite elle sera repartie, comment tu vas rentrer ? il te faudra trouver une autre béquille ! ». Oui, c’est sûr la soupe était froide, grand-mère ne l’aurait réchauffée pour rien au monde et grand père faisait profil bas. Enfin… presque… car la malice au fond des yeux, et le cœur dans les étoiles, il se disait que dimanche prochain, il y aurait encore les parties de boules, les copains, la gnôle, enfin du bon temps comme il aimait ! Et puis, il y aurait encore Paulette pour qui Grand Père avait un petit penchant, mais çà même avec une surdose de gnôle, il ne me l’a jamais avoué franchement ! Mais le lendemain, Grand Père repartait chercher sa pétrolette laissée chez Paulette comme par hasard, mais là je ne l’ai jamais accompagné ! De Claude B EST-CE INCOMPATIBLE ? Comment ? Pas de sujet cette fois-ci ? C’est exceptionnel ! La liberté, ça se fête ! Je racle consciencieusement mes fonds de tiroir, vérifie fébrilement mes carnets, mes dossiers d’ordinateur, je vais même jusqu’à parcourir des textes que j’avais cachés sous mon matelas, mais rien, ou presque, sinon des écrits sur la politique, le racisme et… la religion. A force de tourner en rond, et d’essayer de trouver la quadrature du cercle, je me dis que le compas (oui, le compas !) me fournirait un excellent sujet d’écriture. Un virage à 360 degrés… ou de force !Parce que, sur le compas, j’en connais un rayon ! C’est d’abord un instrument qui me réchauffe le cœur ! Mais vous avez peut-être un avis diamétralement opposé. J’ai donc tenté (si tant est qu’on puisse transformer un cercle vicieux en cercle vertueux) de faire le tour de la question.Je me souviens qu’à l’école, il fallait toujours avoir son compas et son équerre dans sa trousse. Saint Exupéry le disait déjà : « La règle, l’équerre, le compas, on en usera pour bâtir le monde, ou pour triompher des ennemis ». Mais, comme d’habitude, il y en a toujours qu’ont pas leurs affaires ! Cependant, je ne voudrais pas ici jouer les rapporteurs ! Il est vrai qu’on nous demandait souvent de mesurer les angles. Tous les angles : les droits ; les aigus, les beaux angles, les angles laids, et même les angles laids obtus ! Pourquoi devrait-on laisser les angles aux saxons ? C’est ainsi que j’ai pu remarquer par ailleurs, mais c’est personnel, que, d’une certaine façon, le compas (cité plus haut), permet d’arrondir les angles ! Il vous donne la sensation d’être sage, ce qu’on qualifie ordinairement de compas-raison. Et puis, c’est un instrument polyvalent : mettez-le sur la partie la plus charnue (et bien ronde) de votre individu, ce sera un compas-râble. Notez aussi, qu’en musique, il vous permet de faire le do rond. Alors que dans les filatures, c’est un compas-tissant (je sais, c’est cousu de fil blanc !).En revanche, rien de plus dangereux que de prendre un compas en pleine figure : c’est un compas-gnon, (un rond poing, en quelque sorte !). Le pire étant d’avoir le compas dans l’œil car vous risquez de sacrés problèmes d’yeux, et donc de foi, (mais, en fait, une seule fois), un sujet sur lequel tous les hommes polis tiquent. (Seigneur ! vais-je être censuré ?). Il y a là de quoi être déboussolé et de se retrouver à l’ouest en perdant le nord.On peut comprendre alors que cela ne tourne plus rond, et là, je compatis.Non, le compas n’est pas un empêcheur de tourner en rond ! Au contraire, Il favorise la connaissance et l’esprit d’ouverture, car celui qui utilise un compas, sait. Quel plaisir d’être à la pointe et surtout, d’être branché !Et tout cela, pour pas un rond !Peut-être me trouvez-vous ennuyeux, mais con, pas, j’espère ! De Maryline D Gwenaëlle Ombre furtive aperçue une nuit de décembreEn songe évidemmentUn peu chiffonnée et pourtant pleine de puretéDes oiseaux volent dans ses cheveux ébouriffés par le ventGwenaëlle vit dans la forêt Visage de fée rencontré dans mon enfanceVisage oublié depuis longtempsEt pourtant si présent Gwenaëlle vit dans la forêt d’EmeraudeEntourée d’animaux fabuleux, de Gnômes et d’ElfesMi fée, mi femmeLibre comme l’air et le ventElle, tout simplement Elle a vécu un temps parmi les HommesMais déçue par leurs comportementsElle est revenue au Pays des FéesParadis que jamais, elle n’aurait dû quitter. Février 1999 ————————————- Liberté Un tzigane hors du tempsSe promenait cheveux au ventLe long de l’étang Un passant endimanchéL’apostropha et lui dit tout bas : »« Mon bon ami,Quelle tenue négligée, vous avez là ! » Messire, je ne suis pas comme vous,Je ne suis qu’un pauvre tziganeSans l’sousJe n’ai pour toute richesseQue ma liberté,Mais celle-ci m’est plus précieuseQue tous vos deniers ! 1er octobre 2004 ————- Enfin un espoirDans ce gris, ce noirEnfin un espoirDe te revoir Lune de joiePetite plumeTelle une bulleTu déambules Tu te fanesEt puis, tu renaisToujours, tu te remets En avant, en arrière,La charrue avant les bœufsParfois, tu mets,Mais, toujoursAvec ton cœur,Tu le fais. 16 décembre 2004 ——Petite fille perdueAu milieu des boisParmi ces brutesEpaisses et sanguinaires Petite filleAux aboisTu te souviensDe naguère Tu pleures toutes les larmesDe ton corpsTu pleures tellementSur ton sort Pleine de désespoirTu te trouves dans le noirDans le brouillard Les ténèbres ont envahi ta têteTu te sens très bêtePas animalNi femme fataleSeulement mal, très mal Mais tu sais que,Comme toujours,Tu te retrouveras un jour 17 octobre 2008 ————— Elle danse l’amour Elle danse la vie La joie de vivreRayonne au bout de ses pas Sur la glace,Pleine de feuElle revit 20 avril 2009 |
De Dominique Les Anges de la nuit. Je suis dans une chambre verte. Drôle de couleur pour moi qui n’apprécie pas vraiment le vert. À part celui des bois, des arbres, des feuilles et des odeurs qui l’accompagne. Les effluves des pins, des bonbons menthe, ça c’est du beau vert ! Mais le vert des murs de cette chambre m’inquiète. Il sent la douleur, le cafard et les pleurs.Entre rêve, cauchemar et réalité, les paupières mi-closes, je perçois des ombres blanches. Elles passent, j’entends leurs pas se rapprocher puis s’éloigner dans le bruit et l’agitation. Je ne suis pas chez moi ici, ça ne peut pas être chez moi, les murs de ma chambre sont bleus. De ce bleu calme et reposant qui m’apaise. Ici, tout semble être sévère, hormis ces ombres blanches que je devine plus que je ne vois. Elles ressemblent aux anges !J’ai froid, je tremble… Tous les poils de mon corps se dressent comme des pieux de moules de bouchot à marée basse ! Suis-je au paradis ? C’est au paradis que se trouvent les anges. Au moins, je suis sûr d’une chose, je ne suis pas en enfer, en enfer je n’aurais pas froid !Dans ma torpeur, je dialogue avec mon inconscient. Quel bavard celui-là, tout le contraire de moi qui n’ai jamais rien à dire.Les murs craquent et résonnent, seraient-ils vivants ? Je flotte dans l’espace, des voix, celles des anges sans doute, s’interpellent. L’une d’entre elle s’interroge sur les études d’Agathe, sa fille ? Une autre, du temps qu’il fera demain ? Elles ne me voient pas, les anges sont trop occupés à surveiller leur petit monde, en banalisant leurs conversations pour ne pas subir le choc de la souffrance humaine qui, bien souvent, repose sur leurs épaules d’ange.Quelques paroles rassurantes sont prononcées, me sont-elles adressées ?— Détendez-vous Monsieur, vous irez mieux après.Des sensations diffuses me parcourent la jambe, ça pique un peu, la léthargie m’enveloppe à nouveau.Le plafond blanc tourne au-dessus de moi. Il devient vert pale ou sont-ce les murs de la chambre qui deviennent blancs ? Dans cette confusion des perceptions du corps et de mon esprit à la dérive, je ne sais plus trop bien où j’en suis, ni où je suis.Sur ma gauche, la petite armoire ondule devant mes yeux, quand va-t-elle s’arrêter de danser comme ça ? Elle me donne la nausée… Sur ma droite, la fenêtre se dilue entre ombre et lumière ! Mais que m’arrive-t-il ? Aurai-je trop fêté un anniversaire ? C’est ça, j’ai trop bu ! Je suis rassuré, au moins j’ai une explication rationnelle à mon désordre mental.Le temps passe de façon anarchique, on a dérangé mes horloges physiques et biologiques. Soit il se traîne lamentablement, soit il s’arrête brutalement ou alors il me vole une journée sans que je m’en aperçoive. Les aiguilles de ma montre s’affolent. Je les vois danser sur le cadran, elles s’entremêlent, s’entrechoquent pour s’immobiliser enfin. Mes maux de tête vont s’apaiser.Lumière et brouillard voilent mes yeux fatigués. Les ombres blanches sont réapparues, furtives et inquiètes, je les vois passer, courir et s’affairer autour de mon ombre. Puis, doucement, la nuit descend dans la pièce, le sommeil me gagne, il me fait du bien. Parfois, le faisceau d’une lampe torche scrute mon environnement et je perçois une voix douce qui me rassure. Elle me dit :— Tout va bien.Je vois des jolies mains qui manipulent les tubes et les bouteilles me reliant à l’existence et tout s’apaise à nouveau. Quelques minutes ou, quelques heures après ; je n’ai plus vraiment la notion du temps écoulé, j’entends une mélodie derrière la porte bleue qui me sépare de la vraie vie… Elle a un son de cristal mais un rythme imparfait « ding… ding, ding… ding ». J’essaie de deviner la hauteur de la note, on est musicien ou on ne l’est pas. C’est un do… Un do de cristal, mais un do quand même… Le son est joli, suffisamment pour qu’il retienne mon attention mais, le bruit de ferraille qui l’accompagne est désastreux « clang… clang boum… clang ». La porte bleue s’ouvre et une dame à la voix mélodieuse me dit :— Bonjour Monsieur, on vous a préparé une petite collation ; prenez votre temps, je repasserai tout à l’heure pour vous débarrasser. Les infirmières passeront vous voir dans quelques instants.Les infirmières ! Pourquoi viendraient-elles me voir ? Mais oui, ça me revient ; ces fichus rails de tramway qui ont fait glisser les roues de mon vélo. La chute qui s’est ensuivie puis, le choc violent de ma tête sur la chaussée, les sirènes d’un véhicule d’urgence et le glissement vers l’obscurité. Dans le couloir, j’entends des pas, je reconnais les voix des anges qui m’ont tenu compagnie dans ma nuit « ondulante ».— Comment ça va ce matin ? Vous avez eu une nuit très agitée et quelques confusions mentales, mais les examens sont très rassurants, vous allez pouvoir sortir assez vite.Je reconnais cette voix, c’est celle de l’ange qui s’interrogeait sur les études de sa fille. Une question me traverse l’esprit et je lui demande ;— Agathe, s’est-elle décidée sur le choix de son métier à venir ?D’un air intrigué, l’infirmière me regarde et me répond en souriant :— Oui, elle sera infirmière, comme sa maman !— Un autre ange vient de naître, lui dis-je avec émotion.A-t-elle compris le sens de mes paroles ? Je n’en sais rien mais, son sourire d’ange me suffit comme réponse.Oui, je crois aux anges !Merci et hommage à ces femmes, ces hommes du corps médical qui se dévouent corps et âme sans compter, pour nous accompagner dans nos difficultés de santé. De Nicole Deux lettres afghanes Kaboul, Janvier 1996 Ma fille bien-aimée, mon amie, ma sœur, Malalai Je sens l’ombre de la mort s’approcher de moi à grand pas. Déjà les fondamentalistes ont assassiné ton père, mon tour est venu. Me séparer de toi fut douloureux, l’est toujours, je sauvais ta vie, j’endeuillais mon coeur.Tout a commencé pour moi par l’éveil de la connaissance, elle m’a montré le chemin à suivre, elle m’a donné la force, le courage. Je n’étais plus la faible, l’incapable, je quittais les voiles de l’ignorance pour les rives du devenir moi. Avec tant d’autres, j’ai pris le long chemin de la libération de mon pays, traversé les ornières emplies du sang de mes sœurs, de mes frères sacrifiés. J’ai connu l’exaltation des combats, manié les armes. Dix ans de lutte. La victoire était au bout du chemin, nous avons chassé l’envahisseur.J’ai connu l’ivresse de l’amour avec ton père, nous nous sommes mariés, fait exceptionnel dans un pays où trop de vieillards emmènent des jeunes filles désespérées dans leur couche et son corollaire : trop de souffrances, de brutalités conjugales.En 1996 sont arrivés les Talibans, et ce fut pire.Plus de chants, de danses, de musique, même faire voler des cerfs-volants, interdit. Nos ailes coupées, le port obligatoire du tchadri, cette prison de toile qui nous isole du monde et ce grillage qui nous empêche de voir.Les femmes vivent et meurent cloîtrées.Avec notre organisation féministe (RAWA), nous avons donné aux femmes des cours d’alphabétisation clandestins sous le couvert de cours de couture, donné accès aux dispensaires par le biais d’une maladie infantile prétexte à une consultation médicale personnelle. Beaucoup de femmes résistent au quotidien, le danger pour nous, pour moi est partout, à chaque instant.Je sais que tu poursuis brillamment tes études de médecine, chose impensable ici. Vis ta vie ma fille, sois libre de réaliser tes projets les plus importants, rencontre l’amour, mais surtout n’oublie pas l’Afghanistan, ton beau pays.Le moment est venu de te quitter ma fille bien-aimée, bientôt ils vont venir me tuer. Ne sois pas triste, j’ai vécu une vie de femme libre. Ta mère aimante, Rabiah. Kaboul Avril 2006 – Lettre à une morte tant aimée Ma mère bien-aimée, ma chère absente, ma belle Rabiah, Tu ne liras pas cette lettre et pourtant te l’écrire est important pour moi.Ton absence a creusé ma vie d’un grand vide affectif, toucher ta peau, t’embrasser me manquent encore, pas de rires, de tendresse partagés. Bien sûr, je n’ai pas connu la faim, le froid, la mort de Massoud, la guerre de 2001, les Américains, les talibans en fuite, l’instauration d’un gouvernement fantoche.Grâce à toi je suis devenue gynécologue pour soigner les femmes. L’Occident pour nous brillait de mille feux, les femmes étaient libres, études, mariage, maternité choisis : liberté d’être.Mais chaque médaille a son revers, en Occident l’argent, l’économie règnent en maîtres absolus. Trop souvent les femmes sont encore et toujours victimes de violences conjugales, de maltraitances dès l’enfance, de pauvreté, de racket, de prostitution. La face cachée de l’American way of life en quelque sorte.L’exil est une épreuve, plus je m’occidentalisais, plus je me sentais, me voulais afghane. Alors ma mère, ma belle Rabiah je suis rentrée au pays. Les soldats étrangers s’en sont allés, restent des conseillers, des techniciens qui à leur tour vont partir. Les chefs tribaux dictent encore leurs lois, il y a régulièrement des attaques talibanes venues des montagnes.Certaines femmes à Kaboul ne portent plus le tchadri mais la majorité a peur et se voile. Encore et toujours des vieillards continuent d’épouser des jeunes filles désespérées.Alors je suis revenue pour tenter de vaincre toute cette ignorance, aider les femmes à devenir fortes. C’est un travail de longue haleine, plusieurs générations seront nécessaires.Mon choix assumé de ne pas être mère me porte à aimer les enfants des autres : garçons, filles et à porter l’avenir avec eux.Ma mère, ma chère absente, le plus beau cadeau que tu m’aies donné est le courage de vivre pleinement, je serai digne de ton chemin.Dans le ciel afghan je ferai voler les cerfs-volants De Rui Courant d’air… Si j’étais un courant d’air… Si j’étais un courant d’air, je serais un courant d’air frais, je passerais en coup de vent.Espiègle, je soufflerais dans les branches et les bronches des ménages trop sages, sous les jupes en fleurs des filles légères et court vêtues, et sous le chapeau des femmes convenues. De l’air, de l’air ! Je soufflerais au creux de leurs chastes oreilles, entrez dans la danse, du ventre, des pieds, du bassin, buvez à l’ivresse de tous les sens, lâchez votre boussole, perdez le nord, hissez les voiles, loin des rivages dansez avec la mer, je leur soufflerais, je soufflerais par surprise, j’ouvrirais portes et fenêtres, je ferais un tabac, coucou c’est moi, je soufflerais dans les cerveaux lents pour rire, m’amuser et les réveiller, ni vu ni connu je t’emmène dans la danse des éléments, le tango des mystères et la valse des Dieux , comme font les enfants , juste pour le fun et le jeu , pour dire bonjour et au revoir, je serais le facteur X et le messager Y des lettres et de leurs mots.Je les soufflerais intimes et joyeux les mots ! Des blancs, des gris et des très colorés , des mots doux et des qui laissent perplexe, des qui rassurent et des qui mettent le feu, des qui donnent espoir et qui font vibrer, des mots inattendus sortis de l’un connu, des mots d’ici et d’ailleurs, des mots aventure, voyage et souvenirs, je serais le courant d’air de pas sage et clair, libre comme l’air virevoltant dans le chant des sirènes au large spectre, j’irais de ci de là, où le bon plaisir m’apaise, me transporte et nourrit mes cellules aériennes.Si j’étais un courant d’air, je serais marin comme un courant de l’air de pas y toucher , …c’est secret , c’est sacré . De Saxof DOULEURS AU COEUR ET AU CORPS « Si tu t’englues dans le passé, je ne peux pas continuer à croire en toi » dit-il d’une voix cinglante. Emmy reçut en plein visage cette phrase blessante de Jim, son mari depuis 12 ans. Ils vivent dans une maison somptueuse du 14eme arrondissement et Jim est PDG d’une grande entreprise d’ingénierie et tient à ce que sa femme reste à la maison pour s’occuper de lui, au grand dam d’Emmy qui voudrait prendre le poste que la mairie lui propose afin de mettre à profit ses talents d’architecte. La conseillère municipale, s’occupant de l’urbanisme, la pressait d’accepter. Il y a six mois, Emmy a rencontré, lors d’un stage d’écriture, un écrivain dont les romans d’amour la font rêver. C’est le moment où elle a décidé de donner bénévolement du temps de lecture aux enfants dans une librairie du 15e arrondissement. Encore secouée par la phrase de son mari, plus par le ton que par les mots, à 19 heures, elle le vit entrer avec un bouquet de lys pour s’excuser de son comportement du matin. « Je sais que je suis trop exigeant avec toi, mais l’absence de Rosie me met les nerfs en pelote dès qu’un problème de boulot me secoue ». « Moi aussi, elle me manque » répondit Emmy en se blottissant dans ses bras, pour calmer le jeu. Il est tellement exigeant qu’Emmy tremble même quand elle met la table pour le repas qu’elle dresse presque religieusement pour le satisfaire. Rose, leur petite fille de 5 ans, est décédée il y a onze mois lorsqu’elle traversa la route pour rattraper Félix leur petit chat, renversée mortellement par un chauffard ivre. A partir de ce jour, Jim changea du tout au tout. Le soir même, il l’obligea au devoir conjugal, mais à sa manière plutôt violent, en lui interdisant de trouver du travail. Il essayait de la faire passer pour folle, tout d’abord vis à vis d’elle-même, pour qu’elle doute de sa stabilité en lui reprochant mille et une choses insignifiantes, telle de ne pas être allée chercher son costume au pressing comme demandé, alors qu’il ne lui en avait jamais touché mot. Un autre jour, il lui reprocha de n’avoir pas préparé ce costume bleu et pas repassé sa chemise alors qu’elle avait tout installé sur le lit, deux heures plus tôt. Parfois elle pensait qu’elle perdait la tête. Un jour, elle trouva la conseillère municipale dans le bureau de Jim alors que celle-ci cherchait les toilettes de la maison. Cette dame était venue pour parler des plans de construction de la bibliothèque avec Emmy. Elle est repartie rapidement comme une voleuse, ce qui laissa Emmy dubitative devant les papiers de son mari, éparpillés, qu’elle rangea rapidement tout en trouvant une grosse liasse de billets dans une enveloppe kraft, dans le tiroir, cachée sous deux grands cahiers. Elle alla régulièrement se réfugier chez son ami l’écrivain, Luc, de qui elle tomba amoureuse, alors que lui était déjà chaque fois en émoi, lors de ses venues et cela depuis leur rencontre. Ce fut avec délice qu’elle répondit à ses avances. Elle rentrait chez elle la peur au ventre, avec cette douceur agréable et nourrissante restée sur ses lèvres et sur sa peau. Et chaque soir, Jim était toujours autoritaire, violeur, violent et pervers. Des moments de terreur entrecoupés de gentillesse, accompagnée de cadeau ou de fleurs, mais Emmy ne s’y trompait plus. Un soir, alors qu’elle venait de se faire battre par son mari devant un refus de répondre à ses exigences sexuelles, elle quitta la maison, le visage ensanglanté, Jim courant pour la rattraper, lorsque deux voitures de police s’arrêtèrent devant le perron. Un agent la prit en charge, alors que deux autres ressortirent avec son mari menotté. La conseillère qui était policière, avait trouvé les papiers nécessaires de trafic, dans le bureau de Jim, pour réussir à l’inculper. Cela fera d’une pierre deux coups. Luc, l’écrivain romantique, alla rechercher Emmy au poste deux heures plus tard pour l’emmener se faire soigner à l’hôpital. Il ne la quitta plus. Quelques mois plus tard, elle mit au monde un beau garçon de 3kg850. De Hamza Par une brèche se trouvant sous la porte d’entrée, Dame souris a pénétré à l’intérieur d’un domicile sans l’accord de ses Occupants. Furtivement, elle s’installe, s’isole, se terre, se repose, puis se familiarise avec les lieux qu’elle étudie minutieusement. Puis, dès l’absence de bruit, elle agit au grand jour pour jouer, sauter, découper, déchirer en miettes tout ce qui peut être détruit. Et enfin se nourrir.Au début de l’intrusion, elle se faisait discrète, puis elle se mit à laisser des traces. Et là, elle devint encombrante. Automatiquement, elle est déclarée PERSONNA NON GRATA par la maîtresse des lieux, qui s’est aperçue de la présence de l’intruse.Elle s’assura d’abord, puis procéda à des recherches qui se sont avérées concluantes. Cernée de toutes parts, dame souris s’est vue harcelée. Aussi, elle prit toutes sortes de précautions et fit échec à toutes les tentatives de pièges mais en vain. Elle fut prise vivante grâce à un piège spécialement conçu. Là, elle reconnut ses torts et demanda indulgence.Elle fit de la peine et ses pleurs qui ont affligé, attristé et peiné le couple propriétaire des lieux. Après délibération du couple, il a été décidé de libérer l’animal et de le mettre à la disposition de Dame Nature. Aussitôt dit, aussitôt fait.Heureuse d’avoir échappé à une mort certaine, Dame souris, confuse mais satisfaite de la décision arrêtée, prit la poudre d’escampette à travers champs . De Marie-Laure Juste après une visite surprise Que vous étiez mignonnes les copines,Avec vos fleurs à la mainDéterminées à affronter ma mauvaise mineEt mon regard sans entrain. Saviez- vous que le gerberaSymbolise une envie de partage ?Signe de convivialité, il fût làA travers vos sourires, un heureux adage. C’est la joie d’aimer, la sensibilité,Que la pivoine rose tend à exprimer.Pimpante, éclatante, sa couleurAu fil des jours a évolué avec douceur. Lentement ses pétales se sont parés,Assortis à sa voisine, d’une couleur dragée,Pour approcher du blanc à pleine maturité,Symbole de délicatesse et de sérénité. La pivoine m’a toujours conquise,A la fête des mères, belle marquise.En bouquet, tous ses froufrous font merveille,Au jardin elle s’éclate sous le soleil. Au bout de sa tige, la radieuse se balance,Floraison trop éphémère, pas de chance.Sensible aux aléas du temps, qu’il venteEt déjà elle s’étiole à la moindre tourmente. Sous le poids des intempériesEn moins de deux, elle se flétrit,Perd ses pétales et ses froufrous,Au sol jonchent ses anciens atouts. Au sommet de sa tige brisée,Son cœur est là, inerte et nu.Hier resplendissante, elle a été,Aujourd’hui fanée, elle n’est plus. Sous terre, profonde est sa racine,Mais il lui faudra plusieurs saisonsPour retrouver couleurs et bonne mine,Avec ardeur et joie pour horizon. Merci pour votre visite et votre amitiéPuissions-nous demainAvec légèreté et entrainNous retrouver en toute gaieté ! De Catherine M Désillusion Ce matin la météo a brusquement changé d’avis, mais Inès s’en fout.Soleil ou pluie, qu’importe ! Dans son petit pavillon de banlieue, Inès n’a qu’une préoccupation : s’attaquer au Rien. Oui mais par quel bout ? Le même qu’hier ? Et au fait le Rien, ça compte combien de bouts ? Elle n’en sait Rien. Rien à faire, Rien à dire. Elle a pourtant essayé de faire connaissance avec ses voisins, mais comme elle n’avait Rien à raconter, ils l’ont snobée.Elle s’en fout. Elle les voit tous s’agiter dès le matin, courir après leur destin et le soir, ils courent encore car ils ne l’ont pas trouvé. Elle les voit fatigués, devine leurs traits tirés sous la lumière tamisée de la demi-lune. Inès préfère rester en tête à tête avec le Rien qui ne lui demande Rien et n’attend Rien.Mais ce matin, le téléphone a sonné. Il était 9h 32. Elle a décroché.- Inès Donatien ?Personne n’avait prononcé son nom depuis des lustres. Elle n’a pas répondu tout de suite, troublée par cette voix chaude, si chaude.C’est à elle qu’on s’adresse ?- Inès Donatien ?Se pourrait-il que …Cette voix chuchotée qui coule dans son oreille. Après s’être engouffrée dans le silence, elle revient à la réalité.- Oui, c’est moi.Sa voix blanche, comme un cri étouffé. Comme un demi-secret soufflé à mi-voix. Sa main qui tremble. Cette soudaine intimité.- Quelqu’un de la mairie va passer vous voir …Inès se « réveille », elle a cru, elle a espéré …- Non merci, je n’ai besoin de RienEt elle a raccroché. De Roselyne La Liberté d’écrire Aujourd’hui, Laurence vous nous donner la liberté décrire, sans de thème précis. Alors, je vais laisser aller la pointe Bic vagabonder, divaguer, errer, donner son avis, changer le monde. Elle part tellement vite qu’elle ne s’aperçoit pas qu’elle fait des fautes d’accord, ce n’est pourtant pas son habitude.Explique donc ce que tu as fait depuis que tu es sortie de ton sommeil. Ce matin, huit heures, une grande inspiration pour humer l’air, sentir les parfums. Un petit déjeuner préparé par mon bien-aimé, un petit tour du côté des mes rosiers.Comme la petite famille vient trois jours du côté de l’océan, il faut remplir le frigo de victuailles. Alors, j’ai trainé un peu dans les magasins, ce que je ne fais pas trop en général, car j’aime bien que ce soit rapide.Un repas sur le coup de treize heures, suivit d’un petit café et chocolat, bien sûr. Mon bien-aimé qui fait des sodokus, moi qui bouquine ou des mots fléchés. Voilà une bonne heure de passée, mais peu importe, c’est jour de RTT, si je puis dire, car chaque jour, nous sommes en RTT.Tu as pu constater que je suis passée du JE au NOUS. Normal, mon bien-aimé et moi nous avons fait des fouilles archéologiques dans le jardin. Un puits perdu dont les contours menaçaient de s’effondrer, alors nous avons consolidé l’ensemble. Il fait chaud, pour nous protéger et travailler à l’abri du soleil, nous avons monté notre tente de bédouin (ce n’est pas péjoratif). Le travail est presque terminé. Nous allons prendre quelques jours de repos, car les vacances approchent et nous attend notre boulot de grands parents.Tu vois, ma plume tu as été sage, tu n’as pas parlé de ce qui m’agace. Tu sais, tous ces blablateurs qui parlent de tout et de rien à longueur de journée. Tiens, notamment du changement climatique. Alors, là j’avoue que cela m’échauffe sérieusement les oreilles. Depuis des décennies, les scientifiques alertent, ont alerté comme Haroun Tazieff, Hubert Rives tu le sais, ma plume, ce sont deux hommes que j’admire. Des hommes qui savaient se mettre à la portée de tout le monde.Que fait-on aujourd’hui ? On tourne en rond, notre pauvre Terre en perd tous ses points cardinaux. Certains disent qu’il va falloir des milliards pour tout remettre à l’endroit. La note va être astronomique, stratosphérique, comme dirait une certain journaliste, dont je ne me souviens pas le nom, mais il m’énerve, alors ce n’est pas grave. Chacun va devoir se serrer la ceinture. Attention à l’électricité, au chauffage, aux déchets ‘aux je ne sais pas quoi et ne sais pas quoi’.Tu sais ma plume, ou plutôt ma pointe, moi, lorsque j’étais beaucoup plus jeune, chez les parents, on n’avait pas intérêt à gaspiller, alors c’est resté. Chacun doit être responsable de ses actes, à partir de là nous pourrons construire un nouveau monde.Là, tu vois je sens que je vais m’énerver. Le soleil est encore bon, la soirée s’annonce bien, le ciel devrait être étoilé, la nuit sera belle. Mais maintenant, je vais aller me faire un petit plongeon dans l’océan et admirer le soleil disparaître derrière la ligne d’horizon qui prendra des couleurs roses comme la pulpe d’une pêche. Ma plume, mon Bic, ma pointe fine merci de m’avoir accompagnée. Je ne te l’ai pas dit, mais cet été j’ai vu les plumes de Léonard de Vinci. Magistral ! De Claude Br Il meurt lentement Pablo Neruda Il meurt lentement Celui qui ne voyage pas, Celui qui ne lit pas, Celui qui n’écoute pas de musique, Celui qui ne sait pas trouver grâce à ses yeux. Il meurt lentement Celui qui détruit son amour-propre, Celui qui ne se laisse jamais aider. Il meurt lentement Celui qui devient esclave de l’habitude Refaisant tous les jours les mêmes chemins, Celui qui ne change jamais de repère, Ne se risque jamais à changer la couleur De ses vêtements Ou qui ne parle jamais à un inconnu. Il meurt lentement Celui qui évite la passion Et son tourbillon d’émotions Celles qui redonnent la lumière dans les yeux Et réparent les cœurs blessés. Il meurt lentement Celui qui ne change pas de cap Lorsqu’il est malheureux Au travail ou en amour, Celui qui ne prend pas de risques Pour réaliser ses rêves, Celui qui, pas une seule fois dans sa vie, N’a fui les conseils sensés. Vis maintenant Risque-toi aujourd’hui ! Agis tout de suite ! Ne te laisse pas mourir lentement ! Ne te prive pas d’être heureux ! De Marie-Josée Nouvelles fraîches Arnaud Duclos se rendait au studio d’un pas las. Animateur vedette d’une chaîne d’information, il avait sombré peu à peu dans ce qui semblait être une dépression. Personne dans son entourage n’en comprenait la raison, d’ailleurs, lui-même ne pouvait pas l’expliquer.Quand il arriva dans les locaux, tout le monde était en effervescence. Il fut accueilli par Eric, le nouveau chroniqueur de son équipe qui courait dans tous les sens et criait :-Dépêche-toi, la concurrence a déjà annoncé la nouvelle.Il ne comprenait pas ce qui se passait. La nouvelle ? Quelle nouvelle ? Il alluma son portable et les alertes fusaient :des débris de métaux précieux sont tombés du ciel. Des témoignages viennent des quatre coins de la planète.-Elle est bonne celle-là ! dit-il en ricanant. Décidément, une fake news en chassait une autre, mais celle-là était de taille. Ils ne savaient plus quoi inventer pour faire augmenter l’audience. Son émission commençait dans cinq minutes et son patron lui intima l’ordre de changer son programme pour couvrir la nouvelle. La chaîne avait envoyé son ami Félix sur le lieu où les premiers débris avaient été ramassés. Il n’eut pas eu le temps de vérifier quoi que ce soit et il commença donc l’émission avec ces mots:-Mesdames et messieurs bonjour, des débris de métaux précieux sont tombés du ciel, oui vous avez bien entendu, des débris de métaux précieux sont tombés du ciel et nous allons rejoindre tout de suite Félix, notre envoyé spécial qui a pu recueillir le témoignage de Fabrice, qui en a trouvé sur la plage d’une petite île dans l’océan Pacifique.-Bonjour, Arnaud, oui effectivement, j’ai eu le privilège de parler à Fabrice, qui comme vous pouvez le penser, est encore sous le choc. Ce jeune homme a été intrigué par quelque chose qui ressemblait à un caillou phosphorescent et quand il l’a ramassé, il émettait des ondes mystérieuses. Il semble s’agir de fragments ou de débris d’un objet non identifié jusqu’à présent. Ils sont répartis sur toute l’île et les habitants des alentours affluent par centaines à l’heure où je vous parle, pour les ramasser. Quelques-uns ont été remis à des scientifiques pour analyse et pour l’instant, ils n’ont pas encore pu déterminer de quoi il s’agit, mais ils sont unanimes, ils sont d’origine inconnue.-Merci Félix, vous intervenez dès que vous avez des informations complémentaires. La petite île du Pacifique ne semble pas la seule concernée, des témoignages nous proviennent des quatre coins de la planète, il y a des débris partout.Les experts se succédaient sur le plateau et Arnaud reprenait du poil de la bête. Les récits des pouvoirs extraordinaires dont seraient dotés ces débris avaient provoqué un bouleversement planétaire. Les usines, les bureaux, les commerces s’étaient peu à peu vidés, une nouvelle ruée vers l’or avait commencé. Les débris prenaient de la valeur de jour en jour et s’échangeaient à des prix exorbitants. Arnaud n’en possédait pas, mais il était toujours le premier à relayer les dernières informations à leur sujet, quant à leur valeur et des endroits qui n’avaient pas encore été explorés et où on pouvait encore en trouver. Les audiences montaient en flèche, ainsi que son salaire. La société se fractura, ceux qui n’en avaient pas trouvé devenaient de plus en plus pauvres et ceux qui en avaient trouvé, de plus en plus riches. Les crimes montèrent en flèche, vols et meurtres devenaient incontrôlables, tant et si bien que les chanceux se retranchèrent dans des quartiers entourés de barbelés gardés par des vigiles.Au fil du temps, les débris perdirent leur pouvoir et les scientifiques travaillèrent d’arrache-pied pour trouver un moyen pour les recharger. Les laboratoires rivalisèrent d’ingéniosité et bientôt des chargeurs de débris furent mis sur le marché. Les fabricants certifiaient qu’avec une recharge qu’ils faisaient payer à un prix exorbitant suffirait, mais il s’avéra qu’il fallait des recharges régulières. On inventa des forfaits, mais rien n’y fit, les débris perdirent peu à peu leur pouvoir et n’étaient plus que des fragments de quelque chose que personne n’arrivait à identifier et qui ne valaient plus rien. Tout s’effondra et il fallut reconstruire sur de nouvelles bases et de nouvelles valeurs. Arnaud était sur le point de perdre son emploi. Les médias périclitaient, les audiences étaient en chute libre, plus personne ne leur faisait confiance. Un soir, en rentrant chez lui, il vit un engin étrange au beau milieu d’un champ et des êtres qu’il n’avait jamais vus en sortaient. Il les observa un moment et tout à coup, un épais brouillard lui cacha la vue.Le lendemain, il retourna au même endroit et l’engin était de nouveau là. Il voulut en avoir le cœur net, et sans hésiter, s’en approcha. La porte s’ouvrit et une force invisible l’aspira. Il se retrouva à l’intérieur d’un espace qui ressemblait à un hôpital, des êtres étaient allongés sur des lits et semblaient dormir.Il avait l’impression que sa tête allait éclater, des voix résonnaient de toute part. Des petites créatures l’entouraient et tentèrent de l’allonger sur un lit. Il se débattit de toutes ses forces, mais un rayon laser le figea sur place. Une créature lumineuse s’approcha de lui et communiqua avec lui par télépathie. Elle lui expliqua que les débris trouvés avaient été répandus pour provoquer un chaos parmi l’humanité, l’appât du gain leur ferait perdre toute objectivité et méfiance. Les êtres allongés sur les lits étaient des créatures dotées d’une intelligence artificielle qu’ils avaient créées en clonant des humains et qui leur obéissaient au doigt et à l’œil. Ils en avaient enlevé un grand nombre lors de la recherche de débris. Il régnait une telle frénésie et confusion que personne ne s’était rendu compte de ce qu’il se passait réellement. Ils les infiltraient au fur et à mesure à des postes clé et bientôt, toute la planète serait sous contrôle. Tout à coup, la fréquence changea et il s’adressa à lui directement :-N’aie pas peur, tu ne subiras pas le même sort que ces créatures, je ferai de toi un ambassadeur chargé de diffuser des informations.-Pas de chance, je vais bientôt perdre mon emploi et je n’aurai plus aucune possibilité de propager quoi que ce soit.-Ne t’inquiète pas, on s’occupe de tout, tu n’auras qu’à suivre la feuille de route. Je te contacterai en temps voulu.Sur ces mots, la porte s’ouvrit et il fut invité à partir. Il avait la tête qui tournait, il regagna sa voiture tant bien que mal, les jambes flageolantes. Était-il en train de rêver, de devenir fou ? Était-ce un canular comme tant d’autres ? Il ne savait plus quoi penser. Que fallait-il faire ? Obéir à cet individu, se rebeller ? Il n’avait qu’une envie, rentrer chez lui et oublier tout ce qu’il venait de se passer. Le lendemain matin, sur le plateau de la chaîne d’infos, Eric, le nouveau chroniqueur anima l’émission et annonça d’un ton grave :-Arnaud Duclos s’est tué hier soir dans un accident de voiture. Les circonstances du drame ne sont pas encore connues, une enquête est en cours. Des phénomènes étranges ont été observés dans le désert du Sahara. Des Touaregs prétendent avoir vu des soucoupes volantes atterrir. À l’heure actuelle, ces informations n’ont pas été vérifiées. Ce soir, nous diffuserons le reportage de Félix, notre envoyé spécial, surtout ne ratez pas ce rendez-vous. De Inès Ce jour-là, Agnès, triste et déprimée, prit son café, sans même jeter un coup d’œil vers son mari, Patrick, qui était en train de retirer les dernières tâches de maquillage de clown sur sa figure. Cette dernière claqua la porte de sortie et s’en alla prendre sa voiture. Agnès était une jeune et jolie rousse qui travaillait comme comptable dans une grande entreprise d’agro- alimentaire à Paris. Patrick, lui, était vendeur en magasin de jouets. Le couple formait une famille recomposée et chacun d’entre eux avait deux enfants. Patrick aimait souvent prendre les enfants pendant les vacances scolaires pour leur faire découvrir des parcs d’attractions, comme le parc Astérix, Walt Disney, ou le Futuroscope. Il savait qu’ils y trouveraient leurs rêves et des merveilles inoubliables, et qui seraient inscrits à jamais dans leurs esprits. Avec le temps, Patrick décida d’installer un petit amphithéâtre pour marionnettes dans l’une des chambres pour enfants. Il y mit de gros caissons en bois et les bourra en achetant des tas de jouets et de vêtements de déguisement, tels des costumes de tribus indiennes, de cowboys, d’infirmières, de facteurs, d’Halloween. On y trouvait même des tablettes tactiles dernier cri, et où l’on trouvait toutes sorte de jeux vidéo, ainsi que des jouets connectés, dont ses enfants étaient tellement friands. Le jeune homme était un grand malabar, un peut gauche, mais qui avait gardé l’esprit et le cœur d’un enfant. De temps en temps et pendant les week-ends, Agnès et Patrick recevaient leurs amis, ou leurs beaux-frères et belles sœurs, accompagnés de leurs enfants. Pour Agnès, c’étaient des moments de détente et de retrouvailles. -Patrick mon choux, j’ai des amis qui souhaiteraient faire ta connaissance, aurais-tu quelques minutes à nous consacrer ?-Oui, oui chérie, je viens tout de suite, tu me donnes juste le temps de faire un tour de passe- passe de ballon avec les enfants !Quelques minutes après, Patrick accourut juste pour saluer les invités et s’en alla retrouver les enfants. Dépitée, Agnès ravala sa colère, garda son sourire, et fit mine de ne pas comprendre les agissements de son mari.Un dimanche, alors qu’Agnès recoiffait sa permanente dans la salle de bains, elle fit part à son mari de l’invitation des Poirier.-Patrick, je voulais t’annoncer que nous sommes invités pour déjeuner le week-end prochain chez nos amis les Poirier, et comme leurs deux enfants Eva et Ariane s’entendent à merveille avec les nôtres, j’ai tout de suite acquiescé, qu’en penses-tu ?-Tu as bien fait d’avoir accepté ma chérie, et de toute façon, je n’aurais pas dit non. J’ai remarqué que c’étaient des gens respectables. Monsieur Poirier, qui est juge des enfants, est une personne si intègre et si gentille qu’il est tout à fait normal que nous honorions leur invitation. Sa femme Gisèle est une femme superbe, je la connais depuis les bancs de l’école et on ne s’est jamais perdus de vue. Le jour J arriva, Patrick et sa femme ainsi que leurs enfants se rendirent au foyer de leurs amis. Le déjeuner fut assez animé par des bavardages et des discussions sur l’actualité. Au moment de la prise de café, Patrick se leva et sans dire un mot, il incita les enfants à le suivre. Il commença à jouer au cheval en les portant à tour de rôle sur son dos. Quelques minutes après, il saisit un ballon de foot qui se trouvait dans son sac, et commença à jouer au foot avec les petits dans le grand salon des Poirier. Avec beaucoup de contenance, l’hôte de la maison saisit les clés de sa voiture qui étaient sur une commode et sortit. Madame Poirier, les yeux plein de tendresse, garda le sourire et fit semblant de ne pas s’apercevoir de la situation. Pour Agnès, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Les yeux en larmes, elle se mordit les lèvres et commanda aux enfants de mettre leurs manteaux pour rentrer à la maison. Dans son monospace, Agnès reprit ses esprits, et essaya de penser à autre chose. Elle conduisait calmement et sereinement, ses jolies mains féminines et bien vernies tenaient le volant avec l’assurance d’un pilote au bord de son cockpit. Un flot de pensées lui traversaient l’esprit. A part les quelques chamailleries que les enfants produisaient, un silence lourd s’était installé dans l’habitacle de la voiture. Par contre, tantôt Patrick contemplait le paysage à travers la fenêtre ou tantôt il regardait sa femme du coin de l’œil en passant nerveusement ses doigts dans ses cheveux ébouriffés. Arrivés à la maison, Agnès et Patrick demandèrent aux enfants d’aller dans leurs chambres afin de consulter et de réviser leurs devoirs. Une fois seule, Agnès éclata en sanglot. Sous la douleur et la peine, elle arrivait à peine à articuler un mot. Les mains tremblantes, elle arrivait à peine à contenir sa colère.-Patrick, je suis désolée de te le dire, mais il faut absolument que l’on se quitte. Le jour où l’on s’est mis ensemble, je ne me suis pas aperçue de la profondeur de ton obsession pour les enfants, tel que je le constate actuellement. Ton penchant effréné à jouer avec les enfants sans tenir compte du lieu, du temps et des gens, m’incite à constater que je serai dans l’incapacité de te faire changer de comportement. -Agnès, mon amour, c’est vrai que lorsque je me trouve avec des enfants, inconsciemment je me trouve dans leurs monde. Un univers magique, où la spontanéité et l’innocence sont les maîtres mots. Je ne fuis pas le monde des adultes, bien au contraire, mais le fait de s’amuser avec des enfants me procure un énorme bonheur, et de détente, et le fait de leur faire plaisir est devenu une vocation pour moi. -Oui, je comprends Patrick, que ça soit une vocation pour toi. Mais tu as pensé à moi et à notre relation. De temps en temps j’ai besoin de ton attention, de ton écoute, que l’on sorte ensemble, comme lors de nos premières rencontres. J’ai tout fait pour que notre couple soit sauvé. As-tu pensé à ton attitude face à ma famille à mes amis, aux gens autour de nous ? À force de jouer continuellement au clown, nous sommes devenus la risée de tout notre entourage ! Ton manque de lucidité, ton égoïsme et ton enfantillage a fait qu’il a détruit notre couple. Et moi, je refuse de continuer à vivre cette situation auprès de toi. Je souhaite que l’on se sépare une fois pour toute. De Pierre 2023 est mort, vive 2024, Ainsi va le monde, depuis toujours, la roue tourne, un certain jour de décembre, nous remettons les pendules à l’heure et nous faisons cap vers un nouveau cycle annuel, vers l’inconnu. Tout va vite, trop vite, broyés que nous sommes, par cette machine infernale du temps. Nous laissons l’année 2023 avec son cortège de malheurs et de misères, mais aussi avec ses avancées scientifiques pour aller vers l’année 2024, qui sera comme nous le voudrons et si nous la voulons meilleure, il faudra avoir le courage d’affronter les obstacles qui se présenteront, relever les défis, se remettre en question. Sans doute « techno » ce que j’écris ! Le passage d’une année à l’autre m’amène à m’interroger sur notre condition d’humain et notre perception des choses de la vie : Sur la vie, la mort : nous vivons en permanence sur un champ de mine. Le matin, vous vous éveillé frais et dispo, confiant de la journée qui s’offre à vous, le soir, mort vous êtes, tué par un terroriste ou renversé par un chauffard ou tout simplement décédé subitement à la suite d’un malaise foudroyant. Cette perspective est peu réjouissante, je m’en excuse, mais elle rappelle que nous sommes tous mortels. Face à ce danger, nous avons le choix de vivre au jour le jour, voire à l’heure, sans le moindre projet, ou bien en se dissimulant au fond de son lit et y rester le plus longtemps possible. Le sommeil nourrit et protège, mais c’est une attitude égoïste, j’en conviens, car nous ne pouvons oublier nos proches, le monde qui nous entoure et nos obligations en tant qu’humain dont une, fondamentale, qui est de respecter la vie, celle des autres et la sienne, qui est sacrée et irremplaçable. La vieillesse, l’inévitable fin du parcours, confirme bien que la vie est éphémère à l’échelle du temps. Pourquoi devons-nous mourir entre 70 et 80 ans ou plus mais aussi parfois en pleine jeunesse et non pas beaucoup plus tard ? Sur le bonheur : c’est de voir ses proches, les autres, heureux et en bonne santé, de voir les enfants grandir et s’affirmer dans de bonnes conditions, car eux auront la lourde tâche d’assurer la conduite des affaires du monde après nous et quelles que soient leurs conditions sociales. Le bonheur, c’est se détacher des contraintes matérielles de l’existence, de fuir la médiocrité et le « consumérisme », de rejeter « l’accessoire » et de vivre sur l’essentiel des choses de la vie. Enfin, le bonheur, c’est de vivre son instant présent et d’en être satisfait ; le passé, nous connaissons la fin du « film », le futur, nous ne l’appréhendons pas, il nous effraie. Sur les voyages : j’ai toujours aimé voyager, mais à priori, je ne connais pas grand-chose du monde et je le regrette. Voyager par les airs, c’est un moyen, durant un instant, de prendre ses distances par rapport à son quotidien, de survoler d’en haut cette terre magnifique. Cela donne un sentiment de liberté, de détachement des contraintes terrestre, le temps du voyage. Les voyages, c’est aussi de sortir des sentiers battus, de découvrir et de comprendre comment vivent les autres et ce n’est pas facile car nous avons tous une appréhension de l’inconnu. Sur l’état du monde : Dorénavant huit milliards d’êtres humains sur terre mais entre 15 et 20% d’entre eux vivant dans une extrême pauvreté et ne mangeant pas à leur faim. C’est intolérable inacceptable au 21eme siècle, comparé à la richesse dégagée par les nations occidentales et par certains pays d’Asie. Un plan « Marshall » devrait être institué afin de donner à tous les moyens d’espérer en leur existence, moyens économiques, matériels, médicaux. Le monde actuel est devenu un village grâce aux développements technologiques et aux transports et il le sera plus encore dans les prochaines années. Le monde d’hier avec les pays d’Occident, régentant le destin de l’humanité, c’est fini, de même que le monde bipolaire issu de « Yalta » et quant à la planète terre, malade, bien malade, il faut agir dès maintenant si nous voulons la sauver……… .-Pierrot, lève-toi il va être midi, nous sommes le 1er janvier et nous avons des invités.-Maman, laisse-moi, j’étais bien dans mes rêves, j’ai fait un très grand voyage dans le temps et dans l’espace et je voudrais y retourner, dit Pierrot, un gamin boutonneux de quinze ans, très intelligent mais un peu gauche, un peu timide.-Tu m’inquiètes, dit sa mère, regarde-moi, as-tu de la fièvre ? toujours à rêver, toujours ailleurs, jamais avec nous, il faudra en parler au médecin, voir un psy peut-être.-Maman, laisse-moi, je ne veux pas aller en 2024 !-Regarde, le soleil qui se lève, regarde les oiseaux qui chantent, lui dit sa mère, c’est beau, c’est la vie et ça continue, même en 2024. Convaincu, le garçon se leva, se dirigea vers la fenêtre, admira le paysage qui s’offrait à lui, embrassa sa maman et lui dit : -Oui, c’est beau la vie. De Sandra À 21 heures !!!!! Il a longtemps, un maître et son garçon Azyr habitaient dans un Château sur L’Ile MontSan, entourée de la mer, située au nord d’île au pied d’une immense grotte.Ce magnifique palais était situé tout près du quai de l’île. On y retrouvait, une grande entrée pour accueillir les visiteurs, une autre pour danser, dix-sept chambres et sept salles de bains, une grande cuisine, une bibliothèque et un salon avec des peintures exceptionnelles peintes par la femme du maitre, décédée de la tuberculose. Puis, un très grand jardin avec des arbres fruitiers et des rosiers rouges et roses entourés d’un mur de pierres. Malheureusement, le Château avait été endommagé pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est alors qu’il avait subi de nombreuses réparations, puis quelques transformations avec les années, mais toujours aussi majestueux.Une sirène, prénommée Sybella avec de longs cheveux dorés, avec le corps d’une femme et une queue de poisson, nageait près du rivage. Elle sortit la tête de l’eau pour admirer la beauté de la nature, ses châteaux, ses lumières, ses voitures, tous ses gens, des montagnes vertes, des arbres immenses, des fermes d’animaux et ses fleurs multicolores à perte de vue. Soudainement, elle aperçut Azyr sur le bord du rivage et tomba sous son charme. Elle rêvait de lui, que ses bras étaient autour d’elle, qu’elle dansait coller serrer ; de même que le soir, elle le surveillait de sa fenêtre en s’asseyant sur le rocher. Sybella était beaucoup plus songeuse, car toutes ses pensées étaient centrées sur Azyr. Lors d’une après-midi de tempête, des orages violents, des vents forts, du tonnerre, des éclairs, un navire devait se rendre sur les quais de l’île MontSan, surnommée LILI 3. Par ailleurs, son mat battait de l’aile, puis sa toile se déchira. Les marins durent attendre le lever du jour pour faire la réparation. Alors le soir, la pluie s’arrêta et le temps se calma. Ils décidèrent de faire la fête, ils chantèrent, dansèrent aux sons des tambours. Mais pour certains paysans, ça les dérangeait.Puis soudainement, une bataille éclata entre les marins et les paysans. Azyr était dans la bataille et tomba à l’eau. Sybella s’empressa de le secourir, le protégea et l’amena dans la grotte où elle le déposa doucement. Or, le jardinier vit la sirène. Elle se cacha derrière des feuilles et fuit en sautant à la mer en toute vitesse.Elle était, magnificat ! comme il disait si bien. De ce jour, Azyr sillonna la plage, le rivage, surveilla le quai, marcha sur la côte, à sa recherche. Puis, un soir, aux alentours de 21 heures, Sybella s’assit sur le rocher au bord du rivage, tranquillement, puisqu’elle avait peur des quand dira-t-on.C’est alors que Azyr et Sybella retrouvèrent une chimie. Il passa des heures sur le rocher, à regarder les étoiles, partager des histoires et souhaita unir leurs destinées.Évidemment, l’amour que Azyr avait pour Sybella était très fort et puissant, de sorte que sa queue de poisson se transforma en jambe, en prenant sa main dans la tienne.C’était magique !Ils se marièrent et eurent trois beaux enfants De Lisa Inspiré de la chanson « chez Laurette » de Michel Delpech C ‘était au mois de décembreLe fils d’un chanteur est néMais le tourbillon des tournéesVa embarquer le papa tout fraisIl est musicien dans un groupe de balIl ne peut plus être père car il se rend compteSa carrière a peur de le perdreCe chanteur à te faire tourner la têteC’était bien, c’était chouette !Cette période de paternitéMais sa compagne l’a laissé tomberElle veut partir car la musique l’a épouséA chaque concert, il voit cette fanMais son coeur est en berneCar il aurait voulu qu’elle soit sa femmeMais sa carrière a peur de le perdreMais en dehors des heures de travailIl enlève son masque de ferPour repenser, secrètement à cette « Belle »C’était bien, c’était chouette !Cette période de fanatismeMais son coeur a pris des risquesCar la musique l’a épousé pour être dans sa toile D’Anne R LA FENETRE C’est une petite fenêtre, très petite même pour la vaste pièce qu’elle éclaire, entourée d’épais murs de pierres. La lumière qu’elle laisse entrer est douce. Les rayons du soleil traversent un rideau léger de dentelle fine. Lorsque la fenêtre est ouverte, le voilage ondule doucement. On dirait que la lumière danse.Quand parfois il pleut, la lumière décroît. On se croirait dans un aquarium. La chambre tout entière devient bleutée. Les murs sont d’ailleurs peints en bleu clair, leur surface irrégulière révèle d’incroyables nuances au petit jour. Formes oniriques qui s’effacent lentement.L’armoire, à droite de la fenêtre, dessine une ombre imposante qui sent la cire.Elle craque la nuit, au gré de ses humeurs et c’est rassurant.Lorsque j’ouvre les yeux, je baigne dans cette lueur de perle. Je regarde le carré de lumière, je tends les bras dans le lit et je sens à droite mon amoureux, à gauche mon frère. Endormis.Leur chaleur me réconforte. Nous sommes trois dans ce lit, et bien plus dans la chambre.C’est l’époque des copains, de la vie en communauté, au moins pour les vacances.Les autres dorment sur des matelas posés sur le plancher usé de cette maison de campagne centenaire. Petite troupe de rêveurs idéalistes et frondeurs déterminés à refaire le monde.Au moins en chansons.Face au lit, une guitare silencieuse est posée contre un fauteuil râpé. Son bois luit faiblement. Dans quelques heures, elle redeviendra le centre de notre monde, sa musique résonnera au milieu des autres instruments, accompagnée de voix joyeuses. On sent encore dans l’air froid l’odeur du feu de bois devant lequel la soirée s’est étirée. C’est une senteur âcre, puissante, qui imprégnera cheveux et vêtements, preuve tangible de ces moments partagés. De l’autre côté de la porte close, on entend presque encore résonner les notes de Pink Floyd, Cohen, ou Neil Young, jouées la veille devant la cheminée, dans la fumée des cigarettes et le parfum du café. Heures inoubliables volées au temps qui passe.La maison n’est pas très belle, ni grande. Elle est en pierres, mais biscornue, toute en escaliers raides, et sans confort. Les fenêtres n’ouvrent sur aucun beau paysage, elle est accolée aux autres maisons dans une impasse qui mène à un grand jardin rempli de cerisiers et de plantes sauvages. Plantée dans un village perdu, au milieu des collines et des bois de châtaigniers, enneigé chaque hiver.Hors du temps.Région éloignée géographiquement… Qui s’est aussi éloignée peu à peu dans le temps.Petite fenêtre, petite lumière dans la vaste chambre de cette maison perdue, il suffit que je ferme les yeux pour que, dans ma mémoire, soient convoquées de puissantes émotions.Gardienne de ces belles années enfuies, tu restes mon refuge intangible. Poème de Marie Dauguet, « Dissonance » proposé par Françoise T Dissonance, accords faux et les rayons aigus Du soleil perforant l’averse translucide; Rauque rumeur de bise et la complainte acide Qu’égrènent les pinsons en triolets têtus. Tout rit et pleure ensemble, étranges impromptus, Fins grêlons crépitants à l’horizon livide. Au ciel froid brusquement qui bleuit ou s’oxyde S’aiguisent, bistouris, des triolets pointus. L’étang capricieux obscurément s’azure, Où se mire le verne à la rouge blessure. Et, là-haut, tournoyant dans le vent embrumé, Fauve et hâve désir, s’éternise la buse, Vers la chanson des nids qui la tente et l’abuse, Ouvrant son aile maigre et son vol affamé. Poème de Maria Zaki, « Au seuil du nouvel an », proposé par Françoise T Au seuil du nouvel an Tout vient de l’horizon De nos vœux Aussi bien les vents violents Que le velours du temps Présence Fragrance Et beaux désirs Je te nomme Aimance La question est : Quel sens aurais-tu Si tu ignorais ton nom ? Comment sculpter ton souffle Offert sur un plateau Semi-transparent ? Comment protéger Ta quintessence Des vagues effleurant Tes contours à tout moment Et te mener doucement Aux contrées lointaines De l’imagination Quitte à en revenir Ou ne pas en revenir ? Poème d’Elisabeth Granjon, « Je ne comprends rien », proposé par Françoise T Je ne comprends rien Je comprends l’essentiel Je ris Et je tremble De cette nudité soudaine Je lâche les amarres Et je tremble D’une autre écume D’un incroyable vertige Et je tremble Non plus de peur Mais d’excitation A découvrir Une autre moi-même Comme vous avez pu le constater, les textes sont très variés cette semaine pour notre plus grand bonheur.Tout en préparant cette lettre d’envoi, j’ai écouté du tambour à langue pour me détendre. Cela m’a fait du bien et me détend. Je l’ai découvert car je cherchais des sons de tambour. J’adore ça, et j’ai craqué: je viens de m’en acheter un. Alors, quand j’en ressens le besoin, je joue dessus et j’adore le son qui s’en dégage.Au même titre que je pratique le yoga assidûment et la méditation régulièrement, ce son de tambour à langue apaise mon âme et agit sur mon corps comme une caisse de résonnance. Comme cela fait un bien fou! Ca vaut bien la musique rap ou je ne sais quoi des jeunes dont je suis quotidiennement abreuvée! Une musique de sauvages, comme aurait dit feu mon grand-père! Portez-vous bien, prenez bien soin de vous et gardons le moral ensemble! Créativement vôtre, Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE |