Pour cette proposition d’écriture N° 53, on va aller observer de qu’il se passe du coté de chez vous.
Entre jardins agréables et espaces de ville plus confinés, tout est possible et cette semaine vous offre une gamme assez ouverte. Vous avez le choix.
J’ai agrémenté le tout de deux textes supplémentaires, deux chansons: l’une de Grands Corps Malade et l’autre de Rose, en rapport avec la proposition d’écriture de cette semaine.  
En complément gratuit, je vous insère les textes écrits pendant cette semaine de confinement par des autrices inspirées. 
Cette semaine, c’est diversifié, attirant. Voici de la lecture pour vous occuper l’esprit en ces temps confinés.
Quel bonheur de pouvoir lire tout notre soûl! 

Je vous souhaite une belle lecture.

De Françoise T de France

De ma fenêtre je vois…



Par la baie vitrée qui ouvre à l’arrière de la maison de location, dans ce petit hameau situé entre Beauce et Perche, au bord de la plaine, je vois…
… Je vois l’horizon du nord-est, qui s’échappe vers la haute vallée de l’Eure, toute jeune encore.
Notre amie Renée aime à évoquer la position « au bord du ciel ».
Les champs d’orge, après les pluies incessantes de début d’année, ont maintenant atteint une taille suffisante pour onduler sous la bise froide du matin, comme une mer verte et mouvante.
Au ras de la grande route là-bas, où ne circulent plus que quelques rares camions d’approvisionnement ou camionnettes, le château d’eau en forme de bouchon de champagne sur son haut fût domine les horizontales de son port figé, semblable à une tour sur échiquier. Il toise celui, en forme de sablier, de Courville-sur-Eure… un peu en contre-bas dans la vallée.
Les champs de colza, près de la ferme de La Pointe d’Ecuray, commencent de passer au jaune franc, transformant peu à peu la plaine en un immense drapeau brésilien. L’îlot que forment la ferme et ses dépendances est ceinturé d’arbres et arbustes divers tout habillés d’une neige de petites fleurs blanches qui brillent au loin.
Cela doit se situer à environ deux kilomètres, mais selon les heures du jour, le vent et la densité de l’air, les distances nous paraissent différentes.
C’est ainsi que la série d’éoliennes qui viennent d’être implantées sur le territoire de Fontaine-la-Guyon, au-delà de l’Eure et de Courville-sur-Eure, nous semblent parfois se situer en avant des immenses silos à grains qui barrent la limite nord de Courville. Les pales mouvantes gagnent alors sur l’imposant mur de tubes de béton. Même les murs peuvent être vaincus si notre regard intérieur le décide !
En Beauce nous n’avons pas à proprement parler de mirages comme dans un désert de sable, et pourtant.
Pourtant si on regarde depuis le dedans de soi, si on laisse porter les mots, l’imagination, autant que le regard vers l’horizon… on pourrait, par temps de brume qui se lève quand le soleil a commencé de boire les perles du givre matinal… on pourrait sentir venir vers nous cette odeur à nulle autre pareille de l’océan tout proche !
L’Eure s’en va, couler ses aventures de rivière traversant le Thymerais, la Beauce de l’ouest, caresser en longs méandres les abords de Chartres, visiter mille et un lavoirs, rejoindre sa vallée royale qui lui fait embrasser avec émotion les abords du château d’Anet encore habité de la Présence de Diane… puis plus loin retrouver l’Iton et les jardins d’Acquigny, leur potager sur une île et l’arboretum superbe… rejoindre la Seine à Louviers, puis filer vers la mer, l’Océan grand ouvert sur le large. Sentez-vous la force de l’eau salée qui fait un peu barrage avec la marée montante ? Les épousailles des eaux sont troublées, opaques, mais l’horizon si large sous le ciel tourmenté !
Les éoliennes clignotent au soir leur signal de présence rassurante. Elles sont les phares balises de la plaine, veillant silencieusement sur l’obscurité des espaces quasi vides au ras de cette terre qui a été dépouillée en grande partie de ses arbres.
Les oiseaux la traversent sans sembler vouloir s’y poser plus longtemps qu’une escale furtive. Une escale qui peut durer tout l’hiver, comme les vanneaux huppés, mais qui n’est plus guère un havre de vie permanente.
Les rapaces, faucons et buses peinent à trouver où se poser : même les poteaux et fils électriques, pauvres succédanés d’arbres, ont disparu de leur paysage.
Bientôt peut-être d’autres oiseaux viendront nous visiter. Quelques hirondelles survivantes, revenues de continent lointain ?
Ou bien des mouettes, des albatros aux ailes immenses, venus pour nous dire l’infini du monde, là-bas au-delà de l’horizon de nos regards ?

De Nicole de Belgique


Dans cet appartement haut perché, une seule fenêtre donne sur la rue, trois à l’arrière sur les jardins, la cour de l’école, dans ma chambre quatre velux ouvrent sur le bleu, les nuages, la lune.
Avant dès 7H30, la rue s’anime: des voitures cherchent un parking, les trottoirs s’envahissent de garçons et de filles avec des oreilles en forme de smartphones, de doigts avançant à une vitesse de virtuoses sur de minuscules claviers, des interpellations imagées, des rires aussi.
A l’arrière dans la cour, les élèves forment un “troupeau” de parkas, polaires, bonnets, sacs à dos jetés au sol sans délicatesse aucune, des cris.
Au fil des sonneries, des jeux de ballons: foot, basket, des courses de chaussures sportives martèlent le parcours sifflés par le prof. de gym.
16H10 tout s’arrête.
Maintenant dans la rue, les voitures bougent peu, quelques grises, une rouge pétant en face fait mal aux yeux.
Depuis la fenêtre arrière, la cour est vide et ce silence. Une grue dans le sens du vent oscille doucement, surplombe un chantier à l’arrêt.
Dans les jardins clos de murs blanchis à la chaux, le printemps est bien présent, Eole souffle sur le ciel bleu moutonné de nuages blancs comme des montgolfières.
Dans ces mouvantes architectures, le temps se dilate, je deviens déesse, je chevauche les cumulus, je vole au-dessus de la canopée bourgeonnante, spectatrice d’un Avril qui se découvre au fil d’élans de vie, de chants d’oiseaux, une poule faisane venue flâner dans l’herbe tendre, sur un toit de zinc deux pigeons en amour.
Tout me dit que la “Vita e bella” et pourtant…
La nature que nous abîmons tant, indifférente, vit en mouvement perpétuel.



De Lucette de France


De ma fenêtre je vois…

J’ouvre mes volets, dès 7 heures le matin, la rue s’anime. Je tourne la tête à droite, je vois une place, à gauche un cabaret, en face une épicerie. Où suis-je ?
Tout simplement à Montmartre. Merveilleux endroit qui me prend toujours aux tripes. A chaque saison le paysage change, et pourtant c’est toujours aussi poétique…
Ne suis-je pas privilégié, moi Victor, d’habiter ici. Du haut de mon 3ème étage, je vois les dômes du Sacré-Cœur de Montmartre. Ses lourdes cloches qui me ravissent à chaque fois pour annoncer la messe aux pèlerins. En face, Ali, mon épicier favori, qui ne ménage pas sa peine. Dès potron-minet, il est assidu, toujours le sourire quand il tend ses oranges, un cadeau en toc, ou des produits d’entretien. Son magasin est la cour des miracles, on demande et on est servi. On trouve de tout chez Ali, c’est comme à la Samaritaine…Son sourire est là aussi pour remercier ceux qui le saluent ou qui lui demandent un renseignement. Merci Ali, ne change rien.
Le va et vient incessant de ma rue, change en cours de journée. Juste à côté de chez moi, il y a le funiculaire. Je m’amuse toujours quand les vacanciers en sortent. Tous ont le sourire, mettent quelques petites minutes pour s’éviter cette montagne d’escaliers, qui d’ailleurs plaisent beaucoup à la jeunesse. Les habitués les montent 2 par 2. Ils font mon admiration. Où est le temps où je pouvais encore les monter un à un ?…A midi, plus une seule place de libre aux terrasses des restaurants. La Place du Tertre est une merveille, elle grouille de badauds qui regardent, lorgnent, marchandent, beaucoup se font faire le portrait. Ils sont très forts les caricaturistes. Mais déjeuner sous un arbre avec le soleil qui perce entre les branches, il faut le voir. Les serveurs traversent la rue, en jonglant avec leurs plats à bouts de bras pendant tout le service. Rien ne tombe, le client est ravi. C’est ça Paris !!!
A gauche, j’aperçois le cabaret du regretté Michou. Endroit illustre, connu et reconnu par les plus grands de ce monde. Dès 19 heures, la foule commence à s’entasser devant l’entrée discrète de la rue des Martyrs. J’y suis allé plusieurs fois avec ma femme. Michou est un grand personnage. D’une gentillesse, d’une politesse, d’une grâce, qui n’existent quasi plus aujourd’hui. Chez lui, il y a une ambiance comme nulle part ailleurs. On y dîne bien, mais surtout on rit à en avoir mal aux zygomatiques. Tous ces chanteurs et chanteuses maquillés outrageusement, mais en même temps tellement vrais. A chaque fois, c’est une féérie, des gags à profusion, de la légèreté sans jamais tomber dans la vulgarité, c’est tout simplement « OUAH » !!! Merci Monsieur Michou, vos lunettes bleues, je ne les oublierai jamais. Vous étiez d’un autre monde…
La journée se passe, les rayons du soleil basculent de l’autre côté de la vigne. Mais oui, il y a une vigne à Montmartre et le soir y tombe doucement. La nuit avance, mais rien ne s’arrête. Ce sont les noctambules qui prennent la relève. Eux sont dans l’exagération sur tous les plans. Eux ne savent pas parler, ils hurlent. Eux ne sont pas discrets, avec leurs habits et leurs coiffures hauts en couleurs. Eux ne sont jamais sobres, toujours excités avec les trafics en tous genres. Ils vont encore en rajouter pour finir complètement noirs, en buvant toujours plus d’alcool. Noirs dans la nuit noire, on le les voit pas, mais on les entend de loin. Heureusement, ma chambre donne sur une cour où le bruit est assourdi. C’est la campagne au milieu du tohu-bohu général qui règne du matin au soir…
Le 13 Juillet grand feu d’artifice. Spectacle très attendu. Bien situé, j’en prends chaque année plein les yeux. De ma fenêtre, je domine tout Paris, la Tour Eiffel en temps clair me salue. Quelle sveltesse, quel enchantement tous les soirs, toutes ses lumières scintillantes à la nuit tombée.
Montmartre est le repaire depuis toujours de tous les artistes du Grand Paris. Bien sûr les peintres, les acteurs, les chanteurs. On les voit déambuler dans ma rue, voulant passer incognito. Certes, incognito pour les flâneurs, mais pas pour moi. Je suis un ancien, je connais tout le monde, et sait reconnaître une nouvelle tête, même cachée derrière ses lunettes noires et coiffée d’un chapeau.
Voilà ma vie rue des Martyrs. Oui, il y eut beaucoup de martyrs sous la commune en 1871. Une semaine de Mai 1871 a été meurtrière contre les insurgés. Que de drames, d’atrocités. Au Moulin de la Galette, des hommes ont été pendus à ses ailes. La famine et les maladies se sont répandues. Tous ces anonymes ont payé de leurs vies, pour qu’aujourd’hui, moi Victor, je me prélasse dans mon salon en épiant ce qui se passe dans ma rue du matin au soir…


De Catherine de France

Le tour du propriétaire


Allez ! Je vous emmène faire un tour dans le jardin !… Ah ! C’est vrai, vous n’êtes pas là ! Bon, et bien, je vous emmène quand même ! En route pour une visite virtuelle ! Si je fais ça bien, normalement, à la fin, vous devriez vous faire une représentation mentale exceptionnelle de mon jardin ! C’est parti !
D’abord, on sort sur une grande terrasse ensoleillée, plein Sud, qui devient fournaise en été, puisqu’on n’a pas de store pour protéger. De toutes façons, on ne souhaite pas en mettre, car nous préférons de beaucoup l’ombre du jardin. Mais il est agréable d’y prendre les petits déjeuners et le repas du soir. Continuons … Face à nous , le jardin : deux tiers pelouse à droite d’une allée gravillonnée, et un tiers jardin d’agrément, puis potager.
Sur la partie pelouse, des arbres, nos fournisseurs naturels d’heures ombragées. Mon préféré, c’est le prunus, qui ne se présente pas comme un arbre tel qu’on le dessine d’habitude : un tronc, des branches, et du feuillage. Lui, semble avoir quatre troncs qui sortent de terre, ce qui fait que les branches partent du bas. A ses pieds, une table et des chaises nomades, qui suivent la course du soleil selon les besoins : repas estivaux, peinture sur chevalet, lecture plaisir… Il y a aussi un énorme tamaris : il n’est pas joli, sauf en pleine floraison, hélas très éphémère. J’y ai accroché un carillon en bambou, qui rythme le temps au gré du vent. Tout au fond, un marronnier, un noisetier pourpre et un petit pommier.
Revenons sur la terrasse, car j’ai oublié de vous parler des gros pots en terre cuite, le long du mur qui nous sépare du voisin de gauche. Ils sont au nombre de cinq, mais sont la honte de la maison : seul l’olivier a résisté, le reste ayant grillé sous le soleil de l’été.
En angle droit avec cette alignée mortifère, se trouve mon petit espace jardin d’agrément. Ceint à l’avant et à droite de deux rangées de briques réfractaires, c’est un espace qui pourrait être qualifié de « spontané », et quelque peu insolite. J’aime bien qu’un jardin soit un peu sauvage. De manière générale, je ne suis pas à l’aise avec les choses trop ordonnées ou trop nickelles, alors ce jardin me convient parfaitement. Je l’ai doté en fond d’une vieille porte en bois en arc de cercle, portant le numéro 4, sauvée de la déchèterie lors de travaux chez mon fils aîné. Cette porte soutient, à sa base, un petit hôtel à insectes que j’adore. Elle est encadrée d’un arbre à papillons et d’un lilas dont je guette la floraison pour m’enivrer de son parfum. Dans le lilas, un petit nichoir en paille, telle une hutte africaine pour stocker le mil, attend patiemment un hôte hypothétique. J’aime le toit de chaume qui lui sert de chapeau et dont le graphisme contraste avec le tressage de sa base. La porte est prolongée d’une grande barrière en bois que le temps grisaille à souhait. Une petite pancarte annonçant la plage à cinq cents mètres ajoute une touche d’humour incongrue. L’espace au sol est meublé d’une chaise en fer forgé accueillant deux canards en fils d’acier, remplis de succulentes. A ses pieds un arrosoir en zinc surnage dans une petite mer de muscaris très prolifiques, et mis en valeur par les fleurs jaunes du forsythia, de l’autre côté de l’allée. Se côtoient aussi lavande, chèvrefeuille, spirées, euphorbes, les futures marguerites et un rosier.
Une vieille lampe tempête, accrochée à la barrière, marque le passage vers ma zone plus sauvage. Un défilé d’arbustes longe le grillage du voisin, faisant un trait d’union entre deux barrières distantes de six mètres environ. Je guette avec impatience l’heure de la symphonie colorée, quand le jaune du genêt et le bleu du céanothe illumineront ce coin. L’an passé, j’avais semé là une prairie fleurie qui était restée minable, tant la chaleur avait été mordante. Cette année, bien arrosée jusque-là, promet un beau tapis de fleurs, avec des surprises en perspective, puisque je ne me souviens plus de la nature des semis. Je vois poindre la bourrache sur la droite, ainsi qu’une plante envahissante dont j’admire la floraison d’un bleu incroyable : la consoude qui développe inlassablement ses hampes spiralaires colorées. Le long de la deuxième barrière, j’ai installé une jardinière en osier garnie d’une structure en fer, vestige d’une lampe marocaine chinée, domaine de prédilection de la passiflore qui tricote autour de cette tour galbée et de la barrière.
Avançons un peu : le jardin potager, enfin…l’espace consacré aux cultures vivrières. Nous avons tenté, avec un bonheur de pionniers, l’aventure de la permaculture. La première année, après grelinage et paillage, les tomates avaient décidé de nous faire plaisir, et nous eûmes aussi quelques pottimarons, butternuts ainsi que quatre ou cinq petites pommes de terre par pied : le luxe, quoi ! Nous rivalisions avec le jardin impeccable du voisin, mais dans la catégorie « jardiniers en herbe, avec incompétences notoires ». Nous étions fiers de notre récolte, assurés qu’avec la permaculture et le temps qui passerait, le terrain allait se bonifier et le rendement doubler, voire tripler… C’était sans compter avec la canicule sur une terre ingrate ! Les cucurbitacées ont risqué des feuilles, mais ce n’était pas ce qu’on attendait d’elles. Quant aux tomates, mon compagnon s’est retrouvé en lice avec un oiseau qui tenta des semis par fiente interposée et finit par remporter le combat du concours de la plus belle tomate. Quelle humiliation ! Il va falloir que j’use de beaucoup de persuasion pour que mon jardinier accepte de replanter à nouveau. Mais moi, j’aime bien cueillir les légumes … quand il y en a !
On est presque arrivé au fond du jardin, siège de l’énorme saule pleureur, dont j’adore caresser et câliner le tronc strié et teinté de lichens.. Adossée à lui, je ne me lasse pas de lever les yeux vers le ciel pour voir sa ramure zébrer l’azur. Ses longs cheveux ondulants caressent le toit de ma cabane, mon havre de création. C’est un ancien abri de jardin en tôle ondulée, avec une verrière côté jardin qui amène une belle lumière à l’intérieur. Mes voisines de cabanes sont les trois poules d’à côté, qui jouent les commères et les curieuses quand je travaille. Dans ma cabane, un capharnaüm bien orchestré, avec des petits meubles à tiroirs, des étagères, une table et une chaise, tout ça dans quatre mètres carrés. C’est là que, la belle saison venue, je fabrique mes sculptures en papier mâché, personnages créés de toutes pièces avec des objets de récupération. Quelle meilleure place que ma cabane pour créer ? Depuis ma chaise, j’assiste à des scènes incroyables, comme cet écureuil, accroché au tronc du saule, narguant la chatte, elle aussi agrippée au tronc, mais sur la face opposée. C’est l’écureuil qui a gagné, la minette, toutes griffes plantées dans l’écorce, n’ayant pas pu tenir aussi longtemps que lui.
Voilà, mon petit tour est terminé. J’espère que la promenade vous a plu. En tous cas, j’apprécie vraiment de pouvoir jouir d’un espace de liberté à l’extérieur de la maison, en ces temps de confinement.


De Françoise V de France


Paupière relevée, la fenêtre encadrée de bois teint contemple l’axe du couchant.
Il est quatorze heures en ce samedi pas comme les autres. Brille une lumière que peu d’ombres n’arrêtent.
― Eh bien ! que vois-tu ?
― Oh, je vois, je vois… routes formant croix – un carrefour si sonore en temps normal ; avec quatre feux tricolores clignotant tour à tour – pour rien, en ce jour ; feu grillé vite fait par les rares conducteurs aussi décontractés que traversant un désert.
L’horizon ? Écrêté de toits plats, d’immeubles-cages avec balcons de ciment, grands ensembles troués de vitres au regard vide, surmontés çà et là d’antennes relais – que de cimes laides partout érigées !
Plus proches, des maisons avec ou sans étage, agrémentées d’un jardinet invisible. Bien rangées, elles suivent le tracé des trottoirs.
Entre elles, émergent des cèdres, de faux épicéas, parfois des pins. Certaines bordures de toit, prenant le soleil de face, me renvoient des reflets aveuglants.
En avant-plan, il y a le square, d’ordinaire bercé sauvagement par les rugissements du trafic – sur trois côtés. Le quatrième correspond au mur d’enceinte de l’ancienne ferme réaménagée en antre pour personnes dépendantes. En 1970, vivaient là poules, oies et moutons bêlant.
Dans cet espace, des érables disséminés, plantés après la mémorable tempête de 1999. Le vert tendre de leurs ramures réveillées par le calendrier se répand sous le soleil généreux de ces derniers jours, méchamment contré par le vent desséchant du Nord, sorte de rite initiatique qui annonce Avril.
Dans le vert intense des pelouses étriquées, de minuscules taches blanches. Ce sont les pâquerettes libres d’éclore sans redouter la coupe abusive des tondeuses de la Ville. Oh ! ce besoin de tout araser promptement alors que nombre d’hommes portent fièrement barbe au menton. Toutes aux abris, tondeuses et élagueuses. Et restez-y !
L’ancien bassin clapotant a été remplacé par un massif de terre. Il est rond, planté d’arbustes à fleurs. Son entour est fait de pierres scellées. Du cercle qu’il forme, partent en virgule quatre allées passantes, boueuses par temps de pluie.
Une pie muette traverse mon champ de vision. Mes yeux se lèvent. Merveilleux, ce ciel pur que ne cisaillent plus les trajectoires incessantes des avions.
Une camionnette « Premiers Secours » carillonne et s’infiltre dans le passage qui rejoint l’espace accueillant des personnes âgées et dépendantes. Ce mouroir…
Oh, n’y pense pas trop, me dis-je. Souffrance trop grande ne mérite-t-elle pas repos…
Un bus apparaît, vide, qui joue à faire « comme si »…
Je déplace mon regard. Aussitôt, les bouquets de forsythia me vantent leur jaune soutenu. Ils ne sont pas sans m’évoquer les genêts de mon enfance dont j’aimais tant l’odeur. J’avise aussi les six bancs de bois repeints en vert, de ce vert-printemps que tout promeneur chargé d’années recherche : s’ouvrir au soleil, au plaisir de la rencontre et du bavardage. Ils sont libres – épidémie oblige.
À proximité, s’empourprent quelques prunus alignés. Le rose pâle leur viendra aux joues quand s’ouvriront d’un coup les milliers de fleurs frémissant d’apparaître.
Demain, après-demain ?
En ce samedi de printemps à l’arrêt, je me fige, l’œil aux aguets.
Hé quoi ! Rien d’autre ?
Ah mais si, à mes pieds. Mon propre balcon est semé de pots. Plantes ou arbustes qui s’y adaptent viennent de boutures ou graines ramassées : savonniers, févier, cognassier, laurier, romarin ; agapanthe, cyclamen…
Les graines, même endormies, parlent de continuité. Par elles, l’espérance demeure. Un noyau d’abricotier, cette année, prend le pari de croître. Une pousse de dix centimètres dépasse du pot. Ça alors…
Le temps s’écoule, le ciel pâlit, l’air blanchit.
La chaleur me gagne à travers la vitre.
Ce calme étrange… C’est comme si j’avais sous les yeux un paysage de carton-pâte joliment exécuté, représentant un circuit où faire rouler des petites voitures de plastique ou de métal. Le circuit que surplombe ma fenêtre s’apparente à un x cursif, dont les terminaisons en boucle se perdent là dans une courbe, là entre une rangée de petites maisons serrées. Les à-plats blancs des passages piétonniers patientent en vain. Vert, Piétons – Rouge, piétons. Pas même un chat ne s’y risque.
Tous, familles grandes ou petites, personnes isolées privées de société, nous restons tant bien que mal dans les clous d’une réglementation confirmée : un confinement de souris en laboratoire. De gré ou de force, nous voici les cobayes d’un virus au langage inconnu. Une énigme à déchiffrer ? Par où passe le bien de l’Humanité ?
Il est quinze heures.
À cet instant, une camionnette du Samu s’alarme, fonçant à toute berzingue. Même trajet que tout à l’heure, c’est sans surprise.
Quand je regarde le plus à droite depuis mon balcon, s’affiche sur la partie haute d’un immeuble blanc, en rouge pétant, le 18 de la caserne des Pompiers.
L’activité, là-bas, est un feu permanent : sirènes, ronflement d’hélicoptère…
À quand la prochaine alerte ?
À quand le prochain sauvetage in extrémis ?


De Laurence de France


Ma maison possède une façade donnant sur l’est et sur l’ouest. Ces deux façades offrent des paysages bien différents, à l’opposé, comme leurs points cardinaux. D’un côté, un paysage ouvert, de l’autre un paysage plus fermé. Comme le yin et le yang. Comme le noir et le blanc qui s’opposent sur une palette.
Ce coin de campagne dans lequel je réside est typique de ma région, le sud Charente-Maritime, à une encablure de la ville de Cognac, élément très important dans la distribution des décors et de l’océan Atlantique. Ma région –la Haute-Saintonge- est à la fois agricole, viticole, arboricole et maraîchère. Une région riche en couleurs, pas en hauteurs, mais une région attirante, qui se laisse découvrir pas à pas, où les habitants vivent quelque peu cachés dans leur habitat dispersé. Des hameaux par ci, des villages par là, pas de grande ville à l’horizon et c’est tant mieux.
Nous subissons les influences atlantiques, mais nous repoussons les nuages et les dépressions vers l’est, jusqu’aux confins du Limousin.
De chez moi, vers l’est, s’étend le champ du voisin, pas très grand, suivi d’un autre champ donnant sur un pâté de maisons. Le champ qui longe ma clôture se vêt, d’année en année, de maïs, invariablement, sauf une année –il y a deux ans je crois- où mon voisin s’est trompé dans son choix : il a planté du blé ! Quelle incongruité ! Changer ainsi sans me prévenir ! Quelle audace !
Ce maïs qui pousse face à moi est une providence en été, car il protège des vents, nous amène une musique bruissante en cas de légère brise et offre un refuge salutaire à de nombreux animaux. C’est le terrain de chasse de mes chats, tapis et protégés par les tiges fièrement droites de maïs, arpentant de long en large les sillons laissés par le tracteur lors de ses précédents passages et se livrant à des jeux de course poursuite.
Si j’observe bien, un peu plus loin, se dresse fièrement un bosquet d’arbres, d’où s’échappent certains bruits incongrus. Régulièrement, j’entends le bruit d’un paon, que l’on aperçoit de temps à autre du côté des rangs de vigne. Au début, je fus prise pour une folle quand je racontais que j’avais vu un paon se balader librement ! Il est par chez moi, ne le cherchez pas, il se cache bien dans les sous-bois et vit sa vie tranquillement.
A la nuit tombée, mes oreilles se délectent d’un concert de croassements bien sonores parfois ponctués du cri d’une chouette au loin. C’est le début du printemps, car en été, les étourneaux se réfugient par centaines faire la fête dans une haie de lauriers derrière la maison. Le soir, on n’entend plus qu’eux. Mais, à cette période, ils ne sont pas encore de retour. Grâce pour mes oreilles printanières !
Derrière le bosquet d’arbres, s’étendent de longs rangs de vigne, taillés depuis peu, et on commence, si je me balade par là-bas, à apercevoir les futurs bourgeons. Plus loin, au-delà des quelques maisons qui osent me tourner le dos, j’aperçois d’autres vignes, celles qui donneront, avec les autres, le nectar de la région- le fameux Cognac- et notre apéritif local, le pineau des Charentes, si onctueux et addictif.
Un peu plus vers la droite, en direction du sud, j’aperçois l’immense jardin du voisin de derrière, planté de sapins dignes des montagnes, où se réfugie souvent un coucou, qui coucoule, annonçant en général une intempérie. Mais, c’est un oiseau invisible. Une seule fois, cet oiseau a volé au-dessus de moi, apercevant pour la première fois cet oiseau à la réputation sulfureuse. J’en fus toute retournée !
Au loin, l’horizon partant vers l’est, la Charente, le Limousin, l’Auvergne. Le bleu du ciel rejoint le vert des champs et ne forme plus qu’une ligne où l’imagination prend sa source.
Ce côté est de mon jardin est paré de mon hamac l’été, sous mon bouleau, arbre m’apportant une ombre bienfaisante pour ma sieste. Mon jardin est agrémenté de nombreux arbres fruitiers, de tous les côtés, joignant l’utile au plus agréable.
La façade ouest, comme je vous le disais au début, offre un tout autre paysage, plus secret, plus confiné, moins ouvert à la nature, mais tout aussi charmant et bucolique à sa façon. Sur ce côté ouest, ma terrasse offre un point de vue intéressant, à proximité du noyer imposant, nous offrant une ombre rassurante en cas de chaleur excessive pour nos repas estivaux. La vue, sur la gauche, est fermée par une haie imposante de lauriers, disais-je, refuge de nuit pour les étourneaux du coin. J’aime imaginer mes chats, sous leurs pieds, quand ils ne font pas une de leurs siestes à rallonge, fouiner et tenter d’attraper un de ces passereaux.
Sur la droite, un bâti servant de hangar à mon voisin agriculteur me coupe la vue sur la route. Peu d’engins agricoles sont entreposés là, ce n’est donc pas un lieu de passage fréquent. Fort heureusement !
Entre les deux, des toits de maison en ruines m’offrent leur squelette dégarni, des charpentes anciennes, datant d’un autre siècle, ouvertes aux quatre vents. C’est un des terrains de jeux favoris de mes chats. Ils aiment grimper sur ces toits, mettant à leur disposition une hauteur de vue que nous n’avons pas. Une perspective qui ne leur donne pas le vertige à eux !
J’aime à imaginer, parfois, quelle fut la vie des gens qui ont demeuré dans ces ruines, que personne ne prend la peine de reconstruire ou de déconstruire. J’aime à imaginer la vie des animaux qui doivent y régner en maîtres, les araignées tissant de magnifiques toiles où se laissent prendre les insectes insouciants, les chauve-souris, les hirondelles se cachant pour élever leurs petits, tout un monde invisible, mais bien vivant, grouillant de jour comme de nuit.
De ma terrasse, j’admire également mon pied de romarin, aux milliers de fleurs, que les abeilles viennent butiner avec délice en ce moment. C’est un bruit bourdonnant ou vrombissant suivant l’heure de la journée ou la couleur du ciel. C’est un monde foisonnant, complètement indifférent à ma présence. Je laisse ces centaines d’abeilles faire leur travail, les encourageant à produire le meilleur miel possible pour l’hiver suivant.
De chez moi, je peux aspirer au calme, car la rue desservant notre hameau n’est pas passagère. Je peux aspirer à la tranquillité, n’ayant aucun voisin en vis-à-vis direct. Je peux aspirer à la douceur de vivre, quel que soit la saison. Je peux aspirer à un bonheur tranquille et serein, car c’est mon chez moi, celui que je me suis choisi. Pas grandiose, mais agréable, pas immense, mais à mon image, simple et ouvert mais protégé de la vue des passants, clôturé mais pas emmuré, la nature y ayant élu domicile.
Je ne suis qu’une hôte de passage dans cet univers et je fais mon possible pour en prendre soin. Je sais aussi que j’ai de la chance de vivre dans un tel endroit, car, je n’ai absolument pas l’impression de me sentir confinée. Il ne me manque plus qu’une cabane, dans les arbres, pourquoi pas ? Un projet à méditer…


Texte de Grand Corps Malade, « Vu de ma fenêtre »

Vu de ma fenêtre, y’a que des bâtiments
Si j’te disais que je vois de la verdure, tu saurais que je mens
Et puis pour voir un bout de ciel, faut se pencher franchement

Vu de ma fenêtre, y’a des petits qui font du skate, ça fait un bruit, t’as mal à la tête
Et puis y’a des gars en bas qui galèrent
Ils sont là , ils font rien, ils prennent l’air
Surtout le printemps, surtout l’été, surtout l’automne, surtout l’hiver
Vu de ma fenêtre, y’a vachement de passage,
De Carrefour à la mairie je vois des gens de tout âge
Du métro à la boulangerie, je vois toutes sortes de visages

Et puis en face bien sûr, y’a Vidéo-Futur, toute la nuit, les mecs s’arrêtent devant en voiture
Franchement le patron, il doit être blindé
Moi aussi quand je serai grand, je veux vendre et louer des DVD
Je suis aux premières loges pour les arrachages de portables, j’ai une vue très stratégique

Si j’étais une poucave, je louerais mon appart’ comme planque aux flics
Vu de ma fenêtre, y’a le café de France, juste en bas, à deux pas
Il est tenu par des Rebeus, j’te jure, ça s’invente pas
Y’a des meufs bien coiffées qui viennent prendre un café,
Y’a des petits couples sereins qui viennent boire un coup avant d’en tirer un

Et y’a des gentils poivrots qui viennent oublier leurs galères dans la bière
Surtout le printemps, surtout l’été, surtout l’automne, surtout l’hiver
Aux beaux jours, ils mettent même des tables en terrasse
Vu de ma fenêtre, y’a plein de monde au soleil c’est ma classe

Et comme je vois tout, de ma planque, comme un keuf
Mes potes m’appellent avant de venir pour savoir s’il y a de la meuf
Vu de ma fenêtre, celui que je vois le plus souvent c’est Ludo
Il est gentil mais quand tu le croises c’est pas forcément un cadeau
Si tu le supportes pendant une heure, j’te jure t’es costaud

C’est le mec qu’on appelle la cerise sur le ghetto
Vu de ma fenêtre, c’est pas de la télé-réalité, ni un sitcom d’AB Production
Et je vois pas mal de gens qui triment et voient la vie comme une sanction
Et même si face à la galère, ils préfèrent se taire, ils mettent pas de genoux à terre et le poing en l’air ils restent fiers

Surtout le printemps, surtout l’été, surtout l’automne, surtout l’hiver
Parce que oui, vu de ma fenêtre, je vois pas mal d’espoir
Quand je vois le petit blond jouer au foot avec le petit noir
Quand je vois des gens qui se bougent, quand je vois des gens qui se mettent des coups de pied au cul,

Pour sortir de la zone rouge, et pour que la vie vaille le coup d’être vécue
Quand je vois ces deux hommes qui boivent un coup en riant, alors qu’ils sont soi-disant différents,
Parce que l’un dit “Shalom” et l’autre dit “Salam”, mais putain ! ils se serrent la main, c’est ça l’âme de mon slam

Je prends ça comme un bon signe, c’est peut-être un espoir infime
Mais je te jure que je l’ai vu, c’est pas pour la rime
Bon c’est vrai que vu de ma fenêtre, je vois aussi la galère, la misère, les suicidaires, et les retours au pays en charter
Mais je suis un putain de rêveur, un grand optimiste, c’est une philosophie qui me suit,

Alors je me dis que ça peut s’arranger. J’espère donc je suis.
Vu de ma fenêtre, y’a que des bâtiments
Si j’te disais que je vois de la verdure, tu saurais que je mens
Et puis pour voir un bout de ciel, faut se pencher franchement
Mais vas-y viens chez moi, on regardera par la fenêtre.

Tu comprendras pourquoi je rigole, pourquoi je crains, pourquoi je rêve, pourquoi j’espère
Surtout le printemps, surtout l’été, surtout l’automne, surtout l’hiver.



Chanson de Rose, « De ma fenêtre »


De ma f’n’etre j’vois des gens qui courent
Et qui savent bien c’qu’ils ont à faire
Quand moi je me planque tout l’hiver
Pour écrire d’ soit disant discours

De ma f’netre je vois des tas de gosses
Qui ne savent pas encore c’ que c’est
Que de voir passer sous son nez
Le temps qui court et nous cabosse

De ma f’netre j’vois tes grands yeux
Qui m’répètent que j’suis ta femme
Qui m’disent de plus faire de drame
Plus m’faire de bile puisque qu’on est 2

De ma f’netre j’vois une petite fille

Qui crie qu’on ne l’écoute pas
Et qui du bout de sa p’tite voix
De mes souvenirs me rhabille

De ma f’netre j’vois des autres fenêtres
Des gens qui regardent des autres gens
Des chagrins qui croisent des tourments
Des tourments qui vont faire la fête

De ma f’netre j’vois tes grands yeux
Qui m’répètent que j’suis ta femme
Qui m’disent de plus faire de drame
Plus m’faire de bile puisque qu’on est 2

De ma f’netre j’vois des p’tits moineaux
Qui s font un régal de ces miettes
De ma vie que je leur jette
Et ils s’envolent aussitôt

De ma f’netre j’vois mon heure de gloire
S’ marrer avec mon jour de chance
Quand j’attends comme une évidence
Ma bonne étoile picole au bar

De ma f’netre j’vois tes grands yeux
Qui m’répètent que j’suis ta femme
Qui m’disent de plus faire de drame
Plus m’faire de bile puisque qu’on est 2

De ma f’netre j’vois mes idéaux
Trainer avec les idées d’en bas
De belles histoires qui n’avancent pas
Qui prendront le dernier métro

De ma f’netre j’vois mon prince charmant
Qui s’fait la malle avec mes rêves

Un beau conte de fée qui s’achève
Ils n’eurent pas beaucoup d’enfants

De ma f’netre j’vois tes grands yeux
Qui m’répètent que j’suis ta femme
Qui m’disent de plus faire de drame
Plus m’faire de bile puisque qu’on est 2

Textes confinement semaine 2

De Roxane de France

J’ai fait une pause dans mes activités quotidiennes de « recluse ». Même mes écrits sont en suspens ; parfois il ne sert à rien de forcer sa créativité.
Dehors les abeilles bourdonnent, les oiseaux piaillent, mes palmiers redressent fièrement leur tête ; la nature affirme sa présence avec une pointe d’insolence. Il semble bien que nous reprenions conscience de ce que nous pensions acquis et que nous découvrons si fragile.
Comme une légitime revanche sur notre indifférence ce que nous pensions voir sans le regarder s’impose à nos yeux, ce que nous entendions sans écouter tintamarre à nos oreilles.
La nuit venue, les grenouilles coassent au bord du canelot avec une ferveur quasi insupportable. Pourtant je m’endors sans souci malgré ce bruit de crécelle. Il me rappelle le chant insistant des grillons de Chang Mai. Là-bas je pestais intérieurement en me couchant, aujourd’hui ils me manquent terriblement ces cricris violoneux.
« Vivre l’instant présent sans chercher à percer le mystère du futur et apprécier ce que l’Univers offre aujourd’hui à nos sens. »
Voici ce que je me répète en boucle depuis « l’agression » et toutes ces victimes dont le nombre s’affiche chaque soir sur nos écrans à la vitesse des dons pour le Téléthon. Sauf qu’on se serait bien passé de la générosité de ce fichu Covid !
Sur ma terrasse, les yeux mi-clos j’inspire et j’expire le souffle vital. Plus une nuisance sonore ne vient troubler nos mondes réconciliés. Je n’écoute plus que les battements de mon cœur.

De Christelle de France

Journal d’une parisienne confinée dans son studio
J’ai souffert enfant de la solitude parce que mes parents avaient trop de problèmes pour s’occuper de moi. J’ai donc dû aller chercher de l’aide ailleurs, surtout dans les livres. Curieuse, j’ai été mue par un désir de connaître la vie et la sagesse. Je me suis intéressée à la psychologie, la philosophie, et les religions. J’ai appliqué le précepte « Aide-toi et le ciel t’aidera ». Des livres comme « Pensées pour moi-même » de Marc-Aurele et « Propos sur le bonheur » d’Alain ont été des guides et des compagnons.
J’ai découvert l’écriture vers l’âge de 20 ans. A l’époque je notais des idées dans un cahier. J’aime écrire, inventer des histoires. J’ai besoin m’évader, de créer. L’écriture représente la liberté extrême. Je suis toujours à la recherche d’idées pour écrire de simples textes, des contes, des nouvelles. Cela donne un but à ma vie. Lorsqu’une proposition d’écriture d’ateliers d’écriture m’interpelle, j’y travaille.
Si je n’ai pas d’idées, il m’arrive de peaufiner d’anciens textes.
Maintenant, venons-en au journal, et au rituel du matin. En prenant mon café, j’écoute un disque « danse des dauphins » (on a l’impression qu’ils rient) ou bien le chant des oiseaux. YouTube offre une multitude de vidéos qui donnent de l’énergie, permettent la relaxation …
J’apprécie le ciel bleu et le soleil qui brille. J’ai la chance d’avoir un jardin en bas de chez moi. J’observe les oiseaux, les arbres, et le ciel toujours changeant : une grande ouverture sur la nature et la vie.
Je fais de la gym, chaque matin avec YouTube.
Je tiens « un journal de rêves » que j’essaie d’interpréter.
Ensuite Internet (e-mails) et consultation de divers sites.
Je possède plusieurs tarots spirituels : des anges, des oiseaux, des arbres … que je consulte régulièrement Un de mes préférés est : « les Cartes de l’Enfant Intérieur » une odyssée au cœur des contes de fées, des mythes et de la nature : une mine d’or pour écrire.
Je téléphone à des amies. Je joue à des jeux de mots et culturels sur Internet.
J’essaie chaque jour de découvrir une activité nouvelle : hier j’ai écouté « France Culture », d’autres fois ce sont des podcasts …
Voilà c’est tout pour aujourd’hui, peut être à une autre fois..


De Catherine de France
La parenthèse désenchantée

( 1ère partie)

Le contexte :

Nous sommes le 30 mars 2020, et, depuis presque 2 semaines, nous sommes dans une situation inédite. On a senti le vent tourner depuis le début du mois. Le système de l’autruche, la tête dans le sable, a bien fonctionné au départ. Ce qui se tramait avait ses origines si loin, là-bas, en Chine. Mais un virus ne connait pas les frontières, et si, par-dessus le marché, il porte couronne, il a le pouvoir d’un monarque absolu, et entreprend inlassablement la conquête de nouveaux territoires. Tel Napoléon, son rêve de puissance n’a aucun frein… Et l’improbable arriva : Le Coronavirus a tissé sa toile d’araignée et a mis le monde à genoux. Le plus terrible, c’est que nous lui avons fourni tous les instruments de sa conquête. On accuse le pangolin, animal inoffensif sorti tout droit de la préhistoire, parce qu’il faut bien un coupable. Mais l’homme n’est pas indemne de culpabilité : la mondialisation a favorisé la circulation des biens, de l’argent et des hommes, et par conséquence, des virus qui peuvent voyager par avion, train, bateau … La sur-consommation et la recherche du profit à tout prix, dans la série « Encore et encore, toujours plus et toujours plus vite » a déplacé les productions dans des pays où la main-d’œuvre est exploitée… Effet boomerang assuré !
Résultat de toutes ces politiques : nous voici confinés ! Cela a paru tellement irréel au début, avec l’impression surnaturelle d’être pris dans un scénario catastrophe. Le but : freiner la contagion et la submersion des hôpitaux. Des informations contradictoires se sont succédées, mais il faut se rendre à la raison : plus de travail, plus de magasins, plus de déplacements qui ne rentrent dans un cadre très strict, par effet dérogatoire. Pour sortir, même 15 minutes sur un petit chemin près de chez soi, il faut remplir une attestation. Si la sortie ne rentre pas dans les critères, pas de sortie possible.
Combien de temps cela va-t-il durer ? Nul ne peut le dire. Le nombre de morts en Italie et Espagne est faramineux, alors que leur confinement est antérieur au nôtre, nous faisant craindre la même courbe ascendante pour la France. Alors, tout un chacun doit se montrer citoyen et respecter les règles. L’heure est à la distanciation sociale, mais c’est plutôt de distanciation physique qu’il s’agit. Plus possible de retrouver sa famille, plus possible de visiter ses parents confinés en EPAHD, plus de crèches, écoles, collèges, lycées et universités, plus de travail, sauf pour les professions autorisées ou réquisitionnées. On parle télétravail, mais il n’est pas accessible à tous les professionnels. Et allez travailler à la maison avec 3 enfants en bas âge dans les pattes !
La France, comme les ¾ de la planète, est à l’arrêt : nous nous devons d’être sages. Au début, certains ont pris ça pour des vacances, et se sont regroupés pour faire la fête ou du sport, contribuant à étendre le pouvoir du virus. Le mot d’ordre : rester chez soi, pour se protéger, protéger les autres, aider les soignants à rester hors submersion… Rester chez soi, se mettre entre parenthèses, pour pouvoir mieux les rouvrir après … et réinventer sa vie.
Ma vie depuis le confinement :
D’abord, j’ai eu la chance de pouvoir dire au revoir et à bientôt à mes enfants et petits-enfants. Pas d’embrassades, pas de contacts physiques, mais des mots doux, un dernier contact en chair et en os, en se promettant de se retrouver après.
Ce monde est compliqué, inhumain par certains côtés, mais il a inventé un bien précieux en ces temps spéciaux : la communication virtuelle. Merci le téléphone, merci What’sApp, Skype, e-mails… Ainsi, nous pouvons garder des liens qui font chaud au coeur : quel plaisir de voir et entendre ceux qui nous sont chers.
Au début, on se dit qu’on va en profiter pour faire le grand nettoyage de printemps, du ménage à fond, mais en réalité, je n’y vais pas du tout à fond. Je préfère faire autre chose de mon temps, cibler des choses importantes pour moi, faire ce qu’il me plait :

  1. Je fais l’école à distance pour mon petit-fils qui est en grande section de maternelle. J’ai pris conscience qu’il est difficile pour des parents de s’improviser enseignants et s’adapter au vocabulaire de l’école. Alors, je traduis les directives en  petits conseils, petits jeux, voire petits exercices. C’était mon métier d’avant, arrêté en 2014, alors, je me remets au travail avec grand plaisir. Le positif, c’est que ça va changer le regard des parents sur le métier d’enseignant. Fini le : « Toi, tu joues toute la journée, ce n’est pas bien fatiguant ! » Maintenant ils comprennent que ça demande beaucoup d’investissement et que ça ne s’improvise pas . Victoire de Mamie Catherine !
  2. Le yoga : je m’astreins à pratiquer tous les jours. Ça me fait beaucoup de bien et je sens que mon corps en a besoin.
  3. Atelier d’écriture : Grâce à Laurence et son blog « La Plume de Laurence »,  je continue à m’adonner à ce plaisir d’écrire en respectant les contraintes données. Merci à elle. J’attends le jeudi pour les consignes d’écriture, le samedi pour lire les productions des abonnées, et le mardi pour les articles passionnants rédigées par Laurence . Petit plaisir supplémentaire : je réécris mes textes à la main dans un carnet d’écriture.
  4. Atelier peinture : Il y avait longtemps que j’avais envie de me lancer dans la création d’un journal artistique, en investissant un vieux livre sans intérêt avec des techniques artistiques diverses. Ce confinement est l’occasion de s’y jeter. J’ai listé, comme pour l’atelier d’écriture, des défis possibles, et j’ai entraîné mon groupe de peinture dans l’aventure , avec les techniques et les supports au choix de chacun. A raison de 2 consignes par semaine, je collecte par mail les productions et renvoie un document les regroupant par défi. Plusieurs jouent le jeu, c’est très sympa.
  5. What’sApp et le groupe de marche nordique. A défaut de nous retrouver 2 fois par semaine, nous communiquons quotidiennement, histoire de rigoler un peu, avec des blagues et des délires. Ça fait aussi beaucoup de bien. On a réussi à faire un apéro en ligne, à 4 personnes : un super moment.
  6. J’ai décidé de téléphoner à une personne par jour, l’occasion de maintenir un lien auquel je tiens et de prendre des nouvelles de celles avec qui le lien s’est un peu distendu, à cause du tourbillon de la vie. Plus de tourbillon, donc plus d’excuses.
  7. La lecture, bien sûr. Je viens de terminer un livre passionnant : « La vérité sur l’affaire Harry Québert », avec une problématique dans un univers d’écrivains, traitée en thriller. Superbe ! Mais, pour dire comment la situation actuelle nous envahit, à deux ou trois reprises pendant ma lecture, en lisant qu’un tel allait sortir pour … je me suis surprise à me dire : « Mais non ! Il ne faut pas sortir ! » J’étais tellement prise dans l’histoire que je mélangeais réel et imaginaire ! A moins que je ne sois folle…, déjà !!!

Demain, c’est l’anniversaire de mon petit-fils. Les cadeaux sont confinés ici, loin de lui. Cette année, nous étions convenus de faire en gâteau un bateau de pirates. Tout est prêt dans ma tête et j’ai acheté tout ce qu’il faut. Mais ça attendra l’après. Je lui ai préparé 2 surprises à partager par Skype :

         – un coffre à trésor en papier mâché que j’ai fabriqué avec les moyens du bord et rempli de pièces d’or en chocolat.

         -un livre, son livre, que j’ai fabriqué avec une histoire qu’il avait inventé lors d’une de nos promenades. C’est un album artisanal, avec textes et illustrations maison, couverture cartonnée décorée de collages. Demain, je lui lirai son histoire en direct.

En fait, pour l’instant, ma vie  entre parenthèses, n’a de « désenchantée » que le fait de n’avoir pas décidé de cette parenthèse,  de la subir à cause d’un évènement dictatorial, avide de régner sur le monde, et d’être privée des miens, des autres et de ma liberté. Mais je ne suis pas dupe de ce qui se passe : mille, millions, milliards de mercis et bravos à ceux qui nous aident à vivre et survivre : soignants, routiers, commerçants… et le plombier (venu en urgence réparer une fuite en plein confinement, pour ne pas nous condammer à 6 semaines sans eau courante). Tous ces gens risquent leur vie pour nous.

Je sais aussi que cette parenthèse est et sera désenchanteuse pour la planète et les milliers de personnes qui périront, avec des dommages collatéraux ultérieurs énormes. Ce désenchantement est pourvoyeur en moi de vives inquiétudes, dont, égoïstement, la peur de perdre ceux que j’aime, inquiétudes que je m’efforce de côtoyer le moins possible, telle ma bonne amie l’autruche.

Je tiens à rendre aussi cette rubrique participative: si vous avez des idées de propositions d’écriture, pensez à me les envoyer via le blog et je les proposerai de temps à autre. 
Chaque semaine, vous recevrez une proposition d’écriture, pourquoi ne pas vous lancer? Il n’y a que le premier pas qui coûte…
Chaque proposition est un jeu de créativité. 
Laissez-vous guider par votre intuition, votre imagination, votre envie d’écrire!
C’est un jeu de créativité.
 Laissez filer vos idées, laissez les mots sortir tels qu’ils sont tout simplement ; c’est tellement mieux et spontané !
Ecrire, c’est se sentir libre.
Ecrire, c’est la liberté d’imaginer.
Créer demande du courage !

J’ai hâte de lire vos créations!

Pensez à m’envoyer vos créations dans la rubrique me contacter” de mon blog, La Plume de Laurence.

Créativement vôtre,
 
LAURENCE SMITS, La Plume de Laurence


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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