La proposition d’écriture N°22 a emmené certaines d’entre nous assez loin: entre des femmes à problème, des souvenirs, les chaussons de bébé -micro-fiction inventée par Ernest Hémingway– ont permis de déployer des talents de créativité.
Les chaussons de bébé ont-ils été vendus? Telle est la question du jour…
Voici vos textes:
De Catherine de France
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De Lucette de France
Chaussons de bébé jamais portés. Que se cache-t-il derrière cette phrase ?
Je suis ébahie de voir d’aussi jolis chaussons. Je veux connaître l’histoire de ces chaussons…
Je dois déménager la maison de mes parents pour la vendre. J’ai trouvé toutes sortes d’objets hétéroclites qui ont suscité ma curiosité. Des souvenirs « clichés » d’un coquillage d’un coin de la mer du Nord, de beaux cailloux ramassés ici ou là, avec des inscriptions de dates dessus. De vieux habits démodés, mais qui avaient une histoire, des outils qui datent de « mathusalem », des chapeaux d’homme ou de femme tous écrasés, ou par la chaleur ou par leur vétusté. Des assiettes, des tasses, des verres ébréchés, si ternes que personne ne voudrait s’en servir. Bref, je pourrai facilement faire « un vide grenier » à moi toute seule.
Pendant des jours et des jours j’ai trié, mis de côté soit pour les Emmaüs, soit pour la déchèterie, soit pour mes souvenirs personnels.
Mais d’où viennent ces chaussons ? J’ai beau me retourner le cerveau, réfléchir, tourner le problème dans tous les sens, pas le moindre indice…
Je vais dire au revoir à mes tantes, mes oncles déjà très avancés en âge. Après avoir mangé une bonne part de gâteau, je demande que l’on me parle de ces chaussons. Ma grand-tante, n’a jamais eu vent de ça, sa sœur idem, ne sait rien, en plus elle perd la mémoire, le grand-oncle, lui est sourd. Je lui demande s’il aime des fraises que je lui ai apportées, il me répond que « oui je suis bé-naise « Je n’ai donc rien glané, je suis toujours au point zéro, et je repars dépitée.
Cette nuit là fût agitée, je me retourne à droite à gauche, et toujours devant mes yeux « les chaussons » Mais d’où viennent ces chaussons, que diable ? Après un bon café, je finis le nettoyage, il faut que ça brique, la maison est mise en vente dès demain. Après le dernier coup de clef, je laisserai tous mes souvenirs dans cette maison, souvenirs heureux et moins heureux…
Ah ! J’ai oublié de jeter un coup d’œil dans le cagibi, ce doit être un sacré capharnaüm. Des sacs plastics, des bouteilles à moitié vides ou à moitié pleines, c’est selon ce que l’on veut voir. Bien sûr l’ampoule est « grillée », et pour la remplacer impossible d’en trouver une ici. Je suis allée chez la voisine, qui m’a bien volontiers dépannée. En passant elle pose des questions qui lui brûlaient les lèvres, auxquelles je réponds évasivement. Mais pour elle, c’est énorme elle va raconter tous les petits détails qu’elle va pouvoir « grossir chez le boucher du village, qui lui-même colportera à chacun de ses clients. « J’ai entendu dire que Blablabla… » Et les commérages feront le tour, complètement déformés, mais ils auront un bout du mystère qui plane dans cette maison, car les résidents n’étaient pas très bavards, un peu « ours avec leurs voisins…
Je rentre, je visse l’ampoule, et tiens ! Là tout au fond, il y a un petit tableau affreux, qui a perdu toute sa couleur, avec la crasse qui le recouvre. Je le décroche, il y a une signature illisible, et derrière ce tableau, une espèce de porte toute bancale. Cette porte est fermée, comment faire pour l’ouvrir ? Elle est en bois, toute vermoulue, alors, ni une ni deux, avec un marteau je la fracasse. J’y découvre une lettre enrubannée, avec le prénom de ma mère. Je tremble, je suis fébrile. Qui a écrit ça ? Une si jolie écriture appliquée, comme dans l’ancien temps. Cette lettre disait, « Pour toi ma fille Tu viens de venir au monde, nous sommes le 15 Août, j’ai voulu t’appeler Marie. Je t’ai cousu point par point ces beaux chaussons, j’y ai mis tout mon cœur et mon amour. Je ne sais pas ce qu’il va advenir de toi, car moi, je vais partir loin. Ces chaussons seront le lien entre toi et moi. Je t’aime de toutes mes forces et te souhaite le meilleurs dans ta vie »
Qu’est-il arrivé à ma grand-mère maternelle, je ne l’ai jamais su et ne le saurai jamais, puisque ma mère fuyait quand on lui posait la question. J’aime penser que ma mère a tenu ces chaussons et qu’elle les a admirés. Cette lettre est simple et bouleversante, mais ô combien enrichissante. Elle a été aimée par sa mère…
L’énigme est en partie résolue. Après l’avoir délicatement grattée, j’ai lu la signature du tableau « Marie B. ». C’était ma grand-mère… Que d’amour pour sa fille unique !
Je peux tourner la page de cette vie-là, et penser à l’avenir enfin sereine…
De Laurence de France
Maria possédait un dressing dans son petit appartement parisien rempli à ras bords, prêt à craquer à tout moment. Elle achetait quantité de vêtements ou d’accessoires qu’elle ne portait jamais. Elle éprouvait une grande joie à les essayer, mais ne pouvait jamais se résoudre à les reposer à leur emplacement dans les boutiques. C’était devenu compulsif.
Elle avait bien fait appel à un coach de désencombrement récemment, mais, quand il lui avait signifié que les trois-quarts du contenu de son placard étaient inutiles, elle avait failli avoir une attaque. Elle l’avait congédié manu militari sans même le payer pour ses services. Il restait bien la solution du psy, mais, à quoi bon payer pour rester allongée pendant des heures et déballer tous ses secrets intimes ?
La passion de Maria, c’était le lèche-vitrine. Elle éprouvait un plaisir incommensurable en pénétrant dans un magasin, proche de l’orgasme. Elle n’osait même pas imaginer se priver d’une tel plaisir. Sa dernière lubie, c’était d’acheter des accessoires de bébé, du premier âge. C’était idiot puisqu’elle n’avait pas d’enfants à elle, ni dans sa famille, étant fille unique. Elle ne pouvait donc même pas les offrir à quiconque.
Elle craquait surtout pour les chaussons de nouveaux nés.
Elle ne voulait pas savoir ce que cela cachait de son inconscient ou de son subconscient. Elle les laissait bien à leur place et ne souhaitait jamais avoir rendez-vous avec eux sous aucun prétexte!
Maria n’avait aucune préférence de couleur pour ces petits chaussons. Elle trouvait ça si mignon. Elle se demandait comment un si petit pied pouvait un jour devenir du 47 en pointure, comme pour son oncle. Les chaussons qu’elle acquérait à prix d’or ne seraient jamais portés. Elle se créait une collection. Elle aurait pu apprendre à les créer au crochet, comme le faisait sa grand-mère et les offrir à des mères en détresse.
Elle n’avait pas pour habitude de s’occuper de son prochain ni de venir en aide aux plus déshérités dans la capitale. C’était une vraie Parisienne, ne vivant que pour elle et son chihuahua, ne pesant pas plus d’un kilo, qu’elle fourrait dans son sac quand elle sortait. De temps à autre, elle lui essayait les chaussons de bébé qu’elle achetait. Le pauvre chien se laissait faire, tant qu’il était dans les bras de sa maîtresse chérie, il acceptait tout.
Mais à la mort de son toutou chéri adoré, Maria perdit pied et commença à présenter des signes inquiétants, révélant un début de démence. Elle criait du matin au soir, dans la cage d’escalier de son immeuble cossu, « à vendre, chaussures de bébé, jamais portées », comme une litanie. Personne ne voulant lui acheter ses chaussons, elle apostrophait les résidents dès qu’ils franchissaient la porte d’entrée.
La concierge, pourtant compréhensive, appela un matin l’hôpital psychiatrique du quartier où la pauvre Maria répéta le même scénario, portant avec elle une paire de chaussons roses de bébé.
Une micro-fiction de Nicole de Belgique
Au bord du monde, un jour comme tous les autres jours.
Venant de nulle part, marchant pieds nus sur la sente pierreuse, une femme dépenaillée, traits tirés, yeux malheureux de tant de misère, la guerre, le chaos, la peur, la faim. Ces évènements dramatiques, ces soldats ivres de pouvoir et d’alcool, la blessure ouverte du viol de son humanité.
Sa fuite éperdue. Survivre pour qui, pourquoi, que trouvera-t-elle au bout de sa route?
Sera-t-elle encore heureuse dans une autre vie, un ailleurs aléatoire ?
Quand rien n’est certain, tout est possible…
D’humeur malheureuse, voire dramatique le matin.
Heureuse et primesautière le soir.
Tout est possible à une bi-polaire.
Vous avez reçu une nouvelle proposition d’écriture concernant des traces d’avion dans le ciel.
J’ai hâte de lire ce que vous allez imaginer à partir de cela.
Pensez à m’envoyer votre création via la rubrique “me contacter” du blog La Plume de Laurence.
Laissez aller votre plume et votre créativité!
Ecrire est un jeu, un plaisir!
Tout le monde peut se mettre à créer et à écrire de courts textes!
Je vous souhaite une belle lecture, une belle semaine créative.
Créativement vôtre,
LAURENCE SMITS,La Plume de Laurence