Quel délice de lire vos histoires de bêtises d’enfant pour la proposition d’écriture N° 137.

Que du bonheur enrubanné avec vos mots! Que d’émotions!

Je vous laisse découvrir ces textes enchanteurs. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Patricia

Drôle de bêtise…

Quand j’étais toute petite – je devais avoir deux ou trois ans – ma grand-mère paternelle est venue vivre chez nous quelque temps.
L’appartement de mes parents était grand, mais il n’y avait pas de chambre d’amis pour l’accueillir. Toutefois, nous avions une entrée immense, qui desservait toutes les pièces de notre maison. Mon père avait donc installé un canapé convertible dans cet espace central et, une fois que toutes les portes des autres pièces étaient fermées, mon aïeule s’y sentait comme chez elle…
Son plaisir, le soir, était de lire dans son lit, à la faible lumière de sa minuscule lampe de chevet.
Je ne sais pas comment m’est venue l’idée de faire ce que j’ai fait ni comment je m’en souviens encore d’ailleurs !
Toujours est-il qu’un soir, alors que mes parents regardaient la télévision dans le salon, que ma mémé était couchée et lisait tranquillement, la tête tournée à l’opposé de la porte de ma chambre, j’ai discrètement décidé de sortir tous les jouets et doudous de mon coffre, un par un, et de les disposer au pied de son lit.
Je me rappelle que je les mettais côte à côte, minutieusement et silencieusement… faisant mes allers et retours sur la pointe des pieds et le souffre court ! Sans avoir conscience que ce pouvait être une « bêtise » en soi, je savais bien que je le faisais en cachette et c’était là tout l’amusement de ce jeu !
Et puis, toutes les bonnes choses ont une fin… J’avais déjà décoré, d’une flopée de joujoux, tout le côté gauche du lit de mémé et j’arrivais à l’extrémité sud, risquant à tout moment de me faire « pincer » par mon aînée, quand maman ouvrit brusquement la porte du salon et apparut dans son entrebâillement faiblement éclairé.
Je levai les yeux et m’attendis à des reproches, mais je crois qu’elle sourit. Elle m’interrogea doucement sur ce que je faisais là. Ma grand-mère, prenant alors conscience de ma présence, se retourna. Elle dut se demander comment elle avait pu ne pas se rendre compte de mon petit manège, mais à l’époque, les personnes âgées n’étaient pas aussi bien équipées qu’aujourd’hui en matière d’assistance auditive, donc il se peut qu’elle fût un peu sourde…
Maman m’aida à ramasser tous les jouets et à les remettre dans mon joli coffre en bois. Elle me coucha, remonta la couverture sous mon menton, m’embrassa et me souhaita une bonne nuit.
Je n’ai jamais recommencé ce petit jeu et ma grand-mère finit par emménager dans le studio voisin de notre appartement, si bien qu’elle ne risquât plus de me retrouver, la nuit, au pied de son lit !

De Danièle

Quand j’étais enfant…

Une bêtise, bien oui, j’ai souvent fauté !
J’étais fille unique jusqu’à trois ans, puis est arrivé un petit frère, cela ne me plaisait pas car je perdais mes avantages, ma mère s’occupait toujours de lui en premier, et moi à part me faire la toilette et m’habiller, je n’avais pas les câlins que je souhaitais.
Il a grandi et s’est retrouvé dans une chaise haute. A l’époque, nous habitions dans un immeuble dit bourgeois de Versailles, en étage, et ma mère devait descendre régulièrement en sous-sol pour recharger les seaux de charbon. Il y avait un gros poêle dans la grande pièce principale de l’appartement, et mon petit frère était dans sa chaise, proche du poêle, car l’hiver il faisait froid, et il était petit, donc ma mère l’avait mis à un mètre environ du poêle qui était proche de s’éteindre, d’où la descente rapide à la cave pour du charbon.
Moi, qui était jalouse je pense, il était super calme, gentil, il devait avoir 8 ou 9 mois, c’était un gros bébé bien sage, mais il me gênait, alors tout est passé dans ma tête, je ne sais plus….Mais, la chaise haute ayant des roulettes pour la déplacer plus facilement, je mes petits bras de 3 ans, j’ai poussé la chaise, à la limite du feu…….si bien que si ma mère n’était pas remontée de la cave avec précipitation, le pauvre petit frère aurait eu des brûlures…….Je l’avais poussé à ras du poêle !
Ma mère, ouvrant la porte, a laissé les seaux de charbon et s’est empressée de reculer le petit frère et de regarder s’il n’avait pas été brulé.
Quand ma mère a dit : Mais que voulais-tu faire à ton frère ? J’ai simplement répondu : « je ne veux pas de petit frère, je veux être seule ici… ».
Qu’est ce qui m’était passé dans la tête ? Je ne voulais pas le tuer, ni le brûler, je voulais lui faire peur, mais il était trop petit pour comprendre……Heureusement que la maman est arrivée, pour éviter des dégâts inévitables…
C’est une bêtise, une sacrée grosse bêtise……..ça a failli être homicide par imprudence ! !
Voilà la réaction d’une sœur restée seule 3 ans dans le foyer…
J’étais presque jalouse quand ma mère lui donnait le biberon, alors que j’avais eu tout ce qu’il fallait en son temps, il m’arrivait de sucer la tétine pour constater s’il restait une goutte…….
Et des bêtises, je pense que j’en ai faites beaucoup dans ma jeunesse…….car deux ans, après un autre petit frère arrivait ! Alors ? Je ne pouvais pas, à 5 ans, à la seconde arrivée, faire trop de grosses bêtises, mais j’avais mon caractère.
J’avoue avoir constaté que ma première petite fille avait agi un peu pareillement à l’arrivée de sa petite sœur. Une certaine jalousie qui pousse à se faire remarquer pour prouver que l’on existe……encore !


2e texte de Danièle

L’arbre au milieu du jardin

Je l’ai connu tout petit, il venait d’être planté, il était, disons rachitique, mais le jardinier avait dit : ce sera un bel arbre. Donc, il a été soigné, arrosé, et effectivement chaque année, il prenait de l’ampleur, il faut dire qu’il était dans un endroit bien irrigué puisqu’en dessous, il y avait une nappe phréatique, donc il ne devait pas manquer de se nourrir.
D’ailleurs, ses racines étaient importantes , car certaines s’étaient rendues visibles dans un autre lieu du jardin, à environ 5 mètres, pas mal pour un arbre qui ne mesurait pas plus de 1m80 de haut.
Puis petit à petit, s’installèrent autour de lui ses racines, tout du moins une partie de son cerveau. A regarder, ça faisait très beau , on aurait dit une sculpture, avec de grosses racines par rapport à la grosseur du tronc de celui-ci. Puis, au fil des saisons, l’arbre avait grandi, avait eu de jolies feuilles qui étaient tombées d’une couleur orange mordoré, puis après c’était la saison de repos pour cet arbre.
L’hiver, il voulait se ressaisir et se préparer pour la prochaine saison, plus de feuilles, mais toujours de très belles racines. Il était en bonne santé, son tronc laissait perler une belle sève
couleur miel, et nous avions mis en dessous de cette petite faille, un gobelet pour récupérer cette sève.
Au printemps, très rapidement, des bourgeons, puis de petites feuilles que l’on prenait pour de la salade nouvelle, qui nous donnait envie de croquer ! Très vite, notre arbre d’enfance était devenu un grand et bel arbre, avec de magnifiques feuilles, qui faisaient de l’ombre à tout le jardin. C’était une belle réussite car nous n’avions pas la main verte comme on dit……L’été, sous notre arbre, il était plaisant de boire un coup, ou de manger un brin…..
et en dessert, nous allions cueillir dans les autres arbres : cerises, abricots, et kakis……Un jardin sympa!
Puis, l’automne arriva, dénudant notre arbre, et petit à petit, il était nu au milieu du jardin, nous allions remettre des petits pots pour recueillir cette sève si gouteuse.
Au moment de Noël, nous avons décidé maintenant qu’il était grand, fort avec de belles branches, de l’orner de guirlandes lumineuses. C’était magnifique ! Puis, il fut décidé de prendre “l’apéro” dehors avec des amis, et des petits gâteaux, des amuse bouches, des petites quiches lorraines, et en dessert notre mère avait fait une belle génoise, et là, surprise………………….Nous avions devant nous, chacun un petit ramequin de sève de notre arbre.
Quelle surprise ! oh ! quelle merveille…………….Ce fut une belle surprise, bien sûr, certains avaient deviné que cette surprise, c’était de la sève de notre érable canadien……du miel à vrai dire, mais moins chargé en sucre !
Une sacrée soirée, car bon nombre des convives ne connaissaient pas le sirop d’érable…
Un arbre, oui, mais on peut dire, un arbre fruitier ! Et le premier à tester était notre frère qui avait des maux de gorge, et hop le lendemain, grâce à notre érable, ça allait mieux……
La nature est vraiment belle à celui qui veut la découvrir.

De Lucette

Des bêtises, j’en ai beaucoup à raconter, de mon enfance, de mes animaux ou de mes petits-enfants. Mon choix est fait : je vais revivre un grand moment de mon enfance…
Nous étions 3 jeunes enfants et adorions aller en forêt avec notre mère. Nous sortions d’un hiver rigoureux, le printemps nous souriait, ce jour-là, ma mère voulut nous emmener en forêt. Quand je dis forêt, c’est avec mon ressenti d’enfant, en fait, c’était un immense bois de plusieurs hectares, qui s’appelait le bois de la montagne.
Nous voilà partis avec le goûter du « quatre heures », du pain avec un carré de chocolat. Tout heureux, on gambadait devant elle. C’était tellement rare, que ces moment-là étaient sacrés.
Ma mère avait prévu un panier d’osier, car c’était la saison des morilles. Après des kilomètres, nous arrivâmes enfin sur notre lieu d’espoir, pour manger le soir une bonne omelette aux morilles…
Nous étions les uns près des autres, jamais loin de notre mère. Ah ! maman j’en ai trouvé plusieurs, on entendait que des cris de joie. Ma mère pareil, elle remplit son panier en un rien de temps. Nous nous sommes assis dans une clairière et avons « dégusté notre quatre heures ».
Au loin, on voyait le soleil se coucher tout doucement—nous n’étions que début avril. Ma mère nous dit de le regarder avec ses belles couleurs qui irradiaient le ciel.
—Bon, décida-t-elle, on rentre.
On la suivit confiants, elle tourna, retourna, contourna, elle ne trouvait plus son chemin. Et le soir commençait à envahir le ciel. Ma petite sœur et moi, on pleurait toutes les larmes de notre corps. Mon frère, lui, restait stoïque et cherchait avec ma mère l’issue, le trou dans la forêt qui nous mettrait sur le bon chemin. D’un seul coup, ma mère s’arracha un cheveu, glissa son alliance et chercha à savoir si on était situés au nord, au sud ou ailleurs. Mon Dieu, quelle peur nous avions à la voir avec ses gestes mystérieux. Son expérience n’a rien donné, alors, elle criait à répétition de toute ses forces « Hou ! Hou ». Il n’y avait que son écho qui répondait…
On marcha et on marcha encore, et on pleurait toujours plus. On se voyait coucher sous les arbres, dévorés par les loups…Après des heures d’angoisse, ma mère nous demanda le silence, elle entendit du bruit. En effet, les voitures étaient très rares à l’époque, nous étions en pleine campagne, donc, elle entendit un bruit de moteur. Et du haut de notre bois de la montagne, nous vîmes avec nos yeux d’enfants, une voiture miniature tellement nous étions au plus haut de cette forêt. Donc, on fonça droit dans cette direction, et enfin nous étions sur une route. Nous avions encore plusieurs kilomètres à parcourir, mais nos peurs et nos pleurs avaient cessé.
Quand nous arrivâmes chez nous, notre père était inquiet de notre si longue absence (pas de téléphone portable, c’était avant…). Ma mère lui expliqua succinctement notre péripétie, mais au vu de toutes ces morilles, cet épisode fut vite oublié.
Mais pas pour moi, depuis tout ce temps, j’ai toujours peur de me perdre et de ne plus retrouver ma route.
Merci maman, tu nous as fait bien peur, et tu vois, tant d’années après, je peux décrire toutes mes émotions de petite fille, qui m’ont à jamais rendues peureuse sur bien des points…

De Lisa

Ah ! Une bêtise d’enfant peut rester dans notre mémoire à l’âge adulte. Mais avec le temps, le père et la fille oublieront ce mauvais moment car l’amour paternel est plus fort qu’une bêtise d’enfant.

Si jamais elle oublie la première bêtise
En tant que père, il en fera le rappel
Si jamais, la vie leur fait oublier
Ce moment où ils auraient pu en parler

Si jamais elle a peur que la bêtise revienne
Oublie ! Car le papa aura de la peine
Aujourd’hui, il est à tes côtés
Alors à deux, ils vont avancer !

Ils se perdront, c’est sûr et pour longtemps
Ils se retrouveront pour en rigoler à plein temps
Ils se retrouveront comme enfant et Papa
Ils pardonneront la dispute de ce jour-là

Il est tombé à ses pieds
Il est touché et personne pourra les séparer
Il est fou de sa princesse, sa beauté, désormais

De Françoise V

Bien souvent, les bêtises d’enfants se font au moindre écart de surveillance des parents.
Mes bêtises d’enfants:
A 5 ans, quand on a des idées, on les met en pratique sitôt qu’on le peut. J’avais un programme à respecter.
Il fallait d’abord que je décore mon petit lit en bois blanc. Je le trouvais triste et bien vide de couleur. Je m’enferme dans ma chambre. Personne à l’horizon… je vais être tranquille. Fouillons un peu dans le carton des peintures à l’eau. Vite un gobelet d’eau volé à la sauvette à la salle de bains, ni vu ni connu. Pinceau en main, j’y vais… Tous les bords du lit blanc se sont transformés en frises arc en ciel, en fleur, en maison au jardin, en soleil d’été…. Une magie ! Un renouveau, mon lit avait changé d’allure. Ah, mince alors j’ai pas d’eau…Si je me fais surprendre, ma mère va se demander pourquoi… Pas de panique, je cracherai sur les pastilles de gouache autant que je pourrai pour faire glisser le pinceau. J’ai dû mouiller avec ma salive de nombreuses fois pour que la peinture accroche. J’y suis arrivée, mais qu’est-ce que c’était long ! . Pas besoin de signature… mon ADN était répartie partout, mon œuvre était authentique. J’étais fière de mon travail. Ma mère ne l’a vu que le soir, au moment de me coucher…. Alors…
Mes projets ne devaient pas s’arrêter là. Tenace et persévérante, quelque chose sur le piano de la salle à manger m’intriguait. Une pendule, dont le balancier tournait en rond, me fascinait. Mais, je trouvais que les aiguilles ne bougeaient pas. Je ne comprenais pas que l’heure changeait alors que rien ne se passait sous mes yeux. Protégée d’un magnifique globe en verre, il fallait soulever d’abord le globe délicatement pour atteindre les aiguilles dorées pour les faire avancer. De belles grandes aiguilles fines me tendaient les bras.
J’ai attendu, patiemment, que ma mère descende à la cave pour ranger ses conserves afin de faire ce qui me démangeait depuis quelques jours. D’abord, il fallait que je me serve du tabouret du piano, puis grimper dessus pour atteindre la pendule. Me voilà debout devant mon affaire, personne pour me regarder. Je soulève le globe délicatement, le pose à côté sans le casser. Mes petits doigts ont tourné les aiguilles à l’envers pour qu’elles avancent plus vite à mon goût. Je les ai tordues et j’ai bloqué le système du balancier. La pendule avait un air de lendemain de fête. J’ai reposé le globe sur la pendule toujours sans rien casser. Ce n’est que tard dans la journée que ma mère s’est aperçu que quelque chose s’était passé ….au-dessus du piano.

Les bêtises de mes enfants :

Vingt-deux ans plus tard, mon fils aîné a redoublé d’imagination avec ses bêtises d’enfant de deux ans. Lors de travaux de réparation d’une cloison dans notre appartement, mon petit garçon avait observé attentivement les faits et gestes du peintre. Le chantier terminé, un jour que j’étais dans ma cuisine, il s’enferma dans les toilettes. « Tiens, un morceau de papier peint mal collé, c’est tentant de tirer dessus le lé ». Amusant, non de voir bouger le papier sur le mur ? Il ne se priva pas pour prendre l’eau dans la cuvette avec sa dînette afin d’arroser et en même temps afin d’y goûter… Ah oui ! Si non ce ne serait pas drôle. Je remarquai le papier décollé rapidement. Mais pour le reste, ce n’est que le lendemain que la diarrhée et son manque d’appétit me fit comprendre ce qui avait bien pu se passer. Rien de grave heureusement !
Ce ne sont pas de très grosses bêtises jusqu’à présent… mais ce garçon avait développé un esprit d’entreprise, d’inventeur… Quand il était au collège, la chimie lui plaisait bien. Il eut envie de bricoler une expérience avec un tube à essais. L’explosion d’un produit chimique tacha le plafond. Heureusement, pas plus de dégât que cela… mais … il fallut repeindre avant de quitter le logement.
En allant cherchant l’aîné des garçons à la maternelle, le deuxième petit, qui n’avait que deux ans, a profité de mon temps d’entretien avec la maîtresse pour verser un pot de peinture bleue dans le bocal au poisson rouge. Rubis n’en croyait plus ses yeux : le monde du grand bleu était sous ses yeux. Il tournait en rond cherchant la sortie ! Le pauvre, il a fallu rincer « illico presto » le bocal dans le lavabo pour sauver Rubis de cette mauvaise farce. Le petit avait les yeux grands ouverts. Le bocal teinté était si beau à ses yeux ! Il ne comprenait pas l’agitation qui régnait autour de lui. La maîtresse a bien dit « Ah ben celle-là on me l’a jamais fait ». Il était 11h45, la maîtresse était en retard sur son temps de pause… la conversation a été écourtée pour raison de survie et de ménage…. il y eut un peu d’électricité dans l’air…. Mais le poisson était sauvé !
Il est arrivé que je fasse garder mes trois fils par un étudiant un soir. Ce jeune n’avait aucune autorité. Il ne pensait qu’à jouer avec les enfants. Course poursuite, cache cache, repas dans le salon, jeux de société… Super ! Mais lors d’une bataille de coussins, le deuxième de la fratrie mit en bas une magnifique maquette d’un bateau du XVIIe siècle (Mayflower) confectionnée par son cher papa . Nous avons retrouvé les mâts dans l’état d’une forêt après tornade ! Il a mis du temps à avouer, mais il s’est dénoncé, le cher enfant !
Mon troisième fils aimait imiter ses grands frères. Il était en âge d’apprendre à cirer ses chaussures. Je lui donne du cirage noir, lui explique le geste. Il s’applique. Je le laisse terminer seul et faire la même chose avec la deuxième chaussure. Il se chausse. Sur le carrelage, j’observe ses pas qui laissent la trace noire d’une semelle seulement. Tout le sol de la maison était marqué de son pas, carrelage, escalier, tapis, etc …. Le petit avait ciré la semelle de la deuxième chaussure dans son intégralité, dessous et tout autour… un travail de perfectionniste. Un pro !


De Claudine

Les bêtises

Comme chaque été, nous partions de Paris vers notre ancienne maison dans la campagne castelbriantaise. Jusque-là, rien d’extraordinaire.
J’avais 12 ans et l’habitude d’aider ma mère dans différentes tâches. Il faut dire qu’elle était toujours fatiguée et me laissait gérer, plus ou moins, la petite maisonnée.
Je la remercie car je suis devenue une fine cuisinière passionnée à force de potasser les livres de cuisine de mes grand- mères.
Dans notre habitat parisien, il y avait une antique machine à laver ; dans notre maison rurale, il y avait un grand baquet. C’était l’époque où le linge « cuisait » dans de grandes, très grandes marmites en fonte sur un feu de bois allumé très tôt le matin. Et que les anciennes touillaient régulièrement. Elles jouaient le rôle du tambour batteur.
En général, tout se passait bien car les aïeules ne connaissaient que ce mode de lavage. Le rinçage se faisait dans un lavoir où chaque habitante se réunissait avec ses copines et commères.
A Paris, ma mère avait l’habitude d’utiliser un produit en berlingot, qui disait-elle, assainissait le linge blanc. Ce qui était vrai car nous avions des draps toujours impeccables.
Les vacances toujours agréables à cause de nos anciennes amies de classe et de la totale liberté dont nous bénéficions touchaient à leur fin.
A quelques jours du départ vers Paris, ce fut le branle-bas de combat. Ma mère, débordée, m’a demandé de l’aide pour la grosse lessive familiale. Après que le linge avait été malaxé dans le chaudron, il ne restait plus qu’à le rincer. C’est là, que je devais intervenir.
La galère quand on a douze ans et plein de copines et copains avec qui il a forcément mieux à faire. Pour ne pas la peiner, j’ai accédé à sa demande, mais pas question du lavoir avec les « vieilles ».
J’ai attrapé les seaux – nommés saille dans le patois du coin – que j’ai remplis à l’eau du puits ; hé oui, c’était encore assez archaïque en 1960. Ca a changé depuis, fort heureusement.
Je remplissais avec ardeur et rapidité l’énorme contenant en fonte, aidée par ma sœur et une camarade. Ma grand-mère avait des draps et des serviettes très bucoliques où fleurs et papillons donnaient de la gaité à nos nuits. Des chemises de nuit romantiques également fleuries accompagnaient le linge de maison.
Après avoir bien tortillonné tout ce linge pour évacuer l’eau lessivielle, j’ai mis sans ménagement, la brassée de linge dans une grande bassine remplie d’eau par mes « assistantes ». Sans avoir oublié l’eau magique qui rend plus blanc que blanc.
Je suis repartie vagabonder avec les amies en attendant que l’opération soit terminée.
Et quand je suis revenue quelques heures plus tard, certaine que la lessive était prête à passer à la corvée du deuxième rinçage, avant de chevaucher le long fil bien trop haut pour moi. C’est avec le renfort des cousins plus grands que je m’apprêtais à faire l’opération. Oh, la surprise !
Fleurs et papillons avaient pris la clé des champs ; seules quelques vagues couleurs ternes attestaient de leur existence antérieure. Tous les textiles étaient devenus d’une couleur inqualifiable. Les vaillants cousins ont pris la fuite, les traites, conscients que ça allait barder dans la chaumière.
Comme j’avais beaucoup de mal à retirer du baquet, les tissus aux teintes douteuses, j’ai appelé ma mère et ma grand-mère à la rescousse.
Beaucoup d’années ont passé, mais j’entends encore leurs cris face au désastre.
Sacrée Javel, à chaque fois que je t’utilise, intelligemment désormais, je revois la scène et le linge tout décoloré.
Et ma grand-mère qui disait : « C’est pas Dieu possible, mais pourquoi cette gamine est si tête en l’air à certains moments ; c’est pas Dieu possible de si beaux draps, de si belles chemises ».
Pour le coup, l’expression ‘être dans de beaux draps’ pouvait se concevoir.
Ce qui me fait encore sourire, car ce « drame » fut le sujet de conversation dans le hameau pendant plusieurs jours. Il faut dire qu’il n’y avait pas internet pour commander chez Françoise Saget ou chez Linvosges , d’où provenaient d’ailleurs les magnifiques pièces saccagées, achetées lors d’un voyage dans la grande ville distante de 40 kms ; une expédition pour les plus anciennes.
La punition, elle ne m’a pas amusé, mais bon, ce fut simplement un mauvais moment à passer. Et aujourd’hui, un souvenir qui me ramène à des jours heureux.


De Joëlle

Bravement il a couru,
Et sans souci il a sauté
Tapis d’orties l’ont réceptionné.
Instantanément, il a compris
Sur ses bras et jambes nues, il a senti
Evidemment, de pustules il s’est couvert

Père et mère se sont précipités
Avec la crème magique, ils l’ont frotté
Retenant avec peine colère et rires mêlés
Devant leur garçon qui crânait : Même pas mal !
Oui, c’est ça les enfants,
Niant leur imprudence, ils agissent.
Négligeant les conseils, ils essayent.
Et la morale de cette histoire : pourrait être
« Expérience tentée assure l’apprentissage ».

De Patricia

—Tu vois ce bout d’herbe ?


Loïc montrait du doigt une longue tige plus large et plus verte que ses semblables parmi les brins de la pelouse sur laquelle ils étaient installés pour leur pique-nique hebdomadaire et bucolique.


—Quoi ? demanda-t-elle.
—Là, cette tige ?


Il insistait et la regardait, les sourcils froncés.


—Tu ne vois pas qu’elle est différente des autres ?
—Ah oui, peut-être, répondit-elle distraitement, peu intéressée par le sujet.
—Bah, quand j’étais petit, je m’en servais pour siffler. J’en prenais une entre mes deux pouces et je soufflais doucement. Ça faisait un gazouillis strident.

Elle leva les yeux vers lui, désabusée…

—Ah ouais ? Bah, moi aussi. On l’a tous fait non ?
—Ah, bon, fit-il, déçu. Je ne savais pas que tu connaissais.
—Si, je connais, voilà !

Elle inclina à nouveau la tête vers l’objet de toute son attention, un minuscule cahier de dessin posé sur ses genoux, qu’elle noircissait de croquis d’oiseaux admirés dans la nature.
Chaque semaine, leur rendez-vous dans ce parc lui permettait de s’adonner à ses deux passions : les animaux à plumes et le graphisme.
Il la regarda, dubitatif. Elle l’ignorait complètement, le visage penché sur son carnet.

—Tu dessines quoi ?
—Un étourneau.
—Mais, il est où ton modèle ?

Elle lui répondit, levant le bras et tendant son index devant elle, énervée :

—Bah, il était sur cette branche il y a deux minutes, mais tu l’as fait fuir quand tu as bougé en tripotant l’herbe. Donc là, j’essaye de finir mon dessin de mémoire…

Toute à son œuvre, elle plissait les yeux et tirait légèrement la langue. Auparavant, cette petite mine concentrée le faisait littéralement craquer ! Mais aujourd’hui, ça l’énervait prodigieusement !
—Ah pardon mademoiselle. Désolé d’avoir fait disparaitre le modèle de ton illustre esquisse ! lança-t-il, avec ironie.

Stupéfaite de son ton, elle abandonna son croquis et le fixa droit dans les yeux.

—Bah, tu sais bien que je viens ici pour ça, alors oui, ça m’embête que tu aies fait partir mon oiseau.
—Tu oublies que c’est un animal sauvage donc c’est pas « ton » oiseau. Et puis, je ne savais pas qu’on venait ici uniquement pour ça ! Je croyais que ça te plaisait nos déjeuners sur l’herbe au milieu de cette verdure.

Disant cela, il embrassa du regard les alentours et tendit les bras, montrant le décor champêtre dans lequel ils étaient installés. Ils étaient assis sur un plaid posé sur une jolie pelouse verdoyante, à proximité d’un bosquet embaumant et d’un magnifique laurier rose en fleurs. Légèrement sur les hauteurs du parc, non loin, ils pouvaient apercevoir la forêt de Notre-Dame sur la gauche et à droite s’étendait une prairie dans laquelle des chevaux broutaient leur foin, nonchalamment.
Au-delà d’une petite barrière, le chemin caillouteux s’en allait vers le village dont on entrevoyait les premières maisons. Il faisait beau, mais pas trop chaud. C’était le printemps. L’univers autour d’eux était bucolique à souhait, mais le couple ne semblait pas s’en rendre compte.
Joëlle posa son crayon et soupira. Elle leva son magnifique regard vers Loïc, puis elle contempla le paysage autour d’eux et soudain, une larme roula doucement sur sa joue.
Loïc se tut. Il retint sa respiration. Il sentait que l’équilibre de cet instant était précaire et que tout allait basculer…
Elle fit la moue puis ouvrit sa jolie bouche et annonça :

—Loïc, je pense qu’il faut qu’on arrête.

Il resta un moment sans bouger, puis, sortant de sa torpeur, il comprit et sans mot dire se mit debout, d’un geste souple. Il épousseta son pantalon machinalement et observa la jeune femme une dernière fois. Pourtant, auparavant, elle lui plaisait tant… Mais tout le monde change.
Il souffla juste :

—Oui, je crois que tu as raison.

Puis, il enfouit ses mains dans les poches de son jean, tourna les talons et se dirigea vers le chemin menant au modeste village. Elle le regarda s’éloigner, puis haussa les épaules, renifla un bon coup et se replongea dans son croquis, avec un entrain teinté de tristesse.
À bien y réfléchir, elle se dit qu’à un moment donné, il n’y avait qu’une seule question à se poser quand on était en couple : « est-ce qu’on est plus heureux ensemble ou plus malheureux séparément ? ». Si la réponse est non dans les deux cas, alors autant se quitter.
Les pensées des deux ex-amoureux avaient dû suivre le même cheminement et aboutir à pareille conclusion. Tout de même, arrivé à la petite barrière, Loïc s’arrêta. Il hésita, mais se décida finalement à se retourner, une dernière fois. Joëlle dut sentir son mouvement plus qu’elle ne le vît et leva les yeux. Ils se regardèrent tendrement, sans haine aucune. Leur couple s’était éteint tout en douceur et c’était triste, mais un jour peut-être pourraient-ils redevenir des amis ? Qui sait ?

De Catherine

Le goût de l’aventure

Elle avait vécu cet événement comme dans un cauchemar, ou dans un mauvais film. Pourtant, la journée avait été belle, une belle journée partagée en famille, avec des amis, au bord d’un magnifique rivière un peu sauvage, surplombée d’une rangée de falaises où les enfants avaient pu s’initier à l’escalade. Une journée ressourçante et insouciante, dans le plaisir d’être ensemble.
Et puis, le soir venu, la décision fut prise de plier bagages et de remonter aux voitures, stationnées assez loin sur le plateau. Une nouvelle balade à pied dans un large chemin qui serpente en remontant à travers la forêt. Ils avaient vu Florian partir en courant, toujours plus pressé, plus malin et plus indépendant que les autres, mais ils ne s’en étaient pas souciés outre mesure car il n’y avait pas de danger : le chemin était praticable et aboutissait directement sur le parking. Le gros de la troupe s’était acheminé au même rythme. Seul l’éclaireur faisait bande à part en solitaire.
Mais arrivés aux voitures, Florian manquait à l’appel. Ils eurent beau chercher, appeler, pas de réponse. Alors la panique s’était emparée d’eux. Le soir commençait à tomber, le soleil avait décliné et l’urgence devint pressante.
Son instinct de mère avait pris toute la place et lui avait donné des ailes. Agir, et vite… il fallait agir. Elle se mit à courir pour refaire le chemin à l’envers, questionnant les derniers promeneurs : « Vous n’avez pas vu un petit garçon, six ans, avec un tee-shirt bleu ? ». Elle hurlait son nom tout en échafaudant des plans d’action : appeler les gendarmes, faire une battue… Tout ce qui devait être fait pour retrouver son fils. En tous cas, il était hors de question qu’elle quitte cette forêt tant qu’elle ne l’aurait pas récupéré. Elle y passerait la nuit s’il le fallait. Les larmes mouillaient ses joues, les sanglots troublaient ses appels désespérés qui faisaient écho à ceux des autres. Parfois, l’angoisse et le désespoir lui coupaient les jambes et elle s’effondrait sur le sol. Plus d’une heure était passée sans aucune trace de Florian.
Et puis, d’un coup, les appels avaient changé. C’était son prénom à elle qui courait les bois. Ceux d’en haut criaient son prénom. Alors, elle était remontée en courant vers le parking et avait enfin aperçu son fils, tout penaud au milieu des autres. Elle s’était approchée, haletante : « T’étais où ? Mais t’étais où ? » Lui pleurait, mais elle n’avait rien trouvé de plus intelligent que de lui mettre une tape sur les fesses, avant de s’écrouler à ses pieds et de le serrer dans ses bras .
« J’ai eu tellement peur que tu sois perdu et que tu doives passer la nuit tout seul dans la forêt. J’ai même pensé qu’on t’avait enlevé! »
Alors, à travers ses larmes, car lui aussi avait eu peur, il avait raconté qu’il avait voulu prendre un raccourci à travers la forêt pour aller plus vite et arriver le premier, et qu’il s’était perdu. Qu’il entendait qu’on l’appelait mais ne savait pas d’où ça venait…
Au bout du compte, une très bonne journée qui avait quand même failli tourner au drame. On dit qu’on apprend de ses erreurs. Florian aura-t-il compris que se croire plus malin que les autres pouvait se retourner contre lui ? Que rien ne vaut la sécurité d’un groupe, surtout s’il y a des adultes ? Qu’on ne peut partir sans précautions ni prévenir les autres de ses intentions ? Pour le moins, il aura compris combien il était précieux pour les siens, et ça, ça n’a pas de prix.

De Marie-Josée

Vive les haricots

Branle-bas de combat à la maison comme tous les jours, Antoine n’est pas du matin, Marie non plus, elle le comprend que trop bien, les chiens ne font pas des chats.
—Allez Antoine, plus que quelques jours avant les grandes vacances et ensuite tu pourras faire des grasses matinées autant que tu veux, lui dit-elle pour le motiver.
—Il fait chaud, on va se baigner quand ? demanda-t-il.
—Bientôt. Allez ouste, si cela continue je vais finir par être en retard au travail et ce n’est vraiment pas le jour, grommela-t-elle.

Elle lui mit les chaussures, saisit le petit sac et le traîna jusqu’à la voiture. Arrivés à l’école, ils virent des parents repartir avec leurs enfants et Antoine s’exclama :
—Youpi, il n’ y a pas école aujourd’hui. On pourra aller se baigner ?
—Ça ne va pas la tête ? Je travaille, tu iras à la garderie répliqua-t-elle.
—Je ne veux pas aller à la garderie, je veux aller chez mamie Odile ou mamie Colette, insista-t-il.
—Mamie Odile n’est pas disponible le mardi et mamie Colette s’est cassé la cheville, alors ce sera la garderie et arrête de discuter.
—Je pourrais aller chez tatie Louise et tonton Pierre, ils n’habitent pas loin, tu n’as qu’à téléphoner et demander, s’il-te-plaît, s’il-te-plaît, je serai sage, promis, implora-t-il.
De guerre lasse, elle téléphona et par chance ils n’étaient pas en vadrouille comme souvent le mardi et Louise accepta volontiers, Antoine remplaçait un peu le petit-fils qui tardait à venir. Louise était occupée à travailler au jardin, elle avait pris du retard et les mauvaises herbes avaient envahi toutes les plates-bandes.
—Tu tombes bien Antoine, dit-elle en lui faisant un bisou, tu pourras m’aider à désherber.
—Si tu veux, répondit-il, un peu déçu.
Il le fut encore davantage quand elle lui a dit qu’il y aurait des haricots au repas de midi, le légume qu’il détestait le plus au monde après les épinards. Elle adorait son potager, l’entretenir était son passe-temps favori et elle le montrait avec fierté à ses invités qu’elle aimait régaler avec les ‘bons légumes’ de son jardin. Ils se mirent donc au travail, pas la moindre brindille trouva grâce à ses yeux quand Antoine lui dit :
—Tatie, le téléphone sonne, tu n’entends pas ?
Elle tendit l’oreille :
—Tu as raison, continue sans moi, lui ordonna-t-elle et elle courut répondre.
Antoine se trouva face aux haricots. Ils étaient encore petits mais la perspective qu’ils allaient grandir et qu’ils devraient en manger le remplit de dégoût. Il commença à désherber et comme poussé par une force invisible, il arracha tout ce qui se trouvait à sa portée, haricots compris. Il mit du cœur à l’ouvrage, en un rien de temps, la plate-bande était nickel. Il n’aimait pas beaucoup les oignons et leur réserva le même sort. Les carottes trouvèrent grâce à ses yeux, il allait s’occuper des petits pois quand tatie Louise revint et constata avec horreur les dégâts.
—Qu’est ce qui t’as pris de faire ça ? Tu avais pourtant promis à ta maman de ne pas faire de bêtises.
—C’est toi qui as voulu que je t’aide, moi j’aurais préféré me baigner ou regarder un dessin animé.
—Dans tes rêves ! Double portion de haricots et pas de dessert en guise de punition. A propos de dessert, il est temps de préparer à manger.
Au repas de midi, Louise ne se priva pas de raconter le forfait d’Antoine à Pierre qui contre toute attente, prit sa défense en reprochant à Louise de l’avoir laissé sans surveillance et de papoter des heures au téléphone avec ses copines. D’autre part, il estima que ce n’était pas si grave, qu’elle n’avait qu’à en semer une seconde fois.
Pendant que Louise s’affairait à la cuisine, Pierre voyant la mine déconfite d’Antoine, eut pitié de lui, il lui dit :
—Que dirais-tu si on allait faire un tour au lac cet après-midi et si on se payait une glace après la baignade ?
Il sauta au cou de Pierre et lui dit avec un gros bisou :
—Tu es le meilleur tonton du monde !
Il se rassit, ferma les yeux et avala les haricots en deux coups de fourchette. A son retour, Louise fut ravie de voir que l’assiette était vide et que la punition infligée avait porté ses fruits. Elle déchanta vite quand Pierre lui dit nonchalamment :
—Au fait, tu pourras travailler tranquillement au jardin cet après-midi, j’emmène Antoine au lac.

De Jacques

É a guerra

la télé devant
j’ai quinze
l’autre sonne
c’est pour moi
c’est pour toi
elle pour moi
sa voix
sans crier gare
même sans train
un murmure pour me voir
me parler
moi le rafiot, le moins beau
le sans parole
la présence à rebours
le moi sans le moi
les mains sans l’apposition
l’écran bleu des fenêtres
elle, la belle des belles

je sors
des feus d’artifice
mes yeux mirent le ciel
ce n’est pas la joie qui se sème dans le ciel
c’est la guerre
pourtant j’y avais cru

De Marie-Laure

Le camp d’indiens

A cette époque, la ruralité, pour les enfants, rimait avec grande liberté. Imaginez un petit village, avec à son extrémité, tout en haut d’une côte très raide, un immeuble où logeaient les ouvriers de la petite laiterie locale. Bâtisse de deux étages, avec au total douze logements et bien une vingtaine d’ enfants, le « bloc » n’était pas franchement intégré à la vie du village. A l ‘école, il y avait les enfants du village et ceux du « bloc », très souvent regardés avec un air de mépris, car ses locataires n’étaient pas du cru et ne possédaient pas le moindre lopin de terre, témoin de leur enracinement.
Pour nous autres enfants, dès la sonnerie de fin des cours, regagner le bloc, c’était comme retrouver notre fief. Isolé en haut de la côte, entouré de jardins, de vergers, puis de champs encadrés par la forêt domaniale, notre domaine, notre terrain de jeu était immense. Les parents nous laissaient aller jouer, toute notre petite bande d’ une bonne douzaine de gosses, dans tous les environs. La consigne était de ne pas aller trop loin dans la forêt et de réintégrer le logement familial au premier coup de sifflet. Nous étions d’ailleurs experts dans la reconnaissance lointaine des sifflets et autres appels familiaux !
Cette année-là, durant les vacances d’ été, à la limite de la forêt, nous avions construit tout un campement indien. Chacun avait son tipi, fait de branchage, de paille ou de draps récupérés, avec à proximité de quoi attacher son cheval imaginaire. Quelques pierres assemblées au beau milieu du campement délimitaient l’endroit du feu et nous avions plaisir à manger des pommes de terre cuites à la braise. Je sais, aujourd’hui cela semble complètement incongru que des enfants puissent en toute autonomie faire un feu. Si seuls les plus grands avaient des allumettes en poche, dès six ans et l’entrée au cours préparatoire, nous avions droit à notre canif, objet fétiche toujours glissé dans les habits pour jouer. A l’ école, il n’y avait pas d’uniforme, mais toutes les filles avaient le tablier avec le col Claudine blanc. Après les cours, dès les devoirs finis, nous changions de tenue et nous enfilions de vieux habits qui ne craignaient plus rien, ceux que je préférais !
Toutes les fins de journées, nous nous retrouvions au campement à jouer aux indiens, à danser autour du feu, comme nous avions pu le voir à la télévision. Ce jeudi-là, jour où il n’y avait pas d’école à cette époque, nous avions eu l’autorisation de passer toute la journée ensemble et chaque mère avait concocté un petit pique-nique à partager, c ‘était juste royal ! Imaginez être plongé une journée entière dans la peau de Géronimo, Sitting Bull, Cochise, Oreille d’ ours, Flèche brisée, Oiseau rouge, nous avions tous des pseudonymes issus de nos westerns favoris ou de notre imagination.
Journée mémorable, entre embardée à cheval, danse sioux et hache de guerre enterrée, nous en étions à nos traditionnelles pommes de terre à la braise lorsque le temps s’est gâté, avec une grosse bourrasque. Nous étions tous préoccupés par nos maisons de paille, qui ne montraient aucune résistance au Dieu Éole et n’avons pas du tout remarqué les braises qui commençaient à se propager aux alentours du feu. Le vent ne faiblissait pas et en un rien de temps quelques tipis ont été léchés par les flammes, dispersant d’autres braises jusqu’à l’orée de la forêt. Pris de panique, nous ne savions que faire, je me souviens de mon frère qui voulait mourir plutôt que d’aller prévenir les parents, sachant que la punition serait lourde, très lourde.
Un conseil de guerre s’ improvisa, car il fallait trouver une solution commune et pendant ce temps de palabres, le feu continuait de se propager. Vite, le temps n’était plus à l’inconscience et à l’imaginaire, il fallait prévenir les parents et aller chercher du secours. Nous étions trop loin des habitations pour imaginer récupérer de l’eau, alors nos mères se sont armées de pelles et de couvertures. L’ une d’entre elles a sauté sur son vélo et est descendue en hâte à la laiterie, personne n’ avait de téléphone dans notre bloc. Il fallait prévenir les pères et récupérer des équipements plus adaptés à l’usine. Pendant ce laps de temps, nous tapions le sol en flamme de toutes nos forces, conscients de la soufflante que nous allions prendre !
Avec l’intervention des hommes et d’un camion-citerne de l’usine rempli d’eau, le sinistre a relativement vite été maîtrisé, le feu n’a pas gagné la forêt mais notre campement était dévasté. Le soir, il y a eu un premier tribunal des pères, où nous étions tous réunis sur les escaliers de l’immeuble, penauds et prêts à accueillir la sentence. Le second tribunal s’est tenu à huis clos dans chaque appartement et il était hors de question de tenter la moindre plaidoirie pour amoindrir la colère des parents.
Il fallait se rendre à l’ évidence, notre campement était détruit, le feu nous avait vaincus et les parents s’ étaient emparés de la hache de guerre, nous ne pouvions opposer la moindre résistance. Des jours très calmes, à aider nos mères dans les récoltes du jardin s’en sont suivis et l’ idée de vacances d’ été tristounettes commençait à germer.
Sur le chemin, en remontant de l’école, rare moment où nous pouvions être tous ensemble sans la surveillance des parents, nous cherchions comment trouver une issue favorable pour lever les sanctions avant les grandes vacances. Chacun avait pour mission de tâter le terrain, délicatement, auprès de sa famille. Nous avions observé les pères poussant leur vélo dans la côte, en rentrant de l’usine, eux aussi semblaient en pleine négociation.
L’ avant dernier jour de classe, convocation générale sur les escaliers du bloc : leçon de morale en préambule, évaluation des risques revue et maîtrisée, nous avons eu l’autorisation de reconstruire notre campement, mais juste en face du bloc, pour rester sous le contrôle des adultes.
Tels nos idoles, résignés comme les indiens d’ Amérique chassés de leur terre, nous avons dû accepter cette migration, mais c’est avec enthousiasme et joie que nous avons reconstruit nos tipis, ce sera quand même de belles vacances d’ été !

Poème de Lily Nelson, « Le bouchon », proposé par Françoise T (hors proposition d’écriture)

Je garde le bouchon dans le buffet
de ma cuisine,
celui d’une bouteille achetée avec ma sœur
il y a des années,
Quand nous étions plus jeunes.
Je me souviens quand je l’ai goûté
la saveur amère du vin,
Comme un feu dans ma poitrine.
Je le récupère, ce souvenir
Et je le tiens dans ma main,
Palpant ses fissures dentelées, ses petits trous,
sa surface lisse.

Ca fait du bien de temps à autre de lire ce genre de textes, vous ne trouvez pas? 

Les grandes vacances approchent à grands pas. Il va être temps de souffler pour certains. Pour d’autres, ça va être le temps des grandes tablées, des visites des enfants et des petits-enfants, des petits à garder. 

Que du bonheur en perspective!

Pour celles et ceux qui resteront seuls, il reste la lecture, l’écriture, les souvenirs et les pensées positives. Vous avez aussi tous les articles du blog à disposition, publiés depuis 4 ans.

Un peu en avance, je vous envoie une grande carte postale de Corse où je me rends en juillet. (photo prise par mes soins il y a 10 ans). 

J’attends vos textes pour la proposition d’écriture N° 138, la dernière de la saison. 

Je vous souhaite une belle semaine créative.

Au plaisir de vous lire.

Portez-vous bien et prenez soin de vous.

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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