Le fait divers, fascinante manne d’écriture, a inspiré les histoires les plus réalistes comme les plus folles, de tous temps. Le fait divers appartient, par essence, à la vie quotidienne. C’est un événement qui vient perturber le bon déroulement des choses. En ça, il ne peut qu’intéresser tous les passionnés d’écriture.
Depuis la parution plus développée des journaux, le fait divers tient une place importante, pour ne pas dire prépondérante, dans les médias. Le fait divers a toujours suscité la curiosité, même dans des cas tragiques.
Par définition, le fait divers est une information brève, et certains faits font la une des journaux de la presse écrite ou de la télévision par leur ampleur symbolique. Beaucoup de romans de sont inspirés de ces histoires vraies, qui parfois, dépassent l’imagination.
Le fait divers: c’est quoi?
Un fait divers est un article de presse qui rapporte, de manière assez brève, un événement réel. Il peut s’agir d’un récit d’événements variés, insolites, inattendus, souvent considérés comme peu importants. En fait, un fait divers n’appartient à aucune actualité. Il est forcément hors actualité. Il n’est ni politique, ni social, ni économique, ni culturel.
Pourtant, il occupe une place importante dans les journaux et magazines. Ces nouvelles ont, la plupart du temps, pour origine les accidents, les catastrophes naturelles, les curiosités de la nature, les actes héroïques, les crimes ou les suicides.
Le fait divers décrit ce qui semble sortir du quotidien, du commun des mortels, que ce soit par l’action elle-même ou par la spécificité des personnes impliquées. Il est le témoin d’une société à un moment donné de son évolution.
Le fait divers naît officiellement dans la presse en 1838. Le terme renvoie tout d’abord à une nouvelle inclassable, une nouvelle qui ne trouve sa place dans aucune des rubriques (international, politique, sport, spectacle) d’un journal.
Paradoxalement, cette actualité sans importance, de l’ordre du disparate ou de l’hétéroclite, en montrant quelque chose d’insolite, ou sans importance, qui attire la curiosité, devient une nouvelle indispensable, inévitable et fascinante dans la vie des gens qui la lisent.
Si le fait divers est inclassable, c’est aussi parce qu’il est une sorte de quantité négligeable et éphémère où l’on relate des événements intimes, non historiques, touchant des anonymes. C’est peut-être précisément dans l’anonymat de ses protagonistes que le fait divers puise sa force.
Le fait divers est ambivalent: il paraît sans danger, car nous ne nous sentons pas concernés en tant qu’individus; mais son caractère universel nous touche parfois par son extrême proximité.
Le contenu d’un fait divers
Le fait divers est par essence un texte de type narratif, puisqu’un événement de la vie courante y est raconté. Le but est de donner au lecteur l’illusion de participer à l’action. Généralement, les faits divers dans la presse sont souvent destinés à un public local. Ils n’intéressent que les lecteurs de la région concernée.
La forme du fait divers est toujours la même:
- un titre, plutôt accrocheur par sa taille de police de caractères et par son sens (mots bien choisis, expression, jeu de mots, phrase brève).
- un sous-titre, éventuellement, qui complète le titre en apportant quelques précisions supplémentaires et en incitant le lecteur à poursuivre sa lecture.
- un article répondant aux cinq questions ci-après (divisé ou non en paragraphes selon sa longueur, qui elle-même dépend de l’importance de l’événement).
- la signature de l’auteur.
L’article du fait divers reprend son déroulement chronologique:
- avant le fait lui-même
- le fait
- les conséquences de ce fait.
Le journaliste, pour rédiger son article, a l’obligation de répondre à un minimum de questions selon la loi de Lasswell:
- de qui s’agit-il?
- de quoi s’agit-il?
- quand cela s’est-il passé?
- où cela s’est-il passé?
- pourquoi cela s’est-il passé?
On peut éventuellement ajouter: comment cela s’est-il passé?
Toutes ces informations peuvent être complétées et illustrées par une photo ou un dessin bien choisis et légendés.
L’article du fait divers doit apporter au lecteur un ensemble d’informations cohérentes, vérifiées, intéressantes, et, si possible, complètes.
Le journaliste doit situer le fait divers dans le temps et dans l’espace. Il utilise, pour ce faire, le style indirect, propre au style narratif. Il a parfois tendance à amplifier l’importance du fait raconté en employant de nombreux adjectifs. Les temps utilisés sont généralement l’imparfait et le passé composé. La voix passive est aussi très présente dans ce type de texte.
L’importance des titres des faits divers
La rédaction du titre est fondamentale. Celui-ci doit être accrocheur, informatif ou incitatif. Il doit aussi contenir une spécificité et être court.
Plusieurs types de phrases ou structures sont possibles dans les titres de faits divers:
- une phrase exclamative: “Halte au travail scolaire inefficace!”.
- une interrogation précise: “Quel est le secret de la réussite scolaire?”.
- une question/ une réponse: “Réussir à l’école? C’est à votre portée”.
- une affirmation/ une explication: “Vous pouvez réussir en français: un guide complet pour les étudiants”.
- un accrochage par le nombre: “10 conseils pour réussir vos études”.
- un néologisme (création d’un mot qui n’existe pas): “Le méthoguide de français”.
- des rimes, des allitérations, des assonances: “Apprendre sans se méprendre”.
- une inversion des mots-clés: “Etudier pour savoir, savoir pour étudier”.
- un paradoxe: “Pour réussir, travaillez moins!”.
- un double sens et des jeux de mots: “Le prof en poche”.
L’utilité d’un fait divers pour les écrivains
Les écrivains ont souvent recours à des faits divers pour trouver leur inspiration. Ce n’est pas un phénomène nouveau.
Gustave Flaubert s’est servi d’une histoire de ce genre pour donner naissance à Madame Bovary. Flaubert s’est donc servi d’un fait divers normand qui avait défrayé la chronique de son époque, l’affaire Delamare, qui a servi de base à son chef-d’oeuvre.
En 1849, Louis Bouilhet et Maxime du Camp conseillent Flaubert pour le guérir de son “romantisme”. Voici en substance ce qu’ils disaient à leur ami: “Prends un sujet terre à terre, un de ces incidents dont la vie bourgeoise est pleine, quelque chose comme La Cousine Bette, comme Le Cousin Pons de Balzac, et astreins-toi à les traiter sur un ton naturel, presque familier”.
La plupart du temps, les auteurs s’emparent d’un fait divers en prétextant l’avoir inventé, jusqu’à parfois trahir la véracité du fait au profit de leur histoire. Nombre de polars ont ainsi transposé des faits divers devenus méconnaissables.
Dans son roman De sang froid, Truman Capote se place en enquêteur, narrant le quadruple meurtre d’une famille du Kansas aux Etats-Unis, en ne se permettant aucun écart d’imagination. Ces meurtres avaient été traités simplement par de simples brèves, qui ont inspiré l’écrivain.
Frédéric Beigbeder s’est servi des attentats du 11 septembre 2001 à New York pour écrire Windows on the world.
Thierry Lenain, dans son livre HB, s’est servi de l’histoire d‘Erick Schmitt, qui a pris en otage une classe de maternelle à Neuilly, comme base de son roman.
Le fait divers reste de la chair à fiction. C’est du pain béni pour un écrivain.
L’écrivaine, Marie Vindy, qui vit à Dijon, raconte comment elle a construit son roman, Justice soit-elle aux Editions Plon en 2017. Elle est chroniqueuse judiciaire pour le journal régional, Le Bien Public. En tant que romancière, son univers est ancré dans les réalités du crime et du faits divers: meurtres, viols, vols, incestes. Marie Vindy se sert des maux de la société et des vices des humains tels qu’elle le vit dans son métier pour les transformer en matière à fiction.
Les quotidiens régionaux regorgent de faits divers qui font un point de départ idéal pour une nouvelle: cela va de l’anodin au croustillant, de l’étonnant à l’extraordinaire, du comique au plus tragique. Les faits divers suscitent toujours la curiosité. Ils alimentent de façon certaine les genres littéraires, comme le policier ou la nouvelle.
Mais, il arrive qu”un fait divers, toujours présent à la une des journaux ou des écrans des chaînes, fait l’objet d’un livre. Ce phénomène est en constante augmentation. Par exemple, l’affaire DSK illustre bien cette situation.
Régis Jauffret est un écrivain fasciné par les faits divers émanant d’hommes célèbres dans divers domaines. Par exemple, en 2010, il publie Sévère, directement inspiré de l’affaire Stern. En 2012, il publie Claustria, en se servant de l’histoire sordide d’une fille séquestrée par son père en Autriche pendant 24 ans, violée par lui et ayant sept enfants de ce type. En 2013, Régis Jauffret publie La Ballade de Rickers Island, directement inspirée de l’affaire DSK à New York.
Il faut avouer que parfois la réalité même dépasse la fiction! Les écrivains ne peuvent pas faire mieux que DSK sur de nombreux registres: psychologie, tragédie, redondissements…
L’article, sur cette femme SDF que Tiffany Tavernier a lu, l’a hantée prendant presque deux ans avant qu’elle ne s’en serve de base pour écrire son roman “Roissy”.
Nous sommes en droit à nous poser des questions:
- que peut apporter un écrivain à une histoire vraie qui contient déjà tous les ressorts romanesques
- dans quels interstices peut-il se glisser?
- quelle est la marge de liberté et d’interprétation de l’écrivain dans des faits connus de tous et maintes fois relatés par la presse?
Il faut être doué d’un certain talent pour romancer un fait divers. Si nous considérons l’affaire d’Outreau. Elle est tellement insensée, tellement incroyable qu’aucun écrivain n’aurait jamais pu l’imaginer telle quelle.
Quand le fait divers est trop médiatisé, l’écrivain n’a, de fait, pratiquement rien à ajouter. Pour créer un lien entre le fait divers et l’écrivain, ce dernier doit ressentir de l’empathie ou trouver une résonance avec sa propre vie.
En guise de conclusion
Le fait divers demeure déprécié parce qu’il traite toujours d’un des aspects les plus sordides et troubles de la vie. Il s’intéresse au crime, à la mort, au morbide, à la misère, bref, à tout ce que l’homme ne regarde qu’avec un certain dégoût, tout en étant fasciné. Le fait divers ne fascine pas seulement pour l’horreur qu’il donne à voir.
Le fait divers, pour tous, c’est le mal, c’est l’évocation de la part monstrueuse de l’homme. il renvoie donc à un certain voyeurisme. Au fond, le fait divers a toujours eu mauvaise presse, mais il fait vendre!
Mais, c’est la vérité du fait divers qui intéresse les écrivains, car, c’est avant tout un fait vrai, ancré dans le réel. L’aspect véridique du fait divers demeure une aubaine pour les auteurs. Ils disposent d’un cadre resserré et puissant. Ils n’ont plus alors qu’à développer les personnages, ajouter des dialogues et des descriptions, en changeant les noms, bien évidemement.
Les faits divers s’il sont manipulés peuvent être terribles …
Très magnifique