J’ai adoré lire vos textes de la proposition d’écriture N° 156 avec des personnages qui avaient 2 heures prescrites à ne rien faire pendant 3 semaines. 

Si les personnages peuvent le faire, pourquoi pas nous? La plupart d’entre nous passons trop de temps sur des choses futiles…à mon humble avis!

Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

D’Alissia

Voilà, nous y sommes. Il est 16h30. Ma journée de travail est terminée et je vais maintenant devoir mettre en pratique ce que le médecin m’a prescrit : deux heures de repos. Deux heures. Cela me semble être une éternité et je ne suis pas motivée…
Je décide pour cette première fois, de m’asseoir confortablement dans ce vieux fauteuil que j’aime tant. Celui que j’ai récupéré après le déménagement de ma grand-mère. Il est moelleux sous les fesses, avec un dossier suffisamment haut pour soutenir ma tête en entier. Et il est doux et chaud grâce au plaid qui recouvre le vieux skaï écaillé.
Je prends un thé vert à la menthe, comme je les aime, pour me réconforter et m’aider à me relaxer. Que vais-je bien pouvoir faire ? Deux heures…quel temps perdu ! Peut-être devrais-je changer de médecin ? Non, tout de même…C’est plutôt une bonne chose qu’il ne me donne pas de traitement chimique. Et si ça marchait vraiment ? Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire durant tout ce temps ? Rien…. Déjà, mille questions s’enchaînent dans mon esprit…Penser….est-ce que c’est faire quelque chose ?
Ma tasse de thé est vide. Je sors de mes pensées pour la poser sur la table basse, un peu plus loin. C’est à ce moment-là que je la vois…
Elle est là, tout près de moi. Si petite, et pourtant si forte. Je la regarde. Elle est toute rouge. Elle porte avec difficulté quelque chose qui ressemble à une croûte de pain. Je me demande bien où elle va aller avec ça. Je l’observe avec attention. Je n’arrive plus à la quitter du regard, tant je suis envoûtée par ce qui se joue sous mes yeux.
Je me lève avec précaution du fauteuil. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai peur de l’effrayer. Pourtant, elle a l’air en grande difficulté et je parierais qu’elle ne m’a même pas vue ! Cela fait bien vingt minutes que je l’observe. Je me sens grisée. Je ne comprends pas bien ce qu’il se passe en moi. Car là, à cet instant précis, j’aimerais me transformer en fourmi pour lui venir en aide. J’aimerais devenir aussi minuscule qu’elle et affronter la vie avec autant de vigueur. Mon attention se détourne légèrement de la fourmi pour se poser sur un bruit régulier, qui résonne en moi comme les battements de mon cœur.
Je réalise rapidement que ce n’est rien d’autre que le tic-tac de l’horloge. L’horloge. Celle qui m’accompagne depuis de si nombreuses années, mais à laquelle je ne prête jamais attention. Alors qu’elle est toujours là. Jamais elle ne s’épuise. Toujours aussi régulière, jamais un pas de travers, jamais un pas en arrière…sauf quand on la force.
Ça y est, je me sens calme, apaisée. Je sens mon corps s’enfoncer un peu plus dans le fauteuil, comme dans du coton. Je ne m’endors pas. Je suis comme transportée dans une autre dimension. Mon corps et mon esprit sont totalement relâchés.
Mon regard repart vers la fourmi. Elle semble avoir trouvé l’aide qu’il lui fallait. Elles sont désormais deux à porter cette énorme croûte et s’approchent dangereusement d’un petit trou à peine perceptible entre le mur et la fenêtre…c’est fascinant.
Je n’ai pas vu le temps passer. C’est mon mari qui me sort de ma torpeur…Le médecin avait raison. Deux heures de repos par jour me feront le plus grand bien ! Je crois que je ne me suis jamais sentie autant reposée depuis des années ! C’est sûr et certain, demain je recommence !

De Claudine

Céline a consulté son médecin ce matin ; elle revient à la maison totalement effondrée. Ce qui a pour effet d’inquiéter notre mère.
-Que t’arrive t’il ma chérie, lui demande maman la voix angoissée.
– Il a refusé de m’écouter. Il m’a dit que je devais rester tranquille pendant au moins deux heures chaque jour et ceci pendant trois semaines. Il ne veut pas me donner d’anxiolytique pour m’aider, il dit que ça ne sert à rien contre le stress.
-Ton médecin a raison, lui dit maman. Les produits chimiques, il est préférable de les éviter.
– Mais en général, les médecins disent de bouger ! Pas de rester assise !
– Ce n’est pas incompatible, lui dis-je, il y a vingt-quatre heures dans une journée. Combien passe-tu d’heures assise devant ton ordi ? Si tu revoyais ta façon de mettre ce temps à profit pour agir de façon positive ?
– Ah oui et toi tu as la solution, me répond -elle avec une certaine agressivité.
– La solution, je ne sais pas, mais ce que je peux te dire, c’est qu’il y a des méthodes très simples et sans danger pour être mieux dans sa peau.
– Alors, je t’écoute ma chère sœur qui sait tout.
– Je vais te citer une phrase que tu as dû étudier en philo : « J’ai besoin de solitude, je veux dire de guérison, de retour à moi, du souffle d’un air pur qui circule librement »…Tu reconnais ton cher Nietzsche ?
Elle, la prof de philo, lève un sourcil dubitatif et interrogateur. Nous sourions. Maman est désormais rassurée, sa fille ainée n’a pas de grave maladie
-Nous allons, ensemble, t’aider à passer cette période difficile. Comme nous ne pouvons pas d’un coup de baguette magique faire disparaitre ton stress, imaginons comment en supprimer les effets.
Céline est tout ouïe et nous percevons en elle son désir profond d’aller de l’avant. C’est presque gagné. Nous parlons un long moment et nous la laissons seule. A elle de se prendre en mains. Elle aura notre soutien si elle le désire et nous racontera son expérience dès qu’elle aura passé ce mauvais cap.
Un mois plus tard, nous nous retrouvons à nouveau chez maman. Céline est épanouie et souriante. Il semble que son burnout professoral ne soit plus qu’un mauvais souvenir.
– Alors ? disent deux voix à l’unisson.
– J’ai suivi vos conseils, enfin les conseils du médecin et ceci m’a permis de me reconnecter avec moi-même. Il y avait longtemps que je n’avais pas pris le temps de rester assise à regarder tranquillement les oiseaux sur l’herbe du jardin. C’est fou ce qu’il y a comme espèces en ville. J’ai acheté un livre pour les reconnaitre. Et en même temps, j’ai mis de la musique ; l’effet apaisant de saint Preux et de la Moldau est magique. J’ai d’ailleurs lu sur une revue que les bienfaits étaient nombreux, sur le rythme cardiaque, la tension et qu’elle diminue même les hormones du stress. Tout ce qu’il me fallait.
– Tu n’as fait que ça ?
– Non, figure-toi ma chère Marie que je me suis mise au tricot ; hé oui ! je vois ton sourire un peu moqueur, mais je t’assure, c’est incroyable ce que ça calme de se concentrer sur une activité comme celle-ci. J’ai joint l’utile à l’agréable en me replongeant dans cette période où j’allais avec toi faire du yoga. Tu te souviens les séances de respiration et de méditation ? J’ai redécouvert les bienfaits de cette pratique. Deux heures, c’est long et court à la fois. Pour entrer à fond dans mes « séances » de fausse inactivité, j’avais à portée de main mon carnet de dessin ; une vraie thérapie, tout comme la lecture ; j’ai dû lire quatre livres pendant ces trois semaines et je continue. Figure toi Marie, que je me suis mise à l’écriture, hé oui, comme toi.
– Et qu’as-tu écrit ?
– Mes expériences, mes voyages, mes relations, ma vie en fait. C’est passionnant et j’ai éprouvé une grande bouffée de bonheur en réalisant que la partie positive était nettement supérieure à la partie négative. En fin de compte, je vais le remercier mon doc’ ; grâce à lui, je suis revenue vers moi et vers vous. Ça fait un bien fou. Et pour ne pas faire les choses à moitié, j’ai ressorti mon vélo de la cave et je me suis inscrite au cours d’aqua gym. Je vais désormais à l’université à pied. En chantonnant parfois. Le cœur léger. J’en ai même oublié mon ordinateur quand c’est inutile. A ce propos, j’ai remis en fonction mon ancien téléphone, vous savez, celui qui ne sert qu’à téléphoner. Pas de mails entre deux cours et lorsque je circule dans la ville, pas de SMS, pas de photos. Rien, que le plaisir de profiter au maximum de la nature, de la vie et de tout ce qu’elle offre.
– Bravo ma Chérie, lance maman ; nous allons prendre exemple sur toi. N’est-ce pas Marie ?
– Et comment, c’est trop bien de te voir comme ça Céline. Adieu la chimie et ses méfaits.

De Claudine (proposition d’écriture N° 155)

ILS VENAIENT D’AILLEURS

Nous sommes en octobre 1954, j’ai huit ans. J’habite un hameau situé en Bretagne. Le dix-octobre, c’est l’affolement pour les uns, la curiosité pour les autres. Le bruit court qu’un jeune habitant d’un hameau voisin du mien a fait la veille une rencontre pour le moins étrange.
Gilbert avait passé la journée chez son oncle, dont la maison était mitoyenne de celle de mes grands- parents. Garçon gentil ce Gilbert, un peu timide et pas très causant. Notre différence d’âge étant énorme – cinq ans – je n’avais pas de contacts particuliers avec lui ; même à l’école, nous ne nous côtoyions pas ; dans une école catho à cette époque, c’est filles d’un côté, et les garçons de l’autre côté d’un grand mur en ardoise.
Quelle ne fut pas la surprise lorsque le village – Erbray – et tous les hameaux alentour se mirent à caqueter face à cette incroyable nouvelle. Le Gilbert avait vu une soucoupe volante ; vraiment vu, dans le pré du père Guillemot, celui ou paissaient tranquillement un grand troupeau de vaches blanches et noires.
-Figurez-vous qu’il a même parlé avec un type qui est descendu d’un engin lumineux.
-Il était comment ce type ?
-Normal ? mais c’est-pas Dieu possible, il parait qu’ils sont pas comme nous ceux qui viennent d’ailleurs. Ils seraient tout verts d’après ce que disent les journaux.
Hé oui, presque tout le monde était abonné à Ouest France et il se disait que des engins bizarres s’étaient déjà posé quelque part en France. Mais c’était trop loin quelque part en France, donc peu de gens s’étaient intéressés à ces histoires pas de chez nous.
Mais là, c’étaient une autre histoire, des petits hommes verts venaient de se poser dans le champ du père Guillemot, alors forcément tout le monde était concerné.
-Et les vaches ?
-Les vaches ? Elles étaient à l’autre bout du champ, mais il parait qu’il y en a une qui est tombé raide morte quand elle a vu ce truc bizarre. Quel raffut ! A cinq cents mètres de la maison, il y avait des cars de gendarmes, des voitures avec des hommes qui descendaient bardés d’appareils photos.
-Pourquoi faire, demandait la Gisèle, la machine est repartie.
-Oui, mais ils veulent photographier le trou.
-Quel trou ?
-Celui qu’a fait l’engin en se posant.
-Ils veulent surtout voir le Gilbert pour lui poser des questions.
-Mais il cause pas. Enfin pas beaucoup. Le pauvre, il doit être mal.
Ce pauvre Gilbert a été confronté à tous ces experts pour leur dire et redire ce qu’il avait vu. Peu imaginatif en général, dans ce cas précis, il n’avait qu’à raconter ce qu’il avait vécu.
-A 22 heures 30, sous un magnifique clair de lune, je rentrais chez mes parents à bicyclette ; entre La Rousselière et les Garrelières, il y a environ deux kilomètres. Quand je suis arrivé vers le champ du père Guillemot, j’ai aperçu de la lumière qui scintillait ; je ne voyais encore rien à cause des grands arbres qui bordent le champ. En avançant jusqu’à la barrière par où passent les vaches, j’ai vu une drôle de machine, un objet bizarre qui ressemblait à une boule de feu. Elle était posée sur l’herbe pas loin de la barrière en bois. Je me suis arrêté, avec la trouille au ventre. Malgré ma peur, je me suis senti attiré par cette boule ronde illuminée. En m’approchant, j’ai senti que ma peur avait disparu. En fait, ce n’était pas une boule, ça ressemblait à un grand cigare. Un homme est sorti et il m ’a paru normal; je veux dire, qu’il était presque comme moi. Le bonhomme a mis sa main sur mon épaule et m’a dit avec un accent bizarre, « tu regardes mais tu ne touches pas.
-Vous ne deviez pas touchez quoi ?
-L’appareil je crois, mais je n’étais pas à coté, malgré que je n’avais plus peur, mes jambes ne me portaient plus. Dans sa main, il tenait une grosse boule qui lançait des éclairs.
-Elle servait à quoi cette boule ?
-Je ne sais pas, mais je me sentais détendu et calme.
Et Gilbert continue de raconter « c’est bizarre mais l’homme avait des bottes comme les paysans du coin ». Il s’est retourné, en marmonnant des mots que je n’ai pas compris et a tendu la boule qui a ouvert une porte dans le cigare. J’ai pu voir qu’à l’intérieur tout était rouge et qu’il y avait deux sièges à l’avant avec plein de boutons lumineux devant eux. Quand l’homme a été dans l’engin, la porte s’est refermée sans bruit et il est monté tout droit vers le ciel, sans faire de bruit en lançant des éclairs de feu ; la lune l’a éclairé jusqu’à ce qu’il disparaisse à très grande vitesse.
Quand Gilbert est arrivé chez lui, il était tétanisé ; ses parents ont raconté qu’ils ont pris peur en le voyant ainsi car c’était un grand gaillard taiseux mais solide. Forcément, la nouvelle a fait le tour des hameaux aussi vite que l’engin était remonté dans l’espace.
Malgré notre grande appréhension et l’interdiction d’approcher les lieux, nous sommes allés en petits groupes dès le lendemain voir le lieu où s’était posé cet engin inconnu. Nous avions nous aussi la trouille au ventre, à cause de l’appareil et surtout des petits hommes qui, d’après nous, étaient peut-être encore cachés dans les fourrés, mais aussi à cause des claques que nous risquions de prendre si notre équipée était découverte. La première fois, pas possible d’approcher, des gendarmes étaient encore sur les lieux.
Mais les jours suivants, nous devions obligatoirement passer devant le champ pour aller à l’école. Au bout de quelques jours, la maréchaussée avait abandonné le site. La voie était libre. Et nous avons osé entrer dans le champ ; le nombre fait la force, même si ça se résumait à six individus.
Un énorme trou rappelait l’histoire fantastique, assez profond et bien rond. Plus de vaches dans le pré, le propriétaire avait préféré les remettre à l’étable. D’ailleurs ce trou, le père Guillemot l’a vite fait combler, avec plusieurs tombereaux de terre, comme pour exorciser les maléfices de cet événement.
Gilbert a fait la une des journaux pendant un certain temps ; il était qualifié de fou par beaucoup de « vieux », nous les jeunes nous trouvions tout ceci extraordinaire. Il vivait mal la situation et n’allait plus à l’école. Il est revenu au mois de janvier, le certificat était prévu en juin. Nous voulions toutes et tous l’approcher ; il nous paraissait très très bizarre. Certains disait, « un peu plus intelligent ». Il a été reçu au certificat dans les premiers à la surprise générale. L’affaire a été classée au bout de quelques mois. D’après Ouest France, il y a eu beaucoup de « cigares » dans le ciel de France en 1954.
Gilbert, lui, est parti à Chateaubriant, dans la « grande ville » chez un autre oncle. Au calme. Je ne l’ai jamais revu.

De Saxof

LA CRISE D’ANGOISSE

Je suffoque, j’ai du mal à respirer, une douleur au niveau de la poitrine…J’essaye de me calmer mais la douleur s’intensifie. J’appelle mon médecin qui me propose de venir d’ici une heure. Après une osculation approfondie, il me demande si je suis stressée en ce moment.
Il ne me semble pas plus que d’habitude.
Il m’affirme que c’est psychologique, telle une crise d’angoisse. Il ne veut pas me donner de médicaments, mais me suggère de prendre des tisanes de tilleul 3 fois par jour et de me reposer.
« Je vous fais une ordonnance pour du repos, avec ordre de ne rien faire durant 2h par jour et cela pendant 3 semaines”. Je le regarde avec des yeux ronds. Sans rien faire ?? “Oui madame et c’est un ordre si vous voulez vous sentir mieux, vous devez rester assise pendant 2h à ne rien faire. »
Dès son départ, je mets en pratique ce qu’il m’a ordonnancé, et même ordonné.
Ce premier jour, cette façon de faire a semblé augmenter mon angoisse. La panique s’est emparée de mon esprit et il m’a fallu faire de profondes respirations pour m’en sortir. La 2eme journée, j’ai essayé encore, mais mon mental m’emmenait vers des situations difficiles et parfois terrorisantes.
Il me faut trouver ma solution. Ne rien faire correspond à quoi exactement ? Marcher me semble plus profitable que de rester assise. Assise sans aucune activité me semble difficile à pratiquer. Qu’est-ce que je peux faire qui soit positif et me rende heureuse, sans que ce soit une réelle activité physique ? Il m’a dit que c’était psychologique, donc agissons là-dessus.
J’ai cherché sur YT une musique déstressante et me suis mise à méditer, sans laisser mon mental prendre le pas. J’ai laissé mes pensées passer comme des nuages sans m’y accrocher, sans qu’elles n’impactent le vide que je veux faire.
Chaque jour je me suis sentie de mieux en mieux.
Finalement, j’ai médité 1h avec de la musique douce et ensuite j’ai lu des pensées positives durant l’autre heure et cela me convient parfaitement encore aujourd’hui.
Quand le médecin est revenu trois semaine plus tard, il m’a trouvé apaisée et m’a dit « je suis content car le but était que vous trouviez toute seule la solution la plus en adéquation avec votre ressenti. Continuez comme ça, 2 à 3 fois par semaine et ce sera parfait “.

De Gérard

-Docteur, je n’y arrive plus, je stresse tout le temps, il faut m’aider.
-Il faut vous détendre, cher monsieur.
-Me détendre, plus facile à dire qu’à faire. Pourquoi croyez-vous donc que je sois venu vous consulter? Si j’y arrivais, je ne serai pas assis devant vous!
-Essayez de positiver, de voir le bon côté des choses, le verre à moitié plein.
-Négatif! Au stade où j’en suis, je n’en suis plus capable. Donnez-moi des antidépresseurs, s’il vous plait.
-Vous voulez peut-être faire l’ordonnance à ma place ?
-Au stade où j’en suis, je ne vois pas d’autre solution que la pharmacopée pour me soulager.
-Il n’y a pas que la chimie, il existe d’autres solutions …
-Vous voulez vous retrouver avec un patient de plus en burn-out ?
-Avez-vous pensé au Yoga ?
-Le Yoga !!! Ça m’énerve !
-Un relaxologue pourrait vous donner de bien utiles conseils.
-Relaxologue ! Un métier de charlatans payés à ne rien faire.
-Un sophrologue peut-être?
-Et pourquoi pas un psychiatre pendant que vous y êtes ! Vous voulez m’interner ?
-Puisque vous refusez toutes mes propositions, je ne vois hélas qu’une solution qui fonctionnera très bien, sans vous empoisonner, à condition que vous la suiviez rigoureusement : vous allez rester assis à ne rien faire deux heures par jour pendant un minimum de trois semaines
-…
-Alors, qu’en pensez-vous ?
-Pourquoi pas une cure de sommeil pendant que vous y êtes ?
-Ce n’est pas la même chose
-Savez-vous ce que disait Victor HUGO : « Ne rien faire est le bonheur des enfants et le malheur des vieux ». Vous voulez donc mon malheur ?!
-Allons, cher monsieur, ne vous emportez-pas …
-Que je ne m’emporte pas ! Que je ne m’emporte pas! Je viens de te demander de l’aide et tu veux me bloquer assis pendant deux heures sur une chaise! Tu n’es pas un médecin, tu es un grand malade, voilà ce que tu es!
-Monsieur, je vous prie de bien vouloir quitter mon cabinet.
-Quitter ton cabinet ? D’accord quand tu m’auras rempli les poches des antidépresseurs et des anxiolytiques que tu caches dans la petite armoire de ton bureau et dont tu m’auras prescrit une cure de trois mois, t’as compris ?
-Sortez de mon cabinet !
(Le patient se rue sur le médecin, le bâillonne et l’attache à son fauteuil)
-Alors, monsieur le docteur, on fait moins le malin maintenant ! Tu sais ce qu’on va faire, toi tu vas rester deux heures assis sur ce fauteuil pendant que moi, tranquillement, je vais vider ta pharmacie et te piquer ton cachet et tes blocs d’ordonnance, tu vas voir si ça fait du bien de rester deux heures assis sans rien faire !
Deux jours plus tard, dans la Charente Libre :
« Le docteur S., sauvagement agressé dans son cabinet par un patient dont la gendarmerie tente actuellement d’établir l’identité, a été admis dans un établissement de repos de la région. Selon les médecins, le docteur S. devra rester plusieurs semaines au repos total sans exercer la moindre activité. »

De Catherine (proposition d’écriture N° 155)

Promesse d’exotisme

Quand on n’aime pas faire le ménage, même si le printemps installé officiellement depuis une semaine devrait lever toute réticence, la radio, même locale, aide à donner du rythme et à axer ses pensées ailleurs. Soudain, un flash d’info m’interpelle et interrompt le va et vient de l’aspirateur.
« Le parc Naturel Régional de la Brenne empruntera prochainement deux hippopotames au Parc de la Haute Touche pour nettoyer le fond des étangs. Ce sera une expérience inédite en France… ».
Il ne m’en faut pas plus pour gamberger, même si cette annonce me laisse perplexe. Étonnant quand même, non ? Les hippos ne sont pas endémiques de La Brenne ! Par contre, ce sont des herbivores qui broutent le fond des cours d’eau africains, donc pourquoi pas nos étangs. Et puis, s’il y en a à La Haute Touche, c’est qu’ils s’acclimatent bien ! Ce n’est quand même pas banal ! Mais comment les empêcher de gambader partout ? Il va falloir clôturer les étangs ! Sachant qu’il y en a un millier, les gens du Parc vont avoir du boulot.
Soudain, me revient en mémoire le prochain séjour de ma belle-sœur et de son mari pendant les vacances de Pâques. Ça va leur en boucher un coin ! Il faut que j’organise cette visite… Au fait, ils n’ont pas dit dans quel étang ! Internet ne m’est d’aucun secours : l’info est encore au niveau local et n’a pas atteint les ondes nationales…
Ben, tu n’as qu’à appeler la Maison du Parc. Ni une ni deux, le téléphone sonne et une brave dame décroche. Je lui raconte mon laïus et lui demande dans quel étang on peut voir les fameux bestiaux. A l’autre bout du fil, une voix péremptoire me répond : « Vous aussi ! Figurez-vous que quand j’ai entendu ça, j’étais chez moi et suis rentrée dans une grande colère ! Parce que c’était une honte que travaillant au Parc, nous n’ayons pas eu l’info !… Eh bien ma petite dame, on s’est fait avoir, vous et moi : c’est un poisson d’avril ! Ils ont pris de l’avance parce que les gens se méfient trop le 1er avril ! »
Quelle déconvenue ! Et quelle honte d’être aussi naïve ! Alors je lui raconte mon projet de visite en famille et on éclate de rire toutes les deux. Avant de raccrocher, je lui demande : « Vous n’auriez pas des hippopotames gonflages que je puisse en poser sur un étang, juste pour ne pas perdre la face ? »
Cette histoire n’est pas restée secrète car j’aime bien partager, même si c’est à mes dépens. J’ai donc raconté mon aventure à mes collègues de l’école qui ont bien ri de ma candeur. Et un matin, sur la porte de mon bureau, je vois une belle affiche : » Ici, vente de billets pour visiter les hippopotames en Brenne ! ».

De Françoise

– Vous croyez Docteur que je vais rester deux heures par jour sans rien faire, et vous croyez que cela me fera du bien ? Moi, je crois que mon stylo et mon bloc papier me tireront la manche. Je peux rester trente minutes à méditer, mais pas deux heures. L’écriture me tend ses bras et je vais me jeter dedans, inévitablement. Vous devriez essayer Docteur !
Lucie est une femme de caractère : elle rebondit, elle réagit quand une idée est lancée, d’autant plus que cela concerne son « moi » profond, ses abysses, ses secrets.
Lucie aime aussi marcher, surtout quand le stress devient insupportable. Et hop ! Chaussures choisies, lunettes de soleil, bouteille d’eau, clés, portable, tout dans le sac à dos… la voilà partie pour deux heures de plein air.
Sa petite routine préférée est autour de son lieu de vie. Partir du coeur du village, le contourner et se diriger dans la campagne, prenant le chemin des champs. Passer par le stade ou bien par le point de rencontre des passionnés d’aéromodélisme lui permet de croiser quelques personnes, des têtes connues ou pas, de ne pas se sentir complètement seule. La solitude l’apaise mais peut aussi vite l’angoisser. Sous le soleil, que demander de mieux pour se changer les idées et regarder dans le ciel les engins faire des dessins sur fond bleu. Les champs fleuris ou non sont apaisants à regarder. La brise est caressante. Puis elle aime rejoindre le petit bois : parcours en silence, recueillement. Les oiseaux signent leur présence. Un bruit de feuille froissée, c’est un mulot. Tiens, une jonquille. Le printemps fait signe. Les odeurs humides rappellent la pluie de la veille.
– Bonjour cher ami ! Comment vas-tu ? Contente de te trouver là ! On fait un bout de chemin ensemble ?
Une belle compagnie, un bavardage la soulagent, la détend. Elle a besoin aussi d’exister.


D’Isabelle

C’était une belle journée d’automne, je venais de quitter mon médecin traitant qui m’avait fait une bien curieuse ordonnance pour réduire le stress épouvantable (le mot n’est pas trop fort) dans lequel je me trouvais suite à des ennuis professionnels, une relation amoureuse en perdition totale, la perte d’autonomie de mes parents qui me faisait entrevoir avec effroi le spectre de la maison de retraite et pour couronner le tout l’annonce récente que mon fils de 10 ans, grièvement brûlé , allait devoir subir une nouvelle greffe de peau (ce serait la 4ème et mon petit bonhomme était à bout, supportant de plus en plus difficilement ses séjours hospitaliers). Autant dire que mon niveau de stress était à son maximum.
Et pour la première fois, mon médecin avait refusé de me prescrire mon précieux anxiolytique, béquille que j’utilisais parfois dans les moments compliqués, arguant que j’avais besoin de calme et d’introspection plus que de chimie.
Elle m’avait dit cela en me regardant droit dans les yeux (qu’elle avait fort jolis d’ailleurs) sur un ton doux mais ferme qui m’avait décontenancé, si bien que je repartis sans protester me demandant ce que j’allais faire de ces deux heures par jour durant lesquels elle m’avait recommandé de rester assis et de me déconnecter de mes préoccupations habituelles.
Ayant une totale confiance en elle, je me dis qu’elle avait de bonnes raisons de m’imposer cela et je commençai à réfléchir à la façon d’occuper ce temps” libre ”.
Je pris une feuille de papier et je me mis à noter plusieurs possibilités :
1) Méditer, quelques tutos devraient pouvoir m’aider.
2)Coucher sur le papier mes pensées, mes émotions, mon ressenti.
3)Dessiner (j’avais pris il y a quelques années des cours de dessin abandonnés avec regret faute de temps)
4)Lire
5) Ne rien faire (à peine l’avais-je formulée que je rejetais cette dernière option).
C’était un jour de repos, je décidais donc de m’y mettre sans tarder.
Je pris le nécessaire pour écrire et dessiner, ma tablette, un livre acheté plusieurs mois auparavant et que je n’avais jamais trouvé le temps de lire et je m’installai au fond du jardin,
à côté d’une petite cabane que j’avais construite et qui me servirait de refuge si le temps venait à se gâter. Et là, il se passa une chose incroyable.
Tout occupé à préparer cette ”séance”, je commençai à oublier les raisons qui m’avaient conduit là et je ressentis même une certaine excitation à l’idée de ce qui allait sortir de tout ça. Je fus comblé au-delà de toute espérance. Je déclenchais le chronomètre de mon portable que j’avais au préalable mis en silencieux selon une recommandation impérative de mon médecin, qui avait assorti ces deux heures au calme d’une interdiction totale de communiquer avec quiconque en dehors de mon double intérieur.
J’avais décidé, pour débuter la séance, de coucher sur papier une sorte de bilan de ma vie, de noter mon ressenti, mes besoins, mes attentes, mes espoirs.
Tout sortit d’une traite et au bout d’1h30, j’étais vidé. Je consacrai la dernière demi-heure à une séance de méditation centrée sur les vagues et l’océan, mon milieu de prédilection. Le résultat sur mon niveau de stress fut spectaculaire.
Les jours suivants, j’alternais en fonction de mon humeur, les séances de dessin, d’écriture, de lecture, la méditation venant immanquablement clôturer chaque séance. Au bout de trois semaines, les résultats étaient si probants sur mon bien être que je décidais de poursuivre, en allégeant la formule à trois séances d’une heure par semaine.
J’avais par ailleurs pris plusieurs décisions, dont celle d’interrompre ma relation amoureuse dont la toxicité m’était apparue de façon flagrante au fil de mon introspection. J’avais également réussi à entrevoir une solution pour le devenir de mes parents, aidé par mon médecin qui m’avait orienté vers des structures d’aide pour le maintien à domicile.
Professionnellement aussi, ce fut une profonde remise en question. Je décidai de me réorienter et de créer ma propre entreprise afin d’exploiter mes compétences sans hiérarchie pour entraver mes élans. Le plus gros problème restait celui de mon fils, mais mon bien être retrouvé me permit de l’accompagner au mieux dans l’acceptation de sa nouvelle prise en charge médicale.
Quand je retournai voir mon médecin, elle me sourit dès mon arrivée dans son bureau, m’observa quelques secondes et avant même que j’ai pu prononcer une parole elle me dit : “je crois que vous avez d’excellentes nouvelles à m’annoncer, je me trompe ou nous venons de remporter une victoire ? ’’
Trois mois plus tard, nous étions sur une piste de ski, peaufinant au grand air mon bien être retrouvé et préparant avec confiance un avenir serein.
Mais ça, c’est une autre histoire !


De Lisa

Inspiré de la chanson de « Je suis malade » de Serge Lama


Il ne sourit plus
Il ne rêve plus
Plus d’histoires à son arc

Il est en face de ce médecin
Il est un autre sans toi
Comme un zombie, l’ombre de tes pas

Il n’a plus envie
De vivre sa vie
Seuls les anti-dépresseurs

Le chocolat n’est plus de la partie
Et même ses pouillettes sont orphelines aujourd’hui

Il est malade
Plus tiré à quatre épingles
Il est irréconnaissable
Avec sa bouc qui sort de l’original

Il est malade
Simplement malade
Le docteur lui conseille de faire un deuil
Tout en s’occupant de ses oies
Pour deux heures chaque matin
On verra !

Comme un rocher
Le chocolat est son allier
Il s’accroche à cette dépression

Il est fatigué et épuisé
De faire semblant d’être heureux
Quand la famille est là

Il travaille jour et nuit
Avec des postes en alternance
Les loisirs ne suivent plus la cadence

On a beau lui dire de rester deux heures
A rien faire pour calmer son intérieur

Il est malade
Plus tiré à quatre épingles
Il est irréconnaissable
Avec sa bouc qui sort de l’original

Il est malade
Simplement malade
Le docteur lui conseille de faire un deuil
Tout en s’occupant de ses oies
Pour deux heures chaque matin
Mais il s’en fout

Il décide de lire dans son coin
Pour tenir le coup à chaque mot
Pourtant, il a du talent
Psychologiquement auprès des gens

Il est malade
Plus tiré à quatre épingles
Il est irréconnaissable
Avec sa bouc qui sort de l’original

Il est malade
C’est ça
Il est malade
On lui prive de son talent
On le dégoûte de la vie tout simplement
Et le cœur est en barricades
Soyez attentif
Il est malade
T’entends
Soignez ce mec formidable


De Francis

Confidence

Je connais Jean-Pierre depuis quelques temps. Nous nous apprécions mutuellement. Je me sens bien avec lui, il dégage une sérénité qui me fait du bien. Nous avons souvent de longues discussions où nous échangeons sur des sujets variés. Il n’y a pas longtemps, je lui confiais que je me trouvais bien en sa compagnie. Il m’aidait, sans le savoir, par sa façon de se comporter à supporter les aléas de la vie. Des confidences, nous nous en faisions de temps en temps, mais ce jour-là, j’ai été surpris de l’entendre me répondre qu‘il n’en a pas été toujours ainsi, il a eu sa période tourmentée et de me raconter ce qu’il lui est arrivé.
Je brûlais la chandelle par les deux bouts, le travail à cent à l’heure, le peu d’intérêt pour la famille, les bons amis toujours prêts à faire la fête et la dépression menaçait. J’allais voir mon médecin. Contrairement à ce que j’attendais de lui, il ne me prescrivit aucun médicament, me conseillant de faire preuve de plus grande sagesse et d’enclencher la pédale douce, « pendant quelques semaines reste au moins trois heures par jour à te poser et reviens me voir ».
Surpris par son accueil, je quittais son cabinet fâché, l’accusant même de faute professionnelle. Une nuit, deux, trois à réfléchir, la nuit porte conseil et me voilà plus lucide. Ce médecin m’a vu grandir. Il me connaît très bien. Il ne peut pas m’abandonner. Il doit avoir ses raisons et c’est ainsi que je commençais à me questionner et que décidais de voir ce qui n’allait pas dans ma vie.
Ça n’a pas été facile. En premier lieu, je devais comprendre ce qu’il attendait de moi, quel message il avait voulu faire passer et me poser les bonnes questions. J’ai commencé par me dire : es-tu heureux en te levant le matin ? Tu vis, tu respires, tu as une famille, est-ce que tu la rends heureuse, tu as des amis, quelle est leur place dans ta vie et dans ton travail ? A tout cela, la réponse était mitigée et le fait de me les poser m’apportait une prise de conscience et un début de réponse et c’est ainsi que j’ai pris la décision de changer et de voir ce qui allait se passer. Après tout, je risquais quoi ? Etre heureux tout simplement.
Je m’installais dans le salon, bien calé dans le fauteuil, dans une demi-pénombre. C’était difficile, presque qu’impossible de rester immobile, dans le silence, de stopper le flot de pensées, de réfléchir. Et c’est ainsi que dans un premier temps, j’ai pris la résolution de me dire au réveil : « aujourd’hui tu dois réussir ta journée. Fixe-toi un objectif facile qui te rendra heureux. Observe ton entourage, aime ceux qui te sont chers, dis leur merci de t’accompagner, souris même si tu n’en as pas envie, force-toi, sois attentif à ce qui se passe autour de toi. »
Aveugle, sourd, indifférent, au départ, je me suis rapidement rendu compte, comme si je prenais une pilule de conscience, qu’au fur et à mesure, que mon monde devenait plus léger, que l’air était plus respirable, que l’atmosphère moins contraignante, je me sentais plus à l’aise, j’avais moins de pression sur les épaules.
J’ai souhaité aller plus loin, conforter ce bien être et je m’efforçais de renouveler le plus souvent possible la séance dans le salon et c’est ainsi que j’ai appris à méditer. La méditation est un état très difficile à acquérir, je te la recommande, et je n’ai pas renoncé, j’ai persisté, persisté jusqu’au moment où cela est devenu naturel, je dirais même un besoin. Puis, j’ai pratiqué l’exercice de la cohérence cardiaque et plus tard les exercices de l’E.M.D.R. Chaque fois que je le pouvais, je faisais de l’introspection, j’ai appris à me connaître et tout naturellement je me suis ouvert, j’ai échangé, j’ai fait des rencontres auxquelles je ne m’attendais pas. Finie la compétition, bonjour la tolérance, finie la course aux succès, à chaque jour suffit sa peine, chaque chose en son temps.
Durant ces périodes de calme dans le salon, je réfléchissais, réfléchissais, c’était devenu un besoin naturel. J’étais dans un engrenage qui m’était doux. Et c’est ainsi que je suis devenu à l’aise avec les autres, que j’ai appris à ne plus me plaindre, à relativiser, à fredonner la dernière chanson à la mode. Je ne savais pas danser, j’ai appris.
Il m’est venu l’idée de la lecture, j’ai essayé les romans policiers, j’y ai pris goût. Je suis entré dans ce mode d’évasion. Par la suite, j’ai plongé dans la littérature, ça m’a plu, je ne négligeais pas pour autant les romans du moment. J’étais surpris. Comment j’avais pu ignorer ? J’ai alors été emporté dans l’engrenage de la culture. J’ai sélectionné les personnes gravitant autour de moi.
Si c’était à refaire, je le referais, mais encore faut-il avoir la chance de rencontrer un homme capable de me tenir tête et me donner le bon conseil. Je ne suis pas un homme sage, j’ai appris. Je suis heureux de savoir que nos rapports sont sereins, je n’ai aucun mérite car sur le moment, je l’ai maudit ce médecin, qui a su me dire non.
Je souhaite à tout un chacun d’avoir ma chance.

De Marie-Laure

Thérèse contemplative

Thérèse l’avait aimé son job dans le social, elle en avait fait des journées à rallonge, avec toujours la même conviction chevillée au corps ! Pourtant aujourd’hui, elle en avait ras le bol des sempiternelles injonctions de rentabilité, de temps millimétré pour gérer un dossier, de l’analyse de son travail uniquement en termes de statistiques. Il fallait qu’elle se fasse une raison, même si elle ne se sentait plus à sa place, elle devait tenir encore trois ans pour arriver à la retraite. Trois ans d’insomnies et de stress à endurer encore, un vrai cauchemar ! Elle avait une sacrée envie de se casser le plus vite possible.
Va savoir pourquoi, ce soir-là, elle avait trébuché sur le chat. Dans sa chute, son pied avait fortement tapé contre le chambranle de porte et les jurons qui ont fusé dans la foulée témoignaient de l’importance du choc ! Le chat a trissé et on ne l’a pas revu de la soirée ! « Tout ça pour te faire bichonner » lui avait lancé Norbert, son compagnon, un brin mesquin ! « Allez, on va emballer le « pitoune » dans le cold – pack, patate en l’air et ça ira mieux demain ! ». Thérèse avait même fini par sourire, tout en squattant l’ intégralité du canapé durant toute la soirée sans broncher.
Encore une nuit sans sommeil, c’était somme toute assez banal, mais au réveil, son orteil était bleu marine et avait doublé de volume, impossible pour elle de s’appuyer dessus et Norbert avait dû la véhiculer chez le médecin traitant.
Tension très basse, troubles du sommeil récurrents, « toujours aussi pressée madame ! » « Et le chat il s’en est bien sorti lui ? Je ne vois qu’un seul remède, du calme, du calme. Comme ordonnance, vous aurez à rester au moins 2 heures par jour assise , totalement inactive et ce durant trois bonnes semaines, votre corps vous le demande et je suis d’accord avec lui ! Il n’y a rien d’autre à faire pour votre pied, ne pas courir, ne pas appuyer sur l’orteil et ça finira par passer. »
Elle se connaissait par cœur, elle savait que son corps lui donnait le signal de se mettre sur pause quelques jours, mais de là à se casser ! Au fond, elle se disait qu’elle aurait pu prendre soin d’elle sans se faire mal à ce point. Contre mauvaise fortune bon cœur, elle allait rester dans sa maison, toutefois elle se demandait si elle arriverait à respecter l’injonction de calme et d’inactivité prescrite par le médecin. Au fond, ne pas pouvoir courir lui offrait l’occasion de confier à son compagnon une bonne partie des tâches ménagères. Elle avait bien conscience de profiter là de bénéfices secondaires à la maladie, mais cela ne la faisait pas culpabiliser du tout ! De là à rester 2 heures par jour inactive, assise, elle se demandait bien comment elle allait y arriver !
Elle se disait qu’il fallait qu’elle s’organise, elle allait caler ce temps de repos après le repas, après s’ être activée le matin, cela lui ferait du bien et il lui resterait encore une bonne partie de l’après-midi pour vaquer à ses occupations.
Le premier jour, elle a mis son casque sur les oreilles, une petite musique relaxante et elle a sombré dans un bon sommeil récupérateur, « ouf, mission accomplie » se dit – elle. Le deuxième jour, elle a réitéré, cool, elle s’endormait de suite ! Le cinquième jour, la sieste a été plus courte et il lui restait encore une demi-heure d’inactivité à faire. Restant allongée sur le canapé, elle trouva cette réflexion assez comique « il me reste 30 minutes d’inactivité à faire ! » et elle passa le reste du temps à cogiter, comme si elle faisait un devoir de philo : un temps d’inactivité certes, mais faire ou avoir ? A ce petit jeu, le temps était vite passé finalement.
Les jours suivants, le temps de sieste était encore plus court, c’ était une bonne grosse heure qu’il fallait encore meubler, sans gigoter dans tous les sens comme à son habitude. Elle prit là toute la mesure de cette prescription médicale. Sombrer dans le sommeil avait été en quelque sorte une bonne échappatoire. Venait le temps maintenant d’accepter l’inactivité et ce n’était pas une mince affaire pour Thérèse ! Elle se souvenait de cette réflexion d’un professeur parlant des enfants hyperactifs qui finissait par cette maxime « je bouge donc je suis ». Bon sang comme c’était vrai ! L’inactivité charriait facilement les angoisses et les incertitudes, elle ne se sentait pas prête à s’initier à la totale contemplation pour le moment ! « Allez, un bon bouquin fera l’affaire pour respecter ces deux heures de calme » se dit – elle. « Toutefois suis – je vraiment inactive lorsque je dévore mon roman ? Je lis, donc je fais quelque chose ! La prescription était de ne rien faire, j’ai donc tout faux ! » S’ensuivit une grande conversation avec Norbert à propos de la phrase du médecin : rester assise à ne rien faire 2 heures par jour. Selon Norbert, s’il pouvait concevoir que la sieste confortablement allongée sur le canapé avait été un premier cap, le médecin semblait demander autre chose, sinon il aurait prescrit une sieste quotidienne ! Thérèse ne pouvait que donner son aval à ce raisonnement pour le moins cartésien. Norbert prit même un malin plaisir à lui faire remarquer que le médecin avait dit « assise », pour sûr ce n’était pas de sieste dont il s’agissait ! Thérèse se trouva au pied du mur, point de sieste dans les prochains jours, si elle acceptait cette option, elle posa quand même une option pour s’installer dans le fauteuil le plus confortable du salon !
Le lendemain, elle tenta l’expérience, zéro livre, rien dans les mains ! Dans un élan de jusqu’au boutisme, elle poussa même jusqu’à ranger son casque et ne pas mettre de musique. Cette prescription prenait l’allure d’un challenge entre elle et Norbert. Elle n’avait pas coutume de perdre facilement la face, alors soit, elle allait s’y coller, bon gré mal gré !
Après avoir mis un timer et une sonnerie sur son téléphone, elle s’est installée dans son fauteuil préféré, face à la baie vitrée. Un doux rayon de soleil lui chauffait le visage, elle ferma les yeux, comme si elle était sur la plage. Elle se souvenait de ces superbes vacances à l’île de Noirmoutier, il avait fait exceptionnellement chaud cet été-là. Elle avait pu se baigner et se dorer au soleil car il n’y avait pas de vent. Elle se remémora ce moment, se voyant entrer tranquillement dans l’eau et prendre tout son temps pour nager. C’était comme si l’air iodé venait caresser ses narines. Elle entendait le bruit des enfants qui jouaient dans le sable. Elle voyait ce joli château qu’ils venaient de construire tous ensemble. Partie dans ses rêves et ses souvenirs, c’est la sonnerie du téléphone qui la ramena à la réalité ce jour-là. Elle était bien, elle se sentait complètement reposée et se rappeler ces bons moments lui avait mis du baume au cœur, au fond c’était un beau voyage !
Le lendemain, elle retrouva son fauteuil avec plus d’entrain, s’installa confortablement face à la baie vitrée et fut surprise par la nuée de mésanges qui s’égaillaient autour de son érable pourpre. Elle l’aimait bien cet arbre, elle le trouvait élégant et elle se dit qu’elle n’avait jamais essayé de le dessiner ou le peindre. Après l’avoir longuement observé, elle ferma les yeux et se demanda par quoi elle commencerait si elle voulait le peindre. Elle s’imagina sortir son aquarelle, tracer en quelques traits l’ossature de l’arbre puis laisser les couleurs fuser. Chaque coup de pinceau imaginaire était le fruit d’une longue observation, d’un souci de retranscrire chaque détail, chaque nuance avec le plus grand soin. Elle se sentait une âme d’artiste, complètement satisfaite de son aquarelle lorsque le timer retentit. Certes, ce n’était pas la réalité, car elle démarrait seulement la peinture et elle ne maîtrisait rien du tout dans la vraie vie, mais ce rêve, éveillée, l’avait incitée à prendre ses pinceaux.
Petit à petit, elle se rendit compte qu’elle pouvait voyager, dessiner, danser dans sa tête. L’inactivité lui offrait cette fenêtre ouverte sur tous ses rêves et il n’y avait pas de limites. Elle avait maintenant envie d’écrire de suite tous ces rêves éveillés, tant ils étaient beaux, tant elle y était belle, épanouie, accomplie !


De Roselyne

Inactive-Active

Me voilà dans de beaux draps, je sors de chez le médecin consulté pour une fatigue extrême. Rien, je n’ai rien eu comme remontant. Ah si ! Ne rien faire pendant deux heures au moins trois semaines. Tu parles, je ne sais pas comment je vais me sortir de cette affaire. D’abord, parce que je ne suis pas du genre à rester à me tourner les pouces, et puis je ne sais vraiment pas si cette ordonnance verbale va me redonner du tonus. Enfin, de retour chez moi, je me pose dans le canapé. Je fais une rétrospective des événements qui ont bien pu m’amener à cet état de léthargie.
Cet état des lieux fait, la première chose qui s’impose à moi, prendre un rendez-vous chez mon ostéopathe préférée pour un massage bien-être. Notamment, un massage crânien pour chasser tous les parasites. Je peux vous dire, qu’après la séance, je suis comme un zombie. D’ailleurs, le message est clair, pour le coup c’est ne rien faire pendant une journée. Je roupille en général deux heures après ce temps, rien que pour moi. Le lendemain, toutes les connections sont d’aplomb, c’est formidable !!!
Je me prépare aussi ma potion magique, maison bien entendu ! Je vous en livre un peu les secrets, si vous voulez … Jus de citron, curcuma frais si possible (quelques rondelles) gingembre frais également (quelques morceaux), prenez celui du Pérou bien meilleur que le Chinois, il est bien évident, que je n’ai pas toujours ces ingrédients frais, donc en poudre c’est très bien, badiane ou anis étoilé, thym, laurier, persil, cardamone, ajoutez de l’eau et le tour est joué. A boire chaud, froid avec un peu de miel. Vous pouvez faire cette potion avec les épices et aromates qui vous conviennent. C’est ma potion hivernale, mais aussi une bonne partie de l’année.
Je prends un bon bouquin et je me cale dans un fauteuil, si la lecture de celui-ci m’accroche, il peut se passer m’importe quoi autour de moi, je suis totalement absorbée par le récit. Je vais marcher jusqu’à l’océan, s’il fait beau, je cherche un galet qui peut recevoir mon auguste postérieur et je me mets en position tailleur, je médite ou je plonge mon regard dans l’océan. Il peut me prendre l’envie de me déchausser et de mettre les pieds dans l’eau, quel bienfait ! Je peux tout aussi bien me lancer dans une activité dans laquelle je vais me fatiguer physiquement. Cela peut-être, le jardinage, du sport un peu rapide. Mais, je dirai en général, que ce qui m’apaise, c’est la lecture, la marche, le grand air, rêvasser, écrire ce qui me passe par la tête sur une feuille de chou.
Si au bout du compte, la fatigue initiale n’est pas passée, alors j’emploie les grands moyens. C’est me donner un bon coup de pied virtuel, là où je pense. Me bouger, ne plus m’écouter, mettre de la musique à fond la caisse. Sortir de ma coquille d’escargot qui hiberne. Faire des projets, rencontrer les amis, faire un bon repas, rigoler, boire une bonne coupe de bulle. Rien de tel pour le moral. Aller traîner mes guêtres dans une librairie et arpenter les rayons pour trouver un bon livre. Je fais les boîtes à livres dans lesquelles je découvre des trésors. J’aime bien me promener seule, être avec moi-même. Vous allez me dire que ce n’est pas toujours le meilleur moyen pour se sortir d’une situation de stress… Mais si, car je me retrouve face à moi-même. Je me bouscule, en me disant que mes problèmes ne sont pas si graves, au vu de ce qui peut se passer autour de moi. Je suis assez sensible aux malheurs des autres et j’ai donc tendance à me laisser un peu de côté. Ceci dit, je suis aussi une battante et forcément j’arrive toujours à me sortir de l’ornière. Attention, l’ornière peut être profonde et là il ne s’agit pas de se replier sur soi. Il faut parler, se confier à l’être aimé, se faire aider. Même si cela est compliqué, car ce n’est pas facile de se libérer, la confiance, l’amour, le regard de l’autre sont salutaires.
Avec un tel programme, fatigue, stress et angoisse de la situation deviennent comme un léger voile de brume. Ou, alors… c’est grave docteur ?

De Pierre

Un rendez-vous chez son médecin traitant, cela n’a rien de plus banal, si le mal dont vous souffrez justifie ce contact avec la science médicale et s’il peut être soigné rapidement sans d’autres interventions qu’un traitement classique.
Ce jour-là, en début d’hiver, Romain Cadoin, c’est son nom, me reçoit dans son cabinet situé en région parisienne. Nous nous connaissons de plus de dix ans et gardons des liens amicaux; bien sûr, Romain sait tout de moi, en particulier sur mes faiblesses physiques et mes infirmités, étant atteint d’une perte auditive.
Agé de plus de soixante-quinze ans, un vieux en quelque sorte, retraité depuis une dizaine d’années après avoir été cadre financier dans une grande entreprise internationale, le passage du monde actif à celui des retraités, soi-disant l’âge d’or comme ils disent au Québec, fut quelque peu chaotique car je n’y étais pas préparé. J’ai donc dû m’investir dans des activités bénévoles en milieu associatif, domaine captivant avec des contacts humains, mais domaine également ingrat, tout ça pour occuper mes journées étant veuf, ayant deux enfants vivant en province et peu d’amis en région parisienne où je réside.
Après une attente de plus d’une heure, le médecin, très sollicité en ces périodes hivernales propices aux rhumes, grippes et autres gastros, me reçoit chaleureusement :

Bonjour Gilbert, content de te revoir ; que me vaut cette visite et comment se passe tes activités bénévoles ?
Trop bien en fait, trop prenantes car je n’ai aucune minute disponible pour m’occuper de moi et de ma famille, c’est grave ! Je suis ici car je me sens affaibli en ce moment, incapable de poursuivre mes idées durant la journée et je constate que cela agit sur le travail bénévole que j’assure pour les associations.
Allons, tu n’es plus salarié, alors profite de ta retraite avant tout ; tu sais, on ne vit qu’une fois.
Je ne sais pas, je ne sais rien faire d’autre en dehors de mon métier, je n’ai pas de maison à la campagne avec un jardin à m’occuper, personne avec moi, rien, c’est triste. En résumé, je me sens inutile.
Tu m’as l’air bien dépressif en ce moment, examinons ta tension artérielle s’il te plait.
Je ne pense pas en avoir
Tu te trompes, tu es à 19, c’est trop ! Laisse-moi vérifier quelque chose sur ton dossier.

Le médecin prit le temps de consulter le dossier de Gilbert Delorme et passa en revue les antécédents médicaux et en particulier ses affections cardio-vasculaires. Il reprit ensuite la parole sur un ton un peu plus directif :

Gilbert, je vais être direct avec toi. Ton problème aujourd’hui est nullement pathologique ; en conséquence, je n’ai pas l’intention de te prescrire le moindre médicament. Voilà ce que je te propose : en tout premier lieu, je te suggère de prendre un animal domestique chez toi , un petit chat de préférence, animal moins contraignant en appartement. Tu pourras le dorloter, t’occuper de lui, toi qui es quelqu’un de sensible, de gentil et ensuite pendant trois semaines, à raison de deux heures par jour, dimanches compris, tu devras rester assis dans ton fauteuil ou allongé sur ton canapé à ne rien faire, mais libre à toi d’occuper ces deux heures d’inactivité. Voilà, pour faire court la thérapie que je te propose ; tu passes me revoir dans trois semaines ; en parallèle, pense à te bâtir des projets personnels pour toi- même et non pour les autres ; il faut savoir être égoïste parfois.
Merci Romain, je vais faire en sorte que ce plan d’action, comme on dit dans notre jargon technocratique, soit mis en œuvre et que la lumière et le positif jaillissent en moi qui suis désemparé.

– Bravo Gilbert, quelle belle philosophie. Dernier point, pense à ton amie Caroline, elle t’aime beaucoup tu sais… Romain connaissait également Caroline, l’ayant examinée plusieurs fois.
Romain quitta sans précipitation le cabinet médical et chemin faisant, il commençait à élaborer ce vaste programme de « reconstruction » personnelle avant de retrouver son appartement situé tout proche, dans le 15ème.
Le lendemain J+1, je décidais de mettre en pratique les dispositions proposées et me mis en chasse de trouver « l’oiseau » rare en l’occurrence un petit chaton trouvé dans un chenil. Il était tout mignon, quelques semaines seulement ; des conseils me furent donnés par le vendeur pour assurer son alimentation et son premier suivi vétérinaire. Le chaton était une « fille » et je l’ai baptisée « HOPE ». La petite bête de poils blanc tachetés de noir avec de grands oreilles bien droites, signe de bonne santé et d’apparence très calme, commençait à faire ses repères dans l’appartement et à s’habituer à ma personne car la relation humain / animal, c’est à la fois simple et complexe et ça requiert de la patience.
J+2. J’appelle mon amie Caroline, Caro pour les intimes, et lui fais part des évènements qui viennent de secouer ma pâle existence et je lui dis que j’étais content de mon acquisition animale et que je me sentais de nouveau utile. Je propose à CARO de diner ensemble le soir même et elle accepte sans hésitation. Nous nous connaissons depuis une dizaine d’années et nous revoyons occasionnellement une fois par mois, en moyenne. Nous nous sommes rencontrés la première fois dans un forum associatif, elle-même investie dans ce milieu. J’ai ensuite été amené à lui donner des cours de perfectionnement en comptabilité et en gestion. Également veuve sans enfant, Caro partage sa vie entre son petit appartement parisien, ses perruches et poissons rouges et ses diverses activités caritatives et associatives. Physiquement agréable, cultivée, toujours bien vêtue mais de manière simple, nous avions envisagé de vivre ensemble, mais vu nos âges et nos habitudes de vie, ce projet fut écarté.
J+3. Je dois me décider à concrétiser la thérapie du Dr Romain Cadouin. Je prends la décision de fixer les heures d’inactivité de 15h à 16h, avec variante possible le Week-end en parallèle. Je me suis mentalement dressé un état des sujets ou idées m’accompagnant durant cette oisiveté avec un thème par jour et j’ai par ailleurs réduit mon temps de travail associatif en conséquence. Parmi les pistes de réflexion, je citerais un projet de voyage en Asie que je compte faire avec Caro, un projet immobilier en province, la vente de ma voiture car je n’en avais plus besoin à Paris, lecture, écriture, et réflexion sur soi-même et mon devenir, sans sombrer car ce n’est pas facile. Je décide donc de démarrer la thérapie le lendemain à J+4.
J+4. Mauvais réveil, mal dormi, prise de somnifère, la tête dans le brouillard. A peine levé, je me jette dans mon fauteuil et me remets à somnoler. « Hope » me réveille en me disant qu’elle a faim et que sa chatière est sale. Après m’être occupé du chat, j’ai des doutes sur la réussite de cette thérapie, compte tenu de mon profil et de mes états d’âme. Au fond de moi-même, il subsiste une peur atroce des autres, des contacts, des éléments déchainés (peur viscérale des orages) . Avec ces deux heures d’oisiveté, je crains de retomber dans un trou, dans une sorte de havre protecteur en dehors du monde…
Masque sur les yeux pour me protéger de la lumière. Soudain, le téléphone sonne, dois-je ou non répondre ? Je décide de répondre :

Bonjour Gilbert, c’est moi ta sœur, je venais aux nouvelles. Il y a longtemps que nous ne nous sommes pas parlé. Comment te sens-tu ?

Ma sœur Rachel réside en Suisse, dans le Valais, au pied de montagnes enneigées en cette saison. Un peu plus jeune que moi, deux fois divorcée, elle jouit d’une vie matérielle confortable dans une grande maison/chalet en bois. Une fois par an, elle vient à Paris faire ses emplettes au moment des soldes.

Content de t’avoir au phone Rachel, mais je ne vais pas très bien ; je lui expliquai mes problèmes « métaphysiques » et le besoin urgent que j’avais de changer de vie.
Je te propose Romain de venir chez moi pour les fêtes de fin d’année. Tu verras tout le monde et tu pourras faire de grandes promenades en forêt, loin de la ville.
Super ce programme j’accepte ; nous sommes mi-décembre et je peux être chez toi l’avant-veille de Noël. Tu peux prévenir les enfants car je pense qu’ils viendront.

Rachel avait eu un enfant, un garçon, de son deuxième mari mais elle le perdit à 18 ans, décédé des suites d’un accident de moto. Depuis, elle s’occupait beaucoup de mes trois petits-enfants et voyait assez régulièrement mes enfants avec qui elle était très proches.
Les jours suivants, la thérapie journalière fut dans l’ensemble respectée et je pus donner suite à mes idées, tels le projet de voyage et la vente de la voiture. C’est un début. Pour ne pas retomber dans mon trou, je pris une activité sportive à ma portée et supprimai les somnifères.
La semaine suivante, la thérapie donnait des résultats certains ; je bougeais, sortais beaucoup, pris un abonnement de spectacle et mes sorties avec Caro étaient plus fréquentes. Nous parlions souvent de notre voyage asiatique prévu au début de l’an prochain et étions enthousiastes à ce projet.
Dans cette mutation, le soutien des autres est important et dans mon cas, celui de ma famille avec de nombreux appels de mes enfants, de Caro mon amie proche et aussi de Romain, mon ami médecin qui avait accepté que j’écourte un peu les trois semaines en raison de mon départ prochain en Suisse pour Noël.
Voilà ma petite histoire, en partie vécue, elle n’a rien de transcendante, elle confirme que tout est possible et qu’il faut savoir retirer la pierre qui bloque le chemin face à soi.

De Pascale

Bulleuse ….

Il est de ces moments
Propices à arrêter le temps
Où un instant de pause
Comme une évidence, s’impose.
Loin de tout scrupule
Je laisse tourner la pendule,
Sans remord, je capitule
M’exilant dans une bulle…

Bulle d’évasion,
Temps de respiration,
Ne laissant filtrer que le rayonnement
Du plaisir et de l’apaisement
Au gré de mon indiscipline,
Imperceptible, elle m’achemine
Où un tête-à-tête se dessine…

Face à l’océan,
Comme happée par ce géant
Invincible, véhément,
Je retrouve mon humilité
Et devant son immensité
Laisse voguer mes pensées
Oublie toute réalité
Suis simplement émerveillée !

Les livres quant à eux,
Par leurs univers camaïeux
Bousculent ma matérialité
Bien lovée sur le canapé
Au son du jazz qui me berce
Les mots bien souvent me bouleversent
Parfois mon esprit se disperse
Lire m’engage à rêver !

La nature, quelle merveille,
Convie tous mes sens à l‘éveil.
Conceptrice d’improbables tableaux
Empruntant mille pinceaux
Au vent, aux saisons, aux oiseaux…
Souvent maltraitée et meurtrie
Elle poursuit le cycle de la vie
Elle m’enseigne la paix de l’esprit !

Bulle, ma bulle
Tu ponctues de virgules
Lorsque tout se bouscule
Le fil du temps qui court
M’offrant sur ton parcours
Mes petits bonheurs du jour !


D’Aline

Deux heures par jour, assise à ne rien faire ! Je ne suis pas sûre de respecter l’ordonnance.
Depuis l’instant même où j’ai quitté le cabinet médical, j’ai commencé à m’inquiéter.
Il faut dire que généralement, j’ai plutôt l’habitude de faire deux choses en même temps.
Je regarde un film en tricotant… je fais des mots croisés en suivant une émission qui
m’intéresse, à laquelle je jette un œil de temps en temps. Je peux : cuisiner en écoutant la radio, marcher en écrivant dans ma tête… ou même sur mon portable, lire en déjeunant.
Bref ! Vous comprendrez que la consigne sera difficile à respecter.
Le lendemain matin, je tourne en rond dans mon salon : m’asseoir et ne rien faire ? Je cherche. Je pourrais faire un scanner du corps ?… Je le fais parfois en méditant. Je pourrais rêver et imaginer mes prochaines vacances ?… bof ! Elaborer le repas de samedi soir pour mes amis ?… Je dois d’abord aller au marché. De toute façon, cela ne prendrait pas deux heures.
Alors quoi ? Pensive, je regarde le jardin par la fenêtre. Le ciel est gris et bas. Il pourrait neiger. Un rouge gorge vient se percher sur une branche de l’immense prunier en habit d’hiver. Tout nu. L’oiseau s’ébroue. S’arrête un instant et s’envole.
Je m’assieds dans mon fauteuil préféré devant la porte fenêtre. Le prunier déploie en ombrelle, ses longues branches. La mangeoire, toujours emplie de graines variées, se balance au vent. Les boules de graisse attendent les visiteurs.
Moi aussi. Je ne les connais pas tous. Mon prunier est un formidable terrain de jeux pour les oiseaux. Ils ont deviné que je suis impatiente de leur bonjour. Aussi, ils ne tardent pas à me faire la fête, volant de branche en branche, en haut en bas. Les oiseaux sont de formidables circassiens ! Ce matin, s’est un vrai défilé. J’observe leurs manèges et leurs échanges toujours cordiaux.
Les plus nombreux sont les verdiers, reconnaissables à leur plumage jaune olive et vert, quelques taches jaune vif sur les ailes et la queue. Ils arrivent en bandes et ont tendance à s’approprier la mangeoire, les petits malins. Ils papillonnent autour avec des battements d’ailes dans l’espoir de faire fuir les chardonnerets, qui eux, n’osent pas prendre leur place. J’aime la douceur de leur couleur brun clair. Leurs ailes sont noires avec un peu de jaune. Leur tête blanche et noire avec un peu de rouge et un bec blanc. Je les trouve gais et très sociables. Je sens bien qu’ils aimeraient se mêler aux verdiers et devenir leurs amis. Mais, ils sont plus petits et donc un peu timides.
Une ribambelle de mésanges bleues arrive en vol de 5 ou 6. Les mésanges ont l’instinct grégaire et s’activent en dansant autour de la mangeoire. Elles prennent quelques graines et laissent la place à leurs congénères. J’aime leurs couleurs bleu cobalt sur le dessus, la queue et les ailes, tandis que le ventre et la poitrine sont d’un beau jaune bouton d’or. J’ai une sympathie particulière pour les mésanges. Nous sommes fin février et ce matin elles m’annoncent l’arrivée du printemps.
Patience mon amie, patience. Impossible de les confondre avec leurs proches cousines, les mésanges charbonnières qui elles sont un peu plus grosses, avec un plumage où le jaune domine. Ce qui les caractérise est la cravate noire tout le long de la poitrine et du ventre, leurs joues blanches et leur gorge noire. Je les ai bien vues faire : elles font fuir les mésanges bleues en écartant les ailes pour les intimider et s’approprier quelques graines de tournesol.
Puis, voici monsieur le pinson qui vient seul, et en sautillant, dérobe quelques graines tombées au sol. Il ignore la mangeoire occupée par les mésanges. Je le reconnais à son dos brun noisette et sa gorge rosâtre, sa queue gris ardoise et ses ailes blanches et noires. On dit toujours « gai comme un pinson. » Ce matin, il n’est pas gai, il est soucieux : de son bec bleu acier foncé, il picore des graines, s’envole, revient, picore, s’envole et revient dans un va et vient incessant. J’imagine qu’il nourrit sa femelle et ses petits qui l’attendent au nid ?
Je suis surprise par les couleurs d’un oiseau que je ne connais pas et je pense ne l’avoir jamais vu dans mon prunier. Un nouveau ! Un inconnu si beau, avec sa poitrine et son ventre rouge rosé alors que son dos est gris, ses ailes et sa queue noires. Je remarque qu’il préfère chercher sa nourriture directement sur les branches du prunier. Son bec est suffisamment pointu pour cela. Il va rarement dans la mangeoire. Il m’impressionne de ses vols et pirouettes acrobatiques. Je chercherai son nom dans mes livres tout à l’heure. J’aimerais savoir comment s’appelle ce nouveau venu que j’affectionne déjà.
Connaissez-vous le rouge queue noire ? Il est très commun ici. C’est un petit passereau au plumage sombre et discret, qui se confond avec l’écorce de l’arbre. Mais dès qu’il s’envole, j’aperçois le rouge brique de sa queue… d’où son nom. Il vit assez solitaire mais ne semble pas farouche. Le rouge queue noire est un oiseau que je trouve particulièrement sympathique. J’aime sa modestie.
Je ne veux pas oublier mes petits rouges-gorges. Tout le monde les connaît. Ils sont nombreux autour du prunier et très fidèles. Ils sont là tous les jours ! Seulement, ils n’aiment pas se mêler aux autres oiseaux. Je pourrais dire qu’ils me semblent asociaux. Pour preuve : ils ne partagent pas la mangeoire : ils préfèrent se nourrir des boules de graisse et de vers chipotés au sol.
A chacun ses mœurs, à chacun ses habitudes.
Devant ce spectacle du vivant, j’ai oublié le temps. Je me suis émerveillé des couleurs étonnantes des oiseaux. Je me suis réjouie de leur danse incessante, autour de l’arbre, sous mes fenêtres. Comment ne pas être heureuse devant la beauté de la nature et les cadeaux qu’elle nous offre ? Je me suis reconnectée à la joie en moi, pendant ces deux heures si judicieusement imposées. Prête pour trois semaines ! Pourquoi refuser le bonheur ?
Merci Docteur.


D’Eric (suite des aventures de Ninon)


Suite du N° 155 et depuis le N°151

Aujourd’hui, Ninon avait rendez-vous avec son médecin. Ses explications l’ont un peu rassurée : elle n’est pas vraiment malade, mais il ne peut rien faire pour elle. Les changements que la vie lui a apportés ces derniers temps, séparation, déménagement, ménopause… lui créent trop de stress. Pour remédier à cela, il ne lui a prescrit aucun médicament, mais lui a conseillé de s’arrêter de faire quoi que ce soit durant deux heures par jour pendant 3 semaines.
Avec son caractère volontaire, Ninon commence le jour même. Le soir la trouve assise dans son salon, sans divertissement : ni livre, ni télévision, ni téléphone, ni ordinateur. Mais, ne rien faire n’est pas chose facile. Arrêter de bouger n’empêche en rien les pensées de tourner, cela peut même les accélérer. Et d’où vient le stress ? Si ce n’est de notre propre cerveau ?
Alors, elle décide de pratiquer « des activités passives » qui devraient l’apaiser. Chaque soir, installée en robe de chambre dans son canapé, elle apprend à savourer le fait d’être tranquille chez elle. Immobile devant le feu, elle contemple les braises rougeoyantes en laissant flotter mollement ses pensées. Envoutée par ce spectacle, elle peut s’y adonner pendant des heures. Si le feu est éteint, elle écoute de la musique : classique ou jazz des années 50, pour endiguer son ressassement intérieur et apaiser son coeur. Quand vient l’heure du coucher, elle éprouve une petite joie car elle aime se glisser dans ses draps qui sentent la lavande et se pelotonner sous sa couette en plume. Maintenant une fois couchée, allongée sur le dos, elle s’oblige à se détendre, à rendre sa respiration plus lente et régulière. Après quelques dizaines de minutes, cette méditation tranquille la conduit directement dans les bras de Morphée. Ses rêves se font de moins en moins agités. Ses réveils sont plus faciles.
Dans la journée, quand il lui arrive de se sentir oppressée, elle s’arrête, se concentre sur son souffle, puis, une fois calmée, se réouvre au monde. De s’apaiser la rend plus présente dans ses interactions avec les personnes qu’elle côtoie. Ses soirées à rester seule avec elle-même ne lui font plus peur, elle y trouve même un certain plaisir.
Jour après jour, ce traitement, ajouté à son cadre de vie campagnard, améliore son état. Au bout de trois semaines, Ninon ne l’arrête pas complètement et garde en mémoire ce que lui a appris cette expérience. La télévision reste éteinte. Les livres sont revenus dans ses mains, mais sans fond musical. Lorsqu’elle écoute de la musique, elle y consacre toute son attention. Elle se donne le temps de savourer l’instant. Elle ne fait qu’une chose à la fois. Ninon nous quitte car elle vient d’entendre son téléphone sonner…


D’Inès

Katia

Perdu dans mes pensées, je sortis du cabinet du généraliste. Les paroles de ce dernier résonnaient encore dans ma tête :
-Il vous faut du repos ! Il vous faut du repos ! disait-il.
La voix suave de l’hôtesse de l’air me ressuscita.
-Veuillez attacher votre ceinture Madame, nous allons atterrir sur les îles dominicaines dans 15 minutes.
Dès les premières marches du désembarquement, une petite brise fraîche venait caresser mon visage, c’était une bouffé d’aire vivante qui venait me ranimer, je me sentais déjà légère comme une plume.
Dans le hall d’arrivée, un chauffeur de taxi m’attendait avec un large sourire.
Le chauffeur :
-Vos bagages madame ?
-Je n’ai pas de bagages monsieur, à part un sac fourre – tout de plage, je n’ai pris aucun bagage avec moi ! Plus de lourdeur ! Plus d’effort! Plus de tracas !
Dans le taxi,un paysage époustouflant, féerique se défilait face à moi, j’étais comme dans un rêve … d’immense palmeraies vertes… des étendues de sable blanc m’attendaient !
Arrivée à l’hôtel, je ne pus m’empêcher de me ruer dans ma chambre afin de voir sur quelle vue, j’étais prédisposée.
La nuit venue, j’enfilai ma jolie petite robe blanche et décidai de faire une petite balade sur les rivages. Les pieds nus, j’avais hâte d’aller fouler le sable blanc et, ce dernier était si chaud si bon, que je le sentais me radier tout le corps.
La pleine lune complice étalait sa lumière sur les cocotiers géants, on voyait celle-ci se dresser comme des lampadaires sur les rivages, le sable scintillait … la mer sourde et abyssal gardait son calme.
Mon esprit vidé, je ne pensais qu’à cet instant et à tout ce paysage féerique qui m’entourait … je me sentais aérienne légère… telle une ballerine seule sur cette étendue de sable, j’avais envie de planer … de crier haut et fort mon bonheur. Tard dans la nuit, je décidai de rentrer tranquillement à l’hôtel pour me coucher. Le lendemain, pour moi, c’était la grasse matinée…A midi, je décidai de faire un tour sur le petit marché local pour me détendre. J’allais de découverte en découverte, de loin on pouvait sentir les odeurs de fruits exotiques ainsi que les parfums des épices.
L’après-midi venue, j’endossai mon maillot de bain couleur fuchsia, j’avais hâte de plonger dans cet immense océan couleur turquoise. L’eau était tellement transparente que l’on pouvait remarquer les petits coquillages et les petits poissons venir chatouiller mes orteils. Et ce qui me fascinait le plus, c’étaient les reflets de rayon de soleil qui tremblaient dans les fonds d’eau, formant une sorte de puzzle… un filament de galaxie…
Je m’imaginais entre deux cosmos, seule dans l’univers, me laissant bercée par les vagues, faisant la planche et je fermais les yeux … je savourais ces moments, de délice avec délectation … cette heure de pure cure de jouvence.

Il est des consignes d’écriture qui sont un enchantement. Souvent, je prends le temps d’observer mes animaux, mes poules qui gambadent dans le jardin, mon chien qui veut jouer avec mon chat gris, qui lui réclame toujours la même chose: ses croquettes, qui ne sont pas à volonté à la maison vu son état d’obésité avancée! Je me demande toujours à quoi peuvent bien penser mes animaux. Ils sont choyés après un début de vie plus que chaotique. Alors, je les observe et je me fais des réflexions, m’imaginant leurs pensées.

Voilà à quoi je m’occupe quand je prends du temps pour moi!

Je vous souhaite une belle semaine créative.

Portez-vous bien et prenez soin de vous!

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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