Pour une reprise de l’atelier d’écriture, c’est une sacrée reprise. Pour la proposition d’écriture N° 170, j’ai lu 41 pages des textes que vous m’aviez confiés.

Du jamais vu depuis la création de l’atelier en 2019!

Quel boulot pour moi, mais quel plaisir inouï! 

Merci à vous toutes et tous de me faire confiance et de croire en mes valeurs! J’espère que vous avez du temps devant vous ce weekend, car vous avez beaucoup de lecture en perspective!

Voici vos textes:

De Lisa (proposition d’écriture N° 169)

Inspiré de la chanson de Jean Gabin « quand on se promène au bord de l’eau »

Quand tu regardes les oiseaux
Des oies et des canards
Tu n’as envie de partir
A venise et nulle part
Pour voir les gondoles, les musées
Et dépenser du fric pour frimer

Le dimanche, un beau matin
Le vent est à nos pas
Près du bocage
Tout paraît charmant !

Quand on se balade au bord de l’eau
Comme tout est beau
L’été sera chaud
Venise peut reprendre son sac à dos
On a le coeur qui respire l’instant

L’odeur des fleurs
Nous rappelle l’enfance
Et le bonheur
Nous coûte pas un rond
Contrairement à Rialto
Tout est oublié grâce à cette beauté

Quand on se balade au bord de l’eau
Comme tout est beau
L’été sera chaud
Venise peut reprendre son sac à dos
On a le coeur qui respire l’instant

De Nourdine (proposition d’écriture N° 169)

À moi

Splendeur d’une attente

Du firmament le soleil s’efface
Le masque noir prend sa place
L’éclair le tatoue de fêlures
La brise le couvre de froidure

Moi seul dorloté par le vent
Écoutant le flot peu bruyant
Seul ressassant mes souvenirs
Sentant l’iode de l’onde sortir

Bercé par la brise vespérale
Regardant ce manteau noir
Embelli par les stars du soir
J’attendais poindre l’aube boréale

Quelle beauté et quelle volupté
Ce soleil de loin revenant
Et semant la vie dans les champs
Généreux, offrit sa clarté.

De Philippe

La liberté de Mathieu

Le moteur de la vielle Cadillac tournait depuis cinq minutes, animant tout le quartier.
Perdu dans ses rêves, dans le reflet brisé de sa glace, il essuie, d’un revers de sa main, un reste de dentifrice perdu au coin de ses lèvres.
Assis au volant de sa voiture, il passe la première dans un craquement habituel, presque rassurant. La Cadillac quitte l’allée, marque un arrêt et repart en avant sur la route, toujours la même, comme collée à ses vieux pneus. Le GPS, ventousé au pare-brise, indique le chemin de la maison au vieux port. Le soir, c’est le contraire, du port à la maison. Un seul parcours, deux fois par jour.
– Tu es comme moi, un aller, un retour, une journée de passée ; mais tu me parles, pense Mathieu, le regard plein de tendresse tourné vers le GPS et ses mains caressant le volant de sa Cadillac avec amour.
Au croisement de sa rue et de celle qui plonge vers le vieux port, sortant de l’ombre, la grande citerne salue le passage de la Cadillac ; elles ont le même âge. La grande citerne, une œuvre titanesque, image d’un autre temps, attend chaque jour le passage de Mathieu pour le saluer. L’horloge de la voiture, de ses aiguilles fatiguées, annonce sept heures.
Dans une vingtaine de minutes, il sera devant le hangar.
Le vieux port est là, baigné de brume. Devant chez « Au rendez-vous des pêcheurs », le seul bar du coin, Tonio, le vieux guitariste joue des airs de jazz, le microphone collé à son instrument. Pour la dernière fois, Mathieu lui lance le journal de la veille sans s’arrêter, par la fenêtre de la voiture. Tonio le salue d’un large sourire aux notes de « Happy Day ».
Mathieu et sa Cadillac passent le portail d’entrée sous l’œil de la caméra de surveillance. Comme chaque matin, Mathieu lui fait un signe de sa main droite, lui décoche un regard de lassitude.
La Cadillac se gare, elle a compris. Le GPS s’éteint. Mathieu descend, ferme la porte avec un dernier regard à ses deux seuls amis.
Il est sept heures trente, il ne se changera pas, il marche sans se presser vers le bureau du patron. Le patron, un orang-outan haineux, crasseux, fétide, les yeux chargés de balles d’humiliation prêtes à transpercer Mathieu depuis des années, le regarde s’avancer vers lui. Dans une minute, ce sera fini. Mathieu ne sera plus une proie facile.
Un claquement, puis un bruit sourd, l’orang-outan dans sa chute a sonné la liberté de Mathieu.

De Julie

A l’aube d’un projet titanesque et en plein dans mes rêves, je décidai sur un coup de tête de partir me ressourcer. Je ne sais pas encore où ni combien de temps ….
Tout ce que je sais, c’est que j’avais envie de prendre ma Cadillac, d’enclencher le moteur et de rouler ! Voir où le chemin me mène. Découvrir des endroits. Lier des connaissances et si jamais je me perds, je peux toujours enclencher mon GPS.
Je fis donc une valise rapide avec le nécessaire que je jugeais utile (sans évidemment oublier mon dentifrice et ma brosse à dents électrique). Enfin, espérons que je trouve des prises où la charger. Je crois que je vais prendre une manuelle au cas où ….
J’avais pris soin de mettre mon training et un t-shirt et des baskets afin d’être à l’aise pour la route. Je me mis en quête de la citerne d’eau de pluie afin de vérifier la quantité d’eau et au cas où je ne pourrais pas arroser mes fleurs.
Je regardai l’horloge, il était déjà presque midi.
Avant de partir, je me fis un pique-nique composé d’un sandwich jambon fromage, de salade, des cornichons et de la mayonnaise que j’emballais soigneusement dans du papier aluminium ainsi qu’un thermo de soupe, du café, des bonbons, une banane et un coca.
Avant de partir, je mis la caméra de surveillance en route.
Je pris des croquettes pour mon chien et je le mis dans la voiture sur une couverture avec sa balle. C’était un berger malinois qui adorait se dépenser et promener pendant des heures dans les bois.
Juste au moment de partir, j’entendis une annonce du maire par un des nombreux microphones accrochés dans la ville en nous informant de faire très attention car un orang-outan s’était échappé d’un cirque. Au moment de démarrer, j’entendis un bruit et je vis la bête qui se régalait de mangues et de figues dans le jardin de mon voisin. J’explosais de rire et je me dis “que c’est bon de te voir libre et plus dans un cirque, profite bien de ta liberté mon beau singe. Prend garde à toi et échappe-toi vite afin de retrouver ta vie LIBRE”.
Sur ces douces pensées, je mis le moteur en marche et je partis vers d’autres aventures.

De Fabrice

Le soleil brûlait le bitume comme une prostituée défoncée. J’étais assis dans ma Cadillac pourrie, une bagnole aussi titanesque que mes rêves minables. Les rues étaient remplies de connards pressés.
Je sortis un microphone de ma poche arrière et le branchai sur le vieil autoradio crachotant. J’avais des mots à dire, des mots que personne n’écoutait. Mes pensées étaient une citerne pleine de rage et de dégoût pour ce foutu monde. Je crachais mes insanités dans le micro, laissant les mots s’échapper comme un torrent de bile.
À côté de moi, une caméra de surveillance clignotait, me surveillant comme un flic en planque. Ils pensaient que j’étais un danger pour la société, un punk à abattre. Mais j’en avais rien à foutre. J’étais libre comme un putain d’orang-outan enragé.
L’horloge tournait comme une grue qui a perdu le décompte de ses clients. Le temps était un enfoiré sans pitié, et moi j’étais là, planté au milieu de cette foutue ville, à cracher mes mots comme des balles perdues. J’ouvris un tube de dentifrice que j’avais piqué dans une épicerie et j’en pressai une bonne dose sur le pare-brise de la bagnole. Ouais, ça devait être ma façon de dire « fuck you » à ce monde de merde.
Les passants me regardaient avec des yeux vides, incapables de comprendre la révolte qui bouillonnait en moi. Je m’en foutais. Je continuais à hurler dans ce foutu microphone, mes mots résonnant dans les ruelles sales et sombres.
Et là, au milieu de tout ce bordel, je me suis rendu compte que j’étais en train de vivre. Peut-être que mes rêves étaient minables, mais au moins je les vivais à ma manière, sans compromis. J’étais le héros de ma propre histoire, même si c’était une histoire de merde.
Alors j’ai écrasé l’accélérateur, faisant vrombir le moteur de la Cadillac pourrie. J’ai laissé la caméra de surveillance derrière moi, les rues bondées, les horloges qui tournaient sans fin. J’étais en route vers nulle part, guidé par mon GPS intérieur. Et ça faisait un bien fou.

De Gérard

1959, Route 66

La Cadillac De Ville Coupé vert tendre avalait les kilomètres.
Les bagnoles à cette époque étaient sculptures de métal, véritables œuvres d’art ouvrant la voie de la liberté. Nul n’imaginait les dégâts qu’elles allaient occasionner quelques décennies plus tard.
Nous filions sur la route 66 de CHICAGO à L.A, 2 450 miles, huit états à traverser.
À l’époque, inutile de vous le dire, il n’y avait pas de GPS.
Peu importe, nous possédions les cartes routières publicitaires offertes par ESSO, et de toute façon, rien ne nous obligeait, aucun horaire ne nous contraignait, nous bifurquions ou nous arrêtions au gré de nos humeurs.
L’autoradio diffusait la soupe musicale de l’époque mais parfois, suivant les stations et les états traversés, on pouvait avoir la chance d’entendre Elvis.
Je le vois encore se déhancher sur la photo devant son microphone SHURE 55 des studios SUN de MEMPHIS.
Elvis, c’était plutôt bien, mais nous savions qu’il devait tout à deux femmes noires, la grande BIG MAMA THORNTON, et surtout à SISTER ROSETTA THARPE qui inventa le Rock‘n’Roll dès la fin des années quarante.
Notre musique était donc celle des noirs, blues de CHICAGO bien entendu, mais aussi celle de Chuck BERRY, notre idole, tout ça avant que les jeunes Anglais ne viennent nous imiter et tout bouleverser brillamment au début des sixties.
Sur le bord de la route, d’immenses panneaux publicitaires vantaient les bénéfices du dentifrice COLGATE, un homme et une femme se regardaient les yeux dans les yeux, heureux, dents découvertes, « COLGATE nettoie l’haleine en nettoyant les dents ». Cliché du bonheur et de la réussite américaine.
Grands débuts de la publicité… Ça nous donnait envie de vomir.
Et nous doublions les camions-citernes.
À l’époque, nos rêves nous emmenaient en Californie, à BIG SUR, sur les routes de Jack KEROUAC. Nous avions lu « Sur la route » et nos vies avaient changé. Enfin, un auteur qui disait la vérité, qui dénonçait l’imagerie de cartes postales, l’hypocrisie du rêve américain, façade de pacotilles qui cachait de terribles drames et douleurs.
Notre ambition était titanesque, nous voulions « vivre autrement », créer une nouvelle philosophie de la vie, loin des caméras de surveillance imaginées par George ORWELL dans 1984, autre roman qui nous avait fortement influencé.
Sans horloges, sans montres, sans dollars pour nous offrir des douches, souvent plus sales que des orangs-outangs, on nous avait baptisés beatnicks, et ça nous allait bien.
Beaucoup d’entre nous sont restés sur la route, remplie de tentations et de pièges.
Sans aucun doute, le principal danger, c’était nous-mêmes.
La « Beat Generation » est passée, puis beaucoup d’autres l’ont suivi, parfois plus dingues encore.
Aujourd’hui, à 84 ans, en regardant le monde autour de moi, en écrivant ces lignes, la nostalgie m’étreint, et je pleure ma jeunesse, quand nous roulions insouciants sur la Route 66 au volant de notre CADILLAC vert tendre…

De Saxof

LE CADEAU

Je suis née un 17 octobre, abandonnée dans une citerne vide et endommagée. Je criais si fort à cause de la faim qui me tiraillait les entrailles que j’ai ameuté le quartier. Un homme grand et fort m’a prise dans ses bras. J’y étais moelleusement bien au chaud, comme dans un de mes rêves où je m’imaginais contre ma mère.
Cet homme ressemblait à un orang-outan avec ses longs bras et ses cheveux roux. Il acheta de quoi m’habiller, me changer, me coucher, ainsi qu’un biberon et du lait en poudre pour étancher ma faim et ma soif.
L’odeur de ma nourriture me changeait de l’haleine de dentifrice de mon nouveau tuteur.
Il m’installa délicatement dans un couffin sur le siège confortable de sa Cadillac, mis en route son GPS et partit dans un vrombissement tonitruant.
Nous roulâmes durant un temps qui me permit de faire une petite sieste, et c’est l’arrêt brutal qui me réveilla. Nous étions devant une grille surmontée d’une énorme horloge indiquant 22h.
Au moment où je me disais qu’il faisait sombre, des lumières se sont allumées partout dans l’allée qui menait à un château. La luminosité avait certainement été commandée par une ou des caméras de surveillance.
Arrivés devant l’escalier d’entrée, un microphone laissa retentir une voix grave et suave demandant
« Bonsoir Monsieur, je vous ouvre le garage ? »
L’homme ouvrit la porte de la voiture, m’emporta à l’intérieur en tenant les anses du couffin d’une main et le sac de bébé rempli de l’autre.
« Oscar, appelez Victorine pour qu’elle vienne m’aider à installer ce petit ange ».
J’étendis les bras, et me mis à crier car ma couche était à changer et j’avais encore faim.
Il me posa délicatement, se pencha vers moi dans un merveilleux sourire et me dit
« Je sais déjà que tu es une enfant souveraine. Je vais prendre soin de toi. Quel bonheur, moi qui rêvais d’être papa. Je vais t’appeler Céleste, qui vient du ciel, et tu seras l’héroïne d’une oeuvre titanesque que je vais écrire pour toi. »

De Marie-Antoinette

MEURTRE A ILLKIRCH

L’horloge du clocher de l’église Saint Symphorien sonna les dix heures. Une volée de cloches se mit soudainement à bourdonner dans un tintamarre assourdissant. Depuis ma table, je le vis descendre de sa Cadillac. Il était impressionnant. C’était un homme grand, massif, portant un manteau marron et un chapeau, type borsalino, de la même couleur. Je ne vis pas son visage mais à son allure, à sa manière de se mouvoir, on sentait la détermination. Il régla la course puis s’éloigna à grandes enjambées assurées.
Il vint s’asseoir à quelques tables de moi, et tout en retirant ses gants en peau commanda un scotch. Il sortit un microphone de sa poche gauche, l’activa et dicta quelques phrases qui restèrent mystérieuses en raison du passage bruyant d’un camion-citerne, immédiatement suivi… d’un tir nourri de kalachnikov. Comme dans un film, au ralenti, je vis la rafale de feu, l’homme tressaillir à chaque impact puis s’effondrer sur la table telle une marionnette. En réalité, la scène ne dura que quelques secondes. Des crissements de pneus confirmèrent la fin de l’opération.
Passé le moment de sidération générale, la plus grande panique s’empara alors des clients attablés. Ainsi que dans un rêve horrible, chacun fuyait dans une direction différente, respectant sans doute le trajet indiqué par leur GPS interne. Un homme-sandwich, déguisé en orang-outan, et portant deux placards de publicité vantant les mérites d’un dentifrice, s’avança auprès de la victime et constata que malheureusement il n’y avait plus rien à faire. Il retira lentement la tête de son déguisement. La sienne apparut ridiculement petite par rapport au reste de son corps. Tout dans sa gestuelle indiquait qu’il s’agissait d’un policier, d’un agent secret peut-être. Il indiqua du doigt à un coéquipier qui arrivait près de lui, la caméra de surveillance. Celui-ci comprit et partit récupérer le film, qui avait forcément enregistré la scène.
Presque instantanément, des dizaines de voitures de police s’alignèrent devant la terrasse. Une ambulance hurlante et clignotante vint se placer à proximité du corps. L’effervescence était maximale, le dispositif titanesque, le tout dans une cohue indescriptible. Quatre hommes, entièrement vêtus de blanc et portant des mallettes, franchirent les rubalises qui venaient d’être posées.
Puis l’on entendit nettement le cri « Coupez » !
Le mort se releva.
L’émotion me submergea.
Je m’affaissai à ce moment-là.

De Françoise V

Le téléphone vibre. Cyril lit le message qui s’affiche. Il n’avait pas entendu la sonnerie. Le capitaine de la caserne des pompiers lui demande d’intervenir. Un feu est déclaré à côté d’un lotissement d’habitations à 20 km de son domicile. Il faut faire vite. Pas le temps de se brosser les dents, le dentifrice sera pour plus tard. Cyril est pompier volontaire. Il a l’habitude des situations de ce genre. Il jette un rapide coup d’œil à l’horloge, il est 21h. Sa tenue est prête comme d’habitude. Il se met rapidement en condition pour foncer dans sa 208 Peugeot. Cette nuit, il ne sortira pas sa belle Cadillac rose framboise que son grand-père lui a léguée, celle-ci restera au garage. Il la garde pour ses sorties de loisir et pour se faire remarquer devant les filles.
Son GPS est actif, il indique exactement le parcours le plus court à emprunter.
A son arrivée sur les lieux enflammés, et grâce au microphone, on le prévient qu’il doit contourner les citernes de pétrole. Un risque d’explosion est possible. Le travail s’annonce titanesque. Des flammes à plus de 10 mètres de haut lèchent le ciel noir et enfumé. Elles sont rabattues par le vent du côté des citernes. Cyril prend vite conscience de la dangerosité de la situation. Le paysage ressemble aux multiples rêves et cauchemars qu’il a déjà faits et la température de l’air grimpe de plus en plus. Les camions sont alignés avec leurs gyrophares bleus. Ces scènes-là, il les connaît par coeur. Et à chaque fois, il se sent prêt à sauver des vies, prêt à sauver le village et la forêt qui jouxtent le géant flamboyant.
Le commandant des pompiers, un homme au large visage dont la carrure avec casque et tenue est aussi imposante qu’un orang-outan, s’approche de lui. D’une voix caverneuse, il lui ordonne de décrocher la caméra de surveillance.
– « L’échelle est prête, foncez ! Ensuite vous rejoindrez l’équipe d’intervention. Il faut sauver la vidéo, et vite ! C’est peut-être un acte criminel. »
Cyril s’exécute, et consciencieusement, il réserve la vidéo pour la confier à la gendarmette du laboratoire scientifique. La camionnette est déjà en place, loin de la fournaise, en sécurité. La lecture se fait dans la foulée, in situ. Le film n’est pas endommagé. Il montre quatre personnes portant des jerricans et déversant de l’essence à proximité des citernes. Cyril reconnaît trois d’entre eux. Le signalement est donné.


De Frédérique

Le soleil se couchait derrière la silhouette imposante de la Cadillac noire. Les derniers rayons perçaient à travers les arbres comme des éclats de rêves dans la nuit naissante. Une lueur étrange émanait de la caméra de surveillance fixée au sommet du rétroviseur, donnant l’impression que la voiture avait ses propres yeux.
Au volant, Richard contemplait le GPS de son Smartphone avec perplexité. C’était la première fois qu’il s’en servait et son usage était malaisé. C’était peut-être dû à son grand âge et au fait que personne n’avait appris à l’utiliser. Les routes semblaient se tordre comme un serpent titanesque sur l’écran. C’était comme si le monde lui-même conspirait pour le perdre. « Eh bien, mon vieux, on dirait que l’aventure commence », murmura-t-il en jetant un coup d’œil à son fidèle microphone posé sur le siège passager, comme s’il était son complice secret dans cette quête burlesque.
Soudain, un bruit métallique retentit dans l’obscurité environnante. Richard sursauta, la main involontairement tendue vers l’enregistreur, effleurant accidentellement son bouton. Un grésillement de statique envahit l’habitacle de la voiture, créant une ambiance presque surnaturelle. « Qui est là ? » chuchota-t-il, espérant une réponse rassurante. Cependant, il n’y eut aucun son en retour, seulement le bruit sourd et régulier, évoquant le tic-tac angoissant d’une horloge suspendue dans l’inconnu.”
La nuit était tombée quand Richard se gara près d’une forêt dense. Il sortit en emportant une lampe de poche et son tube de dentifrice. « On ne sait jamais », marmonna-t-il en l’ajoutant à son sac à dos. Il enfonça le microphone dans sa poche, comme s’il était son unique lien avec la réalité.
Les arbres semblaient s’étirer jusqu’aux cieux, formant une canopée titanesque qui semblait prête à engloutir le monde. La lampe de poche balayait les ombres, créant des formes qui semblaient danser au rythme de ses pas.
Soudain, un grognement suivi du bruit d’une branche cassée se fit entendre. Richard se figea. Il braqua la lampe de poche dans la direction du son. Ses yeux s’écarquillèrent en découvrant la silhouette d’un orang-outan qui le fixait de ses yeux étincelants.
Richard recula instinctivement et buta contre quelque chose de métallique. Il baissa la lampe de poche et découvrit une trappe dans le sol. Une citerne, peut-être ? Il se pencha pour observer l’ouverture, l’obscurité l’engloutissant comme une bouche vorace.
L’orang-outan s’approcha lentement de lui, semblant presque curieux. « Hé, mon pote, tu sais comment utiliser un GPS ? » demanda Richard en brandissant l’appareil. L’orang-outan émit un borborygme.
Richard se dirigea vers la Cadillac, son cœur battant la chamade. Il monta à bord et saisit le microphone. « Si quelqu’un peut m’entendre, que ce soit maintenant », dit-il d’une voix tremblante. Silence total ! Naturellement…
Alors que la nuit avançait, Richard se mit à rire. Un rire fou, presque hystérique. Puis, peu à peu, la lueur du matin se répandit dans le ciel, éclairant la route devant lui. Richard ressentit un étrange mélange d’épuisement et de soulagement. « Peut-être que c’est ainsi que les rêves deviennent réalité », se dit-il, un sourire épuisé aux lèvres, tandis que la Cadillac avançait vers l’horizon incertain.

De Frédérique

Dans sa belle Cadillac, il partait en vadrouille,
Avec GPS en main, il évitait les embrouilles.
Un microphone à portée de main, pour chanter à tue-tête,
Son dentifrice en poche, sourire toujours prêt.
Telle une citerne de rêves, son esprit débordait,
Des projets titanesques, il en imaginait.
Sous l’œil d’une caméra de surveillance curieuse,
Il menait sa vie, aussi folle que joyeuse.
Le temps avançait, tic-tac comme une horloge,
Tandis qu’il grimpait, agile comme un orang-outan sur les roches.
Sa vie était un spectacle, une comédie en scène,
Chaque jour une aventure, une nouvelle rengaine.
Dans sa Cadillac, tout était toujours festif,
Microphone, dentifrice, il était actif.
Des rêves plein la tête, il suivait sa propre cadence,
Vivant sa vie avec humour et élégance.

De Francis

Silence, on tourne !
Le metteur en scène met la dernière main à la préparation de la scène. Il est allé vérifier que le dresseur est avec l’orang-outan dans sa cage sous caméra de surveillance.
Lorsque le clap sera donné, l’animal sera au volant de la rutilante Cadillac verte équipée d’un microphone d’ambiance. Il foncera sur le camion-citerne rempli de dentifrice liquide, inondant la chaussée, la rendant glissante et c’est ainsi que naitra un carambolage titanesque trop tard pour être signalé par le G.P.S.
L’horloge tourne, la production s’impatiente.
Silence, on tourne ! Action ! La caméra ronronne.
C’est fini.
Une séquence de plus dans la boite à rêves du cinéma.

Conséquence inattendue

L’horloge indique 7 heures il vient juste sortir de ses rêves direction, la salle de bains. Il prend le tube de dentifrice, la radio est allumée et délivre ses informations comme chaque matin.
Il écoute d’une oreille distraite lorsque son attention est attirée par l’information suivante : « carambolage titanesque sur l’autoroute à la sortie de la ville provoqué par une Cadillac verte conduite par un orang-outan qui est entré en collision avec un camion-citerne. Les caméras de surveillance avaient enregistré cette anomalie, une patrouille munie d’un puissant microphone et d’un haut-parleur sur le toit était en route pour étudier la situation ».
Quelques minutes plus tard, la radio apportait des informations complémentaires : « carambolage de l’autoroute, le conducteur de la Cadillac verte de l’autoroute n’était qu’un figurant de cinéma en retard qui avait enfilé son costume de scène pour gagner du temps, il se rendait sur les lieux de tournage sa vitesse était excessive ».
Je vais essayer d’éviter le bouchon en utilisant mon G.P.S. En espérant que nous n’aurons pas tous le même réflexe.

De Françoise G

DECLARATION

« Allez, ma belle, monte dans ma Cadillac, je t’emmène en balade !
« Où veux-tu aller ? La Bretagne et le Mont-St-Michel ? Le Périgord et son foie gras ? La Riviera et la grande Bleue ? Viens ma mie ! A nous la grande vie, la liberté, le vaste monde.
Tu préfères des pays plus exotiques, les œuvres titanesques d’anciens égyptiens, les eaux transparentes de la Barrière de Corail ?
Tiens ! fais ton choix ! J’ai un tas de cartes ! J’aime les cartes, on s’évade avec des cartes…Je te les donnes, tu seras mon GPS, tu me guideras…On peut tout se permettre…
J’ai fait le plein de la voiture. C’est qu’elle tosse cette bagnole. Elle avalerait une citerne ! Mais elle est nerveuse ! Quelle reprise, hein ? Elle t’emmènera au bout du monde ! Et quel confort !
Tu voyageras les cheveux au vent ! Il fera toujours beau. Nous dormirons dans des palaces, nous goûterons des cuisines suaves, nous nagerons dans des eaux cristallines, environnés de poissons multicolores.
Plus de montre, plus d’horloge, plus d’emploi du temps. Adieu les impératifs horaires. Nous voyagerons à contre-courant, brisant toutes les chaînes. La vie sera belle, toujours en vacances.
Allez ! viens ! Ne t’embarrasse pas. Voyageons léger, juste ta brosse à dents et ton dentifrice. Où que nous allions, je te couvrirai de dorures : je te ferai geisha au Japon, vahiné à Tahiti, reine dans notre royaume.
Viens ! Installe-toi. Prends tes aises. Oublie tout.
Qu’est-ce qui peut t’attacher ici ? Regarde, il pleut ! Et le climat est souvent chagrin.
Ces maisons alignées, toutes pareilles, noircies par les fumées de l’usine ?
Ces gens qui nous ignorent et nous prennent pour des fous ?
Abandonnons le passé. Je t’offre un avenir rayonnant.
Allez, viens, je t’en prie. J’ai besoin de toi à mes côtés ! Toi aussi tu as besoin de moi !
Faisons table rase des griefs ! Recommençons tout ! J’ai droit à une deuxième chance !
Partons. Ici, tout rappelle le passé.
Nouveau pays, nouvelle vie.
Allez ! viens ! Commençons par une lune de miel. Arrêtons-nous où le vent nous pousse, où le ciel est plus bleu, la vie plus facile…
Dois-je te supplier à genoux ?
Allez ! N’hésite plus ! Saute dans mon carrosse, souris à la vie… »
Tutututut… « Mr R., dit la voix au microphone, présentez-vous face à la caméra de surveillance, s’il vous plait ! »
Dans sa cellule, Mr R. se lève lourdement de sa paillasse. Et devant ses rêves brisés, il hurle, en se frappant la poitrine tel un orang-outan.
« Mais pourquoi, elle n’a pas voulu… ?

De Lisa

Inspiré de la chanson de « n’importe quoi » de Florent Pagny


Dis-moi pourquoi t’es comme ça
Pourquoi tu te balades dans cette Cadillac
Pourquoi tu t‘en va ?

Dis-moi pourquoi tu souris ?
Tu utilises du dentifrice
Et tu bois l’eau de la citerne

Dis-moi, pourquoi tu fais ça
Tu mets le GPS pour quitter le zoo de tes rêves
Où tu as tout de titanesque
Dans le plus grand zoo de France

Tu vois, tu retrouves plus la rue
La caméra de surveillance t’a reconnu
La Police Municipale t’arrête au feu rouge
Près de l’horloge à côté de la cathédrale

Et là tu crois
Que le patron du zoo va rester sans rien dire

Ah oui, tu sais pas
Que l’amende sera pour ta pomme
Mais tu seras privé de microphone
Toi l’ouran ouran qui est le plus intelligent


De Magali

Dimanche soir. Je me connecte à ma boîte aux lettres mail, et clique sur le message que m’a fait parvenir mon cousin. Je savais que, ce samedi, il allait vivre selon lui « une expérience de ouf » ; donc, un demi-sourire aux lèvres, je commence la lecture du message.
« Ça y est, le rêve de mes rêves s’est réalisé ! Le grand jour est enfin venu ! J’ai bouclé vendredi mon sac de voyage, vérifié si je n’avais rien oublié, surtout le dentifrice, qui, pour une raison que je ne m’explique pas, semble toujours fâché avec ma trousse de toilette. Direction la gare, quelques heures de train, arrêt à l’hôtel, quelques heures de sommeil et… Here we are !
Je consultais l’horloge au cadran immense : plus que quelques minutes avant le moment, LE MOMENT ! Déjà, la foule se pressait, hystérique, en totale folie, dans l’attente fébrile de l’arrivée de la star. Pas besoin d’un GPS pour deviner de quel côté elle allait pointer son nez. Des cris se faisaient entendre : nul besoin non plus d’un microphone, il fallait se boucher les oreilles, tant les décibels se faisaient pressants.
Devant le studio de télévision pourvu d’une caméra de surveillance, et sans doute pas qu’une, une organisation titanesque avait été mise en place pour la sécurité de mon idole. Dire que sous peu, elle allait être là !
Une Cadillac fit une arrivée manifestement étudiée… Roulant au pas, le chauffeur s’arrêta devant la montée des marches du studio. Le cœur battant la chamade, ivre comme si j’avais bu une citerne d’alcool, je LA vis sortir lentement de la voiture, prenant le temps de sourire, saluer la foule, consentir de-ci, de-là, à quelques selfies. Un garde du corps bâti comme un orang-outan se tenait tout près d’elle pour la protéger, prêt à toute intervention. Quelle chance, il a, celui-là… Mais qu’elle est belle, encore plus qu’au cinéma !
Cette vision n’a hélas que peu duré… La beauté salua ses fans en délire, avant de gravir les marches et disparaître dans le studio. Si nous voulions la voir, désormais, il fallait se planter devant la télévision…
Des heures de voyage, de préparatifs, une somme d’argent économisée pendant des semaines, tout ça pour la voir moins d’une minute et avoir sa photo sur mon téléphone ! Mais c’est ça, être fan, non ? C’est énorme !
Et toi, comment s’est passé ton week-end ? Bises, cousinou. »
Je souris complètement, et répondis ceci :
« Cher cousin, je suis heureux que tu aies pu réaliser ton rêve.
Mais vois-tu, ma fin de semaine n’a pas exactement été comme la tienne : j’ai pris mon chien, mon sac à dos, et nous avons été faire une virée tout l’après-midi à la campagne, au bord du lac. Nous avons marché longtemps, et le silence et la solitude ont été pour moi les meilleurs compagnons. Nous sommes rentrés fatigués mais heureux, Billy et moi. Je sais que ce que je te raconte peut te sembler complètement hors circuit, et que tu dois me prendre pour tel. Mais je ne connais meilleure façon de repartir du bon pied et me ressourcer. Un bonheur absolu.
Je t’embrasse, te dis à bientôt et te souhaite une belle semaine. Bien à toi ».
Le message était parti, je voyais déjà mon cousin me traiter de vieux fou, mais qu’importe : nous sommes diamétralement opposés, mais je sais que l’affection qui nous lie dépasse nos différences, même les plus grandes.

De Roseline

Je suis Benny, le gardien du quartier résidentiel de la ville nommée « La citerne » dont l’emblématique modèle du réservoir en bois trône sur les hauteurs du village comme un protecteur. Un autre moins rétro en béton lui a succédé pour alimenter le périmètre en eau.
Quand il y a un problème, on m’appelle avant de faire intervenir la police. Je ne sais jamais à quoi m’attendre, la plupart du temps : c’est un bruit causé par un chien errant qui fouille dans les poubelles, parfois des rats qui galopent sur le plafond. Mais, quand on a droit à un service de sécurité 24 heures sur 24, sept jours sur sept, les habitants ne prennent aucun risque.
J’étais plongé dans un rêve titanesque quand l’alarme a sonné. L’horloge indiquait 3h33. Y’a rien là ? Heureusement qu’il n’était pas 6 h66, j’aurai flippé grave.
Ils n’ont rien d’autre à faire les rupins. Peuvent pas dormir !
Il y aurait eu des bruits inquiétants au 333 rue de la citerne. La propriétaire vit seule et n’est pas rassurée. Je m’habille en quatrième vitesse, m’asperge d’eau et me rafraichis rapidement la bouche.
Quelques gouttes de pluie ont sali le pare-brise.
Sur le trajet à cette heure avancée, je croise seulement trois chats de gouttière en barule, un couple collé sur une trottinette, genre sur la proue du paquebot dans Titanic et une voiture dont les occupants semblent rentrer d’une soirée arrosée prolongée. Les basses de la sono arrivent jusqu’à moi. Je les double, j’entends un rap de Dr Dre qui sort de la caisse malgré les fenêtres fermées. Jusque-là, rien d’inhabituel. Pas de quoi lever une paupière endormie.
Il ne me faut pas quinze minutes pour arriver sur place avec ma cagette, un vieux Dodge Ram des 70 peu rutilant, mais qui tient la route. Le périmètre est calme, je longe les maisons cossues, bien entretenues, bien alignées. Chacun son espace de gazon tondu de frais. Je me gare dans l’allée devant le garage de l’appel de détresse, leur voiture doit être à l’abri.
Au-dessus de l’entrée, le numéro du lot en fer forgé. Je viens de cogiter. Il faudra que je le joue à la loterie. Plus haut une caméra de télésurveillance. Je sonne et m’approche de l’interphone d’où une voix tremblotante demande de décliner mon identité.
Je m’approche du microphone, car elle me fait répéter pour la troisième fois et lui colle ma carte pro bien en évidence devant l’œil motorisé.
Un clic métallique ouvre la porte. La maîtresse des lieux en pyjama satiné et grosse veste en laine se dresse devant moi affolée, un couteau de cuisine à la main.
-Enfin vous voilà ! Ça a fait un bruit infernal comme de la ferraille qui tombe et qui grince et puis plus rien. Ça résonne dans toute la maison. C’est comme ça depuis que je vous ai appelé.
J’essaie de la rassurer et surtout d’éviter une catastrophe.
-D’accord, pas de panique, je m’occupe de tout. Posez ce couteau ! Je vais inspecter les abords et je reviens.
Hésitante, du bout des doigts manucurés, elle me tend l’objet tranchant.
-Non surtout pas ! Ne me laissez pas seule ! Vous ne voulez pas plutôt regarder à l’intérieur avant
Puis, elle me fixe avec insistance en m’indiquant une trace au coin de ma bouche.
-Juste du dentifrice, j’ai été réveillé brutalement.
Le contrôle de la maison ne me donne pas plus d’indices, quand un bruit titanesque résonne dans la nuit. Je pense avoir localisé la source du bruit.
-Vous avez un garage, il me semble.
-Oui, c’est par là.
Ça me laisse l’occasion de scruter l’extérieur.
J’avance à tâtons avec une arme chargée à blanc à bout de bras et la propriétaire, effrayée, est agrippée à moi.
-Restez derrière, on ne sait jamais, lui dis-je en essayant de rester diplomate ; j’ai horreur qu’on s’accroche à moi comme ça, ça me gêne dans mes mouvements.
-La porte est ouverte, vous le saviez ?
-Non, je n’y vais jamais, il y a juste la Cadillac de mon défunt mari. Elle n’a pas roulé depuis longtemps.
Tout à coup, un bruit de casserole envahit la pièce. J’allume mon portable et je reste consterné devant le spectacle qui s’offre à moi : s’éclatant comme un gosse, un grand singe rouquin se sert du capot de la bagnole comme trampoline en balançant ses longs bras.
La lumière l’éblouit. Paniqué et pris en faute, il commence à hurler et à poser ses mains devant sa gueule comme quelqu’un qui aurait fait une bêtise.
Il descend, ouvre la portière et se réfugie à l’intérieur dans un cri plaintif.
Ça me laisse le temps d’appeler la police pour la fourrière. Ils m’éclairent tout de suite, ce doit être l’Orang-Outan qui s’est échappé du cirque itinérant le week-end dernier.
Une fois que l’équipe d’intervention a récupéré l’animal, je me faufile à l’intérieur du véhicule pour couper le contact. Curieux, je regarde la dernière adresse enregistrée par le GPS et m’aperçois que c’est la mienne, 323 rue principale.
Mince, faut que j’arrête de faire une fixation avec ce chiffre, ça devient n’importe quoi. Mais je m’interroge grave, quand même !
Enfin je rentre, il commence à pleuvoir intensément. À la sortie de la ville, un éclair déchire le ciel. Je ne vois plus grand-chose et me gare sur le bas-côté.
Les essuie-glaces s’activent sur le pare-brise, mais la pluie empêche la visibilité.
Quand finalement l’averse torrentielle cesse, j’allume les phares qui projettent leur faisceau sur un panneau publicitaire :
« Compte jusqu’à 3 – Jésus arrive, soit prêt ! ».

De Catherine M

Quelle histoire !

L’agent Winston a passé la nuit au poste de garde pour la troisième fois de la semaine.
C’est beaucoup. Beaucoup trop à son goût.
Il est vrai que le boulot n’est pas titanesque. Deux, trois rondes maximum et encore ! Il lui arrive d’en sauter une …
Mais, ce matin après une rapide toilette – sapristi, l’agent Morton lui a encore piqué son tube de dentifrice – et un coup d’œil à l’horloge – déjà 8h30 – l’agent W s’apprête à sauter dans sa très vieille Cadillac vert pomme. Un moteur et quatre roues c’est bien suffisant, pas besoin de GPS.
8h32, son chef n’est pas arrivé. L’agent W se rassoit en maugréant.
8h35, la relève n’est toujours pas assurée et la caméra de surveillance qui se met à clignoter !
L’agent W jette un œil, puis les deux et se lève d’un bond.
– Non, je rêve !
Sur l’écran de contrôle, un orang-outan se désaltère tranquillement à la citerne derrière l’établissement.
L’agent W se jette sur le microphone et hurle :
– Alerte ! Personne ne sort d’ici jusqu’à nouvel ordre.
Et son chef qui va arriver et se trouver nez à nez avec l’animal …eh bien tant pis pour lui, il n’avait qu’à être à l’heure …advienne que pourra …

De Louisiane

Les rêves ça coûte

Gérard Leconte, dit Gégé dès sa naissance, est agriculteur dans le Vexin à Marcy sur Orge, comme Jean son père, Emile son grand-père, Jules son arrière-grand-père qu’il n’a pas connu. A trois ans, Gégé, assis entre les jambes de Jean son père, conduit le tracteur qui l’a amusé un temps, puis il est retourné à ses livres et ses jouets au grand dépit de son père.
Gégé a des rêves de grandeur comme Emile son grand-père. Il ignore encore que son père a eu lui aussi des rêves, tombés en désuétude. La croissance de l’exploitation familiale n’enchante pas le Gégé. Pourtant, il a réalisé son premier rêve, épouser Françoise Adam, dite Fanchon. Gérard et Françoise se sont connus à la maternelle et se sont aimés d’amour tendre jusqu’à la promesse du mariage. Françoise était devenue la plus jolie fille de Marcy.
« D’accord pour Fanchon mais tu reprends la ferme ».
Clair et net, pas de discussion.
Très vite, elle lui a donné le choix du roi à l’envers, Sandrine puis Jérémie. Gégé souhaitait d’abord un fils puis une fille. Fanchon lui a rétorqué ce que la sage-femme lui avait appris : c’est le sperme de l’homme qui choisit le sexe. Et toc !
« Et j’te préviens, on s’arrête à deux, j’suis pas une poule pondeuse ».
Bien bâtie, avec des mains comme des battoirs, avec entrain elle abattait le travail à la ferme toujours souriante. Fanchon aimait son Gégé.
Gégé et Fanchon se lèvent et se couchent tôt. La ferme ne leur permet pas d’engager un commis. Au matin, ensemble, ils boivent leur café et lèvent le nez sur l’horloge de la cuisine et se disent quelques mots. Fanchon, ça l’énerve de voir son Gégé partir avec des traces de mousse à raser, de dentifrice et café autour de la bouche.
« Essuie-toi bon sang ! »
Alors, elle tend la joue pour le baiser matinal. Gégé, une fois parti pour exécuter son travail titanesque quotidien, Fanchon s’occupe de la maison, des enfants, de la pluche des légumes de midi et de la soupe du soir, de remplir la citerne pour les veaux, parfois, comme son père, elle dit les viots. Elle finit par les poules et le ramassage des œufs. Elle jette toujours un œil à la bâche sous laquelle la Cadillac d’Emile est rangée. Le grand-père lui aussi a eu des rêves de grandeur et les a réalisés.
Gégé et Fanchon sont partis en voyage de noces avec la Cadillac ivoire et bordeaux. A l’époque, les GPS n’existaient pas. Emile leur avait acheté la carte Michelin de la baie de Somme. A l’hôtel où ils étaient descendus, on les avait pris pour des Américains. Ils en rigolent encore. En secret, Fanchon aimerait une fois encore faire un tour en Cadillac.
Mais, le temps passe vite et Gégé sera de retour à midi pile. Heureusement, les gosses déjeunent à la cantine du collège.
C’est au dîner que le sujet de l’avenir de Jérémie à la ferme revient. Lui se verrait bien docteur, vétérinaire, pompier ou encore gendarme, et se prend le coup de casquette paternelle.
« Docteur ! Et qui c’est qui va te payer tes études p’tit malin ? T’es bâti comme un orang-outan ! T’as la force de sept hommes ! ».
Fanchon défend leur fils mollement en souriant :
« Laisse le dire, il a pas l’âge encore ».
« Moi vivant ton fils reprendra la ferme, c’est dit, et pis tu l’couves de trop ! ».
Parfois Gégé rentre furieux.
« Y’en a encore qui ont volé des pommes et des patates. Faudrait installer des caméras de surveillance, mais ça coûte bonbon ! ».
Alors Fanchon lui dit « Mon Gégé tu rêves encore, et pourquoi pas des microphones. Des oies feraient le même effet et ça couterait bien moins. »
Les rêves, ça coûte, Gégé le sait.
Des oies …? Faut voir …

De Christophe

« Pitié, maman ! T’en as pas marre de tes vieux trucs ?! »
Gisèle regarde sa fille par-dessus les verres foncés de ses lunettes de soleil. Elle éclate de rire ! Elle se voyait bien, en démarrant de la maison, faire la route en mode Thelma et Louise, avec son aînée de quatorze ans sur le siège passager. A l’arrière, Emilie, la deuxième, la taiseuse, la rêveuse, dix ans au compteur, regarde défiler le paysage. Jamais contrariée, ou si peu, et si peu contrariante.
L’autoradio continue de diffuser la voix de Jane Birkin : « J’aime ma poupée Orang-outang, Orang-outang, Orang-outang… » Baisser le son ? Oh que non, oh guenon, pense Gisèle, en se marrant. Au contraire : elle le monte un peu plus et, comme un paquet de jeunes quinquas, elle mime le geste de tenir un microphone dans sa main libre, l’autre toujours sur le volant : « Je connais pourtant des garçons charmants, Qui m’aiment vraiment, Et qui roulent en Ford Mustang, Mais moi j’aime mon Orang-outang ! »
Malgré elle, Arielle, l’ado, sourit en regardant sa mère. Elle a changé, en mieux, ces dernières semaines. Enfin, « en mieux » … Si au moins elle ne chantait pas… ! Elle demande :
-Ford quoi ? Ford meuss… ting ?
-Ford Mustang, répond Gisèle en baissant le volume, c’est une marque de voiture. Comme, euh… Renault, Mercedes ou Cadillac. C’était une bagnole un peu classe à l’époque.
« A l’époque… »
Merde ! Je m’étais juré de ne jamais employer des mots comme ça devant les filles, songe-t-elle. Et puis d’abord je n’étais même pas encore née quand cette chanson est sortie. Faudra quand-même que je vérifie sur Google, mais ça m’étonnerait.
La musique défile comme se débobinent les kilomètres, au son d’une playlist erratique, qui va de The Clash à Soprano. Chacune semble perdue dans ses pensées, avec ce mélange d’impatience et de résignation qui alimente les trajets vers une destination de vacances. Il faudra sans doute encore cent ou deux cents kilomètres avant d’entendre résonner la question fatidique « C’est encore loin ? » A ce moment-là, il devrait rester une grosse heure de route avant d’arriver à bon port. De l’ordre du gérable pour Gisèle, avec son ado lunatique et sa gamine lunaire.
Soudain, la voix du GPS résonne dans l’habitacle :
« Faites demi-tour avec prudence. »
Gisèle tempête :
-Hein?! Mais quoi, j’ai pas loupé d’indication ! Avec quoi tu viens, espèce de débile ?
-Maman! C’est un ordi, une machine. Il t’entend pas… !
-Eh ben il devrait ! J’ai suivi toutes ses fichues…
-Non.
Le visage d’Emilie s’avance entre les deux sièges.
-Tout à l’heure, quand tu as dépassé le tracteur… Tu sais, celui qui tirait une citerne. Le GPS t’a dit : tournez à droite.
-Mais enfin, Emy, s’exclame Gisèle, t’attendais quoi pour le dire ?!
Emilie ne répond pas. Elle est du genre à ne pas se rendre compte tout de suite qu’une information de ce genre, ça peut s’avérer utile.
« Faites demi-tour avec prudence. »
-Oh mais ta g… Ferme-la, machin ! rouspète Gisèle.
-Oui, ben si tu l’avais écouté un peu mieux, t’aurais pas besoin de l’engueuler ! grogne Arielle.
-Tu m’excuseras, mais moi, j’en ai marre de me laisser guider par des espèces de robots. Bonjour le contrôle, en plus. On peut te localiser n’importe comment aujourd’hui. C’est quoi, cette société de caméras de surveillance, de puces et de flicage, merde ?!
Et voilà, se dit Gisèle, le pompon : la bonne grosse tirade qui va me faire passer pour une vieille conne… ! Autant leur demander de lire l’heure sur une horloge à balancier plutôt que sur l’écran de leur smartphone…
Un peu plus loin, le petit parking d’une supérette permet le demi-tour espéré. La manœuvre n’a rien de titanesque, n’empêche : au lieu d’opérer, Gisèle se gare.
-Allez les filles, cinq minutes de pause, on l’a pas volé !
La voix d’Emilie s’élève : « C’est encore loin ? »
Sa mère sourit en coin en ouvrant la portière :
-Non, plus tellement… De toute façon, ça peut vous sembler un detail, mais je me suis souvenue que j’avais oublié de prendre du dentifrice en partant. Je vais en profiter pour aller en acheter ici. A l’heure à laquelle on va arriver à M***, on risque de ne plus rien trouver d’ouvert.
Au moment de repartir, le GPS reprend docilement son guidage. Les filles se sont acheté un paquet de BN et chacune une canette de soda. Gisèle s’en tient à la Cristalline. L’autoradio comble comme il peut la monotonie du voyage.
-Allez, plus que deux cents kilomètres, les louloutes : ça va passer comme une fleur !
A présent, c’est la voix d’Ysa Ferrer qui s’élève : « Mes rêves, mes rêves, mes rêves… Pour des réalités ! ».
Gisèle accompagne en montant dans les aigus. Arielle lève les yeux au ciel, puis finit par pouffer. Et à se joindre aux vocalises de sa mère. Depuis la banquette arrière, Emilie glisse parmi les envolées vocales :
-Maman… Tu te souviens tout à l’heure à la supérette ? Tu cherchais les clés de la voiture dans ton sac.
Gisèle réduit le volume en regardant sa fille dans le rétroviseur de l’habitacle.
-Euh… Oui, et alors?
Je crois que tu as déposé le dentifrice sur le toit de la voiture, pour avoir les mains libres. Mais, j’ai l’impression que tu ne l’as pas repris avant de démarrer…

De Jean-Claude

Il y a quelques années, j’ai eu le coup de foudre d’acheter une belle voiture, une magnifique Cadillac, d’un rouge écarlate qui semblait briller sous le soleil brûlant d’une journée d’été. J’étais assis au volant, sentant le cuir luxueux contre ma peau. J’effectuai fin août une balade en montagne. La voiture roulait lentement le long de la corniche qui menait au col le plus majestueux de la région. C’était le début d’une aventure titanesque pour cette voiture élégante, équipée d’un GPS dernier cri pour me faciliter le trajet.
Le thermomètre affichait des chiffres élevés, reflétant la chaleur écrasante qui pesait sur la route. L’horloge indiquait 15 heures, et la journée promettait d’être longue et remplie de surprises. J’étais tellement excité que j’avais installé un microphone dans la voiture pour commenter mon périple, comme si j’étais une star de cinéma dans un film d’action.
Alors que j’approchais à quelques 200 mètres du sommet, soudain, une ombre surgit de nulle part et se jeta violemment sur le capot de ma belle voiture. Je fus pris de panique en voyant un orang-outan se tenir là, assis dégustant une banane. Mon premier réflexe, tiens donc, un animal échappé du zoo des environs !
Mon cœur battait à tout rompre alors que je tentais de comprendre ce qui se passait.
Heureusement, j’avais équipé la voiture d’une caméra de surveillance qui filmait en permanence le trajet de la route avec les virages. Dans le but de faire voir l’épopée dès mon retour à ma famille. Pour cet événement incroyable, j’avais une preuve formelle que cette vidéo serait essentielle pour étayer mon récit à la police. Pendant que je cherchai sur le dépliant local de cette région pour trouver le plus proche poste de gendarmerie pour signaler l’incident, « sans chocs matériels, et sans blessures ».
Je sortis mon téléphone et composai le numéro. Pendant que je parlais avec l’opérateur, la scène continuait à filmer l’orang-outan intrusif qui semblait aussi surpris que moi de cette rencontre inattendue. Au bout de trois minutes, le singe disparut, en me montrant ses dents et me fit un bras d’honneur, retournant probablement à sa vie sauvage.
A mon arrivée, les gendarmes étaient vraiment septiques concernant mon récit, mais ma vidéo fournit des preuves indéniables de l’incident. Ils prirent des échantillons de trois poils pour une analyse ultérieure. Soudain, au fond du couloir, un gendarme arriva avec une photo…vous pouvez reconnaître cet animal assis sur une grande citerne contenant des bananes !
Ma fois oui, ça ressemble à l’Orang-outan qui s’est jeté sur ma voiture…mais ce n’est pas une banane qu’il mange ! c’est quoi ! …
C’est un tube de dentifrice.
Une fois les formalités terminées, je pus enfin reprendre ma route vers le sommet du col. J’étais toujours un peu secoué par cette rencontre inhabituelle, mais je savais que j’aurais une histoire incroyable à raconter à mes amis et ma famille. Ma belle voiture de luxe, malgré les épreuves, continua à gravir la corniche avec grâce et élégance, et finalement, nous atteignîmes le sommet.
Là-haut, la vue était à couper le souffle. Le ciel était d’un bleu profond, et les montagnes s’étendaient à perte de vue. Je me sentais comme le héros d’un film d’aventure, surmontant les obstacles pour atteindre mon objectif. J’ai pris un moment pour contempler la beauté qui m’entourait, reconnaissant que parfois, même les aventures les plus folles peuvent nous conduire à des moments de pure magie.
Alors que je continuais mon voyage, je savais que cette journée resterait gravée dans ma mémoire à tout jamais. Ma magnifique voiture rouge avait survécu à une rencontre inattendue avec un singe tout velu, et moi. J’avais vécu une aventure inoubliable sur la corniche menant au col.
C’était une journée où la réalité avait dépassé la fiction, et où une simple balade en voiture s’était transformée en une aventure extraordinaire.

De Khadija

Depuis quelques jours des cris lointains et stridents envahissaient les nuits calmes de la ville de Cape Martin.
Malgré ces bruits et rumeurs qui semaient plutôt de l’inquiétude, les touristes enchantés par les nuits estivales, restaient souriants, insouciants et gambadaient tout au long des ruelles illuminées par des lampadaires.
Tout au long des ruelles et boulevards, une majestueuse braderie s’était installée. Les touristes étaient attirés par les différents objets originaux qu’exposaient les vendeurs. Cependant, sur le marché, il se passait quelque chose de particulièrement insolite… Sur les tables des marchands, on y trouvait particulièrement des petites figurines représentant des singes et gorilles ; des passants s’arrêtaient de temps en temps, admiratifs face à un vieillard … les vêtements pleins de peinture en train d’esquisser sur une grande toile un dessin d’un babouin, assis entouré de ses petits. On y trouvait aussi des portes clés, des assiettes, des tee-shirts, des bouquets de ballons hélium multicolores sur lesquels étaient dessinés des portraits de singes, gorilles, et des macaques. Bizarrement, un nuage lourd imprimé d’odeur d’animal et de la jungle s’était installé sur la place.
Plus les jours passaient et plus les cris s’amplifiaient. Jusqu’au jour où les orangs outangs se manifestèrent sous les yeux ahuris des habitants. À présent, les mammifères occupaient toutes les rues de la ville.
Quelques jours auparavant, les habitants avaient pris la précaution de ne pas trop laisser leurs enfants s’amuser dehors, et de restreindre au maximum leurs sorties. Les journalistes en manque d’exploits ne tardèrent pas à installer leurs armatures d’appareils photos, caméras et micros.
L’aube pointa, Georges, le gérant du restaurant « La belle Vue », venait de vivre une nuit particulièrement stressante, et aspirait à se reposer au plus vite. Arrivé à destination, il ouvrit le portail de sa villa et quel ne fut pas sa surprise lorsque qu’il découvrit une multitude de ces bestioles envahirent sa résidence. Il y en avait de partout … Une dizaine de ces mammifères étaient sur les toitures, sautillant et saccageant tuiles, et ardoises.
Sur le parking de sa villa, les petits des primates, entassées les uns sur les autres dans une Cadillac, étaient en train de tripoter avec curiosité son GPS. Dans son grand jardin, on apercevait d’autres qui s’étaient emparés d’un microphone suspendu au centre d’une magnifique petite véranda fleurie. Leurs cris amplifiés emplissaient les lieux d’un vacarme assourdissant, énorme et semaient ainsi la terreur dans les cœurs des résidents.
Georges, l’air hébété était au bord des larmes, il s’introduisit dans sa maison. Sur le seuil de son foyer, il faillit déraper, lorsqu’il aperçut de la pâte à dentifrice, du shampoing et de l’eau partout, dans les couloirs, et les chambres.
La buée et la mousse compacte et dense touchaient les plafonds de la douche, à tel point que l’on pouvait à peine apercevoir ces mammifères qui s’amusaient à frotter les murs et à se masser mutuellement le dos.
À bout de souffle, Georges s’enferma dans son bureau et fit appel aux secours. Il contemplait le spectacle par la vidéo surveillance ; il avait du mal à réaliser qu’il s’agissait bien de la réalité et pas d’un rêve.
L’horloge de sa résidence sonna midi. Georges hors de lui vociféra :
-Je n’en peux plus je suis à présent à bout de force ! Je transpire de fatigue ! Je transpire la haine et le dégoût pour ces bêtes !
Il décida de contacter les autorités.
-Bonjour Monsieur ! Ça fait un moment que je vous contacte, et j’ai toujours pas reçu de secours !
-Monsieur, vous devez sans doute savoir que vous n’êtes pas le seul habitant à nous contacter et à être envahi par ces bêtes. Nous menons actuellement une opération de ratissage avec la participation concomitante des services spéciaux de la brigade. Ça va sans dire qu’il s’agit pour nous d’une mission titanesque, du jamais vu dans l’histoire de notre ville. Notre fonction est de permettre à ces bêtes de quitter la ville sans trop les stresser. Nous utilisons pour ceci des citernes d’eau en leur lançant des jets, afin de les éloigner et les repousser vers un parc zoologique plus sécure.
-Et combien de temps faudra-t-il attendre pour venir à bout de cette affaire ?
-Prenez votre mal en patience, Monsieur, car notre opération ne prendra fin que dans les soixante-dix heures à venir. Je vous préviens Monsieur, il ne faut surtout pas les craindre, ce sont des créatures inoffensives.

De Christine

On se fait parfois des amis au moment où l’on s’y attend le moins.
Cet été, au cours d’une randonnée autour du lac de Zurich, nous avons rencontré mon mari et moi, un couple de trentenaires originaires de Cadillac en Gironde. Ils s’étaient perdus en suivant aveuglément les indications de leur GPS et avaient engagé leur camping-car dans un chemin de terre sans issue au milieu des bois. Et cerise sur le gâteau, les deux pneus avant avaient éclaté sur du fil de fer barbelé.
Nous arrivâmes au moment où ils étaient en train de se disputer comme des putois, rejetant la faute de leur mésaventure l’un sur l’autre. Nous approchâmes pour voir ce qu’il se passait, ce qui eut pour effet de les calmer un peu. Le jeune homme, un grand blond baraqué, nous dévisagea sans un mot, l’air buté, tandis que la fille un peu plus avenante nous dit bonjour dans un sourire.
Nous leur proposâmes de l’aide pour réparer, mais ils n’avaient qu’une seule roue de secours comme c’est toujours le cas, et notre voiture était encore à deux kilomètres de là.
Mon mari proposa au jeune homme, Julien, de faire le chemin ensemble pour retrouver notre voiture et un garage pour réparer la roue. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les deux hommes mirent sur cale le véhicule. Pendant ce temps, la jeune fille, Lila, disposa les chaises et la table de camping à l’ombre d’un grand chêne.
– Installez-vous, me dit-elle, je vais chercher de quoi nous rafraîchir. Julien prend une bouteille d’eau pour la route.
Une fois les hommes partis en roulant une des roues devant eux, nous dégustâmes un verre de jus de pommes bien frais. Il faisait bon à l’ombre au milieu des forêts de sapins et des chants de merle. La vue en surplomb sur le lac avec les Alpes autrichiennes en fond de scène était splendide. Le vent poussait des vaguelettes d’écume blanche comme des petits moutons.
– Je vais préparer un pique-nique. Quand les hommes reviendront, ils seront affamés. Je n’ai plus grand chose dans le frigo, ce sera à la fortune du pot, décida Lila.
– On peut préparer une salade de fruits, j’ai des pommes et des bananes dans mon sac à dos. Et un petit paquet de biscuits. C’est Versailles !!
Tout en préparant une salade de pommes de terre et en épluchant les fruits dans la petite cuisine, nous discutâmes de nos vies respectives. Lila était professeur des écoles à Cadillac et Julien informaticien. Ils avaient décidé de visiter les lacs suisses cet été, en commençant par la partie italienne : lac Majeur (mon préféré), Lugano puis en remontant vers la suisse allemande : Zurich, Lucerne, Zoug. Leur objectif était de rejoindre Bâle avant ce soir.
– Je pense que c’est compromis, dis-je, en jetant un œil à la petite horloge du tableau de bord. Vous auriez intérêt à rester sur place jusqu’à demain.
– Oui, surtout que la vue est magnifique. Vous avez déjà visité le zoo ? me demanda-t-elle en changeant carrément de sujet.
– Il y a une vingtaine d’années avec mes enfants. Je ne suis pas très fan de zoo. Voir des animaux en cage me fend le cœur : des lions qui font des allers-retours incessants ou des orang-outang qui vous fixent d’un air triste. J’en ai même vu un tirer la langue à une caméra de surveillance comme s’il savait qu’il était observé.
– Julien adore les zoos. Un de ses rêves serait de travailler auprès d’animaux.
– Il peut encore changer de voie. Il est jeune. S’il a un bon feeling avec les animaux, il y a plein d’autres façons de s’en occuper que dans un zoo.
– Le souci, c’est que nous retapons une vieille bicoque qui nous prend tout notre temps et notre argent. Le chantier est titanesque, il ne restait quasiment que les quatre murs. Nous avons déjà restauré la vieille citerne qui alimente la maison en eau de pluie. Un artisan est en train de réparer le toit. Nous devrions pouvoir commencer à l’habiter d’ici l’année prochaine. Alors les rêves de Julien devront attendre ! Comme les miens d’ailleurs.
– Vous pourriez installer un petit poulailler, avoir quelques moutons ou chèvres et un border collie. Et un ou deux chats bien sûr. Ça serait un beau début. Non ?
– Vous avez raison, c’est une riche idée.
– Et vous, Lila, quelles sont vos passions ?
– Moi, j’adore mon métier. Mais aussi voyager. Nous n’avons pas les moyens d’aller très loin pour le moment. D’où l’achat du camping-car. Nous y habitons à l’année et cela nous permet de faire des petites virées comme celle-ci.
– Vous habitez tout le temps dedans ? Ce n’est pas trop pesant à la longue.
– Si, mais c’est à ce prix que nous pouvons rénover. Je dois avouer que ce n’est pas toujours facile de manquer d’espace. Être obligés de se doucher dans les sanitaires du camping ou courir sous la pluie chercher le dentifrice oublié sur le lavabo. Mais c’est provisoire. Cela me fera des histoires à raconter à mes petits-enfants au coin du feu. Et puis, pendant les vacances scolaires, je suis monitrice de colonie, souvent dans les Pyrénées ou le Massif central. J’adore prendre le microphone du bus et commenter les paysages aux enfants.
Au bout de deux heures, nous vîmes revenir Julien et mon mari avec une roue toute neuve. Le temps de remonter les deux roues, il était déjà seize heures. Nous mangeâmes le pique-nique improvisé, puis il était temps pour nous de repartir.
– Bon Julien, plus question d’aller à Bâle ce soir, décréta Lila.
– Non, il faut déjà que nous sortions de ce guêpier.
– Allez-y, dit mon mari, je vais vous guider. J’ai repéré un chemin forestier à cinq cents mètres pour faire demi-tour.
Et c’est ainsi que nous rejoignîmes notre voiture, accompagnés par les deux jeunes Girondins.
Nous échangeâmes nos adresses en promettant de nous revoir l’an prochain quand leur maison serait habitable. Nous allons deux fois par an voir notre fils aîné à Bordeaux, nous ferons un petit crochet pour les saluer et admirer leur travail.
Et j’espère qu’ils viendront nous voir pour que nous leur fassions découvrir les montagnes du Jura et les vins de Bourgogne.

De Catherine G

La Cadillac à Riri

C’est qu’il se la pète, mon Riri, au volant de sa Cadillac des années 60 ! Le voilà devenu le roi de la frime, dans la voiture de ses rêves. Depuis le temps qu’il économisait sous après sous !
C’était un projet titanesque pour un petit peintre en bâtiment, car la paye n’était pas grosse et qu’il fallait avant tout faire bouillir la marmite. Quatre gosses à nourrir et à habiller, ce n’était pas facile tous les jours. Maintenant, tout le monde était casé et vivait sa vie. Il a attendu encore quelques années pour amasser le montant attendu par le vendeur, et aujourd’hui, c’est le grand jour : celui où il peut se pavaner au volant de son véhicule de collection encore rutilant, avec sa Mauricette à ses côtés.
Ah ! Il n’est pas peu fier, et arrogant avec ça, tel un orang-outan orgueilleusement porteur d’une nouvelle virilité. Il biche un peu, le Riri, son bras gauche reposant crânement sur la portière à la vitre baissée, à la James Dean, son héros de tous les temps. Lui manque juste la coiffure du sieur pour donner l’illusion, mais ses cheveux se font trop rares sur son crâne.
Il sait bien que ses enfants vont se moquer de lui : une voiture sans GPS n’est pas une voiture ! Et puis à l’heure de l’électrique, il n’est pas d’actualité d’avoir une voiture capable d’engloutir une citerne d’essence ! Il s’en fiche Riri, de tout ça ! Tout ce qui lui plaît, c’est que le moteur de sa Cadillac tourne comme une horloge et ronronne comme un tigre dès qu’il taquine la pédale d’accélérateur.
Pour l’heure, il s’est donné une mission : aller rôder près des entrepôts où on ami Lucien travaille comme veilleur de nuit. Il sait où se trouvent les caméras de surveillance et posera devant chacune d’elles, le sourire le plus large possible, comme dans les publicités pour dentifrice. Derrière ses écrans de contrôle, Lucien ne va pas en revenir, c’est certain. Riri espère bien le titiller jusqu’à la pointe de jalousie. Et Lucien ne manquera pas de l’interpeler via son microphone : « Putain, Riri, tu t’la pètes dans ta Cadillac ! Attends que j’aie fini le taf ! Tu n’y couperas pas de m’faire faire un tour ! ».
Et Riri rira de toutes ses belles dents avant de démarrer en trombe pour épater la Mauricette.

De Claude

AFFAIRE A SUIVRE

Le bureau du commissaire Marleau est encombré de toutes sortes de documents, des procès-verbaux pour la plupart, et de rapports de ses subordonnés. Au point qu’il n’y a pas la moindre place pour y déposer sa canette de bière et encore moins le sandwich jambon beurre qu’il grignote nerveusement tout en examinant des photos et en répondant au téléphone. L’affaire qui l’occupe actuellement, c’est ce terrible accident sur l’autoroute A7, où une jeune femme a perdu la vie.
Il est vrai que la mort d’Aude Wessel, une jeune infirmière, a profondément ému la population et c’est à lui, le fin limier, qu’on a confié l’enquête. Il est tellement absorbé par cette affaire qu’il n’a plus une minute à lui : il se compare d’ailleurs à un dentifrice. Toujours sur les dents.
Le conducteur responsable de cette collision, Marc Hassin, est en salle d’interrogatoire. Rien de séduisant chez lui : un physique ingrat, un nez camus, des oreilles en feuille de chou et pour compléter le portrait, un regard fourbe qui vous met mal à l’aise. Il a une barbe de trois jours et sa démarche pataude et nonchalante n’est pas sans rappeler celle d’un orang-outan, (un vrai primate !). Inutile de dire qu’il a un casier long comme le bras. Il nie catégoriquement les faits qui lui sont reprochés. Non, jamais au grand jamais, il ne s’est drogué ; il roulait à 110 km/h et cet accident ne serait, selon lui, qu’une collision malheureuse, due au brouillard épais et à la chaussée glissante.
« La police se gourre ! »., répète-t-il avec conviction.
Pourtant, les analyses de sang révèlent un taux d’alcoolémie anormalement élevé, une prise de cocaïne quelques heures avant l’accident et surtout, on sait (vérification faite auprès de Météo France) qu’il n’y avait pas le moindre brouillard ce matin-là. Stupéfiant tout de même qu’il persiste à nier les faits alors que tout l’accuse !
Mais que trouvent les enquêteurs en fouillant sa Cadillac blanche dont le capot est passablement abîmé ? Deux sacs bourrés de billets de banque et, dans une valise, quelques lingots, trouvés sûrement dans des coffres personnels : c’est en général là que l’or loge (sans hache ?). Le butin d’un braquage ? Il commence par feindre la surprise puis, au bout de deux heures d’un interrogatoire tendu, finit par craquer : il avoue que c’est une voiture volée et qu’elle a servi à un braquage. D’ailleurs, c’est grâce à elle et à sa robustesse qu’il ne s’en sort qu’avec des égratignures.
Aude Wessel, dont il a embouti la Twingo, n’a pas eu cette chance.
Conscient que ses arguments sont dérisoires et peu convaincants, il refuse de parler et demande la présence de son avocat. Il sait que si son avocat n’est pas cru, c’est lui qui sera cuit ! Mais il est confiant : son « baveux » l’a déjà maintes fois tiré d’affaire.
C’est alors qu’un inspecteur glisse deux documents fort intéressants sur le bureau du commissaire : les caméras de surveillance ont filmé l’entrée dans la banque et la sortie précipitée de notre malfrat, mais ce dernier a également été flashé sur l’autoroute à plus de 180 km/heure !!!
Le commissaire ne rencontre aucune difficulté pour obtenir une commission rogatoire du juge d’instruction. Et une perquisition est menée tambour battant au domicile de Marc Hassin. Une véritable caverne d’Ali Baba ! L’appartement est un capharnaüm : dans le salon, des montres de valeur et des bijoux côtoient des colliers, des bracelets, des bagues, des diamants, (de l’or en jade ?). On se serait cru dans une bijouterie !
Dans la cuisine, quelques bouteilles de vodka à peine entamées jonchent le sol tandis qu’un reste de hachis (plutôt haschisch !) Parmentier moisit sur la table. Mais les enquêteurs ne sont pas au bout de leurs surprises. Lorsqu’ils pénètrent dans la chambre à coucher, ils n’en croient pas leurs yeux. Les murs sont tapissés de photos d’Aude Wessel, la victime : les attitudes sur les photos ne laissent aucune place au doute. Marc avait une liaison avec cette belle blonde dont malheureusement, la mise en bière est imminente. Lui qui disait ne pas la connaître ! On se demande d’ailleurs comment un homme aussi insignifiant, si terne (pourquoi pas en deux maux ?) a bien pu séduire une femme aussi jolie qu’Aude, son héroïne probablement. Liqueur a ses raisons que la raison ne connaît point…Ce qui est sûr, c’est que lui n’ira pas à la prison des beaux mecs.
Se sentant acculé, Il cherche à négocier. Il veut bien reconnaître le braquage et en donner tous les détails. Il irait jusqu’à livrer son complice (une balance, cette ordure, une bascule même !), mais uniquement si on ferme les yeux sur le fait qu’il connaissait la conductrice de la Twingo. Il a vite compris que si ce banal accident de la route était requalifié en meurtre avec préméditation, il serait assuré de bénéficier de trois repas gratuits chaque jour… pendant de très longues années. Il fulmine. Tout ça, à cause de cette blondasse, pense-t-il, et il se dit que la différence entre une blonde et la prison, c’est qu’en prison, on peut trouver des cellules grises.
Le commissaire est furieux : il manque de renverser sa canette de bière sur son bureau et réplique fermement : « même pas en rêve » ! D’autant que l’analyse du GPS de la Cadillac montre qu’il est bien passé chez sa « victime » la veille de l’accident. La discussion avait dû être houleuse. Voulait-elle le quitter ?
Marc Hasin fait des efforts titanesques pour résister à la pression qu’on lui fait subir, mais il ne fait que s’enfermer dans ses mensonges.
Lorsque Marleau sort de l’hôtel de police, une forêt de microphones se tendent vers lui : les journalistes, pressés d’obtenir un heureux scoop, essaient de lui arracher quelques infos sur cet accident tragique, mais il préfère réserver ses conclusions au préfet, qui le harcèle d’incessants coups de fil pour savoir où en est l’enquête. Il se contente d’un classique : « Vous en saurez plus demain ! ».

De Pierre

L’histoire de Max

Bien que l’histoire qui suit soit une fiction, elle s’inspire de faits vécus et nous incite à apporter un regard différent sur notre relation avec le monde animal.
Devant quitter la Malaisie après un séjour professionnel de deux années dans ce pays magnifique, je ne fus pas seul pour faire le voyage de retour. J’avais avec moi un très jeune ami qui s’appelait Max. Il m’avait été offert à l’occasion de mon départ ; Max, c’était son nom, est un jeune Orang-Outang ; son pelage roux était très beau et ses yeux expressifs. Il m’a fallu accomplir moult formalités afin de pouvoir l’emmener en Europe. Ne pouvant voyager en cabine, Max, comme les autres animaux, voyagea dans la soute de l’appareil.
Max, encore un bébé, pesait déjà une dizaine de kilos ; il était doté d’une capacité intellectuelle hors norme comme cela fut confirmé par les scientifiques du centre d’accueil animalier où il fut recueilli après la mort de sa mère, tuée par des braconniers.
Résidant en appartement et me déplaçant régulièrement pour mon travail, je ne pouvais évidemment héberger Max chez moi. J’ai pu lui trouver un lieu d’accueil à la campagne, dans le Loiret où il serait suivi et nourri pas des amis vétérinaires ayant vécu longtemps en Afrique. Le domaine en question était doté d’un vaste jardin avec des grands arbres ; c’était donc l’endroit idéal pour le jeune Max.
Toutes les deux semaines, je rendais visite à Max, heureux de me retrouver. Je lui apprenais à utiliser les outils modernes du fait de ses aptitudes intellectuelles. En voiture, lorsque nous étions ensemble, Max savait manipuler le GPS de bord et par des petits cris poussés me prévenait de la présence de radars. Je lui avais également confié mon microphone et il adorait émettre des sons amplifiés par l’appareil. Enfin, chez mes amis, il pouvait régler l’horloge de la salle de séjour. C’était effectivement un animal hors du commun, doué de raison comme le Dauphin dans le roman de Robert Merle.
Afin de rester propre, je lui avais appris à se laver, en particulier les dents, grâce au tube de dentifrice que je lui avais donné. Plus tard, au fil du temps, à l’approche de l’âge adulte, Max semblait s’ennuyer et commençait à dépérir. Un soir, mes amis m’appelèrent catastrophés, Max avait disparu. Il fut retrouvé en pleine nuit, localisé par une caméra de surveillance, à cinq cents kilomètres de là dans un dépôt de carburants plein de citernes, en bordure de la ville de Cadillac- sur- Garonne, non loin de Bordeaux. On ne saura jamais comment il avait pu s’enfuir et pourquoi.
Max fut heureux et rassuré de retrouver mes amis mais la décision était prise, aussi, lors de mon déplacement chez mes amis vétos la semaine suivante, le plan de retour de Max en Malaisie put être élaboré. Agé de trois ans, pour son bien-être et son développement, il devenait urgent que Max puisse retrouver ses racines dans son milieu naturel. Je pris deux semaines de congés pour faire le voyage de retour avec lui.
Les adieux furent douloureux mais l’appel de la forêt plus fort. Au moment de se quitter, Max me fit un petit signe d’adieu et partit en courant rejoindre ses « pairs » pour une vie nouvelle. Je l’ai suivi un court instant des yeux, mais il disparut rapidement de mon champ de vision, englouti dans la profondeur de la forêt tropicale, son élément.
Quelques années plus tard me promenant avec mes enfants dans un parc animalier du centre de la France, je fus comblé de bonheur en retrouvant Max sommeillant au fond d’une cage, mais j’étais effaré de le savoir prisonnier. Soudainement Max s’éveilla, me reconnut en poussant des cris de joie mais aussi en me faisant comprendre qu’il voulait fuir cette prison. Je lui promis donc de tout faire pour sa liberté. Avec l’aide d’une équipe de bénévoles d’une association de défense des animaux, nous pénétrâmes en pleine nuit dans le parc afin de libérer Max. La suite se déroula le mieux du monde. Max, pris en charge par cette association, put repartir dans sa forêt de Malaisie.
Ainsi s’acheva le périple de Max au pays des Humains….
Ma mère me secoue :
-Paul, réveille-toi vite, tu as trop dormi et il y a eu un orage titanesque cette nuit et des dégâts sérieux causés par la grêle !
-Oui, je me lève, mais j’étais bien dans mon rêve, un rêve magnifique où j’ai pu faire un beau voyage ; j’aimerais le refaire, pouvoir m’échapper de mon quotidien terne.
-Arrête Paul, on en parle plus tard ; tu as un rendez-vous avec ton conseiller du Pôle Emploi, c’est important pour ton avenir professionnel.
Paul se leva, déjeuna et partit vaquer à ses occupations du jour en pensant à son rêve, ce rêve magnifique qu’il espérait revivre, un jour…

De Marie-Josée

La métamorphose

Le bus scolaire s’arrêta devant la place du village lorsque l’horloge de l’église sonna 18 heures. Les jeunes chahutaient et se bousculaient un peu plus que d’habitude en descendant, excités par la perspective des vacances et des fêtes de fin d’année. Une Cadillac garée sous le tilleul attira tout de suite leur attention et ils formèrent un cercle autour. Des commentaires admiratifs fusèrent et Johanne en profita pour s’éclipser et rentrer chez elle. Elle observa le manège des selfies de la fenêtre et ne comprenait pas l’engouement que cette voiture suscitait. Son amie Isa, ayant remarqué son absence, lui envoya un texto illico :
« T’es passée où ? Tu as vu la Cadillac ? On se voit demain chez toi comme prévu, faut qu’on organise la soirée de Nouvel An. Bisous, bisous.»
Elle répondit avec un émoji et jeta son téléphone sur le lit. La place était déserte à présent. Les guirlandes qui ornaient le tilleul faisaient ressortir davantage le clinquant de la voiture que son père avait héritée d’un oncle, mais elle n’en avait cure, les belles américaines ne la faisaient pas flipper comme Isa.
Tout compte fait, les deux amies n’avaient pas grand-chose en commun, elles étaient même diamétralement opposées. Isa, grande et mince, rêvait de devenir un mannequin célèbre tandis que les rêves de Johanne se limitaient à avoir un corps normal et à ne plus être la cible des autres. Elle avait mis longtemps à accepter son apparence, petite, elle était rondelette, puis elle était devenue grosse et maintenant, elle était obèse. Elle cachait sa souffrance avec de l’humour et faisait semblant d’ignorer les piques que son entourage lui lançait régulièrement. Les soirées entre jeunes étaient sa hantise, au pire, les garçons se moquaient d’elle, au mieux, ils l’ignoraient et les filles la regardaient d’un œil compatissant, contentes de ne pas être comme elle.
Celle du réveillon s’annonçait être du même acabit, mais elle ne pouvait s’y soustraire sous peine de perdre sa seule amie.
Elles se retrouvèrent à l’heure prévue et Isa s’extasia à nouveau à propos de la Cadillac.
-Elle ne semble pas avoir bougé. J’aimerais bien savoir qui en est le propriétaire. C’est sûrement un beau jeune homme ! Je m’y verrais bien, en été, rouler au bord de la mer dans cette belle voiture avec le prince charmant.
-Arrête de divaguer, l’interrompit Johanne, c’est peut-être un vieux bonhomme ou peut-être une femme, va savoir. Elle se garda bien de lui dire que le propriétaire était son père.
-Dommage qu’il n’y ait pas de caméra de surveillance, on serait vite fixé, continua-t-elle, d’ici, tu vois tout ce qui se passe sur la place, tu finiras bien par le savoir.
-Tu sais, les princes charmants et les Cadillac, c’est pas pour moi, c’est le moins qu’on puisse dire soupira-t-elle.
-Tu as tort, moi, je connais quelqu’un à qui tu n’es pas indifférente, et je sais que c’est réciproque. Ne fais pas l’innocente, j’ai bien vu que tu flippes à chaque fois que tu croises Max.
Johanne rougit et changea de sujet :
-Alors cette soirée, on fait comme d’habitude ?
-Ah non, c’est le réveillon quand même ! Et si on se déguisait ?
-Ça ne va pas ! C’est Nouvel An et pas carnaval. D’ailleurs, en quoi je pourrais bien me déguiser? En orang-outang, peut-être ? On me traite déjà de baleine, alors je ne suis plus à ça près.
-Qu’est ce que tu peux être rabat-joie ! En-tout-cas, moi, je vais me déguiser soit en princesse, soit en fée. Qu’en penses-tu?
-Pourquoi pas en Barbie ? Dans tous les cas, tu seras superbe.
-Johanne, tu n’es pas obligée de te déguiser, tu es très bien comme tu es, de toute façon, tu seras toujours ma meilleure amie. J’ai invité toute la clique, Max a aussi confirmé qu’il viendrait, continua -t-elle en lui jetant un clin d’œil. Je suis trop contente d’avoir déniché ce chalet, au moins, on ne dérangera personne, j’espère qu’ils trouveront l’endroit, il est plutôt paumé.
-T’inquiète, tu leur donneras un plan et de toute façon, tout le monde a un GPS maintenant.

Les derniers détails réglés, elles passèrent le reste de l’après-midi à papoter, à regarder des spots de leurs influenceuses préférées qui testaient toutes sortes de produits, du dernier dentifrice miraculeux pour des dents plus blanches que blanches au mascara qui allongeait les cils à l’infini.
Il faisait déjà nuit quand Isa se décida à partir, mais elle changea d’avis en voyant qu’il pleuvait. Elle commença à se lamenter à propos de la météo, mais Johanne y coupa court en vantant les bienfaits de la pluie. Elle allait remplir la citerne du jardin et alimenterait les nappes phréatiques.
-Je préfère encore affronter la pluie, lui lança-t-elle, plutôt que de subir ton discours, j’avais oublié que tu avais la fibre écologique.
Sans attendre la réponse, elle releva son capuchon et partit en courant.
La soirée de Nouvel An s’annonçait bien, la pluie s’était transformée en neige et le chalet décoré de guirlandes était prêt pour la fête. Tout le monde s’était déguisé, et même Johanne avait fait un effort. Affublée d’un grand chapeau et enveloppée d’une cape, elle avait oublié ses complexes. La musique était à fond, tout le monde dansait et quand vint le moment des slows qu’elle redoutait tant, contre toute attente, Max l’invita. Son cœur battait la chamade, pour une fois, elle ne faisait pas tapisserie et elle commençait à croire aux miracles. La soirée battait son plein, cela faisait un moment qu’ils avaient trinqué à la nouvelle année et Johanne était sur un petit nuage. Les rires fusaient de toute part et quand elle passa devant le buffet, elle entendit Isa dire à quelques amis que Max était sur le point de gagner son pari, Johanne allait lui tomber dans les bras sans tarder. Les filles gloussaient et les garçons plaignaient ce pauvre Max qui allait devoir se taper une grosse.
La terre semblait se dérober sous ses pieds, elle s’appuya sur la table pour ne pas tomber et c’est seulement à ce moment qu’Isa se retourna et la vit. Johanne ne dit pas un mot, elle remplit une assiette de canapés, les engloutit d’un coup et sortit. Elle téléphona à ses parents, les suppliant de venir la chercher. Isa se confondit en excuses, mais Johanne n’y prêta aucune attention, elle était devenue hermétique. La voiture arriva enfin, elle s’y engouffra et éclata en sanglots. Elle n’avait plus qu’une seule envie, disparaître.
Johanne avait éteint son téléphone et refusait de voir qui que ce soit. Isa espérait qu’à la rentrée, elle se serait calmée et qu’elle pourrait rabibocher leur amitié, mais Johanne ne vint plus en cours et toutes ses tentatives pour la contacter restèrent vaines. Elle avait changé de lycée, déménagé et avait pris une décision, elle allait perdre 60 kilos. Elle savait que le défi qu’elle se lançait était titanesque, mais c’était une question de vie ou de mort. Elle consulta un nutritionniste, fit appel à un coach sportif, acheta un microphone, du matériel informatique et se lança sur les réseaux sociaux. Elle s’était fixée comme objectif de passer de « baleine » à « sirène » et publierait chaque semaine une vidéo pour témoigner de sa transformation.
Son initiative devint un franc succès, son témoignage et son courage avaient ému beaucoup de personnes et ses followers devinrent de plus en plus nombreux. Elle savait qu’Isa faisait partie de ses fans, elle l’avait repérée malgré son pseudonyme, mais n’avait jamais répondu à ses messages. Non seulement, elle avait atteint, et même dépassé son objectif, elle avait perdu 70 kilos, mais elle était aussi devenue une youtubeuse célèbre.
Rayonnante, sa conception du monde avait changé. Les Cadillac n’étaient pas que pour les princesses, et le soir du réveillon l’année d’après, elle présenta ses vœux à sa communauté au volant de la Cadillac que son père lui avait offerte pour célébrer sa métamorphose.

De Claudine

Nouvelle vie

190 km à l’heure, douze points sur mon permis, nuit noire, mais je vois comme un plein jour. Les essuie-glaces intermittents, totalement silencieux, balaient l’immense pare-brise au rythme d’un blues qui s’échappe des douze haut-parleurs de ma superbe Cadillac sport XRL. Je chante à tue-tête, je me trouve irrésistible ; on m’a d’ailleurs toujours dit que je l’étais. Jamais je n’en ai douté. Je suis beau et bien foutu comme d’autres sont laids et gros : point barre. Et croyez-moi, ce n’est pas toujours facile de vivre ça au quotidien, surtout quand en plus on est riche et intelligent. Mon sourire ravageur qui montre des dents d’un blanc éclatant, grâce à mon dentifrice « White » qui décoiffe en a fait tomber plus d’une.
Je roule vers cette demeure qui a occupé mes rêves et qui est désormais devenue une réalité. Nul besoin de GPS. En appuyant sur l’accélérateur, mes pensées vagabondent et se lancent à l’assaut de ma mémoire aussi rapidement que foncent les chevaux sous le capot de mon bolide.
Il s’en est passé des années depuis que gamin, dans une cité, dite sensible du neuf trois, coincé entre les hangars et les citernes des usines proches, je m’inventais une vie qui me ferait quitter cet univers terne et ennuyeux.
Un jour, j’ai décidé que je serais riche. Pour moi, cette évidence allait avec ce physique avantageux dont la nature m’avait doté. Ça m’était venu comme ça, comme une révélation. Un peu comme d’entrer en religion. Moi, j’entrerais en richesse. J’étais le contraire d’un homme pusillanime, j’avais le sens de la répartie et le culot de ceux qui croit en eux ; ces traits de mon caractère renforçaient mon incroyable séduction.
J’avais noté sur un coin de mon carnet d’école une phrase de l’un de mes prof’ ; je ne la comprenais pas bien à l’époque et pour moi ce monsieur Voltaire, c’était celui qui avait une station de métro à lui. Il disait « J’ai décidé d’être heureux car c’est bon pour la santé ».
J’avais dit cette phrase à ma mère, qui en avait souri. Elle sourit toujours ma mère lorsqu’elle ne comprend pas les choses. Ce qu’elle comprenait bien, quand elle était pauvre, c’est qu’elle devait trimer dur pour nourrir sa ribambelle. Elle se moquait souvent de moi lorsque je lui parlais de mes rêves. « Oui, rêve, ça ne coute rien et l’espoir fait vivre » qu’elle disait.
Ma grand-mère disait toujours : » le Maxime, il ira loin, il n’est pas comme les autres ». Elle m’adorait ma grand-mère et ne tarissait pas de compliments sur moi. Grâce à elle, j’étais toujours bien habillé. Elle disait aussi « un si beau garçon, il faut savoir le mettre en valeur ». J’étais d’accord avec elle.
Ma mère se taisait et ne souriait même pas ; à croire qu’elle avait quelque chose à cacher. Allez savoir.
Je continuais à rêver et à me voir dans une belle maison, avec une jolie femme. Normal lorsque l’on est riche et que l’on veut aller loin !
Le plus loin que j’allais à cette période, c’était au stade de foot. C’est bien connu, c’est en tapant dans un ballon que l’on devient riche. Et miracle, sur mon maillot, il y avait un un et un zéro. Si c’est-pas de la chance, je ne m’y connais pas, que je pensais.
Le dimanche avec des copains de lycée, des cultivés du centre qui habitaient des pavillons, nous allions voir les petits bolides qui tournaient sur le circuit Carole, pas très loin de chez nous. J’aimais bien le foot, mais là devant ces machines rutilantes, j’avais le cœur qui battait bien plus vite que la vitesse de ces engins. J’étais quasiment en transe en entendant le vrombissement assourdissant des moteurs, en respirant l’odeur du carburant, en regardant ces martiens monter dans leur coque au ras du sol.
Mon assiduité et mon intérêt pour le karting ont vite attiré l’attention de quelques mécanos. Je pouvais donc fouiner à mon aise dans les stands. Ce qui renforçait mon désir d’être un jour à la place de l’un des pilotes. Je n’ai jamais douté de moi et c’est dans ces moments-là, que l’on se dit que le physique ça compte. Etre beau gosse facilite les contacts, je m’en étais convaincu depuis tout petit. Il faut dire que j’avais des groupies et que je figurais toujours au premier plan des photos, pour faire bien me disait-on.
Le problème, c’est qu’à la maison, il n’y avait pas d’argent pour m’inscrire dans un club automobile. Pour taper le ballon, pas besoin d’être riche.
Ma mère s’intéressait à ma nouvelle passion et j’avais l’impression qu’elle connaissait le milieu de ce sport. Elle travaillait de nombreuses heures par jour, mais ce n’était pas suffisant pour mettre de l’argent de côté ; il faut dire qu’avec cinq bouches à nourrir, elle ne roulait pas sur l’or.
Le jour de mes quinze ans, elle m’a appelé dans la cuisine, elle avait des airs de conspiratrice. Je l’aimais, ma mère, qui avait dû être divinement belle. Ma grand-mère était là et sur son visage rayonnait la joie. Drôle quand même que je me suis dit, ça fait quatorze ans que chaque premier août elles me souhaitent mon anniversaire, sans chichi, souvent sans cadeau. Il avait quoi de particulier celui-ci ? Je l’ai vite su.
Ma mère avait une grosse somme d’argent à dépenser.
« Voilà, qu’elle m’a dit la voix émue, tu vas pouvoir aller t’inscrire au circuit Carole ».
J’en suis resté bouche bée, information colossale, titanesque, ma vie se jouait à cet instant.
Je suis parti en courant pour enfourcher ma mobylette. Pas un instant à perdre, au cas où il l’aurait déménagé ce lieu de mes rêves. J’ai laissé en plan les deux femmes de ma vie, sans ménagement. On est égoïste et un peu con à l’âge ado.
Chaque semaine, pendant deux heures, je tournais au rythme effréné des courses de kart’. Je me souviens encore de ces moments trop courts, mais qui ont marqué ma vie. Mon manager, comme ils disent, ressemblait à un orang-outan avec sa taille démesurée.
Ma mère avait changé, elle aimait me voir jovial et insistait très fort sur l’importance des études. Elle sortait beaucoup, était redevenue coquette. A la maison, la nourriture ne manquait plus. Nous étions perplexes, mais nous ne lui disions rien. C’était son affaire après tout ; chacun a ses soucis dans la vie.
Moi, c’était mon apprentissage qui m’occupait, celui mis en place par le lycée et celui sur le circuit. Ils se rejoignaient un peu car je préparais un BTS en mécanique. Je galérais, je faisais n’importe quoi, un vrai chien fou que j’étais à l’époque. J’avais la hargne et surtout cette très grande confiance en moi. Je soignais toujours autant ma façon de m’habiller, aidé par grand-mère. Il faut dire qu’avec les années, je devenais de plus en plus beau et avec ma silhouette de sportif, je faisais tourner pas mal de tête. Pour épater la galerie, je partais parfois de chez moi habillé dans cette combinaison qui m’avait tant fait saliver. De quoi attirer les filles de la cité. Que j’ignorais car elles avaient la tête aussi bien faite que celle de ma sœur ; c’est dire.
Le jour de mes 18 ans, j’ai côtoyé les étoiles ; celles qui éclataient dans ma tête et celles qui m’attendaient dans le paddock de l’écurie où je venais d’être recruté comme pilote à l’essai. L’apothéose, le graal, c’est comme cela qu’il appelait ma réussite, ce charmant monsieur qui raccompagnait ma mère depuis quelque temps ; il avait lui aussi de beaux yeux bleus, comme moi, et un sourire à faire fissurer un mur en béton. Comme le mien. C’est marrant ça !
Tout à mon bonheur, je ne m’occupais plus de grand-chose ; quitter ma cité de zonards pour atterrir dans le baquet d’une formule un, il y a de quoi rendre prétentieux plus d’un. Moi, j’étais ambitieux, nuance.
Avoir l’immense chance de tenir le volant d’un bolide écarlate sur lequel figure un cheval cabré, même à l’essai, c’est le rêve transformé, c’est un autre rêve.
Je continue, tout en roulant à tombeau ouvert, à revoir mon parcours, dont je suis très fier.
Cinq ans que mes espoirs ont pris forme ; je caracole souvent en tête du classement. J’ai toujours eu la certitude de monter un jour sur la plus haute marche du podium.
Ce jour est enfin arrivé.
Ma belle gueule fait la joie de la rubrique sportive des journaux. J’y suis habitué depuis des années. Mais après avoir lu si souvent « l’espoir français de formule 1 «, aujourd’hui, j’emporte avec moi ce titre : « Une étoile est née ».
J’arrive devant ma belle demeure, nul besoin de parler dans le microphone, la caméra de surveillance reconnait ma voiture offerte pour ma première victoire. A moi, les plus hautes marches.

De Nicole

Antoine de Lamothe-Cadillac est le descendant de son homonyme gascon, fondateur de la ville de Detroit USA.
Les Cadillac fabriquées par General Motors portent ce nom en hommage à son illustre aïeul.
Un voyage dans le pays de son ancêtre fut organisé de main de maître.
Il partit avec sa Cadillac sur un paquebot à destination de Marseille.
De là, il rejoignit Cadillac-sur-Garonne à l’aide de son GPS.
Microphone incorporé dans son IPhone afin de traiter ses affaires, bizness is bizness.
Il prit pension dans une auberge de charme, une grande chambre, des poutres apparentes, meublée avec goût.
Une salle de bain avec douche italienne, des produits de soin parfumés, savon, dentifrice, matériel de rasage, des essuies d’une grande douceur.
Un travail titanesque l’amenait, un rêve éveillé : remettre en état les vignes de son aïeul et restaurer le château.
Le vin de cette région est très prisé en Amérique.
Il se renseigna à la Maison des Vins, écomusée de la vigne et du vin.
Le bâtiment muni de caméras de surveillance afin de déjouer vols et dégradations.
L’accueil était agréable, une horloge dans le hall tictaquait l’heure du rendez-vous.
Une conversation sérieuse et enrichissante, ses demandes de réhabilitation des vignes et du château plaisaient.
Un notaire fut désigné.
Les travaux commencèrent au plus vite.
Cinq ans plus tard, Antoine sortait sa première cuvée de Côtes de Bordeaux bio.
Il l’avait baptisée « Pongo » en l’honneur de l’orang outan, son animal fétiche.
Installé sur place, il apprécie la vie dans cette petite ville, belle, vivante, au passé bien présent.
Un retour aux sources de Bacchus…

D’Aline

Vous savez, moi, j’aime bien ma chambre.
Dans la maison, elle est tout à côté de celle de mes parents. Je m’y sens bien et en sécurité. Alors, la nuit je n’ai jamais peur, je ne fais jamais de cauchemar. Je sais que mes parents m’adorent parce qu’ils ont bien voulu me laisser choisir le papier peint : bleu comme le ciel avec des nuages blancs tout légers. J’ai un grand lit. Souvent, je m’allonge dessus et je regarde le plafond où papa et maman ont collé un ciel étoilé qui brille dans la nuit, quand j’éteins la lumière. Ils l’ont acheté chez Nature et Découverte. Dès que je l’ai vu dans le magasin, j’ai demandé que ce soit mon cadeau d’anniversaire.
J’étais fou de joie le jour où ils l’ont accroché au-dessus de mon lit.
Pendant des heures dans ma chambre, j’imagine des histoires, je fais des rêves d’aventure.
Mes parents me laissent tranquille ; ils aiment quand je suis sage.
Tous les soirs pendant le dîner, chacun raconte un petit moment de sa journée qui l’a fait rire ou lui a fait plaisir. Un soir pas comme les autres, j’ai vu que mes parents faisaient une drôle de tête. Ils parlaient ensemble de choses graves. Je ne comprenais pas tout, mais à moment donné, maman a dit à papa :
-Mais enfin Paul, il faut toujours viser la lune et si on la rate, on arrivera dans les étoiles !
Cette phrase m’a empêché de dormir toute la nuit.
J’ai décidé que la nuit prochaine, je ferais l’expérience pendant que mes parents dormiraient.
Mon problème le plus difficile à résoudre, était les petits appareils que mes parents avaient placés dans ma chambre. Depuis que j’étais bébé, ils avaient mis un babyphone avec un microphone pour m’entendre si je pleure ou si je m’étouffe et aussi une caméra de surveillance intégrée. Même si je suis grand maintenant, je crois qu’ils ont fini par l’oublier ou alors ça les rassure, parce que mes parents, ils sont toujours inquiets.
On dirait que je suis en sucre ou en porcelaine et que je peux me casser à tout moment.
Donc, la nuit prochaine, je dois surtout penser à boucher le micro et la vidéo avec du dentifrice. Je sais aussi qu’avant de partir pour un grand voyage, il faut penser à prendre de l’eau dans une gourde ou une citerne d’eau en plastique, comme celle qu’on met dans son sac à dos pour aller en randonnée.
J’étais impatient que la journée passe et qu’arrive enfin la nuit.
J’avais décidé que lorsque l’horloge dans le couloir, sonnerait les douze coups de minuit, je partirais. C’était long !
Mes parents sont venus me faire un bisou. Ils m’ont dit comme tous les soirs « dors bien poussin ». Papa m’a caressé les cheveux et maman m’a fait pas seulement un bisou, mais plein plein de bisous, sans oublier de me dire dans l’oreille « je t’aime chaton. » Ce soir-là, comme par hasard, ils n’arrêtaient pas de m’embrasser pour me retarder, même s’ils ne pas pouvaient imaginer le tour que j’allais leur jouer cette nuit.
Ouf ! Ils passent dans la salle de bains se brosser les dents et puis c’est le silence dans la maison.
L’horloge sonne. Je compte pour vérifier qu’il est bien minuit. Tout doucement, je monte dans ma Cadillac rouge à pédales, je programme le GPS : destination Lune. Et je tourne, je tourne, je tourne dans ma chambre. De temps en temps je m’arrête pour boire un peu d’eau. Puis je repars. Je compte les tours 20, 30, 40 et tout à coup le GPS dit :
– vous êtes arrivé à destination.
J’étais heureux !
Quand tout à coup, apparaît devant ma Cadillac un orang-outan qui m’empêche de passer et brandit un panneau « sens interdit ».
Je lui crie :
-Laissez-moi passer, laissez-moi passer ! J’ai visé la lune et je veux aller sur la lune ! C’est ma mère qui l’a dit : il faut viser la lune !
L’orang-outan, menaçant, s’avance vers moi, me sort de la Cadillac. Il me fait tourner trois fois au bout de son bras titanesque et me lance violemment dans le ciel. J’étais bien dans les étoiles !
Mais tout à coup : boumbadaboum !
Un grand fracas dans ma chambre : ma voiture a foncé dans mon lit.
Je me suis endormi au volant.
Mes parents, affolés, se précipitent dans ma chambre ! Je vous ai bien dit qu’ils étaient anxieux.
-Mais qu’est-ce que tu fais mon doudou ? tu fais pas dodo ? » crie ma mère.
-Le babyphone ne marche plus ! Tu as encore oublié de changer les piles, Cécile ! » hurle mon père.
Maman demande si j’ai mal quelque part, Papa me prend doucement dans ses bras et me couche dans mon lit. Encore des bisous.
Finalement, je suis tellement bien, là, sous ma couette.
Je regarde les étoiles au plafond et je m’endors, ravi.

De Françoise B

Coup de téléphone
Allô… Allô…

Bonjour, c’est moi… ça va ?

Non, on est toujours à Cadillac-sur-Garonne. On rentre la semaine prochaine.
….
Pas très beau, non. On reste quand même, on a encore des choses à visiter.

Oh ! Le cimetière des Oubliés par exemple. C’est en rapport avec 14-18. Pas très gai, mais bon j’y tiens. C’est important. Je t’expliquerai…

Hier on est allé à la fête. Il y avait un orchestre plutôt pas mal. La sono hurlait comme il se doit et le chanteur s’égosillait dans son micro. ‘’ Microphone ‘’ comme tu dirais. On s’est régalés ! Et toi alors ?

Oui, moi aussi j’ai ma robe, je l’ai trouvée juste avant de partir.

Pas évident. Je reconnais que c’est un boulot titanesque. Ils ont eu raison de prendre, comme tu dis … une wedding planner…Pas beau ce nom. J’aime mieux organisatrice de mariage.
….
Tout compte fait, je crois qu’on se rendra directement à la mairie. Avec le GPS, ça ne devrait pas être très compliqué à trouver.

Ils vont faire quoi pour leur voyage de noces ?

Ça c’est beau ! ça fait partie des rêves de tous les jeunes mariés… En parlant de destination lointaine, l’autre jour j’ai vu un documentaire sur les orangs-outans. On voyait Bornéo, Sumatra. Magnifique !

Non pas les singes, les îles !

Oui, ça va. Il a du boulot en rentant. Ils doivent installer une nouvelle citerne dans la colline, c’est urgent.

Bien sûr que ça sert ! Pendant les incendies, les pompiers remplissent leur camion avec. Ça leur évite de retourner à la base, ils gagnent du temps.

Autrement, le maire ne cesse d’installer des caméras de surveillance partout ! Inouï ! Même devant le container à poubelles. Pour piéger les indélicats qui jettent n’importe quoi. Ma bonne, nous avons les poubelles les plus surveillées de France !… Et les maisons les plus cambriolées.

Oui, je sais. Ça n’a rien à voir, mais ça m’énerve.

Ok ! L’environnement d’abord ! Bon, je vais me laver la bouche avec du savon plutôt que du dentifrice pour me punir d’avoir dit de vilaines choses.

Dis-moi. Je vais te laisser, l’horloge vient de sonner l’heure de l’apéro. Je trinquerai en pensant à toi. A bientôt ma belle !

NB. Le cimetière des Oubliés est un lieu de sépulture situé sur la commune de Cadillac-sur-Garonne, lié à l’histoire de l’hôpital psychiatrique. Créé en 1923 pour accueillir les corps des soldats de la guerre de 1914-1918, qui avaient été internés, traumatisés par les combats et qui sont morts à Cadillac-sur-Garonne. Il est l’un des très rares témoignages d’un sujet méconnu de l’histoire de France : le statut de ces combattants abimés par la guerre, l’oubli de « ces gueules cassées », de ces « mutilés du cerveau ».

De Dominique

Le vol de la Cadillac.

Jour un, les faits :
Chris Carson, richissime Américain, se rend en France pour participer à une exposition de voitures de collection. Il séjourne chez son ami Français Claude Citerne. Sa « belle Américaine » attendant son heure de gloire au garage du domicile dans lequel il loge. Chris, ne voulant pas se faire remarquer, ne prend aucune précaution particulière pour la protéger et, au matin de sa première nuit en France, le véhicule disparaît.

Jour deux, l’affaire de la Cadillac :
Tom, le « pas encore célèbre » détective, se réveille de sa nuit très agitée. L’horloge près de son lit indique 9 h 30, il est en retard. Devant sa glace, il observe la tête bouffie que lui renvoie son miroir.
« Allons Tom, ce n’est pas le moment de se lamenter, on t’attend au bureau ».
Vite, il attrape la brosse à dents qu’il enduit, sans même s’en rendre compte, d’une crème apaisante contre les piqûres d’insectes. Il l’embouche et astique de quelques allers et retours son « garde-manger ».
« Pouah… C’est atroce, c’est quoi ce dentifrice horrible ? » Un haut-le-cœur terrible survient alors et, avec dégoût il crache l’infâme mixture. Écœuré, il se nettoie la bouche avec la lotion alcoolisée « soins gencives multifonctions ».
Le goût de la crème apaisante conjuguée avec la solution hydroalcoolique lui donne une haleine, disons, particulière. La barbe de trois jours, ça sera pour demain. « Tant pis pour le café, je m’en ferai un au bureau ».
Les clefs de sa voiture en poche, il consulte les messages de son portable. Dix messages en attente et plusieurs texto incendiaires lui rappellent son retard. Il ouvre la boîte vocale, c’est son boss qui lui explique qu’il travaille pour lui et qu’il a intérêt à se bouger les fesses. La fin de la phrase ne laisse aucune ambiguïté sur l’accueil qu’il va recevoir dès son arrivée.
Ça y est, Tom est dans la rue :
« Ma voiture où est-elle garée ? J’étais pourtant sûr de l’avoir stationnée sur le trottoir ! Ma nuit n’a pas dû être de tout repos, genre cauchemar plus que rêves romantiques ».
Son portable à la main, il appelle un taxi, on verra pour retrouver ma berline plus tard, puis il consulte le deuxième appel en absence.
« Tom, magne-toi les fesses, on est sur un gros coup, un richissime Américain vient de se faire voler sa Cadillac et il est prêt à offrir une grosse récompense pour la retrouver ».
« OK, je comprends mieux l’urgence et les appels du patron ».
Son taxi arrive :
« Ou dois-je vous emmener mon bon monsieur ? J’ai un bon G.P.S, donnez-moi la rue et le numéro, il se chargera du reste.
« Non ça ira, je vous indiquerai le chemin tout en roulant, le G.P.S c’est parfois indiscret ».

Jour trois, la disparition de la voiture ; l’enquête :
Après avoir consulté le dossier, le détective se rend chez la victime pour connaître les conditions du vol. Chris, encore sous le choc, raconte sa déconvenue cuisante.
« Nous sommes descendus tous les deux pour nous rendre au garage situé au sous-sol et, quand la porte s’est ouverte, c’est avec consternation que nous avons constaté que la Cadillac n’était plus à sa place.
-Bien entendu Monsieur Citerne, vous n’avez pas fait installer de caméra de surveillance ? »
– Non, car mon ami Chris n’a pas voulu prendre de précautions particulières, c’est ainsi que l’on finit par se faire remarquer, pensait-il !
Pierre, interpellant son fils resté à l’étage, lui demande de bien vouloir descendre le café.
-Christian, peux-tu nous ramener le café, ça nous fera du bien à tous ».
-Dites-moi, Monsieur Carson, à part sa valeur de collection, qu’elles étaient les caractéristiques spécifiques de votre véhicule.
– C’était une Cadillac d’exception, modèle « Eldorado 1956 », elle avait appartenu à une actrice célèbre qui avait fait graver son nom à divers endroits du véhicule ; sur le moteur et sur certaines pièces de la carrosserie. J’avais été son cascadeur et nous avions noué des relations d’amitié forte. Quand elle est décédée, elle m’a légué sa voiture à la condition expresse que j’adopte également son orang-outan. Je savais que cette bestiole allait me poser pas mal de problèmes, mais j’ai accepté l’héritage dans son intégralité.

Jour quatre, mise sur écoute des collectionneurs de voitures :
Tom vint à se dire que seul un collectionneur passionné pouvait connaître les détails que ce bijou mécanique recelait. Il lui sembla que la solution viendrait peut-être d’une écoute attentive des habitués des expositions d’autos américaines. Dès lors, le détective fit installer des microphones dans le hall où seraient exposés les véhicules de luxe.

Jour cinq, conversation à bâtons rompus :
Ce cinquième jour, l’enquêteur retrouva les protagonistes chez Claude.
-Dites-moi Monsieur Carson, pourquoi n’avez-vous pas confié cette affaire à la police ?
– Comme je vous l’ai dit, je voulais de la discrétion, je ne souhaitais pas attirer les médias et toutes leurs questions importunes, je suis ici incognito, cette exposition, j’ai voulu y participer essentiellement par amitié.
– Comment le ou les voleurs ont-ils pu faire démarrer le véhicule ?
– Les clefs de l’auto se trouvaient dans les poches de mon blouson accroché au portemanteau.
Tom, dubitatif s’interrogea ;
-Et personne n’a rien entendu, pas de bruit de moteur, pas de porte de garage qui s’ouvre ?
Claude, après quelques instants de réflexion, précisa ;
-Mon épouse Christine était à son foyer d’amies, Christian à son cours de mécanique, Chris et moi étions partis visiter la salle d’exposition et Catherine, notre employée de maison, était en congé pour la semaine.

Jour six, entretien individuel :
Le travail titanesque de l’écoute des collectionneurs n’ayant rien donné, pas un indice pas une indiscrétion n’ayant filtré, le limier joua sa dernière carte.
Il s’était forgé son intime conviction et, pour asseoir son jugement, il décida d’interroger les acteurs en rencontre individuelle.
Après avoir haussé le ton, il concluait l’entretien :
-J’ai vérifié chacun de vos alibis et, je sais que c’est vous le voleur, alors vous n’avez plus qu’une seule chose à faire ; restituer la belle Américaine en toute discrétion et je ne dirais rien à personne.
Bien sûr, chacun des suspects jurait ses grands Dieux qu’il n’avait rien à voir avec cette histoire et claquait la porte en sortant.
Jour sept, la voiture est retrouvée :
Le lendemain aux aurores, la voiture trônait sur le parking du commissariat du village. Elle était revenue avec sous le balai d’essuie-glace une feuille de papiers portant le nom et l’adresse du propriétaire.
Chris Carson était aux anges, l’essentiel était fait. La Cadillac allait briller de mille feux lors de la parade.
L’agence vit son compte en banque gonflé d’une jolie somme, que bien sûr on tiendra secrète.
Le jour de l’exposition, la vieille voiture de luxe brillait de mille feux. Son propriétaire, en arborant son plus beau sourire, posait pour les photographes.
La porte, côté conducteur était ouverte offrant ainsi son confort à la curiosité des visiteurs qui découvrait le luxe intérieur de l’auto.
Sur le tableau de bord, on pouvait lire le nom finement gravé de : « Rita Hayworth ».
Pendant ce temps, Tom s’interrogeait toujours sur l’endroit où était garée sa « caisse ».
Il l’avait arrêtée sur ce fichu trottoir, mais dans quelle rue ?
Je sais, je sais… Je vous entends bien derrière l’écran de votre ordinateur, le coupable c’était qui ? Alors, pour ne pas vous laisser sur votre faim, on m’a autorisé à vous donner une information capitale :
Son prénom commence par un C…

De Monique

Bizarre, vous avez dit Bizarre
Je m’étais aventurée sur un sentier à peine carrossable, à la fois pierreux et sableux. Il traversait une forêt de chênes lièges. Je ne savais pas où il me conduirait. Je n’avais pas activé mon GPS. Je n’avais pas de but précis. Et je m’en fichais royalement.
Je roulais, secouée par les soubresauts de mon vieux véhicule, mais cela m’apaisait. Quand j’aperçus un chemin sur ma droite, je n’avais pas hésité une seconde. J’avais senti comme un appel et c’est l’esprit serein que je me hasardai dans cette voie.
Je roulais ainsi pendant des kilomètres, je n’avais plus la conscience du temps et je m’en foutais. De toute façon, cette piste mènerait bien quelque part. Peut-être pas à Rome tout de même. Je souris à cette pensée. Et voilà que mon imagination, soudain, se fraya un chemin dans mon cerveau.
Peut-être vais-je trouver un hameau aux maisons délabrés ? Un hameau fantôme où une chercheuse férue de sciences occultes aurait fait installer une caméra de surveillance pour observer d’éventuels ectoplasmes. Rencontrer une sorcière, un de mes rêves les plus fous, ne me déplairait pas, bien au contraire. Comme dans les contes, elle serait affublée du fameux chapeau pointu assorti à une robe longue, violette si possible. Nous sympathiserions bien sûr. Elle me livrerait son secret de fabrication pour élaborer une pâte dentifrice qui soignerait les caries : quelques baies sauvages et vénéneuses qui associées à quelques poils d’orang-outan, me dispenserait à vie de mes visites chez le dentiste. En échange, je lui proposerais mon téléphone portable dernier cri équipé d’un puissant microphone. Elle le refuserait poliment mais accepterait ma belle écharpe bleue en cachemire. Lui offrir ce présent relèverait d’un effort titanesque. Mon défunt mari me l’avait offerte. Mais je céderais : que valait une écharpe même dotée d’une valeur affective au regard d’une vie sans souffrance dentaire, sans l’intervention de la maudite fraiseuse du dentiste ? La sorcière me remercierait d’un sourire mystérieux.
Mon imagination stoppa net quand j’aperçus à quelques mètres de moi un vieux panneau quelque peu rouillé qui indiquait « Cadillac ». Je n’étais pas perdue, ouf. Mon ventre émettait quelques gargouillis. J’allais pouvoir me mettre quelque chose sous la dent. J’espérais trouver une petite épicerie où je pourrais me ravitailler.
A l’entrée de Cadillac, quelle ne fut pas ma surprise quand j’entrevis quelques maisons éparses et surtout délabrées. Je m’enfonçais dans ce qui avait été peut-être autrefois un village ou un hameau habité, vivant. Les bâtisses étaient toutes en ruines. Le soleil qui avait accompagné mon trajet et mis du baume sur mon moral avait subitement disparu. Aucun signe de vie, un silence lugubre, glaçant. Soudain, je sursautais : une horloge sonna les douze coups de minuit. Et il était dix-sept heures !! Je ne sentais plus la faim, seulement la peur qui s’insinuait dans mon être, de façon sourde d’abord puis allait en s’amplifiant. J’essayais de me raisonner, je n’y arrivais pas. Mon instinct de survie me fit jeter un œil sur la jauge d’essence. J’étais sur la réserve !! Je pris mon téléphone ultra moderne. Evidemment aucun réseau, impossible d’activer un appel d’urgence. Je coupais le contact afin de pouvoir réfléchir lucidement. La peur me paralysait, me privant de toute réflexion. Il fallait que je sorte d’ici et vite. J’entendis des pas et je repris d’espoir. Peut-être un garde-chasse, un randonneur habitué des lieux ? Mais aucune manifestation humaine ne fit son apparition.
Je me mis à hurler et reposais ma tête sur le volant en pleurant…toute la fatigue de la semaine, les ennuis, avaient eu raison de moi. Il fallait que je me ressaisisse. Je relevais la tête. Elle était là, me souriant toujours énigmatiquement. La sorcière de mon imagination était assise sur le capot de ma voiture !!

D’Elie

Les vacances en campagne.

Nous sommes à l’orée des vacances de l’année 2002. Et deux mois seulement nous séparaient de ces moments très attendus de la plupart des élèves. Ces jours marchaient à reculons dans la plus grande lenteur à mes yeux. Pendant ce temps, plusieurs rêves fourmillaient dans ma mémoire. Je manquais parfois le sommeil. Que devais-je faire ? Il me fallait décider du lieu qui pourrait élargir en moi plus d’imagination, de gaieté, et des élans pour gravir les meilleurs escaliers de l’avenir. A l’issue de mes résolutions, je compris qu’il faudrait passer mes vacances à la campagne chez l’oncle Adrien. Les semaines se sont vite écoulées. Et les vacances tant attendues sont arrivées.
Un vendredi matin, mon père informa l’oncle Adrien qu’il me conduirait chez lui pour passer les vacances. L’amour étant en jeu, on n’avait pas besoin de trop négocier mon séjour pour les vacances. Les entretiens ont porté leurs fruits et mon voyage avec papa s’effectuerait dans une semaine.
Le jour de mon voyage, je me suis réveillé très tôt pour ranger mes tenues vestimentaires, et les cadeaux de ma mère aux enfants de mon oncle et à sa femme. Une fois les effets vestimentaires rangés, je me suis dirigé à la douche pour prendre le bain. Dans cet espace du quotidien, les murs étaient ornés de carreaux sur lesquels sont dessinées de belles images de fleurs d’hibiscus. Pendant ce temps, je saisis mon dentifrice pour me brosser les dents et prendre mon bain. Il sonnait sept heures à mon horloge quand Papa vint me chercher avec son véhicule de marque, une Cadillac. C’était un gros véhicule de luxe dont le système de l’appareillage trace l’itinéraire pour la destination et annonce les villages et les villes que nous devrons traverser. C’est le GPS, Système Global de positionnement, un outil de la géolocalisation. La Cadillac, ce véhicule de haute gamme, ne comportait pas seulement les outils précités mais il logeait une caméra de surveillance pour détecter les actions des brigands qui attenteront de le voler. Aussi, par son microphone sophistiqué, mon père nous égayait avec les musiques traditionnelles, riches en sagesses africaines. Ce véhicule m’a donné une impression titanesque car il avait la capacité de traverser les voies les plus sablonneuses et de galoper sans gêne au cours des voyages.
Au bout de cinq heures, nous voici à quelques kilomètres de la destination. L’odeur exquise des fruits d’ananas, de mangues activa en nous l’appétit. Les champs de manioc et de maïs s’étendaient par endroits de tous côtés.
Plus au loin, les arbres et les arbustes dodelinaient sous la puissance des vents de la matinée et ceux de la soirée qui soufflaient en ce moment. Je contemplais la beauté sereine de la nature quand un Orang-Outan, un grand singe fit apparition et tenta de nous créer des dommages. Le véhicule le tamponna à la hanche et il tomba à la renverse, poussant des cris de détresse. Il se releva et prit la fuite dans les broussailles.
Enfin, nous voici à la ferme de l’oncle Adrien. Les dix hameaux qu’il avait construits tenaient lieu d’habitation à la famille. Chacune de ses trois femmes avec les enfants vivaient dans leurs chambres. A notre arrivée, ses cinq grandes nous amenèrent de l’eau des citernes pour prendre le bain tandis que les épouses s’affairaient autour de la cuisine. La vie champêtre nous inspire à la paix et regorge de richesses.

D’Elie (proposition d’écriture N° 169)

Les activités champêtres de l’année ont pris fin et nous voici à l’orée de la saison sèche. Le soleil dardait ses rayons sur les végétations luxuriantes et les affluents du fleuve Zou. L’oncle Théodore trouvait le moment favorable pour les activités de la pêche aux eaux
douces du lac Zouvikpè. Le lac Zouvikpè est à trois kilomètres de notre maison. Nous y sommes arrivés, munis des nasses, des filets et des branchages qui seront disposés pour la pêche. Une fois arrivés au lac, l’oncle Théodore et moi étions montés dans la barque avec
tous les matériels de pêche. Nos pagaies servaient à ramer sur le long du lac qui donnait généreusement sa fraîcheur et qui nourrissait nos sens de toute la splendeur de l’eau. La végétation d’arbres qui longeait les abords du lac, et la population des herbes aquatiques qui
couvre par endroits, d’un côté, les eaux produisaient à nos yeux une beauté inédite. Le Créateur a su les habiller de sa magnificence. Pour arriver à l’essentiel de notre but, Théodore, en homme habitué, se servit de nos pagaies pour stabiliser la barque qui tanguait
au gré des mouvements ondulants de l’eau du lac. Les branches les plus longues de ces arbres se joignaient et s’enchevêtraient de manières à former des parasols dont les ombres redonnaient des bouffées d’oxygène à la vie. Et moi, j’aurais aimé passer une demi-heure de repos à nourrir mes cellules de dioxyde et les libérer de toutes formes de gaz nuisibles à la santé.
Par un geste d’expertise à la pêche, mon oncle commença par soulever les nasses et les filets espérant capturer quelques poissons pour le festin de la soirée. En trente minutes, notre barque comptait une quarantaine de poissons composés de carpes, de silures, d’anguilles d’eau douce, d’écrevisses, de barbeaux et de plies, etc. La pêche fructueuse qui nous était offerte inondait nos cœurs de joie et de reconnaissance.
Nous avons continué la rame sur l’eau pour atteindre une seconde étape de la moisson des poissons. A l’allure que donnaient les coups de nos rames, on aurait dit une voiture qui roulait à la vitesse de 10 kilomètres l’heure.
Tout d’un coup, un monstre animal était pris par le plus grand filet que mon oncle avait tendu avant hier. C’était un boa de dix mètres environ. Il frappa la barque de toute sa force et nous fit perdre la proue. Et le comble du drame, je perdis l’équilibre puis tombai dans le
lac avec Théodore. Visiblement, le boa s’empara de la barque en profitant de sa longueur, puis s’enroula autour d’elle et redressant la tête plusieurs fois à la quête des adversaires que nous étions. Mes entrailles m’ont lâché. Je tremblais de peur et suais sans cesse étant
dans l’eau. Mon cœur battait plus fort. Et plus accéléré. On dirait que mon pouls était à trois cents battements la minute. J’entendis Théodore me crier.
-Le serpent fonce sur toi et vient. Sors de l’eau et cours vers la terre ferme. Le danger était là. Que pouvais-je faire ?
Je réussis à sortir en criant au secours mais nous n’avons eu personne. Le monstre croyait atteindre la cible de ses adversaires quand il s’enroula solidement autour de notre barque. Théodore aperçut que le serpent ne bougeait plus. Nous en étions là quand Atokoué, le Chasseur, arriva en vitesse à notre secours. C’est un homme à la taille moyenne et costaud. Il était bien connu par les vertus qui le caractérisent devant tout homme qui a besoin de son
service. Il s’agit de son courage, de l’esprit humaniste et l’habileté à rendre un service. Très adroit à manier n’importe quelle arme.
Atokoué demanda :
-De quel côté se trouve le boa ? Je l’ai vu.
Le chasseur Atokoué avec délicatesse, envoya un coup détonateur de son fusil qui fendit la tête du monstre. Le sang jaillit à la surface de l’eau.
Et l’animal se débattait, se tortillait et arrachait les arbustes au moyen de son torse jusqu’à mourir. Il fut tiré et jeté sur la terre ferme. A présent, je pouvais sentir ma gorge se desserrer. Le courage me revint et je m’exclamai:
– Cette victoire sur le serpent venait de la providence divine. Il aurait abattu et avalé les enfants qui venaient faire la pêche en ligne certains jours fériés.

Avant de lire tous les textes reçus (eh oui, je les lis que le vendredi après-midi), je suis allée me détendre, pour une semaine de rentrée, c’est pas mal!

A côté de chez moi, nous avons un centre aquatique avec un espace détente et spa. Nous y sommes allés à vélo, mon conjoint et moi, nous détendre, laissant les différents jets bouillonnants nous masser différentes parties du corps. 

Puis, toute guillerette, je me suis rendue à l’espace beauté où un soin avec des massages de 90 minutes m’attendaient. C’est le cadeau d’un de mes fils pour mon anniversaire.

L’an passé, je n’ai pas eu d’anniversaire. Alors là, il s’est rattrapé. Je suis sortie du centre de beauté un peu éthérée, sur mon nuage. J’ai eu du mal à revenir à la réalité. 

Le vélo n’allait pas me ramener tout seul à la maison…Alors, ensuite, j’ai lu les 41 pages de vos textes avec une envie furieuse de faire la sieste.  Je n’ai pas vu le temps passer pendant la lecture.  Ma mission étant terminée pour cette semaine, je vais aller me coucher tôt.

Vous savez tout… ou presque!

Je vous souhaite une belle semaine créative.

Je vous donne rendez-vous samedi prochain pour de nouvelles aventures littéraires créatives.

Portez-vous bien et prenez soin de vous!

Créativement vôtre,

Laurence Smits, LA PLUME DE LAURENCE


Passionnée de lecture et d’écriture, de voyages et d’art, je partage mes conseils sur l’écriture. L'écriture est devenue ma passion: j'écris des livres pratiques et des romans.

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