Cette semaine, pour la proposition d’écriture N° 28, un homme se tenait devant une porte en bois. Vous l’avez mis dans de belles situations parfois, plus souvent en assistant à un mariage! Mais, sous votre plume, il est passé par tant d’émotions diverses!

Voici vos textes de la semaine:

De Michèle de France

« Oh mon Dieu, qu’elle est belle ! » se dit Thomas en voyant arriver Marie dans sa robe de mariée en dentelle, au bras d’Arthur, son père.
Pris d’une nausée subite, il sort précipitamment, s’agrippe au mur de l’entrée, pour finir assis sur la margelle du puits de la place de la mairie.
Il se remémore la vision de son arrivée avec son long voile, son chignon bas torsadant ses cheveux blonds, ses magnifiques yeux bleus et sa bouche… Ah, sa bouche couleur pivoine qu’il aimait tant embrasser.
C’est lui qui aurait dû l’attendre sur l’un des deux fauteuils dédiés aux mariés.
Oui c’est lui qui aurait dû épouser Marie !
Thomas panique. Du haut de ses 1m83, il a du mal à respirer et desserre son nœud papillon. Il pensait qu’il avait réussi à faire le deuil de ce jour, d’autant qu’il avait accepté d’être l’un des deux témoins.
Pourquoi a-t-il lâché Marie ? Pourquoi voulait-il tester autre chose ?
Il s’en veut d’avoir été si indécis alors qu’elle voulait se marier avec lui et avoir des enfants de lui…. Il n’était pas prêt, il a eu peur de s’engager et le break qu’il a réclamé lui a été fatal.
Il est même parti 6 mois à Londres pour parfaire son anglais, belle excuse ! Il ne répondait pas à ses lettres, si peu à ses appels et textos. Il était sûr qu’elle l’attendrait. Il se sentait maître de la situation.
Quand il est rentré en septembre, c’est elle qui a mis du temps à répondre à ses appels. Elle avait rencontré Paul, un avocat défenseur des mineurs, qui lui a fait la cour tout de suite au restaurant où ils avaient déjeuné avec un ami commun. C’est un homme droit, généreux, au regard franc qui souhaitait fonder une famille. Marie est tombée sous son charme. Et 4 mois plus tard, il l’a demandée en mariage.
Thomas se prend la tête entre les mains et sous ses larmes entend encore la voix de Marie lui expliquer cette période où il a perdu sa place.
Marie est une superbe fille, honnête, respectueuse qui n’hésite pas dans l’engagement.
Il sait qu’elle ne sera jamais sa femme.
Il lève les yeux devant deux jeunes gens qui s’approchent de lui et l’invitent à retourner dans la mairie pour l’échange des vœux. Il les suit en cachant ses yeux rougis derrière des lunettes de soleil.
La mort dans l’âme, il espère que la vie lui offre, rapidement, une autre Marie.

 
De Lucette de France
 
 
Tous les jours il est là, à peu près à la même heure. Toujours sur le même banc public, qui en fait n’attend que lui, car rares sont ceux qui posent leur séant à cette époque de l’année. Nous sommes maintenant fin octobre, et depuis presque une année, il est là tous les jours. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, il est là.
Pourtant il est loin d’être un S.D.F. Il est racé, habillé très élégamment. Costume trois pièces, gilet bien boutonné sur son ventre arrondi. L’été un chapeau clair, des lunettes de soleil, et des chaussures bien cirées. S’il fait trop chaud, il marche sa veste repliée sur son bras. Sa chemise blanche toujours impeccable, pas de cravate par les temps de canicule. Mais, les jours passent et les froidures arrivent. En ce moment, son costume est toujours impeccable, mais le tissu est un peu plus épais, ça ressemble à un beau coton dans les teintes marron. Et toujours un magnifique chapeau, toujours la même marque, un « Stetson » mais cette fois-ci, il est plus chaud. Il y cache sa calvitie, et son regard… Et chaque jour, toujours aux environs de 10 heures du matin, il fait le tour du square, s’arrête, regarde autour de lui, scrute le paysage, admire les fleurs par-ci par-là. Avec sa canne d’aristocrate, il remue les papiers qui traînent par terre, peut-être pense-t-il y trouver un message intime, un message secret, bref, quelque chose qui, pendant un court instant, le sortirait de sa mélancolie apparente…Et là, suivant le temps, il peut y rester des heures, il attend, mais il attend quoi ?
Un jour, je me suis prise de culot, et je l’ai croisé volontairement à son insu. Je l’ai bien dévisagé. Il m’est apparu bel homme, son regard a rencontré le mien, il m’a brièvement saluée en soulevant légèrement son chapeau. Je l’ai également salué, en pensant, « quelle classe ». Il m’intrigue beaucoup… Comme le matin je suis chez moi, j’ai tout loisir à l’épier sans qu’il s’en aperçoive… Comment pourrai-je l’accoster ? Une idée me vint. Mon chien de poche, mon beau « Chihuahua », appelé pour l’occasion « Mystère », va me servir d’alibi. D’ habitude, il est serré dans mes mains bien au chaud, et bien là ???…
J’ai attendu qu’il fasse beau, car nous sommes en automne, et mon chien est fragile. Il est là, assis à la même place, toujours aussi distingué, et arrivée à sa hauteur, je le laisse s’échapper. Je fais mine d’être affolée en l’appelant « Mystère ! Mystère », mais mon Mystère prend goût à la liberté et court plus vite que moi. C’est pour le coup que je suis en panique. Me voyant courir échevelée et apeurée, sans rien dire, il s’accroche à mon pas de course, et nous voilà à hurler « Mystère ! Mystère ! Reviens tout de suite !!! ». Tant bien que mal, on le rattrape. Pour la forme, je crie après lui. Mais il m’a bien punie, mon « Mystère » ; ma ruse n’a pas fonctionné comme prévu, mais finalement, le rapprochement s’est fait très facilement. On papote un peu, je le salue en lui disant « A demain ». Ça m’a échappé, je suis rentrée chez moi, un peu gênée de mon audace inopinée.
Pendant 3 jours je me suis interdit d’y aller. N’y tenant plus, j’ai pris mon courage, et je l’ai rejoint. Très content de me revoir, il me dit « Vous m’avez dit à demain, j’ai attendu, attendu et personne n’est venu »…
Nous avons décidé de nous revoir le plus souvent possible. J’ai parlé de ma vie avec ses joies, ses peines, ses bonheurs et ses malheurs. De la vie quoi… Et lui rien, il ne parle ni de son passé, ni du présent ni du futur. Ce silence m’interpelle, et ma curiosité l’emporte. Au bout de quelques semaines de relation, je lui en fais la remarque. Il baisse la tête, réfléchit et enfin une réponse arrive… Il y a 8 ans, (j’avais la trentaine), j’ai erré pendant plusieurs jours dans les rues. Après des questionnements auprès des autorités, ils ont compris que j’étais amnésique. Depuis quand ? Comment ? Aucun signe apparent d’agression. Un trou noir béant, mais qui suis-je? D’ où je viens ? J’ai été recueilli par un grand industriel, qui m’a officié «majordome», d’où mes beaux habits. J’ai appris le français, d’ailleurs, est-ce ma langue maternelle ? Il m’a donné tous les moyens financiers et moraux pour que je puisse m’en sortir et comprendre, comprendre oui, mais comprendre quoi ???
Huit ans après, un vague souvenir dans mon cerveau embrumé, je me vois assis sur un banc public. Celui-ci me plaît beaucoup, je regarde les péniches passer, je les envie d’avoir un port, savoir où aller. Moi, mon port c’est ce banc, à espérer que quelqu’un me reconnaisse un jour ou l’autre. D’où mon assiduité à y venir chaque jour. Eberluée, abasourdie, je ne m’attendais sûrement pas à entendre ça. C’est un vrai roman…Les semaines, les mois sont passés, on avance à petits pas sur un quai, qui peut-être nous mènera un jour vers un port, notre port…
 
 
 
 De Catherine de France

 
Ne pas se fier aux apparences.
David s’est mis un peu à l’écart, l’air soucieux. Aujourd’hui, pourtant, c’est un grand jour : c’est le mariage de son frère. Normalement, ça devrait être une bonne journée : il est très attaché à son petit frère, et sa future belle-sœur est vraiment sympa. Moins que sa femme, c’est sûr ! Parce que sa femme … c’est SA femme ! Il en est fou amoureux, et c’est bien là son souci du jour.
Tina est juste là, en bas des marches, en train de parler avec un type qui ne lui plait pas, mais alors pas du tout ! Il paraît que c’est le cousin de la mariée et qu’elle l’a connu au lycée : ils auraient fait les quatre cents coups ensemble, en première et en terminale.
Mais qu’est-ce qu’elle lui trouve ? Il est petit, trapu, imberbe, et son costume lui va comme un tablier à une vache : pas du tout le genre de Tina ! Lui, David, est son genre : beau gosse, svelte et sportif, la barbe bien taillée, un véritable Apollon dans le costume qu’elle a choisi pour Lui. Pourquoi est-ce qu’elle ne vient pas le rejoindre ? Les futurs mariés vont bientôt arriver, et ce serait bien qu’elle arrête là ses salamalecs avec ce type !!!
L’impatience commence à s’emparer de lui. Sa main, dans sa poche, joue fébrilement avec son briquet. Des petits rictus perturbent de temps en temps son visage, si doux quand il est serein. Il s’agite petit à petit, ne comprenant pas pourquoi Tina ne le calcule même pas.
Toute à sa conversation avec son copain de lycée, Tina ne perçoit pas le trouble de son mari. Elle partage avec Kévin leurs souvenirs communs, à coups de : « Et quand la mère Bruneau a fait ceci, tu te souviens …? » , « Oh ! Et puis le jour où…? », «  Tu as des nouvelles de…? » Elle rit de bon cœur à ces évocations. Parfois, Kévin lui pose la main sur le bras pour appuyer ses souvenirs, et ça électrise David qui commence à faire les cent pas dans son petit coin, le regard rivé sur eux.
Son visage se défait. Il sent l’énervement qui le gagne. Pourvu qu’il ne perde pas son contrôle ! Pourvu qu’il se reprenne ! Mais pour ça, il faut qu’elle arrête de minauder avec ce con qui s’esclaffe à pleines dents ! Il faut qu’elle revienne vers lui immédiatement, sinon, il ne répond plus de rien ! Comment ce freluquet ose-t-il s’accaparer SA femme ? SA Tina ? Et elle, comment ose-t-elle lui faire ça : l’humilier en public ? Car il se doute bien que les gens de la noce doivent se demander ce qu’il fait là, tout seul, sans SA femme.
En fait, elles sont toutes pareilles : il faut les avoir à l’œil, se méfier d’elles, leur montrer qui est le maître ! Enfant, il avait souffert des raclées que son père infligeait à sa mère. Il trouvait que son père était un salaud et il se rangeait toujours du côté de sa mère.
Aujourd’hui, il sait pourquoi son père agissait ainsi avec sa mère : c’était de sa faute à elle, tout comme aujourd’hui, c’est à cause de Tina qu’il est si perturbé.
Aujourd’hui, il a compris que, pour se faire respecter, il lui faudra apprendre à Tina qu’elle ne peut pas le traiter ainsi.
Aujourd’hui, ce ne sera pas possible, car c’est le mariage de son frère : il va lui falloir faire bonne figure pour la galerie, mais ce soir, en rentrant …
Il sert les poings à s’en faire exploser les jointures et va récupérer Tina, car les futurs mariés arrivent enfin pour la cérémonie.
 
 
De Laurence de France
 
Ca y est, je suis propriétaire. Quel bonheur ! J’ai réussi à acheter mon château aux enchères ! Me voilà châtelain, s’il vous plaît ! Nous ne sommes plus au Moyen-âge, mais je suis fier, j’ai pu accomplir mon rêve de gosse !
Pour la pendaison de crémaillère, j’ai invité tout le gratin du secteur : le notaire, les médecins, le juge, le maire et ses adjoints, les voisins et bien sûr, toute ma famille, éparpillée un peu partout en France. Ca leur fait des vacances de venir au château, comme ils disent ! Pourtant, ma demeure seigneuriale porte un nom : la Chillonnière.
C’est chic comme nom, non ? Mon château se situe non loin de Chinon, dans ce beau Val de Loire que j’ai connu pour la première fois enfant avec mes parents. Il est de style médiéval, avec son donjon modeste et ses anciennes douves recouvertes d’herbe bien verte. Il est construit en pierre, forcément, bien résistant et arborant fièrement ses huit cents ans.
Je me sens petit et  modeste malgré tout à ses côtés. Je n’occupe pas toutes les pièces ; certaines nécessitent des travaux importants. Mais, comme me voilà devenu châtelain, je vais rénover comme il se doit dans les règles de l’art. C’est ce métier désormais qui figurera sur tous les documents administratifs. J’admire mon acquisition depuis l’extérieur, les toitures en ardoises, dans la plus pure tradition de la région, les meurtrières le long des tours, les fenêtres à meneaux rajoutées à la Renaissance et la porte, cette magnifique porte en bois quelque peu vermoulue, encadrée par un cerceau de pierres de taille. Je me tiens, là, fier comme Artaban, dans un beau costume bleu marine, comme sur cette photo que mon frère a prise ce jour-là en mon honneur. J’ai même mis un nœud papillon pour immortaliser cette journée. Je me trouve beau. Le soleil brille, l’avenir s’annonce radieux !
 
Je sais que je vais devoir me retrousser les manches pour parvenir à redorer le blason de la Chillonnière. Je ne possède aucun titre de noblesse, mais, il me faudrait une châtelaine tout de même, pour que le tableau soit complet. J’ai dans l’idée de faire des chambres d’hôte de luxe, des visites pour les touristes, des soirées à thème selon le calendrier en costumes d’époque. Je ne manque pas d’idées pour faire vivre ma demeure. C’est plutôt les fonds qui font défaut, au vu des chantiers onéreux qui s’annoncent.
 
Mais, comment renoncer à un rêve d’enfant, à un coup de foudre qui fait de moi l’heureux propriétaire de mon château ? C’est vrai que le projet paraît fou et insensé. Aurais-je du renoncer pour autant ? Je veux impérativement rénover ma vieille bâtisse et la transmettre à mes enfants un jour.
Sauvegarder le patrimoine n’est pas chose simple, c’est sûr. Je suis propriétaire, j’ai donc l’obligation d’entretenir mon bien, car mon château est classé monument historique. Je vais passer dorénavant ma vie à apprendre différents corps de métiers, accueillir des clients, entreprendre. Ca coûte cher les rêves d’enfant ! Mais rien ne compte plus quand on est passionné ! J’ai la passion et la patience, qu’ajouter de plus ? J’aime mes vieilles pierres, je suis le gardien de mon temple, je suis un des maillons de cette chaîne multi centenaire depuis le premier possesseur ! Je relie le passé et le présent, en me préoccupant de l’avenir !
 
 
De Nicole de Belgique
 
 
Vittorio, mannequin trentenaire en tournage en Provence, prend la pose bras étendus, dos à une porte de belle facture. Sa coiffure undercut, sa pilosité, ses lunettes de soleil en écaille de tortue, un costume foncé, un noeud pap, une chemise blanche négligemment sortie du pantalon en font le summum de la mode façon executive man.
La photographe fulmine “Vittorio, tes plaquettes de chocolat sont en train de fondre, t’abuses de fast food et tu bois trop aussi, va falloir te reprendre mon grand, tu deviens difficile à vendre sur papier glacé!”.
Vittorio sait cela, douze ans qu’il fait ce métier.
Un physique avantageux façon “latin lover”, l’ambition de la célébrité à tout prix, il a tout connu, posé pour des habits, des parfums, des magazines de charme, un peu de porno, incognito visage masqué. Mais, le cinéma ou même la télévision qu’il convoitait, ses cours de comédie n’ont débouché sur rien de tangible, quelques publicités télévisuelles l’ont laissé sur sa faim.
Des aventures amoureuses, femmes, hommes, le sexe pas l’amour.
Cette vie a creusé le vide en lui. Une coquille de noix brinquebalée par le vent.
Est-ce une déprime, un ras-le-bol, est-ce causé par la cocaïne si présente dans son milieu de faux-semblant ?
Que faire du reste de sa vie ?
Vieillir, le mot épouvantail de la déchéance d’un beau mec : soins divers, muscu, anabolisants, un parcours du combattant à envisager, en aura-t-il la force ?
A côté de sa main gauche une sonnette, un nom Professeur Delavigne, coaching de vie. Une telle coïncidence, à un tel moment…
D’un doigt timide il appuie, une musique planante, la porte s’ouvre
“Entrez voyageur, laissez derrière vous ce monde cruel, la quiétude vous attend ici.
Authenticité, sophisme ou syncrétisme new age.
Il entre. Il part à l’exploration de ce nouveau monde, son Moi profond.

 
Pour la proposition d’écriture N° 29, il vous suffit d’écrire une histoire à partir d’une liste de courses! Trop cool…!!

Chaque semaine, vous recevez une porposition décriture, pourquoi ne pas vous lancer? Il n’y a que le premier pas qui compte et qui coûte…

Chaque proposition d ‘écriture est un jeu.
Laissez-vous guider par votre intuition, vore imagination, votre envie d’écrire!
Laissez filer vos idées au bout de votre plume!

J’ai hâte de lire vos nouvelles créations.

Pensez à m’envoyer vos créations via la rubrique “me contacter” du blog La Plume de Laurence.

Créativement vôtre,

LAURENCE SMITS, La Plume de Laurence

 


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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