Il se passe des choses bizarres, notamment en Normandie, avec des chats qui parlent, des bruits bizarres, des âmes décédées qui viennent hanter, certaines parce qu’elle sont en colère…j’ai mal dormi!

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
 

De Nicolas

Ah… Cette nuit fut fabuleuse. J’ai merveilleusement bien dormi. J’étais tellement épuisé, que de retour chez les parents, dans la ferme de mes grands-parents, m’a fait le plus grand bien. J’ai eu un rêve bizarre cette nuit, j’ai eu l’impression que quelque chose me touchait, cela m’a réveillé et pourtant j’étais bien seul. Mais, ce qui m’étonna fut de voir la lampe de chevet de mon enfance sur mon lit, alors que je suis persuadé qu’elle était sur ma table de nuit hier soir… Oui je me rappelle bien c’est là que je l’avais éteinte… Bizarre… Je l’ai sans doute déplacée dans la nuit sans m’en rendre compte.

La porte s’ouvrit sans que je voie quelqu’un l’ouvrir…

-Franck, à table, ton petit déjeuner est prêt, et moi je dois partir au travail ! 

-OK Maman, j’arrive, je m’habille et je descends.

C’était ma mère qui m’appelait juste en entrouvrant ma porte.

Je me levai et m’habillai rapidement, car il faisait un froid glacial dans ma chambre. Étonnant car je me rappelais fort bien avoir réduit le chauffage, mais jamais de l’avoir arrêté par ce froid glacial qui traînait à l’extérieur. Avec ses murs épais de très vieille maison, la température de ma chambre aurait pourtant dû rester confortable, alors qu’il faisait réellement une froidure exceptionnelle… Mais la fenêtre était ouverte… C’est impossible que j’ai pu l’ouvrir, je ne suis pas cinglé…Par cette température en plus… Que se passe-t-il ? La lampe, le radiateur, la fenêtre… Je ne comprends pas… Je deviens fou ou quoi ? Je verrai plus tard, après avoir mangé cela ira mieux. Serais-je tellement épuisé que je ne sais même plus ce que je fais ? Si oui, médecin d’urgence !

Mais où sont mes habits, ils étaient là sur la chaise… Ah Non ! cela devient trop…

-Maman ! As-tu pris mes habits ? Pour les laver ?

-Non mon chéri, je ne suis pas rentré dans ta chambre.

C’est impossible… Que se passe-t-il ?

Sans mes habits, je me levai et j’ouvris mon placard pour y prendre mon vieux peignoir tout usé que je n’avais pas enfilé depuis des années d’éloignement de cette chère maison. Il était frais, mais en bonne laine il me réchaufferait rapidement. J’y trouvais aussi mes vielles charentaises, usées elles aussi, mais si confortables. Je me retournai, et surprise, la porte était fermée alors que ma mère l’avait laissée entrouverte… Non, mais qu’arrive t’il ici ? Il n’y a pas eu de courant d’air, je ne l’ai pas entendu claquer… C’est à n’y rien comprendre.

Je sortis de ma chambre et descendis l’escalier, sentant une odeur rajeunissante de mes chers petits déjeuners d’enfance, avec ces effluves de pain grillé, de café et d’œuf sur le plat. Mon appétit grandit d’un coup et me réjouis du moment qui allait venir une fois dans la cuisine. Le poêle était chaud et l’ambiance douce. Ma mère s’apprêtait à sortir et je l’embrassais tendrement.

-A ce soir Franck, couvre-toi bien, il fait un froid de canard dehors. Si tu peux aller donner un coup de main à ton père à l’étable ou au foin, ce serait sympa, et cela te rajeunira encore plus…

-Je n’y manquerai pas, t’inquiète. Bonne journée ! Et fais attention, par ce froid il y a sans doute du verglas au virage du bas, là où le voisin était sorti de la route… Ce pauvre Christian… Paix à son âme.

Une fois assis, je dégustai mon œuf sur le plat avec de délicieuses tartines de pain grillé et le beurre de la ferme, avec un café noyé dans le lait de nos vaches. C’était extraordinaire comme mes parents avaient réussi à maintenir dans notre hameau, l’ambiance et les produits de mon enfance.

Mais que se passe-t-il ? Ma tasse de café se déplace toute seule de quelques centimètres, je la prends en main, et elle me résiste. Ah non ! mais ! Je fus contraint de la récupérer de toutes mes forces, et soudain sans résistance, je renversai la plupart de mon café au lait. Non ! M…. Là c’en est trop !

Que pouvait-il se passer dans cette ferme ? Serait-ce ce vieux Christian qui revenait nous embêter comme il l’avait fait jadis ? Je me rappelais alors en rigolant, un peu jaune tout de même, cet épisode de ma jeunesse, où après l’accident mortel de Christian, certains voisins avaient suggéré que je n’avais pas versé le sel dans le virage alors que je m’y étais engagé… J’avais 10 ans, et j’avais oublié cet engagement de ma part devant plusieurs anciens voisins… Est-ce que Christian me revenait ? En pensant que je fus responsable de sa disparition dans l’abîme sous le virage ? Oh l’angoisse ! Si c’est cela je ne serai plus jamais calme ici chez moi… Non, je deviens dingue, cela n’existe pas… Et pourtant toutes ces aberrations… Allez, n’insiste pas sur ces bêtises, on est passé au 21e siècle, ces histoires anciennes ne sont plus de ce jour… Et pourtant… Je vois subitement une image dans le grand miroir qui est dans l’angle de la pièce, et j’avais l’impression que c’était Christian qui venait me revoir.

Petit déjeuner avalé, telle une madeleine de Proust, j’enfilai une veste de mon père et je sortis vers l’étable où je devrais le retrouver. Je ne l’y voyais pas. Je traversais donc cet espace si odorant, nos vaches vers l’escalier qui montaient à la grange, pour aider mon père à nourrir notre cheptel, et je le découvris, allongé dans le foin, comme s’il dormait.

-Papa, tu veux que je t’aide ?  Qu’y a-t-il ? Tu es fatigué ? tu as eu un problème ?

-Ah Franck, excuse-moi, j’ai eu un coup de pompe, et une hallucination… Figure-toi que je viens de voir ce vieux Christian traverser la grange et partir par le mur du fond, en le traversant… J’en fus tellement ébahi que je me suis allongé et je me suis rendormi. Comment vas-tu ce matin ? Bien dormi ?

-Oui très bien, mais j’ai vécu des choses bizarres ce matin. Que se passe t’il ici ?  J’ai eu des objets qui se sont déplacés, ma tasse de café qui m’a résisté, une porte qui s’est fermée toute seule… C’est quoi tout ça ? Cela vous arrive souvent ?

-Non ! Ce n’est pas arrivé depuis ton départ de la maison, mais depuis hier soir et ton retour, j’ai comme l’impression que Christian est revenu. Nous aussi, on a eu des phénomènes étonnants cette nuit.

Un silence pesant s’établit entre nous, puis il reprit :

-Christian doit toujours t’en vouloir de ton oubli de salaison du virage du bas. Pourtant, il devait aller trop vite, il avait trop confiance, et il s’est envolé dans le ravin. Ce fut tout de même atroce, sa voiture explosant au fond et prenant immédiatement feu… Il était méconnaissable, alors que quand on le voit réapparaître… il est comme il était avant l’accident. Certes vieux, mais encore très bien sur lui et très apprécié de ces dames… toujours en train de les courtiser…

-Ces phénomènes bizarres ne sont plus arrivés depuis mon départ ? Je me rappelle que dans ma chambre j’avais régulièrement des mouvements d’objets. Je ne donnais alors aucune importance à ces bizarreries. Mais, c’est vrai j’avais totalement oublié tout cela.

-Oui, il t’en veut sans doute encore et son retour fantomatique en est une preuve…

-Mais que puis-je y faire ?  Il connaissait ce virage que l’on prend toujours avec beaucoup d’attention, même en été. De plus, on n’a aucune visibilité, et il est en pente inverse, vers le ravin… La moindre inattention, et c’est la catastrophe.

Mon père se leva et prit une fourche, se tint debout, le menton posé sur ses deux mains sur le manche de la fourche.

-Fils, mon Franck, je crains qu’il faille que tu quittes cette maison… Christian nous embête quand tu es là, et sans toi, il est sans doute plus paisible. Mais en ta présence, j’ai peur pour nos animaux et la ferme. Furieux, il pourrait y mettre le feu, même par inadvertance…

-Papa, arrête, cela n’existe pas… Nous avons sans doute des hallucinations… Tu veux vraiment que je parte ? On en discutera ce soir, mais je ne pense pas que maman soit d’accord.

-Oui, tu as raison. Excuse-moi. J’ai tout de même été sidéré et ébahi de le voir passer devant moi…

-Écoute. On est là tous les deux, je te propose qu’on appelle Christian et qu’on lui parle. Je vais m’excuser auprès de lui, sans doute que cela lui permettra d’aller mieux et de partir définitivement vers des cieux plus cléments.

-OK.

-Christian, viens ! Reviens ! Nous savons que tu es parmi nous. Et je t’en prie, accepte mes excuses, je n’avais que 10 ans et j’ai oublié ma promesse de saler le virage…

-Et accepte aussi mes excuses de ne pas avoir rappelé à Franck cette salaison si importante…

Et venant du fond de la grange, comme au travers du mur qu’il aurait traversé, nous entendîmes une réelle voix d’outre-tombe, sombre mais claire et dure en même temps :

-Je vous pardonne mes chers amis… Cela fait plus de 20 ans que j’attends cette demande d’excuse que vous n’évoquiez pas. Par définition, pour vous, ce n’était pas de votre faute si j’étais disparu dans l’abîme… C’était, d’après vous deux, de la mienne, allant trop vite, comme tu l’as encore dit de suite…Vous savez, pour nous les morts, l’essentiel dans la vie est de savoir pardonner et savoir demander le pardon à ceux que nous avons offensés. Dans la mort, cela nous permet de la vivre paisiblement et sereinement. Merci de ces excuses, je vais enfin partir serein. Adieu !

-Merci Christian ! Nous ne t’oublierons jamais. Inutile de revenir nous voir pour nous rappeler notre erreur. Tu restes ancré dans nos souvenirs et nos âmes. Adieu !

-Et surtout prend bien soin de toi là-haut ! Drague gentiment toutes les femmes qui nous ont quitté. Adieu à toi, vieux frère !

De Brigitte

Depuis un siècle, la demeure contient tous les rêves de jour et aussi les rêves de nuit de ses habitants. La lueur fragile des bougies annonce aux enfants qui ont entendu caracoler les loirs sous le toit, que la vie avance à grands coups de mystères et du frôlement de la peur. Dehors, un vent sec découpe des volumes de froid, et siffle sous les embrasures de vieilles fenêtres. Soudain, un claquement de porte scelle tous les silences et fait rouler les yeux. Quelque chose avance dans le noir, avec application, sans précipitation, dans un bruissement de papier frotté.

On se colle les uns contre les autres en espérant être plus courageux à plusieurs, affronter ou se cacher ? L’armoire fera l’affaire, la porte en bois grince à faire peur, mais ce bruit-là, on le connaît, on s’y engouffre tous les trois. On peut s’y tenir debout au milieu des bottes et des brosses à chaussures, le bois vermoulu laisse passer par ses trous la lumière des bougies de la pièce. À l’extérieur, le bruit continue avec précision. Il ressemble à une déambulation que rien n’arrête, ni nos respirations saccadées, ni les portes qui grincent. Pas de cri, pas de grignotement, ça avance dans le noir. Le temps ne passe plus, il s’avale comme une lame. Soudain, le bruit cesse et nous encourage à sortir.

D’un bond, on bascule à l’extérieur de l’armoire. Les bougies s’éteignent brusquement par le souffle de la porte ouverte, on cherche nos grosses lampes à piles posées près de nos duvets. Et là, au beau milieu de la pièce, on découvre une boîte en carton retournée ! Elle se déplace toute seule, en laissant une traînée humide dans son sillage. C’est quoi ce truc ? 

Ça avance vers nous inexorablement. Soudain, mon cousin attrape vivement le tisonnier, nous on se perche sur nos lits, en criant d’effroi. Puis, mon cousin, d’un coup de tisonnier, renverse habilement le carton et là, on découvre un énorme crapaud beige humide, plein de pustules… et là mon frère crie : « il ne faut pas le regarder sinon on devient aveugle » !

De Jean-Michel

Il goûtait enfin au repos bien mérité, dans cette ferme qu’avaient occupé ses grands-parents quand ils étaient en activité, avec toute l’exploitation à gérer, les vaches à traire, le foin à ramasser, tout cela au fil des saisons, qu’il vente ou qu’il pleuve : c’était leur gagne-pain.

Aujourd’hui, plus de bruit : les ancêtres n’étaient plus de ce monde et seule leur âme semblait encore résider en ce lieu. Et c’était peu dire, car il lui semblait que des phénomènes étranges se produisaient : beuglements inopinés, horloge se mettant soudainement à sonner sans raison apparente, objets disparaissant pour réapparaître ailleurs. Il commençait à se demander s’il ne devenait pas fou…

Il décida de mener l’enquête. Se faisant discret, il put observer les allées et venues d’un petit gamin, qui surgissait d’on ne sait où le matin, se faufilait partout avant de s’évanouir dans la nature et revenir le soir aussi soudainement qu’il était parti…

Ce ne fut pas aisé de l’intercepter, mais quand le responsable fut pris sur le fait, il ne put que reconnaître ses actes. La seule explication qu’il donna fut qu’il s’était pris d’affection pour cette ferme, qui était devenue son terrain de jeu favori. Ainsi, chaque jour, avant d’aller en classe, il aimait venir s’amuser ici, tout comme le soir, au retour de l’école.

Une bonne leçon lui fit comprendre que cette maison était occupée et que le légitime repos de celui qui l’habitait devait être respecté. Tout se termina pour le mieux puisque le gamin noua une sincère amitié avec lui que son espièglerie lui fut justement pardonnée.

De Catherine M

Étranges conversations

On est lundi.

Claire se réveille en sursaut. Un œil sur son téléphone. 3H16, ouf, elle peut se rendormir pour quelques heures. Mais, elle n’y parvient pas, se retourne dans son lit, écrase son nez contre l’oreiller, redresse la couette, dégrafe la veste de son pyjama, elle a chaud, se retourne encore.

Je rêve ou quoi ?

Claire entend des voix.

La télé de sa vieille voisine sourde, certainement. Elle lui a signifié cette gêne à plusieurs reprises, en vain. Elle farfouille dans le tiroir de sa table de nuit, à la recherche de boules quiés et s’arrête brusquement quand elle se souvient que sa voisine l’a informée vendredi de son départ pour le week-end chez son fils.

Elle referme le tiroir.

Se lève.

Enfile ses mules, traverse le couloir, les chuchotements s’intensifient vers la droite. La porte de la bibliothèque est à demi ouverte, elle la pousse…

Non, elle ne rêve pas.

Des bribes de phrases s’échappent des livres et s’entrechoquent. Elle reconnaît la voix et le style de certains personnages. Ils s’en donnent à cœur joie, échangent des points de vue, se laissent aller à des confidences.

C’est la récré !

Ils ne tiennent pas en place. Certains, enfermés depuis des années, savourent cette liberté. Les derniers arrivés écoutent les aînés.

Un parfum d’inédit flotte dans l’air.

Claire est abasourdie mais ravie de cette joyeuse cacophonie !

Elle se dit qu’après tout, ils ont bien raison de se dégourdir ainsi la nuit. Les journées sont longues, embrigadés dans toutes ces pages empoussiérées.

A 7h quand elle se lève, le silence est revenu dans la pièce.

Toilette, petit-déjeuner.

A 8h45, sac à dos et casque à vélo suspendus à un bras, elle entrouvre la fenêtre de la bibliothèque.

On ne sait jamais, si d’aucuns voulaient prendre la poudre d’escampette …

De Patricia (proposition d’écriture N° 186)

Retour au bercail

Elle avait laissé sa voiture un peu en contrebas, le long de la falaise surplombant la mer turquoise et quelques pins parasols. Elle avait couru tout le long du chemin, s’arrêtant parfois pour reprendre son souffle, penchée en avant, les mains sur les genoux, se répétant qu’elle devrait vraiment se mettre au sport !

Ses longs cheveux bruns se balançaient au rythme de ses pas rapides, frôlant ses épaules, et quand le mistral s’amusait à lancer une petite bourrasque, la fine chevelure, affolée, lui masquait le visage. Elle la balayait alors d’une main quelque peu énervée, regrettant de ne pas avoir un élastique ou une barrette pour discipliner cette toison dont elle était pourtant fière habituellement.

Elle arriva enfin en haut du chemin. C’était la dernière maison, tout au bout de la route, et elle aperçut le grand portail doré, majestueux, aux formes d’un autre temps. En l’ouvrant, elle eut le sentiment de pénétrer dans le jardin d’Alice au pays des merveilles. De magnifiques roses grimpantes s’accrochaient légèrement aux grilles du portail, comme pour accueillir le visiteur. Elle s’arrêta un instant à l’entrée et posa sa main sur l’une des portes, comme prise d’un vertige, contemplant la vue qui s’étendait devant ses yeux admiratifs, et reprenant son souffle dans le même temps.

Le paysage qui se dévoilait face à elle n’était que couleurs et lumières. Le soleil du printemps, déjà bien vaillant dans cette contrée méditerranéenne, embrasait le jardin chamarré, dissipant un effet chatoyant sur chaque fleur, chaque feuille, chaque arbre. La pelouse était verdoyante : l’été brûlerait ses brins fins et fragiles qui se dessécheront et deviendront bientôt comme de la paille. Mais en ce jour, elle était encore vigoureuse, d’un vert pétillant, et se dressait fièrement secouée par la brise. Il n’était que dix heures du matin et l’on pouvait sentir le parfum de la rosée.

Elle se décida à pénétrer dans cet antre merveilleux, silencieux, presque intimidant et elle poursuivit son chemin, doucement cette fois, se dirigeant vers la demeure : une superbe bâtisse du XVIIIe siècle, à la façade imposante, couverte de multiples fenêtres laissant imaginer un nombre incalculable de pièces et de chambres. Un véritable petit château !

C’était la résidence familiale, la maison de son enfance, imprégnée de mille souvenirs, la plupart joyeux, car nous savons bien que notre esprit enjolive notre mémoire. Du moins, lorsque nous avons été heureux, tout nous semble avoir été plus beau, plus intense… avant.

En effet, l’être humain est ainsi.

Nous nous rappelons les repas en famille, les fêtes d’anniversaire, les pique-niques du dimanche, la visite des petits cousins, les jeux de société au coin du feu… À l’instant où nous vivions ces moments, ils nous paraissaient futiles, habituels. Ils nous appartenaient et nous décidions parfois de les gâcher par quelques disputes ridicules ou jalousies déplacées.

Nos parents trouvaient toujours à redire sur notre éducation, sur notre peu d’intérêt aux travaux ménagers, tels que le rangement de nos chambres, ou encore sur notre manque d’assiduité pour les études. Et puis un jour, les enfants quittent le nid, s’envolant de leurs propres ailes. La métaphore est facile et bien connue. Il n’en reste pas moins que les parents se remémorent alors tous ces instants familiaux et la moindre minute écoulée avec son enfant, blottis simplement l’un contre l’autre sur le canapé, sous le plaid, à ne rien faire, revient à leur esprit, pareil à un rêve du passé.

Nous sommes conscients que ces moments étaient fugaces et nous regrettons de ne pas avoir profité de l’instant présent, de chaque minute, chaque seconde de notre existence, comme si c’était la dernière. Il est très difficile d’admettre qu’une période passée est une époque systématiquement révolue, que nous aurons beau reproduire l’environnement du souvenir, le menu du repas, les décorations de Noël, bref les traditions familiales, nous grandissons chaque jour et tous ces instants sont éphémères et disparus à jamais.

C’est aussi pour cela qu’elle était à la fois pressée et intimidée, arrivée sur le perron de la maison, hésitant à appuyer sur la sonnette ; cela faisait tellement longtemps. Retrouverait-elle ces chaleureux moments familiaux ? Redécouvrirait-elle le plaisir de ces échanges du passé ?

La porte s’ouvrit doucement. Son père et sa mère, étonnés, mais souriants, la regardaient avec amour, lui sembla-t-il. D’un même élan, ils s’exclamèrent:

-Ah ma chérie! Quel bonheur que tu sois là! Entre vite!

Alors, elle se précipita dans leurs bras, riant et pleurant à la fois, toute à la joie de ces retrouvailles. Elle savait qu’elle repartirait, mais pendant les quelques jours qu’elle passerait avec ses parents, elle profiterait de chaque instant… Et elle se créerait de nouveaux souvenirs qui deviendront des rêves inaccessibles, mais tellement plaisants à se remémorer…

De Francis

Un Été Hanté à la Ferme de Mes Grands-Parents

La maison perdue dans la campagne que m’ont cédée mes grands-parents sera le cadre idéal pour trouver le calme, et me concentrer sur la fin de mon prochain roman. Cependant, je ne m’attendais pas à ce que mon séjour devienne le théâtre de phénomènes paranormaux qui allaient bouleverser ma vie.

Dès mon arrivée, je sentis une atmosphère étrange dans la maison.

Le soir, dans la pénombre les objets se déplaçaient tout seuls, des ombres apparaissaient dans les coins sombres et les animaux semblaient avoir une intelligence surprenante. Au début, je crus que je devenais fou, mais mon esprit cartésien, mon bon sens me poussaient à essayer de trouver des explications rationnelles à ces événements et je réalisai vite que j’étais confronté à quelque chose de réellement surnaturel.

Je n’arriverais pas seul à comprendre, j’avais besoin d’être aidé et je décidai de faire appel à un expert en paranormal, un médium local qui était connu pour son don de communiquer avec les esprits.

Arrivé à la ferme, il me demanda de rester seul afin de se pénétrer de l’atmosphère. Puis, après avoir visité toutes les pièces, le coins et recoins, collé l’oreille sur les murs, sondé certains endroits du sol, il m’expliqua que la ferme avait été construite sur un ancien cimetière indien et que les esprits des ancêtres se manifestaient pour protéger leur terre sacrée. Pour me rassurer, il déclara : « Ils veillent sur leur domaine, mais aussi sur ceux qu’ils l’occupent ».

Tout devint clair pour Moi. Les phénomènes paranormaux que je vivais n’étaient pas des hallucinations, mais des manifestations d’esprits ancestraux. Les fantômes, les objets qui se déplaçaient et même les animaux qui semblaient parler étaient en réalité des signes de la présence des esprits protecteurs de la ferme. Je fus stupéfait par cette révélation, mais je ressentis également une profonde tristesse pour ces âmes en peine qui erraient et cherchaient à être entendues.

J’étais stupéfait. Je me faisais doucement à l’idée qu’il allait falloir maintenant composer avec ces nouvelles connaissances. Le médium me dit de ne pas avoir peur, ces âmes perdues étaient bienveillantes. Je devais apprendre à coexister avec elles au quotidien et à les apaiser en leur faisant des offrandes et en leur montrant du respect. Je suivis ses conseils.

Je vivais un séjour merveilleux, une expérience incroyablement enrichissante pour moi. Je découvrais que le monde était bien plus complexe et mystérieux que je ne l’avais jamais imaginé. J’apprenais à respecter les croyances et les traditions des autres, même si elles étaient différentes des miennes. Je comprenais également que la paix et la tranquillité ne se trouvaient pas toujours là où on les attendait.

Depuis mon retour en ville, je développais un intérêt pour le paranormal et je commençai à écrire un livre sur mon expérience à la ferme hantée. C’était une histoire vraie qui avait changé ma vie à jamais.

Si vous cherchez un endroit paisible pour vous évader de la vie urbaine, je vous recommande de visiter la ferme de mes grands-parents. Cependant, soyez prêts à rencontrer des phénomènes étranges qui ne manqueront pas de vous surprendre. Qui sait, peut-être que vous aussi découvrirez le monde fascinant du paranormal et que vous trouverez la paix en aidant les esprits tourmentés à trouver la rédemption.

Vous ne le regretterez pas.

De Lisa

(Inspiré de la chanson « J’attendais » de Robin des Bois) (d’une manière différente !)

Tiens ! On repart dans le milieu rural, dans une ferme où Aymeric vient d’hériter le domaine de ses grands-parents.

Il décide de se reposer dans la grange pour lire un roman policier.

Soudain, il voit un soldat de la révolutionnaire française lui apparaître.

« Et ! Je suis le fils de ce lieu

-Racontez-moi votre période !

-Être un héros, pour les autres, comme un bon soldat !

Je suis dans la lumière, grâce à toi

Risquer sa peau pour les autres,

Quand il le fallait, je suis revenu

J’attendais j’attendais sans le savoir

J’attendais j’attendais quelqu’un comme toi

J’attendais j’attendais sans le prévoir, et tu es venu !

Aymeric a les larmes aux yeux et reprend :

-Maintenant que tu es là, ne part pas !

Être un héros pour quelqu’un,

Ça change toute une vie, tous les repères »

Et là, il disparaît. Aymeric décide de chercher ses ancêtres car il est persuadé que cet aïeul n’est pas là par hasard. Il souhaite aller voir une médium et demander la façon de reprendre « contact ».

Il espère que ce fameux bonhomme va revenir car ils ont tant de choses à se dire. Et si, il faisait un roman grâce à cette rencontre.

NB : Vous ne trouvez pas que ce dialogue sort de l’ordinaire et que je suis sûre qu’il pourrait faire un best-seller. Ah ! Oui ! Je rappelle qu’il était en train de lire un roman policier.

On peut imaginer, comme nous n’avons pas le droit de raconter une vraie histoire, de partir à cette époque et de mettre en personnage central ce fameux brigadier-chef !

Il peut se renseigner sur l’histoire de sa ville et pourquoi pas ! Créer un personnage légendaire et en faire une trilogie. Dommage que je ne suis pas dans sa ferme, il en ferait des pages notre Aymeric !

De Michel

La tisane de mémé Albertine

Ce mardi matin, Christian sortit de l’étude du notaire encore un peu groggy.  Il venait d’apprendre qu’il héritait de la ferme de sa grand-mère paternelle. Elle était rattachée à de si mauvais souvenirs qu’il avait préféré en oublier l’existence. Enfant, il redoutait les visites faites à cette mémé Albertine.  Une bride de ces visites lui revint à l’esprit …

La mémé les attendait sur le pas de sa porte, le tablier maculé de sang, tenant par les oreilles un lapin mort, les yeux arrachés. Il a encore cette phrase en mémoire sorti de sa bouche à moitié édentée qui l’avait rempli d’horreur, :

– Te voilà bonhomme, viens je t’attendais pour lui enlever son pyjama !

Était-ce vraiment un cadeau cet héritage ? Il s’était posé cette question juste avant de signer le document que lui tendait le notaire. Après tout, peut-être que je pourrais la revendre un bon prix, se dit-il. Cette ferme vendéenne aux alentours de Challans à moins d’une heure de son appartement de Rezé, peut intéresser bon nombre de Nantais en mal de pied à terre à la campagne.

Le vendredi, c’était décidé, il irait se rendre compte de l’état de la « Lapinière ». Il prit conscience que le souvenir de ce lapin dépouillé de sa fourrure devant lui, était revenu à l’évocation du nom de la ferme prononcé par le notaire. Oui, la « Lapinière », il avait oublié ce nom …

Après le petit déjeuner, il prit la route de Bouaye. Ce samedi matin de novembre, le brouillard se dissipait à peine. Il avait décidé de partir assez tôt pour se laisser le temps de réfléchir sur ce qu’il ferait de cet héritage. Il prendrait ensuite la route de Noirmoutier où il avait bien l’intention d’aller voir Marianne. Elle et lui étaient seuls depuis plusieurs mois. Ils s’étaient rencontrés par des amis communs et avaient très vite sympathisé. Pourtant, l’un comme l’autre n’avait encore pas fait le premier pas. Elle travaillait à Noirmoutier et lui avait donné l’adresse de son appartement de l’Herbaudière, en lui disant avec un sourire engageant « peut-être à bientôt ». Cette visite à la ferme était l’occasion de le faire ce premier pas, il lui avait raconté ces événements récents et son intention de venir ce samedi même.

A la sortie de Challans, il reconnut les lieux qui le ramenèrent des années en arrière. Il s’arrêta à la « Pierre levée », située juste avant le chemin de la ferme. Enfant, jamais il n’avait voulu s’en approcher. La grand-mère lui avait raconté une histoire qui pendant longtemps alimenta ses cauchemars. Il était question que le démon s’emparait de l’âme de tous ceux qui touchaient ce menhir. Aujourd’hui, un panneau décrit la légende d’un pacte avec le diable. Cela le fit sourire.

La ferme était située à quelques centaines de mètres. Il dut laisser la voiture devant le portail, envahi de ronces, il l’ouvrit avec difficulté. Les pieds trempés par l’herbe haute, il arriva au pied de la porte d’entrée qu’il ouvrit au moyen de l’unique clé en sa possession. En franchissant le seuil, il s’attendait à des odeurs de moisissures dans une atmosphère d’humidité. Il fut surpris par les senteurs d’herbes aromatiques pendues aux poutres du plafond. Les lattes des volets tamisaient d’une lumière blafarde l’intérieur de la pièce. Dans la grande cheminée au-dessus de laquelle s’accrochait un crucifix, quelques bûches  attendaient d’être consumées. Quatre chaises entouraient une grande table recouverte d’une fine couche de poussière. Un unique lit dans un coin opposé au foyer s’appuyait contre une grande armoire. Un coussin brodé de roses était posé sur une maie. Il l’ouvrit pour découvrir à l’intérieur plusieurs bocaux. Sur chacun d’eux, une étiquette donnait le contenu de diverses plantes : romarin, tilleul, origan, thym, camomille, mélisse, lavande, menthe. Un dernier retint son attention ; le bocal était beaucoup plus grand, l’étiquette indiquait « Ma tisane ». Il l’ouvrit, un parfum envoûtant s’empara de ses narines. A l’intérieur quelques lignes griffonnées sur un carton :

« Faire infuser une cuillère à soupe une dizaine de minutes dans un grand bol ».

Il fut intrigué, que contenait ce bocal ? Lui, grand buveur de thé, avait pris la précaution d’en emporter quelques sachets avec un mug et une bouteille thermos d’eau chaude. Il ne put résister à la curiosité. Dédaignant ses sachets, il prépara cette infusion en respectant les indications. Il s’installa sur la maie, puis goutta le breuvage. La boisson enchanta son palais, il s’adossa contre le mur et but lentement le reste de la préparation.

Une bouffée de chaleur l’envahit, il se sentait heureux de se retrouver en ce lieu. Était-ce les roses sur le coussin qui exhalaient cet odorant parfum, qui diffusaient cette lumière rosée pour envahir peu à peu la pièce ? Si loin éloigné de la cohue et du bruissement incessant de la ville où il vit habituellement, il aurait dû sentir le poids de la solitude. Non cette masure, il le sentit l’accueillait avec bienveillance. Bizarrement, la voix qui surgit d’un ton mélodieux ne le surprit pas :

« Me connais tu seulement, oui moi cette vieille baraque où seuls quelques objets abandonnés en mon sein me tiennent compagnie. Que viens-tu faire ici, crois-tu que j’ai besoin de visites, que je m’ennuie ? Non, sois-en certain, je ne suis nullement mélancolique des temps anciens entourée de mes compagnons, certes disparates, mais tellement bavards. Laisse-moi te raconter. Si l’on me croit un peu nostalgique, un Larousse de 1948 m’étourdit de son vocabulaire de mots inusités aujourd’hui. Parfois une sauce béarnaise, échappée de son livre de recettes, se languit depuis des lustres de ne plus être accompagnée de sa viande favorite. Dans ce cas, la soupière rétorque : la coupe est pleine de toutes ces jérémiades. Laisse-la s’épancher, réagissent les tuyaux, nous serions heureux de recueillir quelques larmes de joie, nous, si secs et vides depuis trop longtemps. Et le verre gradué, lui, qui trop souvent oublie comment calculer la dose d’ingrédients d’improbables coulis. Il faut que je lui rafraîchisse la mémoire. Les journées s’écoulent ainsi, pas de place pour l’ennui !

Subitement, des charentaises rouges jusqu’alors silencieuses par leurs semelles décollées se mettent à bailler et s’étouffent d’un rire moqueur ce qui réveille un torchon dépressif, qui s’est vu privé de la vaisselle à laquelle il était si attaché.

Silence tous, nous avons un hôte imprévu !  Dis-nous, qui êtes tu donc toi l’intrus ?»

Non, je ne serai pas un intrus, répondit Christian, mais un nouveau compagnon. Il se pencha pour ramasser la page de la sauce béarnaise pour la remettre à son ordre dans le livre de recettes. Le claquement que fit le bouquin en se refermant se confondit avec la sonnerie du portable :

– Marianne … Non, je préférerai rester ici …  Ne voudrais-tu pas venir me rejoindre à la « Lapinière » ?

Depuis ce jour, les week-ends à la ferme vibrent désormais de nouveaux sons, les soupirs susurrés par une femme sous les baisers de son amant.

De Manuela

Je suis gendarme et j’habite sur la commune de Villefranche de Rouergue – département de l’Aveyron – depuis 25 ans. Tous les samedis, je surveille le marché, lieu très animé et bruyant de la ville. Le montage, démontage des stands me fatigue. J’ai besoin de quelques jours de repos.

Ma grand-mère m’a légué une ferme isolée, située à dix kilomètres de Villefranche. Mes grands-parents sont décédés à quelques mois d’intervalle. Je suis le seul héritier de ce vaste domaine – composé d’un corps de ferme principal et de nombreuses dépendances. Ce sera le lieu idéal pour se reposer… J’en ai vraiment besoin. Je n’emmène ni téléphone ni ordinateur portable mais deux ou trois livres faciles à lire, des  Fred Vargas filent dans ma valise.

La décision est prise : je pars dès demain matin, à l’aurore.

Il fait frais le matin, au printemps dans l’Aveyron. Je me couvre bien, enfile mes gants et mon bonnet. Et ouste, c’est le départ.

Je ne suis pas souvent venu chez ma Mamie Augustine, qui a vécu toute sa vie dans la ferme de Pidet, située à seulement dix kilomètres de la ville. Mes grands-parents n’étaient pas très accueillants, ronchons, même bougons. Mes séjours ne devaient pas durer plus d’une demi-journée. Pourquoi : je n’ai jamais osé leur demander.

Maintenant, ce domaine est à moi. Je franchis un portail bien défraichi. Il faudra le refaire si je veux garder la masure, triste masure – avec tous les volets cassés, les peintures elles aussi défraichies, les charnières et les gonds à changer… tous ces travaux me sapent le moral. Un tour de clé et je rentre dans la ferme par la cuisine. Je souffle, puis poursuis mon chemin à travers les pièces, les couloirs… Il fait sombre, il fait froid. Une odeur de poussière me submerge, ainsi qu’une odeur de moisissure. Tristesse.

Je monte ma valise, mon manteau dans ma chambre, la seule chambre habitable.

Un bruit… un grincement se répète inlassablement pendant un bon quart d’heure. Je retourne au salon : pas de télévision, pas de téléphone et naturellement pas d’internet. Le vent se lève, les volets claquent, claquent à m’en faire perdre la tête. Je doute, dois-je rester ici pour me reposer ? Je verrais ça demain au petit déjeuner. Je n’ai rien emmené pour manger. Je ferais les courses dans le village d’à côté. Rien à manger et très fatigué : donc, je vais me coucher. Le lit est glacial, il n’y a pas de chauffage dans les chambres, uniquement un poêle à bois dans la cuisine pour se chauffer, faire  cuire des plats soupes, des coqs au vin comme faisait Mamie  et faire bouillir l’eau. Je grimpe par un escalier vétuste à l’étage. Là aussi ça grince. Même si je m’appelle Marcel, j’ai peur de tous ces bruits stressants.

Pas de volets dans la chambre, enfin pas de volets utilisables ; uniquement un très vieux double rideau grisonnant, effrayant. Pas d’eau chaude pour une bonne douche réparatrice. J’enfile mon pyjama et me mets dans mon lit avec les gros draps en coton que nous connaissons tous.

Le calme s’est installé pour une toute petite période. Des cris se font entendre au grenier. J’hésite entre des miaulements, des râles d’agonisants. Je me cache la tête sous les draps et sous l’édredon – de plumes d’oie naturellement. Rien n’y fait, toujours ces cris stridents provenant du grenier. Je m’habille chaudement, je m’équipe d’une lampe torche et je monte par un escalier encore plus délabré que celui du salon. Il grince, il craque… courage Marcel. Une famille de chat vit là. La pièce a été isolée, il y fait bon. Des chatons sont installés au fond d’une grande boite en bois avec de nombreuses couvertures au fond et une deuxième pour les adultes.

-Que fais-tu là, l’humain ? ce n’est pas ta maison !

Je me retourne, personne derrière moi…

-Que fais-tu là, l’humain ? je répète, ce n’est pas ta maison !

Ces paroles sortent de la bouche d’un chat ? Impossible, les chats ne parlent pas.

-Est-ce toi gros matou qui t’exprime dans notre langue ?

-Eh oui, je parle votre langue et je miaule aussi.

-Ce n’est pas possible…, je ne peux pas te croire. Il y a quelqu’un d’autre dans le grenier qui parle à ta place.

J’ai peur. Je voudrais faire demi-tour, redescendre l’escalier qui grince, prendre mes vêtements et fuir, fuir loin de cette maison maudite.

-L’humain, comment t’appelles-tu ? Es-tu de la famille de notre bien-aimée Augustine ?

Je reviens en arrière, prend place sur une chaise.

-Oui, je suis son petit-fils, seul héritier des anciens qui vivaient là. Ma mamie m’a légué cette lugubre maison et j’y viens pour me reposer.

-Maison lugubre ? Pas du tout. Nous vivons ici depuis notre naissance, élevés par votre grand-mère.

Elle nous apportait nourriture, soin, tendresse. Tous les jours, elle venait s’assoir sur la chaise où vous êtes assis.

Je comprends mieux pourquoi il n’y a aucun moyen de communication dans le salon/salle à manger, ni dans la cuisine, pourquoi le rez-de-chaussée semblait inhabité ? Le chat intervient :

-Toutes les semaines, j’allais au village voisin, avec une liste de course dans mon collier. Je la donnais à l’épicière – une très gentille personne. Le lendemain, son commis apportait à Madame, les choses nécessaires à notre vie. Le paiement s’effectuait la semaine suivante et ainsi de suite.

-Personne ne s’est jamais interrogé ? de la litière, des croquettes ?

-Tout le monde peut avoir un chat, un chat ordinaire, pas un chat qui parle. Personne au village ne soupçonnait notre particularité.

-Je comprends à présent pourquoi Mamie ne voulait pas que l’on reste dormir chez elle.

-Comment avez-vous subsisté depuis son enterrement ?

-Augustine était quelqu’un de bien, de tendre et d’organisée. Elle avait prévu cette situation et avait caché de la nourriture pour environ deux mois. Elle avait aussi conçu une cache pour nous mettre à l’abri si un intrus entrait dans notre maison après son décès.

-Je voudrais me reposer un peu, dormir beaucoup. Je viendrai vous voir tous les jours pendant mes deux semaines de congés. Je ferai livrer vos croquettes. Il nous faudra envisager votre avenir car je ne pense pas rester vivre ici.

A moins que… dix kilomètres !

De Christine

Pierre était arrivé seulement la veille, mais il se sentait déjà beaucoup mieux. Après le stress de sa nouvelle collection à boucler, il avait besoin de recharger les batteries. D’habitude, il partait avec des amis à la montagne ou dans un pays lointain, mais là, il avait besoin de solitude. Ne plus entendre que les oiseaux chanter et les cris nocturnes dans la forêt. Il avait donc décidé de passer une semaine dans la ferme de ses grands-parents, dont il avait hérité l’an dernier. Sa grand-mère Martine, Tartine comme il l’appelait quand il était petit, était décédée à cent deux ans et avait décidé de la lui léguer.

Sur le coup, il avait cru à une plaisanterie, lui le citadin, hériter d’une ferme, mais le notaire ne plaisantait pas. Ces gens-là plaisantent rarement. Il avait donc investi les lieux pour la première fois et il retrouvait les objets familiers de son enfance. Le vieux poêle à bois, l’horloge comtoise qu’il avait remontée sitôt débarqué et la pompe à eau sur l’évier. Pas de modernité chez Tartine.

Il avait dormi comme un bébé et profitait des premiers rayons du soleil en prenant son café, fenêtre grande ouverte, quand il vit un chat blanc et noir traverser la cour. Il se souvint que grand-mère Tartine avait une chatte de même couleur qui s’appelait Chipie. Etait-ce elle? Personne ne s’était soucié du chat quand la ferme avait été fermée.

Soudain, la chatte se dirigea droit sur lui, sauta sur le rebord de fenêtre en le regardant droit dans les yeux.

-Salut Chipie, dit Pierre, tu me reconnais ?

-Bien sûr que je te reconnais. Te voilà enfin, lui répondit le chat, ses yeux verts devenant phosphorescents.

 Pierre en tomba de sa chaise. Il avait rêvé, ce n’était pas possible. Un chat qui parle. Il se pinça pour se réveiller. Et le chat d’ajouter :

 -Je t’ai légué la maison et c’est seulement maintenant que tu viens. En plus, tu as abandonné cette pauvre minette. Heureusement que la Jeannette était là pour la nourrir. 

Il se releva péniblement et recula au fond de la pièce pour s’éloigner le plus possible de ce petit monstre. Sa grand-mère était bien là. C’était son timbre de voix, ses intonations et son franc-parler. Finalement, il prit son courage à deux mains, revint vers la chatte et la prit dans ses bras.

-Excuse-moi Chipie de t’avoir oubliée.

Il fourrageait dans la fourrure en même temps, pour découvrir le subterfuge qui la faisait parler. Sa grand-mère était assez fantasque pour inventer un truc pareil. Mais non, rien.

-Comment est-ce possible, s’interrogea-t-il ? Je deviens fou.

La chatte se mit à ricaner et à fixer un point derrière lui. Il se retourna, mais ne vit rien d’autre que la porte de la cave. C’était comme si Chipie voyait quelque chose ou quelqu’un qu’il ne voyait pas. Elle sauta de ses bras et commença à tourner en rond autour d’un objet invisible en ronronnant. Il s’approcha d’elle et sentit un courant d’air froid sur sa nuque. Elle lui susurra à l’oreille :

-Allez petit, je te pardonne. Je t’ai laissé la ferme parce que c’était toi qui aimais le plus venir en vacances, à t’occuper des animaux et ramasser les légumes du jardin. Tu avais une sensibilité que tes frères et tes cousines n’avaient pas. Alors ne me déçois pas. Occupe-toi de Chipie et fais vivre la ferme.

-Mais comment veux-tu que je fasse avec mon boulot à Londres ? s’exclama-t-il, en faisant de grands gestes d’impuissance.

Il se sentait idiot à parler dans le vide. Si la voisine le guettait derrière ses carreaux, elle allait le prendre pour un fou.

-T’inquiète pas pour la Jeannette, je lui parle aussi. Il y a des jours où je lui mets une peur bleue. Fais pour le mieux, je reviendrai tant que cette ferme sera abandonnée.

Pierre s’assit par terre et Chipie vint se nicher dans ses bras, le courant d’air disparu.

-Mon Dieu, que m’arrive-t-il ?

Il se fit la promesse de revenir toutes ses vacances pour restaurer la ferme et la louer à un jeune couple qui la ferait vivre. C’est ce que la grand-mère aurait voulu. Que sa ferme soit rempli de cris et de rires d’enfants. Cela l’aiderait à reposer en paix. Enfin, il l’espérait.

De Nicole

L’étonnante histoire de Manon

Près de la Baraque Michel, à la lisière des Hautes-Fagnes, région de tourbières et de marécages, une vieille ferme en moellons de grès, un toit de tuiles noires.

Héritage de sa grand-mère maternelle, Manon est venue pour y mettre de l’ordre, trier les papiers, les objets et revivre ses souvenirs d’enfance.

Elle passait ses vacances scolaires, loin de la ville chez Bonne-Maman Léonie, veuve depuis vingt ans de Bon-Pa Raymond.

Un paradis, la liberté de jouer, de courir avec ses copains et copines de la région.

Un seul interdit, ne pas se promener dans la lande.

Trop dangereux, brouillard bas, humide, les sphaignes cachaient des marécages piégeux.

Pays de superstitions, de fées, de sorcières telles les macrâles.

Et l’histoire des amoureux.

Janvier 1871, par mauvais temps, Marie-Joseph et François se lancent sur un chemin de douze kilomètres afin d’aller chercher leurs papiers de mariage, pressés de s’aimer.

Ils se perdirent.

Bientôt chaque pas était effort, leurs forces déclinaient, une tempête se leva, le couple ne voyait plus rien.

Essoufflés, perdus, ils moururent près d’un arbre.

Une croix marque la borne 151, c’est la célèbre croix des fiancés.

Avec Bonne-Maman, Manon y déposait des brins de bruyère chaque année au solstice d’été.

En ce vingt juin, la porte s’ouvrit, un gros nuage cotonneux entra.

Quelques gémissements, Marie-Joseph et François apparurent sous les yeux ébahis de Manon.

Fantômes perdus.

Manon les prit par la main et les raccompagna près de la croix en cueillant une brassée de bruyère qu’elle déposa au pied de la croix.

Elle décida de garder la ferme, de la remettre en état et de s’y installer.

Avec Julos, un paysan du coin, elle se mit au petit élevage et au maraîchage, ils vendaient leurs produits sur les marchés.

Elle avait trouvé sa place dans le monde.

Chaque année, au solstice d’été elle attendait Marie-Joseph et François…

De Saxof

GUSTAVE

Depuis un mois, Johan et Bea habitent à la Teoulère, chez Mamie et Papy Guy qui sont décédés tous les deux, trop vite et sans aucune maladie, ni raison particulière. Ils ont été trouvés morts dans leur sommeil et les autopsies n’ont décelé aucun médicament, ce qui annule l’idée d’un double suicide.
Ils avaient préparé un testament, afin de léguer leur ferme à leur unique petit fils qui a terminé ses études agricoles, l’été dernier. Régulièrement, il est venu travailler avec eux, mais ne pensait pas devenir propriétaire, si jeune. Il est heureux d’avoir pu quitter les bruits urbains et se sent fier d’offrir cette opportunité à sa femme Bea, tout en pensant tristement au décès bizarre de ses grands-parents.
– Tu n’as pas été réveillé par des bruits bizarres cette nuit ? dit Bea, un matin, au lever, en s’approchant de son mari pour l’embrasser. Ce n’est pas la première nuit que je les entends, ajouta-t-elle.
– Non, je n’ai rien entendu, et en même temps, je suis tellement crevé le soir, répondit Johan tout en se dirigeant vers les écuries pour nourrir les trois chevaux, et ensuite les chèvres, avant de les traire.
Bea est partie en vélo donner ses cours de français.
Le soir, après le repas, ils se sont installés pour regarder un film, devant lequel Yohan s’est vite endormi. Une demi-heure plus tard, il a bondi du canapé au bruit de l’impact d’une chute à l’étage supérieur.
– Qu’est-ce que c’est ?

Comme réponse, il y eut trois coups dans le plancher.  Ils se sont regardé, les yeux effarés, lorsqu’une voix tonitruante a hurlé distinctement et lentement :
– « Je suis le maitre de céans ». 

Une expression qui leur a donné cette impression qu’un être d’un autre âge avait pris possession des lieux, les faisant frémir. Puis, le calme étant enfin revenu, ils ont réussi à dormir jusqu’au matin. Le réveil a été difficile en se remémorant la soirée. Chacun a repris ses activités.
A 11 heures, la musique très forte venant de la maison a pétrifié Yohan du fond de la bergerie. Il a eu le courage de courir jusqu’à la cuisine dans laquelle il découvrit la radio en marche, et trois casseroles d’eau en train de bouillir. Il savait que Bea n’avait rien laissé sur le feu. Il était à la fois interrogatif et paralysé de peur. Après avoir remis tout en place, le calme est revenu. Il n’en menait pas large.
Le soir après le repas, alors qu’ils écoutaient doucement leur émission préférée, la voix a repris sa place en criant
– « Après les vieux que je ne supportais pas, vous avez eu tort de venir vous installer dans MA maison ». 

Johan et Bea avait envie de démarrer un échange avec la voix, mais la leur était nouée, leur gorge était bloquée, et l’homme, car c’était une voix forte, masculine, reprit plus doucement
– « Je n’ai jamais quitté le domaine depuis ma naissance, un accident de tracteur et tout le monde a cru que j’avais disparu de la circulation », il ajouta en fulminant. « Je ne vais pas laisser des étrangers vivre chez moi ».

Les assiettes volèrent dans toute la pièce pendant plusieurs minutes. Le retour au calme a été oppressant. Johan et Bea ont enfin réussi à se parler.

– Que va-t-on faire ?
– Je vais téléphoner au prêtre du village », dit Johan en faisant le numéro.
– Merci mon père, je l’appellerai demain.
– Il t’a dit quoi ? demanda Béa
– Que je devais appeler un passeur d’âme demain matin, il m’a donné le numéro de quelqu’un qui habite à vingt minutes.
La nuit a été difficile, bien que plus aucun bruit ne vînt les déranger.

Edith, la passeuse d’âme, est arrivée à 10h30. Bea n’est pas allée travailler et Johan s’est occupé plus tôt du cheptel. Alors qu’ils parlaient tous les trois des évènements, la voix est venue s’interposer, toujours avec sa violence habituelle.

Un dialogue s’est alors installé entre Edith et la voix pendant plusieurs heures.

– Bon voilà, Gustave, un de vos ancêtres ne sait pas qu’il est mort, il hante la maison depuis presque deux siècles, doucement au départ, mais depuis cinq ans, il se met en colère régulièrement, il n’en peut plus de voir son domicile envahi. Il estime qu’il a été très patient. Il a fait mourir de peur vos grands-parents, comme il avait voulu le faire avec vos arrière-grands-parents et y avait renoncé car sa patience était encore à un haut niveau.  Récemment, il voulait en faire autant pour vous, vous faire fuir ou vous tuer de peur. Je lui ai expliqué calmement sa situation avec de nombreux détails et faits, et je l’ai conduit sur son chemin de l’au-delà. Je pense que vous devriez passer de meilleures nuits, mais je reviendrai chaque jour de la semaine et plus si nécessaire, pour continuer le nettoyage jusqu’à ce que tout soit net pour vous, sûre du départ de votre aïeul.   
Johan et Bea ont fini par passer des nuits calmes et reposantes et n’ont plus jamais entendu Gustave. Ils ont fait des travaux, abattu des cloisons, repeint, transformé l’intérieur et ont accueilli un adorable petit Martin, un magnifique blondinet aux yeux bleus.
Une vie de labeur mais heureuse s’était installée dans leur foyer.

De Claude

 

LA FERME DES ANIMAUX

Tu parles d’un héritage ! J’aurais préféré aller à la poste hériter ! Impossible de dormir ici ! Je n’en peux plus ! Tiens, la nuit dernière, voilà la réunion à laquelle j’ai assisté ou… était-ce un rêve ?

« J’ouvre le congrès annuel de doléances de bêtes en tous genres », le PSG (Plaintes, Soupirs et Gueulantes) », annonce un corbeau à une foule d’animaux en colère.

Pré, la vache, a l’air complètement lessivée.

« On me traite bien mal ; je suis la vache à lait de la ferme. On nous fait toutes les vacheries possibles à nous, les vaches : trayeuses automatiques pour ne pas nous faire souffrir, je rêve ! Mais de quoi je mamelle ? Le fermier est si curieux qu’il veut même savoir si les hanches de la fermière ondulaient ! Moi, on me fait tellement bosser que je n’ai même plus le temps de me faire un champ. Point. Voilà ce qu’une pauvre bête encourt ! Alors que je le veau bien ! Avant, les temps étaient moins durs, c’était même agréable : on faisait labours (et sarclages), en se serrant joug contre joug. On faisait même le bœuf avec la fermière. On jouait au tennis avec Santoro. On dansait la bourrée. C’était le bon temps ! Maintenant, c’est pis, on nous méprise : tout le monde emploie « vachement » à tout bout de champ. On se traite de «peau de vache » ; j’ai même entendu, lors de manifestations : « Mort aux vaches ! ». J’en ai fait une génisse. J’envie nos sœurs d’Inde ; je ne parle pas des gallinacées, mais des bovidés. Là-bas, elles sont sacrées ! Et ce n’est pas un point de bétail ! Mon rêve, c’est d’émigrer là-bas, même si je parle indien comme une vache espagnole. Je ferais ainsi un coup en vache à mon fermier ! Ce sera pour lui le joug le plus long ! Il verra si sans mon lait, il peut faire son beurre ! ».

Un gros porc lève la patte pour s’exprimer. Pré, la vache, lui adresse un petit signe et lance : «Porc, salut ! Je suis sûre que tu n’aimerais pas qu’on fasse aux truies ce que l’on te fait subir à toi ! Tu pourrais peut-être venir aux Indes avec moi, les cochons d’Inde sont très prisés ». Victor le porc (avec son accent du Poitou) :

-« T’as porfaitement raison, parce que moi, je finis souvent sur un menu (un porc-table ?), découpé par des hommes de lard ! Tu comprendras que je ne sois pas toujours dans mon assiette. Nous, les porcs, vivons dans la peur du saigneur. Comment peut-on dire qu’il y a des gens bons lorsqu’ils se délectent de pieds de porc ? Et pourquoi pas de pieds-de-biche, ou de pieds–de-poule, tant qu’on y est ? Un groin de fantaisie, voyons ! On dit bien que tout est bon chez moi et que je ne manque pas de porc-sonnalité, mais, comme toi, Pré, on m’associe, dans la langue en tout cas, aux pires travers (de porc, bien sûr !) : on évoque sans arrêt à mon propos, la porc-nographie, alors que tout le monde trouve le porc sain. On raconte même des blagues qui ne font rire que leurs auteurs ; vous en voulez un exemple ? Donnez un synonyme d’« un cochon très content ». « Eh bien, c’est un porc tout gai ! ». Ou encore : « Qu’est-ce qu’un cochon qui fait de la peinture ? Du lard abstrait ! A mourir de rire, n’est-ce pas ? Voyez-vous, je suis moins stressé ces jours-ci car le cours du porc est au plus bas ! Qui vivra verrat, mais pour l’instant, ma devise c’est : « Chacun pourceau et Dieu pour tous ! ».

Le chat, Diran, prend la parole (il a un petit défaut de langue) :

-« Chat me gêne un peu d’aborder ce sujet, mais il faut reconnaître que les humains sont plutôt charmants avec nous. Tous mes maîtres m’ont gavé de Sheba (prononcer : « Chi-ba ». Attention ! Ce n’est pas une insulte, mais une marque de croquettes ! Ils me font des mamours, me soignent quand j’ai une bronchite en me donnant du sirop pour ma toux, se servent de moi comme d’une couverture chauffante et cela plaid en leur faveur. Ils aiment me voir ronronner au coin du feu, mais moi, c’est surtout à mes congénères que j’en veux, car entre chats, c’est la guerre ! Ce sont des chamailleries à n’en plus finir entre ceux qu’on qualifie de « gouttière » et les beaux persans ou les siamois qui, eux, ont des habits sains. C’est la même chose entre les chats de Ceylan (des chats lents ?) et les sibériens. Un monde les sépare ! Beaucoup sont considérés comme des matous-vus ! Personnellement, je suis tombé amoureux d’une siamoise. Je croyais qu’on était faits l’un pour l’autre, mais elle est partie avec un chat plus drôle, un chat pitre, qui devait l’amuser plus que moi. Comme disent les chats du nord, les chats « Gris Nez », on n’est jamais trahi que par les chiens ! Moi, des jaloux me traitent de chat laid, alors que je déteste la montagne ! Et lorsque que nous avons des réunions, je finis souvent en chat viré ! Chat m’énerve ! ».

Un crocodile l’accoste :

-« Tu parles alligator et à travers, Diran ! On est tous ici caïman dans la même galère, sauf que toi, mon minet, t’as la vie de château ! Moi, ma maîtresse, Odile, ne veut même pas m’emmener chez le dentiste ! « C’est mal remboursé, qu’elle dit ! ». J’ai la rage ! Que faire ? J’en saurien, mais je crois que pour me faire entendre, il faudra peut-être qu’un jour, je croque Odile ! ».

Le corbeau intervient alors pour donner rendez-vous à tout le monde au Salon de l’Agriculture.

De Louisiane

TOMBEE DU CIEL

Elle avait beau avoir douze ans, ce qui est un âge avancé pour une enfant, la nouvelle l’avait mise K.O.

Manon devenait propriétaire de la maison de son enfance, une ancienne ferme, héritière de ses grands-parents, décédés lors de ce stupide accident de voiture auquel elle avait échappé de peu. Sa mère, schizophrène, était sous tutelle et n’avait droit qu’à se faire soigner à Sainte-Anne. Grand-mère avait décidé que Manon les accompagnerait au Mesnil, mais Manon ne voulait pas rater sa composition de rédaction, seule note qui pouvait rattraper les autres matières. Et la mère de Patricia, sa meilleure amie, l’avait acceptée sous son toit pour le week-end. Tout était arrangé et devait être simple. Sauf ce stupide accident dans le tournant de Sept-Meules. Les gendarmes avaient conclu à une sortie de route due probablement à un manque d’attention et cette chute dans le ravin. Morts sur le coup. Ils n’avaient probablement pas souffert.

Tante Hélène, célibataire, sœur aînée de Grand-père et porteuse d’une haleine de chacal, était désignée dans le testament de Grand-père comme la tutrice de Manon s’il décédait. Le notaire avait expliqué à Manon la situation en présence de Tante Hélène.  Ce que Manon en tirait était ce chagrin qu’elle éprouvait, qui ne passait pas, malgré tout ce que disait gentiment Tante Hélène, et le fait que la maison du Mesnil, ses dépendances, le potager, le jardin, tout était à elle, cela lui appartenait comme son vélo rouge. Elle pouvait en faire ce qu’elle voulait dans les limites du raisonnable. Elle était en vacances au Mesnil avec sa Grand-tante qui ne supportait ni le vent, ni le soleil, ni la pluie, ni l’organisation de cette maison que Grand-mère avait établie. Manon ne voulait rien changer. Cela allait du changement d’assiettes en passant par le ménage et l’heure de fermer les volets. Pour la première fois confrontée à la mort, différente de celle des animaux, des êtres aimés, qui avaient disparu et qu’elle ne reverrait jamais. Manon, entre deux crise de larmes, avait l’impression d’avoir grandi de quelques années en quelques jours. Les Carpentier étaient venus lui présenter leurs condoléances. Avaient suivi les Adam, les Trophardie, les Brulés, et tous ceux de chez Titine, tout le hameau du Mesnil. Il lui semblait qu’on la prenait pour une grande personne.

C’était très fatigant, éprouvant. Elle se reposait dans sa cabane, faite des deux fauteuils de jardin de ses grands-parents et d’une couverture qui recouvrait le tout, maintenue par des pinces à linge. Juillet était beau, les moissons commençaient, le ciel bleu vif de Normandie traversé de cumulus n’était pas menaçant.

Manon s’était endormie, allongée dans les fauteuils, fatiguée d’avoir tant pleuré. Un pan de la couverture s’était rabattu et sa tête était en plein soleil. Tante Hélène se reposait dans sa chambre. De temps à autre, un souffle de vent passait. Les feuilles bruissaient à l’abri des roses trémières. Tout était calme et paisible.

Une boule dans la gorge, Manon voyait la végétation se muer en personnages grimaçants, menaçants, ricanant. De grandes tiges l’enlaçaient, la tiraient vers la terre, au point que la pelouse si verte s’écartait et la recouvrait. Elle appelait sa Grand-mère qui s’éloignait puis revenait, lui tendait les bras recouverts de mousse … Et cela durait, durait, durait …

Tante Hélène secouait Manon :

« Réveille-toi mon petit, tu fais un cauchemar, tu es rouge comme une tomate, tu vas attraper une insolation … allons lève-toi de là … ».

L’adolescente mit un temps fou pour se tenir debout, et reprendre ses esprits.

« J’ai mal à la tête, j’ai mal au cœur, j’ai soif … j’ai fait un cauchemar je crois … ». 

« Ta température, on va prendre ta température … ». Docteur Plic, tu as 39.8, il faut appeler le Dr Plic, tu as dû prendre une insolation ! ».

« Qu’elle se repose surtout, et que sa fièvre baisse, faites-la boire. Manon, tu as une insolation, c’est dangereux, je reviendrai demain, ta tante te prendra ta température toutes les trois heures, tu es solide, ça va passer, mais reste à l’ombre et repose-toi ».

Deux jours plus tard, Manon s’était levée, encore fragile, mais demanda un bol de chocolat. Dans la journée, elle avait voulu faire un tour de vélo. Elle n’avait été capable que d’aller du garage au portail. Ecouter ‘Salut les copains’ ne lui disait rien. Elle sortit son journal de sous son matelas et se mit à écrire.

Fin août, il fallut tout ranger et quitter le Mesnil pour Paris.

Tante Hélène, toujours sur ses talons l’accompagna chez Maître Nénert, le notaire.
« Ma tante sera ma tutrice jusqu’à ma majorité, à mes ving-et-un ans je déciderai ce que je souhaite faire de cette maison ».

D’Elie (proposition d’écriture N° 185)

Echos de la voix de ma bien-aimée.

  1. Solitaire au milieu de l’étendue du champ de maïs jaunie,

    Je suis semblable à une biche assoiffée près de l’eau qui sourd du sol,

Je veux boire à la source de ton amour.

Et être à mon tour une source vitale pour toi.

  1. Entraîné par le courant de ton idylle
  2. Je ruminais la voix d’un amour irrésistible et suave

Sans toutefois l’appréhender ni l’empoigner.

  1. Oh ! la voix de mon amour !

La voix qui m’est destiné

La voix légère et séduisante !

Par ta douce stratégie et affinée

Tu es devenue la conquérante de mon âme.

Et par  des instants Singuliers de mon imagination

Je fis le voyage dans la lune avec toi.

  1. Plongé dans ta lune, mon amour,

Je n’entends qu’une seule voix.

Celle de ta volonté qui m’étreint.

Assoiffé de ton irrésistible amour

Je m’en abreuve mais pas toujours assez.

Je veux mourir en ton sein à jamais.

Oh ! mon amour, mon destin.

  • Mon amour et ma lumière
  • Ta main douce et froide
  • M’ont touché.
  • Je me suis réveillé
  • Et te voici découvert
  • Dans ta robe de Sainteté,
  • Oh ! mon nid d’or, ma bien-aimée.
  • Je désire vivre à toujours en ton sein.
  • Car la luminescence de ta beauté me donne la joie de vivre.
  • Crois-moi sur parole,
  • À toi seul je rêve.
  • Et auprès de toi je demeurai à jamais.
  • Mon adorable Evelyne j’attends ta réponse positive…

De Roselyne

La Ferme

Ludovic, brillant ingénieur dans l’aéronautique, sort de chez le notaire. Il vient d’hériter de la ferme de ses grands-parents. Il est tout abasourdi. Il est fatigué. Un changement dans sa vie bousculée, à vitesse supersonique, toujours à gauche ou à droite, entre deux avions serait le bienvenu. Il recherche le calme, envie de faire une pause, de penser, de réfléchir, de prendre le temps. Cet héritage va peut-être lui changer radicalement sa façon d’aborder les choses. Il tourne et retourne les clefs de la ferme dont il vient de recevoir le pouvoir de continuer à la faire vivre… mais comment ! Il a sa petite idée …

Sa décision est prise, il va aller se reposer à la campagne. Cela fait longtemps qu’il n’y a pas posé les pieds. Mais avant, il va falloir qu’il décide Amélie à l’accompagner. Il faut dire que l‘endroit est un peu paumé, pas grand-chose alentour de ce lieu-dit, les Arnaudines, en Vendée. Voilà Amélie qui rentre de son travail, épuisée comme d’habitude. Elle trouve Ludovic pensif :

-Tu vas bien ?

-Oui, ouf ce sont les congés, j’ai un programme à te proposer.

Après lui avoir exposé son idée, il est très surpris de son accord. En effet, Amélie est très urbaine et se rendre en pleine cambrousse pour ses vacances n’est pas banal. Ils sont arrivés. L’habitation et les bâtiments attenants paraissent en bon état. Ludovic tourne la clef dans la serrure, une odeur de pièces non aérées pénètre ses poumons. Il s’empresse d’ouvrir fenêtres et volets pour que la lumière et l’air pénètrent largement. Ludovic est plutôt satisfait de ce qu’il découvre. Tout est bien rangé, seule la poussière recouvre le mobilier, même l’âtre est parfaitement propre, comme si ses grands parents avaient quitté leur maison la veille.

Après cette longue journée, il est temps pour Ludovic et Amélie d’aller prendre un repos salvateur, ils feront le tour du propriétaire demain. Amélie s’endort tout de suite, Ludovic repasse dans sa mémoire tous les moments joyeux passés dans cette ferme. Le silence est profond, quand imperceptiblement il entend un grincement.

-Bof, se dit-il, je suis fatigué, il n’est pas étonnant que je perçoive des bruits, mes oreilles me jouent un tour.

Ludovic tombe dans les bras de Morphée, jusqu’au matin. Un petit déjeuner s’impose. Il entre dans la cuisine et s’aperçoit que le vase posé sur la table a été déplacé, l’emplacement est bien visible. Que diable !

-Amélie, c’est toi qui as bougé le vase ?

-Non …

La journée se déroule sans autre surprise. En faisant l’état des lieux, Ludovic évoque à Amélie ses souvenirs, les jeux d’enfants avec les copains qui habitaient dans les deux ou trois fermes environnantes. Les balades en charrette pour aller dans les champs avec son grand-père Ernest, les vendanges, le cheval, les vaches, bref tout ce qui a attrait avec le travail agricole.

De retour à la maison, Amélie s’emploie à dépoussiérer quelque peu les meubles. Le dîner pris, Ludovic va faire un tour du jardin avant de passer sa deuxième nuit à la campagne. Il rejoint Amélie qui, déjà, somnole. Il s’étend près d’elle, les yeux grands ouverts fixant le rai de lune qui s’immisce à travers le volet. Puis, il sombre dans le sommeil.

Amélie le secoue :

-Eh ! Ludovic tu as entendu ?

-Hein ? dit celui-ci.

-J’ai entendu un bruit, comme si c’était des pas.

-Mais non, nous ne sommes que tous les deux. Mais tu as raison, j’entends également ces pas. Qui cela peut-il bien être ? Je n’ai jamais entendu parler de fantômes dans la maison. Les pas s’intensifient, puis se font plus sourds et plus rien, comme s’ils s’étaient évaporés. Ludovic se demande qui a pu s’introduire dans la maison. Ils n’ont pas rêvé tous les deux en même temps. Il ne croit pas beaucoup aux choses paranormales. Il veut en avoir le cœur net. Il grimpe au grenier, ne voit rien de spécial, si ce n’est, une trace ancienne de sac de blé traîné. Il redescend, puis se recouche.

Le lendemain, au petit déjeuner, même scénario que la veille, le vase a été de nouveau déplacé. C’est un peu fort, je ne suis pas fou ! Il faut que je découvre ce qui se passe. Muni d’une bonne torche, il retourne dans le grenier, ouvre le volet puis commence à inspecter les murs, le sol. Rien de rien, quand il aperçoit dans le plancher une petite trappe. Bizarre, je ne me souviens pas de cela. Avec sa lame de couteau, il soulève la planche et oh surprise, il découvre un magnétophone. Bigre, il le déclenche et des bruits de pas se font entendre. A y regarder de plus près, le magnétophone est mis en marche à distance. Quel individu a manigancé un tel truc ?

-Mais, le vase, se dit Ludovic, n’est quand même pas manipulé par un système du même genre ?

Derechef, il va vérifier. Non, le vase est bien déplacé par une main étrangère. Il entend une voix d’homme qui l’appelle. Qui cela peut-il être ? … Depuis longtemps, il ne connaît plus personne dans cette contrée. Il sort et il tombe à la renverse, son copain d’enfance Antoine est debout devant lui.

-Mais que fais-tu là ?

-Ben, tu vois, j’ai investi dans une agence immobilière et quand j’ai su que tes grands parents allaient partir, je suis venu leur proposer mes services. Bien sûr, ils n’en ont pas eu besoin puisqu’ils te léguaient l’entièreté de leur patrimoine. Néanmoins, ils m’ont laissé un jeu de clé pour je puisse venir de temps à autre ouvrir la maison. A leur décès, j’ai remis le trousseau au notaire.

-Mais alors, dit Ludovic, c’est toi qui …

-Oui, en effet, j’avais fait un double des clefs que j’ai gardé et pour te foutre la trouille, j’ai installé au grenier…

-Oui, j’ai découvert ton stratagème. Mais, il y a le vase dans la cuisine, c’est toi aussi !

-Oui.

-Mais comment ?

-Tu te souviens de la petite porte cachée derrière la charrette, j’ai pénétré dans la maison par celle-ci, ni vu ni connu et j’ai déplacé le vase.

-Viens dans mes bras, espèce de sacripant, tu te souviens, c’était comme cela que le grand-père t’appelait, il est vrai que tu en as fait des vertes et des pas mûres. Sacré Antoine, je suis content de te revoir, viens je vais te présenter Amélie, ma compagne.

-Voici Antoine, mon pote d’enfance qui nous a fait la gentillesse de vouloir nous faire croire aux fantômes. Allez, je vous offre une chopine, mais pas celle du grand-père Ernest, mais un Pessac-Léognan. A nos retrouvailles, chenapan d’Antoine !

D’Elie (proposition d’écriture N° 186)

Les charmes de la création.

L’hiver, la saison la plus froide de l’année, bat son plein dans les départements de notre pays. Les hommes, les animaux et les végétaux ressentent les affres de cette dernière.

Et tout ce qui vit aimerait revivre quelques moments de détente et de transpiration par quelques efforts de mouvement ou de travail.

Par ces temps qui courent, je sors enfin de mon oubli par rapport aux réalités de l’hiver et comprends la nécessité de mon abonnement au sport du yoga qui jouerait le rôle de tisane à mon bien-être de santé. Cette discipline, le yoga, est bien sûr une richesse pour le développement et le maintien du corps humain. Car la pratique régulière de la discipline œuvre à dépoussiérer le sang de ses déchets organiques.

D’autre part, l’hiver offre un panache de végétations couvertes de la rosée matinale qui se déverse sur le sol des monts et vallées.

Au travers de ces merveilles de la création qui forcent l’admiration, nourrissent les sens humains et qui inspirent à l’innovation, nous constatons avec bonheur la capacité de l’homme à gérer la diversité des obligations qu’impose l’hiver.

Pour inciter les populations au trésor naturel que leur offre le divin Créateur, les artisans des mass médias procèdent de temps à autre à la rediffusion de ces images riches en pédagogie pour les éducateurs, les élèves et les étudiants.

De Pascale

La route a été longue depuis ce matin !                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             Dès qu’elle avait ouvert la portière, son ami le Chien s’était blotti sur le siège arrière. La veille, il n’avait pas perdu une miette de ses allers-retours, se pressant contre les bagages. Il avait pressenti qu’une nouvelle aventure se projetait et voulait être du voyage.                                                                                                                                                                                                                                                                                               Aurore connaissait bien l’itinéraire, elle avait parcouru tant de fois ces sept cents kilomètres. Pour autant, avant de l’emprunter, elle ne dérogea pas au rituel qu’elle pratiquait depuis qu’elle avait choisi de se reconstruire dans cette région, comme ils l’avaient décidé ensemble il y a bien longtemps. Dès l’aube, elle allait avec Le Chien se ressourcer sur l’immense plage déserte puisant dans les embruns océaniques l’énergie qui la portait pour avancer. Elle saluait l’Océan et les âmes qu’il acheminait avec respect et gratitude. Aujourd’hui, elle avait sollicité leur protection pour la nouvelle étape à franchir.                                                                                                                                                                                                                                                                                                 Après leur rencontre avec les merveilleux paysages du Massif central, quelques pauses indispensables pour avaler un café et permettre à monsieur Le Chien de se dégourdir les pattes, les incontournables embouteillages de la périphérie lyonnaise, elle vient enfin de couper le moteur devant le portail. Elle n’avait pas remis les pieds à la ferme depuis dix-huit mois, depuis que Mamie avait pris la décision de rejoindre Papi au pays de l’Eternité. Lentement, elle écarte les grilles, et un sourire se dessine sur son visage au son du grincement si familier. L’herbe a conquis la cour, autrefois si bien entretenue, tandis que les rosiers grimpants ont divagué sur la façade avec un aplomb non dissimulé.                                                                                                                                                                                                                                                  Aurore décide d’ouvrir rapidement les volets de la maison pour y faire pénétrer les rayons du soleil couchant. Elle a hâte de pousser la petite porte en bois qui mène de la cour au jardin. La grosse targette rouillée offre quelques résistances et monsieur Le Chien aboie, impatient d’aller s’ébattre au milieu des odeurs qui lui sont familières. Lorsqu’elle arrive derrière le vieux mur fissuré, l’émotion la submerge. Les larmes perlent sur ses joues alors qu’elle découvre la prairie envahie d’herbes folles, le potager, ou du moins ce qu’il en reste, tapissé des fleurs fanées de l’amandier. Les souvenirs remontent : ses jeux avec les chèvres et les moutons, les poules et le coq dont elle avait un peu peur lorsqu’elle accompagnait sa grand-mère pour les nourrir, la cueillette des cerises, puis des mirabelles pour concocter de douces confitures…                                                                                                                                                                                                                                 Mais l’heure n’est pas à l’attendrissement, elle avisera demain. Il est temps d’allumer un bon feu dans la cuisinière à bois pour réchauffer un peu les murs qui n’ont pas perçu la chaleur du jour depuis bien longtemps. La gamelle de monsieur Le Chien, un petit en-cas sur le coin de la table qui avait accueilli si souvent la tribu, et très vite se glisser sous l’intemporel édredon en plumes d’oies avec un bon livre. Eviter de trop penser…la fatigue aidant, le sommeil s’invite rapidement.                                                                                                                                                                                                                                                          Plus tard dans la nuit, le craquement de la chambre à l’étage la surprend. Dans un sursaut elle se redresse, mais aucun bruit suspecte ne se reproduit. Monsieur Le Chien, lui, dort profondément. Peinant à retrouver les bras de Morphée, elle se glisse hors du lit pour rejoindre l’arrière-cuisine et se servir un verre d’eau quand soudain… Une tache lumineuse aux formes indéfinies lui fait face.                                                                                                                                                                                                                                                                               « Ho noon ! Mes vieux fantômes, vous êtes toujours là ? »                                                                                                                                                                                                                                                               Depuis l’enfance, chaque séjour chez ses grands-parents était animé de ces rencontres un peu particulières. Petite, elle en avait très peur, jusqu’au jour où elle avait osé en parler à Mamie. Comme toujours, sa grand-mère avait su l’apaiser, lui expliquant que certaines âmes venaient se présenter à elle, souvent pour délivrer un message. Qu’elle ne devait pas être effrayée, qu’au contraire ces âmes avaient besoin d’être rassurées car elles étaient souvent perdues. Au fil du temps, Aurore, accompagnée par sa Mamie, s’y était accoutumée et ses craintes s’étaient apaisées.                                                                                                                                                                                                                                                                                                « S’il-vous-plait je suis fatiguée, j’ai besoin de dormir, vous voulez bien ? Pas ce soir ! »                                                                                                                                                                                                                    La forme disparait alors aussi subitement qu’elle est apparue.                                                                                                                                                                                                                                                           « Merci ! »                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   Le lendemain, oubliant sa rencontre nocturne, Aurore s’affaire toute la journée à redresser le jardin, puis vider l’armoire des vêtements de sa grand-mère ne s’accordant que peu de pause. Le soir venu, épuisée, elle s’endort sur le roman qu’elle tente en vain de terminer depuis son arrivée. Mais au milieu de la nuit, le craquement retentit de nouveau, plus intense que la veille, lui semble-t-il. Droite dans son lit, elle découvre la forme lumineuse devant la fenêtre aux volets clos de la chambre. 

« Mais non, s’il-vous-plaît … »                                                                                                                                                                                                                                                                                            Malgré sa supplique, la forme ne s’éclipse pas. Elle insiste, se dirigeant vers la porte comme pour inciter Aurore à la suivre. La jeune femme ne bouge pas, semblant ne pas comprendre. Alors, le fantôme, insistant, entreprend de danser entre le pied du lit et la porte. Dans un soupir de lassitude, Aurore se résout à le suivre jusqu’à la cuisine.                                                                                                      La silhouette imprécise s’immobilise au centre de la pièce, avant de reprendre un ballet invraisemblable.                                                                                                                                                      « Ecoutez, je ne sais pas ce que vous attendez de moi, mais je vous en prie, disparaissez pour cette nuit ! »                                                                                                                                                  Et la silhouette s’efface sans plus d’insistance.                                                                                   La nuit suivante, la même apparition se renouvelle. La jeune femme, lasse mais interpellée, sent qu’elle doit répondre à l’appel de son visiteur nocturne. Elle se souvient alors d’une parole de sa grand-mère :                                                                                                                                                  «Ils ont souvent un message à nous transmettre. »

Elle se décide donc à suivre ce gentil fantôme, qui reprend aussitôt sa danse au centre de la cuisine. Aurore l’observe et s’aperçoit dans la pénombre que la porte de la petite niche murale au fond de la pièce est ouverte.                                                  

« Je suis certaine qu’elle était fermée et de ne pas l’avoir touchée depuis mon arrivée. »                     Timidement, elle s’en approche et aussitôt la présence lumineuse s’efface. Aurore sent que c’est à l’intérieur de cette niche qu’elle va découvrir le message. Elle n’utilise pas l’interrupteur, préférant d’instinct allumer les bougies disséminées dans et sur le mobilier. Elle entreprend maintenant d’explorer l’intérieur de la niche. Les fameux jeux de dames, de cartes et leurs jetons ainsi que le Mikado semblent endormis depuis que personne ne les a utilisés. Derrière eux, une boîte métallique inconnue jusque-là attire son attention. C’est une jolie boîte au décor breton, sans doute un souvenir gourmand de vacances offert à ses grands-parents.  Aurore s’en saisit, ayant perdu toute assurance. Elle s’installe sur un coin de la grande table et soulève délicatement le couvercle de la mystérieuse boîte. Les battements de son cœur se sont accélérés. A l’intérieur, une pile de lettres joliment enlacées d’un ruban à la couleur indéfinissable a été déposé avec délicatesse. Au-dessus, un trèfle à quatre feuilles desséchées au fil des ans paraît être le sceau d’un secret… La correspondance amoureuse de Mamie et Papi !                                    

« Merci gentil fantôme, rassure-les ! L’agent immobilier peut venir demain matin pour mettre en vente la ferme, leurs secrets seront bien gardés … »                                                                            Aurore referme la boîte avec mille précautions et la dépose sous l’oreiller froissé à ses côtés. Monsieur Le Chien, serein, ronfle sur la descente de lit. Leur nuit sera emplie de jolis rêves !

Poème de Camille Readman Prud’homme, « Quand je ne dis rien, je pense encore », proposé par Françoise T (hors proposition d‘écriture)

Chaque jour j’attends la nuit,
car la nuit peut-être
moins de visage et plus de voix ;
pour cela sans doute la nuit m’apaise
parce qu’elle offre un grand confé
qui est aussi un droit de ne plus répondre
je veux dire que la nuit ne supporte pas les obligations
elle est libre.
la nuit il n’y a pas de rendez-vous il y a des rencontres,
il n’y a pas d’horaires parce qu’il n’y a pas de repas,
seulement du temps tendu, donné.

De Marie-Laure

Drôle d’ambiance à la ferme

Marylou est une citadine dans l’âme, toujours à courir entre son travail très prenant, ses nombreux engagements, la salle de sport et tout le reste ; bref rien que de très banal au vingt-et-unième siècle !

Elle a ce qu’on appelle une vie à cent à l’heure, mais en ce moment, ce n’est pas la grande forme. Elle enchaîne les soucis de santé, tout se passe comme si son corps lui adressait des signaux d’alerte, qu’elle a refusé de voir jusque-là. Aujourd’hui, son médecin lui a prédit un burn-out imminent si elle ne levait pas le pied. C’est vrai qu’elle se sent fatiguée, mais elle n’avait pas l’impression d’être à ce point au bout du rouleau. Soit, elle décide d’accepter les conseils du médecin et pour ses prochaines vacances, elle ne partira pas au bout du monde visiter un pays au pas de course, non, elle ira se reposer dans la ferme de ses grands-parents.

Elle a hérité de cette bâtisse il y a déjà six mois, mais à vrai dire, elle n’y a pas remis les pieds depuis des années. Elle en est encore à se demander ce qu’elle va en faire, la vendre ou la garder comme résidence secondaire, telle est la question. Elle se dit que finalement ce petit break l’aidera sûrement à y voir plus clair ! Elle ne sait pas trop si elle supportera de vivre coupée de tout dans ce hameau perdu au fin fond de la campagne lorraine.

C’est déjà un vrai casse-tête pour faire sa valise. Elle a plié quelques robes qui lui vont bien, mais est- ce vraiment utile ? Il n ‘y a même pas de petit bistrot dans ce hameau. Le petit bourg le plus proche est déjà à une douzaine de kilomètres, il n’y a ni cinéma, ni centre commercial à moins de cinquante kilomètres. Pour sûr une tenue jean, sweat-shirt et baskets sera plus appropriée. Coquette, elle ne renonce quand même pas à trois tenues un peu plus chic, au cas où, se dit – elle !

Après quelques heures de route, elle quitte l’autoroute pour sillonner la campagne lorraine, le chemin lui semble interminable et c’est à la nuit tombée qu’elle arrivera enfin. Heureusement, elle a réussi à prévenir la vieille Pierrette, la voisine qui veillait sur sa grand -mère, de son arrivée. Elle sait bien que la vieille dame a eu à cœur d’aérer la maison et de mettre quelques bûches dans la cheminée, voilà qui la rassure un peu.

C’est bel et bien Pierrette qui déboule avec une lampe torche à peine la voiture garée devant la grange. Marylou ne peut échapper aux effusions d’usage, pourtant elle n’a qu’une seule envie, c’est de se poser. Il faut écouter les dernières nouvelles du hameau, comment elle entretient vaille que vaille la maison, comme elle est heureuse de la revoir, sa grand-mère lui parlait si souvent d’elle. Elle était si fière de la réussite de sa petite fille ! Si elle a besoin de quelque chose, qu’elle n’hésite pas, promis, elle reviendra la voir dans quelques jours.

Voilà, ça c’est fait, se dit Marylou alors qu’elle ouvre sa valise. Certes, elle est bien aimable Pierrette, mais il va falloir gérer pour qu’elle ne soit pas envahissante ! En même temps qu’elle grignote son sandwich, Marylou fait le tour de la maison, rien n’a changé, tout est comme dans ses souvenirs. Il lui semble même voir sa grand- mère impotente, assise sur son fauteuil, collée à sa fenêtre, à guetter les allers et venues des voisins pour toute distraction. Que d’émotions qui refont surface, une larme s’échappe du coin de l’œil, Marylou appréhende un peu de se retrouver ici, c’est très étrange !

Pour l’heure, à bailler aux corneilles, elle décide de s’installer dans la chambre qu’elle occupait jadis, lorsqu’elle venait en vacances. Ici point de train dès cinq heures du matin, pour perturber son sommeil, pour sûr elle va vite récupérer !

C’était sans compter avec les cloches de l’église toute proche, qui s’agitaient dès l’angélus. Il y avait aussi l’âne de Firmin qui leur donnait la répartie avec force et conviction. Le coq de Pierrette n’était pas en reste et tenait lui aussi à s’imposer. Finalement, sa première nuit n’avait pas été si calme que ça ! Et puis il y avait eu aussi de nombreux bruits dans le grenier, comme l’impression d’une partie de foot entre quelques bestioles. Elle avait un peu grandi à la ferme et elle avait déjà entendu tous ces bruits, mais ce matin, elle a le sentiment qu’ils se sont tous donné le mot pour perturber son sommeil.

Comme s’ils avaient tout fait pour qu’elle ne s’installe pas trop longtemps, se dit- elle, elle l’usurpatrice, l’étrangère, la citadine. A peine elle ouvre la porte pour aller boire son café sous le grand saule, que c’est un chat noir qui se faufile dans la maison. Une chance qu’elle ne soit pas d’un naturel superstitieux !

« Bon et maintenant par où commencer mon installation » se dit – elle.

Elle se décide à mettre en ordre la cuisine, se rappelant que le médecin lui a fortement conseillé de faire des repas équilibrés. Elle passe la poussière sur les meubles, sur les cadres qu’elle remet bien droit au passage, lessive le sol et commence à prendre possession des lieux. Voilà une ampoule qui vacille, elle en trouve une de rechange. Elle observe un tableau qu’elle avait offert à sa grand- mère, c’est étrange la peinture n’est pas sèche, elle en a sur les doigts. Pourtant cela doit bien faire dix ans que ce tableau est accroché à ce mur, Marylou n’en revient pas, elle ne comprend pas.

Dans l’expectative, elle décide de se concocter un petit repas avec les provisions qu’elle a ramenées. Dans la cuisine, les tableaux sont de nouveau tous de travers, alors qu’elle les a tous remis d’équerre il y a à peine deux heures ! Probablement que ces vieux murs ne sont vraiment pas droits, peut -être que la peinture a légèrement gondolé par endroits sous l’effet de l’humidité, les questions commencent à tournicoter dans sa tête. Et cette ampoule fonctionnait très bien tout à l’heure, c’est celle qu’elle vient de changer et voilà qu’elle ne s’allume plus. Désabusée, Marylou se sent fatiguée, très très fatiguée, elle sent que son corps bientôt ne la portera plus. Il est évident qu’il faut qu’elle se mette assise, oui, mais non, pas là dans le fauteuil de la grand- mère, ça c’est juste pas possible !

A regarder ce fauteuil, elle a l’impression que sa mamie l’invite à venir la rejoindre. Elle entend comme une petite mélodie qui lui dit : « viens sur mes genoux, comme quand tu étais petite, que je te fasse un câlin ». Marylou se sent moite, peut-être bien qu’elle a de la fièvre, elle va se blottir dans son lit. Décidément, il faut qu’elle se repose !

Sous les couvertures, son cerveau ne lâche pas prise, elle cogite, se tourne, se retourne et en vient à poser une hypothèse : et si finalement tous ces signes n’étaient qu’une invitation à se reconnecter à son enfance, à ses racines ? Courageuse ou téméraire, Marylou n’est en tout cas pas du style à abdiquer à la moindre embûche. Elle a dû faire face à des situations bien plus compliquées que cela dans son métier. Elle en a relevé des challenges, ce ne sont pas quelques phénomènes bizarroïdes qui vont la faire fuir. La voilà qui analyse froidement la situation, tout se passe comme s’il y avait une énigme à résoudre, ou pas, se dit-elle. Elle en sourit en pensant que sa grand- mère ne serait pas mécontente de la voir affronter l’adversité, elle qui avait connu la guerre et la résistance.

C’est décidé, elle va rester et elle va noter tout ce qu’elle observe, au jour le jour. Peut – être trouvera-t-elle une explication rationnelle un jour. Au pire, toutes ses observations alimenteront l’intrigue de son futur roman, car en secret Marylou s’amuse à écrire !

De Pierre

Mario et Paulette, retraités « lambda », ni riches, ni pauvres, vivaient dans le centre de la France dans leur maison. Tous les deux, âgés de 80 ans, décidèrent de léguer à leur petit-fils Antoine cette maison, car leur propre fils, le père d’Antoine, était mort terrassé par un AVC, il y a plusieurs années. Antoine vivait en région parisienne et rendait régulièrement visite à son papy et sa Mamy, surtout depuis le décès de son père.

N’ayant jamais fait de grand voyage, Mario et Paulette cassèrent leur tirelire et entreprirent d’aller une semaine en Grèce. C’était la première fois de leur vie qu’ils prendraient l’avion. Ils étaient un petit peu angoissés. Antoine, qu’ils avaient appelé pour lui annoncer ce projet, les rassura. Ravi de cette initiative, il leur souhaita de bien profiter de leur séjour au soleil et d’oublier les froideurs en cette fin d’hiver. Ils partirent quelques jours plus tard. Ils devaient rejoindre d’autres participants au voyage dans un lieu de regroupement de l’aéroport d’Orly. Ils étaient heureux de vivre ce moment intense de départ, une pause dans leur quotidien, l’appel du grand large en quelque sorte. L’avion n’arriva jamais à destination. Il s’écrasa en pleine mer. Antoine fut rapidement tenu informé de la catastrophe. Stupeur et chagrin, lui qui aimait profondément ses grands-parents ; d’emblée, il rejeta cette nouvelle affreuse…Dans sa tête, ses grands-parents étaient toujours vivants tant que leur corps n’étaient pas retrouvés.

Les semaines passèrent, les mois aussi, les corps de ses grands-parents n’étaient toujours pas retrouvés. Un certain jour de juin, Antoine reçut un appel du notaire lui demandant de venir le voir. Comme il était un peu stressé avec des activités professionnelles intenses, il en profita pour prendre quelques jours de congé et de les passer dans la maison de ses grands-parents, au calme, loin du tumulte de la ville.  Après avoir vu le notaire qui lui fit part des volontés de ses grands-parents, Antoine prit le chemin de la maison située en bordure de la petite ville. La voisine, qui le connaissait bien, lui remit les clés de la maison, mais elle lui dit s’étonner de ne pas avoir vu ses grands-parents partir. Antoine lui fit part de l’accident d’avion. Aussitôt, elle se mit à pleurer à chaudes larmes elle qui aimait bien ses voisins.

La maison était très propre, tout était bien rangé comme à l’habitude. Antoine alla à l’étage vers la petite chambre qui était la sienne depuis son adolescence. Que de souvenirs trottaient en lui. Son lit était fait comme s’il était attendu. Il retourna au rez-de-chaussée, regarda le jardin dehors, un peu à l’abandon mais la végétation était en pleine floraison. Il nota la présence de la voiture de son grand père dans le garage.

-Bizarre, pensait Antoine, comment ont-ils pu aller à Paris Orly ? En train ou en bus ?

Ce n’était pas dans les habitudes du grand père qui adorait conduire. Antoine prit sa voiture garée dehors et alla faire quelques courses en ville. Le soir tombait, Antoine alluma le téléviseur qui se mit en route immédiatement.

-Curieux, pensait Antoine après des mois d’absence, bizarre.

Sur une chaine de télévision, un journalise commentait les nouvelles locales :

Nous apprenons que « le fou de l’Indre », ainsi qu’il était désigné par les autorités, s’est de nouveau enfui d’un asile psychiatrique, comme il l’avait fait quelques mois auparavant. Les autorités mettent en garde les habitants de la région car cet individu est très dangereux et capable des pires crimes. Voilà le numéro à composer en cas de contact avec lui, André Lorme alias « Dédé Le terrible »; voilà sa photo.

Fatigué de son voyage, Antoine rejoignit sa chambre et s’endormit comme une masse.  En pleine nuit, il fut réveillé par des bruits étranges venant du rez-de-chaussée et aperçut un halo de lumière. Antoine hallucinait, que se passait-il ? Sans attendre, il sauta de son lit et se dirigea vers le rez-de-chaussée et là se trouva face à un homme d’allure inquiétante. Il le reconnut ; il s’agissait bien du fou évadé, alias « Dédé le terrible ». L’homme tenait une arme qu’il braquait sur Antoine.

  • Si tu bouges dit-il, je te flingue comme j’ai flingué les vieux de cette maison.
  •  Vous êtes complétement dingue, pire, un criminel, calmez-vous !
  • Non, je ne suis pas dingue, je suis un mystique, j’apporte la lumière et la résurrection, disait-il en ricanant. Si tu ne me crois pas, suis-moi et passe devant moi. Ouvre la porte de la cave, tu verras.

L’arme braquée sur lui, Antoine obéit et se dirigea vers la cave. Ils descendirent quelques marches et allèrent droit devant eux, dans l’obscurité la plus totale.

  • Arrête-toi là, lui ordonna le fou en allumant une torche. Regarde à droite et que vois-tu là-bas ?

Le peu de lumière permit toutefois à Antoine de constater avec horreur la présence de deux cadavres enchainés, c’étaient ses grands-parents. Il hurla de douleur.

  • C’est immonde ce que vous avez fait, disait-il au tueur, pourquoi êtes-vous revenu sur le lieu de votre crime ?
  • Pour mon plaisir mon cher, bon maintenant assez parlé, je vais te tuer aussi.
  • Non, attend, lui dit calmement Antoine qui grelottait de peur mais qui n’avait pas perdu son sang-froid, parlez-moi de vous, qui êtes-vous ?
  • Je suis Lucifer, le diable, j’obéis à ses ordres.

Dehors, des ombres se déplaçaient sans faire de bruit, toutes lumières éteintes. Il s’agissait de la police qui avait pu retrouver la trace du tueur fou. Ils étaient cinq policiers en arme, aguerris à ce genre d’opération. Ils aperçurent la porte de la cave ouverte et comprirent immédiatement que c’était là qu’ils devaient aller.

Dédé le terrible parlait, racontait à son otage sa triste existence. Il ne semblait pas pressé de mettre sa menace à exécution. Tout à coup, il sentit dans son dos une arme, non, plusieurs prêtes à l’éliminer. Il essaya de braquer sa propre arme vers Antoine mais en l’espace d’une seconde, il fut « neutralisé », comme on dit dans la police.

Au petit matin, beaucoup de monde dans la maison, la police au complet, les journalistes et la télévision vites informés, ainsi que la juge d’instruction et les représentant de l’asile d’où le fou s’était échappé. Les grands parents d’Antoine eurent droit des obsèques dignes et simples, toute la ville était présente.

Le calme revint dans la ville une page était tournée, Antoine put enfin se reposer, s’occuper du jardin qui en avait besoin et faire quelques travaux de réparation.

Plus tard, pensait-il, il s’installerait ici définitivement avec sa compagne qui aimait la campagne : ainsi va la vie…

De Dominique

Les grillons.

Tom s’est arrêté à la station-service pour faire le plein de sa moto.

— Allô Anna, es-tu prête ? Je viens te chercher dans un quart d’heure.

— Prête ? Mais où veux-tu m’emmener ?

— Ne me dis pas que tu as oublié !

— Oublié quoi ?

— La visite de la ferme de mes grands-parents !

— Oups, désolé mon amour, ça ne va pas être possible, je suis en retard dans mes rapports et bilan comptable et il me faut terminer ce travail pour le week-end.

Tom est déçu, il souhaitait tellement faire visiter à son épouse la ferme léguée par ses aïeux, tant pis, ce sera pour une autre fois.

— OK, mais le notaire m’attend pour me remettre les clefs, il faut que je me mette en route si je veux être à l’heure au rendez-vous.

— Pas de problème chéri, fais attention à toi sur le trajet. Bon week-end et à lundi, on s’appelle dès que possible !

La moto démarre et l’odeur des gaz brûlés annonce le départ. En route pour la Normandie.

Les virages, les arbres défilent, le ruban bitumeux se déroule à toute vitesse sous les roues de l’engin. Trois heures trente plus tard, la moto s’engage sur le petit sentier de terre de ce petit coin paisible de Normandie.

Au loin, baignant dans la lumière de cette fin d’après-midi d’été, se dessine l’image de la ferme. Sous son casque, Tom sourit. Tant de souvenirs heureux rejaillissent dans le cœur de l’homme tout à coup redevenu cet enfant qui passe ses vacances à la ferme familiale.

En bordure de la propriété, le clerc de notaire l’attend muni de la clef de la vieille demeure.

La porte s’ouvre et les odeurs familières resurgissent.

La cire d’abeille étalée sur les meubles et l’odeur de la cuisine que faisait grand-mère autrefois. Celle des pommes qui deviendront du cidre et celle du tabac que fumait grand-père. Il écoute les bruits ; le chat ne l’accueille plus de ses doux ronrons amicaux et la vieille pendule au coucou rythmant les heures s’est arrêtée. Il la cherche du regard et ne résiste pas à l’envie de la remonter en tirant sur la chaîne du balancier comme il aimait le faire dans sa tendre enfance. Là, il revoit sa grand-mère lui faisant des crêpes. Il lui dénoue le tablier en riant aux éclats et elle le gronde d’une moue de désapprobation.

Après avoir salué le notaire, Tom est allé remiser la moto dans la grange où autrefois on entassait les ballots de paille parmi les tracteurs et les machines agricoles, tous vendus aujourd’hui.

Une nostalgie indéfinissable s’installe dans son âme. Que fera-t-il de cet héritage ? Et Anna qui n’est pas là pour l’aider à prendre la bonne décision !

Allez, pas de mauvaises pensées, ce soir, je vais déguster mon casse-croûte sur la terrasse et aller me mettre au lit, demain sera un autre jour et à chaque jour suffit sa peine, dit-on.

Après avoir pris une douche presque froide, la chaudière n’ayant pas fonctionné depuis longtemps, il sort prendre l’air. L’aurore s’étend sur la campagne, elle fait briller le ciel de sa couleur dorée. Il s’en emplit les yeux, le sommeil en sera plus doux. Il rejoint sa chambre, la même que quand il était enfant. Tom a chaud ; les pièces se sont vite réchauffées, la chaudière tourne à son plein régime malgré la chaleur de cette fin d’été. Elle est sans doute défectueuse, il regardera tout ça demain.

Sur le mur du salon, sont accrochés les portraits de Joseph, son grand-père bien aimé avec lequel il a partagé tant de choses et de sa gentille grand-mère, Amélie. Il se revoit tenant la main de son « papy Joseph », s’en allant à la cueillette des champignons. Au retour, mamie les accommodera en fricassée.

Le coucou sonne minuit. Il est temps de se mettre au lit, mais un bruit le tire de ses pensées nostalgiques. Le portrait de Joseph vient de se fracasser sur le sol dans un bruit de verre qui explose.

— Quel est donc ce mauvais présage ?

Le jeune homme fait place nette pour éviter de se couper au cours de la nuit en marchant pieds nus. Il réparera la casse une autre fois, puis il retourne se coucher.

— Il va falloir que j’aille demain matin jeter un coup d’œil au réglage de cette fichue chaudière, il fait vraiment trop chaud ici ! Puis il s’endort, bercé par le vent de la campagne soufflant dans les volets à claire-voie.

La chaleur ambiante le fait transpirer, il ouvre les yeux ; au fond de la chambre se dessine une ombre humaine. Dans un sursaut, le voilà assis sur le lit. Plus rien ne bouge, une illusion d’optique, pense-t-il, tout est calme.

La fatigue du voyage, le plaisir de se retrouver dans le confort de sa couche lui font retrouver le sommeil très vite.

Dans sa torpeur, il croit entendre le coucou imitant le loup, mais il n’ouvre pas les yeux.

Un papillon de nuit frôle son visage et il tombe sous le charme de la voix envoûtante de Morphée qui lui chante une berceuse. La déesse de la nuit le berce, il n’a plus envie de résister ; il dort à poings fermés. Mais brusquement, le lit se met à bouger, il s’envole, il flotte dans l’espace de la chambre. Il devient l’observateur de son corps endormi.

Le coucou sonne onze heures, le temps passe à l’envers ! La ferme craque de toutes parts, le bois s’étire bruyamment. Soudain, les visages de grand-mère et grand-père éclatent en rires sinistres, les voilà qu’ils se mettent à crier :

— Vous nous avez laissés mourir dans la solitude et l’indifférence, personne ne viendra ici pour vivre sans nous… Nous allons hanter vos jours et vos nuits.

Flottant dans l’espace, Tom assiste impuissant à ce déchaînement d’esprits malsains. Le coucou, encore lui, meugle dix heures. Un bruit, faible au début, s’amplifie ; c’est celui d’une myriade de grillons qui chantent. On les entend survoler la maison. Peu à peu, les stridulations deviennent insupportables. Les insectes se heurtent aux vitres des fenêtres ; leurs cadavres s’entassent au bas des boiseries. Au loin, des chiens hurlent à la mort et le coucou sonne en disharmonie.

Tom flotte dans son espace réduit. Il erre entre son lit et le plafond, observateur impuissant de chacun des événements qu’il voit se dérouler. Il a de plus en plus chaud puis, l’instant d’après grelotte. Il tremble de tous ses membres devenus incontrôlables. Le voilà plaqué au plafond comme une mouche apeurée. Tout en bas, sur la table de nuit, son portable n’arrête pas de sonner, mais il est incapable du moindre mouvement. Il ne parvient pas à s’en saisir. Les objets se déforment et ondulent comme des drapeaux sous le vent. Des oiseaux viennent se fracasser sur les fenêtres dans l’espoir de s’empiffrer de grillons assommés.

Le tonnerre gronde dans un bruit de fin du monde. La pluie d’orage vient s’abattre sur les tuiles de la ferme, l’eau résonne dans les gouttières. L’ondée bienfaitrice fait descendre la température ambiante devenue torride et suffocante. Le toit fuit et laisse s’écouler l’eau sur son front. Elle lui fait un bien fou, va-t-il sortir enfin de ce cauchemar ?

Il ouvre les yeux et croise le regard de sa femme assise à son chevet. Elle lui passe un gant de toilette humide sur le visage. Elle est accompagnée par les pompiers qui sont avec elle.

Anna l’embrasse tendrement et lui dit :

— Ça fait deux jours que j’essaye de te joindre et comme tu ne répondais pas au téléphone, je me suis inquiétée, j’ai fini par appeler les secours. Ils sont venus très rapidement jusqu’à la maison, ont forcé la porte et ils t’ont trouvé dans ton lit avec cette fièvre intense ; il paraît que tu délirais. Tu leur racontais des choses terrifiantes, les yeux exorbités et le regard anxieux. Le docteur t’a administré des calmants et peu à peu, tu es revenu à la raison. Je suis arrivée ici très vite, tu peux te vanter de nous avoir fait peur. Le docteur parle d’une infection pulmonaire foudroyante. On va t’emmener à l’hôpital pour te faire les examens nécessaires.

Sur le mur de la cuisine, la pendule égrène son tic-tac régulier et le coucou sonne paisiblement toutes les heures qui passent. Dans le salon, papy Joseph et mamie Amélie trônent toujours dans leurs beaux cadres à bordures dorées. Tout est serein et rien ne témoigne de la nuit d’hallucinations vécues par le jeune homme.

Tom est allongé sur un brancard, les secours l’emmènent vers le véhicule d’urgence, il s’en veut de s’être laissé prendre par la panique. Anna, en fermant la porte de la ferme, écarte du pied… Quelques grillons morts. 

Vous avez lu ces histoires incroyables…J’espère que vous passerez une bonne nuit!

La fin de l’hiver s’est transformée en un début de printemps, avec une douceur … pas trop normale. Mon mimosa commence à frétiller et les boules jaunes s’ouvrent peu à peu. Je vous enverrai une photo quand il sera en pleine floraison. J’ai hâte!

La douceur a un inconvénient, c’est que l’herbe pousse un peu trop vite à mon goût. La tondeuse qui hivernait tranquillement va sans doute devoir vrombir sous peu. 

L’avantage, c’est que je chauffe très peu. J’économise mes pellets. Malheureusement, les arbres fruitiers vont fleurir trop vite et on connaît les conséquences quand il y a un coup de froid en avril ou en mai. 

Je me concocte un petit programme pour les vacances qui approchent: un petit tour du côté de l’Ile d’Oléron et 2 jours à Angers. J’ai envie de voir de près la tenture de l’Apocalypse. 

Je vous souhaite une belle semaine créative.

Portez-vous bien, prenez soin de vous et agissons pour un monde meilleur!

Créativement vôtre,


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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