J’ai passé l’après-midi à préparer des cours et à corriger des copies. Me voilà, bien tardivement, mais me voilà quand même!

Sans tarder, je vous laisse dévorer le chapitre 28 des aventures d’Amanda.

« Maman pourquoi tu ne veux pas faire un autre métier que caissière ? Tu ne voudrais pas changer ? » demandai-je à ma mère, un dimanche que je tournais en rond dans la maison.

Elle ne le savait pas, mais j’avais honte de la situation de ma mère. Les parents de mes copines exerçaient des métiers dignes de ce nom : imprimeur, garagiste, secrétaire, comptable. Ma mère était caissière dans le même supermarché depuis ses quatorze ans. Elle aurait pu évoluer, mais elle se contentait de sa condition sans rechigner. Elle ne montrait aucune envie de changer, ni d’évoluer.

« Ma chérie, j’ai quitté l’école à quatorze ans. Je n’ai aucun diplôme ni aucune formation. Qu’est-ce que tu veux que je fasse d’autre ? Il faut bien qu’on vive. J’ai pas eu d’héritage en dehors de cette maison. Toi, tu as de la chance d’aller au lycée et d’apprendre ce que tu veux. Quand j’avais ton âge, j’aurais bien voulu être couturière ou infirmière ou maîtresse d’école. Mes grands-parents n’avaient pas assez d’argent pour me payer des cours. Alors, j’ai pris le premier boulot qui s’est présenté. Fallait que j’aide Pépé et Mémé, qui avaient du mal à joindre les deux bouts ».

« Tu n’en as pas marre des clients qui te parlent mal, qui ne disent jamais bonjour, ceux qui ne sont pas aimables et qui s’en fichent de toi ? Tu n’en as pas marre de passer les articles et de taper les prix? Tu dis toujours que tu as mal aux épaules et au dos ! Tu ne crois pas que tu pourrais faire autre chose ? », insistai-je pour une bonne raison.

Sans attendre la moindre réplique de ma mère, je lui collais devant le nez un prospectus d’une formation préparant au CAP d’aide-comptable de l’autre côté de la ville. Elle lut le contenu, sans un mot, sans comprendre qu’elle pouvait être concernée.
Dix minutes plus tard, elle releva la tête, des larmes dans les yeux. Je ne la reconnaissais plus. Elle ouvrit les bras et m’enlaça.

« Je te promets que je vais t’aider, Maman. Je vais laver la vaisselle et une partie du ménage pour que tu aies le temps d’apprendre tes cours. Je t’accompagnerai pour te donner du courage. Je ferai tout pour que tu t’en sortes. Je ne veux plus que tu sois caissière ».

Ma mère me regarda avec fierté. Elle le faisait depuis ma naissance. Elle se redressa et commença à envisager une autre vie. Elle se voyait donner sa démission à la supérette après toutes ces années où il n’y avait aucun avenir pour elle. Jamais elle n’aurait eu l’audace de demander une augmentation de salaire ou un changement de poste. Elle était un bon petit soldat, prête à tout pour ne pas briser la routine qu’elle avait créée dans son quotidien. Elle ne sentait pas à l’aise au moindre changement dans sa vie.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle avait consenti à suivre cette formation sans mot dire, émue. C’était le plus cadeau qu’elle pouvait m’offrir. Il faut dire que la routine de ma mère n’encourageait pas l’évasion : toute la journée vissée derrière sa caisse, sous la lumière blafarde des néons, dans un vieux bâtiment datant d’une autre époque. Parfois, pour ajouter au glauque, le compteur de la supérette sautait et plongeait tout le monde dans le noir.
Pendant ces heures où elle travaillait comme un robot, Nicole s’envolait mentalement, partait dans les aventures sentimentales qu’elle dévorait dans les romans, imaginait une autre vie, entourée d’un mari et d’autres enfants.
Le retour à la réalité était cru et violent. Elle se trompait dans les prix et recevait en échange des réprimandes acerbes de son chef.

 Pour la suite des aventures, je vous donnez rendez-vous vendredi. 

D’ici là, portez-vous bien et surtout continuez à prendre soin de vous!


Créativement vôtre,


Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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