Je ne vous oublie, vous mes fidèles lectrices et lecteurs sur mon roman en épisodes. J’ai continué à écrire puisque j’en suis au chapitre 36. J’avance à petits pas…
Je vous propose aujourd’hui de lire le chapitre 4 sur l’enfance de Nicole, la mère d’Amanda.
Bien sûr, comme les fois précédentes, vous pouvez me laisser vos commentaires ou réflexions à l’adresse mail suivante:
Vos commentaires ou corrections seront toujours les bienvenus tant que cela reste du domaine de la bienveillance. Voici le chapitre 4:
4
Une enfance terne
Nicole ma mère fut une élève plutôt terne. Elle supportait difficilement le cadre strict imposé par ses différentes institutrices autoritaires. Elle s’exprimait peu, ne se mettait jamais en avant et n’avait pas de copines. Elle était la seule orpheline de l’école, née ailleurs de surcroît. Une rapportée en somme.
Les conditions pour étudier sereinement étaient précaires et ardues au sortir de la guerre et pendant les années qui suivirent. La plupart des écoliers manquaient de vrais repères. L’école tentait de les rétablir à coups de bonnets d’âne, de punitions au coin ou de lignes à copier. Mamounette, comme j’aimais à la surnommer, fut une abonnée régulière à ces sanctions. Elle répandait souvent son encre en remplissant son encrier. Ou elle tachait ses cahiers et finissait par occasionner des trous dans le papier à force de gommer pour effacer son méfait. Maintes fois, elle rentra chez elle après l’école avec les doigts tachés d’encre et des pleurs prêts à jaillir comme une cascade.
C’était le temps des tableaux noirs, des craies qui grinçaient, des cours de morale quotidienne, des estrades en bois, du tintement de la cloche et du Certificat d’études. Trente-six fillettes se tenaient sagement derrière leurs pupitres en bois. Obéir à leur maîtresse était la règle première. Les institutrices et les instituteurs de l’époque étaient sévères et leur seul objectif était la réussite de leurs élèves au Certificat d’études.
Ma mère aimait bien le français comme matière, elle qui lisait beaucoup : je crois que je tiens ça d’elle. Elle se distinguait dans ce domaine. Toutefois, son manque d’entrain et son effacement l’empêchaient de glaner les prix de fin d’année. Elle ne participait jamais aux sorties avant les vacances estivales.
Ma mère habitait au 36 de la rue de Montubois à Jonzac, petite ville perdue dans la campagne charentaise et elle n’avait que la rue à longer pour se rendre à l’école. Elle insistait parfois pour rester déjeuner avec ses camarades. Les élèves faisaient alors « péter » leurs pommes de terre en hiver sur le poêle qui trônait au milieu de la salle. Une odeur alléchante se répandait alors. C’était toujours un moment délicieux sans que la fillette ne puisse participer totalement à la liesse générale.
Elle fut admise de justesse au Certificat d’études. Cette étape marqua la fin de sa scolarité obligatoire. Ses grands-parents n’avaient pas les moyens de lui financer des études ou une formation. Une supérette s’était ouverte dans la ville. Elle y a été embauchée, dès sa sortie de l’école à quatorze ans.
La vie professionnelle de ma mère devint aussi terne que ses années d’école. Elle se contentait de son poste de caissière sans rechigner. Elle ne cherchait ni à évoluer ni à quitter cette profession. Elle craignait le changement. Elle vivait toujours dans le petit pavillon de son enfance et aidait ses grands-parents vieillissants. Le grand-père claudiquait et y voyait de moins en moins au fil des années. La grand-mère, toujours active, passait de plus en plus temps à lire et à tricoter tranquillement dans son coin. Elle servait aussi de chaperonne quand ma mère se décidait à sortir au bal le samedi soir avec des voisines. Mireille, la grand-mère, surveillait sa petite-fille comme l’huile sur le feu. Elle éprouvait des difficultés à la laisser vivre sa vie dans une certaine insouciance.
« C’est pas bien de t‘habiller court vêtue comme ça, ma fille. Tu vas attirer les garçons. On montre pas ses gambettes toutes nues, ça se fait pas », bougonnait Mireille à chaque sortie de Nicole.
« Grand-mère, c’est la mode, enfin. Toutes les filles portent des jupes courtes et veulent ressembler à Brigitte Bardot. Et puis, j’ai vingt ans tout de même. Je pourrai peut-être avoir un copain, tu crois pas », répliquait ma mère sur un ton conciliant.
« Un mari, oui, pas un copain. Tu te crois où ma fille ? Avec ces idées-là, tu vas finir mère célibataire. C’est ça que tu veux ? » renchérissait la vieille dame, elle qui ne comprenait rien aux temps nouveaux des années soixante.
A chaque fois, ma mère, dont la beauté éclatait, se sentait coupable et hésitait à sortir. Elle ne voulait pas chagriner sa grand-mère, ni causer du tort à sa réputation.
Je vais faire le maximum pour publier 2 chapitres par semaine, le mardi et le vendredi.
Je vous souhaite une belle lecture.
Portez-vous bien et surtout prenez soin de vous!
Créativement vôtre,
Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE