La proposition d’écriture N° 93 vous amène à visiter des lieux superbes, dans des contextes parfois douloureux ou émouvants.
Certains lieux sont simples, ou en pleine nature ou emprunts de souvenirs familiaux. En tout cas, lieux réels ou imaginés, tout le monde en est fier!
Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
De Jacques
1912
Un quatrain d’années
Dans la maison, cet esquif
Coloré de vitraux
Fenêtres d’où s’infiltre le vent
Dans un froid silence
Qui lui résiste
Par ses arbres construits
Pour montrer son âge
Gravé dans le frais ciment
« 1912 », année par l’eau engloutit
Qui coule au loin
Style « art and craft »
De ces maisons d’un début de siècle
Juste avant l’apocalypse
Pourtant elle en est revenue
Un peu fatiguée
Elle a perdu son équipage
Recroquevillé dans du métal tordu
Vert héritage dans une esquisse de jardin
Qu’on regarde par-dessus l’épaule
En pensant qu’il avait été beau
Épuisé cependant
Sans un cri, sans désespoir
La maison abandonnée, les cendres remplissaient toujours le cendrier
Comme si son ombre y fumait encore
Comme si elle allait revenir tantôt
S’assoir devant sa télé
Sans volets, passant à un autre sujet
La vieille photographie
Y voit la famille ensemble
Voir ses détails
Décorés
Disparus
L’habiter maintenant
Sans sentir leur présence
Tel un accueil chaleureux
De Marjorie
J’habite à la campagne, à l’orée d’une clairière. Celle-ci est à la fois sombre et claire. Au milieu de ce bois coule une eau limpide et pure, qui se faufile un chemin entre les cailloux et les rochers. J’aime y plonger mes pieds dans ce liquide froid et revigorant lorsque les températures extérieures avoisinent la trentaine de degrés. M’asseoir sur un rocher ou un pied d’un tronc d’arbre majestueux pour y lire les vers de Victor Hugo me ravissent. Ce moment de délice, de calme, d’introspection est un privilège. Ce retour à l’instant présent où mon âme s’envole vers la rêverie et la réflexion. Ces moments où plus aucune pensée ne vient perturber mon esprit, j’appelle cela la félicité. Sereine, légère et malgré tout ancrée, j’enfile mes sandales et je rentre vers la petite grange qui abrite mon cocon, ma maison. Elle n’a l’air de rien vue de l’extérieur. Tout au plus, de la rue, elle ressemble à un ancien garage. L’arrière de la grange avec ses briques rouges, son bois brûlé et ses baies vitrées annoncent un intérieur chaleureux où il fait bon vivre lors des longues soirées hivernales. Ce logis mélange le bois et la pierre, les couleurs naturelles. Les poutres apparentes laissent entrevoir d’anciens crochets rappelant l’étable d’autrefois. Aujourd’hui, l’un d’eux soutient le lustre blanc. Le jardin minimaliste se complète de roses et de pivoines ainsi que de bambous. Le tout présentant un tableau calme inspirant la quiétude et l’écriture.
De Claude
Au nid soit qui mal y pense
Pourquoi chercher ailleurs ce que l’on a sous les yeux ? La maison de mes rêves, c’est la mienne. Tout simplement. Celle dans laquelle je vis avec mon épouse.
Les enfants ont quitté le nid et nous voilà seuls, sur une superficie qui nous paraît trop grande… mais qu’on remplit sans difficulté : on peut dire qu’on ne manque pas d’aire ! Ici, dans le salon, un guéridon en fer forgé acheté récemment pendant les soldes, là, un pouf bien dodu, sont venus meubler les espaces libres. Et un peu partout, des magazines ou des livres savamment empilés, des coussins bien moelleux, une kyrielle de bibelots hétéroclites, souvenirs de voyages anciens et que sais-je encore ?
J’adore la maison à l’anglaise, avec son jardin touffu, ses poteries en glaise et son côté faussement négligé. On y baigne dans des fragrances délicates et suaves. Loin du bruit et de la pollution des villes. La nôtre est ainsi.
Pour dormir, on monte à l’étage, comme au septième ciel. Avec un beau ciel de lit. Comment peut-on imaginer un lit sans cieux ?
J’aime la cheminée, ce foyer conjugal qui, au plus fort de l’hiver, fait office de télévision, avec son bel âtre.
La bibliothèque de mon bureau frise l’obésité. Dictionnaires ventripotents, classeurs pansus, romans en tous genres, énormes pavés parfois indigestes auxquels un régime ferait le plus grand bien, débordent des étagères où ils suffoquent. J’en connais certains qui auraient préféré s’intituler: « L’étroit Mousquetaire » ou « Guère épais » !
J’aime ce silence qui n’est rompu que par le chant des oiseaux, ou par les hurlements de mon épouse lorsque je m’aventure en chaussures dans la salle à manger. Ou encore par la pluie qui tambourine sur le toit de la véranda. C’est un bruit qui m’a toujours plu, et davantage encore depuis que je suis plus vieux. J’aime aussi la proximité de la forêt car c’est un site à daims. Et pas seulement ! Des cerfs plein d’élan, y ruminent (leur vengeance ?) jusqu’à la lie et vous regardent avec des daims, du moins si vous êtes chasseur –ce que je ne suis pas-.
Plaisir des yeux, bonheur de l’ouïe, enchantement de l’odorat, bref, c’est l’exultation des sens raffinés et le prélude à une orgie de sensations voluptueuses.
Les Anglais évoquent souvent leur « home, sweet home ». Vous comprenez qu’il ne s’agit nullement d’une suite dans un hôtel de luxe, mais d’un lieu merveilleux dans lequel ils aiment se retrouver. Ils vont même jusqu’à dire : « Every Englishman’s home is his castle”. Pour un anglais, sa maison, c’est son château, voire son château fort. Ils aiment prendre leur thé au logis. Dans un silence religieux. Moi qui suis fan de tout thé, j’aime ces maisons cosy.
Car n’est-ce pas le bonheur qu’on éprouve dans un lieu qui importe avant tout ? Mais peut-être ce bonheur tient-il aussi (et surtout) à la présence de personnes aimées…
D’ailleurs, je me dis souvent que quitter sa demeure, confortable et douillette, pour une destination inconnue et lointaine (pour des vacances, par exemple), c’est dépenser beaucoup d’argent et d’énergie pour être moins bien que chez soi.
Mais y-a-t-il meilleure façon d’apprécier le lieu où l’on vit ?
D’Izou
LE DOMAINE DES QUATRE VENTS
« Les murs transpiraient humectés de vendanges. Des vapeurs capiteuses formaient un brouillard autour des lampes ». Les mouches se reflétaient en transparence. Leurs ailes sourdes engourdissaient les esprits, et les yeux fatigués. Vingt heures. Le soleil descendait en grumant, las d’avoir pesé sur les épaules des hommes, des femmes, des tonneaux, des charrettes. Les hottes piquaient du nez, de ce nez si pointu et si fier des vignerons du ciel. La terre ne se vendange pas à moitié. Elle se vendange jusqu’au ciel.
Les lampes à huile posées sur les tables en bois forgé commençaient à lambiner, à s’étaler, dans l’attente des prochaines heures. Elles avaient des allures de tournesols tournant mollement dans des vases cuivrés. De quoi ravir Saint Vincent, Van Gogh et tous les Vincente vivant à vingt mille lieues à la ronde. Les odeurs d’huile se mêlaient aux arômes de grenage, de groseille, et de Pinot noir. L’air lui-même se mettait à respirer, à emplir ses nuages de vapeur liquoreuse. Tout respirait le raisin, la sagesse. Les mains, les peaux, les visages, le pressoir enroulé autour de sa visse. Quelques grains de raisins encore verts se risquaient à rêver qu’ils mûriraient jusqu’au lendemain. C’était sans compter les mains pleines des vignerons du ciel. La Provence au matin, si gaie de ses cigales bigarrées, avait donné tout son jus. Les mains accueillaient en grappe le repos tant mérité. Douze heures de cueillette entêtante à faire tourner la robe des Sirahs et des rosés. Leur pointe de violette, leur accent poivré, et leur franc-parler en bouche relevait les têtes et les verres, le temps d’un tchin-tchin si cher à Afflelou. Les verres trinquaient aux verres pour retomber près des lampes à huile. Les nouvelles vendanges s’alourdissaient. Demain ce serait la fête. Pour l’heure les paupières et les volets se taisaient, le silence s’abaissait sensuel et baisait les murs ocres du vieux mas.
Au Domaine des quatre vents cassis, le vin vieillissait en fûts de chêne et les fûts dans les chais. Les chaises tressaient leur paille à l’abri des regards. Le jaune et le rouge tissaient le paysage d’une laine épaisse caressant les bassines. « Les bastes toutes violacées encore des anciennes vendanges s’entassaient au seuil des cuisines ».
Poème proposé par Françoise T
Corinne Arnaudin, « Je suis une femme marquée par la vie »
Je suis une femme qui porte des cicatrices,
Je suis une femme difficile à aimer,
Je suis une femme complexe,
Je suis une femme qui se mure dans le silence…
Et pourtant…
Je suis une femme forte,
Je suis une femme qui porte l’amour,
Je suis une femme qui s’aime,
Je suis une femme dans toute sa beauté,
Je suis une femme qui tend la main…
Annonce
Même si…
Je suis une femme qui pleure,
Je suis une femme avec des faiblesses,
Je suis une femme qui a besoin d’amour,
Je suis une femme fragile,
Je suis une femme en morceaux…
Et pourtant…
Je suis une femme qui continue de croire,
Je suis une femme qui porte la lumière,
Je suis une femme qui s’offre au monde,
Je suis une femme qui prône l’amour,
Je suis une femme qui danse avec les anges !
Je suis juste une femme comme toi…
De Roxane
ALEXANDRA (Ou la Ville Translucide)
Alexandra est généreuse, elle s’offre au premier regard. Mais auparavant tu dois la mériter, passer les dunes de sable ocre dont la chaleur monte de tes pieds nus jusque tes joues, embrasant ton corps tout entier.
Tu suffoques, tu paniques, puis au sommet de la montagne dorée tu l’aperçois enfin. Mystérieuse, elle se drape dans un halo de poudre blanche dont l’éclat te brûle les yeux. La coquette cache ses atours, elle se joue de toi, t’aguiche, t’ensorcelle comme une amante experte. Tu sens alors la force te revenir, tu es prêt à tout. Tu t’avances.
Il n’y a ni enceinte, ni porte, ni pont qui protègent la cité, Alexandra se donne à qui l’a conquise. L’eau est présente partout. Des fontaines millénaires, coulent de longs filets argentés. Le chant du liquide qui déborde doucement et se répand dans les rigoles est un appel à la contemplation. Par moments le ciel semble s’obscurcir, tu lèves alors ton regard pour apercevoir une nuée de fées ailées virevoltant autour de minarets translucides. Elles traînent dans leur sillage en longs rubans soyeux, des portées de notes de musique qui dispersent dans les airs de mélodieuses symphonies. Sous tes pieds, les pavés ressemblent à des glaçons opalescents. Tu suis les courbes des ruelles et tes pas t’emmènent vers les moelleuses constructions qui abritent les femmes, dont les rires cristallins envahissent les salons chamarrés qui sentent la cannelle.
Car ici tout n’est que joie et bonheur. Dans la Charte d’Alexandra, la morosité, la mélancolie, la tristesse sont interdites sous peine de sanction. Dans ces cas rares, les contrevenantes sont condamnées à quelques jours de réclusion en compagnie de joyeux drilles chargés de leur rendre sourire et bonne humeur grâce à de savantes pitreries. Tu l’auras deviné c’est à cela que servent les hommes dans cette ville, et à cela uniquement. C’est la particularité d’Alexandra, pas d’Alexandre.
La nuit venue, les jets d’eaux se transforment en myriades de lanternes évanescentes. Plus loin, des roches opalines s’abandonnent aux caresses d’amoureuses cascades dans le souffle complice des fées endormies.
Demain tu croiras avoir rêvé.
Il te faudra, hélas, reprendre la route, laissant derrière toi ta belle abandonnée. Tu te retourneras, plusieurs fois, hésitant, jusqu’à ce que le mirage s’évanouisse dans la brume cotonneuse du désert insondable.
Alors, résigné, tu poursuivras ton destin.
De Bernard
Elle était posée là, sur sa butte de terre
Bordée de mimosas qui embaumaient les airs.
Avec un porche en pierre, pour l’accès à la cour
Un mur couvert de lierre en faisait le contour.
Des fenêtres à chenaux tout au long de l’étage
Laissaient voir les rideaux, apaiser l’éclairage.
Une belle porte en bois, garnie d’un gros heurtoir
Des persiennes à claire voie attiraient le regard.
La porte à peine poussée, découvre de grands pavés
Et un large escalier pour pouvoir accéder
Aux chambres d’un côté et une mezzanine.
En bas une cheminée qui sépare la cuisine,
D’une grande pièce à vivre, joliment décorée
Quelques objets sont ainsi déposés
Des petites sculptures et des anciens tableaux
De différentes cultures envahissent le salon.
Il y a dans cette demeure un goût à l’apaisement
Une odeur de bonheur et de beaux sentiments.
D’Amara
Il fait chaud, je suis installée au milieu du patio sur un sol en terre et je joue avec des poupées fabriquées en roseau et tissus récupérés chez la couturière du coin. Les murs des quatre pièces sont en pierres, recouverts de chaux. Les mouches volent, se posent sur mes jambes, elles piquent. Pour la énième fois, je les chasse avec mes petites mains. Mes parents sont installés à table sous la vigne tandis que mes grands-parents sont assis sur un tapis au sol. Je reste à ma place et j’observe mes grands-parents que je vois une fois l’an. Cet après-midi, je prends ma douche dans une petite pièce sombre qui est séparée de la cour par un rideau fleuri. Il vole parfois, il faudra le caler avec une pierre. Dans cette pièce qui fait office de salle de douche, je vois un petit banc et une bassine. Ce lieu n’est pas du tout rassurant car je crains les araignées ou les lézards. Ma maman va chauffer de l’eau qu’elle mélangera avec de l’eau froide dans une bassine. Je rêve et m’imagine assise dans cette pièce noire. La petite pièce à coté est le four à bois. Ma grand-mère cuit son pain qui est délicieux avec du beurre frais. Soudain, j’ai mal au ventre, une envie de me rendre aux toilettes, mais c’est de nouveau la peur pour moi car le petit endroit se trouve à l’extérieur en face de la maison sous une cabane fabriquée en bois avec des bâches. De temps en temps, une personne peut arriver par la gauche car c’est un passage rapide. Je me dépêche pour rentrer sans faire de bruit. Je rêve quelques minutes en m’imaginant dans mes toilettes en France avec la lumière, le papier toilettes, la cuvette, le désodorisant. Mais je suis en vacances pour 2 mois chez mes grands-parents dans un petit village excentré où les gens sont pauvres. Je suis une jeune fille de 6 ans ou 7 ans. Ces lieux de vie m’ont permis de relativiser par la suite et ce fut une belle expérience. J’ai gardé des souvenirs et 44 ans plus tard, je suis en capacité de revivre ces moments inoubliables qui font partie de ma vie.
De Catherine
Ma forêt
Trait d’union entre ma maison et le village, recouvrant un coteau qui penche vers la Creuse toute proche, en bas, j’aime cette petite forêt sans pouvoir expliquer pourquoi elle m’inspire et m’attire. De mon petit hameau perché, trois cents mètres à peine me séparent d’elle, et j’emprunte toujours avec ravissement le large chemin qui m’en ouvre les portes. Elle ne sent rien, à peine les feuilles humides de son humus, mais je la sens vibrer en moi.
À droite du chemin, le gros arbre où mon petit-fils et moi avons pris l’habitude de cacher nos bâtons, car je l’initie à ma forêt… puis le chemin encore bien large serpente dans un enchaînement de trois grands virages descendants, où mes enfants firent, il y a bien longtemps, des parties de luge s’apparentant plus au bobsleigh quand ils déviaient leur trajectoire sur les buttes pour mieux reprendre le chemin jusqu’au virage suivant. Au printemps, le chemin plus bas se mue en un tapis odorant, recouvert du si subtil ail des ours.
Mais ma forêt à moi commence sur le petit sentier de droite, large comme un passage de sangliers, qui franchit une butte avant de plonger dans mon royaume. Il émane de ma forêt quelque chose de magique, une impression d’être dans un ailleurs, un autre monde. Peu de gens passent par là, car point de champignons, ni de fleurs des bois, seulement quelques rameaux de faux houx et quelques primevères égarées au printemps, bref, rien de ce qui intéresse le chasseur cueilleur. Car point de gibier non plus, sinon en passage furtif… C’est ce qui fait qu’elle ne compte que pour moi.
Je la trouve si belle avec ses multiples dénivelés, ses vallées miniatures sillonnées de vifs petits ruisseaux quand il a beaucoup plu, et ses couleurs vert tendre sur les arbres couverts de lambeaux de mousse. Les jeunes pousses d’arbres, telles des stalagmites, ressemblent à des chapeaux de lutins, car la même mousse les coiffe du haut en bas, rendant cet endroit à la fois étrange et merveilleux. Traverser cette forêt est un voyage en imaginaire, sur un tapis de mousse qui vaut tous les tapis volants de l’Orient.
Pourtant, je sais qu’elle se meure. Tout ce qui me touche en elle est, hélas, la preuve de sa future déchéance : la mousse qui l’étouffe, des arbres filiformes tenant debout pour la façade, mais qui craquent leur sècheresse interne quand on les bouscule, des gros arbres déracinés qui gisent de ci de là… Ma forêt se meure : elle n’arrive pas à se régénérer. Ce qui pousse là avorte sous la mousse qui l’habille si gracieusement, mais si mortellement, comme un bel habit tant convoité mais qu’on a empoisonné. Plus je la sens mourir, et plus j’ai mal pour elle, plus je la trouve belle et plus je l’aime : mon impuissance à l’aider décuple l’affection que je lui porte.
Malgré tout, je ne suis pas triste, car je sais qu’un jour, elle renaîtra plus belle, régénérée par ceux qui l’habitent encore et qui enrichiront son sol pour lui redonner force de vie. Elle semble n’appartenir à personne, sûrement oubliée au fond des tiroirs d’un vieux notaire, transmise par héritage à des Parisiens qui n’en connaissent pas ou plus l’existence. Alors, je décrète qu’elle m’appartient, parce que j’en fais usage.
Je lui dis à chaque visite un grand merci pour le bonheur qu’elle me procure, pour les souvenirs d’enfance qu’elle a laissés chez mes enfants, très avides de constructions de cabanes… Merci aussi pour ce qu’elle transmet à mes petits-enfants qui la découvrent avec un immense plaisir… Merci et au plaisir de se retrouver le plus souvent possible pour maintenir ce lien mystérieux qui nous unit.
De Nicole
Voyage au bout d’un rêve
Elle habite une roulotte chamarrée, tirée par Adelante, un cheval au poitrail costaud et aux pattes larges et solides.
Dans sa maison de voyage, un coin à dormir, des tissus berbères, africains aux couleurs de vie, des livres, du papier pour écrire, une tablette. Une petite cuisine et de la nourriture pour elle et Adelante.
Ils cheminent le long d’un fleuve du Nord sur des chemins de halage.
Souvenirs de haleurs à la musculature douloureuse qui tiraient des bateaux emplis du travail des chaufourniers.
Trésors de nacre et de poussières. Comme des baleines qui descendent vers la mer.
Les arbres vert-de-gris des rives chuchotent au vent du large.
Le fleuve voyageur. Le miroitement du soleil au gré des cumulus. Ciel nuageux du bleu au gris teinté de violet.
Au fil de l’eau à travers les plaines, paysages de brumes à faire frissonner des fées diaphanes.
Les ponts, points de suture entre les rives, amassés sous eux les cadavres chamarrés des cannettes dansent la gigue au passage des péniches.
Des écluses, d’anciens biefs, des cafés pour mariniers, des rencontres. Recharge des technologies.
En face, un château, une boite aux lettres d’or cuivré attend un facteur à vélo.
Le crépuscule venu, la roulotte se blottit au creux des arbres, sentinelles d’une nuit paisible.
Demain, tout recommencera…
De Lucette
Mon lieu de vie pour certain, s’apparente à la richesse. Pour moi, j’y suis né, donc tout est dans la normalité.
Quelles cultures entre ces deux parents. L’un est catholique, l’autre musulmane. J’ai longtemps été tiraillé, l’un voulait une éducation à l’européenne et l’autre l’exact contraire.
De surcroit, j’ai vécu toute mon enfance en France. Mes arrière-grands-parents chassés par la guerre civile d’Espagne se sont retrouvés émigrés du côté de Toulouse. Quand j’entends leurs parcours, j’en frémis tant ils ont souffert. Bonito était le prénom de cet aïeul, elle c’était Aïcha.
Bonito a travaillé sans relâche, et petit à petit au fil des années s’est construit sa petite maison lui-même. Qu’elle fierté pour lui et pour Aïcha, qui elle faisait les travaux des champs. L’été les moissons, l’automne la cueillette des fruits. De cette union naquit mon père José. Ils ont mis un point d’honneur à ce que leur fils unique ne trime pas comme eux en l’encourageant sans cesse pour qu’il soit le meilleur de l’école. Eux, les « Espagoins, et les robeux » méprisés par tous les voisins, venaient prendre le travail des Français, c’est lourd à porter quand on est enfant et qu’on entend de l’ironie chez les copains…
Au fil des décennies ma fratrie s’est très bien intégrée, puis appréciée par leur courage et leur volonté…Leur fils José, s’est marié avec Carmen…
Ma mère Carmen est couturière. Donc, moi et ma sœur toujours habillés simplement, mais du dernier cri quand même. Comme on dit maintenant, « à la mode » quoi… Que de convoitises j’ai vues dans les yeux de nos copains. Je dois dire que j’avais une revanche un peu fière au fond de moi vis-à-vis de mes grands-parents.
Mon père José lui, après ses études d’architecte durement méritées, a construit avec son père Bonito « leur chef-d’œuvre » !!! Un havre de paix digne d’un petit palais. Ah ! ils ont mis du temps tous les deux à la bâtir, mais quel délice que de s’y retrouver maintenant avec mes enfants.
On arrive dans une grande allée bien dessinée, bordée (entre autre) de rosiers de toutes les couleurs qui nous amène devant la porte d’entrée. Dans le jardin on distingue au loin des oliviers qui trônent comme des rois pour nous annoncer la paix. Par-ci, par-là, des arbres fruitiers, des palmiers qui leur rappellent leurs patries, une piscine recouverte chauffée même l’hiver puisqu’elle qu’elle est dans un local fermé embelli de carreaux en céramique «des azulejos » venus directement du Portugal, de couleur bleue et blanche, c’est d’un effet…
Quand on entre, un grand hall décoré de grandes statues et des tableaux de divers peintres et diverses époques nous laissent pantois. Il y a aussi des touches de l’Orient pour que ma grand-mère Aïcha y soit heureuse. Toutes les pièces sont à l’avenant, toutes plus belles les unes que les autres. Mes grands-parents ont une maison mitoyenne accolée. Toute la famille est ensemble tout en étant indépendante. C’est ici que j’ai vécu jusqu’à la fin de mes études.
Avec ma conjointe, qui elle est bien française et bien accueillie par mes parents, nous n’avions pas besoin de prouver quoique que ce soit à personne. Nous vivons donc dans une maison cossue mais beaucoup plus modeste.
Mes ascendants n’avaient de cesse de se venger de leur infortune en étalant leur réussite, et comme je les comprends…
Ils sont salués et appréciés par tout le monde. Ils ont connu de leur vivant, le respect de ceux qui les appelaient avec un brin de racisme « les espagoins et les robeux »
Quant à nous, notre demeure est cachée dans un grand terrain arboré. Pour vivre heureux vivons cachés.
Nos visites dans le « palais » sont toujours source de joies retrouvées dans les yeux de ceux qui nous attendent. Leurs rides les embellissent en nous accueillant à l’orientale avec ma mamie, et un peu ronflant avec mon papi qui a toujours l’œil vif et fier comme un Espagnol.
C’est leur paradis, mais surtout c’est bien là que j’aime me ressourcer…
De Danièle
Mon coin de paradis, mon coin de vie, il est ici au bout du couloir d’une gare, juste au pied d’un escalier que plus personne n’emprunte.
Sur chaque marche, j’ai déposé ce que les rues de la ville m’offrent quotidiennement : des cannettes, des livres aux pages arrachées, des journaux, un tableau avec un Pierrot au clair de lune, une chaussure orpheline, une télévision muette, une assiette ébréchée, un sac de sport délavé, une moufle solitaire, un bouquet de fleurs en plastique, un sac rempli de papiers gras, une pelle, un tabouret, un carton de pizza, un pot de fleurs sans fleurs.
Mon coin de paradis, mon coin de vie, il est ici.
Au bas de l’escalier, j’ai installé sans aucune contrainte mon univers, un seau, un balai, une brouette les quatre fers en l’air, des branches d’arbres, des morceaux d’étoffes, des sacs remplis de trésors glanés çà et là entourent ma couche royale recouverte d’un drapé bleu.
Quand le brouillard envahit ma tête, je m’époumone en chantant les berceuses du pays lointain d’où je viens.
Les passants passent et repassent, se dépêchent, galopent derrière le temps qui file et qu’importe s’ils n’accompagnent pas mes rengaines.
Je ne suis pas seul, les pigeons sont toujours là.
Ils roucoulent derrière chacune de mes notes aiguës, ils picorent avidement les miettes de pain tombées à terre, ils veillent sur mes sommeils confus.
Mon coin de paradis, mon coin de vie, il est bien ici.
De Karine
Décrire un lieu de vie, lequel prendre ? Quelle torture !
J’aurais pu décrire notre appartement, la construction peu banale circulaire en forme de chou, les pièces sans angle droit, notre décor, nos meubles, nos plantes et le jardin sur nos balcons, la vue, tout ce qui fait que c’est notre chez nous.
J’aurais pu penser à la superbe longère en pierres apparentes rénovée que nous louions pour les vacances d’été sur la Côte des Légendes, dans le Pays du Léon. Non loin des plages de Barrachou, du Dibennou située juste à l’ouest du corps de garde du 17ème siècle sur la rive sud de la baie de Tressény, et des rochers sur la plage de la Croix. J’aurais pu brosser son magnifique jardin, son divin barbecue, son terrain de pétanque privé, ce havre de paix où notre fils a fêté plus d’un anniversaire. Où nous avons partagé moments familiaux et amicaux, jusqu’en 2011, année où nous avons perdu Papou et où nous n’avons plus remis les pieds depuis…
J’aurais pu évoquer cette gargantuesque demeure de Peyot, juste en dessous de l’Adour. Les chambres étaient aussi grandes que des studios Parisiens, et le salon digne d’un F2. Ma sœur et moi, on se souvient encore du jour où tu as sauté tout nu de la fenêtre de la chambre de la maison pour te mettre à courir dans le jardin, juste pour le fun, avant de disparaître pour te rhabiller. Après la surprise, un énorme fou rire général était venu tromper la sérénité de l’endroit. C’est vrai que la bâtisse la plus proche se situait à environ 1 000 mètres, c’était la porcherie de Maurice, le cochon.
J’aurais pu encore détailler cette minuscule maison équipée de la clim, à l’intersection de l’Ardèche, du Vaucluse, de la Drôme et du Gard. Au pays de la lavande que nous avions découverte en 2018, cette année mouvementée où mon père est parti et où toi tu as appris que tu avais un deuxième cancer.
J’aurais pu conter aussi le grand appartement de la majestueuse maison de Nicole et Dédé qui surplombe le lac de la Moselotte dans ce petit village, non loin de la Bresse. Du barbecue en pierre, du terrain de pétanque, du cadre idyllique de moyenne montagne et surtout de l’hospitalité de ses hôtes, qui ont transformé nos vacances, et nous ont donné des amis. Lieu de vie de nos dernières vacances tous les deux, en amoureux.
J’aurais pu dépeindre cet appartement indépendant au 1er étage d’une maison avec vue sur la mer et à 5 minutes à pied du port. Ce joli salon en rouge et noir, de ce petit balcon-terrasse avec sa table ronde en pierre où l’on voyait, la mer et l’île de Batz par beau temps. Tous ces velux dans chaque pièce, cette grande piscine chauffée dans ce très beau jardin. Ce magnifique arbre crevette et ces vélos qui nous ont permis de découvrir de très beaux endroits. Un des derniers endroits où nous avions pris un temps en amoureux. Nous y avions mangé des homards, des huîtres, du poisson grillé au barbecue et déguster des araignées et des tourteaux. Des crabes comme tu disais, tu voulais conjurer le sort, en manger avant qu’ils ne te mangent pour la troisième fois. Mais ce n’a pas vraiment marché, mon amour…
J’aurais pu exposer cette belle maison, sympa et très pratique dans le Béarn au cœur de la vallée de l’Ouzom, entre le gave de Pau et celui de l’Ossau. Il y régnait le silence et la tranquillité que nous recherchions ardument chaque été après avoir passé l’année en région Parisienne. Nos seuls voisins en dehors des propriétaires Yves et Nicole, étaient des vaches et des chèvres. Cette région est un endroit magnifique où à chaque vallée traversée, un nouveau paysage s’ouvre à nous. Un autre point positif de cette maison c’est qu’elle était le point de départ de nombreuses randonnées. Je me souviens d’une, avec une montée de 21.4 kilomètres de long, un dénivelé positif de 1110 mètres, une pente de 5.2% qui nous emmène au Col du Soulor à plus de 1474 mètres d’altitude.
J’aurais pu raconter la cabane des pêcheurs sur l’ile des pêcheurs, véritable havre de paix de la Côte Catalane. Cette construction ovale, avec son toit de chaume, ces deux chambres de chaque côté du salon, avec sa mini-cuisine. Son intérieur très basic mais avec un extérieur très sympa, un jardin privatif entourée de haies pour pouvoir être isolé, des chaises longues blanches et bleues en plastique pour profiter du soleil. Nous avons passé une bonne partie de nos vacances de printemps là-bas, non loin de la mer, avec piscine, sauna, hammam, jacuzzi. Sans compter les cerises de Céret, le Canigou enneigé, les courses en Espagne, les repas à la Jonquera et au grand buffet à Narbonne, les visites à la Dédée. Sans oublier de rouler sur la route inondée d’Argelès-sur-Mer qui faisait tant rire notre fils.
J’aurais pu essayer d’imaginer un lieu de vie que j’aimerais, comme je faisais avec notre fils quand il était petit. On imaginait que nous étions très riches, et que l’on vivait dans la maison du parc Dupeyroux, qui n’est autre que l’ancienne préfecture de notre ville. On imaginait l’intérieur des pièces, le jardin, le chauffeur, le jardinier, la piscine, le terrain de tennis, la cuisinière, les repas gargantuesque et les fêtes somptueuses qui s’y passaient, le grenier consacré au chat et la salle de jeu avec un billard, un baby-foot, un ping-pong ainsi qu’une immense salle de jeux vidéo… mais même ce jeu n’a plus de saveur à ce jour.
Car au final aucun lieu de vie n’est idéal pour l’heure. Sans toi mon amour, je n’ai pas un lieu de vie idéal. Je me rends bien compte, que c’est toi qui le rendais idéal. C’est vrai, ce n’est pas un superbe canapé, ni une magnifique peinture, ni même encore un lit dernier cri, qui est important dans cette vie, ni dans un lieu de vie. C’est plutôt tes bras qui m’entouraient d’amour, ton regard tantôt pétillant, tantôt langoureux avec tes lunettes un peu de traviole, ton sourire malin et tendre, tes blagues, ton fun, ta voix grave et sérieuse entremêlée d’une énorme gentillesse, ton odeur, ta peau, ton parfum, tes ronflements, tes clowneries, tes caresses tendres et douces, tout ce qui me permettait de vivre heureuse avec toi. Tout l’amour que tu me donnais et que j’essayais de te rendre au maximum. Tous ces moments d’amour qui font que l’on vit dans un château, dans une maison modeste, dans une cabane en bois, dans un cocon de chimio ou même dans une chambre blanche, froide et impersonnelle d’un hôpital, on s’en fout. On s’en fout, car on est ensemble, avec tout l’amour que l’on se porte l’un pour l’autre.
De Brigitte
Au bout d’une petite rue serpentine, entre bocages et prairies où de paisibles charolais ruminants dévisagent les trop rares passants se trouve la maison, ma maison .
Une grande porte de grange marron lui donne une touche très rustique et on accède au jardin par un portail bleu. Depuis la route, on ne devine pas grand-chose de la maison mais on est agréablement surpris car une fois franchi le portail , celle-ci se dévoile sur un verger et un grand jardin battu par les vents .
Faite de pierres apparentes, sa façade est bordée d’une belle rangée d’hortensias et avec ses volets bleu pastel , elle se prendrait facilement pour une bretonne la coquette ! Au loin non pas la mer… hélas, mais de belles collines harmonieusement arborées !
Oh ce n’est pas une grande maison mais elle respire bien , l’énergie circule et tourbillonne, invitant à la quiétude, au recueillement.
Elle a connu quelques belles fêtes, de beaux partages à l’ombre des arbres l’été où on semble encore percevoir de joyeuses conversations et des rires cristallins.
Maintenant, crise sanitaire oblige, les rencontres se sont raréfiées , la petite maison a tendance à se replier sur elle-même, invitant au silence et à des activités paisibles.
D’une terrasse en belles pierres, on y entre , dans la maison, par une porte fenêtre.
Une grande pièce inondée de soleil se partage la cuisine, l’espace repas. Un escalier permet d’accéder à un petit salon cocooning où l’hiver, il fait bon se lover dans le grand fauteuil près du poêle avec un bon livre , un thé goût russe et de douces rêveries.
Ma petite maison et moi nous nous sommes en quelque sorte ré- acclimatées quand l’ heure de la retraite a sonné: c’était le fameux le 17 mars 2020, Donc doublement confinée.
Mon regard a flâné un peu partout comme si je me réappropriais les lieux. Et, entre menus travaux et désirs de décoration, chacune des pièces a été bichonnée , chacune des pièces a recouvré son âme.
Déjà ,quelques rangements ont été salutaires pour s’affranchir du superflu et épurer des espaces.
Une des premières choses : aménager et personnaliser le petit coin bureau mezzanine qui jouxte la chambre à coucher , minuscule espace baigné par la lumière d’un velux où se côtoient livres, album photos d’une vie déjà bien remplie, souvenirs de famille, générations croisées, arbres généalogiques …
Ensuite, redonner une seconde vie à la machine à coudre de maman et à sa boite à couture , bobines de fil aux couleurs chatoyantes et découvrir un plaisir nouveau en réalisant rideaux et coussins : recréer une complicité avec maman disparue il y a bientôt 4 ans en toute sérénité , coudre aussi pour les enfants et petits-enfants : devenant bâtisseuse d’une subtile connivence à la croisée des générations.
La vie confinée est propice à explorer multiples parcelles au sein de mon lieu de vie, expériences inédites et créatrices où une simple description du lieu de vie m’aurait semblée réductrice.
De Laurence
Ma cabane au Canada
Moi, c’est Amanda. J’habite au Canada, en pleine nature. Loin de tout, loin de tout le monde. Je ne supportais plus la foule, le bruit, la pollution et de courir dans tous les sens, comme le font les gens à la ville. J’ai besoin d’être en communion avec moi-même, avec les éléments, avec la nature dans toute sa splendeur.
Mon mari est trappeur et avant, je ne le voyais que la moitié de l’année. Il passait l’hiver dans sa hutte à traquer les animaux sauvages pour en ramener leurs fourrures et les vendre. Ce n’était pas une vie. Chacun de son côté, sans pouvoir s’appeler car il n’avait pas le téléphone. Des mois sans savoir s’il allait bien, ce qu’il faisait.
Un printemps, à la fonte des neiges, j’ai pris ma décision. J’allais le suivre pour vivre avec lui. Je ne supportais plus ma vie. J’avais besoin de vivre dans les bois au calme en bord d’une rivière. Bien sûr, cela faisait peur à tout le monde. Vivre sans eau, sans électricité, sans voiture, sans voisins ! La belle affaire !
Nous avons acquis notre endroit à dix kilomètres d‘un village près de Lake Louise en Alberta, dans l’ouest du Canada. En arrière-plan, on voit les Rocheuses canadiennes et on est face au Mont Victoria. Au premier plan, surplombant notre cabane s’étend un lac magnifique aux eaux turquoise. L’été, on peut faire du canoë. L’hiver, on peut patiner sur une patinoire somme toute naturelle ou pêcher dans un trou percé dans la glace. Le tout à 1600 mètres d’altitude. Le rêve !
Comme le Lake Louise est aussi une station de ski l’hiver ou une base pour les randonnées l’été, j’ai pu trouver un travail plaisant. Je m’y rends avec mon motoneige l’hiver, c’est pratique. J’accueille les touristes dans les lodges en bois.
Mon mari Jude et moi habitons dans un joyau du Canada. Notre vie a changé. Le décor autour de nous est magnifique, grandiose. La nature a tous ses droits et nous la respectons. C’est un vrai décor de carte postale. Les conditions hivernales ne sont pas toujours faciles. On peut dire qu’elles sont rugueuses. Mais la beauté des lieux à couper le souffle nous fait oublier la rudesse du climat.
Le premier été, mon mari a construit notre cabane en rondins de ses mains, sans machine, juste avec un marteau, une hache et une scie. Le chantier a été terminé avant les premiers gros frimas de l’hiver. Nous sommes revenus à l’essentiel et nous sommes complètement autonomes et indépendants. Notre petit nid douillet est très confortable. Le cadre est rustique et agréable à la fois. Nous y vivons avec notre chien, nos poules et du petit bétail pour assurer notre quotidien. Nous sommes si heureux de cette vie en pleine nature. Le bois de notre chez nous est si doux, ça sent si bon. Nous avons en fait perpétué une tradition vieille de plusieurs siècles, dans cet habitat digne des premiers colons européens. Nous nous sentons comme des pionniers qui mènent une existence loin des modèles citadins normalisés. Nous sommes entourés d’animaux sauvages, des caribous, des ours bruns, des loups aussi. Une solitude choisie dans un paysage éblouissant : vous savez, ça repose l’âme ! Nous œuvrons aussi pour la protection de l’environnement car grâce à notre mode de vie, nous avons un faible impact écologique et nous activons en permanence le système D.
C’est une autre manière de voir le monde en dehors de la société de consommation. C’est possible, nous l’avons fait. Au quotidien, c’est comme une aventure sur fond d’étendues vierges.
Jude a entrepris de construire des cabanes pour touristes sur notre propriété pour que je devienne mon propre patron. Des projets sont donc en cours. Et si ça vous dit, pourquoi pas venir passer des vacances dans notre petit coin de paradis ?
De Mireille
Merci la vie
Dans une rue tranquille, un pavillon, c’est ainsi que l’on dénomme cet habitat. Longeant le trottoir, un muret surmonté d’une palissade en fer forgé tout comme la porte d’accès au jardinet. Une petite allée en gravier sépare une belle verdure. Au-dessus de l’entrée en bois, encadrée de deux magnifiques rosiers anciens aux tons pastel rosé, une marquise en arc de cercle.
Franchissons le seuil, en face un escalier droit pour accéder à l’étage, de part et d’autre une porte. Poussons celle de gauche, une belle pièce en longueur, les murs d’un blanc mat décorés d’étagères nous offrent des ouvrages sur la peinture, les monuments, des catalogues d’expositions. Une commode de taille moyenne nous invite à déposer dans un plat en faïence désuet, le contenu de nos poches. Un lit étroit recouvert de tissu clair bordé d’un galon rouge ainsi que ses coussins assortis fait office de banquette, les doubles rideaux de la très haute fenêtre donnant sur rue ont également hérité du motif. Une table aux pieds tournés permet de se restaurer, les nappes ne manquent pas. Toutes ont été patiemment cousues à la main par la maîtresse de maison.
Cette table que de bons repas m’a-t-elle offerts, la cuisine était simple, délicieuse, l’accord des vins parfait, les mets confectionnés avec amour au sein d’une petite cuisine, les produits utilisés uniquement de base, le savoir-faire de mon hôtesse, son imagination pour ne jamais lasser. J’étais ensuite invitée à prendre place sur la banquette pour écouter un disque de Beethoven ou Mozart.
Parfois je passais la nuit dans le pavillon, j’empruntais l’escalier pour me retrouver dans l’appartement de « Mamie ». Une chambre sobre, un cabinet de toilette, mais le trésor était dans la pièce à côté, la bibliothèque. Des livres anciens, reliés en cuir, fin XIXème, début XXème siècle, d’auteurs inconnus pour moi, un monde dans lequel « Mamie » avait évolué toute sa vie, recevant, discutant avec les artistes, dont son époux faisait partie.
Il y a plus de 40 ans, jeune femme d’un milieu ouvrier, je pénétrai dans cette banlieue où j’allais découvrir la littérature, la peinture, la musique classique. Aujourd’hui ce lieu est passé dans d’autres mains et je mesure la chance extraordinaire qui m’a permis d’ajouter cette culture à celle de mon enfance.
Je pense que vous aurez été aussi émue que moi à lire ces textes. Mais ils ont en commun l’amour que nous portons à certains lieux, et c’est ça la vraie richesse, n’est-ce-pas?
Je vous souhaite une belle semaine d’écriture.
Portez-vous bien et surtout prenez soin de vous.
Créativement vôtre,
Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE
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