La proposition d’écriture N° 201 permettait de partir en terre inconnue. Entre les Philippines, un voyage au Portugal raté, un désir de désert à vélo, vous n’avez plus qu’à choisir.
Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
De Jean-Michel
Depuis le temps que je rêvais de dépaysement, j’allais enfin pouvoir être exaucé… En effet, j’avais décidé de quitter ma sphère de confort pour partir à l’autre bout du monde, plus précisément aux Philippines, l’espace de quelques semaines, non pour grâler sur une paillotte au bord de la Mer de Chine, mais pour découvrir la réalité du terrain. J’avais été invité par un ami qui travaillait au sein d’une ONG locale et j’avais répondu positivement.
Après 20 heures de vol, deux escales, l’une à Dubaï, l’autre à Taïwan où j’avais changé d’avion, j’atterris enfin à Manille. Il faut savoir que les Philippines sont un pays qui compte 80% de catholiques pratiquants et dans lequel 80% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
C’est d’ailleurs la triste réalité à laquelle je fus confronté dès mon arrivée : logé dans un hospice de saint-Vincent-de-Paul, je me retrouvai au milieu d’enfants abandonnés par leur famille qui pour l’un n’avait plus qu’une jambe, l’autre un bras en moins… mais avec un sourire à vous transpercer le cœur… Le contraste était sévère avec notre mode de vie occidental, mais cela m’obligea à ouvrir les yeux pour me mettre au service des plus pauvres. Je compris que l’essentiel n’était pas dans le « faire » ou le fait de donner de l’argent (pour se donner bonne conscience), mais d’être avec eux, prendre du temps pour jouer, discuter, écouter…
Je pris aussi conscience, en visitant certains bidonvilles construits sur des décharges à ciel ouvert, les Smokey Mountains, que notre mode de vie avait un impact sur la planète. Sans être un écologiste forcené, je perçus qu’en étant respectueux de notre environnement, en n’encourageant pas les filières clandestines qui exploitent les plus pauvres pour fabriquer des vêtements « low cost », je contribuais à rompre un cercle vicieux.
Ce séjour fut de courte durée, certes, mais il y eut un avant et un après, et je ne revins pas pareil. Suite à cela, je pris la décision de m’impliquer autour de moi pour essayer, à ma petite échelle, de changer le monde…
De Lilou
L’Appel de la Montagne
Le sac à dos bien serré sur les épaules, j’ai quitté le tumulte de la ville, laissant derrière moi le ronronnement des moteurs et la grisaille du béton. Mon regard se portait désormais vers les sommets enneigés qui se dressaient à l’horizon, comme des géants silencieux m’invitant à leur rencontre.
Ma destination : la Patagonie chilienne, une terre inconnue pour moi, une promesse d’aventure et de découverte. J’étais attiré par un appel sauvage de la montagne, par le murmure du vent dans les forêts, le blanc bleu des glaciers et le chant cristallin des torrents. Je voulais me perdre dans l’immensité des paysages, loin du chaos de la vie quotidienne.
Le chemin était long et ardu, mais chaque pas me rapprochait de mon objectif. J’escaladais des sentiers rocailleux, traversais des vallées verdoyantes et franchissais des cols vertigineux. La nature m’enveloppait de sa beauté sauvage, me faisant oublier mes soucis et me nourrissant d’une énergie nouvelle. Au sommet, le glacier bleu s’étendait devant mes yeux et à mes pieds, un panorama infini qui me coupait le souffle. Un sentiment de liberté et d’accomplissement m’envahissait. J’avais atteint mon but, mais surtout, j’avais trouvé quelque chose de bien plus précieux : moi-même.
J’ai découvert une force intérieure que je ne savais pas posséder. J’ai appris à me surpasser, à affronter mes peurs et à me fier à mon instinct. J’ai compris que la vraie richesse n’est pas matérielle, mais réside dans les expériences que nous vivons et les liens que nous tissons avec la nature.
De retour à la civilisation, je portais en moi une nouvelle perspective sur la vie. J’étais plus sereine, plus ancrée dans le présent et plus consciente de la beauté fragile qui nous entoure. Le monde me paraissait moins menaçant, plus propice à l’exploration et à la découverte.
Mon voyage n’était pas seulement une aventure physique, c’était un voyage intérieur. J’ai appris à écouter, à suivre mes rêves et à chérir chaque instant précieux que la vie nous offre.
De Manuela (proposition d’écriture N° 200)
C’est le moment, l’huissier ouvre la porte. J’entre dans la salle d’audience, je me rends à ma place. Tout le monde est déjà là : les trois accusés, les deux avocats de la défense, le public et bien sûr les journalistes. Ils sont tous debout en signe de respect.
—Asseyez-vous, dis-je d’un ton calme. Nous allons juger Marcel Martin, Donald Rapetou et Mickey Rapetou. Ils sont accusés pour une tentative d’évasion de la maison d’arrêt de Saintes, au mois de mai 2022. Monsieur Marcel Martin, veuillez-vous avancer s’il vous plait jusqu’à la barre.
Il s’avance lentement mais il s’exécute quand même.
—Veuillez décliner vos noms, prénoms ainsi que votre date et lieu de naissance. Votre adresse, je la connais : maison d’arrêt de Saintes.
Il me donne tous les renseignements demandés. Je commence mon interrogatoire.
—Monsieur Marcel Martin, racontez à la cour, le déroulé de cette journée ?
Silence, l’accusé est muet. Je repose ma question.
—Qu’avez-vous fait en cette journée du 23 mai 2022 ?
Toujours un long silence.
—Savez-vous, Monsieur Martin, que si vous ne me répondez pas, vous aggravez votre cas !
Long silence, encore.
—Je vais raconter à l’assemblée ce que je sais de cette journée, arrêtez-moi Monsieur Martin si les faits ne sont pas exacts. Le prévenu, ici présent a été accusé d’une tentative de vol dans une bijouterie et la sentence a été de 6 ans. Confirmez-vous, Monsieur Martin ?
Rien ne sort de sa bouche.
—Vous avez tenté de faire une échappée de la maison d’arrêt, une vingtaine de fois. Une véritable prouesse, vous êtes un vrai champion des évasions ratées. Rien à dire…Lors de votre dernière tentative, la plus réfléchie sans doute, vous avez pris deux complices : les frères Rapetou, Donald et Mickey. Le collectif n’était pas fiable. Il y a eu de nombreux faux départs. Vous deviez vous encorder avec vos complices. La corde étant faite avec des draps trop courts pour franchir le mur d’enceinte de la maison d’arrêt. Vos complices étant très bavards, tous les autres prisonniers, mais aussi tous les vigiles étaient au courant de cette tentative d’évasion, les gardes vous attendaient en bas du mur. Vous n’avez rien vu ? Qu’avez-vous ressenti à ce moment -là ? Toujours aucune réponse, Mr Martin. J’en tiendrais compte au moment de la sentence. Demain, ce sera les interrogatoires de vos deux complices. J’en saurai certainement beaucoup plus car ils se sont montrés plus loquaces lors de leur garde à vue.
Cette situation me fatigue. Mais je ne peux rien y faire.
—Maître, à vous !
L’avocat de la défense s’approche de son client.
—Mais pourquoi, restez-vous muet ? Muet comme une carpe ?
Enfin, des mots sortent de la bouche de Monsieur Martin.
—Hé, l’avocat, vous êtes un traître, vous ne m’avez jamais averti qu’un psy viendrait me voir dans ma cellule pour évaluer mon état mental. Donc, je ne vous parle plus.
Il tourne la tête et ne dira plus rien. L’avocat prend à nouveau la parole.
—Pourquoi vouliez-vous vous évader encore une fois ? Ces tentatives vous donnent-elles des poussées d’adrénaline ?
—La journée se termine, j’ordonne aux gardes de raccompagner les accusés dans leurs cellules. Le procès reprendra demain à 10 heures.
Je sors de la salle, j’ôte ma robe et rentre chez moi. Je regarde ce soir-là un film assez ancien sur un procès en correctionnel, beaucoup moins drôle que celui que je juge en ce moment. L’accusé est drôle, il se croit futé mais il n’en est rien. Je vois bien l’assemblée sourire de temps en temps. Demain devrait être encore plus étonnant avec les frères Rapetou.
Le lendemain, 10 heures, l’huissier m’ouvre la porte, j’entre et je m’installe à ma place. Un coup d’œil rapide, je vois que tout le monde est là. Parfait.
—Asseyez-vous, s’il vous plait ! C’est aujourd’hui le deuxième jour du procès concernant la tentative d’évasion de trois détenus de la maison d’arrêt de Saintes. Approchez-vous Monsieur Donald Rapetou, déclinez vos noms, prénoms, vos date et lieu de naissance.
Je reprends mon interrogatoire.
—Monsieur Rapetou, dites-nous tout sur cette journée.
Il me regarde droit dans les yeux et me raconte tout à une telle vitesse que ma greffière a dû mal à suivre.
—C’est Marcel Martin l’instigateur de cette affaire, c’est lui le cerveau.
L’avocat me passe le rapport du psychiatre qui a examiné mon client.
—J’ordonne 15 minutes de pause pour prendre connaissance de ce rapport.
Au retour dans la salle d’audience, les trois détenus s’engueulent, ils se seraient bien battus si les gardes n’avaient pas été présents. La scène est comique, je ne dois pas rire ni sourire. —Reprenez.
Je déclare, haut et fort.
—Monsieur Rapetou, vous devez aller aux oranges, c’est une expression de mon pays, le Sénégal, qui signifie : aller s’abreuver à la mi-temps surtout d’un match de foot. Monsieur Rapetou, vous êtes à la mi-temps de votre peine. Vous avez été d’une collaboration précieuse pour de procès. J’ordonne une pause déjeuner pour une durée d’une heure. A la reprise, j’ordonne à Mickey Rapetou.
—Avancez-vous à la barre Maître Torgo, à vous.
Et tout recommence comme le matin, encore plus vite. Les frères Rapetou sont bien de la même famille…C’est la fin de la journée.
—Messieurs, il faudra deux semaines avant que les sentences ne soient prononcées. Messieurs les gendarmes, accompagnez les prévenus à la maison d’arrêt, prenez bien soin d’eux, il se pourrait qu’ils tentent à nouveau de s’évader…
La salle sourit, Marcel Martin me dit.
—Tu te crois drôle avec la robe noire entourée de moumoute, t’es hors-jeu, mon vieux ! Puis, il sort, entouré des gendarmes.
De Lisa
Inspiré de la chanson « Les lacs du Connemara » de Michel Sardou
Terre inconnue pour elle, depuis qu’elle est là, sur le terrain de son papa, au Lac paradisiaque.
Elle n’est jamais allée avant son décès, par peur de son ombre, qui la faisait pleurer.
Au printemps suivant, à la date de l’enterrement, le lac lui fait la cour d’un rayon de soleil,
Elle se fait la promesse d’y retourner à chaque saison, lui donnant des frissons
Là-bas au lac du paternel
On sait que la guerre est en enfer
Là-bas au lac du paternel
On laisse la place du cœur de pierre
A son vrai père qui est fier d’elle
Terre inconnue pour elle, depuis qu’elle est là, sur le terrain de son papa, au Lac paradisiaque.
Elle y retournera car l’ombre de ses copains n’est plus présent, il était temps.
Là-bas au lac du paternel
On sait que l’amour n’a pas de prix
Là-bas au lac du paternel
On n’accepte plus cet inconnu
Mais un père souriant à côté de son frère
De Lisa (proposition d’écriture N° 82 -si j’étais président de la République)
Il était une fois des héros de la Fontaine
Où certains auront un poste de ministre
Alors on démarre notre chère liste
Je lui dis simplement, si j’étais Présidente
Si j’étais Présidente de la République
Un conte de fée doit rester un moment magique
Je nommerais le Lion, le roi, premier ministre
De mon gouvernement, si j’étais présidente
Le Tigre comme ministre de la défense
Le corbeau à la justice et Le lièvre à la danse
Est c’que tu serais content, si j’étais présidente?
La grenouille serait ministre de l’écologie
Le rat au commerce et les lapins à la douane
Le coq au ministre de la musique
Le chat à la santé. Rien à dire !
Si j’étais Présidente de la République
J’écrirais mes discours en vers et en musique
Et les jours de conseil, on irait écrire d’autres fables
Si j’étais la première présidente de la République
De Louisiane
Mon amie Gloria
Mon fils et sa fille s’étaient connus en classe de CP. Ils étaient très amis. C’est ainsi que Gloria et moi sommes devenue proches. Victor et Valentine ont cultivé cette belle amitié en entrant au collège. Etonnées, nous nous en félicitions.
Gloria et moi avons continué de nous voir régulièrement. J’ai eu trois autres enfants, tandis que Valentine est restée fille unique. A partir du lycée, ils ont continué de se voir, ils ont passé leur BAC chacun de leur côté, mais ont fêté ensemble ce Graal dont nous leur rabâchions les oreilles, avec tout un groupe aussi heureux qu’eux. Valentine souhaitait devenir reporter, Victor réalisateur. Nous, les mères, étions devenues des amies de cinéma de plus en plus proches tandis que nos enfants vivaient chacun leur vie, en se voyant de loin en loin.
Gloria aimait voyager et en avait les moyens. Un jour, elle m’a annoncé qu’elle partait en Thaïlande avec Valentine pour quinze jours et qu’elle laisserait sa fille continuer sa route plus longtemps. J’étais heureuse pour elles deux. A son retour nous avons passé plusieurs soirées à partager ses photos, la cuisine thaïe, la courtoisie de sa population, ses moines et leurs temples, les paysages et la symbolique des couleurs à porter suivant les jours de la semaine. Gloria vivait sur un petit nuage et gardait contact avec Valentine deux ou trois fois par semaine.
Valentine était grisée par tout ce qu’elle voyait et s’était mise sérieusement à apprendre le Thaï. Elle pensait s’installer depuis qu’elle avait rencontré un étudiant, Somchaï, à l’université de Bangkok. Pour vivre, elle donnait des cours de Français à de jeunes enfants, ce qui suffisait à son ordinaire. C’était la deuxième fois qu’elle renouvelait son visa, en faisant un aller-retour au Viêt-Nam avec Somchaï, mais son passeport allait expirer dans quelques mois. Il ne s’agissait pas de trainer.
Comment le vent a-t-il mal tourné, Valentine ne le sait toujours pas. La police la fouilla à la frontière. Elle était soupçonnée de transporter du chanvre. Ce qui est formellement interdit en Thaïlande et passible de prison et d’amende. Mais la police ne trouva rien. Elle put rejoindre son domicile 24 heures plus tard.
Elle reprit ses cours, ayant un besoin urgent d’argent. Gloria voulait qu’elle rentre. Mais telle n’était pas la volonté de Somchaï, ni celle de Valentine. Ils pensaient se marier, mais trop tôt pour Valentine, ce qui rassurait Gloria. J’essayais de réconforter mon amie comme je pouvais, Valentine n’était ni une tête brûlée ni inconsciente, de plus elle ne fumait pas. Gloria avait peur des autres, non de sa fille.
Elle avait ralenti le rythme de ses voyages, avec un œil toujours braqué sur Bangkok.
Il y eut une descente de police dans leur quartier et plus précisément dans leur immeuble. Chez elle, les policiers avaient trouvé sept sacs de chanvre et quatre paquets de cannabis scotchés sous son évier. Dans un appartement voisin, environ la même quantité. On les accusa d’en faire commerce. Elle allait passer en jugement. Valentine ne se laissait pas faire, disait que c’était un coup monté, remuait ciel et terre depuis sa prison pour que le Consulat de France se démène. Sa condamnation fut lourde 250.000 bats (plus de 6000€) et deux ans de prison. Valentine reçut le soutien de Victor, de sa mère, de moi-même, d’autres amis français, mollement de Somchaï, qui ne voulait pas trop se mouiller de peur de perdre sa bourse d’étudiant.
Gloria vida ses poches pour régler l’amende et s’installa à Bangkok pour deux ans. Elle ne pouvait apercevoir sa fille qu’une seule fois par semaine. Tout ce qui pouvait améliorer l’ordinaire de Valentine lui était remis abîmé, dépiauté. Valentine suppliait sa mère de rentrer en France. Deux années n’étaient pas si longues. Je correspondais avec Gloria presque tous les jours. Elle déprimait gravement sans vouloir rentrer. Elle se mit à détester tous ces Thaïlandais, le Consulat inexistant et Somchaî. Enfin, Valentine sortie et conduite à l’aéroport directement pour la France, on ne sait pour quelle raison. Gloria l’apprit le lendemain.
Je lui envoyais la somme qu’elle me demandait pour rentrer. Toutes deux étaient d’une maigreur effrayante et d’un mental très atteint. Je les installais chez moi pour qu’elles se remettent. Gloria avait vendu son appartement pour résister là-bas et payer l’avocat.
Elles ne surent jamais le pourquoi du comment de ce qui s’était passé.
Valentine écrivit un livre sur son aventure thaïlandaise. Elle put ainsi devenir reporter pour un journal féminin puis une chaîne de télé.
Gloria ne se remit jamais vraiment de la sienne et cessa ses voyages.
De Luc
Lucio n’était pas un grand voyageur dans l’âme. Il était plutôt tourné vers l’effort physique et les sports dangereux comme l’alpinisme, le kayak sur rivière rapide ou la moto. Le destin plaça sur sa route cette expérience très médiatisée, voyage en terre inconnue. Il fut embarqué dans une surprenante équipée en un pays qui fait rêver, l’Ouzbékistan. En plus de remarquables villes, chargées d’histoire, dont nous rêvons tous, comme Samarcande ou Boukhara, il fut emmené au milieu de grandes zones désertiques, car hormis quelques havres de verdure, ces pays de l’ex-URSS sont de gigantesques zones arides.
Ce fut une révélation, outre les contacts humains captivants, cette nature âpre et hostile le subjugua. Dans ces immensités, il découvrit l’empire du vent et des variations thermiques entre jour et nuit.
Mais en lui une petite voix lui chuchota « oui c’est très bien, mais quel effort as-tu fait pour venir ici ? Dans ton gros 4X4 avec tes anges gardiens, que risques-tu ? La faim, la soif, te perdre, le froid, la chaleur, tous ces éléments qui devraient être le cœur de l’engagement du voyage, tu n’y as pas pensé. Tu n’as pas eu peur d’être soumis à un quelconque manque. Tu n’en as même pas pris conscience ? N’as-tu pas le sentiment d’être entré par effraction ?
Lucio rentra ravi de cette nouvelle expérience, mais la petite voix qui lui avait murmuré à l’oreille l’avait profondément interpellé. Inévitablement, il fut amené à se poser la question : c’est quoi le voyage ?
Quelques temps plus tard, il alla voir la conférence d’une jeune femme qui venait de gravir le Kilimandjaro, de manière tout à fait classique avec son équipe de porteurs et guides kényans. Elle délivra un compte-rendu intéressant, bien qu’elle eût été fortement encadrée. Mais, elle en revenait rayonnante. De toute évidence, ces moments vécus concordaient avec son caractère et elle avait réalisé son défi. Dans sa narration, elle insista sur la formule inscrite sur le T-shirt de l’un de ses accompagnateurs : le bonheur n’est pas d’atteindre le sommet mais dans la manière dont on y parvient. Cette phrase résumait bien ce qu’elle était venue chercher de manière inconsciente, une vraie harmonie de groupe, que son équipe africaine avait su lui transmettre ainsi qu’aux onze autres participantes de l’ascension de ce volcan le plus connu d’Afrique.
Lucio prit conscience alors que pour lui l’harmonie résiderait dans l’engagement seul face aux éléments, démarche pas forcément très altruiste. Instinctivement, il sentait que le risque et l’incertitude constituaient les ingrédients indispensables au voyage. Lui revinrent en mémoire les immenses espaces d’Asie centrale désolés battus par les vents. Il s’y imaginait isolé, y étant parvenu à la force de ses muscles. Alors il comprit, et il sentit qu’il partirait arpenter les grands déserts de la planète, seul sans assistance, unique maître de ses décisions. Mais comment faire ?
Alors, une fois de plus, le hasard lui envoya quelques petits cailloux pour lui montrer le chemin. Passionné de tous les sports dangereux, le Dakar le fascinait, surtout depuis qu’il se déroulait dans les grands déserts d’Amérique du Sud pour des raisons de sécurité à cause des risques d’attentat islamique au cœur du Sahara. A l’occasion de ce reportage, il découvrit le désert de l’Atacama.
Le journaliste, chargé de faire un petit documentaire journalier sur l’endroit, ce jour était tombé sur un voyageur à vélo espagnol en solitaire au milieu de nulle part, perdu à plus de 4000 mètres d’altitude. Son commentaire fut « alors que je monte cette piste jusqu’au col à plus de 5000 mètres d’altitude en trois heures, ce cycliste va mettre trois jours ». Pour donner de la force à son propos, il fit prendre de l’altitude à son drone, et le vélo et son propriétaire devinrent de plus en plus petits et disparurent dans cet océan de sable et de scories volcaniques. L’Atacama s’étend sur quatre pays, Pérou, Bolivie, Chili et Argentine, sur 4000 kilomètres. Cette émission déclencha un flash. Il savait maintenant quoi faire, acheter un vélo et l’équipement adéquat et partir à son tour.
Il repense à ces moments de découverte et sourit, maintenant qu’il a arpenté à la force des mollets et de son moral les grands déserts de la planète, outre l’Atacama, le Sahara ou le Gobi. Il sait que pour être parcelle de cette Terre, il est indispensable de s’y livrer corps et âme, de se soumettre à ses colères et l’affronter à armes inégales, nous, fourmis face à cette nature sauvage. Regarder un espace incommensurable, sachant que l’on va le traverser dans la lenteur sans savoir si l’on va y trouver à boire n’a rien à voir avec ce que l’on ressent en l’abordant en 4X4. Dans ce dernier cas, quelques instants de temps en temps, on descend de voiture et on y retourne rapidement pour échapper au vent, à la poussière, au froid ou à la chaleur. De plus, on a la certitude que le soir un logis confortable nous attend.
Par contre, le cycliste sera confronté à d’autres exigences, chercher une aspérité du terrain pour mettre son réchaud à l’abri ou dénicher un gros rocher pour abriter sa tente, alors que le froid de la nuit s’annonce rapidement. Cette réalité donne une vraie dimension à l’aventure. Savoir que le prochain village est à 200 kilomètres par des pistes infernales, on ne le vit pas de la même façon en véhicule tout-terrain surpuissant ou à vélo. Le cycliste sait que la nature, dans un accès de colère, peut le garder prisonnier. Il a le sentiment d’être un détenu volontaire en sursis, jetant par moments des regards inquiets vers un ciel annonciateur de menaces. Là seulement on se sent vivre.
Lucio ressent cette émotion, teintée d’adrénaline, au fond de ses tripes, l’appel de la route et du voyage à la confrontation de soi-même. Le vrai voyage ne se décline qu’au rythme de l’aventure et de ses incertitudes.
Oui, Lucio a compris ce qu’est le voyage. Il a expérimenté et vécu dans sa chair cette communion permanente, cet enlacement avec la Planète, il en a éprouvé les humeurs et cette symbiose en tant que parcelle d’un tout.
De Francis
Charme mystérieux de l’inconnu
Rendez-vous en terre inconnue, un vaste sujet. Tout de suite viennent à l’esprit les pays du bout du monde, des personnages hors du commun, des conditions de vie sortant de l’ordinaire. Cette émission me plaît énormément et parfois m’émeut. J’ai eu mon propre rendez-vous en terre inconnue, une expérience à laquelle je repense très souvent.
À la suite d’un événement douloureux, j’ai décidé de faire une coupure avec le quotidien. Pas de voyage au bout du monde, mais un départ pour un lieu proche et pourtant si éloigné ; un monastère en France. Ces gens, comme moi, ont choisi, pour des raisons personnelles, de vivre très simplement dans le monde monastique. Un univers que nous ignorons est souvent inconnu.
Convaincu qu’il fallait donner un nouvel élan à ma vie, j’ai décidé de découvrir ce monde, de dépasser mes croyances, de chasser mes a priori, et de me couper quelques temps de mon quotidien bien établi.
Le jour du départ, les appréhensions montent. L’inconnu me fait peur. Dans quelle situation embarrassante je me suis encore mis !
À mon arrivée, au milieu de la campagne, un ensemble imposant de bâtiments se dresse devant moi. Une hésitation me saisit. J’ai un petit pincement au cœur. J’allais découvrir un monde inconnu, avec ses règles et ses habitudes. Je sonne. Le frère Portier m’ouvre et prévient le frère Hôtelier. Un mélange d’inquiétude et paradoxalement de confort mental m’envahit. Découverte de ma chambre, petit débriefing, interrogations rapides sur mes motivations et mes attentes. Je commence à décompresser.
J’arrive juste à temps pour l’office du matin, immersion immédiate. Les chants grégoriens résonnent et je respire un air différent. Les hauts murs qui entourent le domaine me coupent du monde extérieur. Moment de flottement, où suis-je ? Je ne sais plus. En attendant le repas de midi, je fais un petit tour du propriétaire.
À l’entrée du réfectoire, je me plie au cérémonial d’accueil, un rituel unique au jour d’arrivée. Le lendemain, en silence, on me fait comprendre que je fais maintenant partie de la communauté. Une petite fierté naît en moi, je prends confiance. J’existe dans ce nouveau monde.
La salle à manger est pleine. D’un côté, les moines ; de l’autre, les retraitants et en face la table des Supérieurs de la communauté. Silence total, comment cela va-t-il se passer ? Le repas est simple, copieux, délicieux. Tout se déroule selon une règle établie à l’avance et que chacun semble connaître et appliquer. Seule la voix du lecteur rompt le silence. À la fin du repas, nous débarrassons les tables en silence et dans un ordre parfait, les anciens guidant les nouveaux. Tout se déroule sans échanger un mot. Pourtant, j’ai l’impression de mieux connaître ceux qui m’entourent. Ils viennent de tous horizons. Sont-ils athées, croyants ? Peu importe. Je suis dans un autre monde, un monde inconnu que l’on imagine avec des clichés et parfois même des fantasmes et qui aujourd’hui m’inspire confiance et sérénité.
Petit à petit, ce monde inconnu me devient familier. Il me fait penser à mon séjour au Sahara, où au début, j’avais l’impression d’être dans un camp de prisonniers malgré ma liberté de mouvements et l’immensité du désert et que j’avais progressivement apprivoisé.
Durant mon séjour, j’entre en contact avec deux habitués des lieux qui me délivrent une foule d’informations. Ils connaissent bien les us et coutumes monastiques. A ma grande surprise, car ma naïveté chronique me joue souvent des tours, J’apprends sans surprise que sous ce calme apparent, il y a une vie communautaire avec ses règles d’obéissance et d’humilité, mais il y a des conflits personnels, des joies, des peines, des heurts que je n’aurais pas soupçonnés.
Ce séjour en milieu, en terrain inconnu m’aura réservé quelques surprises.
Je suis apaisé et heureux. Ce moment loin de la société n’aurait pas pu se prolonger plus longtemps, car le charme du mystère et de la découverte s’est estompé.
J’ai retrouvé mon calme intérieur, je rentre chez moi.
De Catherine M
EN TERRE INCONNUE
Les enterrements de vie de jeune fille, vous connaissez ? C’est une tradition apparue en 1970 mais qui a pris de l’ampleur ces dernières années. Ils consistent à faire profiter la célibataire de plaisirs que sa future vie de couple rendra difficiles. Enfin, c’est la théorie car finalement, c’est surtout une bonne occasion de se réunir entre filles, de participer à des activités originales, et de s’éclater.
Notre union sera célébrée en août et c’est en mai que mes proches amies et cousines, ont organisé les festivités. Nous serons douze. Top secret pour moi, sauf la destination : le Portugal ! C’est plus facile de savoir pour remplir sa valise correctement ….
Le seul problème, c’est que je venais de commencer un nouveau travail et qu’il m’était impossible de poser plusieurs jours de congés. Mes amies partiront donc le jeudi et je les rejoindrai le vendredi soir. Ainsi, elles auront le temps de peaufiner le programme du week-end qui s’annonçait bien chargé.
C’est donc seule et un peu stressée que j’arrive à Beauvais, petit aéroport de dimension humaine. Un coup d’œil sur le tableau d’affichage, enregistrement de mon bagage, vérification des papiers d’embarquement et me voici installée dans l’avion, côté hublot pour ne rien rater du décollage. J’ai déjà pris l’avion mais jamais seule, c’est une sensation nouvelle pour moi. Mais j’aurai un comité d’accueil à l’arrivée qui me ferai oublier toute cette angoisse.
Le vol est prévu durer plus de deux heures, j’ai donc le temps de m’assoupir un peu. Les hauts parleurs qui se mettent à crépiter me sortent de ma torpeur et j’entends la voix grave du pilote qui s’apprête à faire une annonce. Sans doute allait-il nous indiquer la température prévue à l’atterrissage. J’en rêvais déjà après ce printemps maussade en Normandie.
Le message fut tout autre. On nous annonça que l’avion ne pourrait pas se rendre à destination. Dans ces explications confuses, je crus comprendre qu’il s’agissait d’une erreur dans la programmation. La seule chose qui retint mon attention fut le mot « Islande » certes prononcé faiblement, mais tout à fait audible malgré tout. Reykjavik ! Aéroport de Reykjavik ! Ce fut la panique parmi les voyageurs. Je crois que mon cœur s’est arrêté. Juste une pensée pour mes amies au Portugal et un arrêt cardiaque !
Nous avons été pris en charge directement à l’aéroport pour nous emmener à l’hôtel Hilton en centre-ville, à leurs frais bien sûr. La galère partagée créa des liens entre les passagers et une sorte d’entr’aide s’installa. Mais le fait était que ce n’était pas du tout la destination prévue et que, dans ma valise, les shorts se mélangeaient aux maillots de bain.
Bien sûr, c’était un hôtel luxueux, peut-être même le plus luxueux de Reykjavik. Une chambre individuelle, un lit king size, une baignoire à remous, et à l’étage inférieur, un spa, sauna, centre sportif …. Le wifi fonctionnait à merveille et j’ai pu joindre le Portugal sans aucun problème. Incompréhension, colère … mais que faire ? Le week-end ne durait que deux jours, comme toujours, et il était bien trop tard pour reprendre un vol pour Lisbonne.
On a donc fini par en rire. C’était une aventure qui n’arrivait pas à tout le monde. J’étais seule au bout du monde pour mon enterrement de vie de jeune fille, avec des vêtements qui ne convenaient pas du tout au climat de l’Islande.
J’ai été choyée, dorlotée, bien nourrie. J’ai fait du sport, des balades, des découvertes.
Il nous a été remis des bons d’achat pour se vêtir correctement et j’ai pu traîner dans les allées du jardin botanique en prenant des dizaines de photos que je transmettais immédiatement à mes amies.
En fait, nous avons géré l’enterrement de vie de jeune fille en parfaite connexion et c’est un souvenir inoubliable. A bien y réfléchir, je pense que je suis la seule femme au monde à avoir vécu cet événement en visio !
De Manuela
—Zaz, réveille-toi, nous sommes arrivés à destination.
Raphaël est assis sur le bord de ma bannette, je réponds.
—Je voudrais tant prendre une douche, je sens le fioul et le poisson pas frais.
—Dépêche-toi s’il te plaît, car le bateau doit faire d’autres livraison sur les îles avoisinantes.
—OK, je m’habille, une toilette de chat et je serais prête.
Je sors enfin, j’aperçois une plage de sable fin, noir comme l’ébène. Quel spectacle ! Il a fallu un jour d’avion, puis une traversée de quatre jours d’une partie de l’Atlantique pour voir ce spectacle magique. Les pêcheurs sont en train de descendre toutes les caisses (en plastique, comme on en rencontre dans une criée).
—Reste bien à côté de nos affaires, et compte bien nos sacs. Ce serait dommage qu’on en oublie sur le bateau.
Les autochtones vivant sur l’île Tristan Da Cunha au milieu de l’Atlantique, passent deux gros rondins à travers les lourdes caisses de ravitaillement. Ils se mettent à quatre adultes pour la soulever et partent lentement vers la forêt. Maintenant, tout le ravitaillement est en route, sauf nos bagages et encore une caisse avec le matériel de vidéo, de prise de son ainsi que le matériel médical.
Marcel, le traducteur, revient vers nous : nous devons attendre ici, des ados viendront nous chercher et prendre nos affaires. Tout le monde s’allonge pour une petite sieste bien méritée sur ce doux sable chaud. Voilà les ados qui arrivent, ils nous saluent avec leurs deux mains jointes puis ils se penchent. Le départ est imminant. Nous rentrons dans la forêt très dense puis apparait un volcan (un ancien volcan éteint depuis de nombreuses années). Il nous faut gravir ce dôme pour arriver au village.
Sous l’impressionnante voilure de l’arbre central sont assis tous les 350 membres du village. Nous nous approchons, les saluons comme les ados nous l’ont appris. Le chef nous indique six sièges laissés libres pour nous. On s’exécute. Visiblement, ils sont heureux de nous avoir parmi eux, de pouvoir nous parler de leurs habitudes, de leurs coutumes. Les enfants vont nous faire visiter le village, nous indiquer nos deux cases et nous laisseront nous reposer jusqu’au repas.
Les journées passent, l’humeur est joyeuse. Je passe beaucoup de temps avec les enfants de l’école, je leur chante mes chansons, leur parle du solfège, en français, en anglais et un en espagnol, mais pas avec leur dialecte. Presque tous les matins, nous partons vers le port. Quelques barques sont amarrées. Leur principale pêche est la langouste mais aussi le homard, et bien peu de poissons. Tous les jours, il y en a au menu : froid, chaud ou cuisiné. C’est délicieux, je commence un peu à m’en lasser, mais il faut bien s’en contenter car ils n’ont pas de viande et très peu de poissons.
Les quinze premiers jours sont passés, des jours heureux, des jours à découvrir l’île, à découvrir la forêt avec les nombreux arbres qui la composent, les plantes que le médecin (enfin le sorcier) va chercher en cas de besoin, et surtout les fleurs de toutes les couleurs, de toutes les formes.
Le soir de ce quinzième jour, un bruit assourdissant se fait entendre. Tout le monde se lève et court vers la plage. Un hélicoptère de l’armée est en stationnaire. Les militaires en tenue blanche complète de la tête au pied (comme dans les films catastrophes) hurlent dans notre direction. Je ne comprends pas le moindre mot. Heureusement que notre traducteur Marcel parle aussi la langue des signes. Son visage s’assombrit au fur et à mesure de la conversation. Nous n’osons pas l’interrompre. Les militaires descendent trois caisses sur le sable et repartent, on ne peut pas dire en silence.
—Que se passe t ‘il ?
Je vois à ton visage que les nouvelles ne sont pas bonnes !
—Asseyez-vous, s’il vous plait ! l’heure est grave, voire très grave.
Je prends la main de Raphaël, j’ai peur.
—Il y a en Europe, mais aussi dans le monde, une nouvelle infection nommée COVID-19 très contagieuse. Les hôpitaux sont complets, les morts sont nombreux. Le confinement a été déclaré : plus le droit de sortir de chez soi à quelques exceptions près, plus le droit de se rendre à son travail. Toutes les frontières sont fermées, les aéroports, les ports aussi. Nous ne pouvons donc pas rentrer chez nous pour le moment.
—Qu’allons-nous devenir ? Ça va durer combien de temps ?
—Combien de temps, je ne suis pas devin. J’espère le moins longtemps possible.
Nous n’avons ici aucun moyen de communication : téléphone, internet, pas de télévision non plus pour se tenir au courant.
—Raphaël, c’est une galère, galère non prévisible, je m’en doute. Nous étions partis pour vingt jours, j’ai tout organisé dans ma vie personnelle pour cette durée.
—Zaz, ne t’inquiète pas. Je suis sûr que les autorités vont prévenir ta famille, reporter tes concerts. Il faut que tu ailles à l’école et que tu continues tes activités auprès des élèves.
Le lendemain matin, je fais confectionner sur un petit papier épais qui se trouvait dans mes affaires, une « tiquette » avec le prénom ce chacun. Je fais la même chose pour moi et pour la maîtresse. En quelques jours, on s’appelle déjà par nos prénoms. Cette convivialité me plaît beaucoup et aux enfants aussi. Ils progressent assez vite, ils chantent bien les chansons locales ainsi que mes textes.
Un mois s’écoule… l’hélico revient… toujours leurs combinaisons blanches… comme on dit chez moi, rien de neuf sous le soleil. Des denrées pour un mois supplémentaire sont arrivées sur notre île, ou plutôt leur île. La vie continue, les enfants chantent, les parents vont à la pêche aux langoustes, on se régale avec ces plats locaux, personne n’est malade. C’est parfait.
Des liens se créent entre nous, des liens forts que je ne pourrais jamais oublier. Un nouveau bateau de pêche vient nous chercher avec tout notre matériel au bout de trois mois. La tristesse se lie sur nos visages, des larmes coulent, les enfants m’enserrent, ils me demandent s’ils peuvent garder leurs étiquettes : bien sûr.
De retour en France, il fait froid, il pleut, de nombreux amis à moi sont décédés ou encore hospitalisés. Aucun cas n’a été détecté sur l’île, c’est heureux. J’envoie dès que je peux des lettres aux élèves, des textes de mes nouvelles chansons et des livres de poésie. Je ne sais pas s’ils les reçoivent! Qu’importe…
D’Elie
Je guettais depuis quelques années des opportunités sur la possibilité de me former dans une école de l’Education Chrétienne. Je le désirais fort, car la vision à ce sujet me passionne. J’en ai discuté avec mon ami, Emile, qui se préparait à se rendre en République Démocratique du Congo pour la formation en missiologie. Émile est un parmi mes amis avec qui j’ai partagé des moments de combats, de douleurs mais aussi des moments de gloire au service de Dieu. Il avait parfois les cheveux teints au noir et coiffés avec le meilleur soin. Je ne passerai pas sous silence son goût pour la propreté et son habillement toujours élégant, bien qu’il soit d’une famille pauvre.
C’est bien par Emile que le docteur Steiner m’a attribué une bourse d’étude pour l’Ecole de l’Education Chrétienne. Mon cœur était comblé de joie et de reconnaissance. Après avoir rempli les formalités liées au visa et au billet d’avion, mon voyage vers Kinshasa est arrêté pour le vendredi 09 septembre 1995 à 19 h 00. Je m’étais embarqué dans l’avion pour atterrir à Douala, au Cameroun dans les environs de vingt-deux heures, puis à Kinshasa le lendemain dans la matinée. Il était inimaginable de savoir que ce voyage cachait des difficultés dont seule la providence divine m’apporterait la sécurité et les moyens financiers. À l’atterrissage à Douala, au Cameroun, il ne me restait en poche que la somme de sept mille cinq cents francs CFA. Que faire devant cette situation ? Je me rendis au poste de garde de la police cette nuit-là et leur parlait de mon état financier qui ne permettait pas de passer la nuit dans un hôtel. L’un des policiers me parlait dans les termes courtois et bienveillants disant :
—Monsieur vous êtes ‘‘un homme.’’ Vous pourriez déposer vos bagages auprès de nous pour la sécurité. Et vous-même reposez-vous quelque part dans la salle d’attente jusqu’au petit matin.
J’obéis à leur volonté et me dirigeai vers la salle d’attente où plusieurs dames et messieurs, assis sur les bancs à dossier, discutaient sur des sujets de tous ordres qui leur venaient à l’esprit. Sous le poids de la fatigue, j’étais plongé dans le sommeil, sur un banc, étant inconscient de tout ce qui se mouvait autour de moi cette nuit-là. J’ai reçu une vision nocturne, un homme vêtu en tenue d’été bleu qui m’appela d’une voix très forte par mon nom : Elie, Elie, Elie. Je m’éveillai et ouvris les yeux avec un calme et confiant.
À mon réveil, je constatais que la salle d’attente était vidée de ses voyageurs. Où étaient-ils ? Je ne le savais pas. Certainement, ils n’étaient pas dans les mêmes conditions que moi.
À quelques mètres de moi, quatre hommes malintentionnés s’amenaient vers moi tout comme des chasseurs espiègles qui visaient à abattre leurs proies.
Tout d’un coup, il m’a semblé voir dans l’espace une grande nuée qui séparait mes antagonistes et moi. Le combat physique et spirituel était rude. Je ne saurais décrire toutes les circonstances favorables qui me délivrèrent du plan de ces bandits. Pendant que j’y étais, les trois derniers malintentionnés rebroussèrent le chemin en furie. Le premier s’affaissa devant moi et implora la miséricorde en disant :
—Vous avez dit une vérité : « Nous avons effectivement tué un homme que nous avons jeté dans un pont.’ »
J’ai échappé au plan des brigands par miracle, mais le souvenir de la nuit percutait encore dans mon esprit. Le lendemain matin, j’atterris à Kinshasa au centre International d’évangélisation où m’attendait un accueil chaleureux. J’ai eu le privilège de rencontrer le Président, le docteur Steiner et d’autres enseignants.
Le docteur. Steiner me rassurait et dit :
—Mon brave Élie, sois sans crainte. Nous sommes très heureux de t’avoir dans notre École. Nous serons attentifs à tes besoins jusqu’à la fin de ta formation dans cette École.
—Je vous remercie, docteur Steiner. C’est ici le lieu pour vous témoigner ma reconnaissance car j’ai bénéficié de la bourse, grâce à vous, qui me donne le privilège d’être dans cette École.
J’ai été installé dans mon École. Dans ce pays où je ne connaissais personne : tous les visages, le style de parler, le régime alimentaire, voire le climat étaient nouveaux pour moi. Il y avait donc lieu de s’adapter à la nouvelle condition de vie. Aussi, les structures de maisons, les personnes que je rencontrais et les paysages étaient à mes yeux une nouveauté. Tout sentait nouveau à mon odorat, même la senteur de l’air que nous inspirons dans les narines. Je n’ai pas encore passé deux mois quand la nostalgie me saisit. En ce moment, mes talents, et toutes mes capacités intellectuelles étaient anéantis. Mes notes de classe variaient entre 60 et 65 sur 100, tandis que mes collègues avaient entre 90 à 98 sur 100. Pire, je vivais constamment sous la hantise des forces du mal au point de perdre parfois la raison.
Le professeur Inaobiota fut intrigué par mon état psychologique critique. Il m’invita à son bureau pour un entretien. Il me parlait dans ces termes :
—Comment portez-vous ? Avez-vous eu les nouvelles de madame et des enfants ? Nous constatons que vos rendements actuels dans les examens ne reflètent pas ce que vous valez. Certainement, vous pensez à la famille que vous avez laissée.
—C’est très exact. J’ai laissé ma famille dans les conditions financières difficiles. Et je suis demeuré sans nouvelles jusqu’à ce jour. Cet état de chose me donne tant de stress.
Par cette rencontre, j’ai été guéri de mon état psychologique critique. Il pria pour moi. Après ces moments, une pluie de grâces divines coula sur ma vie. Dès lors, mes efforts sont allés en crescendo au point de m’élever au rang de distinction.
Les épreuves peuvent conduire dans les profondeurs des abîmes mais les grâces apportent leurs lumières et leurs forces pour réussir. Placez-vous aux portes de la grâce quand le chemin devient ténébreux et lugubre.
Poème de Louisa Pène-Siefert, « Pantoum », proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)
Au clair soleil de la jeunesse,
Pauvre enfant d’été, moi, j’ai cru.
– Est-il sûr qu’un jour tout renaisse,
Après que tout a disparu ?
Pauvre enfant d’été, moi, j’ai cru !
Et tout manque où ma main s’appuie.
– Après que tout a disparu
Je regarde tomber la pluie.
Et tout manque où ma main s’appuie.
Hélas ! les beaux jours ne sont plus.
– Je regarde tomber la pluie…
Vraiment, j’ai vingt ans révolus.
De Roselyne
Norvège
Moi, Roselyne, j’avais un voyage qui me tenait à cœur depuis très longtemps. Il n’était pas au bout du monde à proprement parlé, mais je devais y poser les pieds, même si je suis partie par la mer. Je suis un peu rêveuse et ce circuit dans les mers arctiques m’a hanté pendant des années. Puis, un jour …
Je me suis envolée avec mon époux, de Paris vers Bergen en Norvège. C’est au mois de juillet, la température est clémente. Le bateau dénommé le Danaë nous attend dans le port. Le Danaë est un bateau accueillant 600 personnes équipage compris. Je ne voulais en aucun cas, un de ces géants qui ressemblent à des immeubles. De plus, à bord des conférenciers qui vont nous faire découvrir certains aspects de ce pays.
Sur le pont, les passagers regardent le bateau se détacher lentement du quai, le départ vers de nouveaux horizons est amorcé. Doucement, le Danaë effleure les flots, les moteurs montent en régime et déjà la magie opère, nous quittons la ville pour nous enfoncer dans le silence de l’océan.
Je suis, comme une enfant, je regarde autour de moi. Les émotions commencent à m’envahir, me parcourent le corps. La beauté des paysages s’engouffrent comme le vent par la porte restée grande ouverte. Mes yeux s’imprègnent de la lumière parvenue de l’éclat scintillant des flots et du soleil. Je ne suis qu’au début de cette croisière. Au fur et à mesure de l’avancée du bateau, les paysages changent. Nous entrons aussi dans la période où il ne fait jamais nuit. C’est gigantesque, c’est fantastique, c’est un émerveillement continu. Les repas sur le bateau sont un enchantement. De nouvelles rencontres avec des personnes venant de tous horizons. Le personnel absolument charmant, attentionné. Notre petit serveur, que nous avions surnommé «Tour de Poivre » se présentait tous les soirs avec sa poivrière pour donner un tour de poivre sur nos plats. C’était trop mignon.
Après le dîner, j’arpente les ponts du bateau. Souvent, je suis seule tard dans la nuit, le sommeil s’est échappé. Je dors très peu. Je ne cesse de contempler cet environnement majestueux. L’eau translucide, la glace, les couleurs, les tons du ciel. Je suis sereine, apaisée, rien ne peut venir troubler le silence ne serait-ce que le ronronnement des moteurs du bateau, qui glisse sur les eaux calmes. La nuit-jour est un pur bonheur, un sortilège. Seule, je parcours le bateau de long en large avec ivresse. La splendeur est à moi, les paysages sont sublimes grâce à la lumière qui règne, c’est entre chien et loup. C’est un mystère, même s’il y a une explication, je souhaite que cela reste dans le domaine du surnaturel. Le soleil semble toujours décliner, va-t-il disparaître derrière la montagne ! Non, il est toujours présent, il forme un arc de cercle. Il donne au ciel des tons et des couleurs étonnants. C’est à se mettre à genoux devant une telle démonstration de beauté. Le soleil de minuit me rend comme ensorcelée. Cet astre trône comme une majesté. C’est fascinant, quelle émotion de le voir dans ce lieu enchanteur.
Il y a eu également le passage du Cap Nord. La balise à cinq heures est annoncée par le commandant. J’y suis, j’en rêvais… Fantastique ! Mes pieds se sont posés sur ce Cap, un temps éblouissant. Une vue à 360 °, époustouflant. Puis, d’un seul coup la brume est montée, à longer la falaise envahissant en quelques minutes d’un manteau blanchâtre le Cap. Impressionnant !
Nous entrons dans l’archipel du Svalbard, l’île du Spitzberg et Longyearbyen ancienne cité minière, mes pas ont arpenté le sol où sont conservées certaines installations de travail. C’est toujours majestueux, les mots vont finir par me manquer.
La baie de La Madeleine, son approche se fait en canot. Je foule le sol des baleiniers. Des vestiges de leur passage sont protégés. Une croix signale les sépultures des hommes qui sont restés pour l’éternité dans ce lieu inhospitalier. Je suis aussi sur le territoire des ours blancs, le danger est permanent. Des hommes sont présents sur l’île pour repousser une attaque éventuelle.
La croisière approche de la fin. Que d’émotions dans ces contrées quasiment désertes, succession d’émerveillements pour les couleurs qui sont plutôt scintillantes. Le soleil qui pendant ce voyage a toujours accompagné mes journées. Cette mer claire avec des bleus différents, les icebergs même s’ils ne sont pas énormes sont d’une magnificence indescriptible. Ils sont l’âme de cet environnement. Ne pas oublier les baleines qui ont dansé comme des ballerines.
Je suis époustouflée par cette luminosité. Ce voyage a été pour moi un lieu de méditation sans pareil. Je suis revenue avec la certitude qu’il faut savoir rester humble devant cette nature exceptionnelle.
Ce voyage est resté gravé dans ma mémoire, j’en ai fait d’autres, mais celui-ci reste le plus merveilleux.
J’en ai fini des cours et des conseils de classe…OUF! du moins, pour cette année scolaire. Il me reste les examens…les surveillances, les corrections, le Grand Oral, pour lequel je suis convoquée. Il y aura bien une fin, sans doute début juillet. J’ai quand même commencé mi-mai!
Dans un an, tout ce cela ne sera presque plus qu’un souvenir…je pourrai utiliser la formule ” ce sera le dernier cours, la dernière fois que…”. Je ne sais pas encore comment je vais réagir, j’aurai certainement de l’émotion à me dire que tout est fini.
J’aurai certainement plaisir à disposer de mon temps comme bon me semble, moi qui ai toujours vécu avec des emplois du temps bien cadrés. Je suis sûre que ce doit être agréable de se plonger dans une certaine oisiveté…
En attendant, le blog continue. Je publierai mes articles comme d’habitude le mardi pendant tout l’été. Seul l’atelier d’écriture fermera ses portes.
Je vous donne donc rendez-vous samedi prochain pour de nouveaux textes et belles histoires à lire.
Portez-vous bien, prenez soin de vous.
Créativement vôtre,
Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE