La fameuse réplique du Petit Gibus pour la

 proposition d’écriture N° 168 vous a inspirés. Vous êtes partis dans des directions bien différentes et c’est génial!Voici vos textes. Je vous en souhaite une belle lecture.

De Gérard

Si j’aurais su, j’aurais pas v’nu

C’est une histoire de famille compliquée.
Qu’il est difficile d’être fils quand on n’a pas de mère, qu’on n’a pas connu ses grands-parents, qu’on ne sait même pas s’ils ont vécu un jour parmi nous.
Connaître ses origines, c’est fondamental, tous les psychologues vous le diront, mais le petit Y. ne se connaissait aucune autre origine que celle de son père, patriarche omniprésent, décidant de tout.
Dans cette curieuse famille, il n’y avait aucune femme, on faisait comme si le genre n’existait pas. Ni mère, ni sœurs, ni amies.
Les femmes, il n’était pas question d’aborder le sujet.

Un jour, le père dit à son fils :

Y., je vais t’envoyer faire un grand voyage. Cela parfera ta formation. Tu dois connaître le monde, c’est indispensable à ton statut.
Mais, père, cela ne sert à rien puisque vous savez très bien que je ne vous remplacerai jamais.
Jamais, je ne connais pas ce mot. Il ne faut jamais dire jamais.
Pourtant, depuis le temps que j’attends…
Ne me dis pas que tu veux devenir calife à la place du calife comme cet infâme Iznogoud, qu’il croupisse pour toujours dans les prisons de Bagdad !
Père, vous vous emportez et vous m’avez expliqué que cette attitude n’était pas digne.
Je m’emporte, je m’emporte, oui je m’emporte, mais c’est à cause de toi et de tes stupides questions. Tu pars en voyage immédiatement, un point c’est tout et nous reparlerons de tout cela à ton retour.
Et immédiatement, le fils partit pour un très long périple car telle était la volonté paternelle.
Quelques années plus tard, le petit Y., devenu grand, prit goût aux mœurs de sa nouvelle patrie. Il se mit dans la tête l’idée d’y refaire le monde et de prêcher la bonne parole, la paix, et l’amour universel. De telles fariboles ne pouvaient évidemment que lui attirer des ennuis auprès des pouvoirs en place, ce qui ne manqua pas d’arriver, et de bien cruelle manière.
Ressuscité des morts, Yoshua, ou Jésus – c’est selon – fut rappelé par son père.
Avant son envol, ses disciples en larmes rassemblés autour de lui le questionnèrent :

Alors, Yoshua, qu’as-tu pensé de ton expérience sur terre ?
Ben mon vieux, si j’aurais su, j’aurais pas v’nu ! »

De Brigitte

Un formidable orage de neige avait disloqué notre groupe déjà transi. On avançait sur les névés qui surplombaient le lac avec des précautions de petits vieux. Impossible de ne pas penser au trou noir sous la glace du lac. Nous en avions trois à franchir et le refuge était loin. Chacun avançait avec sa peur de la glissade car nous n’avions pas de crampons, cela nous avait semblé superflu au mois de juin ! Le silence dans nos cœurs était lacéré de coups de tonnerre à répétition. La trace du sentier avait disparu recouverte par la neige. Seules quelques empreintes de lièvres encore fraîches nous montraient le chemin.
Peter et Pasqualina s’étaient arrêtés et nous faisaient des signes qu’on distinguait mal au travers du voile de neige, bientôt ils ne furent plus visibles… Nous décidâmes de continuer par le sentier classique un peu plus long que le raccourci rendu impraticable par cette neige, trop glissant, notre balise annonçait 40mn. Le sentier s’étranglait sous des branches alourdies de neige et bientôt on arriva devant un mur à descendre, les autres n’étaient toujours pas là. Nos appels aussitôt criés s’affaissaient dans le vide.
Le souvenir des émouvantes gravures rupestres, vues le matin autour du mont BEGO, ne nous était d’aucun secours, la sérénité avait foutu le camp. On ne stockait rien contre la frousse. Le mauvais temps continuait son travail de sape, le temps patine et le doute prend l’épaisseur de la neige.
Un chamois traversa le paysage, il confirma notre solitude : il était chez lui, pas nous. Martin décida de repartir en arrière les chercher. Il tailla à grands coups de chaussures des marches dans la neige et s’agrippa comme il put pour se stabiliser en haut. Il nous fit signe et nous laissa seules, et nous dit :

Si dans une demi-heure je ne suis pas là vous continuez.Il n’était pas revenu, on commençait d’avancer lorsqu’un bruit surgit sur notre droite. Devant nous, un grand cerf étonné de notre présence, trois secondes de face à face et d’hésitations, puis il s’enfonça dans les sapins, son pelage parsemé de neige fraîche semblait être du velours.
La peur nous avait propulsés jusqu’au refuge de Fontanalbe. Martin venait à notre rencontre en disant :

Tout va bien, ils sont passés par le raccourci, ils se sont ramassés jusqu’en bas sur les fesses, la glissade a été un peu longue.

Peter et Pasqualina, déjà au sec, nous attendaient sous l’avancée du toit. Un rire soudain incompressible expulsa la peur d’un coup : le groupe était au complet !
Pasqualina lança « et ben si j’aurais su j’aurais pas venue … », tant sa peur d’avancer dans cet univers de neige inattendu l’avait secouée. Le gardien du refuge, pour nous rassurer, nous annonça que l’année passée un randonneur avait glissé dans le lac avec tout son attirail, et qu’il avait foncé le secourir juste avant l’hypothermie. Il nous annonça que nous étions les derniers à être passés et que le lendemain il redescendrait dans la vallée.
Le soir au-dessus de la soupe chaude, la fatigue nous tailla des traits de vagabonds. Les dix couchages posés côte à côte et sans espace dans l’odeur du bois brut, valait mieux que tous les ors d’un palace sophistiqué… parce qu’ils ne nous séparaient pas.

De Jean-Claude

Les privations pendant la période Covid 19 m’ont rendu à être sage, donc de rester chez moi, avec très peu de relationnel avec les gens, les amis.
Puis l’accalmie est arrivée, j’ai consulté l’agenda pour entourer au feutre rouge une bonne semaine et demie pour m’évader. J’ai décidé de prendre des vacances bien méritées dans une station balnéaire exotique. J’ai réservé, un mois d’avance avant le départ, un hôtel en ligne. Bien sûr, je me suis fié aux superbes photos et aux commentaires positifs des clients précédents. À mon arrivée, après deux heures de vol sur une ligne très connue, et quelques quinze minutes en taxi pour arriver à l’hôtel, je réalisai rapidement que les choses ne sont pas du tout comme je l’espérais.
Le réceptionniste me fait attendre trente minutes, et enfin me donne la clé chambre 112, j’ouvre la porte qui grince très fort comme si on égorgeait un porc. J’entre dans cette chambre, et je suis accueilli par une odeur étrange et nauséabonde qui imprègne l’air. Je remarque également que la chambre est loin d’être aussi propre que sur les photos. Les draps semblent avoir été utilisés et non changés, et il y a même des cheveux sur l’oreiller. Je me dis immédiatement : “Si j’avais su, je ne serais pas venu.” Mon séjour de rêve commence mal !
Je me décide immédiatement à descendre à la réception pour signaler le problème, mais je suis accueilli par un personnel peu coopératif, parlant une langue que je ne connais pas, et peu réceptif à mes plaintes. Ils me font comprendre que l’hôtel est complet et qu’il n’y a pas d’autres chambres disponibles. Ils m’offrent à contrecœur de changer les draps, mais cela ne résout pas le problème de fond.
En explorant les environs de l’hôtel, je réalise que la plage adjacente est loin d’être paradisiaque. Les déchets sont éparpillés sur le sable, l’eau est trouble et je m’aperçois même des panneaux avertisseurs indiquant un risque élevé de pollution. Je regrette d’avoir choisi cet endroit et je me dis encore une fois : “Si j’avais su, je ne serais pas venu.” Suite à la prochaine découverte !
De plus, je découvre que la station balnéaire est située dans une zone très animée et bruyante. Les soirées sont ponctuées de musique forte provenant des bars et des discothèques voisines, ce qui rend le sommeil quasiment impossible. Je me retrouve épuisé et frustré, rêvant d’un endroit paisible où je pourrai me détendre. Encore une fois, je me répète inlassablement : “Si j’avais su, je ne serais pas venu.” Vivent les vacances, avec un léger sourire !
Et bien ma fois, une employée au service du nettoyage me laisse un mot dans une enveloppe, posée sur la table de nuit… il est écrit ceci : « Monsieur, je suis au courant de votre situation, de ce que vous subissez par les constats désagréables dans cet hôtel, et de l’environnement, je passerai demain matin vers 9 heures vous prendre, et je vous ferai visiter notre coin de paradis, et vous pourrez vous baigner dans une eau à 24°, ainsi d’apprécier notre cuisine très typique. »
Elle a tenu sa promesse cette brave dame, j’ai passé une journée super cool.
En résumé, j’ai obtenu une ristourne sur ma note d’hôtel.
Il faut dire que cette situation désagréable met un sérieux coup de frein à mes vacances et me laisse avec un sentiment de déception et de regret. A l’avenir, je me promets de faire plus de recherches et de vérifications avant de choisir une destination de voyage, afin d’éviter de me retrouver dans une situation similaire.
A vous, qui écrivez de charmants textes…Je vous dis bonnes vacances d’été.

De Saxof

SACRE LUC !!

Le jour se lève, le brouillard est dense et le froid pique encore, mais le soleil est prévu dès 11h.
Vite, je file à la salle de bain car dans une heure, Jack passe me chercher. Les sandwiches et salades sont emballés, et la boisson au frais. J’enfile un froc en velours côtelé et un gros pull à col roulé sur un plus fin, sans oublier mon K-way et le sac avec mes bottes. Je préfère garder mes baskets, pour la route.
Dans ma précipitation, je laisse tomber mes lunettes, j’essaye de les rattraper au vol mais PLAF, elles s’écrasent lamentablement sur le carrelage, et je constate qu’un verre est complètement HS. Je suis myope, et pas une de rechange. C’est la cata, nous sommes dimanche, je dois attendre demain pour me rendre chez mon opticien.
Jack arrive avec sa voiture chargée de cannes à pêche. Sur le pas de la porte, il me regarde en fronçant les sourcils. Je perçois son air interrogateur
– Je viens de casser mes lunettes, tu crois qu’on peut y aller ?
– Oui bien sûr. J’espère juste que tu ne seras pas assez maladroit au point de tomber à la flotte répond-il en riant.
Jack transfère les victuailles préservées, du frigo à la caisse isotherme et charge tout mon nécessaire dans la voiture. Nous voici partis. Il est 10h10, le brouillard se lève.
A notre arrivée au bord de la rivière, le soleil fait son apparition. Jack se charge du transport de tout, matériel, nourriture, boissons et installe nos chaises et nos cannes.
Au bout d’1h30, ma canne tremble, je me lève d’un bond pour tirer et mouliner, mais n’ayant pas trop les repères de l’espace sans ma vue, je glisse et me retrouve les fesses dans l’eau, alors que Jack se précipite pour me sortir.
Nous éclatons de rire. Car, dans cette folie, je n’avais pas lâché ma canne et nous avons sorti une jolie truite.
Toujours prévoyant, j’avais apporté de quoi me changer, ce qui a sauvé la journée.
– Que dirais-tu d’un verre de pastis ?
Jack opine de la tête en ouvrant de grands yeux. Même si l’image est trouble, floue, je vois l’essentiel, mais préfère laisser Jack se charger de la besogne.
En trinquant, Jack me dit « j’ai failli te dire ce matin « si j’aurais su, j’aurais pas v’nu »
Dans un rire moqueur, je lui réponds « les poissons scies n’aiment pas les poissons raient »
– C’est quoi ce charabia, Luc ?
– Derrière un si, il n’y a pas de rai.
– Mais oui….. C’est ce que nous répétait toujours monsieur Léon, en 6eme !! Bravo Luc, tu as toujours été meilleur que moi en Français. Mais j’aime cette drôle de phrase sortie du contexte de la Guerre des Boutons. Donc, je recommence en bon Français « Si j’avais su, je ne serais pas venu ». Mais c’est une blague, car cette journée avec toi est formidable.
– Merci Jack. Je pense que rester à la maison aurait été une erreur. Dans mon malheur, je m’amuse comme un petit fou avec toi.
– Et moi, je suis prêt pour déguster tes salades fabuleuses, s’écria Jack dans une moue gourmande, tout en se frottant les mains.

De Claudine

DES VACANCES DE REVE

Tout s’annonce bien !
Cette année sera différente, nous allons prendre des vacances au soleil entre amies. Nous nous réunissons pour mettre en place notre projet ; comme des gamines nous évoquons nos désirs, nos rêves.

Moi, je veux de l’extraordinaire, dit Léa.
Pour moi, les vacances, c’est partir loin dans un endroit inconnu, rétorque Manon.
Oh moi, je n’ai pas vraiment d’idées, le simple fait d’être ensemble me convient bien, dit la douce Emma. Et toi Chloé que souhaites tu ?
Moi, je partage votre opinion à toutes les trois, dis-je en riant.Dès le lendemain, nous nous donnons rendez-vous dans une agence de voyages réputée, nommée « Vivez vos rêves ».
Une dame au sourire charmeur nous propose divers catalogues.

Peut-être que vous voulez changer de l’ordinaire ? nous dit-elle.Elle tape un mot sur son ordinateur et voici que sortent des photos magiques.

C’est ce qu’il nous faut, crie presque Léa, c’est paradisiaque, vous ne pensez pas les filles ?Trois oui ponctuent sa phrase. Les dix heures d’avion ne nous font pas peur; l’aventure c’est l’aventure n’est-ce pas?
Elle nous annonce le prix. Nous nous regardons en entendant le chiffre annoncé.

Pas question d’hésiter, dit Manon, après tout ça fait des années que nous cherchons l’extraordinaire et nous y voilà, alors fonçons. Pour fêter notre passage à la trentaine, ça le vaut bien !C’est le moment du départ, nos valises sont légères puisqu’il fera chaud. Légères comme nos têtes qui enfouissent dans un profond tiroir les petits tracas de notre vie quotidienne.
Après des heures de vol d’un voyage sans histoire, nous atterrissons. Nous sommes les seules à descendre. L’aéroport est désert à notre arrivée, mais c’est vrai que l’heure très matinale n’attire pas trop les voyageurs !
Personne ne nous attend, bizarre c’était pourtant prévu !
Nous tentons de joindre la charmante dame de l’agence qui nous a si gentiment donné son numéro de téléphone personnel. Evidemment, pas de réponse.

Normal à cinq du matin, il ne nous reste plus qu’à attendre, dit Léa.Les heures passent et malgré nos appels répétés, personne ne répond au téléphone. Les degrés montent autant que notre impatience.
Tant bien que mal, nous arrivons à expliquer à la seule employée de l’aéroport notre déconvenue. Elle a bien un petit sourire en coin quand nous lui indiquons le lieu de notre résidence, mais nous sommes trop fatiguées et stressées pour le remarquer vraiment. Elle nous trouve un taxi. Le chauffeur, en lisant l’adresse de notre villa, nous regarde bizarrement, mais ne fait pas de commentaires. Ce n’est pas pour nous rassurer.

C’est un peu loin, nous dit-il dans un anglais assez correct, quatre heures de voiture au moins, en fonction de l’état de la route.L’inquiétude commence sournoisement à s’installer dans nos têtes, dans quoi nous sommes-nous embarquées ?

Vous avez des provisions ? Vous n’avez que ça comme bagages ?Ses questions sont posées avec beaucoup de mal pour garder son sérieux.

J’ai un cousin qui a un petit magasin sur notre chemin, il faut mieux que vous achetiez de la nourriture.
Mais nous allons à l’hôtel, et il y a certainement un restaurant, dit Manon.
Ouais, mais c’est mieux de prévoir du supplément !
C’est bizarre quand même, ce n’est pas ce qui a été envisagé.
Ah vous savez, dans notre pays, parfois les choses sont bizarres, mais vous verrez mes petites dames, l’endroit est formidable.Après trois heures passées sur une route presque correcte, le taxi emprunte un chemin pierreux qui borde une mer turquoise, limpide, une vraie carte postale de rêve. Nous en oublions les secousses et l’inconfort de notre moyen de transport.

Voilà, vous êtes presqu’arrivées, je ne peux aller plus loin, nous dit le chauffeur en nous annonçant le prix de la course.Il sort de sa voiture, décharge nos quatre bagages, les sacs contenant les provisions et les jerricans d’eau. Nous lui payons une somme rondelette et il repart très vite comme s’il avait le soleil à ses trousses. Non sans nous avoir dit :

Vous êtes sur un lieu chargé d’histoire, mais déchargé de toute civilisation moderne. Ici les portables ne passent pas. Je reviens vous chercher dans une semaine.Après un quart d’heure de marche, épuisées nous arrivons devant un grandiose site archéologique, une vraie merveille. Nous cherchons l’hôtel. Rien à l’horizon, sauf les vestiges de ce qui fut certainement une magnifique villa! des ruines, rien que des ruines qui descendent jusqu’à la mer. Des cavités, style troglodytes qui pourraient s’appeler chambres, semblent abriter quelques autochtones et leurs troupeaux de moutons.

Mais dans quelle galère nous sommes-nous fourrées !
Tu as raison, dit Emma. Je vous le dis, si j’aurais su, j’’aurais pas venue.

Un fou rire général fait écho à cette réplique de petit Gibus !

De Lisa

Inspiré de la chanson de « si j’avais su » de Claudio Capéo

Si j’avais su, je serais pas venu
Si j’avais su comme dirait cet inconnu
S’il avait su que ce serait la première fois
Que le déménagement est témoin de leur chagrin

Il aurait donné une leçon
A son fiston qui a déserté son camp
Il aurait valsé l’infirmière
Pour que son coeur respire encore
Il l’aurait embarqué
Vers un autre monde pour lui dire je t’aime
Où une île pour leur deux coeur en pierre

Il l’aurait taquiné malgré sa timidité
Et elle, le sourire à sa portée
Il aurait astiqué son coeur
Pour lui prouver sa fragilité
Il aurait promis le bonheur
Où l’amour va au-delà de la fidélité
Car la passion va au-delà des mots
Bien plus qu’une chanson qui s’évade à chaque saison

Et puis il l’aurait serré dans ses bras
Pour garder l’empreinte de ce moment-là
Et encore il aurait regardé ses yeux
Pour que sa mémoire se rappelle le fait d’être deux
L’amour que son coeur ne l’oubliera pas
Car il sait qu’il vient de perdre sa déesse dans ses bras

Si j’avais su, je serais pas venu
Si j’avais su comme dirait cet inconnu
S’il avait su que ce serait la première fois
Que le déménagement est témoin de leur chagrin

S’il avait su en partant ce jour-là
S’il avait su que son coeur aurait du chagrin
Mais leur fidélité restera instinct
S’il avait su que seul le futur connaissait le chemin de demain


De Christine

Adrien est arrivé hier soir dans la ferme de tante Alice et oncle Pierre pour deux semaines de vacances. Il est heureux de retrouver les jumeaux Louis et Antoine. Il y pense depuis deux mois. Les vacances sans les parents, à lui la liberté avec les cousins. Ils vont pouvoir aller à la pêche, jouer au foot et se baigner dans la petite rivière qui court derrière la ferme. Finis les devoirs, les remontrances des parents et les corvées. Sa tante est beaucoup plus cool. Seulement la dernière fois qu’il est venu, il avait six ans et ses cousins quatre de plus. Il s’entendait bien tous les trois.
Mais les années ont passé, les jumeaux sont ados et Adrien n’a que dix ans. Les relations ne sont plus du tout les mêmes. Ils ont autre chose à faire que de jouer ou pêcher. Ils doivent aider à la ferme, s’occuper des animaux, faire les foins et les moissons. Adrien est bien obligé de suivre, même s’il n’a pas l’habitude. C’est un petit citadin. Antoine lui donne des ordres comme à la maison et Louis le taquine parce qu’il est rouge comme une écrevisse. Le soir, il est exténué après avoir ratissé le foin, ramassé les bottes, couru après les vaches, nourri les lapins et les poules. Il n’est pas question de traîner dehors.
Tous les soirs, Adrien s’endort sur son assiette au dîner. Les cousins rigolent. « Allez Adrien, file au lit, demain, on va à la pêche ! Avec un peu de chance, on ferrera des truites », s’exclame Antoine.
Adrien a le sourire jusqu’aux oreilles. Enfin une journée de libre.
– Lever six heures.
– Six heures, tu veux ma mort.
– A prendre ou à laisser. On ne t’attendra pas.
Adrien monte dans sa chambre et s’endort dès que sa tête touche l’oreiller. Il rêve de truites et de baignades dans la rivière. Le lendemain matin, comme prévu, Antoine le secoue à six heures.
– Allez debout fainéant, la grasse matinée, c’est pour les vieux.
Adrien se lève en baillant, se débarbouille le bout du museau et descend à la cuisine. Tout le monde est déjà sur le pied de guerre. Sa tante et son oncle pour s’occuper des bêtes, les jumeaux avec les cannes à pêche et le casse-croûte.
– Allez en route mauvaise troupe ! rigole Antoine.
Les jumeaux partent d’un bon pas, tandis qu’Adrien trottine derrière pour ne pas se faire distancer. Il souffle comme un bœuf. Pris de pitié, Louis l’attend.
– Alors Adrien, ces vacances à la ferme, ça te plaît ? Le bon air pur, les animaux…? T’es pas bien avec nous ? –
Ben mon vieux, si j’aurais su, j’aurais pas v’nu. Je n’ai pas l’habitude de me lever avec le soleil et de me coucher avec les poules et en plus de bosser toute la journée ! Dire que je rechigne à la maison quand maman me demande de mettre la table ou papa de laver sa voiture. Je suis éreinté.
– Bah, ça te fera des souvenirs


De Francis

« Si j’aurais su, j’aurais pas venu »

De temps en temps, Adrien repense à cette journée pleine d’émotions contradictoires.
Peu de temps auparavant, il était revenu au pays et renouait petit à petit les liens avec la famille.
Au départ, il était plein d’enthousiasme, de joie et d’excitation à l’idée de pouvoir vivre cet événement exceptionnel. Mais au fil du temps, tout s’est transformé en tristesse et en gêne.
Fêter les 60 ans de mariage d’une sœur qu’il venait de retrouver, c’était une occasion de renouer, de se redécouvrir.
Quelle déception !
Le couple, plein de bonnes intentions, avait eu l’idée de faire revivre toutes les années passées et marquer d’une pierre blanche ce jour anniversaire exceptionnel de leur mariage.
Le manque d’organisation, l’improvisation, ont gâché la réception. Personne n’avait été désigné pour l’accueil et la présentation des invités. Grosse déception, tout le monde se regardait, les conversations étaient remplies de faux sourires et de politesses forcées, l’ambiance était pesante.
A l’hôtel de ville, les mariés arrivèrent en retard.
La cérémonie manquait d’éclat, aucun moment d’émotion, il n’y avait aucune chaleur. C’était triste. Les invités se regardaient, paraissaient gênés. Heureusement, il y avait l’espérance d’un repas à l’ambiance chaleureuse qui allait nous faire oublier.
Le vin d’honneur réchauffa l’atmosphère, sans plus.
Mais c’est au moment de passer à table que la déception d’Adrien fut grande. La découverte du plan de table fut une désagréable surprise. Il se trouva en bout d’une table avec des invités inconnus et des enfants. Le couple invitant ainsi que les membres de leurs familles étaient regroupés à une table d’honneur.
Il était très mal à l’aise et prit conscience à ce moment-là que la distance et son absence durant de nombreuses années l’avaient éloigné de sa famille. Ils avaient vécu sans lui.
Cette journée devint un supplice. Il fit un effort, il avait du savoir-vivre mais il était très mal à l’aise. Il se sentait humilié. Lui qui se faisait une joie de passer un agréable moment et de renouer avec tout le monde pour garder un merveilleux souvenir.
Le repas commença, les premières animations furent lancées mais le cœur n’y était plus. Le temps passa et ce qui aurait dû être un moment agréable devint un cauchemar. Profitant d’une interruption après les hors d’œuvre, vivant un supplice au-dessus de ses forces, il prit la décision de s’éclipser.
Une fois dehors, il prit une grande bouffée d’air frais, éprouva un grand soulagement et instantanément, il se dit : si j’avais su je ne serais pas venu.
Trop tard pour regretter, c’était une expérience de la vie, une de plus.
Les choses depuis s’étaient améliorées, les liens s’étaient retissés.
Ça restera dans les mémoires comme un malentendu.

De Marie-Laure

La rapine

C’était un de ces mois de juin gorgés de soleil, où la terre explose de fleurs et de parfums, où les journées sont longues et chaudes, où les gamins s’empressent de finir les devoirs pour aller jouer dehors. Ces quelques mots tenaient déjà en haleine Louis et Flora, public tout acquis aux histoires de jeunesse de Mamylor ! Ce mercredi, ils finissaient le goûter dans le jardin, à l’ombre de la tonnelle et la petite ritournelle « Allez, raconte-nous encore ! » était de mise.
Ensemble, ils s’étaient amusés à faire un plan du village et des terrains de jeux favoris de leur grand-mère, entre l’école et le bloc où elle habitait. Ils avaient collé cela sur un calendrier cartonné, sorte de Monopoly qui ne s’enrichissait pas de 20.000 à la case départ, mais s’enrichissait de dessins et de couleurs au fur et à mesure qu’il découvrait l’univers de jeunesse de mamie. C’est qu’elle en a des tas d’aventures à raconter Mamylor, c’est incroyable tout ce qu’elle a pu vivre entre 5 et 10 ans dans son petit village ! Ses talents d’oratrice font de chaque péripétie une expérience inoubliable, c’est comme un chapitre du club des cinq à chaque fois !
Au mois de juin donc, les vergers se coloraient de rouge, couleur qui attiraient les oiseaux certes, mais aussi les mômes. Après quelques discussions quant au choix du jeu du jour, le consensus fut vite trouvé et la bande des gosses du bloc décida de faire une petite expédition dans les vergers, histoire de juste concurrencer les merles ! Voilà la fine équipe partie à la « rapine », déguster le fruit rouge et juteux direct depuis l’arbre, quoi de plus savoureux ? Il avait été établi qu’il ne fallait pas casser de branches, mais l’appel du fruit un peu plus rouge, juste un peu plus haut, était trop tentant et les plus grands tiraient et tenaient les branches pour les plus petits. Quelques branches avaient cédé à cet assaut sauvage et cela aurait dû servir d’avertissement et sonner la fin des festivités. « Il faut se sauver » avait dit Mamylor. « Allez, juste une encore » avaient rétorqué les plus grands.
Et puis, il y a eu cette silhouette toute noire, sortie d’on ne sait où, brandissant sa canne et vociférant tant et plus ! Les merles qui colonisaient le sommet du cerisier n’avaient pas demandé leur reste. Les enfants se sont évaporés, dévalant à grandes enjambées le verger. Tous ? Non, les deux plus petites, se sont mélangé les pinceaux en voulant déguerpir et sont tombées. Une voix lointaine criait : «je vous ai reconnues, ça va pas se passer comme ça, vous entendrez parler de moi ! ».
A ce stade de mon récit, ai- je besoin de vous préciser ma frayeur et l’état de sidération de Martine, ma copine ? Un sentiment de solitude pesait sur mes épaules, des larmes roulaient sur mes joues. La fameuse réplique de petit Gibus tambourinait dans ma tête : « si j’avais su, je serais pas venue » ! Ayant momentanément perdu mes compagnons de cordée, petit Gibus était mon âme sœur !
Bien sûr, avec Martine, nous avons décidé de ne rien dire aux parents, mais quand même on leur dira aux grands que la vieille, elle nous a reconnues et que peut être elle est déjà chez le garde champêtre ! Pas fière, le trouillomètre à zéro, ce soir-là je n’ai pas demandé mon reste et suis allée tout de suite au lit. Le sommeil n’arrivait pas et ça bourdonnait sec dans ma tête à poser toutes les hypothèses, mais qu’est ce qui allait me tomber dessus ?
Le lendemain, à peine arrivées à l’école, nous avons été convoquées chez le directeur et il y avait aussi monsieur le Maire ! Tout de suite, j’ai compris que ça sentait le roussi. Penaude, terrorisée, n ‘ayant pas assez de doigts à tripoter pour me donner une contenance, j’attendais, tremblotante, la sentence. Je vivais les heures les plus longues de ma jeune vie, tout semblait complètement figé autour de moi, pas un merle chahuteur pour détourner le sujet et mettre de l’ambiance. Un silence de plomb, le regard sévère des deux instances qui se posaient sur moi, un de ces regards qui entrait par les yeux, nouait la gorge et donnait des gargouillis dans le ventre et même plus bas. Limite, je lèverais bien le doigt pour demander à aller aux toilettes, mais je sentais bien qu’il n’y avait pas moyen de tourner les talons, sous aucun prétexte !
Mon père avait coutume de dire : « Si tu fais des bêtises, il faut en assumer les conséquences », je comprenais subitement la haute teneur de la pensée paternelle et j’en mesurais la prophétie.
Mamylor laissa planer encore un peu le suspense et interpella son auditoire : « A votre avis, mes chers petits-enfants, quel a été le verdict ? ».
Tout de suite, le débat s’ouvrit : « était-ce vraiment grave ? C’était quand même un peu du vol ! Mais bon, que quelques cerises ! Oui, mais avec aussi des branches cassées ! Il faut aussi se mettre à la place de la grand-mère ! Mais de là à menacer et aller se plaindre au maire, elle aurait pu aller voir les parents ! On va quand même pas en prison pour des cerises ! » avait conclu Flora dans un élan de solidarité envers sa mamie.
« Alors, raconte », trépignaient les enfants.
Il y eut un long, très long discours de ces deux autorités si respectées dans le village. Si le verdict n’a pas été lourd physiquement, la leçon de morale pesait avec force chaque mot. La sentence fut de copier cent fois «je dois respecter le bien d’autrui», punition à faire signer par les parents et par le directeur. Bien sûr, les parents ont été informés dans la foulée et j’ai été privée de sortie pendant toute une semaine.
Si cette phrase à écrire encore et encore a mis à rude épreuve mon poignet, elle s’est en même temps glissée dans mes veines et dans ma tête. Aujourd’hui, l’encre s’est fossilisée, mais la morale de cette mésaventure est restée à jamais gravée en moi ! Le respect du bien d’autrui m’est encore aujourd’hui chevillé au corps et au cœur.

De Roselyne

Le passage du Pont

5 H 30, allez tous sur le pont, eh, c’est bien le cas de le dire. En ce jeudi 8 juin 2023, une bande d’amis que nous nommerons, Modeste, Angèle, Parfait, Nathalie, Thomas et Charlotte ont fait le pari de faire une partie de l’Ile de Ré à pied.
7 H, tous se retrouvent au Belvédère. Modeste arrive et lance « Si je connaissais le C.. qui a programmé cette rando » : tout le monde éclate de rire. La journée s’annonce sous les meilleurs auspices.
Pour le passage du pont, covoiturage dans la voiture de Thomas qui amène la troupe jusqu’au point de départ l’église de Rivedoux. 7 H 15 chacun son sac à dos, sauf Nathalie, Parfait est là pour assurer le portage de l’eau pour la journée. Bien chaussés et peu couverts, les gais lurons entament leur marche. Modeste, toujours un peu ronchon, surtout lorsqu’il est obligé de se lever très tôt, fait la remarque que l’on commence par une côte. Une côte sur l’Ile de Ré, c’est quand même assez rare.
Les amis traversent Rivedoux qui est un tantinet endormi, pour prendre le chemin côtier. Celui-ci offre une vue sur la courbe du pont et les piles entre lesquelles l’on peut apercevoir le port de La Pallice. L’océan est calme et transparent, pas un souffle de vent, alors que sur le continent un petit vent frais était de mise. Même si le paysage leur est familier, c’est toujours avec une certaine émotion qu’ils regardent la ligne incurvée du pont qui domine l’océan jusqu’à quarante mètres. Ils n’échappent pas à ce coup de cœur. Toujours en longeant la côte, ils arrivent au niveau des vestiges majestueux de l’ancienne abbaye cistercienne dite des Châteliers.
Les souvenirs remontent, Angèle se remémore cette journée de février, il faisait un froid de canard, couverts comme des Inuits, comme dit Charlotte, ils avaient commencé la rando avec un verre de bulles. Il faut réchauffer les muscles, dit Parfait. Oui, répond Nathalie, mais « si j’aurais su, j’aurais pas venu ».
Poursuivant leur parcours, ils arrivent à hauteur de La Flotte, charmante petite ville. Les bateaux tranquillement dodelinent sur les eaux du port. Quelques badauds regardent cette petite flottille aux voiles colorées. Le port commence à s’animer. La petite bande a déjà quelques kilomètres dans les jambes, mais tout va bien. A La Flotte, direction Saint Martin où ils feront une petite halte pour le ravitaillement du repas de midi. Saint Martin est en vue, son port, ses vieilles demeures et ses remparts. Charlotte, qui commence à avoir une sensation de brûlure au pied gauche, profite de la pause pour s’apercevoir qu’elle a oubliée de mettre les semelles intérieures dans ses chaussures. Ayant une autre paire dans son sac, elle fait l’échange. Les achats effectués, ils se dirigent vers la citadelle de St Martin, en contournant le port bordé de belles demeures. Ils arrivent à la citadelle et ses remparts. Celle-ci est tristement connue pour ses convois de prisonniers qui embarquaient pour La Guyane.
Les six amis se dirigent maintenant vers leur destination finale. Le temps est couvert mais lourd, alors Modeste lance « si je serais su, je serais pas venu ». Oui, mon vieux, lui rétorque Thomas, tu es là maintenant il faut aller jusqu’au bout.
Charlotte commence à tirer la jambe, son pied lui fait mal. Ils sont encore à 8 km de l’arrivée. Ils entrent dans le marais de Loix. Les chevaliers gambettes chevauchent leur nid, les cris d’alerte résonnent autour de ceux-ci, n’ayez aucune crainte, ils ne font que passer. Charlotte maugrée « mais si j’aurais, j’aurais pas venu ».
Allez courage, plus que 2 km pour arriver à la base de loisirs de Loix où les six prendront leur repas. Nathalie, tout d’un coup, prend une grande avance sur le reste du groupe, comme si elle était propulsée par une faim de loup. Elle est fatiguée et veut se poser. Angèle dit « voilà nous y sommes, le repos va faire du bien à tous ».
Charlotte enlèvent ses chaussures, sa chaussette et que découvre-t-elle : une ampoule large comme une soucoupe volante. Quelle galère, alors là pour le coup « si je serais su, je serais pas venue. » La pharmacie est sortie et Thomas met un pansement sur cette grosse cloque. Le repas se prend joyeusement. Ayant repris des calories, ils redémarrent pour les 3 km restants. Le marais leur offre un spectacle majestueux. Une vingtaine de cygnes tranquillement évoluent sur le plan d’eau, ils sont accompagnés de canards colvert avec leur progéniture.
Au bout de la route, Parfait dit : « enfin nous sommes arrivés. Il fait soif les amis, nous allons prendre une boisson bien fraîche au café ». Tout le monde claironne en même temps, ce n’est pas de refus. Ouf, que cela fait du bien. Ils sont arrivés au bout de la première étape. Angèle, combien de kilomètres au compteur ? Angèle regarde et annonce avec un petit sourire, bien à elle, 25 km.
D’un même cœur, Modeste, Angèle, Nathalie, Parfait, Charlotte et Thomas disent « si je serais su, je serais pas venu ». Ils le pensent peut-être, mais au fond, ils sont tous extrêmement heureux et fiers d’avoir parcouru cette première étape en sept heures, arrêts compris. Ils restent trois étapes à effectuer.
Le retour vers Rivedoux se fait par le bus. C’est chouette, car les six voient l’île sur une autre facette. Retour sur le continent, et là, Modeste de son sourire moqueur « si je connaissais le C.. qui a programmé de faire le tour de l’Ile à pied !!! ».
Tous en cœur, la réplique du Petit Gibus fuse « Si j’aurais su, j’aurais pas venu ».

De Dominique

La maison hantée.

Comme « les Trois Mousquetaires » d’Alexandre Dumas, nous étions quatre amis inséparables. Après une longue année de travail au collège, nous savourions les vacances qui commençaient.
Cette première semaine de juillet ensoleillée était propice aux longues balades à vélo. Tous les matins, nous nous donnions rendez-vous au point de ralliement afin d’y organiser nos sorties.
Au cours de la semaine, le groupe avait pu visiter : un fort militaire abandonné, un hangar de tramway dans lequel croupissaient des machines oubliées et un moulin désaffecté. Cet après-midi serait consacré à l’exploration d’une maison dite « hantée » au lieu-dit le « coupe-gorge ». Aussitôt dit aussitôt fait et, du haut de nos quinze ans qui osent tout, nous nous sommes mis en route.
Christian, le plus âgé des quatre compères, était chargé de ramener l’équipement sommaire ; quelques cordes d’escalade, des lampes d’éclairage, du ravitaillement en bouteilles d’eau et nous voilà partis. L’itinéraire ne présentait pas de difficultés particulières mais, je devais sans cesse encourager Randolphe, mon jeune frère, constamment à la traîne. Christian et Paul me répétaient :
– On t’avait dit de ne pas l’emmener, ce n’est pas une mission pour lui, il est trop jeune.
Arrivé au bout du chemin de terre, on voyait la maison qui dessinait sa silhouette massive.
Mon frère se lamentait :
– C’est trop dur ; si j’aurais su j’aurais pas venu !
Paul, le pseudo-intellectuel de l’équipe, reprit mon frangin en lui expliquant :
– On ne dit pas « si j’aurais su mais si j’avais su ! ».
-Ben, en tout cas si j’avais su, j’aurais pas venu quand même… rétorqua mon frérot.
Les bicyclettes accrochées à un arbre, nous étions au pied du mur, la maison nous attendait dans tout son mystère « fantomatique ».
Paul s’était renseigné sur l’histoire de cette grande bâtisse datant du siècle dernier. Sa réputation de maison hantée était née de la noyade accidentelle d’un petit garçon de cinq ans, tombé dans la cave inondée. Drame dont les propriétaires ne se remirent jamais.
Les différents acquéreurs successifs, constatant des phénomènes bizarres, ne sont jamais restés plus de six mois. Tous déploraient des manifestations troublantes. Ils entendaient aux étages supérieurs et dans le grenier des bruits de pas. On dit même que certains soirs, les pas étaient accompagnés de pleurs d’enfants.
Après avoir entendu les commentaires à faire se dresser les cheveux sur la tête, Randolphe dit :
– Moi je vous attends dehors, je vais garder les vélos.
Devant les rires moqueurs des plus grands :
– Randolphe a la pétoche heu…Il a les chocottes heu…
– C’n’est même pas vrai, je ne voulais pas qu’on vole les vélos c’est tout.
Blessé dans son orgueil, Randolphe dit :
– Je viens avec vous et vous verrez que je n’ai pas peur !
Après avoir fait le tour de la maison à la recherche d’une entrée possible, nous avons découvert un petit soupirail destiné sans doute à charger des provisions. Les portes et les fenêtres étant fermées, c’est lui qui fut choisi pour nous y introduire et, en rampant sur le ventre, nous fûmes dans la cave en deux temps trois mouvements.
Ici s’était joué le drame de cette malheureuse noyade. Fort heureusement, l’eau depuis avait été pompée et le sous-sol était sec.
Tout était calme et silencieux. La fraîcheur du lieu et l’humidité ambiante nous glacèrent les sangs. Aucun d’entre nous ne bougeait, le groupe était comme pétrifié attentif au moindre souffle.
Randolphe, la gorge serrée répétait :
– Si j’aurais su, j’aurais pas venu…
Paul le reprit une fois encore, si j’avais su !
Le fantôme ne semblant pas se manifester, les quatre acolytes s’engagèrent plus loin. Un escalier donnait sur une porte entrouverte, Christian l’ouvrit :
– Tout va bien, on peut y aller.
Un vaste hall s’ouvrait devant nous. Au bout de cette pièce, deux grands escaliers dignes des maisons de maître d’autrefois nous invitaient à les gravir. Avec le temps et l’abandon des lieux, des toiles d’araignées se déployaient. Elles étaient prêtes à engluer toutes proies qui viendraient s’y prendre. Évidemment, Randolphe vint s’y plonger la truffe en toute beauté. Son grand cri de frayeur plongea toute la maison dans un écho lugubre :
– Des araignées, beurk c’est une horreur, dit-il !
– Chut, lui fit Christian, tu vas réveiller le fantôme.
Puis, comme pour lui donner raison, le bruit d’un chahut indescriptible se fit entendre à l’étage. À plat ventre sur le carrelage froid, les courageux explorateurs que nous étions ne parlaient plus. Christian, le plus « bravache » de la troupe, se mit debout et enjamba l’escalier en deux temps trois mouvements. Il ouvrit la porte d’une des chambres et plus rien ne se passa. Nous autres en bas, au pied des marches, inquiets, nous nous demandions ce qu’il se déroulait au-dessus de nos têtes. Ne supportant plus l’attente, nous nous décidâmes à le rejoindre. J’étais passé devant tandis que Paul et Randolphe qui n’en menaient pas large, me suivaient.
Avec précaution, j’entrepris de pousser la porte puis, avec stupéfaction, je vis l’apparition fantomatique d’un visage éclairé d’un faisceau de lumière. Une vive frayeur s’empara de moi mais, avec la raison qui reprenait le dessus, je compris que c’était Christian qui nous attendait avec la lampe plaquée sous le menton, en se riant à l’avance de l’effet que cette image aurait sur nous. Christian était hilare fier de sa mauvaise blague.
– C’est bon, dis-je aux autres attendant derrière la porte avec un courage exemplaire, vous pouvez venir.
Bien, mais ça n’explique pas le chahut entendu tout à l’heure ! J’ouvris alors la deuxième chambre et une volée de chauve-souris emplit l’espace. Brrr… On a beau savoir que ces mammifères volants sont inoffensifs, ça fait froid dans le dos.
Puis, alors que nous nous sentions rassurés par des explications rationnelles que nous pouvions donner aux différents événements vécus, des pas se firent entendre au grenier. Ils étaient réguliers et légers. Intrigués, laissant les plus jeunes derrière nous, Christian et moi partîmes vers l’origine de ces bruits de pas. Doucement, prêts à surprendre un éventuel farceur arrivé avant nous, je poussai l’ouverture entrebâillée du grenier.
Au centre de la pièce se dressait un lit dont le sommier épousait encore la forme d’un enfant qui aurait dormi là depuis toujours. À ses côtés, un rocking-chair se balançait tout seul et, la lampe de chevet clignotait sans raison. Un halo très lumineux traversa la chambre et les volets du bâtiment se mirent à claquer. Sans demander notre reste, nous prîmes nos jambes à notre cou et, sans chercher de raisons cartésiennes à ce que nous étions en train de vivre, nous avons déserté cet endroit des plus mystérieux.
Arrivés à hauteur de Randolphe et Paul, nous les avons encouragés à nous suivre « illico presto ». Il semblait clair que nous avions outragé cette maison et ses esprits.
Après notre visite, et selon la presse locale, la maison aurait fait l’objet d’autres phénomènes inexpliqués. On dit même que les pompiers refusaient toutes interventions dans cet endroit des plus mystérieux. Personne ne fut donc surpris d’apprendre qu’un soir d’orage, la maison fut ravagée par les flammes sans que personne ne cherche à les éteindre.
Quelques années plus tard, la bâtisse fut complètement rasée et plus jamais personne n’entendit parler de la maison hantée du lieu-dit « le coupe-gorge ».
Parfois avec Christian, Paul, Randolphe et moi, nous évoquons cette troublante histoire. À chaque fois, mon petit frère ne peut s’empêcher de dire :
– Si j’aurais su, j’aurais pas venu et Paul de lui rappeler que l’on doit dire « si j’avais su je ne serai pas venu » ou peut-être « si j’avais su je ne serais pas venu » !
Bon enfin bref : – ce jour-là, j’aurais mieux fait de rester à la maison pour regarder un bon vieux DVD.

De Pierre

Un certain jour, début des années deux mille, après une lourde intervention cardio-vasculaire, j’étais très mal « dans mes pompes » ; le courage me prit d’aller aux urgences les plus proches.

-Je suis mal, madame, dis-je à une infirmière, je ne dors plus et j’ai des tentations suicidaires.
-Reprenez-vous, dit-elle, vous êtes jeune, vous allez surmonter ce mauvais passage. Pour vous aider voici l’adresse d’une psychiatre de très bonne réputation. Elle saura vous remettre d’aplomb.

Quelques jours plus tard, je me trouve dans la salle d’attente du cabinet. Beaucoup de monde, des gens crispés en apparence, des jeunes, des « vieux », tous mal en point, certains pleuraient …

J’ai eu peur et me dis intérieurement « si j’avais su, je serai pas venu». Je me suis levé de mon siège pour partir de cet endroit qui m’effrayait, mais mon élan vers la sortie fut interrompu par le son de sa voix.

-Vous êtes Mr X, je vous attendais ; mon nom est Sarah Bitbol, entrez monsieur.Son cabinet était décoré à l’extrême. Des tableaux par dizaines ayant pour thème des paysages sud marocains, des tapis venant de ce même coin, ce qu’elle me dit plus tard, étant originaire de ce pays. Cette femme était très belle, des jambes magnifiques que j’ai eu tout loisir d’admirer car elle était court vêtue et posait ses pieds sur le bureau, sans trop de complexes.

-Qu’est-ce qui vous amène mon ami, vous semblez aux abois ?
-J’ai besoin de votre aide.

Je lui expliquais alors ce que je ressentais et ce que j’avais vécu.
-Je vois, dit-elle, vous avez le mental fragile et vous êtes déstabilisé pour deux raisons : votre intervention médicale et un problème sentimental que vous n’arrivez pas à gérer. Est-ce exact ?
-C’est exact
-Voilà ce que je vous propose ; voyons-nous quatre séances. Je vous donne le traitement adéquat ; ensuite, prenez quelques jours de vacances pour changer de décor avec ou sans votre amie. Vous êtes d’accord ?
-Je n’ai pas trop le choix, lui répondis je, mais je ne voudrais pas être abruti par le traitement.
-Non, vous verrez c’est léger, j’en donne à des gens beaucoup plus âgés que vous. J’oubliais, pour la prochaine fois, faites-moi un petit contre rendu de vos activités.
Le traitement administré était si efficace que j’étais devenu complètement « addict » et impossible de m’endormir sans cette drogue grâce à laquelle je m’échappais du monde.
Vainquant mes craintes, je pus contacter mon amie et lui fis part de mes problèmes.

-Gisèle, je te propose un long weekend en montagne. Serais-tu d’accord
-Oui, me dit-elle. Quand partons-nous ?
-Demain.
-Un peu court, j’ai des activités cette semaine. Je te suggère la semaine prochaine.
-D’accord. Je m’occupe des réservations. Je t’embrasse.
-Moi aussi, mais ralentis le traitement.En fait, nous partîmes un peu plus tard, Gisèle ayant un petit problème avec sa famille.
La concierge de mon immeuble me proposa un petit chaton pour me tenir compagnie. L’animal affectueux n’en était pas moins turbulent avec  led rideaux déchirés, les vases brisés…mais je l’aimais bien.
Le voyage au bord d’un lac fut très agréable, notre relation se trouva renforcée et nous décidâmes de repartir au bout de quelques jours . Pendant mon absence, la concierge s’occupait de mon chat.
Je revis une fois Sarah Bitbol qui était satisfaite de mon état et qui allégea les doses de médicaments.
Voilà ma petite histoire ; rien de plus banal « pas de quoi casser trois pattes à un canard ».

Il vous reste une proposition d’écriture avant la fermeture de l’atelier d’écriture pour l’été. 

Si vous n’arrivez aps à visionner la photo jointe, consultez le site du blog à la proposition d’écriture N° 169 et vous verrez la photo.

https://laurencesmits.com

J’espère que votre été s’annonce beau. Ce n’est pas être entouré de plein de personnes qui fait que les moments sont beaux.

C’est la façon dont on vit ces moments qui importe, que l’on soit seul ou accompagné!

Alors, pour cet été, on pratique toutes et tous CARPE DIEM!

Je vous donne un dernier rendez-vous la semaine prochaine pour l’atelier d’écriture.

Le blog, lui, continuera de publier un article par semaine pendant les 8 semaines estivales. Vous aurez de quoi vous occuper et réfléchir…

Portez-vous et prenez bien soin de vous!

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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