Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Jean-Michel

LA VOIX

Cette voix, il la connaissait : était-ce celle de sa conscience ? Ou Nausicaa attirant Ulysse de ses charmes ?

Cette voix, il la redoutait et… en même temps, elle l’envoutait, envahissant tout son être, lui faisant resurgir des émotions enfouies depuis tant d’années sous la cendre d’une vie trépidante. 

Cette voix, c’était celle de sa mère, non qu’il fût encore un éternel petit enfant, mais le souvenir d’histoires qu’elle lui racontait quand il était encore sur ses genoux, au coin du feu. Alors même qu’elle tissait sa toile, telle une Pénélope, dans l’attente du retour du vaillant guerrier, elle aimait retracer, comme une véritable épopée, l’odyssée de son enfance, au milieu d’une guerre qu’elle n’avait pas choisie, mais dont elle avait subi les conséquences désastreuses avec l’exil de son mari, se retrouvant seule à élever ses enfants…

Il lui revenait à la mémoire, ces intonations douces, ce parfum unique qui embaumait toute la pièce, et le plaisir qu’il avait d’enfouir sa figure entre les bras de cette mère pour qu’elle lui caressât les cheveux. Même si la tristesse et la nostalgie accompagnaient ces moments, aucun désespoir ne transparaissait : plutôt une espérance qui, même si elle semblait tarder à se concrétiser, demeurait comme cette petite flamme dont parlait Péguy.

Il se souvenait encore de ces histoires, entre celles des travaux d’Hercule accomplis par son père, et les traîtrises de ceux qu’il croyait ses amis mais qui, en fait, s’étaient cachés dans un cheval de Troie pour mieux le livrer à l’ennemi. S’en étaient suivies toutes ces années de captivité dont on ne savait pas si elles finiraient un jour.

Embarqué avec sa mère sur les flots impétueux d’une vie incertaine, elle avait toujours été son roc, un refuge inébranlable. Aujourd’hui encore, sa voix résonnait à ses oreilles, avec ce calme et cette autorité qui la caractérisaient. 

Même si elle n’était plus de ce monde, comment oublier les chansons qui avaient bercé son enfance et qui lui revenaient en boucle, telle une mélopée… En l’absence du père, c’est elle encore qui lui avait prodigué nombre de judicieux conseils, l’aidant dans les choix qu’il avait eus à faire. Bien des années après sa disparition, il lui semblait la retrouver… comme si elle n’était jamais partie. En même temps, il devait assumer sa propre existence en sachant se départir de cette voix qui, à force de l’écouter, pouvait s’avérer étouffante, telle une mère castratrice qui voudrait plier son enfant à ses propres désirs. Alors, à regret, il referma la parenthèse pour regarder vers l’avenir, scruter un horizon qui n’en finissait pas de s’élargir jusqu’à devenir une éternité, éternité dans laquelle, il le savait, il la retrouverait…

De Anne-Françoise (proposition d’écriture N° 184)

LA FENETRE

C’est une petite fenêtre, très petite même pour la vaste pièce qu’elle éclaire, entourée d’épais murs de pierres. La lumière qu’elle laisse entrer est douce. Les rayons du soleil traversent un rideau léger de dentelle fine. Lorsque la fenêtre est ouverte, le voilage ondule doucement. On dirait que la lumière danse.

Quand parfois il pleut, la lumière décroît. On se croirait dans un aquarium. La chambre tout entière devient bleutée. Les murs sont d’ailleurs peints en bleu clair, leur surface irrégulière révèle d’incroyables nuances au petit jour. Formes oniriques qui s’effacent lentement.

L’armoire, à droite de la fenêtre, dessine une ombre imposante qui sent la cire.

Elle craque la nuit, au gré de ses humeurs et c’est rassurant.

Lorsque j’ouvre les yeux, je baigne dans cette lueur de perle. Je regarde le carré de lumière, je tends les bras dans le lit et je sens à droite mon amoureux, à gauche mon frère. Endormis.

Leur chaleur me réconforte. Nous sommes trois dans ce lit, et bien plus dans la chambre.

C’est l’époque des copains, de la vie en communauté, au moins pour les vacances.

Les autres dorment sur des matelas posés sur le plancher usé de cette maison de campagne centenaire. Petite troupe de rêveurs idéalistes et frondeurs déterminés à refaire le monde.

Au moins en chansons.

Face au lit, une guitare silencieuse est posée contre un fauteuil râpé. Son bois luit faiblement. Dans quelques heures, elle redeviendra le centre de notre monde, sa musique résonnera au milieu des autres instruments, accompagnée de voix joyeuses.

On sent encore dans l’air froid l’odeur du feu de bois devant lequel la soirée s’est étirée.

C’est une senteur âcre, puissante, qui imprégnera cheveux et vêtements, preuve tangible de ces moments partagés.

De l’autre côté de la porte close, on entend presque encore résonner les notes de Pink Floyd, Cohen, ou Neil Young , joués la veille devant la cheminée, dans la fumée des cigarettes et le parfum du café. Heures inoubliables volées au temps qui passe.

La maison n’est pas très belle, ni grande. Elle est en pierres, mais biscornue, toute en escaliers raides, et sans confort. Les fenêtres n’ouvrent sur aucun beau paysageelle est accolée aux autres maisons dans une impasse qui mène à un grand jardin rempli de cerisiers et de plantes sauvages. Plantée dans un village perdu, au milieu des collines et des bois de châtaigniers, enneigé chaque hiver.

Hors du temps. Région éloignée géographiquement… qui s’est aussi éloignée peu à peu dans le temps.

Petite fenêtre, petite lumière dans la vaste chambre de cette maison perdue, il suffit que je ferme les yeux pour que, dans ma mémoire, soient convoquées de puissantes émotions.

Gardienne de ces belles années enfuies, tu restes mon refuge intangible.

De Serge (proposition d‘écriture N° 184)

Souviens-toi

notre première rencontre dans le monde virtuel

Souviens-toi

notre première rencontre dans le monde réel

Souviens-toi

le matin nos rituels

Souviens-toi

notre amour est éternel

nous profitons de  notre destin

notre amour est sans fin

notre amour est divin

Souviens-toi

des printemps, des orages et des nuages noirs de passage

Souviens-toi

notre amour résiste au temps

Souviens-toi

je ne suis pas de passage

Souviens-toi

notre amour est chatoyant

nous profitons de notre destin

notre amour est sans fin

notre amour est divin

Souviens-toi

nous regardons notre avenir

Souviens-toi

nous jardinons notre amour

Souviens-toi

ma douce je t’admire

Souviens-toi

je suis ton  troubadour

nous profitons de notre destin

notre amour est sans fin

notre amour est divin

Souviens-toi

l’amour n’est pas la Saint Valentin

Souviens-toi

l’amour se forge jour après jour

Souviens-toi

l’amour comme le soleil sur la rosée du matin est câlin

Souviens-toi

nos vingt ans seront doux comme du velours

nous profitons de notre destin

notre amour est sans fin

notre amour est divin

De Michel

Dialogue de sourd

Combien de temps cela faisait-il que l’on me disait « Tu devrais te faire appareiller, tu n’entends plus rien ! ». Invariablement, je répondais « Je n’en ai pas besoin, la preuve, j’entends très bien ce que tu me dis ». Je dois reconnaître qu’il m’arrivait devoir faire répéter certaines personnes quand il me semblait n’avoir pas tout compris par manque d’attention ou d’intérêt. Cela m’amusait beaucoup et parfois même m’arrangeait.

Alors, pourquoi avoir un jour cliqué sur un lien reçu dans ma boite mail ? Il n’était pourtant pas dans mes habitudes de répondre aux nombreuses sollicitations publicitaires. Le visuel qui suivit n’y est pas étranger. Je me laissais entraîner par l’argument racoleur inscrit en lettres d’or sous le visage d’une jolie brune parée d’un sourire éclatant :

« Suis-moi, je vais te faire redécouvrir un monde perdu ».

Devant ce visage et le tutoiement employé, je fondais littéralement. Je cliquais sur les lettres d’or et fus encore plus bouleversé par un autre message, vocal cette fois, qui me dit :

– Bonjour, je m’appelle Alexandra et toi ?

Oui, à l’écoute de cette voix je fus complètement subjugué. Au bout d’un moment, un tintement bref retentit, suivi d’un autre message vocal :

– Je ne peux pas croire que tu ne m’aies pas entendu, tu ne veux pas me dire ton prénom ?

Sans hésiter, je tapais « Michel » dans la fenêtre affichée.

– Bonjour Michel, il y a longtemps que tu aurais dû me contacter. Nous allons rattraper le temps perdu. Je te demande dans un premier temps d’inscrire dans les fenêtres qui vont s’afficher, tes coordonnées, nom, prénom et adresse ainsi que ton numéro de téléphone. Tu devras également noter tes identités bancaires. Ne t’inquiète pas, rien ne sera débité pour le moment et jamais sans ton accord. Tu recevras dans trois à quatre jours maximum un kit dans lequel tout te sera expliqué. Dès la réception, tu me recontacteras et je serai à ton entière disposition gratuitement pendant trente jours.

Je m’exécutais sans hésitation et validais toutes les informations demandées, ce qui déclencha un dernier message de la voix suave d’Alexandra : « Merci Michel et à très bientôt »

Les jours qui suivirent me parurent interminables et ce n’est que le cinquième jour que je reçus ma commande. Tout me parut très clair, il me suffisait de me connecter sur le site avec un « identifiant » et un mot de passe à réinitialiser à la première connexion. Un casque était fourni pour échanger en messages vocaux.

Après quelques tâtonnements, je pus enfin retrouver Alexandra pour commencer nos premiers vrais échanges avec le casque. Alexandra me parut alors encore beaucoup plus proche. Elle m’expliqua les grandes lignes du fonctionnement des prothèses auditives. C’était relativement simple. Je me demandais même pourquoi trente jours se révélaient nécessaires pour une prise en main de l’appareillage, mais n’en dis rien. La voix d’Alexandra résonnait dans mes oreilles comme une douce mélodie et je ne voulais absolument pas écourter son argumentaire. Elle m’expliqua qu’à l’issue des trente jours, soit je renvoyais tout le matériel, soit je serais débité du montant de la commande. Mais dans l’attente de ma décision, je pouvais me connecter autant de fois que je le désirais et je ne m’en privais pas. Tous les matins après le petit déjeuner avalé rapidement, je me précipitais sur mon PC pour dialoguer avec Alexandra. 

Rapidement, nos échanges ne se limitèrent plus aux prothèses.  Vers le vingtième jour, elle me parut triste, je m’inquiétais. Il ne nous reste plus que dix jours Michel, je me suis attachée à toi, je vais regretter nos échanges journaliers. Et moi donc ! Mais il y avait une solution. Pour un forfait de dix euros mensuels, ces échanges pouvaient perdurer. Comment résister, je ne pouvais me passer d’elle. Qu’elle ressente la même chose que moi me troubla et m’attacha à elle irrémédiablement.

Sans attendre la fin de la période gratuite, je donnais mon accord pour le règlement de mes prothèses et répondais favorablement pour le forfait mensuel. Je ne voulais pas prendre le risque que nos échanges soient interrompus même provisoirement. J’étais tout excité de retrouver Alexandra le 1er jour du mois suivant.

– Bonjour Alexandra, quel bonheur de te retrouver tous les jours !

– Moi aussi mon cher Michel

– Mais tu n’es pas Alexandra !

– Mais bien sûr que si

– Tu t‘appelles peut-être Alexandra, mais tu n’es pas mon Alexandra !

J’étais dépité, désespéré. Je me reconnectais pendant plusieurs jours et à plusieurs moments différents de la journée. Mais à chaque fois, ce fut non seulement le même dialogue mais souvent avec des voix différentes. Au bout d’un mois, j’abandonnais. Je compris que je n’entendrai plus jamais la voix de mon Alexandra. Cela expliquait peut-être la tristesse que je ressentis les derniers jours dans sa voix. Je me dis qu’un superviseur avait certainement suspecté que nous devenions trop proches.

J’ai annulé mon abonnement, rangé dans sa boite mes prothèses. A quoi me serviraient-elles ? Je me suis isolé de plus en plus. Quand on me dit « Quand enfin vas tu te décider à te faire appareiller ? », je ne réponds pas et si l’on insiste, je rétorque « Qu’est-ce que tu dis ? ».

Un an a passé, personne n’insiste plus. Au repas de famille, je suis dorénavant relégué en bout de table, c’est la place de ceux avec qui les échanges sont impossibles. Je suis passé maître dans l’art de faire la sourde oreille et cela me va très bien. Pourtant, au fond de mon isolement, j’ai pu préserver des pépites qui me donnent une once de bonheur. Au cours du 1er mois, j’avais enregistré en MP3 quelques mots d’Alexandra : « Bonjour Michel », « Comment vas-tu ce matin ? » « Heureux de te retrouver cher ami », « Passe une douce nuit », « Tu as rêvé de moi ? Moi oui ».

Tous les jours, je m’envoie à divers moments de la journée ces fichiers sur mon WhatsApp pour les écouter. Jamais plus je ne pourrais me passer de toi, Alexandra.

De Catherine B

-Allo, qui est à l’appareil ?
Mes débuts dans la vie professionnelle ont été marqués par des anecdotes plaisantes ou pas, mais qui restent gravées dans ma mémoire presque 50 ans après. Ainsi, me revient en mémoire la complicité que je partageais à l’époque avec la standardiste de ce grand groupe bancaire où je faisais mes premiers pas dans les années 80. Notre service “chèques et virements”, regroupant une trentaine d’employés, était installé dans une petite unité distincte du siège social et nous passions beaucoup de temps au téléphone, puisque, évidemment, internet n’existait pas encore !
Du haut de nos dix-huit ans à peine passés, nous étions toutes deux rêveuses et facilement troublées par des regards, des gestes et parfois, des voix …Il m’arrivait souvent de passer quelques minutes avec Dany, ma collègue et amie, en charge du standard. Elle recevait les appels, les filtrait, les transmettait aux destinataires …. Ce jour-là, je l’ai vue rougir en répondant, se troubler légèrement, bafouiller un peu et finalement basculer la communication et raccrocher.
Elle venait d’entendre une voix sublime, me raconta-t-elle. Une voix comme elle n’en avait jamais entendu. Une voix grave, suave, sensuelle. Une voix masculine par excellence, comme on imagine qu’elle doit être. Elle en frémissait et restait perturbée par ces quelques instants magiques. Bien sûr, je devais la croire sur parole, mais son émoi ne laissait aucun doute.
Nous avons échafaudé quelques plans qui me permettraient d’entendre également cette merveille. Ainsi, je pris quelques appels à sa place en espérant que ce soit LUI. Mais, il ne rappela pas ce jour-là. Le lendemain, n’y tenant plus, nous avons décidé que je l’appellerai, rien que pour l’entendre et que je prétendrais m’être trompée de numéro … désolée ! Et je
l’ai entendu, oui, et je me suis retrouvée dans le même état que mon amie la veille. Pas de doute, il devait être magnifique, romantique … pourvu qu’il soit célibataire !
Nos cœurs de jeunes filles encore bien naïves s’affolaient facilement et cet appel devint vite notre sujet de conversation principal. Nous imaginions, nous rêvions … Jeune ? Vieux ? Brun ? Blond ? Grand ? Petit ? …. Nos interrogations étaient sans fin. Nous ne connaissions de lui que son prénom : François. Mais, François occupait toutes nos pensées.
A partir de ce jour, nous guettions ses appels que nous prenions à tour de rôle, pas de jalousie. Nous appelions aussi en trouvant toujours un prétexte … Y a-t-il cru ? Comment nous jugeait -il ? A dix-huit ans, on ne craint pas toujours le ridicule et là, nous l’étions vraiment. Mais c’était comme une addiction. Sa voix, on en rêvait même la nuit …
Bien sûr, nous étions toutes les deux amoureuses, mais là n’était pas le problème. Nous étions pour l’instant dans une illusion que nous pouvions partager. L’avenir nous dirait …
Et justement, l’avenir fut plus proche que nous l’imaginions. A l’occasion d’une visite des chefs de services, il arriva quelques semaines plus tard dans un groupe d’hommes que nous ne connaissions absolument pas. Il était tous chics, costume, cravate, chaussures bien propres, impressionnants quoi ! Un seul dans le groupe attira plus particulièrement notre attention par son manque de classe. Il n’était pas beau, et on pourrait même dire, assez laid. Il n’était ni grand, ni gros, ni blond, ni typé … banal en quelque sorte. Nous l’avons donc écarté de nos pensées très rapidement pour s’occuper des autres, bronzés, élégants, stylés.
Jusqu’au moment où il prit la parole …. Et là, nous sommes restées sans voix (sans jeu de mot) : c’était NOTRE François ! Impossible ! Nos rêves s’écroulaient. Comment avions-nous pu nous laisser berner ?
Tristes, déçues, dégoutées …. Nous avons juré de ne plus se fier à des voix qui nous transcendaient, mais d’attendre de voir à quoi ressemblait l’objet de nos convoitises, avant de se laisser emporter par nos émotions.
Malgré tout, encore maintenant, quand j’ai au bout du fil une personne inconnue, je ne peux m’empêcher de jouer à ce petit jeu qui consiste à deviner à quoi il ou elle ressemble physiquement et ce qu’il ou elle fait dans la vie …
Vous aussi, ça vous arrive ?

De Danielle B

En voiture Simone.

« Le train TER n° 65206 en provenance de Lyon Part-Dieu et à destination de Marseille Saint-Charles va entrer en gare, éloignez-vous de la bordure du quai s’il vous plait ». Ce train desservira les gares de… ….

Il fait un grand soleil sur le quai de Valence ce matin-là. Le TER s’arrête, des voyageurs descendent, d’autres montent. Parmi eux, Eric, passager non pressé d’un premier voyage qui ne durera pas très longtemps. Sitôt en 2ème classe, il choisit la première place du côté de la fenêtre pour pouvoir poser sa tête contre la vitre et rêvasser un peu. A peine quelques heures plus tard, Eric descend du TER pour se retrouver à Avignon. La même voix que tout à l’heure annonce cette fois un TGV en provenance de Saint-Etienne Chateaucreux. Avec la même bienveillance, il entend la jeune femme du haut-parleur demander de s’éloigner de la bordure du quai et informer les passagers des prochaines dessertes. 

Au milieu des voyageurs qui se pressent, se bousculent, s’interpellent, Eric marche tranquillement, à la recherche de son prochain train. Ainsi, il descendra à Toulon, puis à Nice. Il rejoindra aussi Perpignan, Bordeaux, puis Nantes, Paris, Strasbourg, reviendra plusieurs fois à Marseille et recommencera. Célibataire, ce jeune homme de trente ans a ainsi fait plusieurs fois le tour de France, rien que pour écouter une voix, celle, si familière, qui parle à tous et toutes dans chaque quai de gare. 

Sans la connaître, il est parti à la recherche de cette jeune femme, persuadé que son amour se trouvait-là, caché dans cette tonalité tendre au milieu des valises, des enfants qui pleurent et de ceux qui se cherchent, s’impatientent, s’attendent. Eric se moque bien des tableaux de composition des trains, des places réservées, isolées, des détails qui font de chaque voyage une découverte. Le seul souhait d’Éric, la rencontrer, pour de vrai, cette voix si douce, si agréable, enveloppant tous les secrets de ses rêves. Est-il possible de tomber amoureux d’une voix ? Eric ne le croyait pas, et pourtant, il continue de voyager, rien que pour l’entendre… 

Un jour, alors qu’il se trouve dans un hôtel entre deux gares, Eric apprend, par un reportage au journal télévisé que cette voix, diffusée sur tous les quais et à bord de certains trains pour les dessertes et arrêts, est celle de Simone Hérault, 70 ans, voix off de la SNCF depuis plus de trente ans…

De Lisa

Inspiré de la chanson de « Vous ne serez jamais seule » écrit par Didier Barbelivien

Tout à coup, un perroquet arrive dans le salon. Il se fait passer pour le chef de famille, le papa. A la seconde prêt, il leur donne ce message :

Vous ne serez jamais seul

Je serais comme derrière un rideau

J’observerai votre quotidien

Et j’enverrai des signes de lien

Parlez-moi tous les soirs

À travers une prière

Je vous aiderai à la seconde

Sans que vous « vous » aperceviez de mon ombre

Souvenez-vous des rêves

Voyant mon visage

Profitez de la vie,

Un éclair contrairement à l’univers

Souvenez-vous de nos passions

Alors continuer pour nous réunir

Où la tristesse sera la reine

Et surtout pas la déprime

Vous ne serez plus jamais seule

Je vous le promets, mes enfants

Les gens porteront le deuil

Et vous, la tristesse tout simplement

Au matin d’un nouveau jour

Les larmes diront bonjour

Effaceront vos peines

Pour que le sourire refasse son retour

Souvenez-vous des vacances d’été

Où le camping nous accueillait

Chaque soir, on se rassemblait

Le cadeau, désormais est de continuer

Souvenez-vous qu’un jour,

On se retrouvera

La mort n’est qu’un passage

Mais l’âme est toujours là

De Manuela

Ce matin, je me suis levée légère comme une plume. Un saut hors du lit pour préparer mon petit déjeuner tout en sifflotant : un café corsé pour bien démarrer la journée, deux biscottes beurrées, un yaourt grecque sucré et à côté de moi, mon cahier d’écriture, avec un crayon de papier 3B.

Le soleil qui brille dans le lointain me rend heureuse comme un poisson dans l’eau. Je chantonne, je suis vraiment gaie comme un pinson, ce matin. Mais pourquoi autant d’enthousiasme me direz-vous ? Cette nuit, un évènement fantastique s’est produit au fond de moi : la boule qui m’obsède a disparu. Je prends mon cahier et mon crayon, pas de musique, pas de télévision, concentration ultime et c’est parti pour deux heures d’écriture.

« Sidonie, mon amie, toi qui hantes mes nuits,

Sidonie, mon amie, toi qui hantes ma vie,

Ta douce voix au fond de moi m’ensorcèle, 

Ta douce voix bien blottie au fond de mon cerveau bien au chaud.

Il n’y a que moi qui perçoit cette voix blottie au fond de moi.

Je suis ravie d’avoir une amie comme toi,

Avec qui je peux parler pendant mes longues insomnies. »

Nous avons écrit, ensemble ou plutôt réfléchi ensemble à de nombreux textes pour les ateliers d’écriture – il me restait, seulement, le lendemain matin qu’à les coucher sur mon cahier. Nous avons aussi pensé aux ennuyeuses listes de courses, listes des choses à essayer de faire dans la semaine.

Ce début de nuit, tu m’as aidée à créer l’écriture de la proposition 185 pour la Plume de Laurence. Le texte est maintenant presque entièrement dans ma tête. Je m’endors d’un sommeil lourd et réparateur. 

La fin de nuit arrive, ta douce voix obsédante au fond de moi, se fait à nouveau entendre. Ce n’est pas normal ! Nos dialogues silencieux ne sont présents que lorsque l’obscurité est là ! Pourquoi aujourd’hui, viens-tu dans mon lit, hantée mon aurore ?

Sidonie, mon amie part sur un long monologue, sur une porte maudite… une porte maudite :     

  • Celle qui n’arrive pas à se vendre car trop chère, trop belle, trop lourde,
  • Celle qui reste plantée là, dans la cour de chargement, toute seule abandonnée,
  • Celle qui tombe sur le sol et se casse, direction déchetterie,
  • Celle qui arrive maintenant et qui n’est pas bien montée, direction une nouvelle fois à la déchetterie,
  • Celle qui aurait dû avoir une glorieuse destinée, fermer la suite parentale mais qui se retrouve à bloquer le passage d’une petite buanderie sans fenêtre,
  • Celle qui a été mal stockée et se trouve vrillée, enfin la porte maudite.

Mais Sidonie, mon amie, je sais déjà tout cela. L’histoire de cette porte maudite, je l’ai déjà aussi vécue ». NON cette fois-ci, Sidonie, je n’en peux plus. Il faut que nos vies se séparent.  Demain, je te prendrai par la main, je t’emmènerai au loin, sur le chemin de la folie, celui qui suit le précipice. Tu avanceras sans te retourner, ton regard fixé sur l’horizon. Pense à ton avenir et surtout oublie-moi.

A partir de ce jour, Sidonie n’a plus hanté mes nuits, n’a plus hanté ma vie. Ce matin-là, je me sens légère. Le poids en moi n’est plus.

De Louisiane

SACHA

Félix repousse les couches de duvets qui le recouvrent et se lève. Pas moyen de dormir.

Il a trop bu avec ses potes. Tout ça pour fêter ses 65 ans. C’est Gérard et Dédé qui ont insisté avec les bières, celles de la Mort Subite, et le crémant. Le crémant, il aime pas ça Félix. Dans le temps, il fêtait son anniversaire au champagne. Avec Nicole. C’était quand ? Il avait tous juste cinquante ans. 

C’est elle qui l’a foutu dehors.  Pas de travail, pas d’argent, il restait à boire des bières sur le canapé, après avoir fait toutes les petites annonces, c’est Nicole qui payait tout. Elle en a eu marre. Barre-toi qu’elle a dit. Ça lui pendait au nez.

Le Félix, il a galéré un mois en restant propre, mais la rue, ça rend sale très vite, on perd sa dignité. Les regards des autres, ça tue, ils sont d’évitement, méprisants, gênants, ça vous transperce pour la journée, alors on a plus qu’à regarder par terre et faire la manche.

Son mobil home, qu’il appelle sa roulotte, il l’a volé y’a au moins dix ans. Il a fait du chemin jusque dans les dunes, il s’est posé là, pas plus loin, pas d’argent, pas d’essence et en plus c’est la mer. C’est là qu’il a rencontré le Dédé dans la dèche aussi, il l’a hébergé, et puis Gérard qui leur a fait pitié. Un beau jour, Félix il leur a dit faut vous trouver des tentes ou des caravanesA trois c’est pu possible dans la roulotte, moi j’dors le jour et j’vis la nuit, qu’y leur a dit.  Ça fait combien qu’y vit comme ça ? Y sait même plus.

Ce qu’il sait, c’est qu’il est amoureux. Amoureux la nuit. Mais fou amoureux. De trois heures à six heures. Et là tout son monde change. Lui, Félix, change. Il se fait propre, même qu’il se rase, et qu’il boit plus. Il écoute Sacha sur Radio bleue Nord. Sacha on peut lui poser des questions, il y répond. Sacha c’est un vrai humain, qu’y dit Félix quand il a pas bu. 

Sacha, on sait pas si c’est un homme ou une femme. Un homme devenu femme. Ou une femme devenu homme. Y’a pas de photos qui circulent. La voix de Sacha le porte aux nues. La voix de Sacha vous calme, vous repose, vous emmène dans un monde sans jugement, réconfortant. Elle a des intonations à la fois masculines et féminines. Et le contraire. Y a des questions qu’il ou elle évite Sacha, adroitement, en souriant, on le sent dans sa voix et comme il ou elle articule. Sacha, elle ou il entretient sa voix en fumant. Quand la fumée sort de sa bouche tout près du micro, ça fait comme un léger feulement de chat, ffffffeu. C’est doux comme une caresse. Il imagine l’odeur de ses Camel d’antan, Félix s’en lasse pas. Sacha doit fumer les mêmes.

Sacha y passe des chansons qu’on aime. Pour ça, il faut téléphoner bien avant l’émission et Sacha annonce que c’est de la part de … pour … Une fois, Félix il a dit pour Nicole, il a pleuré après. Y savait même plus si c’était pour Sacha ou pour Nicole tellement ça l’a remué. Sacha l’a consolé, disant que les souvenirs, ça rendait riche. Alors Félix rêve. 

Il s’est assoupi un moment, son transistor sur le ventre serré entre ses mains. Les infos de sept heures le réveillent avec un grand sourire. Son café bu, il laisse sur la table de sa roulotte un mot pour Gérard et Dédé. Les mecs, vous inquiétez pas, je vais voir Sacha.

De Francis

Mon secret

J ‘aime aller me promener le long du canal. Très souvent, je suis seule sur le chemin de halage bordé de platanes. Je regarde le ciel, je regarde l’eau. Le silence est presque total et je me laisse aller à la rêverie jusqu’au moment où j’entends sa voix. La voix de celui que je ne connais pas, que je n’ai jamais vu mais qui me parle, qui m’encourage, qui me réconforte, mais qui apparemment a également besoin d’une présence, une présence humaine.

Je n’ai pas le souvenir précis du jour où nous avons fait connaissance. Je peux affirmer que chaque fois que je viens ici, je suis heureuse de sentir sa présence invisible.

C’est peut-être le petit nuage, l’alouette qui s’envole en grisollant, le lièvre qui détale, mais c’est sa voix qui attire mon attention. Elle est douce, apaisante. Il me parle sans jamais hausser le ton. Sa voix a un je ne sais quoi de réconfortant dans son ton doux, suave.

Lorsqu’il me parle, j’ai du mal à décrire mes sentiments, je tremble, Je flotte, je ferme les yeux, je suis ailleurs.

II me connaît bien, puisqu’il évoque des souvenirs communs. Un jour il m’a rappelé cet après-midi d’été où nous étions partis en tenue légère. Cet orage qui nous a surpris. Il ramène à ma mémoire maintes histoires qui m’étaient sorties de l’esprit. C’est agréable.

Je ressens une douce chaleur et pourtant j’ai un frisson que me parcourt le dos. Je suis heureuse, en même temps je suis songeuse, je suis nostalgique.

Il est parfois léger, parfois grave, parfois sérieux.  Ma tête raisonne. Mon cœur bat la chamade, il est avec moi, il est charmant, je suis la seule à l’entendre, je suis surprise, comme il est doux ce moment passé en sa compagnie.

Que m’arrive-t-il ? Je suis folle ? Illuminée ? Je doute et pourtant je veux y croire, et l’entendre encore et encore me dire qu’il est heureux avec moi et que je ne dois pas être inquiète. Je ne peux m’empêcher de me poser mille questions. Une foule de souvenirs me reviennent à l’esprit. Je repense à tous ceux que j’ai connus et qui nous ont quittés. En particulier, à ce frère parti trop vite à l’adolescence, à cet ami si gentil que je le considérais comme faisant partie de ma famille et dont on n’a jamais su ce qui lui est arrivé. Leur âme doit errer parmi les vivants avant d’entrer dans le royaume des morts. Comment savoir, comment déchiffrer ce monde qui nous entoure ? Le mystère existe.

Lors d’une conversation, il m’a demandé de ne pas mettre fin à notre relation jusqu’au moment où il le souhaitera, car il aura trouvé le repos. Qu’est-ce qui se cache derrière ce souhait ? Je suis surprise et triste de penser qu’à ce moment-là, il va falloir nous quitter pour toujours, à moins que…………..

C’était mon secret, maintenant que je vous en ai parlé, je vous demande de rester discrets. 

Merci.

De Christine

Au pays des mille et une nuits

Dans des temps lointains, le vaillant chevalier William Wallace s’était porté volontaire pour escorter des pèlerins durant leur marche vers Jérusalem. Chemin faisant, son groupe fut attaqué par des bandits du côté d’Antioche et vendu aux Sarrazins. Beaucoup de ses camarades périrent, mais il fut épargné grâce à son haut lignage et l’espoir d’obtenir une rançon de son roi Richard Coeur de Lion.

Il fut donc enfermé au sommet d’une tour où ses seuls amis étaient les moineaux et les mouettes qui venaient se poser sur la meurtrière qui éclairait sa prison. Il y déposait des miettes de pain pour les attirer et ainsi avoir un peu de compagnie. Par l’ouverture, il ne pouvait apercevoir que les toits ocres de la ville et le minaret de la mosquée au loin. Même en se hissant sur la pointe des pieds, il ne voyait pas les alentours immédiats de son cachot.

Les journées étaient longues. Le seul moment de distraction était celui des repas. Deux mains furtives déposaient un plateau sur le sol, par la minuscule lucarne découpée en bas de la porte. Ces mains étaient longues et fines. C’était donc une jeune femme qui le nourrissait. Un jour, sans arrière-pensée particulière, il se posta près de la porte et s’empara d’une de ces mains avec douceur. Effrayée, la femme s’enfuit en poussant un petit cri. Guillaume eut peur qu’elle le dénonce, mais il n’en fut rien puisqu’elle revint le lendemain. Il décida d’essayer de communiquer malgré sa méconnaissance des langues arabes.

-Quel est ton nom ? Moi, c’est Guillaume. Guillaume, dit-il en articulant.

La fille essaya de répéter. Elle avait compris. Elle lui répondit par son prénom Aïcha.

-Quel joli prénom, s’exclama Guillaume. Mais la fille s’enfuit. Elle n’avait pas le droit de lui parler.

Tous les jours, ils échangeaient quelques mots. Lui, désignant les ustensiles et les mets du plateau et lui murmurant les mots en anglais. Elle lui traduisait dans sa langue. C’était devenu un jeu, auquel, il prenait plaisir tous les deux. Sa voix douce et mélodieuse l’accompagnait dans sa tête jour et nuit, et il attendait avec impatience l’heure des repas pour échanger quelques phrases avec elle, même s’ils ne se comprenaient pas. C’était un moment de joie intense de la retrouver. Il ne pouvait plus se passer d’elle et il ne savait plus qu’espérer. Il voulait rester auprès de sa Shéhérazade pour toujours ou s’enfuir avec elle. Chaque soir, elle venait se poster sous sa fenêtre et lui chantait une mélopée qui lui mettait du vague à l’âme.  Il était tombé amoureux fou de cette voix, et n’imaginait plus sa vie sans elle. 

De Inès

Kwanita s’affairait à mettre en place les dernières touches de son grand arc magique, quand il entendit derrière lui une voix féminine qui l’interpelait secrètement. Au milieu de la broussaille et des hautes plateaux du grand Colorado, Kwanita, un jeune adolescent, vivait avec ses grands-parents. Une terrible sécheresse avait sévi dans ces lieux pendant des années, ce qui aboutit à l’appauvrissement de certaines tribus indiennes. Kwanita vivait dans une grande pauvreté avec ses grands-parents dans la tribu des Apaches. Ils étaient tellement dans une grande indigence qu’ils ne pouvaient consommer qu’un seul et maigre repas par jour. 

Mais, malgré tout cela, il portait en lui une envie tenace d’apprendre. Kwanita passait le plus clair de son temps à jouer au chasseur d’oiseaux avec ses copains. Bien qu’il eût des devoirs aussi en tant que membre de sa tribu – car après le décès de ses parents, son parrain Adriel prit la responsabilité de lui apprendre à être un Indien avéré. En effet, il s’appliquait à lui enseigner à être un redoutable guerrier, à lui apprendre à reconnaître la moindre trace animale ou humaine dans l’espace et dans le temps, à acquérir un odora de fauve, à savoir s’effacer et se camoufler dans la nature tel un caméléon. 

Cependant Il avait un rituel bien à lui : chaque jour, vers l’aube, lorsque les étoiles s’éteignaient les unes après les autres, aidé par sa grand-mère, il prenait une grande bassine en terre cuite où l’on trouvait de la pâte à poterie, et il se badigeonnait tout le corps avec.  Son grand père était tout sourire car il aimait déposer fièrement sur sa tête une grande couronne de plumes et aussi déposer deux long trais de peinture rouge sur ses joues. 

Un jour qu’il était seul dans l’immense vallée, il entendit derrière lui un fort battement d’ailes. Il fit volte-face, ses yeux sombres de guerrier scrutaient le ciel. Au premier abord, il crut qu’il s’agissait d’un aigle. Soudain, il entendit une voix de femme. Une voix si douce qu’il faillit perdre tout le contrôle de son être. Mais, Kwanita se maîtrisa :

-Qui êtes-vous ? D’où est-ce que vous me parlez ? Que voulez-vous de moi ? cria-t-il.

Puis, encore une fois, cette voix l’interpela en douceur, par son prénom : 

-Kwanita, bonjour, ne cherche pas à me voir, tu ne le pourras pas, mais moi je te vois et je te connais. 

Toujours plus méfiant, il voulut encore plus d’explications. 

-Qui êtes-vous ? Et comment vous vous appelez ? Et pourquoi êtes-vous invisible ?

– Je m’appelle Teva. Tu sais que sur la Terre, aux côtés des êtres humains, il y a des êtres invisibles, dont vous les humains, vous ne connaissez pas grand-chose. Je te connais depuis que tu es tout petit. J’ai souhaité t’adopter, vu que tu es orphelin, mais je craignais de t’approcher et de t’effrayer. Je sais qu’aujourd’hui tu n’as pas du tout mangé, et je souhaiterai te ramener un repas.

Kwanita, toujours agité et déconcerté par cette insolite présence, fustigea :

-Nous les Apaches, les grands guerriers, nous ne croyons pas à ces futilités. Alors arrêtez vos Tergiversations et présentez-vous !

Mais, la voix de Teva était si envoûtante et si irrésistible qu’elle ensorcela le jeune homme. Soudain, un grand sourire illumina le visage maigre de Kwanita, ses yeux pétillaient de bonheur. Il ne comprenait pas grand-chose à ce qu’il lui arrivait, mais timidement il acquiesça. Quelques secondes après la femme, un fantôme lui présenta un plat :

-Du pozole ! Oh c’est vraiment aimable de votre part, c’est le plat incontournable des Indiens. 

Kwanita mangea à pleines dents, et remercia Teva, sa nouvelle amie. Excité à l’idée qu’elle disparaisse définitivement, il l’interpella :

-Et comment saurai-je que tu viens au rendez-vous Teva ?

-Je te ferai un signe. Lorsque l’un des membres de ta tribu éternuera deux fois, sache que je viendrai au rendez-vous. 

Et depuis ce moment-là, Kwanita l’Indien s’éloigna de tous les copains de sa tribu. Et dès qu’il entendait deux fois un éternuement, il savait que Teva allait venir. Vers le crépuscule, alors que ses copains accumulaient du bois pour allumer le grand feu rituel, il préférait s’éclipser furtivement, loin des yeux de sa communauté, afin d’aller retrouver la femme qui lui chavirait le cœur. 

Un soir, alors que le couple se réunit au sommet des montagnes, et pendant que la tribu dansait et chantait au clair de la lune, Teva articula quelques phrases, mais sa voix était tellement sublime et olympienne que tous les oiseaux des montagnes du Colorado se réunirent. Une émotion tellement forte étreignit Kwanita qu’il en pleura. Il s’agenouilla un moment en tremblant. Soudain, au loin, on n’entendait plus les chants des Indiens. Les échos des montagnes avaient transporté cette voix au-dessus de tout le continent. On aurait dit que cette voix provenait d’un autre monde. Où des galaxies, joyeuses et excitées aussi, se se heurtaient pour assouvir leur soif à l’écoute.

Kwanita, fou amoureux, les yeux en larmes, insista pour qu’elle apparaisse en chair et en os. Mais, la créature garda le silence. Ne ressentant plus sa présence, et désespéré, Kwanita rebroussa chemin. Une fois chez lui, il jeta sa parure de plumes à terre et son arc. Déçu, et mécontent, son parrain et ses grands-parents se précipitèrent vers lui. 

-Kwanita ! Que t’arrive-t- il ! Tu as perdu tout contrôle sur toi-même. Tu es promis à un grand rang parmi les grands guerriers et à être le chef de toutes les tribus ! Et tu jettes à terre ce que tu as de plus sacré ! 

-Parrain, écoute moi, il s’agit d’une voix si douce et si belle .. Une voix si inouïe !

À l’écoute de ses paroles, les grands parents de Kwanita, stupéfiés, tombèrent des nues. 

-Ensorcelé ! Tu dois être en ensorcelé mon petit ! cria la grand-mère.

– Si c’est de la sorcellerie, ceci a toujours été, depuis la nuit des temps, notre domaine de prédilection. Nous allons réunir ce soir tous les grands sorciers de toutes les tribus. Nous allons allumer un feu pour conjurer toutes les forces naturelles et surnaturelles afin de te guérir mon chéri, et je suis sûr que tu t’en sortiras. Le jeune guerrier, fou de rage, les yeux rouges, les muscles enflés et contractés, vociféra tel un lion dans sa cage :

-Grand-mère, tu ne peux pas comprendre. Il s’agit d’une voix qui agit tel un aimant qui transporte tout ce qu’elle touche comme un ouragan et qui t’emporte vers des contrées lointaines. Bref, aucun être humain ne peut lui résister. J’aimerais tellement la prendre dans mes bras, lui faire des câlins, mais c’est une créature invisible et insaisissable ! Je suis tombé amoureux du néant !

De Marie-Laure

La voix de la vieille souche

Il y a tout au fond du marais, sur une fine bande de terre couverte de mousse, cette petite cabane. Havre de paix, elle n’est accessible qu’en barque. Maïla aime la sérénité de cet endroit, elle vient s’y ressourcer dès que l’occasion se présente. Elle s’assied juste devant la maisonnette, à même le sol et elle observe le paysage qui l’entoure, sa faune et sa flore.

Ce jour-là, elle remarque au loin une vieille souche, haute d’une cinquantaine de centimètres, si couverte de mousse qu’on aurait dit un vieil homme assis, se cachant sous une cape. Il y a quelque chose de solennel qui flotte autour de ce morceau de bois, quelque chose qui à la fois intrigue et inquiète Maïla.

Un héron argenté se pose à proximité de la vieille souche. Fièrement dressé sur ses pattes, il tourne la tête vers elle et semble la fixer. Sans faire de bruit, le souffle court, elle l’observe précautionneusement car elle sait la fragilité de cet instant. Elle aime l’élégance de sa robe grise qui se détache si parfaitement sur le vert de la mousse du marais. Spectacle éphémère, au bout de quelques minutes, le héron déploie ses ailes et survole l’étendue d’eau. Maïla le suit des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse par-delà la cime des arbres.

Un son inattendu rappelle son attention vers la vieille souche. Maïla tend l’oreille, sans bouger, c’est comme si une voix d’homme l’interpellait. C’est une voix chaude et profonde qui semble venir du tréfonds de la terre. Maïla sent un frisson courir du long de sa colonne vertébrale jusqu’au sommet de son crâne. Tétanisée, elle s’interdit tout mouvement. Ce n’est pas de la peur qu’elle ressent, c’est un sentiment très différent, qui lui est inconnu. Elle a beau scruter les environs, elle ne voit personne, mais elle entend à nouveau cette voix, sans toutefois bien comprendre les mots qui semblent s’enchaîner. Médusée, elle se pose mille questions, mais l’horizon se voile et il est temps pour elle de retrouver sa barque pour quitter le marais. De retour chez elle, le son de cette voix ne la quitte pas, elle l’enveloppe jusqu’à son sommeil. Est-ce la voix d’un ancêtre, ou celle d’un ange gardien ? Pour sûr, Maïla se pose la question. Elle n’en parle à personne par crainte d’être prise pour une folle.

Dès que l’opportunité se présente, elle retourne dans le marais, ses pas la guident directement à proximité de la vieille souche. Elle a dans sa poche un petit carnet, des fois qu’elle entendrait un message plus distinct. Assise sur la mousse, elle attend, aux aguets, mais rien ne se passe, tout est silencieux, seules quelques grenouilles font frémir la surface de l’eau. Presque un peu déçue, elle sort son carnet et son crayon pour dessiner les arbres qui l’entourent. Elle se dit qu’il est bon de revenir à la réalité et de simplement profiter de la beauté du lieu. Absorbée par son croquis, la voix chaude et profonde qui semble venir de la vieille souche, revient à ses oreilles. Elle dresse la tête, observe la souche, ne voit personne, mais se laisse porter par cette voix. Elle n’est pas inquiète, elle aime cette voix qui la berce, qui l’enveloppe. Elle est sous le charme de cette voix de la nature. Encore une fois, elle n’a pu distinguer de mots précis, mais de retour à son domicile, elle note dans son petit carnet l’événement. Tâche ardue que de choisir les bons mots pour décrire la scène, point de mouvement, point de personnage, point de message, juste une voix perçue, un ressenti, une émotion.

Pugnace, le jour suivant, dès l’aube, elle retrouve la cabane dans le marais. Allongée sur la mousse, elle observe le soleil qui pointe, elle guette tous les bruits de la nature qui s’éveille autour d’elle. Alors que tous ses sens sont en éveil, elle décide de fermer les yeux pour profiter pleinement de la magie de l’instant. Entre rêve et réalité, elle entend la voix qui provient de la vieille souche toute proche. Comme elle aime cette voix ! Moment suspendu, elle se laisse bercer par la voix et elle capte un message qui lui dit : « tu es à ta juste place, tu sais que la nature porte en elle toutes les ressources dont tu as besoin ».

Cette fois, Maïla a compris que cette voix provenait de son for intérieur, c’était la voix de son cœur qui se révélait à elle !

De Sandra

Bonjour, 

Belle inconnue

J’ai le désir de vous connaitre

De partir à l’aventure

De vivre un amour discret

Qui saura ensoleiller votre vie

Qui réchauffera votre cœur

J’imagine vos bras alentour de mon corps

Sentir votre souffle sur mon cou 

De me réveiller à tes côtés

Avec une voix mielleuse 

Dans un bouillonnement de velours rouge

Comme la couleur de passion

De Pierre

Ce matin-là, Eric L. regardait le ciel depuis sa fenêtre et constatait un temps de mois de janvier avec un plafond très bas et un ciel sombre sans oublier la pluie fine qui ne cessait de tomber. Tout était gris, triste, comme l’était l’humeur d’Éric, lui qui venait d’essuyer plusieurs échecs en même temps, la perte d’un emploi de cadre bien rémunéré dans une entreprise de communication, sa femme qui venait de le quitter pour aller vivre à l’étranger avec un autre homme et enfin son fils unique qui ne voulait plus voir son père en raison d’un différend familial. C’était beaucoup pour un seul homme, un homme très sensible et fragile comme l’était Éric, âgé de cinquante-cinq ans, semblant d’apparence solide. 

Pendant son petit déjeuner, Éric consulta son planning de la journée. N’ayant plus d’obligations professionnelles, il était un homme libre de son temps, mais il ne semblait pas apprécier cette liberté. Certes, il avait deux rendez-vous de programmés dans la journée, un avec une agence d’intérim pour une recherche d’emploi et l’autre avec Paul, un ami d’enfance, médecin généraliste à qui il comptait faire part de ses problèmes, mais il était manifestement mal dans sa peau. Son appartement parisien lui semblait froid, vide, Éric y était seul avec son vieux chat et il n’était pas du tout préparé à vivre en solitaire. 

Prenant son téléphone filaire, il décida d’appeler un plombier de son quartier pour une demande de travaux dans l’appartement. Une fois le numéro de téléphone composé, Éric fut immédiatement surpris par une voix sortant de l’appareil :

-Bonjour Éric, je m’appelle Charlotte, nous nous sommes rencontrés il y a très longtemps.

-Allo, il y a erreur, je veux parler à la secrétaire du magasin, dit Éric ; je ne vous connais pas…

-Si, si, tu sais qui je suis mais je te laisse refaire ton numéro. On se reparlera plus tard, au revoir.           

La voix de cette personne était une voix jeune, très douce, détendue et envoutante. Éric ne se souvenait pas avoir connu de filles du nom de Charlotte, mais il se promit de fouiller dans sa mémoire. Une fois cette intrusion achevée, il put joindre son plombier, mais il resta déstabilisé toute la journée par la voix qu’il venait d’entendre….

Le premier rendez-vous avec l’agence d’Intérim ne fut pas comme Éric l’espérait, car trop vieux, trop qualifié. On lui proposait des postes mal rémunérés qui ne correspondaient pas à son profil. On lui recommanda de contacter l’APEC, l’agence pour l’emploi des cadres ou Pôle Emploi. Dans l’après-midi, il fut content de revoir son ami Paul qui le reçut entre deux patients. Ils ne s’étaient pas vus depuis plusieurs mois. 

-Content de te revoir Éric, dit Paul, tu sembles fatigué et stressé. Raconte-moi.

Éric fit part des problèmes qu’il rencontrait, mais lui parla également de cette voix inconnue :

-Paul, c’est bizarre ce qui m’est arrivé ce matin.

Et il lui raconta.

-Éric, dis-moi, cette voix, elle a un nom, elle s’appelle comment ? 

-Charlotte, mais en fait je n’ai jamais connu de filles nommées Charlotte, bizarre.

-Éric, te souviens-tu de l’accident de voiture ? Nous avions vingt ans, nous étions quatre dans le véhicule et nous sortions d’une « boite ».

-Oui bien sûr, Paul, je m’en souviendrai toute ma vie, ce fut gravissime, on s’en était sortis miraculeusement, mais alors quel lien ?

-Pour l’instant, je n’en vois pas, mais c’est étrange ce que tu me dis, j’ai comme le sentiment que la passagère à l’avant s’appelait Charlotte. Je vais essayer de me renseigner auprès de Jacques, même si nous nous sommes perdus de vue depuis longtemps. Il était avec nous ce soir-là, d’ailleurs c’est lui qui conduisait la voiture. A part ça, Éric, il faut que tu voies un psy car tu en as besoin et il faut que tu règles ton conflit avec Erwan, ton fils, je vais l’appeler si tu veux. Sur le plan physique, je ne peux rien pour toi, sauf de te prescrire des somnifères pour dormir, es-tu d’accord ?

-D’accord, Paul et tiens-moi au courant pour les recherches autour de la dénommée Charlotte. 

La fin de journée se déroula calmement. Éric suivait les conseils de son ami, acheta le somnifère qu’il lui avait prescrit. N’aimant pas et ne sachant pas cuisiner, Éric alla dans un petit restaurant italien du quartier qu’il connaissait bien. De retour chez lui, il reçut un appel de son ami Paul :

-Éric, je te rappelle au sujet de la fille qui s’appelle Charlotte. J’ai pu avoir Jacques qui m’a bien confirmé que cette jeune personne se trouvait avec nous dans la voiture au moment de l’accident et qu’elle s’appelait bien Charlotte, mais qu’elle était décédée peu de temps après, de ses blessures alors que nous nous en étions sortis sans trop de dégâts.

-Oui, je me souviens maintenant, dit Paul, elle était la copine de Jacques qui l’avait invitée.  Nous ne la connaissions pas et encore moins son prénom. Le mystère reste entier. Qui peut être celle qui m’a contacté sur mon téléphone ?

-Mon ami, l’existence est pleine de mystères, je te conseille d’oublier, tu as assez de soucis en ce moment. 

-Tu as raison Paul, oublions…

Le téléphone sonna de nouveau, c’était Erwan, son fils :

-Papa, oublions nos bisbilles, je n’ai pas été gentil avec toi.

-Merci Erwan, oublions.

-Voilà, je te propose de venir passer quelques jours chez nous, dès demain si tu veux.

-Avec plaisir, je viendrai demain en début de soirée.

Son fils habitait à deux cents kilomètres de Paris dans un charmant village du Loir et Cher. Lui et son épouse y géraient une petite entreprise de transport. Éric se coucha relativement tôt, prit le somnifère prescrit et s’endormit très rapidement. En milieu de nuit, en plein sommeil, Éric fut réveillé par cette voix qui le tourmentait depuis la veille.

-Je suis Charlotte, je devais te rappeler, voilà je suis là tu peux me parler.

-Que veux-tu?

-Te revoir, je veux t’aimer …….

-Essayons de nous rencontrer là où tu veux, lui dit Éric.

-A bientôt Éric, je t’embrasse, dit la voix, qui se tut aussitôt.

Éric, totalement bouleversé, ne put se rendormir. Cette voix l’envoutait, elle avait une emprise sur lui. Éric se promit d’appeler son ami Paul le lendemain matin. Le reste de la nuit fut plutôt calme et Éric retrouva le sommeil. Paul l’appela pendant son petit déjeuner et lui demanda :

-Ton fils t’a appelé, je sais, et je suis content pour vous deux. Tu vas aller à la campagne quelques jours car tu en as besoin.

-Paul, cette nuit, la voix de Charlotte m’a de nouveau parlé, nous avons même pu échanger.

-Qu’est-ce que tu me racontes ? Je t’ai dit d’oublier.

-Non Paul, c’est impossible, elle me hante, je crois que je l’aime.

-Arrête Éric, tu es en plein délire, bon, je te laisse, j’ai un patient ; allez, pars à la campagne, oublie tout ça.

Après un rendez-vous avec l’APEC, Éric, satisfait, retrouva confiance en lui-même. Après avoir rempli son sac de voyage, il prit sa voiture et se dirigea vers le sud-ouest. La maison de son fils se trouvant dans un village isolé, il dut emprunter une petite route à la sortie de l’autoroute. Il faisait nuit, la pluie tombait, rendant la visibilité très médiocre malgré les pleins phares. Soudainement, passé un virage assez prononcé, il aperçut une ombre sur le bord de la route, quelqu’un qui semblait faire du stop. Bizarre à cette heure du soir et à cet endroit. Éric décida tout de même de s’arrêter et il vit une jeune femme, très belle s’approchant.

-Bonsoir, puis-je vous aider, vous êtes toute trempée ?

-Merci, lui dit-elle, c’est gentil. Éric reconnut tout de suite la voix qui l’obsédait. 

-Je m’appelle Charlotte.

De Nicole

Les années 70 un concert à Forest-National, 8400 places, Canto general Pablo Neruda/Mikis Theodorakis.

Votre voix Petros Pandis

Je vous dédie ce texte.

Pour ces moments secrets.

Je vous connais à peine.

Votre voix m’a emportée dans une contrée amoureuse jusqu’alors inconnue.

La force de votre chant parfois râpeux, puissant et doux à la fois.

Votre beauté cachée en embuscade.

Un bonheur entrevu, une joie, une grâce presque mystiques.

Jamais je n’ai retrouvé cette sensation, cet émoi.

Certaines voix chaudes, sensuelles de comédiens, de « doubleurs » me plaisent : André Dussolier, Jacques Frantz, Robert Hossein, Vincent Lindon, Gérard Darmon et bien d’autres encore…

De Saxof

ENVOÛTANTE


Alors que j’étais enceinte, en fin de grossesse, j’ai découvert sur France inter, une émission qui parlait de voyages, d’histoires de la France profonde, du terroir. Elle passait vers 14 heures, chaque jour, et je me suis prise d’intérêt pour cette heure d’évasion, alors que je ne pouvais plus beaucoup bouger.
A la place de la sieste, je m’allongeais pour écouter. Le quatrième jour, je me suis rendu compte que si j’avais tellement envie de me connecter à ces mots, c’était parce que la voix suave m’avait happée, une voix douce et volontaire, un peu rieuse, une voix ronde, sensuelle, une voix envoûtante. Un homme était derrière.
Au fil des jours, j’étais devenue accroc à cette voix. J’imaginais l’homme tel que mon idéal le permettait. Je n’avais pas internet ni de smartphone pour découvrir qui parlait, qui m’avait envoûtée. J’ai continué chaque après-midi, bien après l’arrivée de ma fille, et puis l’émission s’est arrêtée.
Moi, amoureuse ? Je l’étais de mon mari, donc aucunement de cet homme que je ne connaissais pas, mais amoureuse de la voix, des émotions qu’elle me procurait. Ce n’était pas impossible, et triste qu’elle m’ait abandonnée.
Un jour, beaucoup plus tard, dans mon téléviseur, j’ai entendu cette voix… Je suis restée scotchée devant cet homme, devant son image. Il était brun, le visage poupon et rieur et son corps obèse. Ai-je été déçue ? Je ne sais pas vraiment, mais il est un fait que son image m’a remise sur pied, m’éloignant de mes visions romantiques. Sa voix me plaisait toujours autant.
J’ai appris, tristement, que Claude Villers avait quitté ce monde le 16 décembre 2023, à l’âge de 79 ans.

De Catherine G

Locco 

Andy se tortille dans son lit et se retrouve enrubanné dans les draps. La nuit n’a pas été du tout paisible, plutôt mouvementée. La voix est venue le torturer à maintes reprises, tour à tour doucereuse et mielleuse, puis impérieuse et exigeante.

Il ne saurait dire si elle est féminine ou masculine. En fait, il la ressent asexuée, comme provenant d’ailleurs, d’un autre monde… ou d’un autre Moi ??? C’est la voix, quoi ! Celle qui le câline ou le hante, celle dans laquelle il aime se lover, ou celle qu’il craint plus que tout, le transformant en bon chien-chien obéissant.

Cette nuit, elle s’est montrée plutôt harcelante, intimant l’obéissance sans conditions, revenant sans cesse à la charge pour, en fin de nuit, se montrer flatteuse et cajoleuse. Il aime beaucoup quand elle est contente de lui, et se sent fier. Mais de quoi ? Il ne saurait le dire. Juste, il se complait dans cet état de grâce et, les yeux toujours fermés, ronronne de plaisir dans les draps.

Il fait durer ce temps hors du temps, n’ayant rien de mieux à faire en cette nouvelle journée qui commence. Il s’étonne juste que sa mère ne se soit pas déjà incrustée dans sa chambre pour ouvrir les rideaux et le réveiller comme chaque matin. 

Alors, il attend, pensant s’être trompé d’heure. Il attend et ressent soudain la solitude, car la voix a disparu. Elle a tellement envahi sa nuit que son absence lui laisse un immense vide qui le met en panique.

Brusquement, il ouvre les yeux et se dresse sur son lit, hagard. Il ressent de drôles de sensations au niveau de ses mains et s’aperçoit qu’elles sont couvertes de sang séché, ce qui le met en désarroi. Il vérifie sur son corps qu’aucune blessure n’y est apparente, quand ses yeux se posent sur la table de nuit où trône un couteau de cuisine maculé de rouge…

Alors il hurle : « Maman ! Maman !… Maman … »

De Marie-Edith

Rêveries 

Elle ne l’a jamais vue. Elle ne sait pas non plus à quoi elle ressemble. Elle ne connait rien d’elle. Et pourtant, elle ne rêve que d’elle. Elle l’obsède. Elle occupe toutes ses pensées.

Depuis ce fameux soir de décembre où nous étions sorties jusque tôt le matin, elle ne parle que d’elle. De cette voix venue de nulle part. De cette voix qu’elle a entendue quelques secondes et qui est restée gravée en elle à tout jamais. De cette voix suave et sensuelle qui la transporte dans ses fantasmes et ses romances les plus extrêmes. De cette voix qui la fait frissonner.

Elle s’imagine qu’elle lui murmure des mots doux, des mots d’amour au creux de l’oreille, des mots qu’elle veut entendre encore et encore tellement elle l’enivre. Tellement elle sent une résonnance en elle au plus profond de son corps et de son âme. Tellement elle se sent vivante. Son cœur vibre, son cœur ressent. Il est vivant. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas ressenti cela. Elle en veut encore… et encore plus… et toujours plus…

Je l’ai vu basculer à ce moment-là. J’ai vu le moment où son cœur s’est figé. Où quelque chose s’est passé. Quelque chose en elle s’est ouvert. Quelque chose en elle s’est rempli de bonheur et de joie. Un bonheur que je ne lui avais jamais vu auparavant.

Elle était là, au milieu de la piste. Elle dansait. Elle était belle et sensuelle. Ses cheveux longs détachés, sa robe fluide qui lui faisait des courbes généreuses, ses bras au-dessus de sa tête qui bougeaient au rythme de la musique et sa bouche si pulpeuse…. Qu’elle était belle. Elle ne voyait qu’elle. Plus rien n’existait autour. Elle aurait été incapable de décrire le reste de la pièce. Elle était subjuguée par sa beauté et par ce qui était en train de se passer.

Elle est restée là, figée, à regarder fixement devant elle. Les yeux remplis de larme, un sourire béat aux lèvres. Puis, elle avait continué à danser. Comme si elle était en train de danser avec elle. Une danse de séduction. Une danse d’une liberté absolue, une union parfaite entre deux êtres qui s’aimaient. Elle était comme envoutée par cette femme qu’elle ne connaissait pas et dont elle était tombée sous le charme de sa voix. Quelques mots seulement fredonnés en l’air…

Je me suis avancée vers elle. Lentement. Sans la quitter des yeux. J’ai commencé à bouger sur la musique, à me dandiner de droite à gauche, puis à me mouvoir en me calant progressivement sur son rythme. J’étais subjuguée par ce que je voyais. J’ai joint mes bras aux siens et on a dansé toutes les deux, face à face. Je savais qu’elle n’était pas avec moi à ce moment présent. Je savais que ce n’était pas moi qu’elle regardait fixement. Je savais que cette danse, ce sourire et ce bonheur ne m’étaient pas adressés. Et ce n’était pas grave. J’étais là, à ses côtés. Alors pourquoi gâcher un si beau moment ? Au contraire, en profiter. Profiter de cette ivresse, de ce bonheur fugace le temps d’un instant suspendu. C’est son moment. Et je me suis laissé aller à ses rêveries…

Poème de Fanny de Beauharnais, « Portrait des Français », proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)

Tous vos goûts sont inconséquents :
Un rien change vos caractères ;
Un rien commande à vos penchants.
Vous prenez pour des feux ardents
Les bluettes les plus légères.
La nouveauté, son fol attrait,
Vous enflamment jusqu’au délire :
Un rien suffit pour vous séduire
Et l’enfance est votre portrait.
Qui vous amuse, vous maîtrise ;
Vous fait-on rire ? On a tout fait !
Et vous n’aimez que par surprise.
Vous n’avez tous qu’un seul jargon,
Bien frivole, bien incommode.
Si la raison était de mode,
Vous auriez tous de la raison.

La météo en France en ce moment nous confirme bien qu’on est en hiver. Rien d’étonnant, puisque nous sommes en janvier. Alors pourquoi, sur les ondes radio ou à la télévision, les présentateurs météo parlent du temps du jour avec des mines un peu affolées par les temps qui courent? 

Cela a le don de me faire rire, car les hivers de maintenant sont bien plus cléments que ceux que mes parents subissaient dans leur enfance et dans leur jeunesse dans les années 40 et 50! Mais c’était un autre siècle…Et eux n’avaient autant de vêtements chauds que nous à leur disposition pour se protéger du froid!

Alors pourquoi ces personnes parlent de la météo hivernale comme si c’était un événement? Il fait froid, et alors? 

N’est-il pas normal d’avoir de la neige et du verglas en cette saison? Croyez-vous qu’à la montagne les habitants s’affolent pour si peu? N’est-il pas normal d’avoir des températures basses en janvier ou en février? 

Je vous laisse à vos méditations hivernales, avec une pensée émue pour les habitants des Hauts-de-France, notamment dans le Pas-de-Calais, qui après avoir subi de graves inondations, ont subi une affreuse tempête et se retrouvent en ce moment sous une grosse épaisseur de neige et glissent sur le verglas. Certes, c’est normal pour la saison, mais trop c’est trop…

Portez-vous bien, prenez soin de vous par ce froid et gardons le moral ensemble!

Créativement vôtre,


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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