Le portail que la jeune ouvrait a abouti à des histoires sacrément différentes les unes des autres pour la proposition d’écriture N° 187, sans oublier les poèmes. Que du bonheur à vous lire toutes et tous!
Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
De Jean-Michel La jeune femme ouvrit la grille de sa maison. Le vent soufflait en rafales et elle se retrouva vite tout échevelée. Malgré l’hiver, on sentait déjà que la nature commençait à reprendre le dessus. Nous n’étions pourtant qu’en janvier et il y avait encore deux mois à patienter avant le printemps : un brusque coup de froid pouvait survenir.« Peut-être est-ce un effet du réchauffement climatique… », se dit-elle. Elle n’était ni climatosceptique ni écologiste engagée, mais observait seulement ce qui se passait autour d’elle. Combien elle était heureuse d’être ici après ces années passées à Paris au milieu de la pollution sonore, du stress quotidien, de la morosité ambiante… Ici, elle réapprenait à vivre, redécouvrant des odeurs disparues depuis longtemps, accueillant l’instant présent, s’émerveillant devant un paysage unique évoluant au fil des jours et des saisons. Le jardin qu’elle avait arrangé elle-même lui permettait d’admirer là des jonquilles, ici des roses. Dans son potager, on trouvait aussi bien du persil que des tomates, pommes de terre, salades… C’était chaque jour un bonheur de pouvoir revenir à la terre, ses racines.Elle reprenait vie ! Plus de journée à rallonge avec des réunions qui n’en finissaient pas, des rapports à rendre pour le lendemain à la première heure. Ici, elle avait institué ses rituels : un café et deux tartines le matin, en silence, pour apprendre à écouter, à s’écouter ; un moment de recueillement et de méditation pour prendre son souffle. Après seulement, elle pouvait se mettre à sa table de travail, pour puiser son inspiration littéraire dans ce qu’elle voyait.Ce qui lui plaisait, surtout, c’était la bienveillance à son égard, de tous ceux qui l’entouraient. Elle avait beau demeurer « l’étrangère venue de la capitale », elle avait été accueillie presque comme l’enfant du pays qui revenait à la source. Il faut dire qu’elle y avait passé toute son enfance, avec des parents attentifs, des frères et sœurs avec qui elle avait joué tant et plus… que de souvenirs…. Mais la nostalgie n’était plus de mise et elle était ici pour se reconstruire, ouvrir un nouveau pan de son histoire.Alors, elle se décida à regarder l’avenir avec confiance et avancer, passer du faire à l’être. D’Amara C’est le printemps. Lola est heureuse d’écouter le chant des oiseaux sur sa terrasse. Elle a enfilé son pantalon jaune acheté en solde dans une boutique chic et son haut rose uni assorti aux chaussures roses et aux fleurs du jardin. Elle a décidé de sortir se promener. Elle se dirige vers le Jardin des Plantes. Elle ouvre le portail et que voit-elle ? Surprise. Son ami Bilou en bonne compagnie. Il est installé sur un banc en train de discuter avec une demoiselle. Lola est surprise par cette rencontre improbable. Son esprit se connecte de suite, c’est un signe, Lola. Elle est sensible aux synchronicités. Elle ignore Bilou et prend une autre direction pour éviter de passer devant eux. Elle marche dans le jardin. C’est agréable de sentir ces parfums de fleurs, les odeurs des arbres majestueux. Lola aime beaucoup cette ambiance. Elle oublie un petit moment ses soucis. Mais elle pense à Bilou. Que fait-il ici ? Et qui est cette fille ? Elle était amoureuse de lui quand il était petit à la maternelle. Après tout, il a le droit de discuter avec une fille. « Je ne vais pas imaginer des histoires et utiliser toute mon énergie pour lui ». Et puis dans les accords toltèques, ne jamais faire de suppositions. Lola continue sa balade à travers le jardin aromatique. Elle sent le basilic, le thym, le romarin, la menthe fraîche qui lui donneune bonne idée. Elle a envie d’un thé et va s’installer sur la terrasse du café qui se trouve dans le Jardin des Plantes. Le soleil brille, il commence à faire chaud. Le serveur arrive « Que puis-je pour vous ? ». « Un thé au jasmin SVP ». Quelques minutes plus tard, le thé est servi. Lola a sorti son cahier et sa trousse pour écrire son début de journée qui s’annonce bien mouvementé…Vers midi, les gens arrivent pour déjeuner. Lola évite la foule, donc elle se lève pour repartir. Elle décide de passer devant le banc, mais Bilou n’est plus là. Où est –il ? Elle met stop directement à ses pensées. Et sort du jardin direction la ville. D’Elisa (hors proposition d’écriture) L’Hiver s’est invité Depuis quelques semaines, l’hiver est arrivé.Je regarde par la fenêtre les arbres et les arbustes sur lesquels la neige s’est accumulée.Belle blancheur matinale, paysage serein et propice à reproduire sur une toile.Au fond de la cour, le grand cèdre majestueux semble me faire une révérence avec panache. Les oiseaux virevoltent pour trouver quelque nourriture.Ma journée s’annonce plutôt calme.Le froid s’est donc installé pour quelques temps.Je vais commencer par ôter les cendres du foyer, dépoussiérer la poutre où trônent quelques bibelots.Il me faut gérer ma journée différemment, car je n’ai pas du tout envie de sortir.Commençons par ma séance de yoga quotidienne, et mon petit déjeuner.Ma richesse aujourd’hui sera de me prélasser devant quelques émissions sur le petit écran, sans doute des rediffusions que j’ai dû oublier et de parcourir mon abonnement à mon magazine mensuel.Le temps s’écoulera lentement, et l’heure de ma tisane arrivera.Petite dégustation au coin du feu. De Françoise V Elle courait à perdre haleine, juste derrière chez elle. Cet entraînement quotidien qu’elle aimait faire la détendait après une journée detravail. Elle suivait le chemin qui partait de son lotissement et l’amenait jusqu’à ce parc, abandonné. Elle aimait le fréquenter car elle rencontrait du monde, des voisins et voisines qu’elle connaissait. Elle ne se sentait pas complètement seule dans la nature. Cette sécurité lui permettait de partir deux ou trois fois par semaine pour apprécier ce petit bois derrière chez elle. Le soir, elle passait devant une grille fermée, entretenue d’une peinture dorée. Cette grande grille fermait un parc qui paraissait nu de vie. Tout au fond, une bâtisse, tel un manoir, se dessinait vaguement. Elle était cachée par des sapins et des chênes. En général, elle ne distinguait rien ou si peu de chose à travers les taillis. Mais, ce soir-là, la grille était ouverte, les taillis avaient été coupés, et une allée nettoyée conduisait son regard jusqu’au manoir.- Tiens, se dit-elle, ce n’est pas comme d’habitude, on dirait qu’une vie s’est installée dans ce lieu mystérieux. Il y a même de la lumière.Une ombre allait et venait derrière les baies vitrées. Seul le premier étage était éclairé. Puis, quelqu’un ouvrit une fenêtre et de la musique classique s’échappa. Elle reconnut un air de Vivaldi, sûrement les « Quatre saisons ». Elle attendit, observa, curieuse de savoir ce qu’il allait se passer. Le grand portail ouvert l’invita à pénétrer dans cet espace habituellement fermé à tout visiteur. Elle osa s’avancer tout en gardant une crainte de se faire accueillir par un chien de garde. Mais rien, pas d’aboiement, pas de mouvement à l’extérieur. Seule la musique faisait vibrer les feuillus. Elle reconnut un instrument : quelqu’un jouait au piano cet air si connu. Elle avança encore sans retenue et se trouva au pied du manoir, juste en dessous de la fenêtre ouverte. Que c’était beau d’entendre un si joli son, et comme c’était joué avec talent ! Elle attendit la fin du concert et entendit des applaudissements. Il y avait donc du monde à l’intérieur de ce manoir, mais pas de voiture autour. Comme cela paraissait étrange.La jeune femme voulut contourner l’habitation pour y trouver une réponse. Pas plus de voitures garées que devant. Rien. Alors elle osa grimper des escaliers extérieurs qui arrivaient jusqu’à la pièce illuminée de lumière et de musique. Une fenêtre lui permettait de constater avec grande stupéfaction que le pianiste était seul, un haut-parleur à côté distribuait des applaudissements virtuels.- Ca alors, pensa-t-elle, je n’avais jamais connu pareille situation.Le pianiste était de dos. Sans son visage, elle ne pouvait pas le reconnaître. Puis, il se leva se tourna et fit face à la fenêtre. Elle reconnut son voisin de palier, celui qu’elle croise tous les jours, et qui la salue poliment sans oser lui parler. Celui à qui elle a tant envie de parler mais qui semble la fuir. Une timidité pesante. Elle décida de briser ce silence et se manifesta.- Bonjour Monsieur ! Vous jouez merveilleusement bien, cria- t-elle derrière la vitre. J’ai osé m’approcher car cette jolie musique résonne dans le parc.- Entrez, Mademoiselle, lui dit l’homme, faites le tour, je vais vous ouvrir, lui répondit-il en souriant.Il avait un magnifique sourire qui illuminait son visage à barbe rase poivre et sel. Ses yeux pétillants et plissés la rassurèrent. Elle eut envie de s’en rapprocher. De Catherine M Derrière les grilles Finalement elle a dit oui.Oui je veux bien y retournerDans la maison de mon passéOui je vais franchir les grillesComme quand j’étais petite filleEt que je ressemblais à une brindille Un jour tu vas passer au traversMe prédisait ma mèreAvec son œil sévèreA table tu dois mangerAu lieu de rêvasserJe ne rêvais pas mamanJ’étais si angoisséeQue je ne pouvais rien avalerAvec papa vous parliez la même langueCelle du silenceSinistre ambianceJ’avais la gorge nouéeSouvent envie de pleurer C’est Albertine dans la cuisineQui me nourrissaitComme on donne la becquéeA un bébéElle me racontait plein d’histoiresMidi et soirEt moi je l’écoutaisJe buvais ses parolesAu milieu des casserolesAlors quand je vais franchir les grillesDe la propriétéC’est sûr qu’au milieu des jonquillesJe vais me mettre à hurler. De Catherine MA Le pull rose Mais c’est incroyable ! Elle n’y croit pas ! Eva a pris sa journée pour faire les soldes et dénicher LE vêtement unique, qui lui irait si bien qu’elle ferait pâlir d’envie toutes ses amies. Et elle l’avait trouvé : un pull moelleux, si doux, très court comme elle les aimait car ils soulignaient sa taille fine. Un joli col rond qui mettrait en valeur le petit pendentif offert par son amoureux pour ses vingt ans. Des manches jusqu’aux poignets, qui valoriseraient la parfaite longueur de ses bras. Bref, elle avait déniché une merveille, un trésor, le petit pull qu’elle ne quitterait que pour le rincer sous l’eau tiède pour ne pas feutrer la laine délicate. Et puis, ce qui l’avait surtout fait craquer, c’était sa couleur, unique. Jamais elle n’avait vu un ton aussi tendre, aussi pur, qui s’accordait aussi bien à son teint. Elle n’avait jamais rien vu de cette couleur tout simplement ! Il était rose, mais un rose qui n’existait nulle part.Elle était si enthousiaste qu’elle demanda à la vendeuse pour l’enfiler tout de suite. On retira les étiquettes, les antivols et elle le revêtit fièrement et sortit du magasin sans sa veste afin que tous les passants puissent l’admirer. Elle fit même quelques petits détours pour faire durer son plaisir. C’est ainsi qu’elle passa devant le parc floral de la ville où elle résidait.Sourire aux lèvres, pas nonchalant, cheveux au vent, elle dansait presque sur le trottoir tant sa démarche était gracieuse. Elle avançait sans vraiment regarder autour d’elle, seul le regard des autres lui importait. Mais soudain, elle fit quelques pas en arrière. Un détail avait attiré son attention et agressé ses yeux en alerte. Mais qu’était-ce donc ?De retour devant les grilles du Parc, elle les ouvrit et pénétra sur le petit chemin sablonneux où les familles se croisaient pour accéder aux jeux, aux aires de pique-nique ….Sur sa droite, sur sa gauche, des fleurs. Des fleurs, bien sûr, car nous étions dans un Parc floral. Mais des fleurs en abondance, très hautes et fières sur leur tige, semblant se moquer.Elle mit quand même quelques secondes à comprendre pourquoi elle se sentait si mal, presque insultée, quand elle comprit enfin que ces fleurs étaient exactement de la couleur de son nouveau pull. Comment accepter que jamais auparavant, elle n’avait remarqué cette teinte, sur aucun objet, aucun être vivant, et aucune fleur. Et aujourd’hui, oui, aujourd’hui qu’elle était si fière de son nouvel achat, elle croisait sur sa route des fleurs qui la narguaient. Comment réagir ? Les arracher toutes ? Elle aurait certainement des ennuis ….Retourner au magasin et procéder à un échange ? Mais elle l’aimait tellement, comment pourrait-elle s’en passer maintenant ? Le garder ? Mais ses amies se moqueraient, en silence bien sûr, du revers qu’elle venait de subir …Un passant lui donna une idée de génie. Il transportait tout un attirail de peintre, un petit tabouret, et un chapeau de paille jaune. Elle l’arrêta donc et commença à lui expliquer son plan. Il devrait la peindre au milieu des fleurs, en respectant scrupuleusement les couleurs. Ainsi, elle pourrait, au regard des autres, expliquer que ce pull, elle l’avait acheté volontairement, pour réaliser un tableau unique au milieu des fleurs.Ravie de l’issue de sa mésaventure, elle prit la pose au centre du parterre et resta ainsi, sans bouger, sans soupirer, mais avec un large sourire. En fait, elle aurait pu rester ainsi pendant des heures, occupée à se projeter dans l’aventure qui l’attendait. C’est sûr, elle serait la reine des prochaines soirées entre amies! De Michel Balade initiatique Marianne avait pris l’habitude de courir le samedi. Dès qu’elle s’extirpa de la maison, la fraîcheur matinale l’avait saisie ce matin-là. Elle n’attendait jamais que le soleil monte haut à l’horizon. Non, elle aimait ces moments quand l’aube naissante allonge encore l’ombre des arbres. Elle savait qu’elle ne rencontrerait personne le long du sentier forestier qu’elle empruntait, c’est ce qui lui plaisait.Elle se souvint de la première fois où Christian l’amena dans cette maison de famille, modeste certes, mais située à l’écart d’un petit village. Aussitôt, elle eut le coup de foudrepour cetendroit préservé de la cohue et du bruit de la banlieue parisienne. C’était toujours avec le même plaisir qu’ils y passaient le plus de week-ends possibles.Elle s’était levée sans bruit pour ne pas réveiller son compagnon. Elle avait essayé sans succès de l’entraîner dans ses balades. Contrairement à elle, il aimait profiter de ces temps de repos pour faire la grasse matinée. Il attendait ensuite le retour de Marianne pour prendre le petit déjeuner ensemble.Elle aimait retrouver ces sensations simples que lui procuraient cette activité physique. Cela lui manquait quand ils ne pouvaient pas quitter leur résidence principale. Après quelques exercices d’assouplissements, elle démarra en petites foulées pour une balade d’une heure environ. Une pointe de côté soudaine la força à s’arrêter. Que lui arrivait-il ? Elle n’avait parcouru qu’à peine deux kilomètres. Sans doute avait-elle pris une allure trop rapide. Elle continua une centaine de mètres en marchant, puis s’arrêta devant la grille d’une propriété. Elle sentit alors la douleur revenir. Après quelques étirements, elle se dit qu’il serait peut-être plus sage de faire demi-tour et de rentrer tranquillement. C’est ce qu’elle s’apprêtait à faire quand un détail l’intrigua.Cela faisait des semaines qu’elle passait devant cette demeure abandonnée. Elle avait remarqué que des chaînes enserrées d’un gros cadenas rouillé maintenaient fermé les grilles d’entrée. Ce jour-là, Les chaînes avaient disparu, laissant libre le passage. Mais ce qui la troubla plus encore, ce fut la présence des fleurs qui bordaient le chemin menant au domaine. Elle aurait juré qu’elles n’y étaient pas quand elle était arrivée devant l’entrée. Elle ferma les yeux un moment, se dit que sa pointe de côté était signe de fatigue et qu’elle devait halluciner. Mais quand elle les rouvrit, elle fut frappée de stupeur. Les fleurs qui, il y a encore un instant, étaient blanches, avaient pris la couleur rose de son sweat. Elle resta un moment comme pétrifiée. Soudain, une musique s’éleva : fascinée, elle franchit le portail et s’avança sur le chemin. Cela ressemblait à s’y méprendre au son produit par un bol tibétain utilisé pour la méditation. Elle avait déjà entendu cette mélopée envoûtante dans un reportage sur ARTE. Prise d’une étrange sensation, elle fit brutalement demi-tour, puis s’enfuit en courant. C’est en sueur qu’elle entra dans la maison où Christian s’affairait dans la cuisine.Surpris il lui dit :-Tu es en avance dis donc, tu as couru bien vite aujourd’hui. Tu vas devoir attendre, je n’ai pas fini de préparer le petit déjeuner.Elle lui raconta ce qu’elle avait vu. Il resta plutôt dubitatif. Un peu froissée, elle lui dit :- Si tu ne me crois pas, allons-y ensemble tu verras bien.C’est ce qu’ils firent l’après-midi même. Marianne n’en crut pas ses yeux. La grille était fermée, bloquée par des chaînes et un vieux cadenas. Plus de traces de fleurs, le chemin était envahi de ronces qui foisonnaient sur les abords. Elle resta interdite, des larmes coulèrent sur ses joues. Elle se tourna vers Christian :- Je crois que je deviens folle.- Mais non ma chérie, tu as simplement trop d’imagination. Tu devrais te mettre à l’écriture.Je suis certain que tu pourrais nous enchanter avec de jolis contes.Puis la prenant par la main lui dit :- Allez viens, on va la terminer cette balade.Le contact de cette main la réveilla brutalement. En regardant le réveil, elle fit un bond hors du lit ce qui fit réagir Christian :- Qu’est-ce qui se passe ?- Je me suis endormie, il est déjà dix heures !- Ah oui, tu pars quand même courir ?- Non, je n’ai pas envie aujourd’hui, pour une fois c’est moi qui vais te préparer le petit déjeuner.- Nous avons le temps ma chérie, viens plutôt te recoucher contre moi.- Oui, prends-moi dans tes bras, libère moi d’un mauvais rêve. De Louisiane La niaque Manon a été longtemps stagiaire auprès du régisseur général du conservatoire de Boulogne. Elle sait qu’on la fait lanterner parce qu’elle a été pistonnée par son père, ami du directeur. Manon s’accroche. Régisseur, c’est ce qu’elle veut être, mais pour le cinéma.Entrée par la petite porte, elle se dit qu’une occasion se présentera bien un jour. Alors elle fait ses classes, toujours à l’heure, même avant l’heure, même après l’heure, sans râler, avec le sourire, faisant oublier qu’elle a tout juste 18 ans, qu’elle n’a pas eu son bac, qu’elle parle cinq langues, parce que sa mère est anglaise, son père français et qu’elle a choisi l’espagnol et l’italien en première et deuxième langues. Elle observe. Elle s’adapte. Elle apprend. Au laser. Elle n’a jamais été très « fifille ». Petite, elle jouait le plus souvent à des jeux de garçon.En cette fin d’année, les deux Terminales du lycée Victor Hugo vont présenter Cyrano de Bergerac sous la houlette de Madame de Vignancourt, leur professeur de français. La classe s’y prépare depuis les vacances de février. Secrètement, lorsqu’elle n’est pas abrutie de fatigue, Manon lit et relit ces alexandrins qui la font vibrer d’un fol amour pour les qualités de cœur de ce noble gascon ce Savinien de Cyrano, dit de Bergerac. Elle découvre l’amour avec un grand A, avec Roxane qui ne comprend que trop tard ! Elle pourra même être souffleur, au cas où … tout comme Cyrano est le souffleur de Christian !On est à trois semaines de la représentation. Les grilles qui serviront tout au long des cinq actes ont enfin été livrées, montées sur roulettes par derrière, mais très lourdes à diriger, bien qu’en carton. Manon ne demande pas d’aide, elle possède l’énergie de Cyrano, elle pousse, tire, à gauche , à droite, non plus en avant, voilà, marquage au sol, le scotch où est le scotch, pas de temps à perdre, on termine le final. Le massif de pivoines est au bord de la scène, Manon d’elle-même le recule, le régisseur lui fait signe de son pouce levé. Elle exulte. Ses parents seront présents à la représentation. Elle se doit de faire honneur à son père.Il y a eu cinq rappels et les spectateurs debout. Manon est aux anges, modestement, elle prend sa part des applaudissements en restant dans les coulisses avec les machinistes et électriciens. Maintenant, elle démonte le décor. Elle est montée au grade supérieur, régisseur tout court, en CDI. Elle va pouvoir postuler dans les sociétés de productions de films où elle sera de nouveau stagiaire, avec un salaire de premier échelon, mais elle est sûre d’elle-même, cette grille et ces fleurs artificielles lui ont donné la niaque nécessaire pour réussir dans ce métier. De Lisa Inspiré de la chanson de « Un jour une femme » de Florent Pagny D ‘avoir passé une nuit blanche à penser Ce que les gens viennent lui raconter D’avoir perdu la confiance de son couple Des illusions déçues passer inaperçu D’être tombé plus bas qu’un cœur en pierre Et pourquoi l’amour a pu autant l’aveugler ? D’avoir laissé jusqu’à sa dignitéProfiter d’un homme, qui a du respect Le lendemain, sa femme, lui ouvre la porte Pour vérifier qu’elle n’aime pas un autre Et là, il se rend compte, au fond du couloir Que sa copine est là, comme par hasard Elle lui explique que depuis l’adolescence Elles sont ensemble et s’aiment profondément Mais à cause de leur père, qui refuse d’être partenaire Sont obligés d’avoir comme alibi, un homme, c’est ainsi ! Un jour, une femme, lui souffle de l’amour Sur son cœur, qui lui fait la cour Lui, croyait, plus à la passion Reprend le flambeau, à chaque seconde A chaque seconde Un jour, une femme, où son ex est fièr Que le père de ses enfants Se marie avec cette demoiselle Que la fin soit belle, tout le monde a retrouvé de l’oxygène Et pour conclure, à travers son fils Réalise son rêve de le voir se marier avec un mec Qu’on soit pour ou contre Occupons de notre amour ! Laissons faire les choses ! De Manuela Nous sommes en 2235. Les conditions climatiques ont énormément changé. L’été est invivable tellement il fait chaud et l’hiver est de plus en plus froid. Les réserves d’eau sont très faibles. Tous les jours, de nouvelles restrictions gouvernementales sont diffusées sur les ondes. La population est inquiète – moi aussi naturellement. Des informations étranges sur le web parviennent à nos oreilles. « Serait-ce la fin du monde ? », s’écrient certains.Une autre information : l’Etat français construirait en ce moment de nouvelles villes, des villes en formes de dômes vitrés. Personne n’est capable de nous dire ou peuvent se trouver ces constructions, de véritables agglomérations, semble-t-il. L’angoisse monte. Plus personne ne peut sortir de son domicile tellement la température est importante. Les hôpitaux sont pleins, les morts nombreux. Le vert de la nature a disparu, remplacé par une couleur sable, jaune et brun. L’état ne nous donne que peu de nouvelles, des bruits courent sur cette situation très dangereuse pour la planète. Régulièrement, des nappes de brouillard apparaissent dans le ciel, on ne voit plus rien. Il faut porter continuellement des masques de protection.Je m’appelle Hélène, gouvernante de Monsieur le Comte Charles De Bavière et de Madame la Comtesse Isabeau De Bavière. Dans les caves de leur château de la Roche Papillon, nous pouvons trouver un peu de fraîcheur. Toutes des fleurs du jardin ont disparu, toutes les jolies fleurs roses, les préférées de Madame. Le maire du village et ses adjoints viennent nous voir, en fin de matinée, pour annoncer aux propriétaires qu’ils ont été élus pour intégrer cette nouvelle ville maintenant terminée, moyennant une forte somme d’argent pour couvrir les frais de construction. Une longue discussion s’engage… ils ne veulentpas partir dans l’inconnu, ils sont trop vieux et aussi très fatigués. Le conseil municipal se retire, il nous laisse trois jours pour réfléchir, sinon le dôme sera attribué à une autre personne présente sur la liste d’attente, liste d’attente très longue, vous pouvez l’imaginer.Un rendez-vous est pris pour le lendemain pour aller découvrir cette ville en verre. Le nom de cette commune n’est pas encore trouvé. Des propositions sont faites mais rien de définitif. Un vote sera organisé quand tous les habitants des dômes seront installés. Un dôme est constitué des trois pièces : un salon/salle de détente, une chambre et un salle de douche/toilette – soit environ 80 m2 et un jardin de 200 m2. Dans un autre grand dôme, les habitants devront venir y manger – la cuisine n’étant pas autorisée dans les habitations (question de sécurité et d’économie). Dans la voiture, Mr et Mme m’informent qu’ils ont décidé que la place serait pour moi et qu’ils me devaient bien ça.J’accepte leur proposition, avec quelques inquiétudes.Au bout d’un mois, l’emménagement est fait. Vivre sous un dôme vitré n’est pas aisé. Je ne peux pas m’y habituer. Plusieurs fois par jour, je fais le tour de mon domaine… enfin de mon petit espace, je m’engage ensuite sur les chemins qui relient tous les logements et la salle à manger commune. Il règne dans la ville une grande tristesse. Le maire nous dit qu’il faut être patient, on va s’y faire. Aucune communication avec l’extérieur n’est possible : pas de télévision, ni de radio encore moins de journaux. Nous vivons en autarcie totale.J’ouvre le portail doré, tous les jours. Je regarde au loin avec mes yeux fermés pour me souvenir de mon passé, le château est là bien présent dans ma mémoire, le joli jardin entretenu par Marcel le jardinier, les fleurs roses. Enfin, un passé joyeux… je prends place sur la pelouse synthétique, je me rappelle mes amies, mes parents, la vie passé. La vie heureuse entourée de rires d’enfants.Je hais de plus en plus cette vie de soi-disant privilégiée. Il n’y a plus la moindre vie aux alentour : plus d’humains, plus d’animaux ni de plantes, encore moins de fleurs. Toujours ce même paysage triste et désertique. Une tristesse morbide m’envahit ! Je pleure, je crie, je voudrais mourir, m’éteindre. Je prends ma tête entre mes mains, devant ce maudit portail doré, lorsque je ressens un vent léger qui soulève mes cheveux, qui fait s’envoler mon pantalon de toile jaune soleil. J’ai dû m’endormir car sous les dômes, il n’y a pas de vent, lorsque je vois au loin, hors de la ville en verre, une petite fleur rose avec quatre pétales. L’espoir revient en moi, je, enfin, nous allons pouvoir sortir de cet enfer.Il a fallu plusieurs années pour que l’atmosphère sans humains redevienne respirable, que la température baisse. Les rivières se remplissent petit à petit. Les oiseaux chantent à nouveau.Quel joie de sortir du dôme, de prendre l’air – le grand air et le vent – la pluie. Quel joie de revoir la nature, les animaux et mes amies.Humains… faites bien attention à la nature, à votre environnement. C’est un bien merveilleux qui n’est pas éternel. De Christine Elsa était curieuse de nature. Son grand-père était gardien du château du village voisin et elle adorait lui rendre visite pour profiter du merveilleux jardin qui l’entourait et ainsi faire des découvertes. Elle lui posait mille et une questions sur la flore environnante. Dès les grandes grilles en fer forgé passées, elle se retrouvait dans un petit paradis. Des arbres centenaires, de majestueux chênes, hêtres et charmes dont les branches s’étendaient vers le ciel comme des bras accueillants. Les feuillages se déclinaient en de multiples verts, du vert tendre des jeunes pousses au vert foncé des conifères. Les feuilles dansaient dans le vent et scintillaient sous les rayons du soleil. Sous cette tonnelle naturelle, poussaient de plus petites essences comme des magnolias, lilas, ginkos et érables du japon. En automne, c’était un feu d’artifice de jaune, rouge et orange.Elle aimait particulièrement les parterres que son grand-père remplissait de fleurs de toutes les couleurs et qui dégageaient des parfums enivrants. Selon les saisons, des tulipes d’un jaune soyeux, des roses rouges écarlates, des chrysanthèmes échevelés déposaient des touches joyeuses dans ce tableau vivant. La senteur des violettes, le parfum enivrant du jasmin et celui délicat des pivoines se mêlaient au gré du vent.Elle adorait mettre les mains dans la terre pour semer, repiquer, biner. Son papy lui avait tout appris de ce qu’elle connaissait sur les plantes. Il était incollable. Et surtout, il avait la main verte et n’achetait aucun plant. Il avait fabriqué une petite serre au fond du terrain dans laquelle il faisait pousser les plantes qui serviraient à garnir les plates-bandes. Même en hiver, celles-ci étaient garnies de choux de toutes les couleurs et de poireaux.Tout au fond, on entendait un ruisseau cascadé dans un doux murmure. Il apportait une sérénité agréable. Les écureuils roux venaient s’y abreuver après avoir dégusté une noisette. Dès que le chat Ficelle s’approchait de l’un deux, il courait se réfugier en hauteur et se sauvait par des voltiges habiles de branche en branche. Ficelle en restait tout ébahi au pied de l’arbre.Des papillons aux ailes irisées virevoltaient de fleur en fleur, faisant concurrence aux abeilles. Les oiseaux profitaient de ce havre de verdure pour construire leur nid. Le matin, c’était un concert de rossignols, de merles et de mésanges. Avec son grand-père, elle leur avait fabriqué de jolies cabanes en bois, accrochées à des branches assez hautes pour que le chat Ficelle ne puisse les attraper. C’était un lieu où la nature et la magie se rencontraient, créant une atmosphère d’émerveillement et de mystère. C’était l’endroit idéal pour flâner, lire ou se reposer. C’était le jardin de son enfance à jamais associé à son grand-père. Sa madeleine de Proust à elle. De Sylvie Le jardin de Juliette. Quand Juliette ferme les yeux, elle part pour un voyage époustouflant. Les yeux clos, elle imagine un grand portail. Le portail n’est pas fixé à un mur ou à une pilastre. Il est juste là. Juliette l’ouvre lentement et pénètre alors dans un jardin extraordinaire où il n’y a pas de fleurs, ni d’arbres. Enfin, pas comme on pourrait le penser. Dans le jardin de Juliette, il y a des mots. Elle ne marche pas sur des allées herbées mais sur des sentiers parsemés demots dans toutes les langues du monde. Juliette ôte ses chaussures et pose délicatement ses pieds sur ce tapis moelleux. Ça fait des chatouilles toutes ces écritures avec ces lettres de toutes les hauteurs, celles qui font des courbes, celles qui s’entrelacent, celles qui se juxtaposent. Juliette ose s’aventurer un peu plus. A chaque pas, quelques lettres s’envolent, un peu comme du pollen. Cela la fait rire, ces petites lettres qui sautent. Elle se souvient de la machine à écrire de son grand-père. Quand elle appuyait sur les touches du clavier, les lettres sautaient un peu de la même manière et venaient frapper la feuille blanche. Juliette sautille et essaie d’attraper les lettres qui s’envolent. Elle en reconnaît certaines et d’autres lui sont inconnues. Elle trouve ça joli ce mélange de lettres, de symboles et de mots. Autour d’elle, il y a des bouquets de verbes, des brassées de noms, des trochets d’adverbes, des épis de pronoms, des lianes de ponctuations. Même les arbres ont des mots à la place des feuilles. Les centenaires portent les mots oubliés sur les branches les plus anciennes. Les jeunes bourgeons donneront naissance aux nouveaux mots comme pour enrichir un peu plus ce monde fantastique. Elle a envie de les toucher, de les humer. Les mots aussi sont parfumés et plein de saveurs. Elle danse et virevolte au milieu de toute cette splendeur. Le jardin semble infini, elle ne pourra jamais explorer toute cette immensité. Mais aujourd’hui, elle cueille quelques mots au hasard et en fait un joli bouquet, coloré de plusieurs langages. Avant de rouvrir les yeux, Juliette se promet de revenir dans ce jardin exceptionnel. Poème de Kateryna Babkina, « Ne me demande pas comment je vais », 2017 (poétesse ukrainienne) (hors proposition d’écriture) Ne me demande pas comment je vais – demande-moi quelque chose de simple. Regarde, maintenant, mes cheveux poussent si rapidement, Comme s’ils avaient un but particulier : De le tresser autour de toi, quand tout cela sera fini. Ne me dis pas comment tu vas – dis-moi quelque chose de plus facile. Parce que chaque petite pierre même dans cette guerre S’est transformée en arme pour se défendre. Ne me dis pas comment ça se passe car c’est tout ce que tu sais. Quand la cloche sonne l’alarme, l’onde de choc coupe le souffle, Même les morts de cette terre se lèvent pour les vivants. Comment hurlent-ils mélancoliquement avec des voix de sirènes de nuit, Ne me le dis pas, car pour cela il n’y a pas de noms. Parce que pour eux, il n’y a ni temps, ni lieu, ni dimensions, ni sphères – Mais tout cela se produit encore ici et maintenant, Parmi les marchés paisibles, les cours d’école, les immeubles de banlieue. Après tout cela, ce qui pourra guérir, c’est peut-être l’amour. L’amour pourra rassembler les bords des plaies déchirées, Pourra nourrir les puissantes rivières et ruisseaux, Pourra laver l’outrage, pleurer généreusement chaque goutte de sang versée. Mais tant que tout cela n’est pas fini – ne me parle pas d’amour. Mieux encore, jusqu’à ce que les étincelles de la nuit soient remplacées par le bleu d’avant l’aube, Ne me dis rien, repose-toi. De Jacques SilEnCE! Je deviens fou. La nuit s’achève enfin. Je n’ai pas fermé l’œil. La route pas loin émet un bruit d’enfer, mais aussi une très désagréable odeur de combustibles de toutes sortes. Des poids lourds roulent de jour comme de nuit. Parfois, notre rue est empruntée par ces gros machins qui vont on ne sait trop où. De plus, le voisin d’en face possède un hélicoptère. Le kérosène empeste et c’est pire en été. Voilà que mon ordinateur devient non-binaire. Même lui n’en peut plus. Le monde est en perpétuel changement et ce n’est pas pour le mieux.C’est décidé. Je quitte la campagne pour la campagne. Ceci n’est pas un au revoir. Un adieu bien senti. Dans un café internet, je vais regarder les options qui s’offrent à moi. Je vais acheter une voiture électrique pas trop éclectique. Partir loin, en Gaspésie… la Baie des Chaleurs. Non, les Îles de la Madeleine, loin du port et des arrivées des camions de ravitaillement. Hâvre-aux-Maisons ? Non ! L’aéroport est sur l’île. Fatima ? Pas celle des miracles !!! Enfin, Le village s’étend sur des plaines entourées de collines, bordé par les caps rocheux au nord et par la lagune d’Havre-aux-Maisons à l’est. On y pratique moins l’agriculture qu’avant et le port de pêche qui s’y trouvait, non loin de la Dune du Nord, s’ensablait inexorablement.Exposé aux vents du secteur nord, le littoral de Fatima est échancré de falaises abruptes et spectaculaires. J’ai réservé un séjour de quelques semaines pour voir et me faire le nez. Pour voir aussi s’il y a des bornes de recharge. La réservation est obligatoire pour pouvoir prendre le traversier. Cinq ou six heures d’océan. Une fois là-bas, je pourrai alors regarder les propriété à louer ou à vendre.Je pars dans trois jours. De Cécile Léa, une fois de plus guette son retour : elle ouvre le portail. Elle n’a pas pris le temps de mettre un châle sur les épaules, si anxieuse de ne pas le voir venir. Les frimas de l’automne sont bien là. La soirée est fraiche, elle frissonne dans son léger pull, mais ne se décide pas à rentrer. Elle sort sur le chemin, jette des regards inquiets espérant qu’il sorte comme un diable de sa boîte. Mais rien…le silence. Elle entend son mari qui lui conseille de rentrer :- Mais arrête de te faire du souci… Ce n’est pas la première fois qu’il s’absente. – Oui je sais, mais j’ai besoin que tout mon monde soit à la maison à la tombée de la nuit. – Téléphone à Magali. Elle saura peut-être où il se trouve, soupire Etienne.Léa a envie d’aller à la rencontre d’Emile. “Certes il est adulte, et alors, son absence de la maison à la nuit tombée me mettra toujours les nerfs en pelote” marmonne Léa. Elle remonterait bien le sentier qui mène au village, mais l’éclairage fait défaut et elle ne peut se hasarder seule, la nuit risque de la prendre dans ses mâchoires. Et elle sait qu’Etienne ne voudra pas l’accompagner. Lui, il ne se fait pas de mauvais sang. Elle referme le portail qui se met à gémir lentement, espère toujours qu’il arrivera à l’instant même où elle tournera la grosse clé dans la serrure. Mais…rien.Elle remonte lentement l’allée, la tête en vrac. Elle referme lentement la porte d’entrée, jetant un dernier regard, espérant encore le voir derrière la grille. Son mari est assis dans son vieux fauteuil, un vieux plaid sur ses genoux, somnolant près de la cheminée où un feu crépite. La chaleur qu’il répand agit sur Léa. “Oui faisons lui confiance” se dit-elle un peu apaisée.La sonnerie du téléphone retentit. D’un bond, Léa se saisit du téléphone.- Allo Léa- Oui Magali. Alors, tu l’as vu ?- Mais de qui tu parles ? – Mais d’Emile, voyons.- Oui, il est passé devant la maison ce matin, sans un regard. Il semblait chercher quelque chose…je crois qu’il ne m’a pas vue…- Ah…- Léa, arrête de te ronger les sangs, il va revenir. Il a toujours son collier ? Oui ? Alors on pourra l’identifier si quelqu’un le trouve. Tu te souviens le policier municipal avait pu ainsi te le ramener lors de sa dernière fugue. Demain matin, s’il n’est pas revenu, tu le contacteras tout simplement. De Claudine -Anna, tu as vu l’heure, il faut te préparer rapidement. Ton père trépigne et s’énerve, il déteste arriver en retard. -Maman, je t’ai dit que je ne voulais pas vous accompagner chez vos amis, je m’ennuie chez eux, il n’y a rien à faire dans cette maison. -Hé bien, pour une fois, tu pourras rester oisive ; emporte un livre, ça te distraira. -Qu’elle emporte plutôt ses cours d’anglais, elle a bien besoin de réviser, dit son père d’une voix forte et sans réplique. Voyant que ses parents ne céderaient pas cette fois-ci, elle fait contre mauvaise fortune bon cœur. Et attrape une pile de mangas. Pas question d’en rajouter en étudiant son anglais, ça va déjà être très barbant cette journée chez Yves et Monique. L’horloge de l’église tape ses douze coups au clocher lorsque la voiture s’arrête devant “Les Lilas” -Tu vois, Jo, nous sommes à l’heure, ne fais plus la tête. C’est l’anniversaire de Jérémy et ses parents ont préparé une belle fête.-Tu parles, grogne Anna. Je voudrais bien savoir où sont les lilas. -Anna, tu te calmes et tu fais bonne figure. -Ouiiiii maman. La maison a une belle architecture, mais sans âme. Le jardin est comme ses propriétaires, rigide, droit, peu de fleurs, bref, Anna le trouve, avec son avis d’ado, sinistre. Toute la famille est sur le perron pour les accueillir. -Anna, que je suis heureuse de te voir, lui dit Monique. Jérémy va être content. -Moi aussi, murmure Anna pour ne pas mécontenter ses parents. -Entrez, tout est prêt. Toute la famille est là. -Purée, que c’est vieillot là-dedans, pense Anna, j’espère que le repas sera plus sympa que la déco. Le repas se passe dans la joie. Jérémy a ouvert ses cadeaux et se jette sur les mangas offerts par Anna. A une époque pas lointaine, ils allaient ensemble écumer les boutiques de la ville pour satisfaire leur passion.Une fois le repas terminé, Anna demande, avec conviction, si elle peut faire un tour dans le jardin, histoire de prendre l’air. Et surtout de fuir les rires, les cris des enfants, la cohue. Derrière la maison, elle constate que des arbres ont été abattus, laissant voir une haie dans laquelle émerge un beau portail en fer forgé entouré de fleurs. C’est une vraie surprise pour elle et ça lui donne envie d’aller vers cet endroit qui donne de la gaité au jardin de buis.Dès qu’elle arrive près du portail, elle aperçoit un tout autre décor. Elle n’en croit pas ses yeux. -Mais, où suis-je se dit-elle, ce n’est pas la même propriété ? Elle avance vers les innombrables massifs de rhododendrons, d’azalées. Elle remarque les arbres centenaires, les cascades qui ruissellent entre des massifs d’arbustes divers. Au loin, une vallée verdoyante, apaisante, ouvre son horizon sur un château médiéval. Tout ceci est tellement magnifique qu’elle en a les larmes aux yeux. Elle s’assoit sur l’un des bancs de pierre, submergée par l’émotion. -Ce n’est pas possible, se dit-elle. C’est Alice au pays des merveilles. -Hé oui, ma jolie, c’est un peu le jardin des merveilles, dit une voix près d’elle. Elle ne s’est pas rendu compte qu’elle a parlé à haute voix. Tout comme elle ne s’est pas rendu compte que le grand père de Jérémy l’a suivi. -Tu n’es jamais venue ici ? -Non jamais. -C’est sûr, tu préférais rester avec mon petit-fils devant la télévision. Tu as grandi et tu explores enfin les environs ; c’est bien Anna, ça me fait plaisir de voir ta surprise et ton émotion -C’est trop beau. A qui appartiennent ce jardin et la belle maison que je vois au fond ? -A moi et à Ginette. Ça fait plus de cinquante ans que nous choyons ce lieu. Depuis notre mariage. Tiens, la voilà ma Ginette, tu vas pouvoir la suivre, elle est incollable en botanique. -Anna ma jolie, nous espérons que tu viendras plus souvent maintenant, lui dit Ginette. Allons dans la maison. Laissons tous les autres à leurs bavardages avec ma fille dans cette grande maison un peu triste. Tu es d’accord ? -Oh oui répond, avec gaité Anna. Et ils partent tous les trois bras dessus bras dessous dans un lieu magique. De Marie-Laure Portail ouvert sur un secret En ce matin d’été, Lucie pousse le portail qui mène à la maison de son aïeule. Elle vient d’apprendre qu’elle est l’unique héritière de cette grand-tante qu’elle n’a jamais connue ! Il s’avère que c’était la sœur de sa grand-mère, célibataire et sans enfants.Elle se souvenait, lorsqu’elle était enfant, qu’elle avait eu comme devoir d’histoire de faire un arbre généalogique. Elle avait sollicité l’aide de sa mamie, chez qui elle prenait le goûter en attendant le retour de ses parents. Elle avait coutume de faire ses devoirs avec sa grand-mère, mais cette fois la vieille dame se montrait un peu agacée face à l’insistance de Lucie. Oui, elle devait remonter jusqu’à ses grands-parents au moins, en notant la fratrie et remonter aussi loin qu’elle le pouvait. Le devoir serait noté et il fallait qu’elle soit le plus exhaustive pour remonter la lignée de chacun de ses parents.Sa mamie avait fini par évoquer Pierre, son frère mort à la guerre et Lucienne, sa sœur dont elle n’avait plus de nouvelles depuis des lustres. Elle n’avait en tête que les dates de naissance, voilà, pour les dates de décès, Lucie n’aurait qu’à dire au maître d’école que sa grand-mère ne savait pas précisément. Point barre, le chapitre était clos et Lucie avait poursuivi son arbre généalogique vite fait car sa maman était fille unique. Point d’oncles et tantes de ce côté familial, point de cousins et cousines, il y avait au final peu de petits carrés à remplir !Le soir venu, elle avait montré son travail à sa mère, qui la félicita de l’application avec laquelle elle avait réalisé son arbre. Pour toutes réponses aux questions de Lucie, elle évoqua des brouilles qui existent dans toutes les familles, que personne n’en savait plus ni l’origine, ni la cause et que la vie poursuivait son cours.La voilà devant ce portail imposant, rouillé tant et plus, mais qui devait avoir fière allure à l’époque. C’est un grincement plaintif qui l’autorise à pousser un battant pour pénétrer dans la propriété. Le parc est couvert d’herbes folles, mais on y devine des parterres de roses et une allée plantée d’arbres fruitiers qui conduit à la maison. Observant les quelques pommes qui sont accrochées çà et là, Lucie a un sourire aux lèvres : non, cela n’a rien du mas provençal avec son allée de platanes, nous sommes dans la Meuse et c’est une allée de pommiers qui accueille le visiteur, c’est inattendu pour la parisienne qu’elle est.Le jardin a eu aussi son heure de gloire en voyant ce qu’il reste de rosiers de toutes les couleurs. Sous un saule pleureur qui pourrait bien être centenaire, une table en fer forgé et une seule chaise. « C’est bizarre, se dit Lucie, qui s’imaginait déjà une vieille dame prenant le thé avec des amies, à croire que la vieille tante vivait vraiment toute seule dans cette grande demeure. »Elle a bien du mal à ouvrir la lourde porte d’entrée et quelle n’est pas sa surprise lorsqu’elle voit que tous les meubles sont soigneusement couverts d’un grand drap blanc comme on pouvait le faire à cette époque en prévision d’une longue absence. La tante avait -elle prévu son départ, s’organisant pour retrouver un intérieur propre à son retour ? Savait-elle qu’elle ne rentrerait pas dans sa maison et avait-elle fait en sorte que l’on trouve sa maison organisée, coquette lorsqu’elle ne serait plus de ce monde ? Avait-elle fait cela en pensant à sa sœur ? Avait-elle su le décès de sa sœur, la séparation de ses parents alors qu’elle était adolescente et la disparition de sa mère il y a tout juste un an emportée par un cancer brutal, féroce, qui ne lui avait pas laissé le temps de mobiliser la moindre énergie de lutte ?Lucie se sent mal à l’aise, elle a le sentiment de faire intrusion dans une vie dont elle ne connaît pas l’actrice. Rien ne la rattache à cette région, ni plus à cette demeure, encore moins à cette dame, si ce n’est une dispute et un secret de famille bien gardé. Seulement voilà, aujourd’hui Lucie n’a plus de famille, la lignée de sa maman s’est éteinte et le seul fil qui puisse la rattacher à son histoire se trouve peut-être entre ces murs ?Elle a pris tous ses congés, elle a le temps de poser ses valises, peut être décidera-t-elle de garder la maison comme résidence secondaire, car finalement ce n’est pas si loin de la capitale, elle verra bien, plus tard. Pour le moment, elle a déjà envie de faire connaissance avec la sœur de sa grand-mère.Elle ouvre grand toutes les fenêtres pour faire entrer l’air frais, le soleil et les chants des oiseaux qui s’amusent dans le saule. Elle fait le tour des chambres à l’étage, il y en a une qui visiblement était celle de Lucienne, il y a des habits de belle qualité dans l’armoire, un certain respect la submerge. Une autre semble être plutôt un bureau avec un petit lit d’appoint. La troisième donne plein sud, gorgée de soleil, meublée d’un lit, une armoire et une petite table, c’est là qu’elle décide de s’installer. Elle retrousse ses manches et nettoie la chambre, la cuisine, la salle d’eau et le petit salon, puis elle descend au bourg faire quelques courses. Sait-on jamais, si par hasard elle pouvait glaner quelques informations sur la propriétaire du 93 Impasse des Chenevières !Il lui a fallu plusieurs jours pour oser s’asseoir au bureau de Lucienne. Dans la bibliothèque, elle aperçoit des carnets alignés et visiblement classés par année. Elle est un peu gênée de les ouvrir sans y avoir été invitée par leur auteure. Néanmoins, si elle veut un peu mieux connaître la vie de Lucienne et par là même comprendre le pourquoi de la cassure avec sa grand-mère, elle n’a guère d’autres choix. Lucie s’invente comme une sorte de petit rituel. Elle se prépare un thé, le placard de la cuisine en regorge, visiblement Lucienne aimait bien cette boisson, voilà qu’elles ont un point en commun. Puis elle s’installe sous le saule, empruntant l’unique chaise de jardin comme si elle demandait la permission à feu son aïeule. Elle se laisse bercée par le vent qui fait danser les branches au-dessus de sa tête, ferme les yeux deux ou trois secondes, puis s’autorise à ouvrir délicatement un carnet.Entre récit de voyage et journal intime, au fil des pages, elle découvre la vie de Lucienne, célibataire, un temps pharmacienne, puis voyageuse invétérée et correspondante à l’étranger pour un célèbre mensuel. Chaque pays visité est décrit avec précision, sa population, ses coutumes, ses paysages, sa faune et sa flore. Les mots sont choisis avec soin, les descriptions sont fines et chatoyantes comme de la dentelle.Mais, en plongeant dans le roman de cette vie à la fois riche et mouvementée, Lucie découvre aussi les amours déçus et l’immense chagrin d’un enfant mort-né. Cet enfant est souvent nommé, il semble que Lucienne ait eu bien du mal à faire son deuil. Au fil de ses lectures, Lucie comprend que c’est après ce décès que sa grand-tante est partie à l’étranger. Cet enfant porte un prénom très commun à l’époque : Auguste. Il est question de tout ce qu’elle avait imaginé vivre avec cet enfant à ses côtés, mais aussi de la solitude, voire de l’abandon ressenti alors. Il se trouve que c’est le même prénom que son grand-père. Lucienne aurait donc donné à son fils le même prénom que son beau-frère, voilà qui n’est pas anodin ! Cet enfant est né la même année que la maman de Lucie, lui en été, elle en hiver. Les deux sœurs ont donc été enceintes sur une même période. Après son accouchement et le décès de son bébé, l’une a quitté le pays, en rupture avec sa famille. L’autre a élevé sa petite fille sans plus jamais évoquer sa sœur. Lucie se souvient que sa mère lui avait dit ne l’avoir jamais connue. Le lourd secret de famille pourrait bien se profiler ici.Mais, il y aurait encore un point à éclaircir. Pourquoi ses parents l’ont prénommée Lucie, il y a tant de prénoms féminins jolis, pourquoi en avoir choisi un si proche de celui de cette dame rejetée par sa famille ? Le mystère est entier, il faudra encore bien des jours sous le saule, pour essayer de tisser cette toile entre tous les membres de sa famille, Lucie le sait bien ! Aura-t-elle un jour toutes les réponses à ses questions ? Au fond peu importe, ce que son cœur lui dit, c’est qu’en la nommant Lucie sa maman a peut-être voulu re-tricoter à sa façon le roman familial et ce ressenti lui suffit pour oser investir davantage la maison de Lucienne et tous les trésors qu’elle recèle. De Catherine G (proposition d’écriture N° 186) Un esprit sain… — Alors, Gilles, comment vous sentez-vous ? — Bof ! Couci -couça .. — C’est normal, dans votre situation, mais je vous assure que vous êtes sur la bonne voie au niveau de votre sevrage. Ça avance vraiment bien. — Ouais, si vous l’dites ! — Hum ! Seulement maintenant, il faut recommencer à être acteur de votre vie ! — … — Avez-vous regardé la rediffusion de l’émission dont je vous avais parlé et qui traitait du sujet qui nous intéresse aujourd’hui ? — Oui… enfin, non, je m’suis endormi dessus … — Okay… ! En fait, je voulais vous inciter à une mise en action par le sport, comme vous le faites ici dans le cadre de votre parcours de soin. Mais une fois dehors, il vous faudra persévérer dans cette voie. Vous comprenez, Gilles ? — Oui, j’ai compris… du sport ! — Ça vous aidera à dépoussiérer votre esprit et à en éliminer toute idée de retour en arrière… —Hum…— Vous avez plusieurs possibilités, surtout en cette période où l’hiver nous cantonne à l’intérieur. Que dites-vous vous du yoga par exemple ? — Ah non, pas le yoga ! Ça me rappelle trop ma femme, ses postures débiles et sa sempiternelle tisane détox ! Ah non alors ! Mon salut est dans l’oubli de cette image ! — Bien, bien, bien… Et un abonnement dans une salle de sport ? Sculpter votre corps vous donnera de l’assurance et du panache … — Même pas en rêve ! Suer sang et eau pour se bodybuilder, ce n’est pas pour moi ! — Ce n’était pas mon propos. Je voulais dire que gérer son corps aide à gérer son esprit…— Ah, si vous l’dites … — C’est prouvé, vous savez, Gilles. Vous seriez étonné de la richesse des apports de l’activité physique à court et long terme ! — Hum ! — Faites-moi confiance, c’est important pour vous ! Quand je vous dis sport, qu’est-ce qui vous vient spontanément à l’esprit ? — Pétanque ! J’adore la pétanque ! — Bien ! Mais oui, c’est excellent ! Ça demande concentration, précision, attention et relations aux autres. Voilà, on a trouvé ! Juste, dites-moi ce qui vous plaît dans ce sport … — Oh ben, c’est facile, c’est quand on arrose la fin de la partie ! C’est la fête au pastaga avec les copains ! De Catherine G Le bijou Virginie avait bien conscience que cette folie était un luxe pour elle, et qu’elle aurait pu employer cet argent à d’autres fins plus utiles et plus primaires. Mais cette commande était exactement le bijou qui manquait à son petit nid douillet.Elle avait toujours rêvé d’une maison avec une grille en fer forgé imaginée depuis longtemps. Son design et ses arabesques s’étaient clairement dessinés dans son esprit et elle n’avait jamais eu besoin de crayonner pour s’en souvenir. Elle n’avait utilisé les tracés qu’à la commande, pour que l’artisan qui allait la concevoir sache exactement ce qu’elle voulait.Et la voilà maintenant posée, majestueuse comme dans ses rêves. Majestueuse mais pas arrogante, ni ostentatoire. Toute simple dans la complexité de ses entrelacs de fer, toute de grenat recouverte, de la même couleur que les volets et persiennes de la petite maison qu’elle était censée protéger.Elle n’avait pas souhaité être là lors de la pose, souhaitant se ménager la surprise. Et elle n´était pas du tout déçue. C’était exactement comme elle l’avait voulu, du moins au niveau esthétique. Cet artisan était vraiment un excellent travailleur. Le seul bémol, si tant était qu’il puisse y en avoir, c’était qu’elle ne grinçait pas quand on ouvrait ses vantaux. Car elle l’avait rêvée grinçante, sa nouvelle grille. L’artisan lui avait bien expliqué que seul le temps qui passe, aidé des successives intempéries, pouvait un jour faire chanter sa grille. Elle avait beau se raisonner, ça restait quand même une petite déception.Pourtant, elle savait pertinemment qu’elle ne la fermerait jamais. Elle l’avait toujours imaginée ouverte, avec des herbes folles rivalisant avec les barres et volutes de fer, et celles plus courtes qui empêcherait sa fermeture potentielle. Elle la voulait ouverte comme une invitation à entrer dans un espace différent d’ailleurs, et non comme un symbole d’interdiction et une barrière.Sans cette grille frontière virtuelle, son petit domaine n’aurait pas été achevé. Maintenant, tout était paré pour sa nouvelle vie, et la nature et le temps auront peu à peu à cœur de parfaire l’ensemble, apportant à la grille la patine souhaitée. Alors, elle se sentit heureuse comme une petite fille qui aurait reçu le plus merveilleux des cadeaux. De Pierre Sarah était à cette époque une jeune fille indépendante au caractère impétueux, très décidée, qui en avait plus qu’assez du cocon familial étouffant dans un univers de béton, elle qui rêvait de soleil, de chaleur et de liberté. C’était la fin de l’hiver, dans cette ville du nord avec une alternance de pluie et de grésille, tout était triste. Sur un coup de tête, Sarah avait pris la décision de partir et d’aller chez sa mamy vivant dans le sud. Elle l’avait prévenu de son arrivée en lui demandant de ne pas en parler à ses parents car après tout, elle qui avait 22 ans, était majeure, libre de ses mouvements. La grand-mère qui adorait sa petite fille lui avait dit sans hésiter « je t’attends, tu es la bienvenue », heureuse de l’accueillir dans son mas de Provence où elle vivait seule. Sarah prit donc un congé de son employeur, une clinique où elle y exerçait des fonctions d’aide-soignante. Avant de quitter l’appartement familial, elle laissa un petit mot informant ses parents qu’elle partait quelques jours chez une amie.Le voyage, un peu long, se déroula toutefois sans problème. Pour lui faire la surprise, elle n’avait pas donné à sa grand-mère son heure d’arrivée. A la sortie de la gare de Grasse, le soleil et la douceur du climat en cette période de l’année étaient de la partie, loin des frimas du nord. Ne trouvant aucun moyen de transport pour aller chez sa grand-mère, elle partit à pied empruntant une petite route qui serpentait dans la campagne au milieu d’une végétation s’éveillant des rigueurs hivernales. Hormis les oiseaux chantant à son passage, le silence régnait, loin du tumulte de la ville. Elle aperçut au loin le mas de sa grand-mère à quelques kilomètres de là. Elle décida de s’arrêter et de s’assoir sur un banc pour souffler un peu. Soudainement, elle s’aperçut qu’elle avait oublié son sac dans le hall de la gare, son sac qui contenait toutes ses affaires, dont son téléphone portable. Elle demanderait à sa mamy de l’emmener à la gare. Au même moment, elle aperçut une voiture qui s’arrêta à son niveau:-Bonjour, lui dit le conducteur, un homme relativement jeune, que puis-je pour vous ? Vous semblez égarée…-Non merci, j’ai juste oublié mes affaires à la gare.-Pas de problème, allons les chercher, mais où alliez-vous ? -Là-bas, vous voyez le mas, c’est là qu’habite ma grand-mère.-Je la connais, nous sommes presque voisins ; je gère une exploitation horticole dans les parages, enfin tout ce qui touche à la nature…-Vous êtes seul ? lui demanda-t-elle, car elle semblait de plus en plus intéressée par ce garçon : quelque chose se produisait en elle, comme une sorte d’attirance. -Oui, je vis seul avec chats et chiens et quelques brebis qui paissent dans les parages. Très champêtre ce que je vous raconte, lui dit-il en souriant.-J’aime bien ce que vous me racontez, ça me change de la grisaille des villes du nord en hiver, d’où je viens.Ils parvinrent rapidement à la gare ; elle retrouva son sac et ils repartirent directement vers le mas. -Nous y sommes, lui dit-il, voilà les grilles ; je vous laisse car j’ai un rendez-vous.Avant de se quitter, ils s’embrassèrent et promirent de se retrouver rapidement. Après avoir laissé son sac dans un coin de la grille, elle franchit allégrement la porte d’entrée, presque en courant, où elle fut accueillie par les fleurs qui ornaient le passage menant à la maison. Sa grand-mère l’attendait car elle avait été prévenue par le mystérieux personnage qui avait abordé sa petite fille. Enfin, la vie était belle pour Sarah qui se souvient encore, aujourd’hui, de cette belle parenthèse dans sa morne existence. De Pascale Suspendre, Soudain le cours du temps Sidérée par l’inextricable N’ayant rien vu venir N’ayant prévu le pire. Descendre, Lentement, inexorablement, Plonger dans l’inconcevable Ne sachant plus réfléchir Ne sachant plus que souffrir. Attendre, Le fil des évènements, Se sentir incapable, Avant qu’il ne chavire De reprendre en main le navire PourfendreLa douleur, l’effondrement, Ce parcours insupportable.Les laisser t’envahir, Omettre de les accueillir Apprendre, Que si le chemin est intermittent, Et partir inéluctable,Les étoiles continuent de luire Nous guidant vers l’avenir. Comprendre, Que les paysages, bien inconstants, Au fil du voyage remarquable, Charpentent des souvenirs Des expériences à conquérir. Entendre, Dans le souffle du vent La voix de l’Ami(e), inlassable, Réanimant, au gré de tes soupirs, Ton espoir, ton sourire. Entreprendre, Sous la pluie ou le soleil luisant, D’ouvrir une porte improbable Sur le chemin à poursuivre, T’y engager sans tressaillir. Reprendre Maintenant le cours du temps, Sans augurer de l’insoupçonnable Respirer, pleurer, rire, grandir, Oser te recréer, vivre ! De Dominique La fille du château rouge. Comme tous les matins, Elsa se dirigeait vers le perron du château rouge, le bien nommé.Après avoir ouvert la grande porte à doubles battants, elle inspirait à plein poumons l’air frais du matin. Puis, en fermant les yeux, elle écoutait les sons de la nature qui s’éveillait.Devant elle, se dressait le parc fleuri, elle aimait le contempler dans sa beauté renouvelée, découvrir ses couleurs dans la rosée du matin. Alors, Elsa descendait les marches de l’escalier de pierre pour fouler les beaux graviers blancs. Là, elle se retournait pour admirer la belle façade de briques rouges qui avait donné son nom à la demeure : « Le château rouge ». Cette maison bourgeoise l’avait vu naître.Elle se savait privilégiée par la vie, mais une nostalgie familière l’étreignait un peu plus chaque jour. Sa famille avait réussi dans le domaine de l’industrie du textile. Elle se sentait formatée pour devenir la prochaine « héritière » du « château rouge » et cette pression sociale l’angoissait.Le domaine était peuplé de personnels de maison, d’écuries, de parcs et de jardins. Elsa venait d’avoir dix-huit ans et elle ne se sentait pas libre. Chacun de ses pas était surveillé par Bella, baby-sitter, nounou et gouvernante de la jeune fille depuis tant d’années .— Où vas-tu de ce bon matin Elsa ? — Je vais me promener dans le parc, ne crains rien, Bella !D’un pas léger, elle s’en allait aux écuries voir son cheval « Sirius », le bel étalon noir. Elle pensait : — Un jour, je le chevaucherais et nous galoperons vers les étoiles… — Alain n’est pas là ? demanda la jeune fille aux palefreniers présents. — Non, Mademoiselle, vos parents lui ont donné congé. Elle aimait bien le jeune homme, une amitié forte les unissait mais, « aimait bien », ça n’est pas aimer d’amour. Elsa comprit alors que ses parents ne l’avaient pas congédié, mais licencié pour ce qu’il représentait, « on ne s’entiche » pas d’un palefrenier dans son milieu social, en tout cas, on n’en prend pas le risque. Affectée mais ne le faisant pas paraître, elle continua sa promenade.Les jardiniers s’affairaient dans le parc, ils tondaient, biner, sarcler, tailler pour faire du jardin, un écrin vert entourant le château. Elsa s’avança pour admirer les fleurs de l’été. Les roses odorantes, les lilas, les achillées, les marguerites sauvages, tout était un ravissement pour les yeux. En suivant le sentier qui traversait le petit bois, Elsa surprit un lièvre détalant à toutes jambes.Elle crut l’entendre parler ; — Quelle heure est-il ? Vite, vite je suis en retard… Puis il disparut dans les profondeurs du terrier.Avait-il rendez-vous avec Alice dans son pays des merveilles ? L’envie folle de le suivre lui vint, mais, le monde des jolis contes ne devient jamais une réalité. Au bout du sentier bordait de tilleuls, se profilait la grille qui délimitait la propriété. Comme chaque jour, malgré l’interdit, elle irait là-bas vers ce qui lui semblait être « la vraie vie ». La grille était mi-ouverte, sa couleur brun clair s’harmonisait gracieusement avec le bleu nuit des clématites qui l’escaladait. Elsa poussa la porte qui coulissa sur ses gonds dans un grincement d’acier.Dehors, quelques voitures passaient, leurs occupants avaient tous le même regard envieux vers le rouge de la façade du beau château. Au plus profond d’elle-même la jeune fille se disait : — Si vous saviez ? Elle fit quelques pas et franchit le « saut du loup » puis s’assit sur une racine d’arbre. En fermant les yeux, elle s’imaginait montant à bord d’un carrosse qui l’emmènerait loin, très loin au bout de la route, là où elle se perdrait sans plus jamais revenir. Elle se sentait bien, rêvant à son futur heureux mais, la voix de Bella la rappela à l’ordre : — Mademoiselle, ça n’est pas prudent de vous aventurer au dehors de la propriété, des personnes mal intentionnées pourraient vous enlever ou vous faire du mal. Allons, venez vite, votre père ne serait pas content s’il vous savait ici !Comme à chaque fois, Elsa se résignait et rentrait au « château rouge », sa façade de briques rouges brillant toujours au soleil. — Je reviendrai demain ou après-demain, se dit-elle. Je reviendrai voir la route derrière la grille fleurie et j’attendrai l’inattendu, l’aventure au bout du chemin, la vraie vie quoi !Un mardi de septembre, quelques jours avant la reprise des cours, Elsa, la jolie fille brune de dix-huit ans, franchissait la grille fleurie de clématites et plus jamais personne ne la revit…Au pied de la racine de l’arbre sur laquelle elle aimait s’asseoir, une marguerite effeuillée s’étalait sur l’herbe fraîche ; — Je t’aime, à la folie, pas du tout, passionnément… De Nicole Le portail Sortir. Enfin.Rosemonde, guillerette, ouvrit le portail. Elle avait réussi à s’éclipser.Ses parents recevaient ceux de David Delory, héritier de l’usine de son père la plus importante de la région. Un mariage qui réunirait la noblesse parentale des De Castelbajacà l’économie florissante des Delory. De ces épousailles, Rosemonde ne voulait point. Son coeur était pris ailleurs, elle aimait Brice Lehanne, le libraire du village et c’était réciproque.Primesautière, elle emmenait avec elle sa volonté, son désir de changement de vie et surtout son amour. Que diable ! Nous étions au XXIème siècle et elle était majeure.Elle en avait assez de cette vie toute en faux semblants, du snobisme ambiant et de ce politiquement courtois.Elle prenait exemple sur sa sœur aînée, Adèle, partie depuis peu et qui faisait carrière au cinéma. Une gourgandine, aurait dit sa grand-mère maternelle.Brice l’attendait au bout su sentier. Sa voiture brinquebalante les emmenait vers Quimper.Ils ouvriraient une nouvelle librairie, inviteraient des auteurs, autrices, des philosophes pour des lectures publiques, des débats animés. Il y aurait des animations lecture destinées aux enfants. La nouvelle vie commençait enfin… De Saxof LE MANDAT En tant que négociatrice en immobilier, je me suis spécialisée dans les demeures de prestige, et surtout les châteaux laissés à l’abandon. Je suis en ce moment sur un magnifique domaine sur cinq hectares, non habité depuis le décès de sa propriétaire. Je connaissais très bien cette dernière, une fabuleuse narratrice sur ses histoires de famille ; famille que j’avais rencontrée au complet. Les arrière-petits-enfants étaient merveilleux et aimaient venir se perdre dans toutes ces pièces d’un autre âge. Adèle, qui avait 93 ans, s’est éteinte une nuit, seule dans un sommeil paisible. La femme de ménage, étonnée de ne pas la voir dans son fauteuil, a été attristée devant sa dépouille, découverte dans son lit à baldaquin. Elle a longuement pleuré avant d’appeler son fils Edouard et sa fille Elisa qui sont venus sur le champ. Je suis allée à la veillée mortuaire, comme me l’avait proposé Elisa. Nous en avons profité pour aborder le thème de l’utilisation future du château. Personne n’avait envie de l’habiter, il y aurait trop de travaux de rénovation. Le louer aurait pu être une solution, sauf que les règles de location sont devenues tellement pointues et absurdes que leurs moyens financiers ne le permettaient pas, même en touchant à l’héritage d’Adèle. La solution était donc la vente. Avant de signer quoique ce soit, je leur ai laissé le temps de la réflexion ultime. Un mois plus tard, la famille est revenue vers moi pour préparer le mandat de vente. Il y avait des restrictions importantes, car pas question de vendre à quelqu’un qui voudrait créer des appartements avec un syndic, et surtout, pas question de vendre à un étranger qui dilapiderait le lieu afin d’emporter le patrimoine dans son pays. L’idéal serait de vendre à quelqu’un qui aimerait profondément son achat et l’entretiendrait le mieux possible avec amour. Un combat se prépare ! Le mandat signé et mis en ligne, j’ai eu de nombreuses propositions qui ne pouvaient convenir à ce qui avait été décidé. Calme plat durant un long moment, et au bout de neuf mois, alors que le printemps pointait son nez, la lueur d’espoir est arrivée. Je tenais le château dans toute sa prestance, en employant deux jardiniers tout l’hiver pour que les beaux jours éclatent au jardin. La femme de ménage entretenait l’intérieur deux fois par mois. C’est à ce moment-là que j’ai reçu un couple d’une trentaine d’années. Après la visite, ils étaient enthousiastes, faisant déjà des projets, imaginant leurs enfants dans ce lieu magnifique, qui correspondait en tout point à leur attente. Je leur tendis ma carte de visite pour qu’ils puissent me téléphoner leur décision. Ils étaient si jeunes, avec des emplois ordinaires, et je craignais que ce fut une erreur de ma part de leur avoir permis cette visite. Je n’en parlais pas à la famille d’Adèle pour ne pas leur donner de faux espoirs. Quelques jours plus tard, trois exactement, ces jeunes m’ont téléphoné pour une seconde visite. J’étais à la fois heureuse et inquiète. Ils sont arrivés avec leur petite fille, le sourire joyeux pour battre à nouveau le carrelage et les parquets du château et poser leurs yeux sur ces merveilles A la fin, je leur ai posé la question qui me brûlait les lèvres et que j’aurais dû leur poser lors de la 1ere visite. -Avez-vous vu votre banquier pour cet achat important ? Ils se sont regardés et ont éclaté de rire. -Rassurez-vous, c’est notre banquier qui nous a dirigé vers ce genre d’achat. Il y a six mois, nous avons gagné une somme à Euromillions, une ENORME somme !! Et avons en aval fait des comptes avec les personnes adéquates. Nous sommes prêts et n’avons pas besoin de faire un crédit. Notre choix s’arrête ici après avoir visité huit autres châteaux. Celui-ci est magnifique et correspond à notre rêve et nous voulons signer, le notaire est déjà prévenu, me répondirent-ils en me serrant la main. Mon coeur s’est encore affolé lorsque j’ai appelé Edouard et Elisa pour leur annoncer la nouvelle. Nous nous sommes tous réunis au château autour d’une coupe de champagne. Le mercredi suivant, le notaire a bien rempli son contrat avec toutes les conditions afin que les nouveaux propriétaires n’en fassent pas un immeuble de location ou de dilapidation. Le patrimoine devra juste être amélioré, rajeuni. Tout le monde était ravi. Quelques heures avant le déménagement, je suis allée vérifier si tout allait bien, et devant ce travail accompli, je me suis sentie heureuse, appuyée sur le portail ouvert, en contemplant le château, l’arrivée des fleurs tout en pensant à Adèle qui devait être satisfaite de là-haut !! De Francis Le portail doré de la vie Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux Regardez-les s’envoler, c’est beau……… Agathe est née dans une famille bourgeoise habitant un quartier chic d’une ville animée, devant elle, un portail doré ouvrant sur un chemin pavé d’or. Elle n’hésite pas à s’y lancer, la vie est une mélodie enchanteresse, elle aime chacune de ses notes. Elle est insouciante, son rire est cristallin, son sourire éclatant. Elle aime la musique et passe des heures à jouer du piano.Elle a un cercle d’amis proches qui l’accompagne avec qui elle partage ses passions, ses aventures. Agathe est une jeune fille de son temps, elle participe aux soirées étudiantes, partage les discussions, les passions et les aventures des jeunes de sa génération.Mais, un jour, alors qu’elle est entraînée dans l’effervescence de la vie étudiante, Agathe est confrontée à un défi inattendu. Tentée par la curiosité et l’envie de découvrir de nouvelles expériences, elle est attirée dans l’ombre de la drogue. C’est un mauvais trip, un voyage au plus profond des ténèbres de son âme. Agathe se retrouve prisonnière de ses propres démons, confrontée à des tourments qu’elle n’a jamais imaginés. La drogue a empoisonné son esprit et son corps, menaçant de briser le doux rythme de sa vieMais, elle refuse de se laisser emporter par les ténèbres. Avec une force intérieure insoupçonnée, elle lutte pour retrouver la lumière. Chaque jour est un combat, chaque pas est une victoire sur ses démons intérieurs.Finalement, après des jours et des nuits de lutte acharnée, Agathe émerge de l’ombre, plus forte et plus résiliente que jamais. Elle fait le point sur sa vie, réalise à quel point elle est précieuse et fragile à la fois. Elle comprend que chaque choix a des conséquences, et que sa jeunesse, si précieuse, mérite d’être préservée et chérie.Ainsi, avec courage et détermination, Agathe se reconstruit pas à pas. Elle se tourne vers ses proches pour les soutenir et être soutenue en retour. Elle reprend ses études avec ardeur, déterminée à réaliser ses rêves et à tracer son propre chemin dans la vie. Aujourd’hui, lorsque Agathe repense à son voyage à travers l’obscurité, elle le fait avec gratitude. Car c’est dans les moments les plus sombres que l’on découvre la véritable force de l’esprit humain, la capacité à surmonter les épreuves et à renaître de ses cendres, tel un phénix majestueux.C’est avec cette même grâce et cette même détermination qu’Agathe franchit chaque jour le portail doré de la vie, prête à embrasser chaque nouvelle aventure avec un air insouciant et un cœur rempli d’espoir. De Marie-Josée Jardin secret Parfois, il m’arrive de pousser La porte de mon jardin secret. Aubépines et églantines, en ont tissé l’entrée De montagnes et collines il est entouré. Les embruns de la mer Noire l’ont arrosé, Les méandres de ma mémoire l’ont façonné. Les saisons s’y sont succédées, Des arcs-en-ciel l’ont enjambé. Des cascades de rires s’y sont déversées, Des torrents de larmes y ont coulé. Perles et galets, l’ont pavé, Chèvrefeuille et genet l’ont décoré. Des rayons d’or l’ont illuminé, Emeraudes et rubis s’y sont incrustés. Rossignols et merles y ont chanté, Papillons et cigales y ont dansé. Roses et jasmins l’ont embaumé, Abeilles et coccinelles y ont butinés. Corneilles et corbeaux l’ont survolé, Bourrasques et tempêtes s’y sont engouffrées. Les orties de haine et de rancune arrachées, Des graines de confiance et d’espoir y ont germé Brumes et nuages l’ont enveloppé Neige et frimas l’ont parfois figé. Les raisins de la colère ont été remplacés Par des pommes d’amour bigarrées Dans mon jardin secret personne ne peut accéder Aubépines et églantines sont là pour y veiller. D’Elie (proposition d’écriture N° 184) La célébration des retrouvailles de la diaspora de Domè Houandougon. Plusieurs décennies se sont écoulées sans que les filles et les fils d’une même vallée ne se connaissent. Ils sont dispersés dans les villes et les villages du Bénin. Ces filles et fils séjournent également dans plusieurs pays d’Afrique et de l’Europe. Épris de la nostalgie, quelques natifs du terroir se donnèrent les moyens afin de retrouver les siens. Une seule pensée motiva les filles et les fils de la diaspora. ‘’ Se retrouver entre frères et sœurs pour former des maillons de chaînes pour la connaissance des uns et des autres, l’entraide et se nourrir de plus belles ambitions pour leur commune.’’ Une telle motivation, bouillonnait dans l’esprit de quiconque aspirait à l’unité et le bonheur des siens. À cet effet, des dispositions sur le plan organisationnel furent mises à l’œuvre.Au cours des années 2022et 2023, plusieurs rencontres de tête à tête et de prise de décisions eurent lieu. Ce fut à l’occasion d’une de ces rencontres que furent tissées des stratégies pour faire assoir les bases de l’Association. Il s’agissait d’établir les statuts et règlements qui devaient l’affermir et donner un élan à des actions visant au développement de la commune. Les jours passèrent et cédèrent aux mois. Nous voici à quelques mois de la fête identitaire des natifs de chez nous. Il urgeait de secouer les vices de la négligence et ceux de l’ordre relationnel pour avancer.Au prime abord, l’organisation de la première édition des retrouvailles prit forme. La première édition de cette célébrée entre les 21 au 23 décembre 2023 fut tenue à l’Ecole primaire publique de Domè centre. En prélude au déroulement du programme des retrouvailles, il y eut des compétitions de jeux culturels. Notamment, nous avions des jeux tels que Adji, le football et l’histoire des huit villages de l’Arrondissement. L’appareil servant au jeu Adjito était un bois artistiquement sculpté et qui avait deux rangées de six trous contenant chacun quatre bonducs, soit quarante-huit qui servaient au jeu Adji. « Adji » signifie calcul, savoir jouer. « To » signifie littéralement la ville. Autrement dit, Adjito signifie savoir jouer pour vivre dans la ville. Pour ce jeu, une natte neuve était soigneusement étalée au sol pour accueillir les candidats des différents groupes. Les spectateurs enthousiasmés formèrent des cercles autour d’eux, qui s’impatientaient de la délibération des jurys. Ceci était organisé dans les huit villages de l’arrondissement jusqu’à la finale. En parallèle à ce jeu, le football était mis au rang des autres jeux culturels. À ce sujet, le terrain du sport était emblavé et orné. Le signal étant donné, les footballeurs à l’école urbaine centre plantèrent le décor et jouèrent durant les quatre-vingt-dix minutes. L’équipe, les Élites de l’arrondissement, furent battues par deux buts contre zéro face aux Léopards du village d’Agoïta. Par ces jeux culturels, les talents qui jonchaient les vies de la jeunesse eurent l’opportunité de s’illustrer à la face de nos invités.Les festivités prenaient de l’ampleur et donnant le goût d’un vin nouveau car les visages nouveaux se rencontraient dans toutes les familles. Certains d’entre eux avaient pris dix à vingt ans depuis leur dernière arrivée. Ces rencontres firent jaillir des flux d’affection et de gaieté. Le samedi 23 décembre 2023 était le jour solennel des retrouvailles. Ce matin en face de l’enseigne : « Ecole Primaire Publique de Domè, Arrondissement de Domè, Commune de Zogbodomey », deux rangées de personnalités de la chefferie traditionnelle étaient prêtes pour leur procession. Le roi Houandou et la reine à sa droite étaient vêtus du tissu dans lequel se trouvait le symbole de la jarre trouée. Une illustration qui invite les filles et les fils à l’unité afin de bâtir notre arrondissement. Le roi et son cortège conduits par les joueurs du rythme traditionnel Azidja jusqu’au lieu de leur installation.Le cortège de la chefferie traditionnelle installée au côté est faisait face aux autorités politico administratives de la commune. L’installation des personnalités ayant pris fin, le président de l’association et diverses personnalités firent la lecture de leurs discours. Des espaces de temps de premières heures étaient donnés aux pasteurs des églises évangéliques et catholiques pour ouvrir les activités de la fête identitaire par un culte d’adoration et de louange. Le paysage était magnifique et nourrissant pour nos sens. Mieux encore, ces séances constituaient la sève vivifiante qui nous donnait du réconfort et un renouveau dans l’homme intérieur de tous les invités. Ces protocoles donnèrent place aux animations culturelles des rythmes Sato, kpojiguegue et zangbeto. La fête identitaire de la première édition connut un succès incroyable. Pour couronner l’évènement, des prix furent donnés aux gagnants des différents jeux culturels et aux cinq premiers des classes de cours d’initiation et à ceux du cours élémentaire. Ces retrouvailles riches en capital humain permirent de faire un appel de fonds considérable pour la réalisation d’une infrastructure scolaire destinée à l’un des huit villages de l’arrondissement. L’unité sur la voie du bon sens, c’est la clé pour réaliser l’impossible. De Claude Amour aveugle Comment est-ce possible ? Il n’a pas reçu mon message ou quoi ? Je le vois remonter lentement, péniblement, l’air coupable, la longue allée de mon jardin. Mais que vient-il encore faire ici ? Mon message était pourtant bien clair : « Tout est fini entre nous ». En quelle langue faut-il que je le lui dise ? Il vient certainement se justifier, m’expliquer que ce n’était pas ce que je croyais – ce n’est pas la première fois d’ailleurs, qu’il me donne cette phrase-là comme excuse et que je lui réponds : « Oui, je sais, je t’ai surpris comme par hasard, au choix, (barrer les mentions inutiles) : dans les bras de ta cousine, d’une vieille amie de lycée, de la sœur de ton meilleur ami…, alors que vous échangiez un baiser passionné… ». Je lui ai déjà pardonné une incartade, mais là, trop, c’est trop…Il va encore me servir la même rengaine : c’est moi qu’il aime, que je suis la femme de sa vie, qu’il ne peut pas vivre sans moi, même si nous vivons à 200 kilomètres l’un de l’autre et qu’on ne se voit que le weekend. On se connaît à peine et déjà il veut qu’on vive ensemble et il fait pour nous des projets insensés. En me trompant effrontément.Je reconnais qu’il m’avait tout de suite séduite. C’était lors de l’anniversaire de ma collègue de travail, Catherine. Son attitude décontractée, son regard malicieux… J’avais beaucoup ri à ses blagues. Très fines, d’ailleurs. Bref, tout m’avait plu dans le personnage. J’étais amoureuse. Enfin !Après des déceptions qui me laissaient un goût amer, je me sentais revivre. L’avenir me semblait plus rose. Le destin avait-il eu pitié de moi ? Mais, est-ce par superstition ou par crainte que mon beau rêve ne s’effondre, je n’en avais parlé à personne, ni à mes parents, ni même à Catherine, à qui je confie tous mes petits secrets. J’avais bien fait, finalement !Parce qu’alors que je faisais mes courses en ville, jeudi dernier, devinez qui j’aperçois devant la poste, embrassant à bouche que veux-tu une grosse blonde dont j’avais pris la mini-jupe pour une grosse ceinture ? Mon « amoureux », bien sûr. Furieuse, je lui envoie aussitôt un SMS pour lui raconter ce que j’ai vu et lui signifier que notre aventure était arrivée à son terme. Bon, ce ne sont pas exactement les termes que j’ai employés, mais il ne pouvait subsister aucun doute sur le sens de mon message. Mais, j’y pense : que faisait-il là jeudi après-midi alors qu’il n’est censé rentrer ici que samedi matin ? M’aurait-il menti sur ça aussi ? Il s’approche et je remarque des larmes sur son visage. M’aimerait-il vraiment ? Me serais-je trompée sur lui ? Les pensées se bousculent dans ma tête. Mes bonnes résolutions se sont déjà envolées. Je suis soudain prête à tout lui pardonner. Une nouvelle fois. Sans un mot, le voilà qui m’enlace- je ne m’en lasse pas ! – et qu’il me couvre de baisers auxquels je ne peux résister. C’est alors que la sonnerie de la maison retentit à nouveau et que je manque défaillir en voyant entrer la personne.Il m’avait bien caché qu’il avait un frère jumeau. Mais, un vrai jumeau ! Je dois vous avouer que je suis ravie et fière que vous soyez aussi nombreuses et nombreux à participer à mon atelier d’écriture. Je vous remercie du fond du coeur pour cette belle aventure, qui ne saurait exister sans votre participation régulière. C’est toujours un immense plaisir que de vous lire.Je suis touchée aussi par les mesages que je reçois de votre part. Vous m’encouragez et vous ne savez pas le bien que vous me faites. Vous êtes un vrai elixir de bonheur! La semaine prochaine, nous fêterons le Nouvel An chinois (pas que d’ailleurs). Nous sommes invités pour cette occasion et j’ai décidé de jouer le jeu en me commandant une tenue appropriée pour la circonstance.Cette année, le dragon de bois est mis à l’honneur. Connaissez-vous votre signe chinois? Le mien, c’est le tigre. Je vous rassure, je ne griffe pas, et je n’attaque pas dans le dos. Je suis fidèle en amitié comme un amour, si on ne me fait pas de coups tordus. Je peux être directe et franche, car je ne supporte pas l’hypocrisie.D’ailleurs, j’ai supprimé de mon cercle les mielleux, les grandes gueules, les tordus, les toxiques, les menteurs et les foireux. Il ne reste plus grand monde, mais que cela fait réellement du bien de pouvoir compter sur de vraies personnes! Je vous souhaite un weekend lumineux et créatif. Je vous donne rendez-vous samedi prochain pour les nouveaux textes du blog LA PLUME DE LAURENCE. Portez-vous bien, prenez soin de vous et gardons une belle âme ensemble. Créativement vôtre, Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE |