Il y avait de l’eau dans le gaz dans les relations de couples pour la proposition d’écriture N° 182. Certains ont réussi à trouver un compromis ou à se laisser tenter pour fêter Noêl.
Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.
D’Agnès -Chéri, j’ai pensé à quelque chose pour Noël, j’ai envie de réunir toute la famille. Je me sens mieux, sur le chemin de la guérison. Ma chimiothérapie ne me procure que peu d’effets secondaires et je ne me suis jamais autant senti vivante, joyeuse et en forme qu’en cette fin d’année 2023. J’ai envie de croquer la vie à pleines dents. -Ma chérie, tu m’inquiètes, qu’entends-tu par « toute la famille » ? -Les enfants, leurs conjoints et nos petits-enfants, mon frère et ta sœur et leur petite famille. Notre grande salle à manger, un peu vide ces derniers temps, a une immense capacité d’accueil. C’est toi qui le répètes régulièrement surtout quand tu dois passer l’aspirateur. -Ma chérie, tu sais bien que les fêtes de fin d’année correspondent comme tous les ans à une période où on est épuisé de l’année, il fait froid et la pluie ne cesse de tomber. Les enfants seront probablement invités dans leur belle-famille puisqu’ils étaient avec nous l’année dernière. Honnêtement, pourquoi se créer un stress inutile, une charge de travail et quand je pense à tout ce brouhaha dans la salle à manger ? Et le pire est de devoir supporter ton frère et ses blagues qui ne font rire que lui. -Moi j’ai envie d’une grande tablée, de rires, de sujets de discussion à n’en plus finir, d’un énorme sapin brillant avec son étoile assortie à ma nappe de Noël. -Ça se voit que ce n’est pas toi qui fais le ménage et la cuisine ma chérie. Depuis que tu es malade, je m’occupe des tâches ménagères. Tu te rends compte de l’ampleur de la tâche qui nous attend ? Entre le ménage et les courses de dernière minute dans les magasins bondés de monde, parmi des gens énervés, stressés. -Justement mon chéri, je me suis dit qu’il n’y avait rien de mieux que l’anticipation et la simplification des actions. Je te propose un énorme plateau de fruits de mer avec des huîtres de Marennes de ton ami producteur, des bulots, crevettes, bigorneaux, crabes et pourquoi pas une langouste flambée au cognac, il n’y a rien de plus simple à préparer et c’est un délice pour les papilles. J’ai pensé également à un bel échantillonnage de charcuterie de Noël, de la galantine et du boudin blanc parfumé aux cèpes, des crépinettes de notre boucher, du magret que tu as fait sécher cet été, et rien que d’en parler j’en ai déjà l’eau à la bouche. Tu ne passeras pas ta vie aux fourneaux. Et je n’oublie pas le foie gras sur les toasts pour l’apéritif avec le champagne, il faut suivre la tradition des mets de Noël. Tu sais ce qui me comblerait de bonheur, c’est une belle omelette norvégienne flambée au dessert, j’en rêve depuis l’année dernière… -Ma chérie, rien que de t’écouter, j’en ai des haut-le-cœur, je sens que l’indigestion nous guette. J’ai l’impression que tu veux nous gaver comme des oies et ne suis pas certain que cet excès de nourriture soit bon pour notre santé, la tienne en premier. -Je ne crois de plus pas t’avoir entendu parler de légumes, crudités… -Le régime, mon chéri, on le fera plus tard, on a bien le temps. En janvier, cela fera partie des bonnes résolutions avec la marche qu’on reprendra. En attendant, vivons pleinement et profitons de la vie tout simplement en famille car il n’y a rien de plus important et solide que la famille. En tout cas, tu m’as donné une idée, je sais ce que je vais t’offrir comme cadeau de Noël, un stage de développement personnel sur le thème de la positive attitude! De Manuela -Bonjour Hubert, dis-je d’une voie douce et joyeuse. Ta journée s’est-elle bien passée ? -Comme d’habitude, une journée pleine de dents pourries, d’odeur de chacals, la routine. Tous les jours, tu me demandes la même chose, ça ne te lasse pas ? -Je suis seule toute la journée, j’ai besoin de te parler. Quand je fais mes courses, ce sont toujours les mêmes discours : la pluie et le beau temps, les résultats du match de foot de la veille, la santé du mari ou des enfants. Ça me fait du bien mais quand même ce n’est pas suffisant. Je voudrais de belles et longues conversations avec toi, sur l’actualité, sur l’histoire et la géographie, sur l’avenir de la planète, sur les avancées techniques… enfin tu vois ? -Non, je ne vois rien du tout et surtout je m’en fous. -Hubert, tu ne dois pas me parler sur ce ton, je suis ta femme n’est-ce pas ! -Mélanie, ça fait bien longtemps que tu m’agaces. Ce soir, je n’ai pas envie de te répondre. Je vais au salon prendre un petit apéro. J’espère que tu as pensé à acheter des cacahouètes comme je les aime – non salées – nature quoi – rien de plus simple. -Vas-y, je finis la préparation du repas et je te rejoins. Un long blanc inquiétant, stressant, s’installe. Je me dis intérieurement, comment vais-je aborder le sujet, ce sujet qui nous dérange chaque année ? Sois naturelle, fais le tout simplement, je pense. Je vais au salon avec l’apéro demandé, et ses cacahouètes non salées. -Hubert, j’ai travaillé aujourd’hui, sur le menu de Noël. Il est dans la cuisine, veux-tu que j’aille le chercher ? Et que je le lise, tu pourras y apporter des modifications si tu le souhaites ! -Tu me fais chier avec ton Noël ! Tous les ans, c’est la même ritournelle, les mêmes invités antipathiques, sans conversation, avec des réflexions plus idiotes au fur et à mesure des années. -Depuis toutes ces années, tu me parles si durement que je n’en peux plus ! Pourrais-tu changer de ton s’il te plait. Tu sais que j’aime la fête de Noël avec son sapin, ses guirlandes, ses cadeaux, sa bonne humeur, les rires de invités, le repas, le vin, les bûches et les chocolats. Un bon feu de cheminée qui réchauffe la pièce, qui réchauffe les êtres ? Hubert, tu pourrais au moins une fois par an me faire plaisir, m’appeler par mon prénom, me sourire, me tenir la main. Ce n’est pas énorme, ce que je te demande. -Bon, je te redis, ce soir, tu me fais chier. J’ai eu une mauvaise journée. Je prends mon apéro, je mange et je vais me coucher. Je me lève, retourne dans ma cuisine. Je fonds en larmes. Je ne comprends pas son attitude. Que dois-je faire ? Envisager un divorce ? Envisager un divorce pour les fêtes de Noël – drôles de fêtes. Je vis avec ce personnage depuis des années. Au début, un peu d’amour puis un peu de tendresse, et depuis, plus grand-chose – plus rien du tout. Il faut crever l’abcès. Je n’ai rien préparé pour le repas de ce soir. Ça va être une catastrophe. Je suis une femme soumise, aux ordres de Monsieur, mais je suis une femme optimiste. Je vais résoudre le problème en deux temps, trois mouvements – enfin, je l’espère. De retour au salon, je m’installe à côté de lui. -Hubert, je ne comprends pas ton attitude. Ni celle de tes parents ! Y a-t-il eu un problème, une catastrophe au cours d’un Noël ? -Ça ne te regarde pas. -Et si, je pense que c’est aussi mon problème. -Tes problèmes, tes problèmes, toujours tes problèmes ! -Je suis en droit de savoir ? Je suis sûre qu’il s’est passé quelque chose de grave, de très grave pour que tu aies une réaction comme celle-ci. -Arrête Mélanie ! -Non, tu ne peux pas et tu ne dois pas le savoir. Ce sont des choses personnelles, arrivées dans mon enfance, c’est tout. Je n’ai jamais rien révélé à personne. -Bin, comme tu veux. Demain, je fais tes valises, retourne chez tes parents. On se retrouvera chez mon avocat. Hubert se lève et hurle : -Tu n’as toujours pas compris qu’il s’est passé un événement très grave, un soir de Noël chez mes parents. Il faut que tu m’en dises plus. -Toujours t’en dire plus. Hubert pleure, il a les yeux rougis. Je lui donne un mouchoir. Il reprend lentement la parole. -Oui, très grave. Mon jeune frère Benoit est tombé du balcon – il est mort sur le coup. Perdre un fils ou un frère est une épreuve que tu n’as jamais vécue ! -Mais Hubert, depuis toutes nos années de vie communes, tu ne m’as jamais rien dit. -Et tu ne m’as jamais rien demandé, réplique Hubert. J’ai lancé quelque fois des bouées que tu n’as pas su attraper. Le temps a passé, je me suis lassé. Tu es gaie, enthousiaste, optimiste et moi, je ne suis qu’un fieffé râleur, de nature pessimiste. Je suis devenu ainsi après le décès de Benoit. Mes parents aussi, ils ne veulent plus sortir, plus voir personne, ils ont coupé les ponts avec nous, car ton optimisme les rendait triste. Je lui prends la main, l’entoure de mes bras. Je l’embrasse sur le front… je ne sais pas à ce moment-là, quelle attitude adopter. -Hubert, je te laisse prendre la décision pour les fêtes. Les invitations ne sont pas lancées, rien n’est acheté ni les cadeaux, ni la nourriture. Si tu veux, on peut faire ça en petit comité, c’est-à-dire nous deux. Choisis, prends ton temps. Après une nuit perturbée, avec énormément d’inquiétude, je me lève au même moment qu’Hubert. Il a pris une journée de congé. Une nouvelle discussion s’engage. -Mélanie, excuse-moi pour toutes les années de tristesse à mes côtés. J’aurais dû te le dire plus tôt. Mais, plus les années passent, plus c’est difficile d’en parler. Je me suis enfermé dans mon malheur. -Chéri, maintenant qu’un nouveau départ pointe son nez, il faut aller vers ce bonheur qui nous attend. -Après une nuit blanche, seul avec mes réflexions, je veux bien faire un Noël festif mais pas trop, pas trop de cadeaux non plus. Ne me demande surtout pas de changer du tout au tout. Les choses prendront du temps, mais elles se feront. -OK, pas de souci, c’est toi qui feras le tempo. -Je pourrais quand même mettre quelques décorations dans le salon, et un sapin pas trop grand ? De Christine (proposition d’écriture N° 181) Samedi dernier, mon mari est allé aider Bernard, l’épicier de la rue de Sévigné où nous avons nos habitudes. Il avait une rage de dents carabinée et comme sa boutique vivotait depuis l’ouverture du supermarché voisin, il ne pouvait pas se permettre de fermer une seule journée. En entrant dans son magasin, Denis a eu pitié de lui, et a spontanément proposé un coup de main. Il était donc dans la place dès huit heures du matin pour alimenter les rayons. Il avait essayé de convaincre Bernard d’aller chez le dentiste, et même trouvé l’adresse du dentiste de garde, mais Bernard ne faisait confiance qu’au docteur Lenoir de notre quartier. Ce dernier ne consultait pas le samedi. A défaut, mon mari était allé chez le pharmacien acheter un antidouleur. Il comprenait Bernard, les maux de dents, il connaissait bien, il s’était roulé par terre de douleur plus d’une fois dans son enfance. La matinée s’étirait, la clientèle s’étonnait de sa présence et plaisantait sur sa reconversion. Mais Bernard ne rigolait pas, il devenait de plus en plus pâle, alors mon mari lui proposa d’aller s’allonger un peu. L’épicier accepta avec soulagement, promettant de revenir d’ici une heure ou deux. Il habitait au-dessus de son épicerie et n’eut qu’à monter la volée de marches pour aller s’étendre. Denis ne s’en sortait pas si mal en magasin, il faut dire qu’avec les codes-barres, c’était quand même plus facile. Quand il était adolescent, il lui arrivait d’aider sa tante qui tenait un petit bazar et à l’époque, il fallait étiqueter tous les articles et taper les prix à la main sur la caisse enregistreuse. Il n’avait pas intérêt de se tromper. Sa tante se fâchait tout rouge en cas d’erreur de caisse. Il rêvassait à cette époque lointaine de sa jeunesse, quand il vit entrer le docteur Lenoir. -Bonjour Docteur Lenoir. Quelle coïncidence, c’est le ciel qui vous envoie ! -Le ciel n’a rien à voir là-dedans, mais une amie qui a vu Bernard ce matin m’a prévenu de l’état dans lequel il était. -Je l’ai envoyé se reposer. Il avait tellement mal qu’il ne tenait plus debout. -J’ai quelques courses à faire mais dites-lui de venir à mon cabinet à seize heures. Il ne va quand même pas souffrir tout le week-end et c’est dangereux. -J’ai essayé de lui faire comprendre, mais c’est une vraie tête de mule. Je fus donc réquisitionnée à mon tour pour remplacer le remplaçant. Denis m’appela pour que je vienne surveiller l’épicerie et je conduisis Bernard chez le dentiste. Celui-ci les attendait et après un examen et une radio, constata que le problème était au niveau de la gencive. Il appliqua un anesthésiant local et nettoya la plaie. Bernard fut temporairement soulagé. Le docteur Lenoir nous installa dans la salle d’attente pour pouvoir surveiller l’évolution et ils se mirent à refaire le monde. Bernard avait retrouvé le sourire même si la douleur était lancinante. -Vous êtes mon sauveur. Merci Docteur et merci à toi Bernard. Sans toi, je ne sais pas ce que j’aurais fait. -Avec plaisir Bernard. On ne laisse pas un voisin et ami dans la détresse. -Ce soir, je vais aller au lit de bonne heure mais samedi prochain si vous êtes libres, je vous invite à une soirée raclette. Ce sera avec joie, lui répondit mon mari. J’apporte un bon petit vin du Jura dont vous me direz des nouvelles. -Si vous me prenez par les sentiments, je viendrai avec ma femme, ajouta le dentiste. On apportera sa spécialité, charlotte aux amandes et glace à la vanille. -A la seule perspective de ce festin, je n’ai déjà presque plus mal. -Ne nous emballons pas, répliqua le dentiste. Il va falloir prendre des antibiotiques durant quelques jours et faire des bains de bouche. Et pas d’alcool. La douleur va revenir quand l’anesthésie va se dissiper. Il suffira de prendre un antidouleur. Voici l’ordonnance. Ils remercièrent encore le dentiste et rentrèrent après avoir fait un saut à la pharmacie. Bernard ferma la boutique derrière nous après nous avoir exprimé sa gratitude. Nous rentrâmes tout joyeux. -Cette journée m’a fait du bien, même si elle était partie du mauvais pied. J’ai été heureux de rendre service, me dit mon mari. -Tu n’as qu’à demander à Bernard de t’embaucher, lui répondis-je en souriant. -Il faudrait que je sois bénévole alors. Il ne roule pas sur l’or. C’est ainsi qu’après la soirée raclette du samedi suivant, mon mari prit l’habitude d’aller donner un coup de main à Bernard pour mettre en rayon, ou le remplacer quand il devait s’absenter. C’était l’occasion après la journée de travail de se poser au fond de l’épicerie et de déguster une bonne bouteille. Le docteur Lenoir venait les retrouver après son dernier client car une véritable amitié s’était nouée. De Christine -C’est décidé, cette année sera un Noël magique. Je vais commencer par décorer toutes les fenêtres de la rue avec des branches de sapin ornées de grosses boules rouges et de guirlandes lumineuses blanches. Tu sais comme en Alsace. Il faudra que tu m’aides à les fixer. Annie est à fond. Elle veut un Noël inoubliable. Mais Pierre son mari, vautré dans le canapé, ne l’entend pas de cette oreille. Il a horreur de cette période des fêtes et aucune envie de faire un effort. -A quoi ça sert de décorer l’extérieur ? On ne le voit pas, bougonne-t-il. -Ça donnera un esprit de fête à la rue. Si tout le monde faisait comme nous, ce serait magnifique. Et puis, il faut qu’on trouve un joli sapin à installer dans le salon. Pierre soupire et secoue la tête. Il s’imagine déjà la corvée. -Un sapin ? Mais pour quoi faire ? Il y en a un artificiel dans le grenier. -Il a plus de vingt ans et le chat l’a tout déplumé. Il est bon à mettre à la déchetterie. Je vais en profiter pour renouveler aussi les décorations. Tout en blanc. -Parce que tu crois qu’il ne va pas te les massacrer tes décorations ? -Mais non, il est aussi vieux que le sapin. Il a passé l’âge de grimper dans les branches. -Tu parles, il ne va pas résister deux jours ! -J’ai aussi fabriqué de jolis photophores pour le rebord des fenêtres. -Allons bon, on n’est plus en Alsace, mais à la fête des lumières de Lyon, on voyage. -Oh ce que tu peux être rabat-joie. J’adore tous ces préparatifs. La maison sera quand même plus gaie. Et regarde, des sucres d’orge et des étoiles en pain d’épices à accrocher comme quand nous étions enfants. -La déco, c’est pas mon truc. Et tous ces machins me semblent bien futiles au vu de l’actualité du moment. -Justement, on peut oublier un peu les malheurs du monde pendant quelques jours. Il faut savoir grappiller les moments de bonheur que l’on peut avec sa famille et ses amis. -Ah parlons-en ! Quels invités pour ce merveilleux Noël ? ironise Pierre -Nous devrions être une vingtaine. -Une vingtaine ? Mais tu as invité toute la rue ou quoi ? -Non, tes enfants et leurs compagnes. Leurs parents. Ça évitera que tes fils aient à choisir entre venir à la maison ou aller chez leurs beaux parents. Stéphanie a encore une grand-mère, elle viendra avec eux. -Donc treize à table. Oulala, ce n’est pas un bon nombre. -Mais non, attends, j’ai aussi invité ton ami Paul et sa femme Alice. Elle n’est pas complètement remise de son opération, ils ne peuvent pas aller chez leur fils en Suisse. -Donc quinze. Qui dit mieux ? Tu ne vas quand même par inviter mon frère. Noël avec lui, c’est la Toussaint. -Non, mais ta sœur vient donc, quatre de plus. Mais n’oublie pas que c’est moi qui cuisine. Toi, tu n’as qu’à choisir et ouvrir les bouteilles de vin. -Et qu’est-ce que tu vas cuisiner justement. On pourrait faire une raclette. -Une raclette ? Tu as perdu la tête. J’ai déjà tout le menu en tête. On commencera par du champagne et des petits fours du traiteur, puis foie gras et saumon fumé traditionnels, fabrication maison bien sûr. Ensuite, noix de St-jacques sur fondue de poireaux, filet de bœuf aux morilles et son écrasé de pommes de terre, fromages et bûche aux marrons et chocolat nappée de crème anglaise. J’ajouterais bien des huîtres mais j’ai peur que cela fasse beaucoup. -Qu’il faudrait que j’ouvre bien sûr, avec le risque de finir aux urgences. Laisse tomber les huîtres. On va déjà prendre cinq kilos en une soirée. Mais ça va coûter combien tout ce bazar ? -C’est moi qui prépare tout, tu es pénible à la fin. Tu veux que j’aille chez le traiteur ? -Non, non, mais quand même. -Tu n’as vraiment pas l’esprit de Noël. Allez ! On va chercher le sapin et tu m’aideras à décorer toute la maison. Ensuite, je cuisinerai des bredeles. Je suis sûre que tu ne diras pas non pour les goûter. Il faut profiter de la chance d’avoir ceux qu’on aime autour de nous pour Noël. Pierre ne dit plus rien. Il semblerait qu’il réfléchisse au bon sens de sa femme. Elle n’a pas tort, à leur âge, il faut savoir profiter et partager. -Bon d’accord, je t’aiderai. Même à la cuisine si tu veux. Et les cadeaux ? Tu as pensé aux cadeaux ? -Oui, j’ai acheté des boucles d’oreilles artisanales pour les femmes et je vais fabriquer des petits terrarium pour les hommes. Chacun aura son petit souvenir du Noël 2023. -Tu as vraiment pensé à tout. -Oui, et la table sera décorée de branches de sapins et de lierre que tu m’auras trouvées. J’y accrocherai des pommes de pin recouvertes de peinture dorée. Chacun aura à côté de son assiette un photophore que j’ai appris à fabriquer à l’atelier du jeudi : pot de yaourt et bougie. Ce sera magique. Et si tu préparais quelque chose ? -Quoi donc ? -Tu pourrais découper des petits morceaux de bois en forme de coeur, sur lesquels tu graverais le prénom de chacun avec une étoile ou une bougie. On les placerait à côté de l’assiette de chacun. -Pourquoi pas ? Mais au fait, c’est qui le vingtième ? -On verra, ce sera la place du pauvre. De Lisa Freddy et Maryse préparent le repas de Noël avec leurs enfants. Mais un problème n’arrive jamais seul. « Et merde ! On n’est obligé d’inviter « Le casse-bonbon de service » pour être poli et pas le casse-cou… de service, car je reste courtois devant les enfants. -Tu viens de le dire deux fois mon chéri. -Oui, il ne peut pas dégager ! C’est français ! -Il est gentil, il met de l’ambiance. -Tu parles, un coq dans une basse-cour. -Ah ! Je comprends que tu ne peux pas faire le macho devant tes convives, alors tu veux rester le leader et pas le challenger. C’est Noël ! La fête des enfants ! Tu vas faire semblant de sourire et tout ira bien. -La politique ! Où il va nous comparer Le Roi Soleil à nos jours, car Monsieur est prof d’Histoire Géographie ou encore Marie-Antoinette avec la Révolution française. -Mais pourquoi tu parles de politique s’il nous prépare un cours d’histoire ? Bon ! Interdiction de parler des événements actuels. Je me suis faite comprendre. -Oui chef ! Mon amour ! -Et arrête de râler ! De Dominique Nelly se leva, comme à son habitude, sourire aux lèvres. Aujourd’hui son coeur battait plus fort qu’à l’accoutumée : elle allait décorer le sapin. Rien qu’à l’idée de sortir tous les cartons de décorations du garage, elle a envie de chanter et de rire. Mais au fond Nelly est toujours comme ça, elle sait faire de chaque instant de sa vie un petit bonheur. Elle a déjà contacté les enfants ; avec tous les petits, ils sont maintenant au nombre de douze. Ils sont tous en couple, et elle a même la joie d’être entourée de nombreux petits enfants. Elle chantonne et danse en enroulant les guirlandes multicolores autour d’un sapin. Pour ça, chacun est prêt à lui dire, chaque année, qu’elle n’a pas un goût sûr mais ses arbres de Noël sont tellement joyeux, même si le savant mélange de couleurs est souvent atroce ! Nelly réfléchit, il faut compter aussi sa soeur et sa famille, ses deux frères, leurs femmes et leurs enfants, et puis sa cousine Léa qui vient accompagnée, ou non, selon l’élan de son coeur. Et puis, cette année, ses parents et ses beaux-parents vont pouvoir venir et sa belle soeur aussi avec son mari et ses trois enfants. Ah, elle a oublié le tonton Jérôme qui ne partira pas au Canada cette année chez ses enfants. Ah, et puis la voisine, qui se sent bien seule depuis la mort de son mari : 92 ans quand même pour cette Mamie pleine d’énergie. Maintenant, il va s’agir d’annoncer à George qui, certainement, essaiera de lui mettre le moral en berne. Mais, Nelly aime trop la famille, les amis, la fête pour se laisser démoraliser. Elle pose un lutin sur le rebord de la bibliothèque, un autre sur le buffet tout en tournant sur elle- même quand… elle tombe nez à nez avec son mari qui la retient in extremis et les voilà partis, dans une danse endiablée , guidée par Nelly qui en profite pour dire à George ce qu’elle a prévu pour Noël : – Mon Amour , Noël approche comme tu sais… Et dans un flot de paroles intarissable, Nelly énumère le nombre de personnes qu’ils seront : -Il y aura Maman et Papa, tes parents, sans oublier Léa cette année … elle a ses deux copines qui se sont trouvées seules, leurs copains les ont quittées à quelques jours d’intervalle. D’ailleurs, dit Nelly sans laisser le temps à George de l’interrompre, la voisine sera là aussi , tu sais combien ça me ferait mal au coeur de savoir quelqu’un , près de chez nous , isolé… Et puis, il faudrait penser aux cadeaux pour les enfants … j’ai réfléchi … tatatatitatata…Et ta soeur aimerait bien. » George se décompose, il devient un peu pâle et transpire tout à la fois, il n’a plus la force de dire un mot et soudain, il pousse un grand cri : -Non, non et non ! – Quoi, non, non et non ?!, réplique Nelly – Je ne m’occuperai de rien… -Ça tombe bien, j’ai déjà appelé le traiteur. – Quoi ?!! -Oui, comme ça, nous n’aurons rien à faire, sauf acheter les cadeaux. – Les cadeaux ?! Mais à combien cette folie va nous revenir ?! – Au plaisir d’être avec ceux qu’on aime… Et je t’aime mon Amour … George s’assit lourdement sur le fauteuil, maugréant pour la forme, ravi des petits bisous tout doux et des mots ravissants que lui susurre Nelly . De Francis Promis, mon amour ! -Je sais à quoi tu penses, mais pour une fois, cette année, on pourrait faire l’impasse et se retrouver tous les deux. Évite-moi cette histoire de Noël. On sait tous comment ça se termine : trop de dépenses, trop de monde, et une montagne de vaisselle à laver à la fin. Noël devrait être simple, non ? -Oh, mais Noël, chéri ! C’est le moment de célébrer, de partager des moments spéciaux en famille, de créer des souvenirs inoubliables. -Des souvenirs inoubliables, du stress, tu veux dire. Préparer un festin pour toute la ville, décorer la maison comme si on était dans un film, et en plus, il faudrait que je m’entende bien avec tout le monde. Non, merci. -Mais c’est ça qui rend Noël si spécial ! Les lumières, le sapin, les cadeaux. C’est la magie de la saison, tu ne peux pas nier que c’est une période unique. -Je ne suis pas contre les cadeaux et l’esprit festif, mais est-ce vraiment nécessaire de transformer la maison en une sorte de parc d’attractions ? -C’est une fois par an, chéri ! Et puis, les enfants adorent ça. Tu ne veux quand même pas les priver de la joie de Noël ? Chéri, j’ai pensé que cette année, on pourrait vraiment faire quelque chose de spécial pour Noël. Tu sais, créer des souvenirs inoubliables pour nous et nos invités. C’est la période de l’année où l’on peut répandre de la joie et partager des moments chaleureux avec nos proches. Et puis, ça ne coûte rien d’être un peu plus optimiste, tu sais. -C’est aussi le moment où on dépense une fortune en cadeaux et en décorations inutiles. On pourrait économiser tout cet argent et penser aux vacances. On pourrait juste rester à la maison, regarder la télévision et éviter tout ce tralala. -Noël, c’est spécial ! Les lumières, le sapin, les cadeaux. C’est la magie de la saison, tu ne peux pas nier que c’est une période unique. L’esprit de Noël, qu’est-ce que tu en fais, mon amour ! Les décorations, les lumières scintillantes, le sapin magnifiquement orné. Ça rend tout tellement magique ! -Je veux bien pour les cadeaux et l’esprit festif, mais est-ce vraiment nécessaire de transformer la maison en une sorte de parc d’attractions ? Magique ? C’est un synonyme de “fatiguant” dans mon dictionnaire. Et puis, on a déjà un sapin artificiel qui traîne quelque part dans le garage. Pourquoi en acheter un autre ? -Parce que c’est important, le pied du sapin garni de cadeaux, quelle belle photo. François ! C’est tellement agréable, non ? Inviter tout le monde, ça signifie des heures de préparation, de cuisson, et ensuite, on doit jouer les hôtes parfaits. Non merci. Je veux bien leur donner de beaux souvenirs, mais on peut le faire sans transformer notre salon en vitrine de Noël. Et puis, ça m’épuise toute cette préparation. -Mais c’est ça le plaisir, mon amour ! Préparer ensemble, partager des moments de complicité en décorant le sapin, en cuisinant des petits plats festifs… -Je ne sais pas, j’ai l’impression qu’on oublie l’essentiel dans tout ce tintamarre. Noël devrait être simple, non ? -Mais chéri, c’est ça qui rend Noël spécial. Partager de la nourriture délicieuse, échanger des cadeaux et créer des souvenirs qui durent toute une vie. -Des souvenirs qui durent toute une vie, hein ? Comme les dettes après les fêtes, tu veux dire. -Tu exagères toujours, François. Allez, s’il te plaît, dis oui. On peut faire de Noël quelque chose de vraiment mémorable. -D’accord, d’accord. Fais ce que tu veux. On fera à ta manière. Mais promets-moi que tu ne vas pas trop abuser sur les décorations cette fois-ci. Je te préviens, si ça tourne au fiasco, je te rappellerai que je t’avais prévenue. -Promis, mon amour ! Ça va être le meilleur Noël de tous les temps. Tu ne le regretteras pas, je te le promets. De Marie-Josée La fête de Noël Emerveillée, Carole regardait la neige qui tombait à gros flocons, mais sera-t-elle au rendez-vous pour Noël ? Le nez collé à la vitre, son mari Yves était moins enchanté. -Va encore falloir déblayer, l’entendit-elle grommeler. Il était bougon depuis qu’il s’était levé, mais elle avait décidé de ne pas y prêter attention, elle ne se laisserait pas gâcher sa bonne humeur. Elle se réjouissait à l’avance à l’idée de réunir ses frères et sœurs pour le réveillon. Depuis le décès des parents, ils n’avaient plus fêté Noël ensemble. Ce n’était peut-être pas le bon moment pour parler de son projet à Yves, mais il fallait bien lancer les invitations, le temps passe si vite. -Que dirais-tu si on fêtait Noël cette année avec Martine, Sophie, Pascal et Philippe ? Ce serait une occasion de se revoir tous ensemble ? dit-elle nonchalamment. Eberlué, Il pivota et répondit : -Sérieusement ? Tu ne vas quand même pas faire comme Maria ? C’est elle qui t’a mis cette idée dans la tête ? C’est vrai que chez eux, c’est la fiesta pendant une semaine au moins. -Pas du tout, mais j’ai pensé que pour une fois, on pourrait changer nos habitudes. -Moi, elles me vont très bien, nos habitudes. -C’est toujours la même chose, tu ne penses toujours qu’à toi. -Ce n’est pas vrai et si tu veux changer les habitudes, je t’invite au restaurant, en plus tu auras à t’occuper de rien. -Ça ne me dérange pas de préparer le repas, tu le sais bien. -C’est quoi alors? -C’est de partager un moment convivial et de ressouder les liens avec la famille. -Ressouder les liens, c’est quoi cette histoire ? On a vu Martine pendant les vacances d’été, Sophie et Pascal à l’enterrement de tante Alice et Philippe ne se déplacera pas de toute façon. -Tu n’en sais rien, il peut bien changer d’avis. -Et quand bien même, tu veux les loger où ? Ils habitent bien trop loin pour rentrer ! -Le gîte des voisins est encore libre, il est assez grand pour accueillir deux couples et nous on a la chambre d’amis et le canapé clic-clac sur la mezzanine. -C’est bien ce que j’ai dit, la fiesta pendant une semaine comme chez la voisine, mais ne compte pas sur moi, tu assumeras seule. -Là, je te reconnais. Voyant que la conversation risquait de tourner au vinaigre, il se radoucit et tenta d’arrondir les angles : -Je ne vois pas pourquoi tu veux inviter autant de monde, tu n’es pas bien en ma compagnie? -Ce n’est pas que je ne suis pas bien, c’est juste pour… -Changer les habitudes, tu en es certaine ? -Pour une fois, j’ai juste envie de fêter Noël comme avant. -Qu’est-ce que cela veut dire : comme avant ? -Comme quand nous n’étions pas décimés aux quatre coins de l’hexagone, avec un grand sapin, des plats traditionnels, des chants, du vin chaud et du chocolat en rentrant après la messe de minuit. -Ma pauvre, je ne voudrais pas être pessimiste, mais les temps ont changé, on est en 2023, arrête de rêver ! -Justement, c’est la seule période de l’année où l’on peut encore rêver et mettre de la douceur et de la magie dans notre quotidien. -De la magie, tu crois que le grand sapin viendra par magie dans notre salle à manger, ce sera encore pour ma pomme. -Tu pourras le chercher avec le voisin, il a de la place pour deux sapins dans sa remorque. -Je vois que tu as tout prévu, de toute façon cette discussion est inutile, tu n’en feras qu’à ta tête. -Elle n’est pas inutile, je ne veux rien t’imposer. Je préférerais que tu sois d’accord et que toi aussi, tu y trouves ton compte, mais si ce n’est pas le cas, on fera comme d’habitude. -Lance déjà les invitations et on en reparlera quand on saura qui viendra. Pour l’instant, je vais déblayer, il s’est arrêté de neiger. Carole se frotte les mains, c’est presque gagné. Elle arrivera bien à faire participer Yves à son projet en se fiant au proverbe “Ce que femme veut, Dieu le veut”. Les cartes d’invitation étaient prêtes depuis bien longtemps, il ne restait plus qu’à les envoyer. De Véronique -Dans 2 semaines, c’est Noël s’écria Jeannette ! Comme je suis contente… -Pas moi, répondit Gérard en bougonnant. Comme d’habitude, son mari râlait. Il avait toujours quelque chose à dire, à reprocher. Et à l’approche des fêtes, sa mauvaise humeur s’amplifiait. Il détestait ces moments où tout le monde était joyeux. Lui n’arrivait pas à se laisser aller à la « magie de Noël » comme elle appelait cela. -Les enfants vont encore courir partout en criant. Cela me saoule à l’avance, dit-il excédé. -Mais enfin, Gérard, tu n’es pas content d’avoir tes petits enfants avec toi ? D’ailleurs, cette année, on va faire les choses en grand et faire venir un Père Noël pour la remise des cadeaux. Ils seront ravis, lui répondit Jeannette. -Ah non, pas question ! C’est déjà bien qu’on installe un sapin, immense en plus. On va encore devoir bouger tous les meubles pour l’installer. -On ne va pas faire venir un guignol en rouge et blanc pour que les enfants soient encore plus énervés que d’habitude. -Mais si, ça va être super ! lui dit-elle d’une voix enjouée, imaginant déjà la joie des enfants à la vue du Père Noël. Et puis, j’ai envie d’un excellent repas, et pour cela, je vais faire appel à un chef à domicile. Tout sera organisé à la perfection et je pourrai profiter de l’instant présent avec tout le monde. Je vais d’ailleurs dresser une magnifique table avec la vaisselle de mon arrière-grand-mère. Tu sais, celle en porcelaine extra fine que j’adore. Et puis, je sortirai mes magnifiques verres en cristal. Autant qu’ils servent au lieu de s’empoussiérer dans le vaisselier. -Mais tu es folle ma chérie ! Ta belle vaisselle va s’abimer. Tu sais comment est Jean-Jacques avec ses deux mains gauches. Tout ce qu’il touche finit cassé. Ton frère est bien capable de laisser tomber sa coupe de champagne ou même son assiette. Tu ne te souviens pas de l’année dernière ? Il a fait tomber le sapin. Toutes tes belles boules fragiles ont été cassées. -Mais arrête de ronchonner et de te faire des films à l’avance, mon Chéri. De toute façon, c’est décidé et j’ai tout organisé. Cette année, Noël sera un Noël magique ! Tu verras. -Oh toi et tes idées de Chatelaine… Si c’était moi, je ne fêterai pas Noël. J’aime pas Noël, un point c’est tout ! -Allez mon vieux grincheux que j’aime, regarde le menu que propose de réaliser le chef. On va se régaler !! dit Jeannette un petit sourire en coin Et tout en prenant le menu que lui tend son épouse, Gérard murmure : -J’aime pas Noël, j’aime pas Noël… Ah il y aura du caviar ? et du foie gras ? et des cuisses de grenouilles ? Oh du chapon ! c’est bon le chapon. Avec des morilles ? Et du gratin dauphinois ? Et pour finir, un nougat glacé au coulis de framboise… mon dessert préféré ! Oh ma Jeannette, tu sais me prendre par les sentiments toi… Je crois que finalement je vais bien aimer Noël cette année, moi… -J’en étais sûre répondit Jeannette en riant. « Y a qu’la bouffe qui compte pour toi mon vieux grognon» De Inès Il y a quelques années et en pleine fête de Noël, le grand sapin de la famille Rodriguez prit feu à cause d’une petite bougie qui était tombée sur l’une de ses branches. Et depuis, Carlos haïssait les fêtes de Noël, d’autant plus qu’il était un homme profondément solitaire et introverti. Alors que Titania sa femme était plutôt une fêtarde, une femme qui adore les fêtes mondaines. Il faut dire que Titania était issue d’une famille de musiciens. Toute petite, elle assistait à de grandes cérémonies, de célébrations et de festivités de tous genres. Elle rayonnait et brillait par sa présence et son aura. Elle attendait religieusement ces moments si solennelles et si sacrés pour la famille Rodriguez. C’étaient même presque les seuls moments de bonheur et de gratitude où ils pouvaient enfin se rencontrer et s’éclater. Mais voilà, elle savait qu’au fond elle devait se battre pour réaliser son rêve. -Carlos mon chéri, ce n’est pas possible que chaque année tu me mets les bâtons dans les roues. Les fêtes de Noël sont les plus beaux événements qui puissent nous arriver… ce sont des moments de retrouvailles de communions et de joies de nos mamans et nos papas. C’est le moment où enfin toute la grande famille Rodriguez se réunit pour se parler se réconforter et se ceci depuis des décennies. -Titania mon cœur, je comprends que réunir nos deux familles autour d’une seule et même table bien parée te semble une si bonne et belle chose, d’autant plus que tu les attends toujours d’un pied ferme. Mais moi je n’en peux plus ma chérie ! C’est trop de gaspillage, trop de temps perdu trop de contraintes ; sans parler de leurs interminables et ennuyeuses discussions … -Mais Carlos mon chéri, j’ai déjà presque tout commandé chez le traiteur du coin et ceci pour une quarantaine de personnes. Ma grand-mère du côté de mon père a une quinzaine de petits enfants ; sans parler de mon grand-père du côté de mon père qui en a aussi autant. Les années défilent ; mes neveux, mes nièces ont grandi sans qu’ils puissent se rencontrer ni se connaître assez pour garder le contact ! Quel triste existence nous vivons en ce moment. L’individualisme et l’égoïsme grignotent nos mœurs et nos vies. J’ai envie de prendre mes parents, mes grand parents, mes sœurs, mes frères ainsi que toute leurs petits enfants dans mes bras un par un, les embrasser, les bichonner, leur dire aussi que je les aime. J’ai déjà commandé le meilleur champagne du terroir des petits producteurs du pays. Pour le menu, notre ami le traiteur du coin nous a promis de nous préparer un dîner majestueux aussi délicieux que ceux que l’on sert dans les grands palais royaux ! Permets-moi de te donner une idée peut être changera tu d’avis. L’entrée sera constituée de différentes bouchées gourmandes. Il y en aura au caviar, au fromage, au foie gras, il y aura des toasts, des verrines à l’avocat, au saumon et petits légumes frais. Des mini feuilletés au fromage de chèvre chaud au miel, aux noix et aux figues de saison. Le menu sera servi chaud, il s’agira d’un énorme poisson braisé, servi intacte dans un très grand plat comme j’en ai vu lors d’un réveillon à Gênes avec un accompagnement de fritures de gambas, de langoustines et de calamars, ainsi que toutes sortes de légumes exotiques. Et à la fin, nous servirons un dessert fait de bûches au chocolat, des brioches, des tartes au chocolat, vanille et café. Du fromage blanc et son coulis de framboise. Des bûches de Pavlova aux fruits. Tiramisu aux fraises. -Oui, je comprends que tu souhaites gâter tout ce monde ; bien sûr que les menus de fêtes de Noël sont souvent beaux et sont souvent des œuvres d’art. Mais Titania, je te préviens, ce que je vais te dire, ça ne te plaira pas du tout, mais c’est la triste vérité. Tu ne comprends pas que ces réunions, malgré leurs côtés positifs, sont plutôt nocives pour nous et nos enfants ?!! Lorsque nos familles commencent à picoler, je te fais remarquer qu’ils ne sirotent pas leurs liqueurs, ni la dégustent ! Pas du tout. Ils boivent leurs verres d’un trait, jusqu’à en abuser et le jettent par derrière comme le font les Russes avec leur vodka, depuis la nuit des temps. Une fois soûls, toutes leurs vieilles querelles et empoignades remontent à la surface et commencent à se disputer et à se taper dessus ! C’est ainsi que notre maison devient un vrai champ de bataille ! Crois-moi ma chérie, je n’en peux plus, ces fêtes me rendent fou et malade. -Carlos, pour l’amour de Dieu, ne nous fais pas tout gâcher. Nous vivons aujourd’hui comme des automates, nos vies sont chronométrées, ternes et froides. Ces moments de réunions sont les seuls moments où on se donne encore un semblant de gaieté, de joie, et d’humanité. C’est une bouffée d’oxygène, d’espoir et de rêves à donner à nos enfants qui vivent dans un monde d’hypocrisie et de matérialisme. Effondrée, Titania s’assoie et fond en sanglot. Carlos, Ému par tant de chagrin et de désespoir prend les mains de sa femme et les embrasse. -Sincèrement, ma chérie, je ne voulais pas t’offenser. Nous fêterons la Noël, que tu chéris tant. Mais au moins, nous essayerons de servir des liqueurs sans alcool. Nous mettrons juste un petit sapin, avec une décoration sobre. Ainsi, nous passerons les fêtes avec plus de tranquillité. D’Elie/ proposition d’écriture N° 180 Savoir braver les intempéries de la pluie. La période des saisons pluvieuses de cette année s’annonçait par des signes atmosphériques visibles. Les nuages s’amassaient dans le ciel. Ils circulaient, s’assemblaient et formaient diverses figures géométriques. Sous la forte pression de l’air atmosphérique, ces nuages se dilataient et s’élançaient dans leurs courses habituelles sur nos têtes. Les amis adolescents comme moi aimions les admirer et souhaitaient les avoir comme nos chevaux de course. Au loin, dans quelques coins de la terre, le tonnerre grondait, le vent glacial flottait sur nos corps et les arbres de la végétation se tordaient, puis bruissaient sous la puissance des vents. À l’horizon des quatre coins de la terre, les éclairs du tonnerre produisaient de flammes dans la nature. Il faut le souligner, cette année se révélait singulière car les pluies diluviennes se distinguaient plus par leurs surprises que par leurs forces dévastatrices. C’était à ce moment précis que Koffi revint de l’Université d’Abomey -Calavi pour ses recherches dans le village de Sagbovi. Il avait le style de s’habiller chichement en tenue d’été et se faisait accompagner par son chien de race pour ses courses. C’était un homme grand au teint clair. D’une démarche élégante, il allait sous l’ombre de son parapluie bleu-violet qu’il tenait de la main droite et la valisette dans celle de la gauche. Où voulait-il se rendre ? Et quelle ambition le transportait dans ses élans ? Aller faire des recherches pour sa thèse d’ingénieur sur les espèces de riz cultivées auprès des agriculteurs du périmètre de Tangbedji ? Ce lundi matin, il s’apprêtait à s’y rendre, pour la seconde fois, quand la nature s’assombrit tout d’un coup. Le grondement du tonnerre faisait trembler les cœurs et ses échos se distançaient, s’étendaient sur des dizaines de kilomètres et ne cessaient de prendre l’ampleur. Que pouvions-nous espérer d’autre ? Les gouttelettes d’eau qui se déversaient sur le sol prenaient en volume, au point que la rue n’était plus praticable. Sur le sol, c’était un fleuve d’eau qui coulait à grands débits. Les arbustes, les herbes fourragères, voire quelques géants arbres ne résistèrent au courant d’eau. Ils étaient déracinés de leurs fondements puis obéissaient au courant de l’eau qui les emportait au loin de la voie principale qui menait au périmètre rizicole de Tangbedji. Que ferait le chien de race qui accompagnait Koffi ? Il est communément appelé Sourou. Ce qui signifie littéralement ‘’ la patience’’ en langue fon. Ce chien de race avait été soumis au dressage et pouvait venir au secours de son maître au besoin. Il vint vers son maître Koffi puis lui effleura le mollet et suivit de quelques aboiements, comme si un adversaire dans l’ombre était proche d’eux. Monsieur Koffi écrivit une petite lettre bien protégée et l’envoya pour le siège par ce chien. Quelques minutes de course suffisaient et Sourou parvint au siège du périmètre rizicole et se dirigea, tout mouillé, au bureau de l’administrateur Senahoun, qui, lui, était un habitué. Sourou émettait de légers aboiements et faisait quelques gestes empathiques autour du Docteur Senahoun. Il lui laissa le courrier à ses pieds. Le Docteur ouvrit le courrier pour le lire. Monsieur Senahoun ne tarda pas à imaginer que Koffi était vraiment dans l’urgence d’être secouru. Des consignes furent données et un chauffeur alla chercher un véhicule résistant pour secourir Koffi. Revenu au bureau de Senahoun, monsieur Koffi fut conduit à un vestiaire pour changer ses vêtements pour le travail. Pendant ce temps, Senahoun et Koffi allèrent au réfectoire rizicole afin de se régaler de mets chauds et succulents. Les pluies avaient cessé et déjà le soleil alimentait la végétation et les hommes de ses vitamines. Les ouvriers grelottaient, sous les lois de la fraîcheur de la pluie, et jouissaient des bienfaits de la chaleur du soleil. Il faut le souligner, l’astre du jour, qui nous éclairait, qui nous donnait de l’énergie, et qui nous annonçait aussi de belles récoltes après les pluies, avait séché la nature chargée de l’humidité. Le soleil dardait toujours ses rayons de plomb. À une centaine de mètres du bureau de l’administration se trouvait une terrasse dont la superficie avoisinait mille six cents mètres carrés. Cette terrasse servait de séchoir pour des tonnes de riz que venaient verser les chariots, Agrima. Sur la terrasse se trouvaient les ingénieurs Koffi, Senahoun et une dizaine de techniciens agricoles disposés en deux groupes et qui tenaient tous des blocs notes et de stylos pour écrire. Ils en étaient là quand arriva le Docteur, Agboton. Il était informé que l’ingénieur Koffi avait été battu par cette pluie torrentielle et que son ordinateur avait reçu des coups, ne pouvant plus être rallumé. Il le prit dans l’intimité, lui disant : -Koffi, mais tu ne dois donc pas ignorer que ton style de vie aristocratique ne rime pas avec les surprises que nous réservent les périodes de pluies torrentielles que nous subissons malgré toutes nos dispositions. Tu as tous les privilèges chez nous. Un coup de téléphone à l’un des personnels ne valait-il pas mieux qu’un chien de race pour nous donner un message dans les circonstances présentes? Rien n’équivaut à l’homme sur cette planète. Il est doté de toutes les facultés supérieures à celles des animaux. -Merci Docteur, Agboton, j’ai bien reçu les leçons de la nature par cette occasion où j’ai été sans battu sans mercie par cette pluie. J’aurai à payer le prix pour remettre mon ordinateur en bon état. Après ces moments difficiles, Koffi était parvenu à bout de ses recherches. Il a soutenu sa thèse d’ingénieur dix mois plus tard à la belle appréciation de ses examinateurs. La couronne de la gloire s’obtient au prix de risques, l’endurance face aux obstacles et la rigueur dans l’exécution de ses devoirs du quotidien. Je profite de cet envoi pour donner de mes nouvelles. Mon département la Charente Maritime est effectivement en alerte, et ça déborde de partout dangereusement.Je tiens à vous rassurer; je n’ai aucun problème. Je vis en hauteur, loin de la rivière de ma ville, qui a sacrément débordé. Elle alimente la Charente qui a dépassé son niveau d’alerte. Mais, comme je marche tous les jours avec mon chien, on marche dans la gadoue. Cela vous rappellera une chanson de Petula Clark. Pour l’heure, il ne pleut plus, mais il va falloir du temps pour que les niveaux baissent. Les champs sont gorgés d’eau. Je n’ai pas vu cette situation depuis 25 ans. Je remercie certaines d’entre vous d’avoir pris de mes nouvelles dans cette situation catastrophique. Je vous souhaite une belle semaine créative. Portez-vous bien, prenez soin de vous et gardez le moral, coûte que coûte! Créativement vôtreLaurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE |